Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 5 - Témoignages du 5 mai 2010
OTTAWA, le mercredi 5 mai 2010
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 16 h 16 pour étudier la question de l'accessibilité à l'éducation postsecondaire au Canada.
Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (vice-président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le vice-président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité des affaires sociales, de la science et de la technologie.
[Traduction]
Nous poursuivons aujourd'hui, en vertu d'un ordre de référence du Sénat, notre étude sur l'éducation postsecondaire. Nous allons notamment nous pencher sur la question des financements indirects. Nous avons le plaisir d'accueillir les représentants de trois importantes organisations nationales.
L'Association des collèges communautaires du Canada est représentée par Terry Anne Boyles, sa vice-présidente pour les Affaires publiques. Nous accueillons au nom de l'Association des universités de la francophonie canadienne, Kenneth McRoberts, président et Christophe Kervégant-Tanguy, directeur général, et nous entendrons, au nom de l'Association des universités et collèges du Canada, Paul Davidson, président-directeur général.
Nous avons convenu de l'ordre dans lequel vont nous être présentés les exposés. M. McRoberts prendra la parole en premier. Il sera suivi de Mme Boyles, puis de M. Davidson. Après les exposés, nous passerons aux questions.
Je vais donc vous demander de commencer.
[Français]
Kenneth McRoberts, président, Association des universités de la francophonie canadienne : D'abord, je dois remercier les honorables membres du comité de l'invitation qui nous donne l'occasion de présenter un témoignage sur un problème crucial, à savoir l'accessibilité aux études universitaires en français à l'extérieur du Québec.
Déjà, en mai 2005, le Comité sénatorial permanent des langues officielles recommandait au gouvernement du Canada : « La mise en place d'un système pancanadien d'établissements d'enseignement postsecondaires de langue française.»
Le comité a montré que l'éducation postsecondaire en français est vitale pour que les communautés francophones et pour que le Canada puisse préparer la relève et compter sur des chefs de file et acteurs dynamiques dans les secteurs économique, politique et culturel du pays.
Plusieurs études ont démontré qu'il faut considérer l'université comme un des paliers de continuum de l'éducation, où le contexte minoritaire comporte plusieurs obstacles à surmonter, de l'attention portée aux contraintes d'accès aux besoins des étudiants francophones et bilingues. Il y a aussi des étudiants francophiles, qui sont issus des programmes d'immersion et qui dépendent de l'accessibilité aux programmes en français. Le degré de vitalité des communautés francophones est l'avenir de la francophonie canadienne, une composante intrinsèque du Canada.
Il faut que je parle un peu de l'Association des universités de la francophonie canadienne. L'association regroupe 13 institutions francophones ou bilingues situées à l'extérieur du Québec.
Il y a l'Université Sainte-Anne en Nouvelle-Écosse, l'Université de Moncton au Nouveau-Brunswick, il a sept universités en Ontario : le Collège universitaire dominicain à Ottawa; le Collège universitaire Glendon de l'Université York à Toronto; l'Université de Hearst, l'Université de Sudbury, l'Université d'Ottawa, l'Université Laurentienne et l'Université Saint-Paul. Il y a également l'Institut français de l'Université de Regina, le Collège universitaire Saint-Boniface et, enfin, le campus Saint-Jean de l'Université d'Alberta.
Ce sont les seules institutions qui offrent une programmation en français à l'extérieur du Québec, qui sont ouvertes aux étudiants francophones mais aussi aux étudiants francophiles et aux étudiants étrangers. Les programmes offerts couvrent diverses disciplines telles que les arts, les sciences, les sciences sociales, le génie, le droit et la gestion et la santé.
Quelque 30 000 étudiants ont suivi des cours chez nous en français, surtout au niveau du baccalauréat. Je crois qu'il faut reconnaître que nos institutions fonctionnent dans des îlots de la francophonie, qu'ils forment un tout pour le développement de compétences intellectuelles, professionnelles, sociales et linguistiques.
La dualité linguistique est ainsi vécue par les étudiants au quotidien, démontrant que le bilinguisme est une compétence essentielle dans divers secteurs tels la santé, l'éducation, la recherche et l'administration publique. On sait que le gouvernement fédéral, comme d'autres gouvernements, fait face aux défis du renouvellement de la fonction publique, de l'administration scolaire, de l'industrie de la langue et du tourisme. Il faut dire que les communautés francophones vivent dans une symbiose avec ces universités.
Je voudrais traiter de deux sujets, soit l'accès des francophones et des francophiles aux études universitaires à l'extérieur du Québec et la situation de la recherche en français dans nos institutions membres.
Pour ce qui est de l'accès des francophones et des francophiles aux études universitaires à l'extérieur du Québec, le rapport que Bob Rae a préparé pour le gouvernement ontarien il y a plusieurs années a démontré que les francophones et les francophiles demeurent sous-représentés dans certains programmes de premier cycle en Ontario.
Dans une récente étude bien étoffée sur le plan quantitatif et qualitatif, l'auteur mentionne :
La proportion des jeunes francophones de l'Ontario ayant accès aux études postsecondaires a légèrement augmenté au cours des ans, mais la grande majorité se dirige vers les études collégiales bien davantage que vers les études universitaires et que la proximité ou, au contraire, l'éloignement des établissements postsecondaires constituent un facteur déterminant dans le choix des jeunes.
Effectivement, il y a moyen de faire des études universitaires en anglais à peu près partout au Canada et à l'extérieur du Québec. Là où il reste un défi à relever, c'est sur le plan de la possibilité de faire ces études en français. Pour beaucoup de francophones, la question de l'accès géographique aux institutions francophones est d'une importance capitale.
En effet, cette même étude a conclu que c'est la proximité géographique du programme qui semble le facteur le plus important dans la prise de décision des jeunes francophones à savoir s'ils feront des études universitaires en anglais ou en français. Beaucoup de finissants n'ont pas beaucoup d'options et doivent déménager dans une autre région et cela leur cause des frais supplémentaires. Peut-être décideront-ils de suivre des études en anglais ou tout simplement d'abandonner leur projet d'études. Ce sont pour eux des options réelles.
Les étudiants francophones n'ont pas un accès égal à celui des étudiants qui désirent poursuivre leurs études universitaires en anglais parce que les sources de financement ne permettent pas de corriger de telles contraintes. L'aide financière disponible visant la poursuite des études en français est nettement insuffisante et c'est une de nos recommandations. Il faut penser à la situation des francophones hors-Québec, qui vivent dans une localité où il n'est pas possible de faire des études en français et qui ont besoin de bourses d'études.
Pour conclure, je dirai simplement que nos institutions sont bien positionnées pour offrir aux jeunes anglophones, qui sont passés par les écoles d'immersion, la possibilité de faire des études en français. Aussi, s'ils n'utilisent pas le français dans leurs études postsecondaires, ils perdront leurs capacités linguistiques et l'investissement du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux sera perdu. Je pense que c'est une question centrale et, essentiellement, ce sont nos institutions qui sont en mesure de répondre à cette situation.
Il est évident que la recherche en français dans nos institutions fait face à plusieurs obstacles, dont la petite taille de nos institutions et leur éloignement. Il faut renforcer le soutien de ce qui a déjà été accompli pour qu'il y ait une capacité de recherche en français dans nos institutions.
Nous proposons l'accessibilité à des bourses pour que les étudiants francophones et francophiles puissent faire des études universitaires en français. Nous proposons également d'élargir la programmation offerte en français et de réfléchir aux diverses possibilités pour soutenir la recherche en français au sein de nos institutions.
[Traduction]
Le vice-président : Merci. Madame Boyles, vous avez la parole.
Terry Anne Boyles, vice-présidente, Affaires publiques, Association des collèges communautaires du Canada : Notre association est heureuse d'avoir à nouveau l'occasion de prendre la parole devant vous. Patricia Lang, présidente du Confederation College, a déjà comparu devant votre comité pour parler de l'accès à l'enseignement postsecondaire pour les populations rurales et les personnes habitant des régions éloignées. Notre mémoire sur la question vous a, je crois, été remis, avec les recommandations qu'il contient.
Aujourd'hui, je souhaite essentiellement me pencher sur la question des transferts à l'enseignement postsecondaire, évoquant aussi ne serait-ce que rapidement, afin de bien faire ressortir l'importance de ce sujet, la question des élèves désavantagés.
Notre association représente, sur le plan national et international, tout un éventail d'établissements, diversement dénommés. Nous employons en effet le mot « collège » dans une acception très large. Notre association regroupe des instituts de technologie, des instituts spécialisés tels que le Justice Institute of British Columbia, et le Fisheries and Marine Institute rattaché à l'Université Memorial de Terre-Neuve, les polytechniques, les cégeps, huit collèges francophones établis hors Québec, plusieurs collèges des Premières nations ainsi que le Collège de la Garde côtière canadienne, établissement fédéral.
Les campus de nos établissements membres sont répartis entre plus de 1 000 localités. La mission menée par ces collèges est étroitement liée à l'avenir économique, social et culturel des communautés dans lesquelles ils sont implantés.
Je voudrais maintenant passer à la question des transferts financiers aux établissements d'enseignement postsecondaire, et plus précisément vous parler de cela dans le contexte de la pénurie de compétences avancées que l'on constate actuellement au Canada. Une organisation s'est créée sous le nom de Coalition des employeurs pour les compétences avancées. Il s'agit d'un regroupement d'associations commerciales et du Congrès du travail du Canada, qui ont uni leurs efforts en réaction aux inquiétudes qu'ils éprouvent, car ils craignent que les collèges ne soient pas en mesure de répondre à terme aux besoins de pays en matière de formations spécialisées.
Il y a deux ans, avant même la récession, lorsque nous avons pris la parole devant le Comité des finances, ils avaient déjà évoqué la pénurie de main-d'oeuvre spécialisée à laquelle risquaient d'avoir à faire face leurs industries, soit pour des raisons essentiellement démographiques, soit en raison des progrès de la technologie. Les craintes éprouvées à cet égard par les divers secteurs ne se sont pas atténuées au cours de la récente récession. C'est justement en raison de ces inquiétudes qu'ils se sont à nouveau réunis ce matin. Ce risque continue à préoccuper l'ensemble des secteurs d'activité. La coalition à laquelle je viens de faire allusion regroupe 21 associations industrielles nationales, telles que l'Association canadienne des soins de santé, l'Association des chemins de fer du Canada, l'Association de l'industrie touristique du Canada, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, l'Association canadienne de la construction et les Manufacturiers et Exportateurs du Canada. Ces divers secteurs s'inquiètent pour l'avenir, s'interrogent quant aux perspectives des divers moteurs de l'économie et se demandent si le pays va parvenir à préserver l'ensemble des programmes sociaux qui revêtent, pour l'ensemble des Canadiens, une si grande importance.
Même avant le début de la récession, il y avait dans les collèges canadiens, de longues listes d'attente et, dans certains établissements, l'attente pouvait même durer plusieurs années. C'est ainsi, par exemple, que les étudiants attendent deux ans avant de pouvoir être admis au Nova Scotia Community College, dans le programme d'études en électricité et dans les programmes d'électrotechnicien, deux types de formation absolument essentiels, tant au secteur manufacturier, qu'aux secteurs des mines et à celui des pêcheries.
La mauvaise conjoncture économique n'a fait qu'aggraver la situation.
C'est sous l'angle des transferts à l'enseignement postsecondaire que je me propose d'aborder la question. Ce n'est qu'en 2001, qu'en monnaie constante, les transferts à l'enseignement postsecondaire ont retrouvé leur niveau de 1992-1993. Je dis bien à monnaie constante, c'est-à-dire que ce calcul ne tient pas compte de l'inflation. Il y a eu, certes, certaines augmentations : 800 millions de dollars par an ont été rajoutés, et puis il y a aussi une échelle mobile, mais cela ne joue que peu dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.
Le gouvernement part du principe que la transparence des transferts au postsecondaire dans le cadre du Transfert canadien en matière de programmes sociaux, y compris les transferts aux programmes sociaux et aux programmes de développement des jeunes enfants, est assurée compte tenu des crédits affectés à chacun de ces trois secteurs. Or, d'après nous, ce mode de transfert et de répartition entraîne en fait un manque de transparence et sape les fondements de l'obligation redditionnelle envers le Parlement. Comme c'est le cas pour le secteur des soins de santé, les Canadiens souhaiteraient avoir une idée plus précise de l'usage fait de l'argent des contribuables. Ils souhaitent également voir des objectifs clairs et des résultats mesurables.
