Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 6 - Témoignages du 13 mai 2010
OTTAWA, le jeudi 13 mai 2010
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour étudier une proposition de Santé Canada soumise au Parlement au sujet des frais d'utilisation et des normes de service pour les programmes des médicaments pour usage humain et des matériels médicaux, datée avril 2010, conformément à la Loi sur les frais d'utilisation, L.C. 2004, ch. 6, par. 4(2).
Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (vice-président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le vice-président : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Traduction]
Je suis le sénateur Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse, et je présiderai la séance d'aujourd'hui. J'invite mes collègues à se présenter à tour de rôle.
Le sénateur Seidman : Je suis le sénateur Judith Seidman, du Québec.
Le sénateur Mahovlich : Je suis le sénateur Frank Mahovlich et je remplace le sénateur Callbeck, de la Nouvelle- Écosse.
Le sénateur Dyck : Je suis le sénateur Lillian Dyck, de la Saskatchewan.
Le sénateur Merchant : Je suis le sénateur Pana Merchant, de la Saskatchewan également.
Le sénateur Champagne : Je suis le sénateur Andrée Champagne, du Québec.
Le sénateur Plett : Je suis le sénateur Don Plett, du Manitoba.
Le sénateur Greene : Je suis le sénateur Stephen Greene, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Eaton : Je suis le sénateur Nicole Eaton, de l'Ontario.
Le sénateur Raine : Je suis le sénateur Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Cordy : Je suis le sénateur Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.
Le vice-président : Nous poursuivons aujourd'hui notre étude de la proposition de Santé Canada soumise au Parlement au sujet des frais d'utilisation et des normes de service pour les programmes des médicaments pour usage humain et des matériels médicaux. Nous recevons plusieurs témoins. Si vous voulez bien vous présenter.
Loretta Del Bosco, vice-présidente, Comité permanent sur la réglementation, Rx&D : Je m'appelle Loretta Del Bosco. Je suis directrice de la réglementation et de l'assurance de la qualité pour les laboratoires Abbott. Je suis ici aujourd'hui à titre de vice-présidente du Comité permanent sur la réglementation de Rx&D.
Russell Williams, président, Rx&D : Je m'appelle Russell Williams, président de Rx&D, et je représente les sociétés de recherche pharmaceutiques novatrices au Canada.
Robert White, directeur, Affaires scientifiques et réglementaires, Produits de santé consommateurs du Canada : Robert White, Produits de santé consommateurs du Canada.
Gerry Harrington, directeur, Affaires publiques, Produits de santé consommateurs du Canada : Gerry Harrington, directeur des affaires publiques, Produits de santé consommateurs du Canada.
Klaus Stitz, vice-président, Affaires réglementaires, MEDEC : Je suis Klaus Stitz, vice-président, Affaires réglementaires, MEDEC, représentant l'industrie canadienne des technologies médicales.
Jody Cox, directrice, Relations gouvernementales fédérales, Association canadienne du médicament générique : Jody Cox, directrice des relations gouvernementales fédérales pour l'Association canadienne du médicament générique.
John Hems, président, Comité des affaires scientifiques, Association canadienne du médicament générique : Je m'appelle John Hems et je suis directeur de la veille réglementaire pour Apotex. Je comparais aujourd'hui à titre de président du Comité des affaires scientifiques de l'Association canadienne du médicament générique.
Le vice-président : Nous n'avons pas établi l'ordre des exposés avant la réunion. Je vais demander à Mme Cox de partir le bal.
Mme Cox : L'Association canadienne du médicament générique (ACMG) remercie les honorables sénateurs de lui donner l'occasion de se prononcer sur les propositions formulées par Santé Canada. Le secteur des produits pharmaceutiques génériques joue un rôle vital dans le système de santé canadien en lui offrant des solutions de rechange aux médicaments d'ordonnance d'origine coûteux. Nos produits ont permis des économies de plus de 4 milliards de dollars en 2009 seulement pour le système de santé canadien.
L'ACMG représente un groupe dynamique de neuf sociétés de pointe qui se spécialisent dans la fabrication de produits pharmaceutiques génériques de grande qualité. Nos sociétés membres procurent du travail à quelque 12 000 Canadiens dans des emplois très spécialisés et réinvestissent environ 15 p. 100 du produit des ventes réalisées au Canada dans des activités de recherche et développement menées au pays.
Le secteur canadien du médicament générique est fortement concurrentiel. Le Bureau de la concurrence du Canada l'a d'ailleurs confirmé dans deux études récentes. Au cours de la dernière décennie, cette forte capacité concurrentielle a contribué à l'augmentation du nombre de médicaments génériques qui sont proposés à la population canadienne.
Il n'est pas rare que les sociétés membres de l'ACMG comptent plus de 300 médicaments d'ordonnance dans le catalogue de leurs produits offerts sur le marché canadien. Bon nombre des sociétés que nous représentons soumettent également plus d'une douzaine de présentations abrégées de drogues nouvelles (PADN) chaque année. Dans certains cas, on se rapproche davantage de deux ou trois douzaines de présentations par année.
L'efficacité avec laquelle sont menées toutes les activités réglementaires entreprises par la direction générale est une question primordiale pour l'industrie du médicament générique. La direction générale souffre de sous-financement depuis de nombreuses années; son financement n'a jamais été augmenté alors que le volume de cas s'accroissait considérablement. Par exemple, le volume de travail pour l'examen des PADN à la Direction des produits thérapeutiques a augmenté de plus de 200 p. 100 au fil des 10 dernières années. Ce sous-financement chronique a bien évidemment eu pour résultat des objectifs de rendement non atteints et des arriérés croissants. Selon nous, l'intégrité des principaux programmes de la direction générale est désormais menacée.
La situation n'a pas cessé de se détériorer. Trente-cinq pour cent des PADN soumises à l'examen de la Direction des produits thérapeutiques au cours du quatrième trimestre de 2009 se retrouvaient dans l'arriéré. Ce manque de plus en plus criant de capacité doit être comblé. La direction générale a besoin d'une augmentation stable et permanente de sa base de ressources. Pour ce faire, on peut hausser le budget des services votés, majorer les frais d'utilisation payés par l'industrie, ou combiner ces deux moyens. Quelle que soit l'avenue choisie, nous estimons qu'une solution aurait dû être apportée il y a longtemps déjà.
John Hems va vous faire part de nos observations concernant les propositions.
M. Hems : Honorables sénateurs, les sociétés membres de l'ACMG sont prêtes à payer des frais raisonnables pour assurer un financement adéquat aux programmes de réglementation de la direction générale. Nous avons toutefois deux mises en garde à formuler. Premièrement, il faudrait qu'on nous garantisse que le budget des services votés ne sera pas touché lorsque les frais payés par l'industrie augmenteront. Nous n'avons pas actuellement de telles garanties et le Conseil du Trésor n'a toujours pas fait connaître son point de vue. La récupération des crédits empêcherait la direction générale de respecter ses normes de rendement et d'améliorer sans cesse ses activités. L'ACMG ose espérer que votre comité jugera bon d'inclure une recommandation ferme à cet effet dans son rapport au Parlement.
