Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 4 - Témoignages du 28 avril 2010
OTTAWA, le mercredi 28 avril 2010
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 16 h 16 pour étudier l'accessibilité de l'éducation postsecondaire au Canada.
Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, je déclare la séance ouverte. Soyez les bienvenus à cette réunion du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et la technologie. Nous poursuivons notre étude sur la question de l'accessibilité de l'éducation postsecondaire au Canada. Aujourd'hui, nous allons nous intéresser en particulier aux programmes d'apprentissage, à d'autres programmes d'études techniques postsecondaires et à l'éducation des adultes.
Nous accueillons quatre témoins qui nous aideront dans nos discussions. Nous accueillons également le sénateur Raine, de la Colombie-Britannique, qui se joint au comité aujourd'hui.
Permettez-moi de vous présenter les témoins, et je vais leur demander de présenter leurs exposés dans cet ordre, à moins qu'ils ne proposent autre chose. Nous avons ici Allison Rougeau, directrice exécutive du Forum canadien sur l'apprentissage, un organisme national formé d'intervenants qui s'intéressent à la formation par apprentissage. Il veille principalement à mettre en oeuvre des stratégies d'apprentissage pancanadiennes par l'entremise de la recherche, des échanges et de la collaboration au sein de la communauté de l'apprentissage et à promouvoir l'apprentissage comme un modèle efficace de formation et d'éducation qui contribue au développement d'une main-d'oeuvre qualifiée, productive, inclusive et mobile.
Parmi les grands dossiers qui intéressent le forum, il faut mentionner les obstacles apparents à la formation, les analyses de rentabilisation sur l'apprentissage et l'importance de promouvoir la formation par apprentissage comme méthode utile précieuse et respectée d'éducation postsecondaire. Mme Rougeau est directrice exécutive depuis 2006 et elle a travaillé pendant une vingtaine d'années dans le domaine de l'apprentissage.
Andrew Cochrane est le président sortant de l'Association canadienne pour l'éducation permanente universitaire, une association professionnelle composée de doyens, de directeurs, de membres du personnel administratif supérieur et d'enseignants qui font carrière dans le secteur des programmes d'éducation permanente des universités. Sa mission consiste à accroître la portée et la qualité des possibilités d'éducation pour les adultes en niveau universitaire. Andrew Cochrane est le doyen du College of Continuing Education, à l'Université Dalhousie.
Anne Burns est directrice exécutive de l'Association Nationale des Collèges Carrières, une organisation créée en 1896 et qui sert les établissements de formation professionnelle et leurs étudiants. Il s'agit d'une organisation-cadre pour les associations provinciales de collèges d'enseignement professionnel qui lui sont associées.
Nous entendrons aussi Shaun Thorson, directeur exécutif de Compétences Canada, une organisation nationale sans but lucratif qui encourage les jeunes Canadiens à faire carrière dans les métiers et technologies spécialisés. Créée en 1989, l'organisation est devenue pancanadienne et organise maintenant des compétitions de compétences, de métiers et de technologies aux niveaux régional, territorial, national et international. Elle offre en outre divers programmes de sensibilisation à des milliers de jeunes Canadiens.
Soyez les bienvenus. Je vous demande de limiter vos exposés à un maximum de sept minutes, si vous le pouvez. Nous engagerons ensuite le dialogue avec les membres du comité.
Commençons par Mme Rougeau.
Allison Rougeau, directrice exécutive, Forum canadien sur l'apprentissage : Au nom du conseil d'administration du Forum canadien sur l'apprentissage, FCA, je vous remercie infiniment de nous avoir invités. Pour une organisation comme la nôtre, qui ne cesse de promouvoir la formation par l'apprentissage au niveau postsecondaire, il est particulièrement satisfaisant de faire partie de ce groupe de discussion. Nous sommes très heureux d'être ici.
Notre organisation est financée par le Programme des conseils sectoriels du gouvernement fédéral, mais nous avons aussi d'autres sources de financement dans la communauté canadienne de l'apprentissage.
Comme vous l'avez indiqué dans l'introduction, notre conseil d'administration réunit de nombreux intervenants, qui viennent principalement du monde des affaires et du monde du travail, ainsi que les présidents des commissions d'apprentissage provinciales et territoriales. Le Conseil canadien des directeurs de l'apprentissage, le CCDA, siège également d'office à cette tribune.
D'après les plus récentes statistiques, il y avait en 2007 360 000 apprentis inscrits au Canada. Cela représente une augmentation de plus de 9,3 p. 100 relativement à 2006. Nous progressons, mais nous devons aussi reconnaître que les femmes sont sous-représentées, ce qui n'a rien d'étonnant, et les jeunes Autochtones aussi. Soixante-quatre pour cent des femmes, bien qu'elles soient sous-représentées, exercent des métiers qui relèvent principalement du secteur des services, un secteur où les emplois sont généralement moins bien rémunérés.
Il importe de signaler que les personnes qui exercent des métiers d'apprentis forment l'une des mains-d'oeuvre les plus âgées au Canada, et les départs prochains à la retraite constituent un véritable problème.
La formation par l'apprentissage est un programme de formation principalement offert dans les lieux de travail et qui est donc tributaire de la bonne volonté des employeurs qui offrent ces occasions aux apprentis. Une partie de la formation se déroule dans un centre de formation, généralement un collège communautaire, mais l'expérience primordiale est acquise en milieu de travail. Il faut continuer d'appuyer et d'améliorer les mécanismes qui encouragent les employeurs à trouver offrir des occasions d'apprentissage, car au Canada, moins de 20 p. 100 des employeurs qui seraient en mesure d'offrir de la formation le font.
Nous avons une belle occasion ici. Les employeurs qui participent à des programmes de formation par apprentissage considèrent que cela leur donne un avantage concurrentiel et augmente leur productivité de 29 p. 100.
Divers rapports indiquent qu'en période de ralentissement économique, les apprentis sont souvent les premiers mis à pied. Nombre d'entre eux quittent l'industrie, et c'est une génération perdue d'apprentis malgré l'important investissement qui a déjà été consenti pour leur formation. Nous savons d'expérience qu'il faut généralement de 7 à 10 ans pour ramener les inscriptions au niveau antérieur à la récession.
Au cours de la présente période de reprise économique, cela sera donc plus difficile en raison, comme indiqué précédemment, des caractéristiques démographiques de ce groupe : les travailleurs qui exercent des métiers d'apprentis forment un groupe plus âgé et bon nombre approchent de la retraite.
Notre organisation et diverses autres ont déployé des efforts considérables pour promouvoir les métiers d'apprentis auprès des jeunes. Toutefois, il est difficile de trouver des occasions viables de suivre une formation auprès d'un employeur, et cela provoque souvent des déceptions.
Il faut environ sept mois avant qu'un candidat apprenti trouve un employeur disposé à lui offrir la formation. Malgré tout, les études réalisées par notre organisation au sujet de l'obstacle que semble représenter le coût de la formation ont montré que chaque dollar investi dans la formation par un employeur produisait un rendement moyen de 1,47 $ au bout de quatre ans. Nous savons donc que l'on peut justifier la formation en termes de rentabilité.
Cela vaut tout particulièrement après une période de ralentissement économique, puisqu'il peut y avoir des conséquences pour les jeunes. Les jeunes défavorisés et les jeunes Autochtones sont plus particulièrement à risque, et ce groupe démographique est en expansion. Ses membres manquent parfois d'éducation — en termes d'alphabétisation et d'autres compétences essentielles. Nous savons toutefois qu'une première expérience de travail qui se termine par un échec a de sérieuses conséquences, un effet de scarification, et lorsqu'un jeune défavorisé fait cette expérience de travail négative, ses difficultés socioéconomiques s'aggravent.
La politique générale dans de telles circonstances est souvent de veiller à ce que l'intéressé retourne à l'école et acquiert les habiletés nécessaires pour s'intégrer ultérieurement à la population active. Les études montrent que les membres de ce groupe particulier apprennent mieux et réussissent mieux lorsqu'ils se trouvent dans un contexte directement lié au milieu de travail. Cette caractéristique a des effets considérables en termes de politique pour la formation d'apprentis, car cette formation offre une excellente occasion d'acquérir des habiletés et une expérience de travail.
L'amélioration des mécanismes qui appuient les programmes de transition entre l'école et le travail aurait également des répercussions importantes. Il nous faut construire un pont entre l'école et le travail pour les jeunes, et l'apprentissage a une fonction importante à remplir. Les expériences de formation en milieu de travail sont particulièrement utiles lorsqu'elles débouchent sur une accréditation valable et reconnue — dans le cas du Canada, une carte de compétence et un certificat portant le Sceau rouge.
Il faut toutefois être extrêmement prudent, parce qu'il est essentiel de fournir des appuis à de tels programmes ainsi qu'aux employeurs et aux intéressés en termes de liens entre l'apprentissage et le lieu de travail et que cela ne peut pas se faire isolément. Nous ne pouvons pas placer quelqu'un dans un lieu de travail sans le doter d'abord d'habiletés fondamentales et essentielles. Les employeurs s'y attendent. À notre époque, on ne peut plus se dire que lorsqu'on échoue à l'école on peut toujours se tourner vers les métiers manuels. L'expression « faible compétence » n'est plus de mise.
Il est important de le mentionner, en particulier parce que la technologie progresse rapidement. Il faut être capable d'utiliser les documents, il faut comprendre le coût élevé du matériel utilisé au travail et, plus important encore peut- être, il faut connaître les risques que des compétences insuffisantes et des faiblesses sur les plans linguistique et de la compréhension représentent pour la santé et la sécurité. À titre d'exemple, mentionnons que le niveau d'aptitude en lecture exigé d'un électricien en bâtiment est le niveau 5, soit le même que pour un ingénieur.
Quel que soit le résultat stratégique recherché, il faut assurer la coordination entre le système d'éducation, le marché du travail et les employeurs. Il est important d'envisager des appuis pour les employeurs et les jeunes dans le contexte du travail et de l'apprentissage et non pas isolément les uns des autres.
Cela est particulièrement important pour les Autochtones, qui considèrent qu'un modèle de formation par l'apprentissage semble bien convenir à la communauté autochtone parce que l'apprenti est encadré par un compagnon. L'apprentissage en milieu de travail est appuyé par la communauté autochtone. Souvent, les études révèlent que l'un des obstacles à l'éducation postsecondaire est d'ordre financier et que le coûts constitue un facteur dissuasif pour l'apprenant autochtone. La formation par l'apprentissage donne l'occasion de travailler et d'apprendre ainsi que d'appliquer les compétences ainsi apprises.
Il existe des obstacles de taille à la formation par l'apprentissage, comme M. Thorson vous l'expliquera. Les jeunes hésitent à choisir un carrière dans les métiers en raison de perceptions et d'attitudes négatives. Les parents ne veulent pas encourager les jeunes à choisir un métier parce qu'ils ont l'impression qu'il s'agit d'emplois ingrats et peu spécialisés. En réalité, pourtant, les métiers sont une source de respect, de perspectives d'avenir et d'une rémunération adéquate.
L'absence de ressources est également une préoccupation, en particulier dans les zones rurales et éloignées. Cela décourage les personnes qui ont besoin d'une base économique pour s'intégrer au monde du travail. En région rurale ou éloignée, il est plus difficile de trouver un employeur et un commanditaire, en particulier dans les collectivités autochtones.
De plus, l'absence de compétences de base constitue un obstacle non négligeable. Cela est considéré comme un obstacle; vous avez besoin de ces compétences pour réussir votre formation d'apprentis, et les employeurs ne cessent de le répéter. Les jeunes Autochtones, dont les compétences de base sont généralement plus faibles, se heurtent à ce sérieux obstacle. Notre organisation est fière d'organiser des activités afin de corriger cet état de choses.
Comme ma notice biographique l'indique, je travaille dans le domaine de l'apprentissage depuis une vingtaine d'années, et je n'ai jamais vu une telle contribution de la part du fédéral, des provinces et des territoires depuis quelques années, en termes de programmes d'encouragement et de subventions pour la formation par l'apprentissage. Notre conseil d'administration est convaincu que l'un des problèmes pour les milieux de l'apprentissage vient de l'inquiétude suscitée par le décrochage en cours de programme. Toute mesure qui appuierait l'apprentissage et encouragerait la réalisation complète du programme serait utile.
Le président : Merci beaucoup. Je suis certain que vous auriez encore bien des choses à nous dire, et vous pourrez le faire pendant la période de questions.
Andrew Cochrane, président sortant, Association canadienne pour l'éducation permanente universitaire : Merci, monsieur le président. Moi aussi, je suis très heureux de pouvoir prendre la parole au nom de mon association devant votre comité et ainsi contribuer modestement à vos délibérations sur ce très important sujet.