Les entreprises qui nous ont rejoints dans le cadre de ce partenariat estiment que, compte tenu de la pénurie de compétences avancées dans notre pays, l'ensemble des crédits affichés, même si l'on pouvait s'assurer que les sommes en question sont intégralement affectées à l'enseignement postsecondaire, ne permettront pas de faire face à la pénurie de main-d'oeuvre spécialisée.
Les personnes touchant l'assurance-emploi, et en particulier celles qui ont perdu leur emploi en raison de la récession, vont bientôt arriver en fin de prestations. Elles n'auront, par conséquent, pas les moyens de poursuivre leurs études postsecondaires. Dans une large mesure, elles vont même devoir recourir à l'aide sociale. Or, tout semble indiquer que l'augmentation du nombre de prestataires de l'aide sociale a entraîné une baisse des crédits à l'enseignement postsecondaire. Les transferts à l'enseignement postsecondaire ayant été groupés avec le transfert en matière de programmes sociaux, nous constatons une baisse sensible des financements accordés à l'enseignement.
Cela crée d'après nous une situation de double contrainte au niveau du chômage, car les établissements d'enseignement postsecondaire et plus particulièrement les collèges ont déjà de longues listes d'attente. Il en va de même pour le secteur de la population qui n'était pas admissible à l'assurance-emploi, mais qui est inscrit sur les listes d'attente d'établissements d'enseignement postsecondaire et de qui l'économie ne peut pas se passer.
Nous souhaitons en outre aborder la question des élèves désavantagés. Compte tenu de l'évolution démographique de notre pays, il est clair que le Canada va avoir besoin de toutes les personnes arrivant sur le marché du travail.
Il existe un certain nombre de mécanismes de financement dans l'intérêt notamment des groupes désavantagés. Ces mécanismes sont tellement complexes cependant qu'on a du mal à s'y retrouver. Cet ensemble de mécanismes est caractérisé non seulement par un manque de cohérence, mais également par un manque d'équité. La littératie pose elle aussi de graves problèmes, car 42 p. 100 des travailleurs canadiens ne possèdent pas les capacités de lecture et d'écriture nécessaires.
Lors de notre dernière comparution, nous avons aussi eu l'occasion de nous parler sur divers autres problèmes. Nous souhaiterions, par exemple, que les collèges et instituts touchent 5 p. 100 des crédits affectés aux recherches appliquées. C'est ce que demande la Coalition des employeurs pour les compétences avancées. Il faut en effet que les employés de ces divers secteurs acquièrent les compétences et les transferts d'expertise nécessaires. Or, les petites et moyennes entreprises sont les plus à même de profiter de ces partenariats conclus avec les divers collèges de notre pays. Nous avons évoqué le plafonnement des crédits à l'enseignement postsecondaire destinés aux étudiants inuits et aux étudiants indiens de plein droit et les préoccupations que nous éprouvons au sujet des infrastructures de nos collèges et instituts, dont la plupart ont été bâtis au début des années 1960 en vertu de la Loi sur l'assistance à la formation technique et professionnelle. C'est dire qu'il s'agit d'établissements dont la construction a été financée par le gouvernement fédéral, mais maintenant, les financements accordés dans le cadre de partenariats avec les provinces, sont en train de s'atrophier.
Nous recommandons par conséquent un transfert unique consacré à l'enseignement postsecondaire. Nous estimons en outre qu'il faudrait se concerter avec les provinces et territoires afin de s'assurer que les paiements de transfert destinés à l'enseignement secondaire sont effectivement répartis de manière proportionnelle entre les collèges et autres établissements postsecondaires du pays afin qu'ils puissent dispenser les formations nécessaires à notre économie.
Il y aurait en outre lieu de se pencher sur l'ensemble des programmes fédéraux, et notamment sur ceux qui ont été mis en place à l'intention des élèves désavantagés, afin de supprimer les inégalités et pallier l'insuffisance des financements.
C'est très volontiers, maintenant, que je répondrai à vos questions. La dernière fois une question a été posée au sujet de la Société Neil Squire et je pense être à même d'y répondre ayant moi-même travaillé auprès de lui.
[Français]
Paul Davidson, président-directeur général, Association des universités et collèges du Canada : Lors de ma dernière comparution en octobre, j'ai commencé mon exposé en relatant le succès de l'enseignement supérieur au Canada et ses similitudes avec le succès que connaît le Canada.
[Traduction]
Je voudrais profiter de l'occasion qui m'est donnée de prendre la parole devant vous pour parler de la contribution essentielle de l'enseignement supérieur à l'avenir du Canada. Par l'enseignement qu'elles dispensent, les découvertes qu'elles font et le rôle qu'elles jouent au sein de notre société, les universités sont elles aussi des locomotives de notre économie. De plus en plus de Canadiens souhaitent bénéficier d'une éducation universitaire. Il y a pour cela de très bonnes raisons. Depuis 1999, le nombre de places dans les universités a augmenté de 40 p. 100. Si les Canadiens sont de plus en plus nombreux à vouloir aller à l'université c'est, cependant, surtout parce qu'ils savent que cela leur ouvre les portes d'une carrière. Les Canadiens savent que sur le marché du travail, les diplômés universitaires sont parmi les plus recherchés.
Permettez-moi d'insister sur ce point. Malgré la pire récession des 60 dernières années, entre septembre 2008 et mars 2010, 150 000 nouveaux emplois ont été créés à l'intention de diplômés universitaires. Au cours de cette même période, notre économie a, en revanche, perdu 680 000 emplois occupés auparavant par des gens n'étant pas allés à l'université. C'est un signe de l'évolution de notre économie.
Ce phénomène n'a d'ailleurs rien de récent. Depuis 1990, le nombre d'emplois occupés par des diplômés universitaires a doublé, passant de 1,9 million à 4,2 millions en 2009. C'est dire que la demande en diplômés de l'enseignement supérieur va croissante.
La valeur d'un diplôme universitaire est aussi démontrée de diverses autres manières. C'est ainsi, par exemple, que, sur l'ensemble de sa carrière, un diplômé gagnera en moyenne un million de dollars de plus que les non-diplômés. La formation universitaire, et le recrutement de diplômés répondent donc à de solides motifs d'ordre économique.
Ajoutons que les étudiants profitent très directement des recherches menées dans les universités. Je dis cela, car je sais que votre comité a également pour mission de se pencher sur l'état des mécanismes mis en place dans le domaine de la recherche.
Le fonctionnement correct des mécanismes fédéraux mis en place pour soutenir les programmes de recherche et développement menés dans les universités est essentiel à la prospérité de notre pays. Lorsque, au début du mois d'octobre, j'ai comparu devant votre comité, nous avons parlé de l'aide financière aux étudiants et plus généralement de l'accès aux études. Je tiens cependant à vous parler à nouveau, ne serait-ce que brièvement, des difficultés qui se posent à nous en matière de recherche et développement, et puis de revenir à cet égard sur les questions concernant le financement fédéral-provincial. Étant donné que votre comité doit bientôt se pencher sur le financement fédéral de la recherche et développement, je souhaite vous faire part d'un certain nombre de choses.
D'abord, je tiens à dire que les organismes subventionnaires du Canada sont les meilleurs du monde. Ils ont tout récemment été soumis à la révision de la stratégie fédérale et procèdent régulièrement au contrôle interne de leurs programmes et structures. Nos organismes subventionnaires reposent sur des bases très solides.
Ajoutons qu'au cours des 10 dernières années, ces organismes ont uni leurs efforts pour administrer un certain nombre de programmes, qu'il s'agisse des bourses attribuées aux étudiants diplômés, des grandes chaires de recherche ou des réseaux de recherche pluriannuelle intersectorielle. Ces programmes administrés par les trois conseils servent à accorder reconnaissance et récompenses à chaque étape de la carrière de nos meilleurs spécialistes.
Dans certains cas, tels que les nouveaux Réseaux de centres d'excellence lancés par les entreprises, il est encore trop tôt pour se prononcer au niveau des résultats, mais nous pouvons d'ores et déjà constater que des programmes tels que le Programme des chaires de recherche du Canada ont permis d'augmenter très sensiblement la qualité des recherches menées dans nos universités et de renforcer les liens entre la recherche et l'enseignement.
Il convient en outre de relever que pour le 10e anniversaire de la Fondation canadienne pour l'innovation, un panel international s'est livré à un examen rigoureux du fonctionnement de cet organisme et a conclu que la FCI est l'organisme de subvention à la recherche le plus efficace du monde. Il est facile de critiquer, mais je dirais qu'en matière de recherche et d'innovation, les moyens mis en oeuvre par le Canada reposent sur des bases très solides.
Ces mécanismes financés par le gouvernement fédéral sont les fondements d'un système qui englobe tant la carrière des chercheurs que les infrastructures nécessaires. Il est clair que le niveau des ressources affectées à la recherche continue à nous préoccuper, mais les universités continuent à contribuer très sensiblement à des travaux de recherche dont bénéficient l'ensemble des Canadiens.
Nous savons en outre que l'innovation est elle-même en train de changer de caractère et nous accueillons donc avec satisfaction l'engagement pris dans le cadre du budget fédéral de procéder à un examen de la manière dont les crédits fédéraux sont répartis entre les diverses activités de recherche et développement. Nous souhaitons discuter des moyens qui permettraient d'améliorer le rendement de ces investissements, de stimuler davantage l'innovation et la productivité du secteur privé, et nous pencher en particulier sur le point de rencontre entre les recherches universitaires et le secteur privé, là où se rejoignent le progrès technique et la commercialisation, car, en effet, l'innovation ne se limite pas uniquement aux brevets, aux licences d'exploitation et à la création d'entreprises dérivées.
Votre comité est particulièrement bien placé pour étudier ces diverses questions. Je pense notamment en disant cela, aux sénateurs Ogilvie, Seidman, Dyck et Keon. C'est un plaisir de vous voir tous ici alors que vous achevez une brillante carrière sénatoriale. Vous êtes tous vous-mêmes d'anciens chercheurs universitaires, à la fois dans les domaines de la recherche appliquée et de la découverte, et vous n'ignorez pas l'importance cruciale de ces activités pour le Canada, certes, mais aussi pour le reste du monde.
Je crois savoir que le sénateur Demers a d'autres occupations pressantes et nous espérons tous qu'il parviendra effectivement à ramener la Coupe Stanley à Montréal. J'espère avoir l'occasion de rencontrer le sénateur Raine lorsque, dans les semaines qui suivent, je vais me rendre à l'Université de Thompson Rivers. Il est clair que ces deux sénateurs comprennent fort bien la contribution que la recherche et l'innovation ont faite au sport canadien.
Nous sommes tous très fiers des résultats obtenus aux Jeux olympiques de Vancouver, et je dois dire en passant qu'en me rendant cette année aux installations olympiques de l'Université de Calgary, 22 ans après les jeux qui y ont eu lieu, j'ai pu constater que les investissements consentis à l'époque ont été d'une grande utilité sur le plan social, puisqu'ils ont permis d'améliorer la qualité de la vie et des soins de santé et d'améliorer, en outre, la compétitivité de nos athlètes.
Le dernier élément que je souhaite évoquer au sujet de l'innovation est la transmission des nouvelles connaissances pour parvenir à la commercialisation de produits et services. Les sénateurs ici présents — les sénateurs Cordy, Martin et Merchant — sont tout à fait conscients du travail des chercheurs à McGill, à Concordia, à Wilfrid Laurier et à Lethbridge. Ces travaux ont permis de diffuser sur Internet des programmes interactifs qui ont contribué à une amélioration de la littératie dans l'ensemble du pays. Cet outil gratuit est très utile aux enseignants et il permet aux étudiants d'apprendre sans s'ennuyer.
L'innovation naît parfois de conditions de crise. C'est ainsi que l'année dernière, après la poussée épidémique du virus de la grippe H1N1, des chercheurs de l'Université du Manitoba ont établi la première carte génomique complète du virus. Cette étape essentielle a permis aux responsables de la santé publique de mettre, en quelques mois seulement, le vaccin à la disposition de la population. En mars de cette année, j'ai eu l'occasion de m'entretenir, à Phoenix, avec des présidents d'universités américaines. Le conseiller international du président du Mexique a publiquement félicité le Canada pour ses travaux au niveau de la séquence génomique du virus, car c'est cela qui a permis d'accélérer le développement du vaccin.
J'ai parlé jusqu'ici de la recherche et développement, mais je souhaite maintenant dire quelques mots aussi au sujet des étudiants. Je disais tout à l'heure que depuis 1999, le nombre de places dans les universités a augmenté de 40 p. 100 et s'il en est ainsi, c'est en réponse à la demande.