Notre deuxième mise en garde concerne l'inclusion de normes de rendement claires s'appliquant de façon individuelle aux présentations et aux demandes soumises. Ce n'est pas ce qui est proposé actuellement. Par exemple, la norme de rendement en vigueur pour le cycle complet d'examen d'une PADN — du dépôt de la présentation jusqu'à la décision — est de 235 jours. Cependant, la norme de rendement indiquée dans la proposition ne vise que la portion examen, ce qui la situe à 180 jours. La proposition ne dit rien au sujet des importantes normes de rendement pour le traitement et l'examen préliminaire de la demande. L'industrie doit obtenir l'assurance que ces autres fonctions et activités importantes liées à nos présentations disposent de ressources suffisantes. En l'absence de telles garanties, on créera une faille permettant des délais de traitement pour ainsi dire illimités.
En outre, la norme de rendement révisée s'applique à une période moyenne, plutôt qu'aux présentations prises individuellement. On s'éloigne ainsi considérablement de la norme de rendement actuellement applicable.
L'ACMG souhaiterait que le comité recommande l'intégration de normes de rendement plus claires et davantage inclusives dans les propositions. Nous voudrions aussi que vous recommandiez la suppression de l'expression « en moyenne » dans les normes proposées de telle sorte qu'elles puissent s'appliquer à chacune des présentations considérées individuellement, comme c'est le cas actuellement.
Notre mémoire comporte plusieurs autres recommandations dont nous serons heureux de discuter avec vous lors de la période réservée aux questions et réponses.
J'aimerais toutefois attirer brièvement votre attention sur l'une de ces propositions. L'une des différences marquées entre la proposition soumise par la direction générale en 2007 et celle actuellement à l'étude réside dans le retrait des présentations de modifications à déclaration obligatoire. L'ACMG est en désaccord total avec cette décision. La norme de rendement pour l'examen de ces présentations est actuellement de 90 jours. Le rendement actuel dans ce cas est tout simplement consternant. Au cours du quatrième trimestre de 2009, à peine 8 p. 100 des modifications à déclaration obligatoire ont pu être examinées dans le délai de 90 jours prescrit. Pour le troisième trimestre de 2009, le taux de rendement était seulement de 2 p. 100.
Il est indispensable pour notre industrie que des modifications exigeant l'approbation réglementaire puissent être apportées en temps opportun, de telle sorte que les fabricants de médicaments génériques puissent rester concurrentiels en étant capables d'apporter des améliorations. À notre avis, il n'est pas justifié de soustraire des propositions les présentations de modifications à déclaration obligatoire.
L'ACMG a une solution plus novatrice à proposer. Nous souhaitons que les modifications à déclaration obligatoire soient incluses dans la proposition via la mise en œuvre de mesures d'atténuation des frais qui seraient reportées pour une période fixe de deux à trois ans. On pourrait ainsi se doter des ressources nécessaires pour atteindre les normes de rendement avant que des mesures d'atténuation des frais n'entrent en vigueur, ce qui profiterait tout autant à l'industrie qu'à la direction générale.
Mme Cox : Nous tenons à remercier à nouveau le comité de nous avoir donné cette occasion de présenter nos points de vue au sujet de ces propositions. Nous serons heureux de répondre à toutes vos questions.
Le vice-président : Merci.
M. Stitz : Bonjour, honorables sénateurs. MEDEC est l'association nationale de l'industrie canadienne des technologies médicales qui compte environ 2 000 entreprises. Je me réjouis de cette occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui. Notre industrie procure de l'emploi à 35 000 Canadiens, principalement au sein de petites et moyennes entreprises, mais aussi de quelques sociétés de plus grande taille, lesquelles seraient considérées comme petites suivant les barèmes d'autres industries.
Quatre-vingt-dix pour cent des produits que nous distribuons au Canada ne sont pas fabriqués ici. Plus souvent qu'autrement, ils ont été fabriqués aux États-Unis (40 p. 100) et en Europe (environ 30 p. 100). Ces produits nous viennent donc de l'étranger. Nos ventes atteignent environ 7 milliards de dollars par année.
Comme on vous l'a dit hier, les dispositifs médicaux incluent une grande variété d'instruments thérapeutiques et de diagnostic. Je ne vais pas tous vous les citer, car le temps nous est compté. La liste des dispositifs médicaux fournie par Santé Canada uniquement à des fins de classification comporte plusieurs pages. Je crois que vous avez en main le texte de ma présentation que vous allez pouvoir suivre.
Il faut savoir que les dispositifs médicaux sont classés dans un premier temps en fonction du risque. Ils sont divisés en quatre catégories, mais la classe I n'est pas visée par la réglementation de Santé Canada. Les activités de délivrance de licences se limitent aux classes II, III et IV, ces deux dernières faisant l'objet d'une attention particulière, comme on nous l'a indiqué hier.
Il existe divers types de licences. Elles peuvent notamment être délivrées pour un dispositif unique, un ensemble de dispositifs ou une famille d'ensembles de dispositifs. Toutes ces possibilités peuvent contribuer à la complexité du processus de délivrance des licences.
Il faut également noter que les dispositifs médicaux ont un cycle de vie que l'on situe généralement entre 18 et 24 mois. Cela signifie que les innovations et les améliorations se succèdent à un rythme très soutenu, ce qui se traduit bien évidemment par des modifications ou de nouvelles demandes.
MEDEC est en faveur des frais et appuie Santé Canada dans sa demande visant à augmenter les ressources, car nous savons qu'il en faut beaucoup dans le contexte de l'intensification des activités avant et après la mise en marché. Nous partageons la responsabilité de ces activités avec Santé Canada et nous considérons que les besoins sont criants pour toutes les activités que doit réaliser Santé Canada dans les catégories agrément des établissements, licence de mise en marché ou autorisation de vendre. Nous avons toutefois certaines réserves quant à la définition d'avantage pour notre industrie utilisée dans la proposition, car nous n'estimons pas qu'elle cadre avec la description qu'on en fait dans la Loi sur les frais d'utilisation.
Par ailleurs, nous constatons que certains participants au sein de ce marché — surtout pour les dispositifs de classe I — ne contribuent pas à l'effort de recouvrement des frais à la hauteur de la part des responsabilités de Santé Canada qu'ils assument, notamment après la mise en marché.
Nous sommes conscients que les activités préalables et ultérieures à la mise en marché sont financées en partie au moyen de trois types de frais et nous convenons que davantage de ressources devraient être octroyées à Santé Canada pour fins de distribution. Nous sommes donc favorables au concept des frais d'utilisation, car il oblige également Santé Canada à rendre compte de l'utilisation des sommes ainsi perçues et du rendement à cet égard.
Cependant, le rendement que nous avons pu constater au cours des trois dernières années est loin d'être satisfaisant. En 2009, Santé Canada a rendu sa décision dans les délais prévus pour l'homologation des dispositifs de classe II dans 65 p. 100 des cas, en moyenne. Ce sujet de la moyenne a également été abordé par mon prédécesseur.
