Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 9 - Témoignages du 10 juin 2010
OTTAWA, le jeudi 10 juin 2010
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 31, pour étudier l'accessibilité à l'éducation postsecondaire au Canada.
Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue à la réunion du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Nous poursuivons l'étude sur l'accès à l'éducation postsecondaire. Le thème d'aujourd'hui est l'apprentissage à distance. Nous avons invité trois témoins pour nous aider à examiner le sujet.
M. Thomas Chase est vice-président (académique) et prévôt à l'Université Royal Roads. Avant d'occuper ces fonctions, il était doyen de la faculté des arts à l'Université de Regina. Il est également le directeur fondateur du Centre des technologies de l'éducation.
M. Tony Bates est le chef de la direction de Tony Bates Associates Ltd. Il est consultant privé en apprentissage en ligne et en enseignement supérieur. Il conseille actuellement un certain nombre d'universités et de collèges au Canada ainsi que le gouvernement de l'Alberta sur la stratégie à adopter pour l'apprentissage en ligne. En 2008-2009, il a fait partie du Comité consultatif mondial sur la technologie et l'éducation du Forum économique mondial. Il a écrit 11 ouvrages sur la formation à distance et les technologies de l'apprentissage et a donné des consultations dans plus de 40 pays. Il a une expérience très variée.
Lori Van Rooijen est vice-présidente, Avancement, à l'Université Athabasca en Alberta. Elle a connu une brillante carrière en tant que consultante en leadership et planification stratégique, en communication et participation du public ainsi qu'en gestion et élaboration de projets. L'Université Athabasca fait d'ailleurs figure de pionnière dans l'utilisation des ordinateurs pour donner des cours en ligne. Même si l'université est principalement située à Athabasca, en Alberta, elle a des installations secondaires à Edmonton et à Calgary.
Bienvenue à vous trois. Vous avez sept minutes pour faire vos exposés, que nous avons hâte d'entendre. À moins que vous ne vouliez changer l'ordre de présentation, je demanderais à Thomas Chase, de l'Université Royal Roads, de commencer, car il est le premier témoin à l'ordre du jour.
Thomas Chase, vice-président (académique) et prévôt, Université Royal Roads : Je vous remercie de m'avoir accordé le privilège de parler avec vous ce matin de l'accessibilité à l'éducation postsecondaire au Canada. Pour le peu de temps dont je dispose, j'aimerais me concentrer sur un sujet qui intéresse tout particulièrement votre comité : les obstacles à l'accès à l'éducation postsecondaire que l'on rencontre actuellement, comme la distance, le revenu familial et les problèmes auxquels sont confrontés les Autochtones.
En tant que prévôt de l'Université Royal Roads, je représente une université canadienne unique, fondée par le gouvernement de la Colombie-Britannique pour répondre aux besoins des professionnels et de leurs employés. Nos étudiants ont en moyenne 36 ans; la majorité d'entre eux suivent un programme d'études supérieures. En fait, nous occupons le deuxième rang pour ce qui est des écoles d'études supérieures en Colombie-Britannique; nos programmes de formation générale sont seulement axés sur les champs appliqués et professionnels.
Notre objectif est de donner un enseignement de grande qualité. Dans le dernier sondage national sur la participation des étudiants, nous sommes arrivés premiers parmi les universités canadiennes pour le degré de difficulté des études et pour l'apprentissage par l'action et l'expérience. Dans les enquêtes auprès des diplômés menées par le gouvernement de la Colombie-Britannique, notre université se classe chaque fois au premier rang, ou tout près, parmi les universités de la Colombie-Britannique pour le niveau de satisfaction des étudiants concernant la qualité, la pertinence et la prestation des programmes. Pour ce qui est de l'investissement public par étudiant équivalent temps plein, nous sommes également l'université la plus rentable en Colombie-Britannique.