Nous ne pouvons pas en effet ignorer l'évolution démographique de notre pays. La concurrence internationale au niveau des compétences les plus avancées va continuer à croître et le Canada va avoir de plus en plus de mal à assurer son développement en attirant des immigrants hautement qualifiés. Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur les défis économiques auxquels le pays doit faire face, et sur les incidences que ces difficultés vont avoir au niveau de la santé publique et de la production nationale.
Permettez-moi, pour terminer, de dire un mot au sujet des transferts fédéraux-provinciaux. Nous relevons avec satisfaction que pendant cette récession le gouvernement s'est engagé à maintenir le niveau de ces transferts. C'est à nos yeux une orientation politique extrêmement importante. Nous savons aussi que la demande au plan de l'accessibilité et de la qualité des études va continuer à croître. Il nous faut, collectivement, unir nos efforts au niveau tant fédéral que provincial, pour trouver les moyens d'augmenter les sommes investies dans l'enseignement supérieur pour faire en sorte que la population canadienne compte parmi la mieux éduquée et la plus innovatrice du monde.
Le vice-président : Je vous remercie. Nous allons maintenant passer aux questions.
Le sénateur Eaton : Madame Boyles, pourriez-vous revenir un peu sur ce que vous disiez tout à l'heure au sujet du transfert en matière de programmes sociaux? Ce transfert, du gouvernement fédéral aux provinces, ne comporte-t-il pas une enveloppe distincte pour l'enseignement?
Mme Boyles : Le transfert en matière de programmes sociaux se fait en bloc. Le montant des crédits destinés à la petite enfance, aux programmes sociaux et à l'enseignement postsecondaire est effectivement chiffré à titre indicatif. Dans la documentation, on appelle cela des affectations nominales, mais les provinces et territoires sont libres d'en modifier la répartition.
Le sénateur Eaton : Comment pourrions-nous, dans notre rapport, recommander que le financement de l'enseignement fasse l'objet d'une enveloppe distincte? Les provinces pourraient répartir les crédits comme elles l'entendent, mais il faudrait néanmoins que l'enveloppe soit dans l'ensemble affectée à l'enseignement, n'est-ce pas cela?
Mme Boyles : Il est nécessaire certes que des crédits soient affectés à l'éducation préscolaire, aux personnes subissant une formation dans nos divers établissements, aux éducateurs et au transfert en matière de programmes sociaux. Cela dit, les crédits destinés à l'enseignement postsecondaire devraient être affectés d'une manière qui permette au Parlement et aux contribuables de voir quelles sont les sommes effectivement engagées et aussi d'une manière qui permette aux établissements d'enseignement postsecondaire de faire des prévisions budgétaires.
Le sénateur Eaton : Est-ce à dire que, selon vous, les provinces devraient pouvoir décider librement de l'argent qui va être affecté à l'Université de Toronto, et l'argent qui va vous être affecté à vous, mais que l'enveloppe prévue pour l'enseignement postsecondaire devrait effectivement être intégralement affectée à ce secteur?
Mme Boyles : Selon nous, cette affectation devrait être proportionnelle. Étant donné que l'allocation est calculée par habitant, nous estimons qu'elle devrait être répartie proportionnellement en fonction des structures de l'enseignement postsecondaire des diverses provinces.
Le sénateur Eaton : Je me demande comment, politiquement, les provinces réagiraient à cela. Le comité pourrait se pencher sur la question dans le cadre de ses recommandations. Merci.
Le sénateur Martin : J'aurais une question très brève à poser. Allons-nous avoir droit à un exposé de M. Kervégant-Tanguy?
Le vice-président : Nous avons eu un exposé de chacune des trois organisations. Leurs représentants peuvent maintenant prendre part à la discussion en fonction des questions qu'ils souhaitent aborder.
Le sénateur Martin : Je tiens d'abord à vous remercier d'avoir répondu à notre invitation et des exposés que vous nous avez présentés.
Je souhaiterais maintenant obtenir des précisions au sujet des universités et collèges francophones. J'imagine que dans la mesure où vos établissements d'enseignement sont moins nombreux que les établissements de langue anglaise, les frais d'inscription devraient, en ce qui concerne du moins les établissements plus petits, être plus élevés, ou sont-ils, dans l'ensemble, comparables?
M. McRoberts : Ils sont comparables. D'une manière générale, et c'est tout à fait le cas en Ontario, les frais d'inscription sont fixés par les gouvernements provinciaux. Ils sont donc les mêmes dans tous nos établissements de l'Ontario.
Le sénateur Martin : Lorsque vous parlez d'accès à vos établissements, parlez-vous d'un accès sur le plan géographique?
M. McRoberts : Oui, c'est effectivement ce qui nous préoccupe. En disant cela, je songe essentiellement aux endroits qui ne possèdent pas d'établissement francophone ou bilingue. Sinon, ils décident de faire leurs études sur place.
Le sénateur Martin : Avez-vous des campus satellites situés au sein d'autres établissements, ou dans les centres urbains? Avez-vous envisagé cette possibilité?
M. McRoberts : Certaines de nos institutions membres, telles que l'Université de Moncton, ont effectivement des campus satellites.
[Français]
Christophe Kervégant-Tanguy, directeur général, Association des universités de la francophonie canadienne : Nous avons les Universités de Hearst et de Sainte-Anne. Le problème, qui consiste à se rapprocher de la clientèle, est ainsi mieux réparti puisque les gens sont souvent situés loin des milieux urbains ou à forte urbanisation.
Un autre élément qui pourrait être intéressant par rapport au campus c'est l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et leur intégration en termes de pédagogie et non pas de seulement donner des cours. Cela permettrait une meilleure distribution et donc un rapprochement de la clientèle avec l'université.
[Traduction]
Le sénateur Martin : Je m'interroge quant aux moyens permettant de financer l'action des établissements d'enseignement postsecondaire de langue française en particulier dans l'optique des étudiants qui n'habitent pas au sein d'une communauté francophone. J'ai suivi un programme de cours immersifs en français à l'école intermédiaire ainsi qu'à l'école secondaire. Outre les difficultés d'ordre géographique à résoudre, quelles seraient de nouvelles manières d'assurer un enseignement aux étudiants qui n'ont pas actuellement accès à l'enseignement postsecondaire, et quel serait le meilleur moyen de soutenir l'action de vos établissements?
M. McRoberts : Il faudrait que les étudiants qui ont suivi des programmes d'immersion en langue française puissent continuer à étudier en français à l'université. Sans cela le temps et l'effort investis pour apprendre le français seront perdus. La géographie impute des contraintes particulières et c'est pour cela que nous vous demandons d'envisager des bourses permettant aux étudiants d'aller étudier dans des établissements universitaires de langue française.
Nous sommes en outre préoccupés par le fait que certains de nos établissements membres ne sont pas en mesure d'assurer un éventail complet de cours. Cela nous ramène aux ententes fédérales-provinciales, aux langues officielles et aux ententes conclues en matière d'éducation avec les diverses provinces. Il s'agirait, je pense, de soutenir les établissements de langue française, facilitant ainsi le choix des étudiants qui souhaiteraient étudier en français. Ce serait manifestement le cas de ceux qui ont suivi des programmes d'immersion en français, mais également des francophones qui, sans cela, pourraient en fin de compte décider de poursuivre leurs études en anglais.
Mme Boyles : Outre les obstacles géographiques, nos établissements membres de langue française hors Québec butent sur le manque de moyens financiers pour faire traduire le matériel d'enseignement, ce qui est particulièrement vrai des nouvelles applications technologiques d'avant-garde développées dans les établissements de langue anglaise. Il s'agit d'un problème qui est chaque année évoqué à nouveau lors de notre réunion annuelle.
M. Davidson : Lors de ma dernière comparution devant votre comité, j'ai insisté sur l'importance d'offrir aux étudiants canadiens la possibilité d'étudier à l'étranger. J'ai dit, à cette occasion, que moins de 3 p. 100 des étudiants des universités canadiennes ont effectivement l'occasion d'accomplir une partie de leurs études à l'étranger. Un mot, maintenant, au sujet de la mobilité de notre population estudiantine. Ce que je vais dire est vrai des étudiants francophones, mais également, d'une manière générale, des étudiants canadiens. En effet, moins de 10 p. 100 des Canadiens effectuent leurs études hors de leur province d'origine. Or, si nous souhaitons former des citoyens canadiens engagés sur la scène mondiale, il serait bon d'envisager des moyens d'accroître la mobilité des étudiants canadiens au niveau de leurs études, qu'elles se déroulent en français ou en anglais.
Le sénateur Peterson : Vous savez sans doute que la First Nations University of Canada à Regina est sur le point de fermer. Quelles vont être, d'après vous, les incidences de cette fermeture sur l'accès des étudiants des Premières nations aux études postsecondaires?
Mme Boyles : La First Nations University n'est pas membre de notre association, même si celle-ci compte plusieurs autres établissements d'enseignement des Premières nations. Je siège moi-même au conseil d'administration du Conseil des ressources humaines autochtones. La semaine dernière, à Toronto, à une conférence du Conseil des ressources humaines autochtones, on a constaté un sentiment général d'inquiétude de la part de nos membres, des établissements membres, des représentants du monde de l'entreprise, et des institutions autochtones au sujet de la fermeture de cet établissement.
Je précise, cependant, que le Saskatchewan Indian Institute of Technologies, qui fait lui aussi partie de la Federation of Saskatchewan Indian Nations, la FSIN, jouit d'une excellente réputation. Cette institution étudie actuellement les moyens de conclure, par l'intermédiaire de la FSIN, une entente de complémentarité avec l'Université de Regina, afin d'ouvrir l'accès aux études spécialisées, de créer des passerelles entre les diplômes d'enseignement secondaire et les diplômes universitaires et de faciliter l'accès aux études collégiales.
M. Davidson : Lors de ma comparution devant le comité en octobre dernier, nous avons évoqué la question de l'accès des étudiants autochtones aux études et la réussite pédagogique de ces étudiants est une de nos grandes priorités. Cela reste vrai. Je rappelle en passant que la population autochtone est celle qui croît le plus vite au Canada, son taux d'augmentation étant trois fois la moyenne nationale. Pourtant, le taux de succès pédagogiques chez les étudiants autochtones n'est que d'un tiers la moyenne nationale et il est donc clair qu'il y a là un problème qui doit retenir notre attention.
Pour y remédier, l'AUCC recommande notamment une augmentation de l'aide financière accordée aux étudiants et des crédits affectés aux universités afin de leur permettre d'assurer aux étudiants un environnement d'étude améliorant leurs chances de succès. Il conviendrait en outre d'instaurer des programmes de rattrapage au primaire afin d'ouvrir aux étudiants autochtones les voies d'accès à l'enseignement postsecondaire.
J'ai visité en janvier le campus de la First Nations University of Canada, qui m'avait invité. Cet établissement est membre de notre association, comme le sont également l'Université de Regina et l'Université de la Saskatchewan. Malgré les difficultés rencontrées par cet établissement, j'ai pu constater de la part des parties intéressées une solide volonté d'assurer le succès de l'établissement. Il y a eu, en effet, ces trois derniers mois, de grandes difficultés, mais l'Université de Regina et l'université ont conclu un accord remarquable permettant d'y faire face et le gouvernement provincial entend, lui aussi, faire ce qu'il peut. Le gouvernement fédéral a offert une aide de transition et on espère obtenir de lui une participation accrue.
Il ne faut pas en effet perdre de vue qu'il est essentiel d'assurer l'accès des étudiants autochtones aux études et de leur offrir les moyens d'y réussir. Il existe pour cela, plusieurs modèles et mécanismes possibles. Des travaux intéressants sont en cours dans certaines régions du pays et il s'agit d'en tirer les enseignements et de les appliquer ailleurs.
Le sénateur Peterson : Je considère que ce serait, autrement, une perte tragique, étant donné les défis auxquels doivent faire face les établissements d'enseignement du Canada.
Le sénateur Eaton : Vous nous disiez tout à l'heure que rares sont les étudiants autochtones ayant fait des études postsecondaires. Il y a quelques semaines, nous avons accueilli le témoignage de l'Assemblée des Premières Nations. Le chef Shawn Atleo nous a dit alors qu'au cours des cinq prochaines années, ils espèrent que le nombre d'étudiants autochtones diplômés de l'enseignement postsecondaire atteindra 65 000 personnes. Lorsque je lui ai demandé quelles étaient les mesures pratiques qu'il entendait prendre pour assurer ce résultat, il a parlé des négociations en cours avec le gouvernement. Vous êtes-vous vous-même entretenu avec le chef Atleo quant aux moyens d'augmenter l'accès des jeunes autochtones à l'enseignement postsecondaire?