L'éducation des adultes est définie par Statistique Canada comme tout processus éducatif dans lequel des adultes s'engagent pour compléter ou remplacer l'éducation élémentaire. C'est une définition très vaste.
Les programmes et services qui ciblent les adultes ou les apprenantes permanents sont offerts par tout un éventail d'organisations, ce qui comprend les universités, les collèges, les commissions scolaires, les organisations sans but lucratif, les associations professionnelles, les gouvernements de tous ordres et, évidemment, le secteur privé.
L'éducation permanente universitaire forme un sous-ensemble de l'éducation des adultes, et plus de 50 universités au Canada administrent des programmes modestes ou très grande ampleur qui s'adressent à ce public.
Il y a diverses façons de définir et de décrire l'envergure des programmes offerts à l'apprenant adulte dans le monde universitaire. Les programmes d'accès, par exemple, comprennent la littératie élémentaire, la numératie et l'acquisition des connaissances nécessaires pour être admis à des programmes réguliers qui offrent des crédits. Le cours d'anglais langue seconde, l'ALS, est offert dans tout le Canada à des publics de plus en plus nombreux et il peut mener à des études dans un programme régulier.
La plupart des gens connaissent bien les cours à crédits qui débouchent sur un diplôme, c'est-à-dire les études de premier cycle ou même de deuxième cycle, suivies à temps partiel, à distance, en ligne, en personne ou dans le cadre d'un programme à horaire comprimé ou alternatif. Les crédits qui débouchent sur un certificat ou un diplôme font également partie de la liste. Leur définition varie selon l'établissement, mais il s'agit généralement d'un ensemble de cours axés sur un domaine comme la gestion ou le personnel, ou destinés à un groupe donné, par exemple l'administration des services d'incendie, les administrateurs municipaux, et cetera. En raison de la formule ou de l'horaire de ces cours, ils ne s'accompagnent pas nécessairement de crédits menant à un diplôme.
Il y a l'éducation permanente sans crédit, qui comprend des cours menant à des certificats, des séminaires, des ateliers, l'apprentissage juste-à-temps et un ensemble d'autres expériences d'apprentissage.
Nous offrons en outre des cours de perfectionnement professionnel obligatoires, qui sont généralement donnés dans les facultés professionnelles des établissements — ou par des associations professionnelles dans certaines compétences —, pour veiller à ce que les connaissances des spécialistes, par exemple les dentistes, les médecins ou les avocats, soient à jour. Dans de nombreuses compétences, cette formation est aussi liée au permis d'exercer.
En outre, il existe tout un éventail de programmes d'intérêt personnel, qui vont des programmes d'études suivis en qualité d'auditeur libre à la poursuite d'intérêts purement personnels, que ce soit la photographie, les vins ou l'espagnol de conversation, par exemple.
C'est le financement qui est à la base du problème. Vu la diversité des programmes décrits précédemment, on ne peut pas s'étonner du fait que les formules de financement des programmes d'éducation aux adultes au niveau universitaire soient très variées. Depuis une vingtaine d'années, nous avons connu d'énormes fluctuations — négatives — du financement de l'éducation des adultes au niveau provincial, en particulier en Ontario mais pas seulement dans cette province. Ressources humaines et Développement des compétences Canada, RHDCC — l'ancien Ressources humaines et Développement social Canada — et Service Canada ne cessent de transférer des programmes et des fonds fédéraux vers les ministères provinciaux, et cet argent neuf devrait créer et a effectivement créé certaines possibilités. La Nouvelle-Écosse a été l'une des dernières provinces à participer à ce transfert. Le ministère chargé du perfectionnement de la main-d'oeuvre est en voie de définir les priorités pour ces fonds de programme, et il n'est pas facile d'obtenir de nouveaux fonds de programme. Il est intéressant de constater que lorsque la province ou le fédéral offre des fonds de programme, ce sont les paramètres de financement déterminent généralement les programmes offerts. Si par exemple un prêt étudiant est accordé uniquement pour suivre un cours de 12 semaines à temps plein, les établissements créent des programmes qui offrent des cours de 12 semaines à temps plein. Ce n'est pas par hasard.
Dans différentes compétences, les cibles varient légèrement pour une grande partie du financement gouvernemental disponible. Je travaille dans ce milieu depuis 30 ans et je sais que les cibles n'ont pratiquement pas changé. Cela pourrait bien être l'objet d'une nouvelle étude de votre comité.
Le gouvernement offre des fonds pour commanditer des programmes qui ciblent des publics précis à des fins d'interventions fondées sur des priorités que le gouvernement lui-même définit de temps à autre. Par conséquent, certaines universités ont créé des programmes sur mesure pour répondre aux besoins précis d'un public donné. Certaines universités adoptent une approche similaire à celle du gouvernement et offrent un soutien financier pour répondre à des besoins précis des publics visés. J'utilise un exemple dans mon propre environnement : le Programme de transition d'un an à l'Université Dalhousie. Presque tous ces programmes reposent sur au moins une hypothèse sous- jacente, et c'est un besoin financier.
La formule le plus souvent utilisée pour accorder une aide financière aux apprenants adultes est le parrainage de personnes qui profitent des occasions de perfectionnement professionnel qu'elles ont repérées dans un cadre universitaire. Si les personnes font partie de l'un des groupes cibles du financement gouvernemental, elles peuvent avoir droit à des bourses d'études, et une place leur est effectivement achetée dans un programme. D'autres peuvent être admissibles à des prêts étudiants, selon divers critères qui varient d'une province à l'autre. Ce paysage est de plus en plus diversifié.
Certaines personnes ne sont pas admissibles aux programmes parrainés par le gouvernement ou l'université. La très grande majorité de nos clients sont parrainés par un employeur ou financent leurs propres études. Selon la nature du programme, l'employeur peut appuyer l'apprentissage de son employé en lui accordant des congés payés pour poursuivre les études ou en payant ou en remboursant les frais de scolarité du programme. En général, ce type d'appui crée pour l'employé un avantage imposable — mais ce n'est pas toujours le cas — qui donne également droit à un reçu aux fins d'impôt, et en principe c'est toujours le cas. La question ne manque pas d'intérêt.
Les personnes qui financent elles-mêmes leurs études peuvent avoir droit de participer au Régime d'encouragement à l'éducation permanente, le REEP, ce qui suppose qu'elles ont un régime enregistré d'épargne-retraite dans lequel puiser des fonds, mais ce n'est pas toujours le cas. Cela limite très considérablement les possibilités.
La notion que l'aide fédérale ou provinciale pour les universités aboutit d'une façon quelconque dans les comptes de l'université pour appuyer l'éducation permanente et l'apprentissage des adultes au Canada a moins de validité que jamais. Les services d'éducation permanente sont de plus en plus souvent de petites entreprises en soi au sein de l'université, et ils ne reçoivent que peu sinon pas du tout de financement de l'université. Un des résultats de cette réalité financière est que les services d'éducation permanente sont moins motivés par les besoins sociaux, alors que c'est sous cet angle que la majorité d'entre nous avons commencé; ils sont de plus en plus axés sur le marché.
Je pourrais placer la petite section suivante sous la rubrique « Ce qui va sans dire » — et c'est évidemment relatif. Le gouvernement a fixé des objectifs pour accroître le nombre d'inscrits au niveau postsecondaire. Bien sûr, les apprenants adultes contribuent à l'atteinte de cet objectif. On sait bien et l'on admire le fait que les études universitaires sous- tendent la réussite professionnelle des individus et la réussite économique de la société. Les études universitaires sont une occasion d'acquérir des compétences très prisées par les employeurs. Par le passé, le financement mettait l'accent sur les études de premier cycle à temps plein, suivies par des personnes de 18 à 23 ans et des membres des groupes cibles. C'est ce que nous définissons généralement comme une intervention préalable à l'activité professionnelle. La plupart des apprenants adultes sont déjà intégrés dans le milieu de travail et ils font des études universitaires à temps partiel, pendant qu'ils travaillent et qu'ils contribuent à l'économie.
Selon moi, les participants aux programmes de Dalhousie en sont, en règle générale, au milieu de leur carrière, au milieu de leur vie. Leur hypothèque est à moitié payée, leur famille est à moitié élevée, ils sont au milieu de leur vie. La majorité du financement existant n'est accordé que dans des situations dramatiques, par exemple une période de chômage. Il faut donc adopter une approche réactive plutôt que proactive en matière d'apprentissage.
Des pénuries de compétences sont inévitables, car les baby-boomers s'apprêtent à partir à la retraite. Nous le savons tous; la tempête s'annonce déjà à l'horizon. Le Canada doit encourager l'apprentissage permanent s'il veut demeurer compétitif à long terme.
Je n'ai formulé aucune recommandation ni demande particulière, mais nous présentons quelques remarques et suggestions. Il faudrait mettre au point des encouragements pour stimuler le soutien à l'apprentissage des adultes au niveau universitaire et à tous les niveaux. Il faudrait offrir des subventions aux employeurs pour les encourager à accorder du temps et des possibilités aux employés. Il serait bon de créer des programmes de bourses d'études ou de subventions pour les employés afin de leur permettre de faire des études, et il devrait exister des prêts sans intérêt qui ne nécessitent pas d'avoir un REER pour financer ses études. Et parlons nous aussi d'infrastructure : les services d'éducation permanente des universités pourraient créer une plateforme stable pour s'attaquer à des questions nationales.
Anne Burns, directrice exécutive, Association nationale des Collèges Carrières : Merci d'avoir permis à l'Association nationale des Collèges Carrières, de présenter un exposé à votre comité. Les travaux de votre comité sont essentiels pour le Canada. La capacité de notre pays de croître et de continuer à soutenir la concurrence sur la scène internationale reflétera notre capacité d'aider les Canadiens à se prévaloir d'occasions d'éducation et de formation de qualité.
Ils en auront besoin pour pouvoir relever les défis d'une économie de plus en plus mondialisée. Les collèges d'enseignement professionnel privés dispensent une éducation de qualité aux Canadiens depuis les débuts de la Confédération. De fait, le premier collège d'enseignement professionnel privé a été fondé en 1830. Aujourd'hui, notre association compte plus de 400 membres qui forment annuellement plus de 100 000 étudiants dans un large éventail de carrières dans des domaines comme la santé, les métiers, le multimédia, les techniques du génie, les sciences informatiques, les soins à la petite enfance, l'animation, et cetera. Nous sommes à la fine pointe des efforts déployés par le Canada pour aider les gens à trouver des emplois valables grâce à l'éducation postsecondaire ou aux cours de recyclage.
Certains de nos étudiants, un peu comme ceux qui fréquentent les collèges communautaires et les universités, arrivent de l'école secondaire pour suivre des programmes précis qui leur permettront de trouver de bons emplois. Une forte proportion de nos étudiants envisagent une seconde carrière. Leurs raisons peuvent varier. Ils ont peut-être décidé de retourner aux études pour entreprendre une nouvelle carrière qui correspond mieux à leurs aspirations ou ils sont obligés de se recycler en raison de changements survenus dans l'économie.
De fait, la Stratégie d'aide pour une deuxième carrière en Ontario a certainement stimulé l'intérêt à l'égard de la formation dans cette province. Nous pouvons effectivement aider à recycler les gens parce que nous sommes en mesure de nous adapter aux nouvelles exigences de l'économie. Nous nous adaptons rapidement. Cela permet aux étudiants de trouver de bons emplois stables.
Nos membres travaillent en collaboration avec un certain nombre d'organisations nationales et provinciales pour accréditer les étudiants afin de leur permettre d'exercer dans leur domaine, y compris des programmes d'apprentissage, la formation technique, et cetera.
Les collèges privés d'enseignement professionnel sont fiers d'avoir établi des partenariats avec des organisations gouvernementales en matière de programmes de recyclage. On nous a demandé de collaborer avec le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux pour faciliter le recyclage des travailleurs dans certaines collectivités, en particulier après des vagues de mises à pied ou des fermetures d'usine.
Nous avons aidé le gouvernement du Canada à attirer des étudiants étrangers au Canada. Nous avons participé à des missions commerciales. Nous étions au Village canadien, à la Foire commerciale internationale de Vancouver, il y a quelques années, et l'on nous a demandé de participer à la foire commerciale organisée en parallèle à la réunion des ministres de l'Éducation du Commonwealth, à Halifax.
Si nous sommes en mesure de travailler de concert avec le gouvernement pour offrir de l'instruction et de la formation aux Canadiens, on pourrait croire que le gouvernement n'aura aucune difficulté à nous laisser promouvoir nos services sous sa bannière de l'éducation, appelée Imagine Education au/in Canada. Eh bien, ce n'est pas le cas. Nous ne pouvons pas utiliser cette marque. Nous ne pouvons même pas savoir pourquoi nous ne pouvons pas l'utiliser.