Pour les dispositifs de classe III, la moyenne atteignait 52 p. 100, alors qu'elle était de 49 p. 100 pour la classe IV. Il s'agit bien sûr d'un problème énorme pour notre industrie. Le temps d'attente est plus long que le temps nécessaire à l'évaluation des demandes. Nous pourrons parler plus en détail des causes de cet arriéré lors de la période de questions et réponses.
La proposition de frais soulève d'autres préoccupations pour notre association et nos membres. Nous convenons que la charge de travail augmente et que les cas deviennent plus complexes. Cependant, le graphique 12 de mon document illustre l'évolution des différents types d'activités et de demandes, et vous pouvez facilement constater qu'il y a eu augmentation de la charge de travail entre 2001 et 2004, mais que celle-ci s'est stabilisée par la suite, si ce n'est d'une légère oscillation, jusqu'en 2009.
Les diapositives 13 et 14 traitent de l'évolution du coût des dispositifs médicaux. Le coût du programme qui se situait aux environs de 13 millions de dollars en 2005-2006 devait augmenter pour atteindre en 2007-2008 — à peine deux ans plus tard — pas moins de 36 millions de dollars. Il s'agit d'une hausse de 174 p. 100 des coûts, selon cette estimation fondée sur des pronostics, plutôt que sur les chiffres réels.
En 2010, il est maintenant question d'augmenter les frais pour la tranche la plus élevée des coûts. Malheureusement, ce statut ne nous est accordé que pour le total des médicaments et dispositifs médicaux, bien que chacun de ces secteurs ait sa propre structure de frais et son propre flux de revenus. Les coûts totaux atteignent 227 millions de dollars en 2010, comparativement à 154 millions de dollars en 2007, ce qui équivaut au total à une autre augmentation d'environ 50 p. 100.
Nous nous demandons comment on peut justifier cette hausse de frais compte tenu du budget disponible et de l'accroissement des dépenses. Nous constatons une disparité croissante entre les volets coûts et revenus.
Nous avons des réserves quant aux comparaisons internationales que l'on vous a décrites hier. Comme l'indique bien la documentation, dans le cas des dispositifs médicaux — il faut toujours établir la distinction entre ces dispositifs et les médicaments, ce qui n'est pas toujours fait dans la proposition — la Food and Drug Administration des États- Unis (FDA) a recouvré 22 p. 100 des coûts de ses activités, avec une augmentation qui pourrait ajouter un autre 5 p. 100 environ, mais sans changer considérablement les choses.
En Europe, il n'y a même pas de frais réglementaires pour les dispositifs médicaux d'un certain montant, car ces frais sont payés là-bas à des organismes externes qui mènent les enquêtes. Les exemples fournis dans les exposés présentés hier faisaient état de situations non comparables.
Puis-je présenter rapidement nos propositions?
Le vice-président : Si cela conclut votre exposé.
M. Stitz : Ce sera ma conclusion.
Le vice-président : Merci.
M. Stitz : Nous croyons que les frais doivent être augmentés de façon raisonnable. Nous nous attendons toutefois à ce que Santé Canada s'engage à rattraper le travail en retard. Nous estimons que l'augmentation de frais devrait coïncider avec l'élimination de l'arriéré; que les frais devraient être utilisés pour le programme lui-même et non pas conservés par le Conseil du Trésor pour servir au financement du portefeuille de Santé Canada; et que les coûts devraient continuer à être partagés à parts égales entre crédits parlementaires et frais.
J'ai des propositions détaillées concernant les différents frais en cause, mais j'y reviendrai au cours de la période de questions et réponses. Je vous remercie.
M. Harrington : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs, de nous permettre de commenter aujourd'hui les propositions de Santé Canada concernant la récupération des coûts.
Produits de santé consommateurs du Canada est l'association nationale représentant les fabricants, les commerçants et les distributeurs de produits de santé consommateurs. Parmi les membres de l'association, on retrouve aussi bien de très petites entreprises que de grandes sociétés qui sont responsables de la vaste majorité des ventes de ces produits pour un marché total de 4,7 milliards de dollars au Canada.
Les ventes de nos membres sont divisées à peu près à parts égales entre les deux principales catégories de produits de santé consommateurs, à savoir les médicaments en vente libre et les produits de santé naturels. Notre association est le chef de file dans la défense des intérêts de l'industrie des produits de santé consommateurs depuis plus de 110 ans.
Relativement à la récupération des coûts, la position de notre industrie n'a pas vraiment changé depuis que cette idée a été proposée pour la première fois au Parlement dans les années 1990. Nous estimons que la réglementation en matière d'aliments, de produits de santé et de produits de beauté trouve son fondement législatif dans la nécessité de protéger la population contre la fraude et les risques pour la santé. Nous croyons que c'est le régime fiscal fédéral et les recettes générales qui devraient servir au financement de ces activités d'intérêt public.
Par ailleurs, nous estimons nécessaire de procéder à une évaluation préalable à la mise en marché pour s'assurer de l'innocuité, de la qualité et de l'efficacité des produits. C'est la meilleure façon d'offrir des règles de jeu égales pour tous tout en garantissant la protection des consommateurs. Notre industrie a donc toujours favorisé un barème de frais pour la récupération des coûts qui procurerait à Santé Canada suffisamment de ressources pour s'acquitter de son mandat et mener à bien sa fonction d'approbation avant la mise en marché de façon rapide et efficiente.
Par conséquent, Produits de santé consommateurs du Canada appuie une approche basée sur des frais qui assure une mise en marché plus rapide de ces produits dans l'intérêt de nos membres. À cette fin, nous voulons joindre notre voix à celles qui soutiennent la demande adressée par Santé Canada au Conseil du Trésor de telle sorte que les frais ainsi perçus soient utilisés pour les activités de programme correspondantes en s'ajoutant au budget de services votés existant.
Cela dit, nous devons également porter à votre attention certaines incohérences que contient cette proposition et les préoccupations qu'elle soulève. Comme je l'ai déjà mentionné, les produits que vendent nos membres appartiennent à deux catégories : les produits de santé naturels et les médicaments en vente libre. Chaque catégorie est assujettie à ses propres règlements. Je suis certain que tout le monde ici a entendu parler du Règlement sur les produits de santé naturels; les médicaments en vente libre sont régis par le même règlement que les médicaments sur ordonnance.
Toutefois, sur le plan scientifique, il n'y a pas de différence nette entre les produits de santé naturels et les médicaments en vente libre en ce qui a trait au profil avantages-risques et, de fait, ils doivent répondre aux mêmes critères d'évaluation de Santé Canada pour devenir produits de santé de grande consommation.
La seule différence concrète entre ces deux types de produits de santé de grande consommation, ce sont les principes actifs dans les préparations. De fait, lorsque le Règlement sur les produits de santé naturels a été établi en 2004, un grand nombre de médicaments en vente libre qui étaient régis par le Règlement sur les aliments et drogues, ont été assujettis au Règlement sur les produits de santé naturels, tout simplement parce que ce dernier avait été créé et que les ingrédients de ces produits sont de source naturelle.