M. Davidson : Oui. Nous travaillons en étroite collaboration avec Shawn Atleo et l'Assemblée des Premières Nations. Nous avons notamment organisé une réunion entre les dirigeants autochtones et les représentants de 20 universités canadiennes afin de discuter de ce qui peut être fait pour améliorer l'accès compte tenu des moyens et des ressources actuellement disponibles. Les efforts en ce sens se poursuivent. Nous œuvrons également de concert avec la Fondation nationale des réalisations autochtones afin de trouver, au sein de nos établissements, des moyens d'atteindre les objectifs ambitieux définis par Shawn Atleo. Nous le soutenons dans ses ambitions, dans la clarté des buts qu'il s'est fixés quant au besoin essentiel d'améliorer l'accès des étudiants autochtones à l'enseignement postsecondaire et de leur donner les moyens de réussir.
Le sénateur Eaton : Allez-vous préciser les étapes de cette démarche?
M. Davidson : Tout à fait. Dans le cadre des ressources et compétences existant actuellement, les universités unissent leurs efforts afin d'améliorer à la fois l'accès et le taux de succès. Il y a des études de cas tout à fait remarquables, mais il ne s'agit pour l'instant que d'exemples individuels.
Le sénateur Eaton : Si vous y parvenez avant que notre rapport soit rendu public, pourriez-vous envoyer à la présidence un exposé des mesures que vous entendez prendre? Je pense que cela nous serait très utile.
M. Davidson : Je ne manquerai pas de le transmettre à la présidence. Dans son budget, le gouvernement fédéral s'est engagé à examiner les modalités de soutien aux étudiants autochtones. Il s'agit là d'une mesure d'une importance cruciale étant donné que le financement a été plafonné en 1996. Le montant des aides n'est pas adapté à l'évolution des besoins. Il nous faut assurer que les mécanismes nécessaires sont en place, mais il va également falloir augmenter les ressources.
Mme Boyles : Comme l'AUC, nous travaillons nous aussi en étroite collaboration avec les organisations autochtones nationales et nous participons avec elles à certaines de ces rencontres avec des parlementaires, non seulement, bien sûr, avec l'Assemblée des Premières Nations, mais également avec le Congrès des Peuples Autochtones et les Inuits.
À une certaine époque, j'étais présidente d'un collège à Saskatoon. Les étudiants autochtones comptaient pour environ 65 p. 100 du corps étudiant. Or, nous nous inquiétons actuellement, tout comme l'Assemblée des Premières Nations, car nous constatons non pas un accroissement des compétences, mais une véritable déqualification. Environ 27 000 étudiants qui seraient admissibles à l'enseignement postsecondaire, soit dans un collège, soit dans une université, n'ont pas pu trouver de place. Ils risquent donc de perdre leurs aptitudes, notamment en mathématiques et en sciences. Nous y voyons là le risque d'une sorte de modèle inverse de comportement. En ce qui concerne cet objectif de 65 000 étudiants autochtones qui parviendraient à la fin de leurs études secondaires, les jeunes autochtones répondent que les gens qui leur avaient auparavant servi de modèles ne semblent pas avoir pu terminer leurs études postsecondaires et ils se demandent à quoi ça pourrait bien leur servir d'entreprendre de telles études. Nous jugeons que la situation est actuellement et critique.
Le sénateur Hubley : Je souhaitais moi aussi aborder cette question. J'ai l'impression qu'au sein des communautés autochtones, les femmes semblent mieux que les hommes parvenir à atteindre leurs objectifs en matière d'études. Comment envisagez-vous de corriger cette disparité des taux de succès entre les hommes et les femmes?
Mme Boyles : Il y aurait deux moyens de procéder. Il est clair que les collèges interviennent directement étant donné qu'ils ont des campus dans plus de 1 000 localités canadiennes, et de nombreux collèges desservent les populations de régions éloignées dans le Nord. Nous allons nous réunir à Yellowknife à l'automne, dans le cadre d'un symposium sur les moyens, justement, de mieux desservir, en matière d'enseignement, les communautés autochtones rurales et éloignées. Pour les villes, nous œuvrons de concert avec nos partenaires du monde des entreprises et de l'industrie. Ce matin, j'ai parlé de la Coalition des employeurs pour les compétences avancées; de la participation des Autochtones à l'enseignement postsecondaire; de la motivation des jeunes autochtones, et en particulier des jeunes hommes; et de l'organisation de stages pratiques, par exemple dans des communautés minières où les jeunes peuvent immédiatement voir les résultats de leur travail. Ce genre de stage leur permet en outre d'obtenir des équivalences de cours et cela est particulièrement important pour ceux qui ne reçoivent aucune aide pour leurs études postsecondaires.
L'autre programme est le programme de partenariat pour les compétences et l'emploi des Autochtones, organisé par l'entremise de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, car ce programme dispose d'une partie des crédits de l'accord sur les ressources autochtones. Il s'agit d'un partenariat à l'échelle des communautés rurales et urbaines, le but étant de retenir l'intérêt des jeunes autochtones et de les aider à préparer leur avenir.
Le vice-président : Je vous remercie.
[Français]
Le sénateur Champagne : J'aimerais revenir aux problèmes de nos jeunes francophones qui vivent en situation minoritaire. Très souvent ils habitent dans de plus petites communautés et pour eux tenir à une éducation postsecondaire veut dire aussi déménager, vivre loin de la famille et de ses habitudes.
Vous disiez tout à l'heure, monsieur Davidson, que vous aviez de l'aide financière grâce à des bourses et à des prêts étudiants, lesquels sont différents selon les provinces. Un effort est-il fait par les universités et les collèges pour aider les étudiants à s'acclimater à leur nouveau milieu souvent fort différent de celui qu'ils ont connu?
[Traduction]
M. Davidson : M. McRoberts a peut-être davantage d'expérience pratique étant donné qu'il s'active quotidiennement pour que les étudiants parviennent à s'adapter à leur nouvel environnement.
En effet, les étudiants entrent à l'université à un plus jeune âge qu'avant étant donné que la 13e année a été supprimée et que les programmes du secondaire ont été renforcés. Les universités prennent donc tout à fait au sérieux le besoin d'offrir aux étudiants des conditions de vie et de travail qui les encouragent et les soutiennent dans leurs efforts. Plusieurs universités ont, justement, adapté leurs programmes d'études afin d'aider les étudiants de première année à s'adapter à l'éloignement de leur famille, à la vie dans une nouvelle région et à cette nouvelle autonomie de jeunes adultes. Pour les jeunes, cela peut en effet ne pas être facile. M. McRoberts souhaite peut-être nous en dire un peu plus à cet égard.
[Français]
M. McRoberts : Vous avez raison de souligner l'importance des universités pour les communautés minoritaires francophones. C'est l'avenir de ces communautés qui est en jeu. Il faut un renouvellement du leadership de ces populations.
Nos institutions sont généralement très liées à leurs communautés. Elles ont été conçues historiquement par les communautés. Leur taille est moyenne, plutôt limitée. L'adaptation n'est donc pas un problème particulier pour ces étudiants.
Toutefois, vous avez parlé de la situation des étudiants qui doivent aller dans une autre localité, car il n'y a aucune institution francophone ou bilingue dans la leur. Le problème est, bien sûr, financier. Il est capital de trouver des moyens supplémentaires pour que ces étudiants puissent aller dans une institution francophone.
Je n'ai pas l'impression qu'il y a des problèmes particuliers associés à ces étudiants puisque les institutions sont de taille limitée. Ils vivent en résidence, ce qui leur donne la possibilité de s'établir dans un milieu francophone.
M. Kervégant-Tanguy : Ces établissements universitaires ont des moyens nettement différents de ceux de plus grosse taille, ce qui ne veut pas dire qu'ils ne peuvent pas apporter, selon leur propre mesure, de l'aide par le biais de prêts et de bourses. La variété des bourses n'est certainement pas là, ni le cadre pour rendre plus mobiles ces étudiants et les aider à avoir accès à l'université.
Le sénateur Champagne : Dans quelques mois, ma petite-fille ira au cégep, établissement scolaire qui se situe entre l'école secondaire et l'université. La grand-mère que je suis s'inquiète déjà de la voir quitter sa banlieue où tout va bien pour aller dans sa grande ville. Je pense à ces jeunes qui vivent dans une petite paroisse, au Manitoba ou en Saskatchewan, et qui doivent vraiment déménager dans la grande ville.
La mère et la grand-mère voudraient bien qu'elle soit dans un endroit sécuritaire, où on aura un œil sur elle et où elle saura à quelle heure elle doit rentrer. Ça m'inquiète et pourtant, c'est tellement important pour ces jeunes qui habitent dans un coin où le français est moins vivant.
Ce sont eux qui feront continuer la langue et il est important qu'ils soient accueillis à bras ouverts, qu'ils aient les fonds nécessaires pour poursuivre leurs études et qu'ils se sentent bien lorsqu'ils quittent leur petit village pour la grande ville. À mon avis, ce sont pour vous d'énormes responsabilités.
M. McRoberts : Je suis d'accord. En général, je pense que nos institutions sont en mesure de répondre de ces responsabilités. Effectivement, il est important que ces centres soient accueillants pour les étudiants qui viennent des petites localités.
Il y aurait toujours la possibilité pour eux d'aller dans une autre institution, plus près de leur localité, mais qui serait anglophone. Ce serait une solution plus abordable, mais qui, en bout de ligne, ne contribuerait pas au renouvellement de la société francophone.
Le sénateur Champagne : Ceux qui comme moi croient au fait français au Canada voudront plutôt qu'ils fréquentent une université francophone quelque part.
[Traduction]
Le sénateur Cordy : Merci d'avoir répondu à notre invitation; tout ce que vous dites est pour nous du plus grand intérêt.
Monsieur Davidson, je vous remercie d'avoir si bien préparé votre intervention. Avant que vous ne les distinguiez, je n'étais pas consciente du nombre d'enseignants et de chercheurs que nous abritons au sein de ce comité. Les enseignants s'intéressent toujours vivement aux questions sociales et au bien-être de la population.
J'aimerais revenir à la question des transferts destinés particulièrement à l'enseignement postsecondaire et non au transfert global en matière de programmes sociaux. Chaque année, j'ai l'occasion de m'entretenir avec des étudiants, à la fois des étudiants d'université et des élèves du secondaire. La question revêt peut-être une importance particulière en Nouvelle-Écosse, mais tous ceux qui envisagent des études universitaires s'intéressent de très près aux droits d'inscription. Après cela, ce qui les intéresse le plus, c'est la question des crédits spécifiquement destinés à l'enseignement postsecondaire. Au Canada, nous avons toujours eu ce problème qui découle de la répartition des compétences entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux.
Je vous comprends tout à fait lorsque vous parlez de transparence. Nous avions déjà discuté de cela lorsque le comité se livrait à une étude des soins de santé. Le problème se posait également en ce domaine. En effet, l'argent est transféré aux provinces, mais on ne sait pas exactement à quoi il est affecté, ni même si, en fait, il va aux soins de santé.
Cela étant, il s'agit un peu de la quadrature du cercle. Dans la mesure où une certaine partie du transfert en matière de programmes sociaux est effectivement destinée à l'enseignement postsecondaire, comment assurer la transparence à cet égard? Faut-il accompagner ce transfert de certaines conditions, ce que les provinces détestent, ou pourrait-on plutôt simplement leur demander chaque année ou chaque trimestre de rendre compte de la manière dont les fonds ont été engagés?
Avez-vous réfléchi à cet aspect de la question? Ce n'est pas la première fois que le problème est soulevé, mais je ne vois pas très bien comment le résoudre dans le cadre de notre système confédéral.
Mme Boyles : Permettez-moi de répondre. Nous ne savons pas tout ce qui se passe dans les coulisses. Nos membres estiment simplement que des buts et des objectifs ont été fixés dans le cadre d'un accord sur la santé, et d'un accord sur la petite enfance et qu'il conviendrait donc, dans un même ordre d'idées, de définir des objectifs et de s'entendre sur les principes concernant les transferts à l'enseignement postsecondaire. Le conseil de la fédération a défini un certain nombre de principes de base et c'est le cas également du Conseil des ministres de l'Éducation en ce qui concerne l'enseignement postsecondaire. Ces principes pourraient servir de base à un accord en ce domaine et nous pourrions, en effet, prévoir en plus des redditions de comptes.
Il s'agit d'objectifs globaux qui laissent aux provinces et territoires la marge de manœuvre nécessaire pour s'adapter aux réalités sociales et économiques de leur province. Cela dit, il est bon que les divers ressorts aient à rendre compte de la manière dont ils engagent les crédits transférés par le gouvernement central, étant donné que cela intéresse l'avenir social et économique du pays.