Nous formons et nous instruisons des étudiants canadiens, mais le gouvernement n'accorde pas de permis de travail temporaires aux étudiants étrangers qui sont inscrits dans les collèges privés d'enseignement professionnel. Cela limite notre capacité d'attirer des étudiants et cela augmente les coûts pour tous nos étudiants au Canada. Pourquoi les étudiants étrangers inscrits dans les collèges communautaires et les universités peuvent-ils obtenir de tels permis de travail alors que nos étudiants ne le peuvent pas? Nous n'arrivons pas à obtenir de réponse, mais vous pourriez peut- être en avoir.
Si le gouvernement accepte que nous fournissions des services d'éducation et reconnaît que nous aidons les Canadiens à relever les défis d'une nouvelle économie, pourquoi n'avons-nous pas droit aux mêmes remboursements de TPS que les collèges communautaires et les universités?
Tous ces facteurs ont des effets négatifs sur notre capacité de faciliter l'accès à l'éducation pour un plus grand nombre de Canadiens. Nous voulons participer à un système d'éducation et de formation sans obstacle pour les étudiants canadiens, un système qui leur permettra de soutenir la concurrence et de briller sur la scène internationale.
Nous sommes tout à fait disposés à aider le gouvernement à atteindre ses objectifs en matière d'éducation. Le gouvernement devrait nous aider à améliorer l'accessibilité des programmes dans les collèges d'enseignement professionnel. Il est dans votre intérêt d'attirer le plus grand nombre possible de Canadiens dans nos établissements, pour les aider à atteindre leurs objectifs en matière d'éducation. Il est dans votre intérêt qu'un maximum de Canadiens puissent bénéficier d'une éducation de qualité.
Mesdames et messieurs les sénateurs, nous ne demandons pas de traitement de faveur. Nous demandons que le gouvernement prenne des mesures qui ne coûteront rien mais qui nous permettront d'améliorer l'accessibilité à l'éducation et à la formation dans nos établissements. Nous sommes impatients de lire les recommandations que vous formulerez dans votre rapport pour traiter de ces deux questions.
Shaun Thorson, directeur exécutif, Compétences Canada : Je remercie le comité de nous donner l'occasion de lui exposer nos points de vue sur cet important sujet. Notre organisation nationale et tous nos membres provinciaux vous sont reconnaissants de nous avoir invités.
Je vais commencer par traiter de l'un des grands défis auxquels nous sommes confrontés pour attirer des jeunes dans les métiers spécialisés et la technologie, c'est-à-dire les impressions négatives au sujet des occasions qu'offrent ces professions.
Entre 2004 et 2006, Compétences Canada et le Forum canadien sur l'apprentissage ont réalisé pour examiner l'image de certaines de ces professions. L'une des statistiques intéressantes dégagées par cette étude était que 69 p. 100 des parents, quand on leur demandait s'ils croyaient que les métiers et la technologie offraient des carrières intéressantes et s'ils encourageaient leurs fils ou leurs filles à s'engager dans ces carrières, ont indiqué qu'ils le faisaient. Toutefois, lorsqu'on demandait aux enfants de ces parents si leurs parents les avaient effectivement encouragés à envisager de telles carrières, le pourcentage tombait à 28 p. 100. De toute évidence, quelque chose cloche. Il nous faut diffuser un message approprié et faire connaître ces possibilités aux étudiants.
Je veux parler un peu de notre organisation et de certaines de nos initiatives et de nos activités. Nous sommes une organisation nationale qui a été créée en 1998, mais nous avions déjà bureaux dans quelques provinces ou territoires en 1989. Nous avons maintenant des bureaux dans tout le pays, dans les 10 provinces et les 3 territoires. Compétences Canada est membre de WorldSkills International.
Notre but est de promouvoir auprès des jeunes Canadiens les carrières dans les métiers et technologies spécialisés, parce que nous voulons faire mieux connaître ces possibilités, en particulier dans les domaines des métiers et de la technologie. Nous y arrivons grâce à un certain nombre d'activités qui commencent à l'école primaire et se poursuivent aux niveaux secondaire et postsecondaire.
Les activités de découverte d'habiletés, par exemple les courses de bateaux en carton et les concours de construction de maquettes d'éolienne, donnent aux étudiants l'occasion de résoudre des problèmes, de travailler en équipe, de réfléchir concrètement et d'acquérir certaines compétences de base considérées comme essentielles à la réussite.
Les camps d'acquisition de compétences sont très semblables aux camps d'été, et nous y amenons des jeunes pour qu'ils écoutent des exposés et participent à des défis concrets sous la direction de professionnels de l'industrie, de personnes qui ont de grandes compétences techniques et qui peuvent expliquer brièvement en quoi consistent les carrières du secteur des métiers et de la technologie. Cela peut parfois faire naître une vocation chez des jeunes qui voudront fouiller un peu et envisager une carrière dans les métiers et la technologie.
Nous organisons des activités professionnelles pour les Premières nations, des colloques sur les compétences pour les jeunes femmes, des démonstrations interactives où l'on peut se faire une idée plus concrète d'un métier ou d'une technologie, et nous avons aussi des clubs de compétences. Nous sommes sans doute surtout connus pour nos concours de compétences, et je parlerai de deux ou trois de ces activités un peu plus en détail.
Les secteurs que nous ciblons surtout sont le bâtiment, la technologie de l'information et des communications, la fabrication, les services, le secteur des transports, et le leadership. Évidemment, le leadership est un important élément de tous ces autres secteurs que je viens de nommer.
Je veux parler un peu des concours. Toutes nos activités sont axées sur quelque chose de très interactif, une expérience vraiment concrète, et nous espérons ainsi faire faire découvrir des choses que les jeunes retiendront. Ils se souviendront de cette activité, des sensations, des sons et des odeurs qui accompagnaient l'activité. Ce souvenir leur restera. Nous espérons qu'ils seront ainsi encouragés à se lancer dans une carrière de ce genre.
Environ 100 000 jeunes participent à nos concours chaque année, dans environ 40 domaines de compétition distincts. Cela commence à l'école, il peut s'agir d'un projet de conception d'une cabine mécanique, au niveau de l'école. Il y aura ensuite un concours à l'échelle de la commission scolaire, puis au niveau provincial et enfin au niveau national. Tous les deux ans, le Canada envoie une équipe de jeunes nous représenter à des concours internationaux.
Récemment, le Canada a été l'hôte du concours WorldSkills 2009, à Calgary. Nous avons accueilli des participants de 53 pays qui étaient inscrits dans 45 domaines de compétition. Nous avons envahi le Stampede Park, où nous occupions une superficie de 800 000 pieds carrés. Environ 151 000 personnes sont venues sur une période de quatre jours. L'activité permettait aux gens qui connaissaient peut-être mal les métiers et les carrières en technologie de se familiariser avec la complexité de ces carrières et nous avons aussi pu mesurer le Canada en fonction de normes mondiales dans certains de ces secteurs.
Nous venons aussi de lancer des démonstrations Try-a-Trade et Try-a-Technology, qui permettent d'essayer concrètement un métier ou une technologie. Nos concours sont menés suivant la formule du congrès, et les médias et le public peuvent venir constater ce que nous faisons lors de ces compétitions. Toutefois, nous voulons aussi donner à ces visiteurs qui viennent sur les lieux des compétitions une activité qu'ils peuvent mener et qui leur permet de mieux comprendre ces professions.
Nos démonstrations de métier et de technologie offrent aux visiteurs la possibilité de construire un mur de brique, de fabriquer un circuit imprimé, de teindre les cheveux de quelqu'un ou de préparer de la pâte à pain. Il y a de multiples possibilités; notre éventail est très large. Vous seriez étonnés des commentaires que font les personnes qui étaient convaincues que ces professions étaient faciles avant d'essayer de les exercer. Après avoir essayé de construire un mur de brique bien droit, elles constatent que c'est bien plus compliqué qu'il n'y paraît. C'est une belle activité pour les visiteurs.
Les clubs de compétences sont également de plus en plus populaires auprès de certaines de nos organisations dans les territoires, en particulier dans les collectivités du Nord. Dans les régions où le système d'éducation n'est pas aussi officiel, notre organisation a commencé à créer des clubs de compétences. Ce sont des activités interactives, concrètes, qui font appel au savoir-faire des spécialistes techniques dans les collectivités. Cela leur donne la possibilité de diffuser ces connaissances dans des régions éloignées, pour promouvoir les carrières dans les métiers et la technologie et pour tenter de répondre aux besoins de la collectivité. La collectivité a peut-être besoin de coiffeurs ou d'opérateurs de dispositifs à commande numérique contrôlés par ordinateur — des machinistes ou des soudeurs. Quelle que soit la demande, les clubs offrent l'occasion de dispenser ce type d'instruction.
Nos programmes fonctionnent parce qu'ils sont exécutés en partenariats, ils sont axés sur les personnes et les organisations aux niveaux national, provincial et territorial. Nous faisons venir des gens qui sont parfaitement capables de mettre sur pied des programmes efficaces qui répondent aux exigences des employeurs et de l'industrie mais qui sont aussi du niveau éducatif voulu.
Les éléments interactifs sont importants. Comme je l'ai dit, l'expérience sensorielle est la clé de toutes nos activités. Nous voulons offrir des activités concrètes, des choses qui assurent une expérience vraiment spéciale à nos participants. Il faut aussi que les programmes soient pertinents, qu'ils répondent aux besoins de l'industrie et qu'ils soient offerts au niveau d'éducation approprié.
Nous croyons que nos programmes sont attrayants pour les jeunes parce qu'ils y trouvent une expérience concrète, ils travaillent avec des spécialistes, ils acquièrent une expérience pratique, ils posent des questions, ils reçoivent une rétroaction qui leur indique comment ils peuvent s'améliorer et faire de nouvelles expériences. Ils se font aussi de nouveaux amis et ils rencontrent des représentants de l'industrie. La réalisation de ces activités exige un travail d'équipe et il faut régler de nombreux problèmes. Lorsque vous menez des activités pratiques, vous obtenez des résultats concrets. Les jeunes peuvent voir ce qu'ils ont accompli, et souvent ils peuvent le rapporter chez eux et le montrer à leurs parents, ce qui a également énormément d'impact.
En termes d'avantages, nous constatons un regain de fierté et de confiance chez les jeunes qui ont participé à nos programmes. Ils ont pu établir des contacts avec des représentants de l'industrie et dans les milieux de l'enseignement professionnel. Ils se créent un groupe de camarades parce que maintenant ils ne sont plus les seuls à s'intéresser aux circuits imprimés, à la construction d'une niche ou d'une cabane au fond de la cour. Ils peuvent constater que d'autres ont les mêmes intérêts et ils nouent des relations solides avec d'autres membres de ce groupe.
Nos activités portent sur l'acquisition de compétences de base, et c'est là le secret. Ces activités ont également un aspect social et culturel. Pour nombre de participants, il faut sortir de la collectivité, prendre un avion et aller en ville pour la première fois. C'est une expérience inoubliable.
Nous avons formulé quelques recommandations que nous demandons au comité d'examiner. Nous aimerions pouvoir faire connaître un large éventail de carrières, y compris les métiers d'apprenti et les professions techniques, les occasions d'apprentissage expérientiel et l'approche pratique pour initier les jeunes aux occasions que leur proposent les métiers et la technologie. Il faut accorder autant d'importance aux métiers spécialisés et à la formation technique qu'à la filière générale.
Deux ou trois de ces recommandations visent les collectivités rurales et éloignées : il serait utile d'offrir des programmes ou des activités de transition entre le secondaire et le postsecondaire, et peut-être aussi d'envisager la création de services de formation mobiles. Plutôt que de demander aux jeunes de venir et de suivre une formation, essayons de leur amener la formation dans leurs collectivités éloignées.
Le président : Je vous remercie, tous les quatre, de ces commentaires préliminaires.
J'ai une question à poser à M. Cochrane et une autre pour Mme Rougeau, mais nos deux autres témoins peuvent aussi intervenir et répondre à ces deux questions.
La question que je vous pose, monsieur Cochrane, se rapporte aux étudiants adultes. Des données récentes montrent que chez le groupe des 25 à 64 ans la demande d'occasions d'instruction et de formation est forte. Toutefois, nombre des membres de ce groupe affirment qu'ils ont de la difficulté à trouver des programmes éducatifs. Pour expliquer cette situation, ils mentionnent les responsabilités familiales, la nécessité de coordonner l'éducation et le travail et, parfois, le fait que leur employeur ne les appuie pas beaucoup.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de ces obstacles et d'autres, également, que vous voyez comme les principales entraves pour les étudiants adultes.
Que pensez-vous que le gouvernement fédéral peut faire à ce sujet? Croyez-vous, notamment, que le gouvernement fédéral devrait offrir une aide financière aux étudiants adultes?