Notre modèle est fondé sur l'apprentissage par cohortes et équipes. La majorité de nos programmes d'études supérieures s'articulent autour d'une série de résidences de deux ou trois semaines intensives sur le campus où toute la cohorte apprend à régler des problèmes en équipes : bref, cela donne des étudiants très motivés et d'une grande maturité qui apprennent par l'action et l'expérience. Ces résidences se font en alternance avec des périodes où les équipes d'étudiants apprennent et travaillent en ligne avec l'aide d'un superviseur de la faculté. Je répète que nous mettons l'accent sur la résolution de problème au lieu de l'apprentissage par cœur.
Le succès que nous connaissons peut être mesuré par les indices externes dont j'ai déjà parlé, soit le sondage national sur la participation des étudiants et les enquêtes du gouvernement de la Colombie-Britannique. Fait plus important encore, il peut être mesuré par les témoignages répétés de nos étudiants et de leurs employeurs selon lesquels les programmes de l'Université Royal Roads transforment leur façon de voir et de faire les choses. Les résidences intensives sur le campus favorisent l'interaction entre les étudiants, qui se soutiennent et s'apprécient même s'ils ont des connaissances très diverses et viennent d'endroits très différents. Les étudiants entretiennent toujours leurs relations des années après avoir terminé les programmes d'études.
Les diplômés de notre programme de maîtrise en éducation et communication relatives à l'environnement, dont bon nombre sont employés par les gouvernements et les ONG au pays, signalent que le programme change non seulement leur façon d'envisager les questions environnementales, mais il leur fournit aussi les outils nécessaires pour être des communicateurs et des promoteurs du changement efficaces dans leurs collectivités.
Notre programme de MBA hybride est unique au Canada non seulement par sa forme, mais aussi par les innovations pédagogiques qu'il contient. Il donne aux employeurs et aux collectivités des chefs d'entreprise expérimentés, conscients des problèmes d'ordre pratique et soucieux de l'éthique de la gestion contemporaine.
Notamment au cours de la dernière année, les médias ont clairement signalé que le modèle de financement conventionnel des universités canadiennes est mis à rude épreuve. Les nombreuses demandes de financement public et plus particulièrement l'augmentation des coûts des soins de santé et des soins en fin de vie attribuable au vieillissement de la population signifient que les universités telles que nous les connaissons connaîtront des problèmes dans l'avenir.
Le modèle hybride de l'Université Royal Roads est en revanche prometteur par la possibilité qu'il offre de répondre aux besoins actuels et futurs des Canadiens. Ce modèle permet aux travailleurs d'obtenir des diplômes d'études supérieures sans avoir à interrompre leur emploi ou à s'éloigner de leur famille durant des mois. Notre modèle garde ainsi le coût total de l'éducation postsecondaire à un niveau faible en évitant l'éloignement de la famille et du travail au cours de longue période que nécessitent les cours conventionnels sur les campus.
Notre modèle met à contribution de façon positive les communautés généralement sous-représentées sur les campus canadiens, notamment les Autochtones. Comme je l'ai fait remarquer, les programmes de l'Université Royal Roads sont conçus pour ceux qui ne peuvent pas suivre les cours sur les campus pendant des semestres complets, comme le veut le modèle traditionnel de la formation universitaire. Nous offrons des programmes d'enseignement supérieur aux Autochtones de la Colombie-Britannique et des régions du Nord qui leur permettent de rester dans leur collectivité la majorité du temps. De plus, notre modèle de cohorte par équipe offre un degré de soutien considérable aux gens qui étudient à distance. Il est très différent de la plupart des programmes de formation à distance, où les étudiants communiquent avec un seul chargé de cours qu'ils ne voient pas et sont isolés des autres étudiants du programme.
Si le taux d'inscription des Autochtones est toujours relativement faible par rapport à celui des personnes non autochtones, nous sommes confiants que notre modèle attirera davantage de professionnels autochtones à mesure que leur nombre augmentera.
Nous souhaitons faire quatre suggestions précises au comité pour faciliter l'accès à l'éducation postsecondaire.
Le financement fédéral doit servir à développer des travailleurs hautement qualifiés et à augmenter le nombre de détenteurs de diplômes d'études supérieures.
Il faut également utiliser les fonds fédéraux pour les programmes de formation appliquée et de formation professionnelle qui sont directement liés aux objectifs fédéraux et provinciaux de développement du marché du travail.