Le sénateur Cordy : Vous êtes-vous entretenus de cela avec le gouvernement fédéral?
Mme Boyles : Oh, oui, depuis de nombreuses années déjà, dans le cadre de l'AUCC.
M. Davidson : La question n'est pas facile et il y a plusieurs aspects dont il convient de tenir compte. D'abord, pourquoi le gouvernement fédéral doit-il intervenir dans ce domaine? Vous avez parlé tout à l'heure de la répartition des compétences et ne pourrait-on pas dire que, finalement, le gouvernement fédéral ne devrait pas s'occuper de cela. Il est clair que ce n'est pas du tout notre avis. Nous estimons en effet que l'avenir de notre pays exige un système d'enseignement performant. L'enseignement supérieur revêt une importance essentielle au regard de nos besoins économiques, sociaux et démographiques. Dans un monde ultra concurrentiel, le Canada est en passe d'être distancé. Par la proportion d'étudiants inscrits dans des programmes universitaires de quatre ans, nous occupons la 20e place au sein des pays de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques. Notre taux de participation est d'environ 23 p. 100 alors qu'en Corée, il atteint 45 p. 100.
C'est dire que dans le domaine de l'enseignement supérieur, notre pays a fort à faire. Si nous parvenons à engager le débat sur ce point, afin de discuter de la valeur de l'enseignement supérieur et de tout ce que cela suppose, les Canadiens seront mieux à même de décider de la manière dont ils souhaitent voir dépenser l'argent des contribuables.
Lorsqu'on songe à l'avenir de l'enseignement supérieur à moyen terme, il ne faut pas bien sûr perdre de vue les très fortes pressions que le budget de la santé publique exerce sur tous les paliers de gouvernement. Selon un rapport qui m'a été communiqué récemment, au cours des 10 prochaines années, en raison du vieillissement de la population, le budget de la santé publique qui représente actuellement 7,5 p. 100 du PIB, va passer à 11 p. 100. Songez aux pressions que cela va exercer au niveau de l'enseignement supérieur et je parle de cela avec une modestie particulière, car je me situe dans la dernière cohorte de la génération d'après-guerre. Cela veut dire que la génération qui vient après moi va devoir travailler plus fort et plus longtemps pour maintenir la qualité de vie dont les Canadiens jouissent depuis des années. Il nous va falloir commencer à concevoir les dépenses de santé comme une forme de consommation et l'enseignement supérieur comme une forme d'investissement dans les avantages compétitifs et les compétences que nous devons nous assurer.
Si nous souhaitons demeurer prospères, concurrentiels et justes en tant que société, il va nous falloir faire davantage d'efforts en faveur de l'enseignement supérieur afin de préserver la qualité de vie voulue par les Canadiens.
Le sénateur Cordy : Vous avez parfaitement raison. L'intérêt du pays exige que nous investissions davantage dans l'enseignement.
Le vice-président : Entendez-vous passer à une autre question, car le sénateur Eaton aurait une question complémentaire à poser? Laissez-moi savoir quand vous aurez terminé
Le sénateur Cordy : Avant de passer à une autre question, je tiens en effet à insister sur le fait qu'il va nous falloir investir dans l'enseignement. Peut-être allons-nous devoir pour cela faire davantage d'efforts pour en convaincre les Canadiens. Vous venez de parler du financement de notre système de soins de santé. Un de mes amis était ministre des Finances de Nouvelle-Écosse. Il m'a dit un jour qu'à chaque fois qu'il était parvenu à établir un budget qui se tenait à peu près, le ministre de la Santé venait le voir et remettait en cause tous ses calculs.
[Français]
M. McRoberts : Même dans les cas de transfert ciblé comme le programme fédéral-provincial des langues officielles en éducation, souvent la question se pose à savoir si les fonds arrivent à bon port.
Dans le cas du Programme des langues officielles en éducation, le gouvernement fédéral a une responsabilité constitutionnelle particulière envers les communautés francophones minoritaires, envers les communautés anglophones minoritaires et en ce qui concerne la question de la dualité linguistique. Il y a donc de bonnes raisons d'insister sur l'élaboration de conditions assez claires.
[Traduction]
Le sénateur Eaton : Pour en revenir, monsieur Davidson et monsieur McRoberts, à la question que posait le sénateur Cordy : il va y avoir une pénurie de main-d'oeuvre en raison du départ à la retraite des générations d'après-guerre, d'une baisse de la natalité, et cetera. Vos organisations envisagent-elles d'inciter davantage les jeunes immigrants à faire des études supérieures? J'imagine qu'un candidat à l'immigration, dont les enfants sont actuellement à l'école secondaire, prendra en compte, dans sa décision d'émigrer ou non, les possibilités d'accomplir des études supérieures. Cela pourrait être un bon moyen d'attirer de nouveaux arrivants.
M. Davidson : La question est parfaitement légitime, car au cours du dernier exercice budgétaire, nous avons effectivement accordé une importance prioritaire à la recherche de moyens susceptibles d'attirer au Canada des étudiants, de premier et de deuxième cycles, que tous les pays cherchent à attirer.
Au cours de ces dernières années, le gouvernement a pris à cet égard un certain nombre de mesures importantes. Les modifications apportées aux procédures d'immigration nous ont beaucoup aidés à attirer des étudiants internationaux. En permettant à ces étudiants de travailler au cours de leurs études, et de rester au Canada une fois leur diplôme obtenu et, dans certains cas, de bénéficier d'une procédure accélérée d'obtention de la citoyenneté. Toutes ces mesures ont été utiles.
Ensuite, il va s'agir d'affiner et d'améliorer nos campagnes de recrutement. Les gouvernements fédéral et provinciaux, de concert avec les établissements d'enseignement supérieur, ont fini par s'entendre sur une marque nationale qu'ils entendent lancer sur le marché international. Il va falloir pour cela dégager les ressources nécessaires. Il est remarquable en effet que nous soyons parvenus à nous entendre tous, le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les établissements d'enseignement, pour dire que le moment est venu de faire un grand effort de recrutement et d'attirer au Canada les meilleures compétences afin justement de répondre aux difficultés que l'on prévoit au niveau de la productivité de notre économie.
Mme Boyles : Les membres de notre association sont en cela partie prenante. En ce qui concerne notamment les immigrants, notre association a obtenu les contrats du gouvernement fédéral — avec au départ des bureaux installés dans trois pays, Guangzhou, en Chine, Manille et Delhi — à l'intention des immigrants. Il s'agit en effet d'intervenir auprès de candidats à l'immigration, dans l'intervalle entre le dépôt de leur demande et leur départ pour le Canada, et de les aider, dans la perspective de leur déménagement, à mieux comprendre la réglementation applicable et à obtenir l'équivalence de leur diplôme auprès des organismes de réglementation, des collèges ou des universités au Canada. Nous avons été autorisés à étendre ce programme à 26 autres pays, considérés comme prioritaires sur le plan de l'immigration. Nous sommes d'ailleurs en train d'élargir le programme. Si vous souhaitez obtenir des précisions à cet égard, c'est très volontiers que mon homologue qui est en charge de ce programme, vous fournira des détails supplémentaires sur ce programme qui, jusqu'ici, a donné d'excellents résultats.
[Français]
M. McRoberts : Notre association est déjà active dans le domaine des étudiants francophones de l'extérieur. J'ai remarqué parmi les étudiants en France un intérêt à venir au Canada, commencer leurs études dans leur langue mais aussi commencer des études en anglais, ce qui est offert comme possibilité par nos institutions en Ontario. Mais notre directeur général pourrait parler de notre participation dans cette entreprise.
M. Kervégant-Tanguy : Ce qui est très intéressant c'est que, effectivement, très récemment, nous avons participé à une mission spécifique qui se tenait à Paris mais qui regroupait bon nombre d'étudiants venant de l'Europe.
Je voudrais souligner deux points fondamentaux à ce sujet, qui rejoignent tout à fait ce que M. Davidson a indiqué. Le premier, c'est que l'image de marque a été mise en marche par un certain nombre d'acteurs, notamment les affaires étrangères mais également le CMEC, et il est vrai qu'il y a maintenant toute une promotion à faire.
L'autre point qui a été aussi une surprise — et je pense qu'on a là un très grand potentiel au Canada, et qui a été entre autres mentionné par M. McRoberts —, c'est faire ce pont entre deux communautés, deux mondes, qui sont à la fois des valeurs que beaucoup d'étudiants étrangers recherchent, mais également par l'entrée dans un programme en français d'aller également vers l'anglais. Ce qui veut dire qu'en fait, cela pousse beaucoup plus loin. Nous sommes également un point d'entrée plus que des valeurs, ce qui suppose une connaissance de la francophonie. Ce dont nous nous sommes aperçu, c'est que la francophonie hors-Canada — au Canada, elle est peut-être plus ou moins connue par ses communautés — n'est pas très connue.
Ce n'est pas simplement un marché, c'est plus que cela. C'est aussi un savoir-faire, un savoir-être qui fait la spécificité du Canada. L'image de marque est en train également de s'adapter pour promettre un peu plus par rapport aux programmes que l'on peut mettre en place.
L'autre point, je l'ai mentionné également aux communautés, c'est qu'il est vrai que nos institutions sont des piliers des communautés, qu'elles vivent en symbiose totale, comme l'a déjà mentionné M. McRoberts. Donc au niveau de l'immigration, c'est un travail avec CIC et avec beaucoup d'autres partenaires autour de la table qui peuvent nous aider. Et c'est là que nous rechercherions peut-être une aide de votre part, des recommandations pour que ce soit plus fluide et plus simple pour la clientèle qui souhaiterait venir, et qui, bien évidemment, répondrait aux conditions pour venir au Canada.
[Traduction]
Le sénateur Cordy : Je m'intéresse vivement à la Coalition des employeurs pour les compétences avancées, dont vous nous avez parlé tout à l'heure. Nous sommes en effet conscients de cette pénurie des compétences. Nous l'avons éprouvée au cours de la récession, mais elle se manifestera encore davantage au fur et à mesure que la conjoncture se rétablit.
Je suis au courant des activités des collèges communautaires en Nouvelle-Écosse. Ces établissements font de l'excellent travail, mais il est vrai que, pour certains programmes, la liste d'attente est de deux ans. Vous nous avez parlé tout à l'heure des programmes en électricité. Il y a quelque chose qui ne va pas. Il y a des besoins auxquels il faut répondre, mais pourtant nous n'admettons pas dans ces programmes les étudiants qui permettraient, justement, de répondre à ces besoins.
Que pouvez-vous nous dire de cette coalition d'employeurs? Dans quel sens agit-elle? S'occupe-t-elle de la reconnaissance des diplômes ou des stages d'apprentissage? Pourriez-vous nous donner quelques précisions à cet égard?
Mme Boyles : La Coalition des employeurs est une association industrielle nationale, représentant la plupart des secteurs de l'industrie et de la santé. Elle a été lancée par Paul Charette, président de Bird Construction, à l'époque où il était président du conseil de l'Association canadienne de la construction, association qui représente les entreprises de construction d'immeubles commerciaux non résidentiels.
Or, ce secteur se préoccupait de la pénurie de main-d'oeuvre et a estimé que d'autres secteurs de l'activité nationale éprouvaient peut-être à cet égard le même sentiment. C'est comme cela que d'autres partenaires ont été réunis autour de ce dossier. La coalition s'intéresse spécifiquement aux compétences avancées à la fois au niveau des formations qui peuvent être assurées dans les collèges et aussi au niveau de l'accès aux recherches appliquées. Ces représentants viennent prendre la parole devant des comités de la Chambre des communes ou du Sénat. À l'échelle nationale, mais aussi à l'échelle provinciale, les membres de l'association s'expriment sur les questions qu'ils trouvent problématiques. Certaines associations agissent à l'échelon régional, d'autres pas.
Il y a 21 associations nationales. Nous pourrons vous communiquer la liste. Ainsi, ce matin nous étions accompagnés de Pamela Fralick, présidente de l'Association canadienne des soins de santé. Elle a pris la parole au nom de son secteur devant le comité des finances. Cette liste d'associations comprend également l'Association des chemins de fer du Canada, l'Association des comptables généraux accrédités du Canada, la Chambre de commerce du Canada qui a pris un certain nombre d'engagements envers les universités, les Manufacturiers et Exportateurs du Canada, le Congrès du travail du Canada, l'Association canadienne du ciment, les Fabricants de produits alimentaires et de consommation du Canada et le Conseil canadien du commerce de détail.
Le sénateur Cordy : Toutes ces associations œuvrent-elles pour le développement de compétences avancées?