M. Cochrane : Je vais répondre de mon mieux. Comme je l'ai dit dans mon introduction, la grande majorité des gens que nous aidons dans nos collèges en sont au milieu de leur vie, à mi-carrière, et cetera. Les obstacles sont nombreux : équilibrer la vie familiale, la collectivité, le travail, tout en cherchant à améliorer ses connaissances. Simplement en termes de temps, cela est difficile, et je ne parle pas du fardeau et des conséquences sur le plan financier.
Certaines questions sont financières, et je sais que c'est vraiment pour cela que nous sommes ici. Certaines raisons sont en outre structurelles. Vous avez bien des choix. Je vous en propose un exemple tout simple : un employeur peut envisager de rembourser ou de financer l'éducation dans un contexte universitaire — je ne peux pas vraiment parler avec assurance des autres cadres. Ils peuvent le faire si la personne accumule des crédits en vue d'obtenir un diplôme, parce qu'un diplôme a un certain attrait, une valeur.
Cela n'est pas nécessairement réaliste, pratique ou souhaitable de bien des points de vue, ni même important pour l'employeur, au bout du compte, pas autant que d'autres occasions d'apprentissage pourraient l'être. La majorité des établissements d'enseignement postsecondaire ont une idée relativement figée de ce qu'est l'éducation. L'essentiel consiste à accumuler des crédits en vue d'obtenir un diplôme, un certificat, un deuxième diplôme.
L'éducation permanente n'est pas une entreprise où tout est « noir ou blanc ». Nombre de mes collègues dans tout le pays travaillent pour offrir des services de formation permanente qui donnent des crédits aux apprenants adultes et aux membres de divers groupes cibles. Dans de nombreux établissements, la filière des crédits est réservée aux facultés, et l'éducation permanente oeuvre essentiellement en dehors du système des crédits. La situation peut donc beaucoup varier.
Pour ce qui est du financement, si les besoins des clients étaient plus cohérents et similaires, il serait plus facile de répondre à la question. Je n'essaie pas d'éviter votre question, mais la réponse variera selon que quelqu'un a un intérêt et juge utile d'obtenir un diplôme en bonne et due forme ou qu'il veut plutôt une formation qui lui permettra de passer au niveau supérieur dans la structure de son entreprise. Il lui faut peut-être simplement comprendre comment les livres sont tenus, ce qui ne nécessite pas toujours un vrai cours de comptabilité. Il suffit peut-être de suivre une série d'ateliers pour acquérir les compétences voulues.
La plupart des dispositions de financement, même les crédits d'impôt que les étudiants reçoivent, mettent l'accent sur les programmes qui permettent d'accumuler des crédits. Les choses évoluent cependant. Les études fondées sur les crédits sont ce que j'appelle en général l'approche universelle : les universités possèdent les connaissances; si vous voulez apprendre, vous venez à nous et nous vous les enseignerons. L'enseignement est dispensé pendant des périodes étalées sur 12 semaines, ce qui n'est pas toujours pratique si vous avez aussi une vie communautaire, familiale et professionnelle. Dans ma région du monde, les gens sont souvent très mobiles. Il y a beaucoup de militaires qui vont et qui viennent, et il ne leur est pas facile de s'engager dans une filière d'activités éducatives régulières. En conséquence, divers établissements ont tenté de modifier leur formule. Ils ont comprimé les horaires de divers cours et offrent tout l'éventail des activités que permet l'éducation permanente. Mais ces activités ne sont pas toujours financées, cela dépend de l'employeur.
Le président : Madame Rougeau, nous avons un tableau qui montre que le nombre d'inscriptions pour la formation par apprentissage en 2007 s'élevait à 358 555; pourtant, il n'y en a que 24 495 qui ont terminé les programmes. Cette tendance se maintient depuis un certain nombre d'années déjà. Pouvez-vous nous expliquer ce vaste écart entre ceux qui s'inscrivent à une formation par l'apprentissage et ceux qui terminent la formation?
Mme Rougeau : Premièrement, il faut savoir que chaque compétence est chargée de comptabiliser les inscriptions et les taux d'achèvement, et que parfois les définitions créent des difficultés. Nous n'allons pas ergoter au sujet des pourcentages, les taux de succès sont effectivement faibles. Cela s'explique par une combinaison de facteurs.
Notre organisation et d'autres organisations se sont penchées sur ce phénomène dans tout le pays. Disons d'abord que le programme de formation en milieu de travail s'inscrit dans un cycle économique. Quand les affaires vont rondement, les employeurs ne veulent pas libérer les apprentis, et les apprentis ne veulent pas être libérés pour effectuer la partie scolaire de leur formation, qui est pourtant une condition de réussite du programme. Il faut effectuer un nombre X d'heures de formation en cours d'emploi et un nombre X d'heures de formation en classe. Lorsque l'économie chauffait, comme c'était le cas il n'y a pas si longtemps en Colombie-Britannique et en Alberta, les apprentis ne voulaient pas aller à l'école et les employeurs hésitaient à les laisser partir parce qu'ils en avaient besoin dans leurs installations. En période de ralentissement économique, les apprentis sont les premiers touchés; ils sont souvent mis à pied. En conséquence, s'ils ne sont pas inscrits au programme, au travail ou à l'école, ils abandonnent souvent. Ils peuvent demeurer dans le système; ils peuvent travailler, mais ils ne terminent pas le programme. Je dis que c'est une génération perdue.
Souvent, une personne qui suit un programme de formation par l'apprentissage travaille dans un environnement plus concret. Le volet scolaire du programme est mesuré dans un contexte scolaire, et la réussite est mesurée d'une seule façon à l'heure actuelle, c'est-à-dire par un examen en classe, qui se déroule lui aussi dans un contexte scolaire. Des discussions avec les apprentis nous apprennent qu'ils ont peur de passer un examen dans ce contexte. C'est pour cette raison qu'ils ont choisi un métier pratique, au départ.
Divers facteurs entrent en jeu, mais le cycle économique intervient certainement. L'autre question que les apprentis mentionnent est la nécessité d'un encadrement solide au travail. Tous les compagnons d'apprentissage ne sont pas nécessairement des pédagogues. Souvent, vous apprenez parce que la personne vous montre comment faire. Dans les milieux de l'apprentissage, on discute souvent des appuis nécessaires à cet encadrement, qu'il s'agisse d'offrir des outils ou des encouragements aux compagnons d'apprentissage pour qu'ils aident les apprentis dans un contexte de formation. Ce sont là les trois réponses qui me viennent immédiatement à l'esprit.
M. Thorson : Je veux confirmer cette notion, au sujet de la reconnaissance du travail et des compétences. Si quelqu'un participe à un programme d'apprentissage ou qu'il a terminé son apprentissage et est devenu compagnon, nous essayons d'envisager sa progression professionnelle. Nous ne parlons pas seulement d'une profession que le jeune pense exercer pendant 35 ans, la profession de menuisier, par exemple. Il n'y a rien de mal à cela, si c'est ce que vous voulez faire. Toutefois, bien des jeunes se demandent comment cela peut les mener à une carrière intéressante. Est-ce qu'ils pourront un jour devenir préposé aux devis, superviseur ou chef de projet sur un chantier? C'est pour cela qu'il faut reconnaître les certificats et les utiliser pour permettre aux gens de suivre quelques autres cours pour pouvoir changer de poste dans leur entreprise.
Mme Burns : Je veux appuyer ce que M. Thorson a dit au sujet de cette capacité d'arriver à un niveau précis et de pouvoir progresser. Certes, la question du financement ne disparaîtra pas. Dans une enquête nationale récemment réalisée après des collèges d'enseignement professionnel en collaboration avec RHDCC et la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire, 39 p. 100 de nos étudiants vivent dans un ménage dont le revenu est inférieur à 20 000 $, et 53 p. 100 dans un ménage dont le revenu est inférieur à 40 000 $. Le besoin est criant, et il y a aussi cette difficulté qui a été reconnue dans une étude — je ne me souviens plus qui a produit cette étude — qui concluait que les personnes à faible revenu surestimaient souvent les coûts de l'éducation postsecondaire ce qui, en soi, devient un obstacle.
Le sénateur Ogilvie : Ma première question s'adresse à Mme Burns, et ma seconde, à Mme Rougeau et à M. Thorson. Je ne veux pas avoir l'air d'ignorer M. Cochrane, mais je connais assez bien son domaine et certains de ses commentaires reflètent ce que je vais demander aux autres secteurs.
Madame Burns, vous avez parlé de certains défis auxquels les collèges d'enseignement professionnel sont confrontés. Vous avez à juste titre signalé le long passé de ces établissements au Canada. Au fil des ans, ils ont connu d'immenses succès et leur contribution a été importante, mais ils se sont aussi développé en général différemment de ce que l'on appelle le secteur universitaire. Vous menez vos activités plutôt en fonction du secteur privé. Tout comme les universités sont étroitement liées au trésor public, vous entretenez des liens étroits avec le secteur privé.
Au cours des 25 dernières années, les collèges d'enseignement professionnel n'ont pas hésité à s'engager dans les nouveaux secteurs qui semblaient prometteurs, par exemple la technologie de l'information, la formation des pilotes et les affaires, pour n'en nommer que trois. Toutefois, nous avons assisté à quelques échecs et à des déceptions spectaculaires pour les étudiants qui s'étaient inscrits.
Est-ce que vous pensez qu'il serait utile d'adopter un processus qui donnerait à la société plus de confiance dans la stabilité dans ces nouveaux secteurs? Nous avons vu à quel point la popularité des collèges d'enseignement professionnel augmente lorsqu'ils s'engagent dans ces nouveaux secteurs. Évidemment, il y a de belles perspectives et un grand besoin, mais lorsque de tels échecs surviennent, ils ébranlent la confiance des étudiants éventuels. Je ne veux pas dire que c'est le cas de tous les collèges d'enseignement professionnel, mais cela a eu des effets très marqués dans un certain nombre de collectivités.
Mme Burns : Oui, je comprends ce que vous dites. Nous nous inquiétons aussi de ces cas.
Nous avons fermement appuyé les normes de formation professionnelle. Nous avons participé à ces activités depuis les débuts. Le seul et unique mandat de l'ANCC était d'offrir un programme normalisé et de tester les étudiants pour contrôler la qualité. Nous avons collaboré avec le ministère ontarien de la Formation et des Collèges et Universités relativement au cadre de classification des titres de compétences. Nous appuyons fermement ce qui se passe, parce que cela repose sur les résultats d'apprentissage et non pas sur la durée des programmes. On nous dit que cela permettra le genre de progression étape par étape que certains aimeraient suivre pour finir par obtenir un diplôme d'études supérieures.
L'une de nos réussites est le Programme de formation des préposés aux soins personnels, que nous offrons maintenant dans d'autres provinces que l'Ontario. Jusqu'à maintenant, depuis que nous offrons un examen pour tester la partie théorique du programme, depuis 1998 donc, 40 000 étudiants sont sortis des collèges qui ont adhéré à l'entente et offrent le programme conformément à nos normes et lignes directrices — pas nécessairement à celles du ministère, mais aux nôtres. De fait, lorsque nous visitons les écoles, nous constatons que des mesures d'assurance de la qualité sont en place pour nos programmes, nous les vérifions et nous veillons à ce que nos lignes directrices soient respectées. Nous avons entériné le processus d'accréditation établi par la Commission canadienne d'accréditation des établissements d'enseignement et de formation parce que nous le considérons comme le plus apte à évaluer les qualités dans le secteur des collèges privés d'enseignement professionnel.
Le sénateur Ogilvie : Merci. J'aimerais bien aborder la question de la stabilité et de la sécurité financières des collèges d'enseignement professionnel, mais cela risque de nous entraîner dans une autre discussion. Je n'ai pas le temps de faire cela.
Je veux maintenant traiter d'une question que j'ai toujours observée dans le secteur de l'éducation. Je constate que la société canadienne accorde beaucoup moins de valeur à l'expérience acquise dans les écoles de métiers et techniques ou dans les programmes d'apprentissage qu'aux programmes qui mène à un diplôme. M. Cochrane en a parlé indirectement lorsqu'il a dit que même les employeurs voulaient que la formation aboutisse à un diplôme, ce qui n'est pas nécessairement dans l'intérêt de l'employé ni de l'employeur, à long terme.
J'ai eu l'occasion de participer à un exercice d'analyse comparative en Europe, il y a une dizaine d'années, pour les métiers techniques de l'industrie de l'automobile. En Allemagne, en Autriche et en Suisse, en particulier, les organisations sont impressionnantes. Les familles préfèrent que leurs enfants s'inscrivent à ces programmes plutôt que de fréquenter l'université. Leur problème, c'est d'aider ceux qui suivent ces programmes à ensuite faire la transition, pour obtenir peut-être un diplôme de génie, après avoir accumulé de l'expérience.