À long terme, nous appuyons l'intégration des produits de santé naturels dans un programme de recouvrement des coûts afin de faire en sorte que Santé Canada ait les ressources nécessaires pour jouer son rôle convenablement et respecter des délais raisonnables. Je vous rappelle que lorsque ces produits sont passés sous le Règlement sur les produits de santé naturels, ils sont passés d'une situation de recouvrement des coûts à une situation de non- recouvrement des coûts.
Lorsque le temps sera venu d'élaborer un programme de recouvrement des coûts, nous participerons activement aux consultations pour nous assurer que ces frais sont établis de façon cohérente selon le niveau de complexité du processus d'examen et les risques pour les consommateurs, pour que nous ayons une approche cohérente dans tous les volets du mandat du ministère.
Entre-temps, nous incitons fortement le comité à se pencher sur des façons de rendre cette proposition plus équitable. Par exemple, nous attirons votre attention sur le fait que Santé Canada a proposé l'imposition de frais annuels d'autorisation de mise sur le marché d'un peu plus de 1 000 $ pour maintenir un médicament ou un produit de santé de grande consommation sur le marché canadien. Je crois que le ministère a dit au comité que l'approche globale doit être fondée sur le risque et être conforme à celle d'autres pays. À mon sens, cette proposition échoue sur ces deux aspects.
À cet égard, j'attire votre attention sur le tableau que nous vous avons fourni. Il indique qu'en vertu de la proposition actuelle, les frais pour les médicaments sur ordonnance en comparaison avec ceux pour les produits de santé de grande consommation, qui avaient été différents et qui sont différents dans la situation actuelle, seront désormais les mêmes. Donc, nous constatons une augmentation des coûts plus importante pour les produits de santé de grande consommation que pour tout autre produit visé par la proposition.
Par ailleurs, cette proposition fera du Canada le premier pays au monde à ne pas faire la distinction entre les frais d'autorisation de mise sur le marché pour les produits de santé de grande consommation et la plus grande complexité et les plus grands risques associés aux produits sur ordonnance. Si vous prenez l'exemple de l'Australie, du Royaume-Uni et des États-Unis, dans chaque cas, on fait la distinction entre les frais de recouvrement des coûts associés aux produits de santé de grande consommation et ceux des produits sur ordonnance.
Cette question a été examinée par le comité consultatif indépendant qui a été établi par le ministère. Ce comité a recommandé que la différence actuelle entre les autorisations de mise sur le marché à haut risque et celles à faible risque soit maintenue. Donc, nous recommandons au comité d'enjoindre à Santé Canada de respecter cette recommandation du comité consultatif indépendant pour rétablir l'équité dans cette proposition.
Une autre question que je voudrais soulever rapidement, c'est que certaines difficultés auxquelles l'industrie de produits de santé de grande consommation fait face découlent du fait que par la création du Règlement sur les produits de santé naturels, la plus grande partie du travail qu'il reste à accomplir par la direction du ministère qui s'occupe de ces frais est liée aux médicaments sur ordonnance. Il y a des répercussions en ce qui a trait aux normes associées à cela et à la complexité des demandes. À plus long terme, le ministère a indiqué qu'un mode de règlementation qui concorde mieux avec d'autres produits de santé de grande consommation est en vue, et je crois qu'il s'agit d'un aspect important de ce vers quoi nous nous dirigeons.
Cela dit, j'ai terminé mon exposé et j'ai hâte de discuter avec vous.
Le vice-président : Merci beaucoup, monsieur Harrington. Je cède maintenant la parole à Rx&D.
[Français]
M. Williams : Rx&D est le porte-parole national d'environ 50 compagnies qui comptent plus de 15 000 employés qui travaillent dans la recherche pharmaceutique. Nous sommes le chef de file en matière d'investissements dans la recherche et le développement privé où nous investissons actuellement plus d'un milliard de dollars.
Nous sommes également un catalyseur pour l'ensemble de la chaîne de valeur des sciences de la vie, laquelle comprend de jeunes entreprises telles que des entreprises de recherche sous contrat ainsi que des partenariats avec des universités, des hôpitaux et autres intervenants du domaine de la santé.
D'abord et avant tout, notre objectif était de découvrir et d'élaborer des médicaments et des vaccins novateurs qui favorisent l'amélioration de la santé des Canadiens.
[Traduction]
Le concept du recouvrement des coûts et la proposition actuellement devant le comité sont des éléments importants du processus général par lequel notre industrie présente au ministre de la Santé des demandes d'examen de nos produits pour en assurer l'innocuité et l'efficacité.
Rx&D est d'accord avec les principes de recouvrement des coûts et appuie la Loi sur les frais d'utilisation actuellement en vigueur. En fait, notre industrie a appuyé la notion de recouvrement des coûts depuis une proposition précédente du gouvernement fédéral, c'est-à-dire dès 1986.
Selon le type de produit, nos membres paient des frais à la Direction des produits thérapeutiques ou à la Direction des produits biologiques et des thérapies génétiques afin de compenser les coûts d'examen des présentations de médicaments. À leur tour, les deux directions sont tenues d'analyser l'innocuité et l'efficacité des médicaments faisant l'objet des présentations et de délivrer un avis de conformité le cas échéant.
Afin d'assurer de rendre des comptes aux contribuables canadiens, Santé Canada doit faire état de son rendement quant au respect des normes de service qui se rattachent à la perception des frais et à la gestion du budget qui en découle. Pour nos produits, ce processus n'est pas une considération abstraite. Le rendement de Santé Canada, pour lequel des frais sont exigés et des dollars provenant des impôts sont utilisés, a une incidence directe sur la disponibilité des traitements novateurs pour les patients canadiens. Le rendement a donc des conséquences sur la qualité de vie des Canadiennes et des Canadiens ainsi que sur la qualité de notre économie.
[Français]
Comme il l'a été démontré dans le récent rapport de l'Institut Fraser, publié en 2010, le délai d'approbation a vu une légère amélioration entre 2004 et 2008, mais nous n'avons malgré tout pas toujours atteint les objectifs précisés dans le cadre des recouvrements de coûts. En outre, le temps d'approbation global au Canada continue d'être à la traîne d'autres collectivités publiques et internationales, ce qui fut le cas particulièrement dans le passé avec les États-Unis et l'Union européenne.
[Traduction]
Santé Canada déclare elle-même qu'en 2009, environ le tiers des examens de nouveaux produits ont dépassé les objectifs du ministère, et il semble que le rendement empirera en 2010, malgré les efforts soutenus. Les patients canadiens sont forcés d'attendre plus que nécessaire et davantage que les patients d'autres pays pour obtenir les mêmes produits. Il est clair que ce n'est pas uniquement Santé Canada. En plus, il y a des retards provenant du Programme commun d'évaluation des médicaments et des programmes provinciaux de remboursement, ce qui place le Canada, d'après notre dernière évaluation, au 20e ou au 25e rang mondial en ce qui a trait à l'accessibilité de nouveaux médicaments.