Mme Boyles : Oui, et elles s'intéressent beaucoup à la question de savoir dans quelle mesure les collèges canadiens sont à même d'assurer la formation nécessaire. En ce qui concerne leurs divers secteurs, la pénurie de compétences avancées se manifeste essentiellement au niveau des diplômés des divers collèges et instituts.
Le sénateur Cordy : Les inquiétudes qu'ils manifestent à cet égard peuvent-elles être considérées comme un indicateur avancé des besoins qui vont se manifester au sein de notre économie?
Mme Boyles : Tout à fait, Ainsi, Pamela Fralick, de l'Association canadienne des soins de santé, a parlé ce matin des incidences de l'accord qui vient d'être conclu aux États-Unis en matière de soins de santé. Elle se demande dans quelle mesure ces 32 millions de personnes nouvellement assurées, chiffre qui correspond plus ou moins à la population totale du Canada, ne va pas avoir pour effet d'attirer vers les États-Unis certains de nos professionnels de la santé. Quelles peuvent être en effet les incidences sur notre système d'enseignement postsecondaire, au niveau des collèges et des universités?
Le sénateur Cordy : Je n'ai pas encore réfléchi à cet aspect du problème, mais il est clair que la question va se poser, car on a déjà vu beaucoup de professionnels canadiens de la santé aller travailler aux États-Unis.
Monsieur Davidson, vous ai-je bien compris que c'est dans les universités que le nombre de places a augmenté de 40 p. 100?
M. Davidson : Oui. À l'AUCC, nous sommes attentifs à la répartition des compétences entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, et donc quand nous prenons la parole devant vous, nous insistons sur l'importance de l'aide à la recherche et sur le rôle crucial des mesures en ce sens. C'est un fait, cependant, que depuis 1999, les universités canadiennes accueillent 40 p. 100 d'étudiants de plus.
Le sénateur Cordy : Cette augmentation se concentre-t-elle dans certaines régions?
M. Davidson : L'augmentation a été extrêmement forte dans la région du Grand Toronto et le Sud de l'Ontario, mais toutes les provinces ont éprouvé une augmentation à cet égard. Je sais que la région des Maritimes a dû faire face à un certain nombre de problèmes liés à l'évolution démographique. Leurs établissements d'enseignement ont réagi en attirant un plus grand nombre d'étudiants internationaux de haut niveau. Cette augmentation du nombre d'étudiants au Canada est due à une meilleure compréhension de l'importance que revêtent les études universitaires, car, dans le cadre d'une économie très compétitive, c'est un facteur essentiel de succès.
Le sénateur Merchant : Je vis en Saskatchewan, et je voudrais que vous nous parliez un peu des obstacles auxquels se heurtent les communautés francophones d'une province telle que la Saskatchewan. Notre population francophone est très petite puisqu'elle correspond à environ 1,2 p. 100 de la population de la province. Cela dit, la francophilie se porte très bien dans notre province. Mes trois enfants ont suivi un programme d'immersion et ça été pour eux une excellente chose. Ils n'ont pas, cependant, continué en français au-delà de l'école secondaire.
Qu'envisagez-vous, au juste, au niveau des collèges notamment? Que nous recommanderiez-vous pour les étudiants qui souhaiteraient, en Saskatchewan, par exemple, poursuivre leurs études en langue française? Ils peuvent, bien sûr, toujours aller étudier ailleurs, s'ils en ont les moyens. Dans la mesure où en Saskatchewan il ne serait guère pratique de créer des collèges et des établissements francophones, pensez-vous que nous pourrions peut-être accueillir des professeurs capables d'enseigner en français? Serait-ce une bonne solution étant donné la taille de notre population? Pensez-vous qu'il y aurait pour cela une demande et que nous pourrions donc effectivement recommander que nos établissements d'enseignement dispensent certains de leurs cours en français? Combien d'étudiants faudrait-il pour justifier une telle mesure? Pourrions-nous attirer les enseignants nécessaires?
M. McRoberts : Vous parlez là des collèges en particulier ou des collèges et des universités?
Le sénateur Merchant : Non des collèges en particulier, car les universités sont, à cet égard, mieux pourvues que les collèges.
M. McRoberts : Il y a, par exemple, à l'Université de Regina, l'Institut Français qui dessert dans une certaine mesure les étudiants francophones. Les programmes qu'offre cet institut pourraient être élargis.
Il importe en effet que les étudiants francophones...
[Français]
Il est important que les étudiants francophones ou francophiles aient la possibilité de faire des études dans une institution qui est aussi francophone. Donner deux ou trois cours en français dans une institution anglophone n'offre pas du tout la même expérience ou la même possibilité. Ces étudiants doivent avoir la possibilité de vivre en français et d'avoir des collègues francophones.
Donc au niveau universitaire, je pense que l'Institut français présente la meilleure possibilité.
[Traduction]
Le sénateur Merchant : Cette méthode me semble convenir pour les universités, mais en ce qui concerne les collèges, la demande éventuelle est-elle suffisante pour que nous puissions effectivement recommander l'adoption d'un tel système? Les programmes d'immersion totale en français seraient peut-être le bon moyen, car je sais, en ce qui me concerne, que si j'avais l'occasion de parler français en Saskatchewan, mon français serait bien meilleur qu'il ne l'est actuellement. Je comprends le français, mais j'ai parfois du mal à m'exprimer dans cette langue. Donc, idéalement, ce serait une bonne chose de disposer d'un établissement où tout se passe en français. Pour les provinces telles que la mienne, pensez-vous qu'il serait souhaitable ou possible d'offrir à ces étudiants certains cours en français. Il s'agirait d'une sorte de mesure de compromis qui permettrait aux étudiants francophones et francophiles pas nécessairement de pouvoir effectuer des études universitaires en français, mais au moins de recevoir une partie de leur formation dans cette langue?
M. McRoberts : Je vais demander à ma collègue de vous répondre sur ce point.
Mme Boyles : La Saskatchewan a effectivement mis en place un mécanisme permettant aux collèges et aux universités de la province d'assurer des cours et des programmes dans des régions rurales et des zones éloignées. La localité concernée décide des cours et des programmes susceptibles d'attirer un nombre suffisant d'étudiants pour justifier de telles mesures. J'imagine que cela pourrait également se faire en Saskatchewan à partir de l'Institut Français.
En Colombie-Britannique, dans le sud, un établissement analogue, en l'occurrence un collège francophone non constitué en personne morale, agit en partenariat avec des collèges publics. Ainsi, à Prince George, la population souhaitait pouvoir bénéficier d'un programme de formation accéléré en français à l'intention des enseignants se spécialisant dans l'éducation des jeunes enfants. Le College of New Caledonia, à Prince George, a conclu un partenariat avec cet établissement francophone du Sud de la Colombie-Britannique pour offrir une formation accélérée à un groupe très précis d'étudiants. Il faut que le nombre d'étudiants justifie ce genre de mesures, mais, compte tenu des responsabilités fédérales envers les francophones hors Québec, au niveau de l'enseignement de la langue de la minorité, il faudrait, pour en assurer le financement, que ce genre de mécanismes s'inscrivent dans le cadre d'un accord entre le gouvernement fédéral et la Saskatchewan.
Le sénateur Merchant : Le problème est qu'il s'agit d'une épée à double tranchant, car pour que la demande se manifeste, il faut que ces programmes soient disponibles. En effet, si les programmes ne sont pas là, personne ne demandera à en bénéficier. Je ne vois pas vraiment quelle serait la solution et quelle serait la recommandation que nous devrions formuler à cet égard.
[Français]
M. Kervégant-Tanguy : C'est exactement la question fondamentale. Vous avez indiqué l'offre et la demande et c'est vrai que s'il n'y a pas déjà l'offre, il y aura probablement des personnes qui seraient prêtes à la demander, mais qui n'oseront pas. C'est le premier point.
Je ne parle pas simplement du passage de la 12e année vers l'université, c'est en commençant beaucoup plus jeune, donc le primaire et le secondaire dont vous faites également mention. Je pense que l'exemple typique de l'Institut français est une très belle et une très bonne démarche, parce qu'ils ont associé très fortement la communauté — on en revient à la communauté —, ce qui permet de faire vivre la langue pour amener à penser en français. Cela aide également les gens qui viennent probablement de l'immersion.
L'objectif de l'immersion aujourd'hui, après 37 années d'un très beau projet — et je pense que, maintenant, c'est ce que recherchent les enfants et les parents anglophones qui mettent leurs enfants en immersion francophone —, c'est de pouvoir penser complètement et de pouvoir suivre des cours universitaires en français.
Parce que les parents francophones eux-mêmes se posent la question : que va faire mon enfant si je le mets dans un milieu francophone scolaire après la 12e année? Et quelles seront les offres qui lui seront disponibles? C'est là qu'on voit l'investissement nécessaire probablement par la province mais par le gouvernement fédéral pour offrir un minimum de cours. Quel est ce minimum? Quelle est la typologie des cours?
Et le deuxième élément, c'est la masse critique. Et là, on ne pourra pas demander combien d'étudiants il faut par classe pour que ce soit viable. Je ne sais pas si, dès le départ, c'est viable, mais en tout cas, je pense que ça amorce la pompe. Est-ce que ce sont des réponses? Je ne sais pas, mais c'est la problématique que nous rencontrons. Si la communauté est forte, les choses sont possibles. Et je crois que c'est également le cas pour nos universités, cela a été leur chance pendant de très nombreuses années.
[Traduction]
Le sénateur Seidman : Je vous remercie d'être venus cet après-midi nous entretenir de ces diverses questions. J'aurais moi-même quelques questions à poser au sujet du financement et, aussi, des frais de scolarité dans les universités et les collèges.
Selon les chiffres les plus récents publiés par Statistique Canada, 60 p. 100 de la recherche universitaire est subventionnée par les divers gouvernements, dont environ les deux tiers par le gouvernement fédéral. Puis, en ce qui concerne les frais de fonctionnement des établissements d'enseignement, je constate que les gouvernements contribuent pour cela une somme égale au double du montant des frais de scolarité.
J'ai un peu de mal à comprendre et ma question a peut-être quelque chose de théorique. Quel doit, d'après vous, être le rôle des frais de scolarité dans le financement des activités des universités et des collèges? Peut-être devrais-je dire avant cela qu'au Québec il existe des collèges communautaires qui ne sont pour ainsi dire pas payants et des universités où les frais de scolarité sont sans doute les moins élevés de tout le pays.
Mme Boyles : Selon nous, la charge financière, doit être partagée entre l'individu concerné, la société et l'établissement en cause. D'une manière générale, les frais de scolarité comptent pour 20 à 30 p. 100 des coûts de fonctionnement d'un établissement, et, aujourd'hui, c'est le plus souvent 30 p. 100.
Nous estimons que les étudiants qui sont désavantagés ou qui n'ont pas les moyens devraient recevoir une bourse d'études complète, car nous savons que si l'on parvient à les aider à terminer leurs études postsecondaires, et en particulier les deux premières années, il y a de fortes chances qu'ils poursuivront après cela. Cela dit, d'après nous la responsabilité à cet égard est partagée entre les diverses parties intéressées.
Je précise qu'au Québec et dans les cégeps, les étudiants sont en plus tenus d'acquitter divers droits qui sont dans les autres provinces peut-être inclus dans les frais de scolarité. Les droits de laboratoire, et cetera sont peut-être, dans certains autres ressorts, compris au départ. D'après ce que nous disent nos membres, l'enseignement n'y est pas tout à fait aussi gratuit que certaines déclarations politiques pourraient porter à le penser.
Le sénateur Seidman : Vous avez raison. Les étudiants doivent effectivement acquitter un certain nombre de droits supplémentaires.
M. Davidson : Je voudrais, si vous me le permettez, intervenir sur ce point. Il est tout à fait dommage que nous arrivions à la fin de la séance, car la question me paraît particulièrement importante. La situation varie d'une région à l'autre, et chaque ressort a bien dû faire face à la question. Nous nous intéressons de près aux discussions qui ont actuellement lieu au Québec, où les frais de scolarité sont gelés depuis des décennies. Il est clair que cela a facilité l'accès aux études. Cela a cependant exigé des arbitrages délicats au niveau de l'enveloppe budgétaire destinée à l'enseignement supérieur. Le débat sur la question me paraît utile au moment où le Québec se penche justement sur le rôle de l'enseignement supérieur dans le contexte de son développement et de son avenir.
Dans les ressorts où les frais de scolarité ont augmenté progressivement, les gouvernements et les établissements concernés ont tout de même pris des mesures pour préserver l'accès aux études. Les universités, par exemple, ont elles-mêmes accordé aux étudiants des bourses et divers autres types d'aide. S'y ajoutent divers mécanismes d'aide mis en place par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux.