J'ai ensuite examiné notre situation ici, au Canada. Je constate une différence énorme, qui explique que nous ne pouvons pas automatiquement appliquer l'expérience étrangère, et c'est l'immensité de notre pays et la faible densité de notre population. Ce facteur touche non seulement les personnes mais aussi les industries. Vous avez parlé de questions précises. Vous avez donné l'exemple des compétitions. Elles ont remporté un immense succès. Toutefois, il s'agit de savoir comment nous pouvons rejoindre aussi bien l'étudiant que l'employeur et rapprocher les deux groupes dans ce domaine, dans un pays aussi vaste que le nôtre. Il nous faut un modèle distinct. Comment pouvez-vous nous aider à trouver des moyens de vous aider à combler ce besoin?
Mme Rougeau : Si seulement il y avait une solution miracle! C'est précisément ce que notre conseil veut faire. Nous venons de réviser notre plan stratégique, et la mobilisation de l'employeur est la priorité absolue du conseil. Cela englobe non seulement la capacité d'influencer les employeurs, telle que nous la concevons, mais aussi la capacité d'influencer ceux qui influencent les employeurs, notamment les associations.
Nous avons eu récemment l'occasion de travailler auprès de deux ou trois associations d'employeurs qui établissaient la planification stratégique de leurs organisations, pour leur expliquer le caractère essentiel de l'apprentissage. Nos études indiquent que pour stimuler l'adhésion des employeurs à l'égard de la formation, il faut présenter des analyses de rentabilisation. C'est bien joli, les encouragements, mais il faut aussi expliquer pourquoi il est logique, sur le plan commercial, et pourquoi cela donne un avantage concurrentiel que d'offrir aux employés qui suivent une formation des occasions de partager leur expérience et d'essayer d'influencer ceux qui n'en suivent pas. Il faut faire comprendre que cela est important et que c'est une question de rentabilité. C'est pour cette raison que nous avons réalisé notre étude sur le rendement de l'investissement en formation. Il s'agissait d'une étude importante, et elle est reprise ailleurs dans le monde.
Nous examinons aussi ce que d'autres organisations et d'autres pays sont en train de faire. Le problème n'est pas propre au Canada. Même si les employeurs peuvent réussir à régler leurs problèmes de pénurie de main-d'oeuvre grâce à l'immigration et d'autres façons, il ne peut pas y avoir que ces solutions. Nous communiquons ces messages à l'industrie.
L'un des grands défis vient du fait que pour les métiers spécialisés ou qui s'acquièrent par l'apprentissage les employeurs sont surtout de petites entreprises et qu'il est difficile de rejoindre les petites entreprises. Elles n'ont pas d'infrastructure de gestion des ressources humaines. Elles ne sont pas tournées vers l'avenir; elles sont solidement ancrées dans le présent. Nous entamons maintenant des discussions avec des organisations qui travaillent avec les petites entreprises afin d'essayer de comprendre ce qui les accrocherait et ce qui donnerait de bons résultats pour les petites entreprises, pour les aider à développer une culture de formation. Elles n'ont pas de ressources. Je n'ai pas de réponse à vous offrir, mais nous y travaillons.
M. Thorson : Pour vous répondre, je dirais que selon moi il n'y a pas une solution unique à ce problème. Nous essayons de créer des occasions de rapprocher les employeurs et les éducateurs pour cerner les besoins dans des communautés précises. J'ai parlé de l'approche des clubs de compétences. Avec nos bureaux, partout au pays, dans toutes les provinces et tous les territoires, nous élaborons des programmes précisément pour répondre aux besoins de ces collectivités.
Pour l'élaboration des programmes que nous exécutons, nous faisons appel à l'industrie. Nous lui demandons de participer à la discussion et de nous fournir de l'information pour nous indiquer si nous sommes sur la bonne voie pour un programme donné et si nous tenons compte des éléments clés qui feront que ces personnes seront aptes à l'emploi après avoir participé à cette activité. C'est un immense défi. Nous essayons de créer un maximum de possibilités au niveau communautaire, où nous pouvons encourager la population locale à réseauter et à discuter de certaines de ces questions. Je crois que c'est un élément de solution.
Mme Rougeau a mentionné la petite et moyenne entreprise. Ce sont probablement les industries qui souffrent le plus des pénuries de compétences, initialement. Les grandes entreprises ont souvent de meilleurs régimes d'avantages sociaux et de rémunération pour les travailleurs. Le premier groupe qui se ressent des pénuries de main-d'oeuvre spécialisée est celui des petites et moyennes entreprises.
Il est difficile d'inciter ces gens à participer aux activités parce que ce sont de petites entreprises, de petites organisations, et elles essaient de concentrer leurs efforts sur leurs activités de base. Nous commençons à diffuser notre message, à faire savoir qu'il y a des occasions pour elles d'influer sur ce qui se passe dans le système d'éducation et sur l'évolution de leurs collectivités.
Le président : Nous devons continuer, mais si vous avez d'autres réponses à nous fournir, vous pourriez peut-être les ajouter pendant la prochaine série de questions. Je donne maintenant la parole au sénateur Keon, qui est depuis des années vice-président émérite de notre comité. Il est de l'Ontario.
Le sénateur Keon : Vous êtes trop aimable. Je prends ma retraite la semaine prochaine.
Je vous remercie de ces exposés. Ils étaient passionnants.
Cet après-midi, nous avons eu une longue discussion au Sénat au sujet des pourcentages d'hommes et de femmes dans divers segments de la société. Il s'avère que le pourcentage de jeunes femmes est beaucoup plus élevé dans les milieux universitaires traditionnels. J'ai été fascinée, madame Rougeau, lorsque vous avez dit que c'était le contraire pour vous. Brièvement, car mon autre question demande une réponse longue, est-ce que c'est l'expérience que vous avez tous? Est-ce qu'il y a plus d'hommes que de femmes dans vos systèmes d'éducation et de formation?
M. Thorson : Oui. Nous constatons effectivement que dans ce que l'on pourrait considérer comme les métiers traditionnels le pourcentage d'hommes est toujours supérieur au pourcentage de femmes.
Mme Rougeau : Je fais écho à cette réponse; oui.
M. Cochrane : C'est l'inverse dans le secteur universitaire de l'éducation postsecondaire. Il y a eu une percée importante il y a quelques années — j'espère que vous n'en étiez pas responsables. Il y a eu une percée; c'est-à-dire qu'on s'est demandé où étaient les filles dans les domaines des sciences, de la technologie et du génie. D'importants efforts ont été investis dans les systèmes scolaires pour encourager, encadrer et inspirer les jeunes femmes pour qu'elles envisagent les carrières scientifiques. Cela a été très efficace. Elles sont certainement devenues l'élément dominant de notre population.
Mme Burns : J'aimerais parler des femmes dans les métiers. Je sais que l'un de nos collèges, à Terre-Neuve, a participé à un projet pour encourager les jeunes filles de 10 à 12 ans à venir réaliser un projet qui consistait à construire de petites voitures. Elles ont participé à une course et elles ont pris des photos et toutes étaient émerveillées par les karts qu'elles avaient construits. Cela peut sembler modeste comme projet, mais je crois que ce genre de projets donne vraiment des résultats et font réfléchir les gens, ils leur montrent les choses sous un autre angle. On a l'impression qu'on peut y arriver.
J'ai trouvé l'idée fabuleuse. Je ne sais pas si c'était organisé par Compétences Canada ou non, mais c'était fabuleux.
Le sénateur Keon : Est-ce que vous avez une hypothèse à nous proposer pour expliquer cet état de choses dans le domaine des métiers?
Mme Rougeau : Par le passé, vous étiez confronté au même problème dans le domaine des sciences et des technologies. Les jeunes femmes ont très peu de modèles auxquels s'identifier dans les métiers. Les attitudes négatives sont exacerbées pour les femmes. Ces métiers sont perçus comme des emplois ingrats. Pourtant, les femmes qui travaillent dans le secteur des métiers ont des expériences très positives. Les employeurs qui travaillent avec des femmes dans les métiers ont également des expériences positives, parce qu'en milieu de travail, elles appliquent un ensemble de compétences et d'expériences distinct.
On peut donc dire que les principales raisons sont l'absence de modèles et le fait que les jeunes femmes ne se voient pas exercer un métier et n'ont pas d'occasion de mentorat.
Le sénateur Keon : Vos organisations, les universités, les collèges et les établissements d'enseignement traditionnel contribuent tous à former la main-d'oeuvre, n'est-ce pas?
Quelles relations entretenez-vous avec les milieux d'enseignement traditionnel pour avoir une bonne idée de la situation?
M. Cochrane : Je ne peux pas parler d'un point de vue national à ce sujet, mais je connais assez bien la situation en Nouvelle-Écosse. Il y a au moins une personne ici qui a plus de connaissances que moi.
En Nouvelle-Écosse, il y a déjà quelques années, le système des écoles de métiers remontait aux années 1960, 1970, et cetera. Cette organisation a été transformée et intégrée dans ce que l'on appelait autrefois le modèle des collèges communautaires dans l'ensemble du pays. Il offre encore de la formation dans certains métiers, mais sa mission est différente et plus vaste. Même si je n'ai jamais vu le mandat du Collège communautaire de la Nouvelle-Écosse, on semble vouloir y faire exactement ce que vous proposez, c'est-à-dire commencer à établir des liens. Le système devient alors plus linéaire et non pas dispersé, comme il l'était autrefois.
Je sais que les universités de la Nouvelle-Écosse et d'ailleurs ont des liens avec le système des collèges communautaires et le système universitaire, et que les étudiants peuvent suivre des programmes d'un an ou deux qui mènent à un diplôme. Le sénateur Ogilvie mentionnait l'immensité du territoire. Les étudiants peuvent être en mesure de faire un an ou deux au collège communautaire qui se trouve dans leur collectivité ou à proximité avant de poursuivre leurs études dans une université quelque part pour obtenir leur diplôme.
Je crois que ces liens sont en train de s'établir, et les consommateurs, le public que nous servons, sont beaucoup plus exigeants que par le passé. En fin de compte, ce sont eux qui vont amener le changement.
Mme Rougeau : Le Canada offre quelques exemples. Je pense notamment à l'Université Royal Roads. Là-bas, on examine les programmes de métiers et on les compare et on met au point des mécanismes pour les relier à d'autres formes d'enseignement postsecondaire d'une façon qui permet de reconnaître l'apprentissage préalable des intéressés qui ont une carte de compétence. Cela est précieux et important. D'autres pays, d'après ce que je sais, sont beaucoup plus efficaces que nous, au Canada.
Il est important de s'attaquer au problème du taux de réussite, ainsi que — et je reviens au commentaire de M. Thorson — à la question de la progression professionnelle et du ralentissement économique pour les travailleurs en transition. Il est essentiel que les gens sachent que les étapes à suivre pour passer au niveau suivant d'éducation postsecondaire sont moins exigeantes que de tout reprendre depuis le début. Il y a certains exemples, mais c'est très lent.
Mme Burns : J'aimerais parler de l'interface. À l'heure actuelle, du moins dans notre secteur, cela se fait individuellement, entre deux collèges ou entre un collège et une université. Il n'existe pas de système véritable.
Toutefois, il y a des groupes d'affinités qui sont issus du système des collèges publics dans le secteur non réglementé des travailleurs préposés aux soins de santé et il y a aussi un groupe d'affinités formé des travailleurs de la petite enfance, qui crée des partenariats avec les conseils sectoriels avec lesquels nos collèges et notre secteur ont eu des contacts.
Je crois que les choses commencent à bouger, mais c'est une question de confiance entre les groupes. Il faut du temps pour établir cette confiance des deux côtés. C'est une évolution que nous continuons d'encourager.
Le sénateur Keon : Permettez-moi d'approfondir un peu la question.
Est-ce que vous partagez certaines parties de vos programmes? Sur le plan géographique, par exemple, prenons une des petites provinces. Est-ce qu'il y a un milieu où vos organisations peuvent rencontrer des organisations d'enseignement traditionnel et présenter les programmes afin d'optimiser l'interface et de combler les lacunes qui doivent exister, faute de communication? Je ne crois pas que cela existe, et c'est pour cela que je pose la question. Toutefois, il me semble que ce serait très important.
M. Thorson : Oui, pour l'élaboration de nos activités, nous avons les comités techniques dont j'ai parlé, formés de spécialistes techniques de tout le pays. Dans certains cas, nous avons collaboré avec des représentants du système universitaire et du système des collèges d'enseignement professionnel ou technique pour définir, de concert avec l'industrie, des critères applicables à certaines de ces activités. Toutefois, cela s'est fait au cas par cas, nous n'avons pas de structure officielle permettant de mener nos activités de cette façon.