En partenariat avec le secteur de l'éducation postsecondaire, il faut établir une stratégie sur le développement du marché du travail au niveau international : comment amener des étudiants étrangers hautement qualifiés à s'inscrire à des cours de formation appliquée et de formation professionnelle au Canada et comment les garder au pays après les études pour qu'ils aident à répondre aux besoins de notre marché du travail?
En ce qui a trait aux problèmes concernant les prêts étudiants, les programmes de bourses, le Bon d'études canadien et les instruments de politique budgétaire semblables en éducation, nous vous recommandons de mettre l'accent sur le fait que les investissements effectués actuellement dans l'éducation postsecondaire auront des retombées très importantes pour ce qui est de la formation d'effectifs hautement qualifiés et du développement d'une économie fondée sur le savoir plus productive et plus diversifiée et, ce qui est peut-être plus important encore, ils permettront à la population de vivre en meilleure santé et de participer plus activement à la vie collective.
Le président : Je vous remercie beaucoup. Passons à M. Tony Bates.
Tony Bates, président et chef de la direction, Tony Bates Associates Ltd. : Bonjour à tous. Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité; c'est un grand privilège. J'ai un peu hésité dans ma préparation, car je savais que des confrères de deux excellentes universités venaient parler de l'éducation à distance. Pour ma part, j'aimerais parler de quelque chose d'assez différent, soit le besoin d'un changement radical dans les universités conventionnelles pour améliorer l'accès des étudiants. Voilà ce sur quoi je souhaiterais me concentrer. Je ne veux ni parler de l'éducation à distance ni des organisations qui l'offrent, mais de la prestation souple des programmes pour répondre aux besoins des étudiants d'aujourd'hui.
J'ai aussi cherché à comprendre la différence entre les responsabilités des établissements autonomes comme les universités et celles des gouvernements provinciaux et fédéral. J'ai essayé de faire la part des choses.
Il importe de connaître les données démographiques des étudiants canadiens d'aujourd'hui. Ces étudiants ont en moyenne 24 ans. Il y a désormais davantage de gens qui retournent aux études qu'il n'y a d'étudiants qui terminent l'école secondaire. C'est à cause de la société du savoir, qui demande que les gens apprennent continuellement. Autrement dit, les gens apprennent désormais quel que soit leur âge et ils ont besoin d'avoir accès aux études universitaires toute leur vie.
Il importe beaucoup pour les étudiants qui travaillent dans les industries du savoir d'avoir accès aux dernières recherches provenant des universités. Ainsi, les responsables des universités conventionnelles ne peuvent plus simplement se dire que l'éducation est donnée aux gens âgés de 18 à 25 ou 26 ans, mais comme l'a dit Martha Piper, ancienne présidente de l'Université de la Colombie-Britannique, si on a étudié à l'UBC, on fera toujours partie de sa cohorte.
Les secteurs du savoir ont besoin d'un grand nombre d'étudiants qui possèdent un bon bagage scolaire. Nous devons notamment examiner comment nous allons nous adapter à l'éducation permanente.
Je voulais entre autres parler de politiques publiques et de la façon de payer l'éducation permanente. Si un grand nombre de ces personnes ont étudié dans le système public, elles ont déjà été subventionnées. Maintenant qu'elles travaillent et que la plupart ne vivent pas à la maison, devraient-elles recevoir le même niveau de subvention? Devraient-elles tout payer? J'ai bien sûr mes opinions, mais je n'ai pas vu de débat public être tenu là-dessus. Voilà un sujet dont j'aimerais m'entretenir avec vous.
Pour s'adapter à l'éducation permanente et à la société du savoir, les responsables des universités et des collèges doivent se concentrer autant sur les compétences que sur les connaissances que doivent acquérir les étudiants. Il faut porter une attention particulière aux compétences mises de l'avant par le Conference Board du Canada, comme l'autodidaxie, soit la capacité pour quelqu'un d'apprendre après avoir terminé un programme officiel en acquérant des compétences liées aux technologies de l'information et des communications pour les appliquer dans sa sphère d'activité, et cetera.