Il semblerait que, même dans les ressorts où les frais de scolarité ont augmenté au cours des 10 dernières années — compte tenu des mesures fiscales qui ont été adoptées et du système de bourses d'études — le niveau des frais d'inscription est demeuré à peu près constant. Il s'agit effectivement d'une question sur laquelle il y a lieu de se pencher avec attention. Il est clair que les frais de scolarité contribuent très sensiblement au financement des universités. Celles-ci veulent à la fois maintenir l'accessibilité des études et avoir les moyens d'assurer un enseignement de qualité.
Le vice-président : Merci.
Le sénateur Keon : Monsieur Davidson, vous avez évoqué la question tout à l'heure, et le sénateur Seidman vous a demandé des précisions à cet égard, mais il s'agit d'un sujet qui mérite réflexion, car cela fait du tort à nos universités.
Vous nous avez dit, tout à l'heure, que nous n'avons pas assez de diplômés. Il y a, toutefois, un autre phénomène qui est celui des jeunes qui estiment que, pour faire de vraiment bonnes études, il leur faut aller ailleurs. Or, les établissements d'enseignement canadiens sont excellents. La faculté de médecine de l'Université de Toronto est la plus grande du monde. Et pourtant, armés de leur diplôme de premier cycle, il y en a qui quittent Toronto pour aller étudier à Oxford ou à Harvard, où cela va leur coûter fort cher. C'est ce que j'ai moi-même fait. Après être passé par trois universités canadiennes, je me suis rendu aux États-Unis pour parfaire mon éducation. Mes trois enfants ont fait de même. L'une est allée à Oxford, et les deux garçons aux États-Unis. Je précise que c'est leur maîtrise en poche qu'ils ont quitté le Canada.
J'ajoute ceci, cependant : deux d'entre eux ne sont jamais revenus. Le troisième ne serait pas revenu non plus s'il n'était pas tombé amoureux d'une Canadienne qu'il est revenu épouser.
Je pense donc que les universités doivent améliorer leurs techniques publicitaires. Elles ne vantent pas suffisamment leurs avantages. Lorsque j'étais étudiant, je n'avais pas envie de quitter l'université. J'aurais pu y rester toute ma vie, car, allant d'une université à une autre, c'était une existence passionnante. Si ma femme n'avait pas refusé de m'entretenir plus longtemps, j'y serais probablement encore.
Nous devons donc arriver à faire comprendre, et notamment aux jeunes gens, que les études universitaires ont quelque chose de passionnant, surtout dans les disciplines de pointe. Or, au Canada, nous ne faisons pas cela. Regardez comme les Américains savent s'y prendre pour vanter les avantages de leurs universités de l'Ivy League ou des universités de la côte Ouest des États-Unis. Voyez aussi comment les Britanniques savent défendre les marques Oxford et Cambridge. Nous avons d'excellentes universités. McGill a fait de véritables prouesses, parvenant, malgré de sérieuses difficultés, à demeurer une des meilleures universités du monde. Personne ne semble le dire. Comment faire comprendre cela? C'est une question facile, non?
Le sénateur Champagne : On va vous engager pour le faire.
M. Davidson : J'allais le dire, étant donné que vous allez bientôt avoir davantage de temps. Vous êtes un ardent défenseur de l'enseignement supérieur au Canada et avez tout pour lui servir d'ambassadeur. Cela dit, je ne pense pas qu'il nous faille éprouver la moindre gêne du fait que certains de nos étudiants vont poursuivre leurs études à l'étranger. Cela me paraît conforme à l'idée de citoyen du monde. Ce qu'il faudrait, par contre, c'est faire en sorte qu'ils reviennent. Ces 10 dernières années, on a pris des mesures en ce sens. C'est ainsi que la création des chaires de recherche du Canada a permis d'inverser la fuite des cerveaux. Il s'agit de le faire savoir et de convaincre les gens qu'il y a, au Canada, tout ce qu'il faut pour qu'ils fassent une brillante carrière. À la fois en tant que Canadiens et en tant que responsables d'établissements d'enseignement, il nous faut manifester notre fierté à l'endroit de ce système d'enseignement et faire connaître non seulement l'excellence des études qu'on peut y faire, mais également l'accessibilité des établissements d'enseignement.
Le développement des universités au Canada dans la période d'après-guerre a permis à des étudiants issus de toutes les couches de la société de percer dans les divers domaines. En s'entretenant avec des gens qui ont pris part à la création de l'Université de Moncton, de l'Université Laurentienne ou de l'Université de Thompson Rivers — établissements qui ne sont pas toujours considérés parmi les grandes universités du monde — on s'aperçoit de l'influence que ces établissements ont sur la vie des individus et des communautés environnantes et on constate que les études qu'on y effectue ouvrent la porte à l'excellence dans tous les domaines. Je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il nous faut nous entendre sur des objectifs ambitieux.
C'est pourquoi l'étude que vous êtes en train d'effectuer me paraît revêtir une telle importance. Cela faisait longtemps qu'un groupe de personnes ayant à la fois le temps, l'intelligence et les capacités intellectuelles nécessaires avait défini pour l'ensemble du secteur, c'est-à-dire les gouvernements fédéral et provinciaux, les universités et les collèges, des objectifs ambitieux. Il nous faut retrouver la voie de l'inspiration.
Le sénateur Eaton a soulevé tout à l'heure la question de l'immigration. J'en avais parlé en octobre. Nous ne comptons au Canada, que 2 800 étudiants provenant de l'Inde. Or, il y en a 28 000 qui poursuivent leurs études en Australie et 28 000 aussi au Royaume-Uni. Si l'on réfléchit un peu aux perspectives que nous offre le XXIe siècle, il nous va falloir nous ouvrir davantage au monde. Il nous faut définir des objectifs audacieux et il nous faut aussi nous attendre à ce que nos étudiants se déplacement, pour leurs études, d'une région à l'autre du Canada, ou aillent à l'étranger compléter leur formation avant de revenir ici pour se prévaloir des occasions qui leur sont offertes. Que ce soit dans le premier cycle ou dans le deuxième cycle, les occasions et conditions d'enseignement au Canada sont excellentes. Ce printemps, le gouvernement fédéral a annoncé de nouvelles mesures de soutien aux études postdoctorales. C'est une mesure importante, car c'est un signe que pour étudier au plus haut niveau, il n'est pas nécessaire de quitter le Canada.
Il n'y a absolument aucune honte à être allé faire des études à l'étranger, mais nous sommes heureux que vous soyez revenus.
Mme Boyles : Nous sommes, nous aussi, fiers de nos établissements, mais bon nombre d'entre eux se considèrent comme des écoles préparatoires aux études universitaires. Je précise cependant que la catégorie des inscriptions qui augmente le plus vite est celle des diplômés d'universités. C'est dire que la situation a des aspects très divers. Quatre-vingts de nos établissements membres accordent des diplômes, certains en tant que collèges universitaires, mais il y a aussi Humber College, le Saskatchewan Institute of Applied Science and Technology, et divers autres établissements qui sont habilités à conférer des grades.
Je dois dire en ce qui concerne les étudiants originaires de l'Inde, qu'on manque de données précises concernant le nombre de ces étudiants inscrits dans nos collèges. Les ministères fédéraux tels que Statistique Canada ou RHDCC s'intéressent davantage aux données concernant nos homologues universitaires. Je veux bien, mais l'insuffisance de renseignements concernant nos collèges se fait sentir. En ce qui concerne ces 2 800 étudiants originaires de l'Inde, je dois dire que, dans le cadre d'un nouveau programme pilote mené en partenariat avec Citoyenneté et Immigration Canada, nous avons pu, cette année, attirer au Centennial College de Toronto, 1 300 étudiants indiens. Ce partenariat avec CIC a permis d'accélérer l'examen des demandes de visa émanant d'étudiants étrangers et cela a fait toute la différence. Ce programme va en outre être élargi à la Chine.
J'ajoute que les collèges et instituts canadiens ont, sur le plan international, une excellente réputation en matière de mise en place de réseaux de collèges, que ce soit en Jordanie, au Vietnam, en Chine, au Sénégal, au Mali, en Bolivie et au Chili. C'est un de nos grands produits d'exportation, même peu de gens le savent. Il est essentiel de répondre aux défis de la mondialisation. Sur neuf étudiants, au moins un finira par travailler pour une entreprise ou une organisation ayant une activité internationale, et nous devons donc pour cela mondialiser l'enseignement.
M. McRoberts : C'est une excellente chose de pouvoir effectuer une partie de ses études à l'étranger. Cela a été mon cas, mais ça ne m'a pas empêché de revenir. Au cours des 10 dernières années, nous avons engagé plus de 50 personnes ayant fait l'essentiel de leurs études au Canada, mais s'étant après cela rendues à Harvard, Oxford, U.S.C. ou Yale avant de revenir ici. Comparé à d'autres pays, le Canada a de nombreux avantages et la situation n'a rien de désespérant.
Le sénateur Keon : Ce n'est pas du tout ce que je voulais dire. Si, cependant, c'est l'impression que j'ai donnée, je tiens tout de suite à la corriger puisque cette séance est diffusée en direct. Je suis tout à fait partisan de la fécondation réciproque. En tant qu'enseignant, j'ai beaucoup apprécié la présence d'étudiants étrangers. J'ai appris d'eux plus qu'ils n'ont pu apprendre de moi.
Le sénateur Martin : J'aurais voulu, très rapidement, savoir quel est le nombre d'étudiants originaires de l'Inde qui étudient ici, par rapport à ceux qui étudient en Australie ou aux États-Unis. Ces deux derniers pays ont-ils recours en ce domaine à des stratégies particulières? Peut-être pourrions-nous nous en inspirer.
Je suis tout à fait d'accord que notre système d'enseignement n'a rien à envier à celui des autres pays. Je constate, en m'entretenant avec les gens qui représentent notre enseignement à l'étranger que, dans les grandes réunions internationales, le Canada avance un peu en ordre dispersé, les diverses provinces et établissements étant représentés individuellement. Ne pourrions-nous pas unir nos efforts en ce domaine? Pourrions-nous, en effet, coordonner notre action internationale en ce domaine?
Il serait bon cependant de voir un peu ce que font les autres pays, d'examiner leurs stratégies. Je suis entièrement d'accord avec ce que vous nous avez dit et la discussion d'aujourd'hui a été des plus intéressantes.
M. Davidson : C'est très volontiers que je vous ferai parvenir les détails qui vous seraient utiles, mais je tiens à dire que l'Australie a une avance de 15 ans au niveau de la coordination de l'action de ses universités et autres établissements d'enseignement supérieur. Cela dit, nous nous y sommes mis, nous aussi, avec de bons résultats. Deuxièmement, l'Australie a pris un certain nombre de décisions en matière d'immigration et instauré les mécanismes nécessaires à leur mise en oeuvre. Troisièmement, l'Australie a consenti l'effort financier nécessaire. En effet, les Australiens consacrent 20 millions de dollars par an à la publicité vantant leurs universités. Or, le budget du Canada s'élève pour cela à un million de dollars. Certains établissements membres de notre association dépensent chaque année plus que le gouvernement du Canada pour attirer des étudiants étrangers.
Nous espérons que votre rapport et vos recommandations encourageront donc l'adoption d'une approche plus dynamique. Nous sommes prêts à lancer une marque nationale, à agir dans le cadre d'un consortium universitaire afin de tirer parti des occasions que nous offre le marché international.
Le sénateur Champagne : J'ai consacré une grande partie de mes 40 dernières années à la musique classique. Si mon mari était avec nous aujourd'hui, il pourrait vous dire qu'il y a 50 ou 60 ans, nos jeunes musiciens les plus talentueux se rendaient en Europe pour étudier. Ils y passaient de trois à six ans à tirer le diable par la queue avant de retrouver la route du Canada.
Il se demandait pourquoi envoyer nos étudiants en Europe étant donné que nous avions appris là-bas tout ce qu'il y avait à apprendre et que nous pouvions enseigner cela au Canada. Pourquoi dépenser de l'argent à les envoyer en Europe? Or, aujourd'hui, il y a des étudiants européens qui viennent au Canada étudier la musique.
J'estime que nous sommes bien partis. Je vous remercie, sénateur Keon. C'est ce que vous avez dit tout à l'heure, qui m'a portée à ajouter cela.
Le vice-président : Étant donné le véritable aréopage que vous formez ici, il serait formidable de pouvoir poursuivre nos discussions sur la question. Non seulement possédez-vous l'expérience nécessaire, mais, chargés d'administrer ces organisations, vous êtes à la fois au contact de la réalité et conscient des philosophies politiques que sous-tend l'enseignement postsecondaire.