M. Cochrane : Je veux ajouter un dernier point à ce sujet. Au fond, le problème sous-jacent à cette question d'interconnectivité entre les divers éléments du système d'éducation, les écoles de métiers, les universités, les collèges d'enseignement professionnel, quoi que ce soit, sous-entend une collaboration plus étroite entre les universités. Je ne peux pas parler pour les autres, mais il n'y a pas, par exemple, une quelconque universalité des crédits. On pourrait croire qu'il est possible d'utiliser un cours suivi à l'Université Simon Fraser pour un autre diplôme équivalent partout au pays, mais tel n'est pas le cas.
Je dis toujours qu'il n'y a pas de libre-échange en matière d'éducation au Canada. Vous devez justifier votre situation à chaque frontière provinciale et, souvent, à l'entrée de chaque établissement d'enseignement. L'évaluation de l'apprentissage antérieur se fera un jour, mais les choses vont très lentement. Toutefois, l'on n'encourage pas suffisamment le système à établir des liens pour que les gens puissent se déplacer. Là encore, je me fonde sur mon expérience personnelle. À Halifax, la moitié de la marine canadienne est amarrée devant la ville. La marine peut envoyer un navire n'importe où dans le monde. Qu'est-ce que cela a comme valeur dans un contexte d'études universitaires? Pas grand-chose, à moins de pouvoir démontrer que certaines habiletés très précises, acquises grâce à ces expériences, se rapportent dans une large mesure au domaine d'études.
Le sénateur Callbeck : Monsieur Thorson, j'aimerais vous poser deux ou trois questions au sujet de Compétences Canada. Vos fonds viennent du gouvernement fédéral et sont administrés par un conseil d'administration. Est-ce qu'il y a des représentants de chaque province ou territoire qui siègent à ce conseil?
M. Thorson : Oui. En termes de modèle de financement, nous avons l'appui du gouvernement fédéral ainsi que du secteur privé pour exécuter nos programmes.
En réponse à votre question sur la gouvernance, oui, le conseil d'administration national compte un représentant de chacune des organisations territoriales ou provinciales qui sont membres de notre association. Ce sont les personnes qui représentent chaque province ou territoire au sein du conseil.
Le sénateur Callbeck : Vous recevez un financement privé. Quelle serait, en gros, la part du gouvernement fédéral?
M. Thorson : Elle varie selon la région du pays. Certains de nos bureaux sont largement financés par le secteur privé; d'autres sont appuyés presque uniquement par le gouvernement fédéral. Il est difficile de répondre à cette question pour l'ensemble de nos bureaux, car la situation est différente dans chaque région.
Le sénateur Callbeck : Vous avez un conseil d'administration pour l'ensemble du Canada, mais qu'est-ce qui se passe au niveau des provinces? Qui détermine ce qui se passe dans la province?
M. Thorson : Chaque organisation provinciale ou territoriale est une entité indépendante. Elle est dotée elle aussi d'un conseil d'administration qui détermine les activités menées dans la province ou le territoire.
Le sénateur Callbeck : Je constate qu'il y a des conseils bénévoles.
M. Thorson : Oui.
Le sénateur Callbeck : Comment pouvez-vous devenir membre de l'organisation-cadre?
M. Thorson : Vous voulez dire l'organisation provinciale-territoriale?
Le sénateur Callbeck : Oui.
M. Thorson : Il y a différentes méthodes, mais l'organisation cherche dans la collectivité des personnes clés qui feront progresser la cause des métiers et de la technologie. Il y a des élections; il y a des conseils d'administration élus dans chaque région.
Le sénateur Callbeck : Mes autres questions portent sur l'apprentissage. La formation par apprentissage, en fait, relève de la compétence provinciale. Chaque province a un conseil, et on peut donc dire que chaque province a un point de vue distinct sur ce que la formation par apprentissage doit comprendre?
Mme Rougeau : Vous avez parfaitement raison. Ce qu'il y a de bien, au Canada, et l'un des défis que présente la formation par apprentissage, c'est qu'il s'agit d'une responsabilité provinciale et territoriale. Il n'y a pas de conseil dans toutes les compétences, et cela même ajoute un aspect intéressant. Le Québec, par exemple, n'a pas de conseil de l'apprentissage, et l'Ontario crée actuellement un collège des métiers, ce qui mènera ensuite à la création d'un conseil. C'est donc dire, techniquement, que ces deux importantes administrations n'ont pas de conseil. Ces provinces ont le mandat, le pouvoir et la responsabilité de veiller à ce qu'un programme soit établi et de déterminer les modalités de la formation et celles du financement des divers programmes et des paiements de transfert aux collèges communautaires pour certains volets.
Deux mécanismes rapprochent les intervenants; notre conseil en est un. Nous rapprochons les compétences ainsi que, de façon plus générale, les entreprises et les syndicats. Il existe également un Conseil canadien des directeurs de l'apprentissage. Le responsable provincial ou territorial participe aux activités nationales et travaille en vue d'harmoniser la formation dans sa compétence dans le cadre de l'accréditation Sceau rouge. Le certificat Sceau rouge est un système de mobilité nationale.
Le sénateur Callbeck : À combien de métiers est-ce que le Sceau rouge s'applique?
Mme Rougeau : Une cinquantaine.
Le sénateur Callbeck : J'entends souvent des étudiants se plaindre du fait qu'ils ne peuvent pas effectuer d'apprentissage; c'est-à-dire qu'ils ne trouvent personne qui veuille les embaucher. Est-ce que l'établissement qu'ils fréquentent a l'obligation d'en trouver pour eux ou est-ce que c'est la responsabilité de l'étudiant?
Mme Rougeau : La première étape consiste à trouver une occasion chez un employeur.
Le sénateur Callbeck : Et ils doivent faire cela?
Mme Rougeau : Oui, ils doivent le faire. Diverses organisations dans les collectivités offrent du soutien à cet égard, et cela varie selon la province ou le territoire.
Le sénateur Callbeck : À quoi s'engage l'employeur?
Mme Rougeau : J'ai travaillé en Ontario pendant plusieurs années, je vais donc me fonder sur mon expérience dans cette province pour vous répondre. L'intéressé signe un contrat d'apprentissage. C'est une entente entre l'employeur, l'apprenti et l'organisme provincial qui administre le programme. Toutefois, il n'y a pas de mesure d'application, car si la situation change pour l'employeur alors l'apprenti peut être mis à pied malgré l'existence de ce contrat d'apprentissage. Cela est fonction des besoins du poste.
Le sénateur Callbeck : S'ils sont mis à pied, est-ce qu'ils peuvent essayer de trouver un autre employeur?
Mme Rougeau : Récemment, des appuis ont été instaurés pour aider les travailleurs licenciés, y compris les compagnons et les apprentis. Des mécanismes sont en place pour essayer de placer l'apprenti dans un cadre de formation scolaire pendant sa période de chômage, pour profiter de ce temps mort afin qu'au moment de la reprise économique, il soit prêt à recommencer à travailler pour un employeur. Cela présente certaines difficultés.
Le sénateur Callbeck : À quoi s'engage la personne qui suit la formation à l'égard de l'employeur? Si elle a signé pour six mois, est-ce qu'elle peut simplement partir?
Mme Rougeau : Oui, elle peut partir.
Le sénateur Callbeck : Il n'y a pas de pénalités?
Mme Rougeau : Non. Certains employeurs disent qu'ils n'investissent pas dans l'apprentissage parce qu'ils craignent de financer quelqu'un qui partira travailler pour un autre employeur. Les employeurs à qui vous avons parlé ont dit que cela ne les préoccupait pas terriblement. Toutefois, un jeune peut passer d'une province à l'autre et d'un employeur à l'autre. Les jeunes vont là où ils perçoivent des possibilités.
Le sénateur Callbeck : Vous avez mentionné l'accréditation du Sceau rouge pour une cinquantaine de métiers. Qu'est-ce que ce certificat de compétence?
Mme Rougeau : Lorsqu'une personne satisfait à toutes les exigences de la formation, les exigences en cours d'emploi et celles du volet scolaire technique, elle peut passer un examen et obtenir ainsi son certificat. Dans le monde des métiers, c'est ce qui permet de travailler. C'est la carte de compétence.
Le sénateur Callbeck : Et ils peuvent travailler partout au Canada?
Mme Rougeau : Que l'on ait un certificat du Sceau rouge ou pas, l'Accord sur le commerce intérieur stipule que toutes les cartes de compétence d'une province sont reconnues dans les autres. Cela est indiqué au chapitre 7.
Le sénateur Cordy : Merci beaucoup. Vos exposés d'aujourd'hui étaient fort intéressants.
M. Thorson et Mme Rougeau ont parlé de l'image négative des métiers et des programmes d'apprentissage, qui constitue un obstacle. Vous avez mentionné l'exemple des parents qui croient qu'ils pourraient encourager leurs enfants à s'orienter vers les métiers, mais les enfants disent souvent que tel n'est pas le cas. Comment pouvons-nous donner aux métiers une image plus positive? On pourrait penser y arriver en parlant des salaires que peuvent gagner les gens de métier, et cetera. On pourrait croire que cela inciterait les parents à encourager leurs enfants à choisir cette voie.
M. Cochrane a parlé de la Nouvelle-Écosse et de la façon dont nous sommes passés des écoles techniques aux collèges communautaires. L'actuel président de l'Université Acadia, Ray Ivany, oeuvrait à l'époque dans les collèges communautaires et il a fait un travail exceptionnel pour faire connaître les collèges communautaires en Nouvelle- Écosse et souligner leur importance. Il semblait être partout, à la télévision et sur les affiches. Il est encore sur les affiches, mais maintenant il fait la promotion de l'Université Acadia. Je crois qu'il a fait un excellent travail pour promouvoir les compétences, les programmes d'apprentissage et les collèges communautaires, et il a beaucoup fait pour la coordination avec les universités en Nouvelle-Écosse, en particulier dans la région de Halifax.
Je sais que la formation par l'apprentissage relève des provinces. Toutefois, est-ce que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle pour promouvoir et renforcer les aspects positifs des programmes de métiers?
M. Thorson : Je vous remercie de cette question. Nous luttons contre la perception bien ancrée que les carrières dans les métiers ne sont pas intéressantes. On ne semble pas leur accorder de valeur. Il est difficile de modifier ces perceptions du jour au lendemain. Il faut un effort soutenu pour essayer de faire comprendre que ce sont des carrières positives, qui apportent une nette contribution à l'économie canadienne.
Nous tous ici, et tous les Canadiens, pourrions souffrir d'une pénurie de gens de métier. Il manquerait bien des choses dans cette pièce, s'il n'y avait pas de gens de métier. Sans gens de métier, vous n'auriez pas ce simple protège- microphone. C'est un message que nous devons transmettre à la population, pour qu'elle comprenne que les pénuries de ces travailleurs spécialisés ont des conséquences marquées sur la société.
Je parlais à un groupe de conseiller d'orientation professionnelle, hier, et je leur disais que nous tenons à avoir du personnel qualifié dans notre système de soins de santé — des médecins, des infirmières... dans tout le système de soins de santé. Nous voulons nous assurer que les travailleurs sont qualifiés. Pour aller à cette réunion, hier, et discuter avec des conseillers d'orientation professionnelle, j'ai dû prendre un avion, vous pouvez être certains que j'espérais que les techniciens de maintenance d'aéronef qui avaient préparé cet avion étaient également qualifiés et savaient bien ce qu'ils faisaient.
Il faut faire comprendre que cela intéresse tous les Canadiens. Il faut déployer un effort soutenu. Et à cette fin, vous prenez les mesures dont nous avons parlé précédemment, dont la diffusion d'exemples de réussite. Il nous faut présenter des personnes qui ont réussi et qui exercent maintenant ces métiers ou qui ont commencé dans un métier ou un poste technique, qui ont gravi les échelons et qui peuvent maintenant poursuivre une autre carrière en raison de l'expérience qu'ils ont acquise. Il faut faire un effort de promotion soutenue pour y arriver.
Nous devons réunir des intervenants clés et conclure des ententes avec les employeurs, les conseillers d'orientation professionnelle, les parents et, surtout, les jeunes, pour qu'ils comprennent bien que ces carrières ont changé. Ce ne sont plus des métiers où l'on se salit les mains. La technologie y joue un rôle important. La technologie a eu un impact considérable dans le secteur des métiers, comme dans toutes les autres professions. Il nous faut continuer à communiquer ce message aux jeunes, au moyen d'activités soutenues de marketing et de promotion.