Dans les établissements conventionnels, il y a un vieux modèle hérité du 19e siècle qui fonctionne très bien pour une élite ou un petit nombre de personnes. Cependant, nous ne sommes pas dans cette situation à l'heure actuelle. Environ 40 ou 50 p. 100 de la population poursuivent leurs études après l'école secondaire; il y a un nombre considérable d'étudiants dans les universités, même dans nos meilleures universités de recherche, notamment en première et deuxième années.
Les établissements ont de la difficulté à s'adapter à la massification de l'enseignement supérieur. Ils ont perpétué le vieux modèle. En général, et pas seulement au Canada, les établissements utilisent la technologie de deux façons. On ajoute la technologie au modèle des cours donnés en classe. On installe des systèmes de projection, des appareils qui aident les étudiants à donner des réponses et ainsi de suite. Toutefois, si un vieux modèle bénéficie de la technologie dernier cri, il n'en demeure pas moins un vieux modèle.
L'autre développement important est l'apprentissage fait entièrement en ligne, qui prend très rapidement de l'ampleur. Partout en Amérique du Nord, les inscriptions aux cours en ligne ont augmenté d'environ 14 ou 15 p. 100 par année ces cinq ou six dernières années par rapport à une augmentation de 2 ou 3 p. 100 des inscriptions pour suivre des cours dans les établissements conventionnels. L'apprentissage fait entièrement en ligne prend très rapidement de l'ampleur. La plupart des établissements ne parviennent pas à répondre à la demande. Ce type d'apprentissage est malheureusement mis de côté dans la plupart des établissements. Il n'est pas vu comme faisant partie intégrante des activités. Il est souvent plus dispendieux et considéré comme une source de revenus gérée à part des activités de formation principales. Par exemple, il n'y a généralement pas de corps professoral affecté spécialement aux cours en ligne.
Je souhaiterais qu'il y ait beaucoup plus d'apprentissage hybride, où on n'abandonne pas la méthode d'enseignement face à face. J'ai participé à l'éducation à distance durant toute ma carrière et je peux dire que ce genre d'éducation fait beaucoup plus que ce que peuvent s'imaginer la plupart des agents de formation. Cependant, certaines choses sont bien plus faciles à réaliser en étant sur place. Si on enseigne à quelqu'un à souffler le verre, il faut le faire avec les mains. Ce n'est pas possible de le faire à distance. J'aimerais qu'il y ait davantage d'apprentissage hybride, où l'enseignement face à face est réduit de sorte que les étudiants ont plus de temps pour étudier en ligne. Cela permettrait aux étudiants qui travaillent à temps partiel ou qui doivent faire la navette de faire beaucoup plus à la maison et de se concentrer sur les choses que l'université fait le mieux lorsqu'ils suivent des cours sur le campus.
Nos établissements conventionnels qui se fondent sur l'enseignement donné sur les campus n'ont pas assez de flexibilité pour répondre aux besoins actuels, sans parler des besoins à venir. Par rapport à l'Australie, au Royaume-Uni et même aux États-Unis, ce qui manque le plus, c'est que nous n'avons pas de stratégie nationale pour soutenir l'apprentissage en ligne ou l'utilisation de la technologie dans l'enseignement. Cela fait que nous manquons le coche. Je reviendrai d'ailleurs sur ce qui nous fait le plus défaut, notamment sur la scène internationale.
J'ai certaines solutions, et vous serez heureux de savoir qu'aucune n'est très dispendieuse. Je pense que le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle relativement limité étant donné que les établissements sont autonomes. Le grand problème, c'est le manque de mesures incitatives pour changer les choses dans le système actuel. Les universités sont bien campées sur leurs positions. Elles ont des lobbyistes très puissants qui font des pressions sur les gouvernements provinciaux. Les responsables savent qu'ils vont obtenir les fonds, peu importe ce que dit le gouvernement; il est très difficile pour les gouvernements de s'ingérer dans les affaires des universités, ce qui est une bonne chose, car elles doivent garder leur autonomie.