Ces observations constituent le contexte essentiel sur lequel s'appuie le soutien nuancé à l'égard de la proposition de Santé Canada actuellement examinée par le comité. En effet, nous sommes toujours en faveur d'une révision du cadre de travail sur les frais d'utilisation afin d'offrir une assise financière solide visant à maintenir aussi élevée que possible l'efficacité des évaluations et des programmes de Santé Canada pour les patients canadiens. Cependant, nous sommes préoccupés par le faible rendement de ces programmes.
Rx&D convient que le cadre de recouvrement des coûts du ministère doit être doté d'une assise financière plus stable afin d'assurer l'examen efficace des présentations. Nous reconnaissons qu'en l'absence de modifications, le modèle actuel n'est pas viable.
Par ailleurs, toute augmentation du financement doit être reliée à l'atteinte de normes de rendement précises et doit être mise en œuvre de manière à maintenir l'efficacité et la responsabilisation du processus d'examen. Je tiens à porter à votre attention quatre recommandations maintenant.
Premièrement, faire en sorte de modifier la proposition afin d'inclure l'exigence que Santé Canada détermine et mette en œuvre des mesures courantes d'amélioration du rendement comme l'emploi d'experts indépendants, le recours à des outils électroniques, l'amélioration de la gestion de la qualité du processus d'évaluation et l'augmentation de l'emploi d'examens menés à l'étranger dans les cas appropriés.
Je crois que nous devrions nous arrêter un moment et souligner, comme je l'ai fait plus tôt, qu'on a fait des efforts et qu'une partie de ce travail a été accomplie. Souvent, nous ne soulignons pas l'excellent travail que font nos ministères en matière de santé et d'autres services publics. Parfois, nous devrions nous arrêter et nous dire que des efforts ont été déployés. Nous avons constaté certaines améliorations et il nous faut passer aux prochaines étapes.
Nous voulons que ces mesures soient exigées explicitement. Je viens de les mentionner. En fin de compte, le ministère — et je sais que c'est le cas, mais nous devrions intégrer cela dans le plan — devrait s'efforcer d'être à l'avant-garde internationale en matière de pratiques exemplaires dans ces domaines.
Deuxièmement, une autre de nos recommandations a trait à l'augmentation systématique des frais chaque année. Nous recommandons que cette disposition soit éliminée et que les augmentations dépendent de la tenue d'un examen du service et du rendement obtenu, et qu'ensuite des mesures soient prises.
Troisièmement, nous recommandons que la proposition d'un examen trisannuel du programme, que nous approuvons, soit modifiée de manière à exiger que les normes de rendement soient évaluées et fassent l'objet d'une harmonisation internationale dans le cadre de cet examen. Les nouvelles normes de service doivent prendre une forme qualitative et quantitative, comme c'est le cas dans d'autres collectivités publiques.
Quatrièmement, nous recommandons — comme d'autres collègues l'ont fait — de modifier la proposition pour nous assurer que le gouvernement maintient le financement des services votés de la Direction générale des produits de santé et des aliments de Santé Canada. Nous sommes d'accord avec la proposition que les frais perçus doivent demeurer au sein de la direction. Cependant, toute augmentation des frais liée au rendement ne doit pas être contrebalancée par des réductions du financement de Santé Canada provenant du Trésor. Cela irait à l'encontre de l'objectif de mener des examens réglementaires efficaces et de ce que nous tentons d'accomplir. C'est essentiel.
Le Canada mérite et vise un système d'examen réglementaire des médicaments de haut niveau, que nous avons et que nous voulons maintenir et continuer à améliorer durant les changements complexes découlant de l'examen. Nous devons soutenir le rythme à la fois du développement des médicaments et de l'évolution des meilleures pratiques réglementaires internationales.
Bref, Rx&D convient qu'il est nécessaire d'augmenter les frais, mais ces augmentations doivent être liées au rendement. La reddition des comptes est impérative. Simplement rembourser les frais si les normes ne sont pas atteintes ne contribuerait pas à rendre la réglementation efficace et, en fin de compte, à offrir de meilleurs soins de santé dans le système.
Nous tenons au rendement et à la reddition de comptes, et ensuite, nous serons très favorables aux propositions sur le recouvrement des coûts qui nous ont été présentées.
Le vice-président : Merci beaucoup à tous les présentateurs d'avoir donné des exposés très clairs.
Avant de passer aux questions, je veux rappeler à mes collègues, ainsi qu'à tout le monde ici présent, qu'en raison du programme d'aujourd'hui, je dois suspendre la séance à midi tapant. Concernant les questions, j'espère pouvoir donner l'occasion à tous les sénateurs qui le souhaitent de prendre la parole et, aussi, j'espère que vous serez précis. Les périodes de questions et de réponses dureront environ cinq minutes.
Le sénateur Cordy : Vous nous avez donné beaucoup de renseignements aujourd'hui. Comme vous le savez probablement, nous avons rencontré le ministère hier. Lorsque j'ai demandé où iraient les frais, j'ai été étonnée d'entendre la sous-ministre dire que le ministère est présentement en train de négocier avec le Conseil du Trésor pour s'assurer que les frais demeurent au ministère.
Monsieur Stitz, dans la documentation que vous nous avez fournie un peu plus tôt, vous définissez les frais d'utilisation. Vous dites que ce sont des frais qui entraînent un avantage direct à la personne qui les paie. C'est une définition très crédible, mais ce que chacun d'entre vous a dit, je crois, c'est que vous ne voyez pas d'objection à ce qu'on augmente les frais. Je pense que 10 ans, c'est une période trop longue, car les entreprises devront prendre en charge des augmentations importantes d'un seul coup.
À mon avis, vous dites tous qu'il nous faut surveiller d'une certaine façon les services qui sont fournis. D'après ce que j'ai lu avant aujourd'hui et ce que vous avez tous dit aujourd'hui, les temps d'attente sont longs. Je crois que M. Stitz a dit qu'il est mauvais que le temps d'attente soit plus long que le temps qu'il faut pour évaluer les matériels médicaux ou les médicaments.
Vous avez tous présenté de bons arguments à cet égard. Monsieur Williams, vous nous avez fourni de bons éléments que nous, en tant que membres du comité, devrions peut-être ajouter à ce que nous présentons au Sénat.
Est-ce que certains d'entre vous désireraient poursuivre? Je ne suis pas certaine si j'ai lu cela auparavant ou si je l'ai entendu aujourd'hui, mais dans bien des cas, le temps d'attente est trois fois plus long qu'on avait prévu d'abord.
J'aimerais être précise sur ce que le comité devrait recommander au sujet de la reddition de comptes concernant les frais d'utilisation pour que le Conseil du Trésor ne prenne pas l'argent et le donne à un autre ministère. Quelles sont vos recommandations précises? Monsieur Williams, vous nous en avez donné quelques-unes. Quelqu'un d'autre pourrait-il formuler des recommandations précises que nous pourrions faire en tant que comité?