Mme Rougeau : Le Forum canadien sur l'apprentissage et Compétences Canada ont mené une campagne de marketing soutenue pendant quelques années, en faisant appel à des champions, à des publicités, à la radio, à la télévision, à la vidéo, aux affiches et à divers produits et services pour les jeunes ainsi qu'à des produits et services destinés à ceux qui influencent les jeunes. Nous avons par exemple fait paraître des articles dans le Reader's Digest et le magazine Maclean's pour tenter de modifier l'image et les attitudes et nous avons travaillé avec des éducateurs pour élaborer des produits et des services qui pouvaient être utilisés pour modifier les attitudes dans le système scolaire.
L'un de nos plus grands défis, dans un contexte plus terre-à-terre, est le contact avec notre propre communauté de l'apprentissage. Lors de nos conférences nationales, tous les deux ans, nous parlons de l'importance de la communauté de l'apprentissage, qui doit intervenir à titre de champion. Certains des grands défis viennent des gens de métier eux- mêmes, et des messages qu'ils communiquent. Eux aussi, ils donnent à leurs enfants des conseils au sujet des carrières dans les métiers.
M. Cochrane : Je vais m'aventurer bien loin de mon expérience personnelle pour faire un commentaire. Cette situation en ce qui concerne la noblesse des métiers ou leur absence de noblesse n'est pas un phénomène historique au Canada. Je vous ferai remarquer que dans les villes industrielles, qui forment une bonne partie du tissu de notre pays depuis un bon moment déjà, le fait d'apprendre un métier et de travailler dans une usine locale comme tuyauteur ou soudeur était certainement fort noble. Ces gens étaient souvent des leaders de la collectivité.
Combiné à cet aspect, il y avait le fait que des employeurs étaient disposés à accueillir des apprentis pour qu'ils deviennent des compagnons. Souvent, cela se traduisait par un emploi pour la vie. Un emploi pour la vie, dans le modèle européen dont parlait le sénateur Ogilvie, c'était également courant dans de grandes parties de l'Asie, où l'on trouve des programmes d'apprentissage et de formation professionnelle très dynamiques. La relation est caractérisée par la loyauté et une permanence supposée.
Cela vaut aussi dans le secteur universitaire, car la mobilité actuelle de la main-d'oeuvre canadienne comporte des avantages et des inconvénients. Pourquoi devrais-je investir dans votre formation si vous finissez par quitter Halifax pour Vancouver, parce que maintenant vous avez des compétences et que les perspectives vous semblent meilleures là- bas, ou quelles que soient vos raisons? Il ne faut pas oublier que la main-d'oeuvre est très mobile.
L'économie est très instable. La possibilité que, dans ces petites villes industrielles, l'on puisse encourager la formation dans les métiers ou l'acquisition d'un diplôme universitaire, quel que soit le cas, et que l'usine ou l'employeur en tire un rendement à long terme, tout cela a été sérieusement érodé par les fluctuations qu'a connues l'économie canadienne ces dernières décennies.
Le sénateur Cordy : Monsieur Cochrane, vous travaillez dans le domaine de l'éducation permanente. À titre d'ancienne enseignante, je suis tout à fait en faveur. Vous avez parlé des cibles de financement gouvernemental qui ont peu évolué au cours des ans. Il y a des encouragements qui sont offerts pour les programmes d'apprentissage, et donc pas au niveau universitaire, mais vous avez fait des commentaires et des suggestions dans le document que vous nous avez remis. Est-ce que cela touche précisément les cibles du financement gouvernemental? Vous pourriez peut-être nous en dire un peu plus à ce sujet. Vous avez avancé cela, vous avez dit que c'était une question à long terme, mais j'aimerais que vous nous parliez de la nécessité du changement en relation avec l'éducation permanente.
M. Cochrane : Merci. C'est vrai, j'ai simplement avancé l'idée, et je suis heureux que quelqu'un l'ait remarqué. Personnellement, il me semble regrettable qu'après 30 ans dans le domaine de l'éducation permanente, nous en soyons encore à tenter de corriger les mêmes problèmes pour les mêmes publics cibles. Quelque chose ne va vraiment pas. Mes collègues et moi-même avons bâti nos carrières sur la correction d'erreurs et de problèmes qui viennent d'ailleurs, alors ce n'est vraiment pas dans mon intérêt, mais moi aussi je vais un jour prendre ma retraite et passer la main.
Les données qui viennent d'être publiées au sujet de la littératie sont décourageantes. Nous avons investi des millions de dollars dans tout le pays pour relever les niveaux d'alphabétisation, et nous sommes au même point que lorsque nous avons commencé. C'est vrai. Le fait que les publics cibles du financement inscrits sur la liste soient exactement les mêmes qu'il y a 30 ans révèle que quelque chose ne va pas du tout. Nous ne devrions pas continuer dans cette voie. Je n'ai pas de recommandation à vous proposer, mais lorsque quelque chose est cassé, je suis capable de le reconnaître.
Le sénateur Raine : Qu'est-ce que vous entendez par « public cible »?
M. Cochrane : Si vous prenez à peu près n'importe laquelle ses listes de publics cibles établies par ce qui était autrefois Ressources humaines et Développement social Canada, et précédemment le ministère de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration, et Emploi et Immigration Canada — le nom a changé à plusieurs reprises —, les listes de cibles de financement, et je risque d'en oublier, font toujours mention des handicapés, des Autochtones, des jeunes, des femmes et, dans ma région du monde, des personnes d'origine africaine. Ces listes n'ont pas changé depuis une éternité. C'est ce que je vous dis. Comprenez-moi bien, je ne dis pas que ces publics ne méritent pas d'être ciblés : ils le méritent. Toutefois, nous ne les aidons pas en leur appliquant constamment une approche correctrice. Il nous faut aller à la source, régler le problème avant que le système ne dérape. J'espère que l'un de ces groupes disparaîtra de la liste avant ma mort.
Le sénateur Martin : Je veux aussi faire écho aux commentaires de mes honorables collègues concernant la qualité de vos exposés et l'importance du travail que vous effectuez. Ce qui me frappe d'abord, en écoutant vos exposés, c'est la multitude des options qui s'offrent aux étudiants. Vous comblez les lacunes, pour ainsi dire, dans les différents métiers et les autres possibilités.
J'étais dans un centre de formation, l'UFCW, à New Westminster. On y offre un programme de 12 semaines, et un diplômé a pris la parole. Il a expliqué qu'il avait fait de la prison pendant cinq ans et qu'il s'était heurté à des obstacles à l'emploi. Parce qu'il a suivi ce programme avec succès, il a pu acquérir d'autres compétences dans un collège et il s'est trouvé du travail. Je crois que ces témoignages de réussite sont importants, comme vous le dites.
Nous avons dit que les garçons apprenaient différemment dès leur plus jeune âge. Avec le marketing que font vos organisations et vos membres non seulement à l'école secondaire mais même avant, à la fin du primaire, ces différences dans les modes d'apprentissage des garçons deviennent très évidentes; les garçons ont l'esprit beaucoup plus pratique. C'est une généralisation, mais nombre de ces métiers attirent les garçons qui aiment se salir les mains et apprendre de façon dynamique.
Il me semble important que les étudiants qui pourraient ne pas choisir une méthode traditionnelle aient accès à vos programmes. Je me demande ce qui a été fait et ce qui pourrait être fait grâce à la promotion et aux partenariats que vous préconisez dans les écoles secondaires et même les écoles primaires.
M. Thorson : Au bas de l'échelle, en commençant à l'école élémentaire, certaines de ces activités que j'ai mentionnées dans mon exposé sont des activités qui font découvrir les compétences — les courses de bateaux en carton, les défis de construction de turbine, les courses de kart, ce genre de choses. Nous croyons qu'elles sont importantes, et elles nous donnent l'occasion de présenter des types de travail différents et des types de contact différents entre les personnes.
J'ai fait mes débuts dans ce domaine à l'association provinciale de l'Alberta, il y a 16 ans, et c'est là que nous avons commencé à organiser des courses de bateaux en carton. Je vous explique rapidement de quoi il s'agit. Nous donnons aux étudiants des matériaux, par exemple du carton, du ruban à conduits, de la colle de contact et de la ficelle. Ils ont une heure et demie pour fabriquer un bateau dans lequel ils peuvent tenir. Il y a un volet course, un volet poids et un volet concept qui est évalué par des spécialistes de l'industrie, généralement du personnel de collège communautaire ou d'institut technique.
La première fois que nous avons organisé cette activité, lorsque les étudiants ont entendu parler de ce défi ils sont venus en équipes de quatre. Ils n'avaient pas de plan. Ils savaient ce qu'ils devraient faire, mais ils n'avaient pas de plan. Je suis convaincu qu'à l'école, ils s'étaient dit qu'ils allaient passer de temps dans la piscine pendant l'après-midi et qu'ils allaient bricoler un peu sur ce projet pendant une heure et demie pour voir à quoi ils arriveraient.
Ils ont eu un certain succès — ils ont produit quelques concepts intéressants —, mais les années suivantes, quand nous avons à nouveau organisé cette activité, nous avons commencé à voir arriver des étudiants qui avaient un concept assisté par ordinateur, des dessins de CAO qu'ils avaient testés à l'école. Ils avaient produit leur dessin, ils l'avaient testé dans la piscine locale, ils étaient retournés à l'école pour perfectionner le concept et ils avaient même demandé aux enseignants s'ils pouvaient rester un peu après l'école pour essayer autre chose — par exemple la flottabilité. Ils ont commencé à chercher des formules.
Avec le temps, cette activité a suscité de plus en plus d'enthousiasme. De nombreux enseignants m'ont dit qu'ils n'avaient jamais vu une telle passion chez les étudiants : ils demandaient aux enseignants s'ils pouvaient rester après l'école pour faire avancer leurs projets.
C'est un effet de cette activité pratique et interactive que d'offrir une expérience sensorielle très tôt dans la vie, pour que les jeunes commencent à apercevoir différentes possibilités d'interaction et différentes façons d'apprendre, et cela les mènera peut-être à d'autres possibilités, à mesure qu'ils poursuivront leur progression dans le système d'éducation.
Nous avons constaté que les enseignants commençaient à intégrer ce genre de projets dans leur programme scolaire. Indirectement, nous avons influencé l'élaboration d'une partie des programmes de l'école. C'était très intéressant.
Le sénateur Martin : Pour ce qui est des programmes, j'aime beaucoup l'expression « noblesse des métiers ». Je crois que c'est une formule que nous pouvons utiliser dans les écoles pour modifier les perceptions et les attitudes. Je me demande si vos organisations ne pourraient pas collaborer à quelque chose de ce genre avec le ministère de l'Éducation. Vous avez tout à fait raison; de nombreuses cultures ont cette tradition des métiers qui se transmettent de père en fils.
Mme Rougeau : À cet égard, la campagne que nos organisations ont menée de concert était fondée sur le thème de la carrière comme source de respect, de débouchés et de salaires décents. Ce thème était très bien accueilli par les jeunes. Nous avons fait des essais auprès de groupes cibles et notre slogan était accrocheur. Tout ce que nous avons fait pour promouvoir les carrières dans le secteur des métiers s'appuyait sur ce message.
En s'appuyant sur une partie de l'excellent travail réalisé par Compétences Canada, notre organisation a mis l'accent sur les éducateurs. Nous voulions inspirer la passion chez les enseignants grâce à ces guides pour les éducateurs, des produits élaborés par des enseignants et des gens de métier et qui expliquaient comment mener des expériences pratiques en classe pour sensibiliser les jeunes à la possibilité d'une carrière dans le secteur des métiers. Ils s'occupent de la partie sur la formation professionnelle, et nous concentrons nos efforts principalement sur les enseignants des classes de 9e année.
De fait, les enseignants nous disaient qu'ils avaient remarqué un changement dans les résultats des étudiants en classe quand ils commencé à saisir comment les mathématiques s'appliquent dans le contexte des mesures. Leurs notes étaient meilleures en raison du contexte concret. Tous les enseignants de 9e année dans l'Île-du-Prince-Édouard et au Manitoba utilisent dans leur classe le guide de l'éducateur.
Le sénateur Raine : Tout cela est très intéressant. Je siège également au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, et nous nous penchons sur l'éducation des Autochtones, du jardin d'enfance à la 12e année. Certains des éléments que vous avez mentionnés sont présents dans ce contexte aussi.
J'aimerais commencer par vous, madame Rougeau, et parler du programme d'apprentissage. Je vois que les étudiants doivent terminer la 12e année avant de commencer une formation par l'apprentissage. Est-ce exact?
Mme Rougeau : Cela dépend de la profession et de la province ou du territoire, mais en règle générale les employeurs demandent une 12e année.