Je vais vous faire des recommandations. Il faudrait créer un centre national virtuel de l'apprentissage par ordinateur; un centre qui mettrait en relation les experts de l'Université Royal Roads et ceux de l'Université Athabasca, des gens en Ontario et ainsi de suite qui pourraient collaborer à la création d'un réseau virtuel. J'ai quelque peu situé le contexte à cet égard. Le centre donnerait notamment l'occasion aux gens de l'industrie, de l'éducation et du gouvernement de se réunir pour examiner les politiques.
Je souhaiterais qu'on consacre des fonds fédéraux à un mode de prestation national innovateur par lequel des programmes pourraient être donnés partout au pays de manière hybride. Les établissements pourraient offrir un soutien local, mais il y aurait une composante en ligne centralisée pour tous.
Il pourrait aussi y avoir un centre national de dépôt pour le contenu canadien libre de droits. Le contenu libre de droits, c'est le matériel didactique gratuit offert aux agents de formation et aux étudiants, qui peuvent l'intégrer à leurs programmes. Ce contenu suscite une forte adhésion, mais aucune collection nationale ne réunit les matériels didactiques enregistrés sur support numérique.
Je propose également de remettre des prix nationaux aux agents de formation créatifs. Le manque de transfert entre les établissements et, notamment, entre les provinces est un grand problème. Si on commence des études en Colombie- Britannique et qu'on veut les poursuivre en Ontario, il faut souvent recommencer du début, parce que les crédits obtenus ne peuvent pas être transférés. On pourrait créer un registre national des crédits.
En conclusion, nous étions en avance dans l'apprentissage par ordinateur. Dans les années 1990, le Canada occupait probablement le premier rang mondial concernant l'apprentissage en ligne. Or, je crois que nous nous sommes fait rattraper. Nous n'avons pas de stratégie nationale en matière d'éducation, d'apprentissage par ordinateur ou de mise en marché des produits et services. C'est un problème non seulement d'enseignement, mais aussi d'économie. Si nous voulons être concurrentiels dans les industries du savoir sur le plan international, notre système d'éducation doit être très flexible et il doit soutenir l'éducation permanente.
En terminant, la vraie question n'est pas tant de choisir parmi ces propositions — j'aurais pu en faire bien plus —, mais d'améliorer la structure fédérale-provinciale pour qu'elle soutienne la prestation souple des programmes, notamment d'une province à l'autre. C'est un sujet trop important pour qu'on laisse les établissements et les provinces s'en occuper seuls.
Le président : Je vous remercie beaucoup. Passons à Lori Van Rooijen, de l'Université Athabasca.
Lori Van Rooijen, vice-présidente, Avancement, Université Athabasca : Au nom de l'Université Athabasca, je vous remercie beaucoup de nous permettre de témoigner aujourd'hui, de concert avec les autres spécialistes de l'apprentissage à distance. Nous sommes très heureux d'être ici.
L'accessibilité à l'éducation postsecondaire est capitale pour l'avenir du pays. L'apprentissage à distance fait partie intégrante de la solution. À l'Université Athabasca, nous le constatons depuis plus de 40 ans.
Les cours offerts dans notre université s'adressent à tous les segments de la population. Nous offrons des programmes de recherche et de premier et de deuxième cycles où l'enseignement se donne à distance à plus de 38 000 étudiants. Nous utilisons la correspondance, la technologie et l'Internet. Nous nous efforçons de réduire les obstacles; c'est notre objectif.
L'apprentissage à distance continue de mener le secteur étant donné que l'accessibilité accrue qu'elle offre est complétée par les technologies de l'information et des communications, les TIC. Les nouveaux environnements d'apprentissage comprennent les wikis, les blogues, les balados et les simulations 3D. Pris ensemble, ils représentent un changement considérable dans les méthodes d'apprentissage. Ces nouveaux moyens doivent être offerts à tous les Canadiens si nous voulons maximiser l'apprentissage et avoir les effectifs innovateurs dont le pays a besoin.
Je vais parler d'un certain nombre de sujets aujourd'hui, mais je n'entrerai pas toujours dans les détails. Je vous ai remis mon document. Cela dit, j'aimerais souligner certains aspects de la question.