J'aurais simplement deux questions à poser. Vous avez tous évoqué la question des transferts entre le gouvernement fédéral et les provinces et le manque de transparence quant au montant des crédits affectés à l'enseignement, la question étant de savoir si l'argent va effectivement à ce qui était prévu dans le budget fédéral. La question concerne bien sûr les responsabilités incombant aux provinces en matière d'enseignement et les efforts du gouvernement fédéral en vue d'harmoniser au niveau national les conditions d'accès à l'enseignement et la qualité des établissements.
Nous avons également parlé aujourd'hui du financement de la recherche et développement dans les universités. J'ai toujours trouvé curieux que les provinces n'aient aucune peine à admettre que le gouvernement crée, d'abord ces organismes subventionnaires qui existent depuis longtemps, et plus récemment, un certain nombre d'autres organismes tels que la FCI. Je parle là d'organisations de financement qui ont versé aux établissements dans les diverses provinces des sommes tout à fait considérables pour subventionner la recherche et développement et qui, à cet égard, ont obtenu des résultats tout à fait probants. Ces sommes concernent bien sûr l'enseignement de deuxième cycle et autres programmes de ce genre. Les provinces ne semblent éprouver aucune difficulté à cet égard.
Ces genres de mécanismes ne pourraient-ils pas servir de modèle pour les sommes transférées aux provinces par le gouvernement fédéral en matière d'enseignement?
M. Davidson : Permettez-moi de répondre. Mes collègues auront sans doute quelque chose à ajouter.
Au cours des 15 dernières années, le gouvernement fédéral a, par ses initiatives, redynamisé la recherche au Canada. Il a également mis en place, dans le cadre des organismes subventionnaires, des mécanismes dont l'excellence est reconnue dans le monde entier. Les décisions prises par ces organismes en matière de subventions font l'objet d'une évaluation fiable et impartiale. Ces organismes sont là base même des succès que nous avons remportés en matière de recherche et développement.
Il est intéressant de noter que, dans l'intervalle, plusieurs provinces ont fait de même. Le gouvernement du Québec a, en effet, créé un solide organisme subventionnaire chargé de répartir les crédits de recherche. L'action de tels organismes va parfois dans le même sens que celle du gouvernement fédéral, et parfois, répond à d'autres priorités. L'Ontario a, lui aussi, lancé un programme de recherche et nous tentons tous actuellement d'obtenir une augmentation des moyens qui lui sont accordés.
Mais, pour revenir à votre question, il va falloir quelques années encore avant que soient renégociées les conditions de ces transferts. En raison des contraintes budgétaires, il est essentiel que nous nous entendions avant cela sur l'importance de l'enseignement supérieur. On nous a déjà rappelé l'état des finances publiques. C'est indéniable. Cela dit, comparé à d'autres pays, nous avons tout de même une marge financière qui nous permet d'effectuer les choix stratégiques qui s'imposent. La question est plutôt de savoir si le Canada est disposé tant au niveau fédéral qu'au niveau provincial, à effectuer ces choix stratégiques.
Je n'ai pas d'idée arrêtée sur la forme que devrait prendre le mécanisme permettant d'effectuer ces transferts, car si l'on retrace l'histoire des relations fédérales-provinciales au Canada, on constate que parfois le gouvernement fédéral intervient davantage, et parfois moins. Ce qui me paraît important c'est de développer une vision commune des buts à atteindre et de travailler ensemble pour les atteindre.
Mme Boyles : Il y a également des enseignements à tirer du récent programme dans le cadre duquel le gouvernement fédéral a défini les priorités essentielles et les objectifs à atteindre. Les provinces y ont adhéré en tant que partenaires, car elles souhaitaient obtenir une partie des crédits débloqués à cet effet. Dans certains cas, ces crédits ont compensé les ressources qu'elles avaient affectées à d'autres domaines. Il s'est agi d'un grand effort de collaboration qui a permis aux parties prenantes, y compris les établissements d'enseignement, de se mobiliser très rapidement. Il y a certes eu des difficultés, mais on a pu effectivement en tirer un certain nombre d'enseignements.
Divers domaines concernant l'enseignement postsecondaire relèvent, il convient de le préciser, des compétences du gouvernement fédéral. En effet, tout ce qui est du domaine du droit international public de la mer, la radiodiffusion, l'aviation, et cetera, les normes, les procédures de certification et le contenu des programmes scolaires relèvent du gouvernement fédéral, soit en raison de la répartition constitutionnelle des pouvoirs, soit en vertu du droit international.
Troisièmement, il ne s'agit pas seulement des transferts aux provinces par lequel le gouvernement fédéral investit dans l'enseignement postsecondaire, ou des crédits à la recherche, même si, pour les collèges, la recherche est quelque chose d'essentiel. Cette année, nous avons, certes, obtenu que soit doublée la modeste somme affectée au programme d'innovation dans les collèges et la communauté. Des crédits fédéraux sont également dispensés dans le cadre de divers autres programmes ou mécanismes, tels que le mécanisme de financement des Premières nations et les ententes sur le développement du marché du travail, deux types de mécanismes qui sont eux aussi complexes. Cet argent est donc promis aux provinces, mais là il existe des mécanismes redditionnels acceptés par les provinces, tant pour les ententes sur le développement du marché du travail que pour les ententes de partenariat sur le marché du travail.
Cela, bien sûr, complique les choses lorsqu'il s'agit de savoir, dans le cadre d'une planification pancanadienne effectuée avec le secteur industriel, l'usage que telle ou telle province fait des crédits en question, mais sur ce plan-là, les mécanismes de transparence et de reddition de comptes sont plus efficaces. Je ne dis pas qu'ils sont aussi bons qu'ils devraient l'être, mais ils sont plus efficaces que pour les transferts à l'enseignement postsecondaire. Il y aurait donc peut-être là une leçon à tirer. D'autres secteurs de l'activité nationale, tels que la défense, se tournent vers les collèges et les instituts pour assurer une partie de la formation dont ils ont besoin. Cela est également vrai du Service correctionnel du Canada.
Le vice-président : La question de la répartition des compétences doit aussi, me semble-t-il, être prise en compte au niveau des coûts indirects de la recherche.
Ma deuxième question concerne l'accès aux études collégiales et aux études universitaires de premier cycle. Nous n'avons guère évoqué, dans le cadre de nos séances, une idée avancée cependant depuis un certain temps déjà. Il s'agit de l'idée de transférer directement aux étudiants l'aide à l'enseignement collégial et aux études universitaires de premier cycle. La subvention irait directement à l'étudiant, lui permettant ainsi de décider de l'établissement où il entend s'inscrire.
Vous avez tous parlé des difficultés qu'il y a à assurer l'adéquation entre les ressources et les besoins. Quel est le point de départ? Doit-on d'abord mettre en place les moyens ou d'abord tenter de cerner la demande, par exemple, dans les régions où se trouvent des minorités linguistiques. Je parle notamment des cours et programmes des collèges et aussi des universités.
Que pensez-vous de cette idée de subventionner directement l'étudiant, et de lui permettre ainsi de choisir dans quel établissement il entend s'inscrire?
Mme Boyles : Cette possibilité existe déjà dans nos établissements. En effet 50 p. 100 environ de nos budgets proviennent des mécanismes de financement de base qui comprennent, bien sûr, les transferts à l'enseignement postsecondaire. L'autre part des programmes est assurée par l'achat de places dans les établissements, soit par l'étudiant lui-même, dans certaines provinces au moyen d'une sorte de système de coupons, et dans d'autres cas, après une discussion concernant les programmes offerts dans tel ou tel établissement.
J'étais présidente d'un collège qui, à certains égards, était géré comme une entreprise. Vingt-cinq pour cent seulement de notre budget provenaient de ces mécanismes de financement de base. Il est, pour un établissement, et ses partenaires économiques, extrêmement difficile de définir une stratégie au niveau des programmes dont la communauté a besoin, soit aujourd'hui ou à l'avenir, si le financement dépend d'un individu qui pourrait ne pas choisir de s'inscrire à un programme d'étude dont dépend cependant le succès économique et social du pays.
M. McRoberts : Vous parlez de la possibilité de voir le gouvernement fédéral subventionner directement les étudiants par un système de coupons.
Le vice-président : Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux auraient chacun un rôle à jouer en cela pour décider de la part des crédits à l'enseignement qui serait versée directement aux étudiants. Je n'entends pas par cela des crédits destinés aux coûts d'infrastructure ou d'entretien différé, mais il existe déjà des bourses d'enseignement postsecondaire, généralement accordées par les provinces. Que l'argent qui finance ces bourses provienne d'un transfert fédéral ou des recettes provinciales, il s'agit d'argent donnant aux divers établissements les moyens d'assurer leur enseignement, généralement au niveau du premier cycle, et c'est dans cette optique-là qu'une partie de l'argent du contribuable, affecté à l'enseignement de premier cycle, serait remise directement à l'étudiant afin qu'il puisse choisir dans quel établissement il entend s'inscrire.
M. McRoberts : Rien n'interdit au gouvernement fédéral de procéder ainsi en vertu de son pouvoir de dépense puisque la Couronne peut effectivement faire des dons comme elle l'entend.
Le vice-président : Ne nous inquiétons pas pour l'instant de la question de la répartition des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les provinces. Je voudrais en arriver à la question essentielle qui est celle de choisir entre une subvention accordée directement aux étudiants, et des subventions globales accordées aux établissements d'enseignement.
M. McRoberts : Si j'ai bonne mémoire, cela avait déjà été envisagé à l'époque de M. Trudeau, mais même sous son gouvernement, cela ne s'est pas fait. D'après moi, une telle initiative ferait figure de provocation. Le montant de la subvention varierait-il en fonction du programme choisi? L'essentiel, me semble-t-il, est de définir une vision nationale sur laquelle les divers gouvernements puissent s'entendre. Dans cette optique, le détail des mécanismes à mettre en oeuvre a une importance secondaire.
Le vice-président : Non, je connais l'historique de la question. C'est votre avis qui m'intéresse, et non les avis qui se sont exprimés autrefois.
M. McRoberts : L'idée ne me semble pas viable.
Le vice-président : Je vous remercie. C'est ce que je voulais savoir.
M. Davidson : J'ajouterais, à ce qu'a dit M. McRoberts, que même si l'idée paraissait séduisante, elle serait irréalisable.
J'ajoute que les universités et les collèges communautaires collent de très près au marché. Ils sont donc en phase avec les besoins et les intérêts à la fois des étudiants et de l'économie.
En instaurant un système de coupons, vous dites « Laissons tout cela dépendre du libre choix des étudiants ». Dans certains cas, ils choisiront de quitter le Canada. Or, nous souhaitions justement faire quelque chose à cet égard. Dans certains cas, ils opteraient pour tel établissement par rapport à tel autre. Toutes ces possibilités existent déjà sans qu'il y ait lieu d'introduire un système de coupons
Vous avez également évoqué la question des coûts indirects. Notez que c'est une expression que j'ai soigneusement évitée. En effet, actuellement au Canada, les coûts indirects de la recherche ne sont financés qu'à hauteur de 23 p. 100. La norme internationale en ce domaine se situe entre 40 et 80 p. 100. Vous voyez que l'écart est sensible. Cet écart correspond à environ 325 millions de dollars par an. Si le gouvernement décidait de financer intégralement les coûts de la recherche, les universités canadiennes auraient tout d'un coup 325 millions de dollars de plus qui pourraient être affectés aux programmes de premier cycle. Il en serait ainsi, si le gouvernement, prenant en compte combien coûtent effectivement les travaux de recherche, permettait aux universités de réaffecter au côté enseignement les fonds employés jusque-là pour financer les travaux de recherche.
Le vice-président : Je vous remercie. Je tenais effectivement à recueillir vos avis. Je ne suis pas surpris par ce que j'ai entendu, mais je souhaitais que soit consigné au compte rendu votre avis sur la question de savoir s'il y avait lieu ou non de laisser le choix entièrement à l'initiative de l'étudiant.
Nous avons presque épuisé le temps dont nous disposions. J'estime que nous avons fait du bon travail. À moins qu'un de mes collègues souhaite vraiment vous poser une dernière question, je vais saisir l'occasion, au nom du comité, pour vous remercier de votre examen approfondi des questions abordées aujourd'hui, et pour la franchise avec laquelle vous avez répondu aux questions qui vous étaient posées. La discussion a porté sur tout un éventail de sujets concernant l'enseignement postsecondaire, les collèges, les universités et la recherche.
Je tiens à vous remercier du temps que vous nous avez consacré. Vos observations nous sont de la plus grande utilité. La séance est levée.
(La séance est levée.)