M. Harrington : Il y a un autre élément dans ce que j'ai remis au comité qui porte là-dessus — la façon dont les règlements sont administrés et les coûts qui y sont liés. Je mentionne même l'endroit où on s'en occupe au ministère pour que nous puissions profiter de toute l'efficacité d'une mentalité commune. L'une des questions que j'ai soulevées dans notre témoignage, c'est qu'actuellement les produits de santé de grande consommation sont divisés entre deux secteurs du ministère; le premier est très axé sur les produits d'autosoins et les produits adaptés au consommateur, des produits qui présentent de hauts risques ou de faibles risques; pour ce qui est du deuxième, dans l'ensemble, entre 90 et 95 p. 100 de la charge de travail est liée aux médicaments sur ordonnance qui présentent de plus grands risques.
Les conséquences qu'ont ces deux différents milieux sur l'idée derrière le processus d'examen et la complexité ne sont pas négligeables. Ce n'est donc pas directement une question de recouvrement des coûts, mais une question administrative qui pourrait certainement avoir des répercussions sur l'équitabilité des propositions et l'efficacité du processus général.
M. Stitz : On a dit que le temps d'attente est indiqué par une moyenne, ce qui constitue bien sûr un problème en tant que tel, car si la moyenne excède le temps qu'on a fixé de 200 p. 100, quelle est la valeur aberrante la plus extrême à laquelle on pourrait s'attendre? Comme ce pourrait même être multiplié, il faudrait des années pour rendre des comptes sur la réalisation d'un examen qui se fait en 100 jours. Il s'agit là d'un problème.
Lorsque nous examinons les causes du problème, nous, en tant que représentants de l'industrie des matériels médicaux, faisons bien entendu également référence aux améliorations que nous pouvons apporter. Nous vous avons fourni des exemples et j'ai indiqué dans la documentation que je vous ai remise qu'au Canada, 90 p. 100 du matériel qui vient de l'étranger est examiné avant d'entrer au pays. Nous sommes d'avis qu'on ne prend pas suffisamment en considération le fait de fonder le processus décisionnel et l'examen sur un examen qui a déjà été effectué, en Europe, aux États-Unis ou dans tout autre marché dont les normes de sécurité sont jugées comparables aux nôtres.
Par exemple, la base du processus décisionnel du marché australien est beaucoup plus élevée avec l'approbation de l'Europe. Un produit ayant le marquage UE ou CU en Australie fait l'objet d'un examen plus court et les coûts sont moindres.
Il existe des modèles sur la façon de prendre des décisions. Mes collègues ont également indiqué l'idée d'avoir recours à un examen international qui n'a pas été fait auparavant, et comme les scientifiques partout au monde ne font pas de choses différentes en science, nous pourrions ainsi réduire les coûts et rendre notre programme plus stable qu'il l'est aujourd'hui. Nous avons raté une occasion lorsque nous avons vu ces frais augmenter; une augmentation de 300 p. 100, c'est dramatique. Ce n'est pas seulement une augmentation — c'est un nouveau seuil de frais.
Mme Cox : On ne peut atteindre des cibles de rendement sans avoir le nombre de personnes nécessaires pour faire le travail. L'une de nos remarques, qui est également énoncée dans notre exposé, c'est qu'on constate une certaine lutte contre le feu — je m'excuse pour l'expression — où, s'il y a un besoin urgent, le personnel est réaffecté. Nous croyons fermement qu'il faut augmenter les ressources, seulement en ce qui a trait au personnel. Il nous faut plus de personnes pour mener les examens qui conviennent et atteindre les cibles de rendement.
Mme Del Bosco : Comme leur rendement est rendu public chaque année par Santé Canada, ces chiffres sont accessibles. C'est une question de rendement qualitatif et quantitatif. Pour évaluer un rendement plutôt qualitatif, on pourrait se pencher sur des outils utilisés par Santé Canada et l'industrie qui incluent, comme M. Williams l'a dit, des examens menés à l'étranger ou menés par des spécialistes, mais il s'agit également de créer ces outils et d'évaluer de quelle façon ils sont utiles aux processus. Oui, on ajoute des ressources, mais la question est également de savoir à quel point on les utilise bien pour prendre cette décision finale dans les délais imposés pour le recouvrement des coûts.
Le sénateur Eaton : Monsieur Stitz, vous avez parlé d'examens menés à l'étranger et de la façon dont nous pourrions aider Santé Canada à accélérer les choses. Les États-Unis acceptent-ils des examens menés à l'étranger pour l'évaluation de leurs médicaments?
M. Stitz : Non, je ne crois pas, mais la situation est également différente parce qu'un pourcentage plus élevé d'examens des produits américains est fait aux États-Unis.
Le sénateur Eaton : Les États-Unis ne vendraient-ils pas un produit selon une évaluation que Santé Canada a faite? Doit-on reprendre un produit et ensuite le faire passer par le processus américain?
M. Stitz : Actuellement, cela ne se passe pas ainsi pour les produits canadiens. Comme nous accusons un déficit commercial au chapitre des matériels médicaux sur le marché international, en particulier les États-Unis, on ne s'interroge pas beaucoup à ce sujet.
Le sénateur Eaton : Mais, sinon, est-ce le cas?
M. Stitz : Accepter les examens réalisés de part et d'autre ferait l'objet de négociations entre les deux autorités. Il serait possible de recourir à ce moyen, mais dans l'exemple donné précédemment, l'Australie n'a pas insisté pour que l'Europe prenne les produits australiens parce qu'elle est dans la même situation. L'Australie est un pays d'à peine un peu plus de 22 millions de personnes, et la quantité de produits de l'extérieur — de l'Europe — qui entrent en Australie est énorme comparée aux avantages qu'aurait l'Australie si elle était reconnue comme partenaire égal.
J'appuie votre question et c'est ce qu'on devrait cibler, mais tout d'abord, quel est l'objectif?
Le sénateur Eaton : Ce n'est pas la réciprocité, en fait.
M. Stitz : Non, c'est clair.
Le sénateur Eaton : Monsieur White, concernant les délais, Santé Canada n'a-t-il pas des normes de rendement, et s'il ne se conforme pas aux normes, réduit-on les coûts? Cela ne fait-il pas partie de la loi originale?
M. White : Vous avez raison. On peut réduire les frais. Cela dépend. Si l'on manquait une cible de 10 p. 100, les frais pour l'année suivante seraient réduits de 10 p. 100; le maximum est de 50 p. 100.
M. Williams : Ce que je dis, c'est qu'en fin de compte, nous ne voulons pas revenir à une baisse des frais. Nous voulons vraiment un meilleur système. Nous reconnaissons que cet équilibre est là, mais ce sera plus efficace pour nous d'obtenir d'autres examens de rendement et un équilibre, que de rendre une partie de l'argent. Nous tentons tous de faire cela.
En ce qui concerne votre première question, je crois comprendre que les autorités font beaucoup d'échanges non officiels, et si j'ai bien compris le fondement de votre question, en fin de compte, il faut que la décision soit prise par le Canada. Cela ne fait aucun doute. Toutefois, s'il s'agit de la même molécule, de la même science et du même examen réglementaire, n'existe-t-il pas un système plus officialisé qui nous garantit que c'est fiable? Ne pourrions-nous pas obtenir un système plus officialisé qui nous permettrait de profiter des examens effectués de part et d'autre et ainsi d'économiser de l'argent et du temps? En fin de compte, cependant, il faut que la décision soit prise par le Canada.