Le sénateur Raine : J'ai passé deux ans en Suisse avec ma famille, et nos enfants étaient en 7e et en 8e année à l'époque. Nous avons vu comment on travaillait en Suisse. Le système était fort intéressant, parce qu'il comportait un cycle d'orientation. Il y avait l'école primaire, et à la fin du primaire, si les élèves avaient de bonnes notes, ils étaient dirigés vers une filière et si leurs notes étaient moins bonnes, on les plaçait dans une autre filière. Ils terminaient un programme en deux ou trois ans, selon leur aptitude, de sorte qu'ils avaient tous le même niveau d'instruction. Ils avaient ensuite trois choix : la formation générale, la formation technique ou la formation professionnelle. L'activité de consultation est particulièrement intense au niveau des 8e et 9e années. Normalement, les étudiants de la filière A poursuivent des études générales; ceux qui ont terminé le même programme — pour avoir une base solide — dans les autres filières continuent leurs études dans les domaines professionnel ou technique.
La progression n'est pas linéaire, ils peuvent revenir en arrière. S'ils décident de ne pas faire la plomberie, mais qu'ils veulent comprendre l'utilisation des colles, ils peuvent passer au volet technique. Puis, s'ils veulent devenir scientifiques, ils peuvent réintégrer la filière générale, mais ils devront alors probablement reculer d'un an pour acquérir certaines connaissances.
J'en parle parce que je me demande si on a envisagé un tel système. Je vois que le taux d'abandon est très élevé à ce niveau. Lorsque vous parlez d'apprentissage pratique, est-ce que nous ne laissons pas échapper une occasion de garder les jeunes à l'école pour faire quelque chose qui leur sera plus utile?
Mme Rougeau : Je ne suis pas vraiment en mesure de commenter la façon dont fonctionnent les systèmes du jardin à la 12e année dans toutes les provinces et tous les territoires. Certaines compétences répartissent avec plus de précision les élèves — je pense que l'Ontario en est un exemple. En Ontario, on collabore avec divers secteurs. À la fin du secondaire, vous pouvez être appuyé, en quelque sorte, dans une technologie des transports. On échelonne des cours qui sont nécessaires dans le domaine des transports, les mathématiques par exemple, les sciences et une certaine expérience concrète.
Il se passe des choses intéressantes dans diverses compétences, mais je ne suis pas vraiment en mesure d'en parler en profondeur et je ne peux pas vous dire ce qui se passe dans chaque province entre le jardin et la 12e année.
Le sénateur Raine : Cela complique les choses. J'ai écouté avec intérêt ce que vous avez dit au sujet de l'éducation permanente et du fait qu'au bout de 30 ans rien n'a changé. Lors d'une autre réunion à laquelle j'assistais, quelqu'un a mentionné que nous n'avions pas de stratégie nationale de l'éducation. Nous consacrons d'énormes sommes d'argent à ce secteur, mais les résultats que nous obtenons lorsqu'on les mesure à ceux du reste du monde sont excellents dans certains cas, mais déplorables dans d'autres. C'est un grave problème.
M. Cochrane : Chacun essaie de comprendre de son côté, et c'est ce qui est le plus terrible. Chaque province, chaque territoire travaille isolément.
Le sénateur Raine : Il y a des réunions interprovinciales au niveau des ministres. Est-ce que le sujet est parfois abordé?
M. Cochrane : Je ne suis jamais allé à ces réunions. Il est fort probable qu'on ne m'invitera pas non plus après ce que j'ai dit aujourd'hui.
M. Thorson : Je connais mal le système d'éducation du Québec, mais je crois qu'il est un peu différent de celui de certaines autres compétences au pays. Il offre des possibilités de regroupement par aptitude beaucoup plus tôt, dès le troisième niveau du secondaire, ce qui équivaut à la 9e ou à la 10e année. À cette étape, les étudiants peuvent commencer à s'orienter dans le secteur technique ou le secteur professionnel, pour ensuite accéder à différents systèmes. S'ils décident qu'ils veulent aller à l'université, il y a des mécanismes qui leur permettent de le faire. Toutefois, je ne connais pas les détails du système.
Le sénateur Raine : En Suisse, lorsque vous terminez le secondaire, quelle que soit votre orientation, vous possédez des compétences de base en numératie, en littératie, et vous avez fait des sciences sociales et de l'histoire. Cela fait partie du programme. Peu importe votre orientation. Vous avez une formation beaucoup plus solide, et j'imagine que le taux d'abandon est beaucoup plus faible.
Madame Rougeau, vous avez parlé de l'Université Royal Roads, qui a un système. Je ne sais pas si c'est la bonne université. Je suis chancelière de l'Université de Thompson Rivers, et nous sommes fiers d'être parmi les établissements qui ont adopté cette méthode en Colombie-Britannique. Notre université a, sur le même campus, des cours professionnels, des cours techniques et des cours généraux qui s'échelonnent. L'étudiant peut passer de l'un à l'autre.
Nous sommes aussi le centre d'apprentissage ouvert de la Colombie-Britannique. Nous sommes spécialistes de la section de l'apprentissage ouvert dans un contexte d'évaluation préalable à l'apprentissage, ce qui s'avère une spécialité intéressante. Cela me paraît très intéressant. Une université qui fait ce que nous faisons, c'est la voie de l'avenir. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Mme Rougeau : Je crois que tous les mécanismes qui mettent l'accent sur l'apprenant sont valables. Notre conseil a décidé que la formation par l'apprentissage était importante pour l'économie canadienne, mais il doit aussi tenir compte des besoins de l'apprenant. Les besoins de l'apprenant sont en train d'évoluer dans notre société, et tout mécanisme qui permet d'aider l'étudiant à progresser et de respecter les différents modes d'apprentissage grâce à une évaluation préalable, de reconnaître la valeur de cela, c'est fantastique. Je vais examiner la question en vue de mon prochain exposé.
Le sénateur Raine : C'est intéressant, parce que la participation augmente lorsque le secteur de l'emploi faiblit. Puis, dès que le marché du travail reprend de la vigueur, elle diminue et les apprentis reviennent dans les métiers où ils suivent la formation. Le lien entre les employeurs, c'est le secret.
Quand vous nous avez parlé de l'étude qui portait sur la valeur économique de la formation par l'apprentissage et que vous nous avez dit que seulement 25 p. 100 des employeurs se mobilisaient, j'ai été renversée. Je vous souhaite bonne chance dans ce domaine.
Mme Rougeau : Merci.
Le sénateur Seidman : Merci d'être venus nous parler d'un thème aussi important. Il y a bien des raisons pour prendre ce sujet au sérieux. Je crois que vous avez mentionné l'évolution du monde du travail, la nécessité de recyclage pour les travailleurs âgés, les nouvelles technologies et l'évolution de l'industrie. Toutefois, ce qu'on nous dit ici, c'est à quel point tout ce volet de l'éducation est sous-évalué, sous-utilisé, incompris et mal présenté.
J'aimerais revenir aux données du recensement de 2006 de Statistique Canada. On a examiné le segment de la population qui possède des cartes de compétence ou des certificats de métiers dans le groupe des 25 à 64 ans. Il est très intéressant de constater, dans la ventilation par province, que seulement 9 p. 100 de la population de l'Ontario possède une carte de compétence ou un certificat d'apprentissage, alors qu'au Québec c'est 18 p. 100.
Je crois que M. Thorson a parlé de la situation au Québec. Je pense qu'elle est particulièrement intéressante à cet égard. C'est peut-être parce que le cégep — le collège d'enseignement général et professionnel — régularise, normalise, fait connaître et garantit la qualité de l'éducation. Par conséquent, les étudiants envisagent sérieusement les métiers. De toute évidence, les cégeps ont un lien avec les écoles secondaires aussi, de sorte qu'ils peuvent informer les étudiants lors des consultations d'orientation.
Est-ce que nous pourrions voir dans cet aspect un moyen, peut-être, de promouvoir la qualité et, dans une certaine mesure, de la garantir pour les étudiants?
Mme Rougeau : Cette statistique n'est pas passée inaperçue. Dans notre structure de gouvernance, le conseil d'administration participe aux travaux de divers comités. Notre comité de recherche a été informé des diverses statistiques, et cette réussite intéressante, au Québec, ne nous a pas échappé. Nous examinons les facteurs et les structures qui y contribuent, en termes d'éducation, et aussi le contexte de formation et ce qui se passe dans le milieu de travail.
Je n'ai pas de réponse à vous proposer, mais je peux vous dire que c'est quelque chose qui intéresse énormément notre conseil. Nous voulons examiner non seulement ce qui se passe dans d'autres pays, mais aussi ce qui se passe dans cette situation particulière, les causes de ces 18 p. 100. C'est quelque chose que nous allons examiner de près.
Mme Burns : J'aimerais faire un commentaire et revenir à la reconnaissance de la valeur des métiers et de la formation pratique, en relation avec les systèmes élémentaire et secondaire. Nous avons parlé des diverses possibilités de groupement. C'est un commentaire personnel, fondé sur mon expérience dans le système d'éducation primaire. Si nous mettons les étudiants dans des situations où ils peuvent essayer diverses choses, même s'ils n'y excellent pas eux- mêmes ils peuvent reconnaître que quelqu'un a un talent particulier et le respecter. Je crois que c'est le genre de chose que nous devrions faire de façon plus systématique.
Vous avez parlé d'assurer la qualité pour les étudiants, et j'aimerais faire valoir que les établissements d'enseignement professionnel privés sont strictement réglementés mais que, la plupart du temps, les médias n'en parlent que si des établissements ne sont pas du tout légitimes. Ils ne sont pas inscrits auprès du ministère et ils ne sont pas assujettis à la loi provinciale. Ces questions de qualité sont toujours présentes.
M. Thorson : Le Canada a évidemment une économie diversifiée. Je suis d'accord avec Mme Burns pour ce qui est des occasions à offrir. Les jeunes ont besoin de bien comprendre toutes leurs options de carrière, il ne faut pas qu'il y ait des carrières cachées dont nous ne parlons pas et qu'ils pourraient choisir. Nous voulons leur offrir des expériences pour qu'ils connaissent l'existence d'un large éventail des carrières, puis les laisser prendre leurs décisions en conséquence.
Du point de vue de Compétences Canada, si un jeune assiste à nos manifestations, qu'il participe aux activités de Compétences Canada et qu'il décide qu'une telle carrière ne l'intéresse pas, c'est encore une réussite parce que cet étudiant pourra au moins tourner la page et chercher d'autres options pour trouver ce qui l'intéresse. Le commentaire de Mme Burns est tout à fait pertinent.
Le sénateur Seidman : Je voulais aussi savoir si vous avez des liens concrets avec les écoles secondaires. Est-ce que vous essayez d'intégrer l'information et la promotion dans vos activités?
Mme Rougeau : De nombreuses écoles secondaires dans les provinces et territoires du Canada offrent des programmes d'insertion professionnelle qui sont directement liés à la formation par l'apprentissage. C'était la première fois que notre organisation réunissait tous les administrateurs des programmes d'insertion professionnelle dans le cadre d'un dialogue national, afin de mettre en commun les pratiques exemplaires et les expériences d'élaboration de programme. Il y a dans le pays de nombreuses activités qui rapprochent les écoles secondaires et la formation par l'apprentissage.
Le sénateur Champagne : Au Québec, après le secondaire il y a le cégep, et c'est utile. Les étudiants peuvent choisir d'entrer au cégep immédiatement après le secondaire. À l'intention des jeunes qui, pour une raison ou pour une autre, ne veulent pas choisir un métier, je vous dirai une chose. Un professeur de musique enseigne la musique parce qu'il l'aime et veut que les jeunes apprennent à la connaître, mais il vous demandera sans doute 25 $ de l'heure. Par contre, si vous appelez un plombier, il vous demandera 60 $ de l'heure. Il faudrait peut-être que les jeunes soient conscients de cela. Vous pourriez en faire un slogan.
Le sénateur Raine : Dans votre exposé, vous dites que vous étiez déçue de ne pas pouvoir obtenir le certificat Imagine Education. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
Mme Burns : C'est l'image de marque.
Le sénateur Raine : Avec toute la réglementation et les inscriptions auxquelles les écoles doivent se soumettre dans votre organisation, pourquoi n'avez-vous pas cette image de marque?
Mme Burns : Nous n'avons pas de réponse à vous fournir à ce sujet. Nous posons constamment la question.
Le sénateur Raine : Le comité devrait peut-être faire des recherches un peu plus poussées à ce sujet. Cela me semble injuste. Ces écoles font un travail très légitime, elles forment et éduquent les Canadiens. Elles devraient faire partie du système.
Mme Burns : C'est vraiment ce que nous souhaitons.
Le président : Nous tiendrons une réunion à ce sujet.
Notre séance tire à sa fin. Je remercie nos quatre témoins, ils nous ont éclairés et ils nous ont communiqué de l'information précieuse. Nous poursuivrons demain nos discussions sur l'accès à l'éducation postsecondaire. La séance est levée.
(La séance est levée.)