Le sénateur Eaton : Monsieur White, combien coûte le passage du développement d'un produit en vente libre à sa mise en marché, en d'autres mots, par le processus d'examen?
M. White : Les frais de lancement peuvent varier. Comme on peut exiger des essais cliniques pour s'assurer que le consommateur peut utiliser le produit, des frais de lancement y sont liés. Les coûts des essais cliniques peuvent osciller entre un demi-million et plusieurs millions de dollars selon le type d'essai clinique mené. Je crois qu'à Santé Canada, les frais d'examen de la présentation seraient de 47 000 $ pour le faire. Ce ne sont que des estimations. En ce qui concerne le temps, le passage de la prescription d'un produit à sa vente libre nécessiterait de trois à cinq ans à partir du moment de sa conception.
M. Harrington : J'ai mentionné que Santé Canada doit examiner les données scientifiques pour qu'un produit en vente sur ordonnance puisse être offert en vente libre. Introduire un nouveau produit qui combinerait deux produits utilisés depuis longtemps présente aussi son lot de difficultés.
Le sénateur Eaton : Par exemple, il pourrait s'agir de la combinaison d'un parfum et d'un désinfectant pour les mains.
M. Harrington : Oui, c'est exactement ce dont je parle. Prenons l'exemple de la combinaison de deux ingrédients actifs, comme l'aloès et un écran solaire, deux substances assujetties à un règlement et qui possèdent des propriétés revendiquées. En vertu de la réglementation des médicaments, ce genre de produit tombe automatiquement dans la catégorie des nouveaux médicaments, ce qui signifie que Santé Canada doit procéder à un examen complet et coûteux, même si les deux ingrédients ne comportent aucun danger, sont utilisés depuis longtemps et sont bien connus. C'est automatique. L'un des problèmes fondamentaux est que certains produits de consommation ne se retrouvent pas tous dans la même catégorie : certains sont considérés comme des médicaments et d'autres, comme des produits de santé naturels.
Le sénateur Eaton : Vous avez parlé du coût d'un médicament en vente libre, qui est de 1 000 $ — en Angleterre, c'est plutôt 1 600 $. Je crois que cela ne représente en fait qu'un très faible pourcentage du coût de toutes les étapes qui vont de la mise au point à la mise en marché.
M. White : Merci de donner cette précision. Il s'agit de la licence annuelle pour chacun des produits. Donc, une entreprise qui détiendrait mille produits devrait débourser 500 000 $ par année. Aux termes des propositions dont nous sommes saisis, ce montant doublerait; la même entreprise devrait alors payer 1 million de dollars. Cela n'a rien à voir avec la mise au point du produit et sa mise en marché; la licence permet simplement de le mettre en vente chaque année.
Le sénateur Eaton : C'est ce qui permet d'assurer un certain suivi dans le cas des produits qui présentent un certain risque.
M. White : Vous avez absolument raison. C'est pourquoi d'autres pays, comme l'Australie, les États-Unis et le Royaume-Uni, se basent sur le risque pour déterminer les frais de licence. Ils ont établi le coût de revient et ont découvert que les nouvelles substances chimiques ou les nouveaux médicaments sur ordonnance présentent peut-être un risque plus élevé, et ils ont établi les frais en conséquence. Dans ces pays, les frais pour les médicaments en vente libre sont bas, puisqu'ils comportent peu de risque. Au Canada, si, par exemple, une nouvelle substance chimique est mise en marché pour la première fois, il y aura beaucoup de surveillance post-commercialisation pour s'assurer que les consommateurs utilisent correctement les produits en question. Nous croyons que la situation est grandement différente lorsqu'un produit est sur le marché depuis des dizaines d'années, qu'on l'utilise depuis longtemps et qu'on le connait bien. Les pays dotés d'un système de recouvrement des coûts en sont conscients et se basent sur le risque pour établir les frais.
Le sénateur Eaton : Si vous ajoutez une substance à un ancien produit, comme un parfum ou autre chose, croyez- vous qu'il s'agit encore du même produit?
M. White : Essentiellement, c'est ce que je crois.
Le sénateur Merchant : Merci. Je vais revenir à de nombreuses inquiétudes qui ont été soulevées ce matin. Je crois avoir compris qu'une augmentation des frais ne signifie pas nécessairement une amélioration du rendement actuel de Santé Canada. Je crois qu'aucun d'entre vous n'a remarqué, dans le passé, qu'une augmentation des frais avait entraîné une amélioration du rendement de Santé Canada.
Dans le cas des entreprises privées qui fabriquent des produits, il est un peu plus facile de savoir ce qu'on obtient pour son argent. Toutefois, les gouvernements gèrent des idées, et le rendement est plus difficile à mesurer.
Je suis un peu inquiète, car nous parlons d'argent, et vous êtes tous plutôt prêts à accepter une augmentation des frais. Toutefois, s'ils augmentent, le prix de vos produits augmentera aussi. Si un constructeur automobile doit vendre un de ses véhicules 5 000 $ plus cher parce qu'il comporte un nouveau gadget, le consommateur peut choisir. Il se peut notamment que le constructeur voit ses ventes diminuer.
Toutefois, nous désirons tout comme vous que les Canadiens aient accès à de très bons soins de santé et que tout le monde soit protégé. Un autre élément vient s'ajouter aux frais d'utilisation et aux taxes perçues par le gouvernement canadien. Je crois que les provinces assument une grande partie des coûts des soins de santé, car elles utilisent un grand nombre des choses dont M. Stitz a parlé, pas seulement les médicaments.
Comment pouvons-nous composer avec l'augmentation de tous ces coûts et espérer en avoir pour notre argent quant au rendement? En dernière analyse, ce sont les consommateurs et les provinces qui doivent absorber tous ces frais.
M. Harrington : Finalement, nous voyons la proposition de frais de recouvrement des coûts comme une occasion de s'assurer que Santé Canada dispose des ressources dont il a besoin pour faire son travail efficacement. Aujourd'hui, nous avons structuré nos idées pour veiller à ce que ce besoin fondamental soit pris en considération autant que possible.
Si l'efficacité ne s'améliore pas et que les objectifs ne sont pas atteints, nous devrons en subir les conséquences. Nous savons que le ministère travaille extrêmement fort pour y arriver. Toutefois, comme vous l'avez souligné, la question est très complexe — il est important de prendre en considération sa grande portée et les nombreux facteurs qui entrent en ligne de compte. En ce qui concerne la proposition, nous avons donc essayé de mettre l'accent sur au moins quelques éléments fondamentaux et de nous assurer que les sommes qui correspondent aux frais soient remises au ministère sans que cela entraîne une réduction du financement des activités de base.
Plusieurs mesures peuvent être prises pour minimiser le risque. Au bout du compte, le rendement dépend de nombreux facteurs, et le recouvrement des coûts n'est qu'un d'entre eux.
M. Stitz : J'aimerais revenir au comportement de l'industrie pharmaceutique, dont vous avez parlé. Telle qu'elle a été présentée, la proposition de frais de recouvrement des coûts comporte deux côtés de la médaille, soit les données passées et les prévisions futures. D'une part, nous constatons que les frais n'ont pas augmenté au cours des 10 à 15 dernières années. D'autre part, Santé Canada nous a fourni ses prévisions pour les trois prochaines années.
Ce n'est pas à moi de dire si l'augmentation des frais devrait être automatique ou non, car ce n'est pas mon domaine. Les frais devraient subir automatiquement une hausse de 2 p. 100, mais, en réalité, cette hausse est de 7 p. 100, ce qui mènera tout droit à la catastrophe. Nous en parlerons encore dans 10 ans, car c'est seulement un pronostic, une estimation.
Penchons-nous maintenant sur la situation de la dernière décennie. Disons que la hausse de 2 p. 100 est une augmentation qui correspond au taux d'inflation qu'on veut remplacer par une majoration des frais. Sur une période de 10 ans, une hausse de 2 p. 100 représenterait une montée des frais de 35 p. 100, et non de 350 p. 100.
Je constate que de nombreux aspects de la proposition sont terriblement mal expliqués. Il est donc très difficile, tant pour l'industrie que pour vous, de bien comprendre.
M. Williams : J'aimerais souligner l'importance de la question du sénateur. C'est un problème très complexe. Les frais n'ont pas subi de hausse. Les Canadiens espèrent, exigent et méritent que le réseau de la santé soit très efficace et sécuritaire. Nous pouvons être fiers que ce soit le cas. Si nous voulons le protéger dans toute sa complexité, il faut régler le problème.
En tant qu'industrie, c'est aussi notre responsabilité de continuer à travailler sur l'efficacité. Nous parlons aujourd'hui de Santé Canada. Au fur et à mesure que se complexifient la recherche et la réglementation, notre industrie essaie de s'adapter. Toutefois, c'est tout un dilemme. Si je compare la situation au Canada et aux États-Unis, je constate que la FDA dispose de nettement plus de ressources que nous, et les molécules ne sont pas différentes là-bas.
Ce n'est pas seulement une question d'argent; on parle d'efficacité et de rendement. Nous ne parviendrons pas à régler ce problème en 2010, car nous recherchons un équilibre entre les trois, et il faudra effectuer des examens continuels pour y arriver.
Le vice-président : Monsieur White, j'aimerais revenir à votre réponse à la question du sénateur concernant la combinaison de deux substances actives, chacune autorisée et assujettie au règlement. On suppose que la nouvelle formule mélangée n'entraînera aucune modification des deux substances.
N'y a-t-il pas une raison d'examiner ce qui se produit lorsque deux substances distinctes règlementées sont combinées dans une nouvelle formule?
M. White : Je crois effectivement qu'il est bon d'examiner ce genre de formules. Toutefois, il faut comprendre que les deux ingrédients sont utilisés depuis longtemps. Le problème, c'est que le nouveau produit est règlementé de la même façon que s'il s'agissait d'une nouvelle substance chimique. Autrement dit, il est assujetti aux mêmes dispositions que s'il s'agissait d'un tout nouveau médicament. C'est ce qui nous préoccupe.
M. Harrington : J'aimerais préciser un autre élément. Nous ne disons pas que ce genre de combinaisons ne devrait pas être évalué. Nous disons plutôt que lorsque nous les évaluons de cette façon, nous les plaçons dans la catégorie de risque la plus élevée. Comme M. White l'a dit, la combinaison est donc jugée équivalente à une nouvelle substance chimique.
Le vice-président : Merci beaucoup. Je voulais ajouter ce point à la discussion.
[Français]
Le sénateur Champagne : Je pense que tout le monde est d'accord sur le fait que le plus gros problème auquel vous faites face, c'est que le temps d'attente qui précède l'évaluation est plus long que le temps pris pour faire l'évaluation elle-même. Vous disiez aussi que c'est souvent parce qu'on manque de personnel ou de ressources.
Est-ce que c'est pour cela que dans une de vos propositions, monsieur Stitz, vous suggérez qu'il n'y ait d'aucune façon une atténuation ou encore une exemption de frais, ce qui se fait en ce moment lorsqu'on veut aider, par exemple, une petite compagnie de recherche qui vient de commencer et que des frais énormes pourraient mettre en péril?
Vous voudriez que, concernant les frais individuels, il n'y ait aucune atténuation et moins d'exemptions. Évidemment, cela donne plus d'argent et s'il y a plus d'argent, il y aura davantage de personnel; est-ce que c'est comme cela qu'on doit le voir?
[Traduction]
M. Stitz : Je crois que je me suis peut-être mal exprimé. Nous parlons de trois éléments distincts : les frais d'évaluation, qui s'appliquent pour les produits qui sont modifiés et les produits innovateurs; les frais de licence d'établissement pour les matériels médicaux; et l'autorisation de vente, pour des produits déjà sur le marché, qui nécessitent le paiement de frais annuels.
Nul besoin d'atténuer les deux derniers frais, c'est-à-dire les licences d'établissement et les autorisations de vente. Pourquoi? Tout d'abord, ils ne sont pas exorbitants. Ce sont les frais d'évaluation précédant la commercialisation qui représentent la proportion la plus élevée du coût de mise en marché d'un produit novateur. Les deux autres frais viennent plutôt après la mise en marché.
De plus, Santé Canada établit un lien entre ces frais et les activités de surveillance après la mise en marché. Ainsi, lorsqu'un produit est déjà sur le marché, il n'est pas nécessaire d'atténuer les frais d'autorisation de vente et de licence d'établissement pour les matériels médicaux.
À l'heure actuelle, vous remarquerez, selon les chiffres que je vous ai présentés, que le nombre de détenteurs de licence d'établissement est passé de 600 à 2 100 au cours des 10 dernières années. Bon nombre d'entre eux sont de petits distributeurs, des entreprises familiales.
Il n'y a rien de mal à cela, puisque ce sont des entreprises. Toutefois, elles ont un petit chiffre d'affaires et bénéficient de mesures d'atténuation des frais. Elles nécessitent aussi une surveillance après la mise en marché pour s'assurer qu'elles disposent d'un registre de distribution et de procédures d'exploitation uniformisées.
Pourquoi ces petites entreprises ne devraient-elles pas payer les frais et contribuer à la surveillance après la mise en marché que doit effectuer Santé Canada? Il en va de même pour l'autorisation de vente.
Le vice-président : Vous nous avez fourni des explications très claires. Les sénateurs vous ont posé des questions très précises auxquelles, je le répète, vous avez répondu clairement. Je crois qu'ils ont pu recueillir l'information dont ils avaient besoin.
Merci de vous être présentés devant le comité. À moins que l'un d'entre vous n'ait un commentaire éclair, je vais suspendre la séance, puis nous allons poursuivre à huis clos.
(La séance se poursuit à huis clos.)