Le premier problème, ce sont les obstacles à l'éducation postsecondaire. Comme il est indiqué dans tous nos principaux documents de planification et d'orientation, c'est ce sur quoi l'Université Athabasca s'est surtout penchée depuis sa création il y a 40 ans. Nous avons beaucoup d'information sur la façon dont l'apprentissage à distance peut répondre aux besoins des Canadiens. Pour être brève, je vais me concentrer sur quatre aspects de la question. En fait, je vais plutôt parler de trois aspects, car je pense que mon confrère, M. Chase, a traité les questions relatives aux Autochtones.
Le temps et la distance sont des obstacles particuliers auxquels sont confrontés les Canadiens lorsqu'ils font des choix concernant l'éducation postsecondaire. L'éducation à distance a été créée afin de répondre aux problèmes liés à l'éloignement des étudiants potentiels, au trajet qu'ils doivent faire et aux périodes où ils peuvent étudier. L'effet combiné de notre modèle est axé sur les travailleurs adultes qui ont un emploi du temps inflexible; les militaires ou ceux qui doivent se déplacer pour leur travail; les étudiants réalisant en février qu'ils doivent suivre un cours pour obtenir leur diplôme dans un autre établissement; les adultes qui réussissent bien au travail, mais qui avaient de la difficulté à l'école secondaire; enfin, les jeunes des régions rurales, qui sont seulement susceptibles d'entreprendre des études postsecondaires dans une proportion de 58 p. 100, à moins de provenir d'une famille à revenu élevé.
Bref, tous ceux qui possèdent des connaissances de l'anglais et qui ont un peu de temps disponible peuvent s'inscrire pour suivre nos cours universitaires. Grâce à notre partenaire francophone, la Télé-université du Québec, nous offrons des cours aux Canadiens partout au pays.
Le contexte culturel importe sans doute aussi et c'est un obstacle. Nous savons que le statut socioéconomique joue un rôle important dans la décision de faire des études postsecondaires. Le niveau d'études des parents influe également. Il s'agit d'un problème difficile à régler, parce que c'est un changement de perception qui doit se faire au sein de plusieurs générations. Il faut y travailler avec les établissements d'enseignement, des écoles primaires aux universités, en passant par les écoles secondaires et les collèges.
Enfin, le dernier obstacle est le fossé numérique. On doit se pencher sur bien des aspects de ce problème pour que tous les Canadiens participent à la cyberéconomie et pour améliorer les infrastructures numériques, l'aisance avec les nouvelles technologies, l'acceptation et l'utilisation de ces technologies ainsi que l'accès des groupes sous-représentés.
L'éducation en ligne peut améliorer les connaissances spécialisées, professionnelles et générales des gens pour qu'ils occupent d'autres emplois que ceux qui demandent peu de qualifications et qui disparaissent rapidement. Nous estimons ainsi que l'éducation à distance permet à tous les Canadiens d'améliorer leurs connaissances.
Le deuxième aspect de la question, ce sont les fonds dont disposent les étudiants. Cela concerne les politiques des gouvernements fédéral et provinciaux. Comme les obstacles financiers au succès des étudiants ont beaucoup à voir avec les mécanismes de financement, je vais parler des deux en même temps.
Les étudiants à temps partiel sont confrontés à des défis uniques. La plupart des adultes actifs qui étudient le font normalement à temps partiel — c'est à tout le moins le cas de bon nombre de nos étudiants. En général, ils prennent de six à huit ans pour terminer leur programme au lieu de quatre. Cela leur permet de participer à l'économie durant leurs études et de trouver un équilibre entre la famille, l'apprentissage et le travail. Cependant, quantité de mécanismes de financement ne s'appliquent qu'aux études à temps plein, ce qui réduit les occasions d'étudier à temps partiel. Si davantage de programmes de financement étaient offerts aux apprenants à temps partiel, plus de personnes seraient incitées à poursuivre des études universitaires ou collégiales.
Les adultes canadiens qui travaillent à temps plein ont souvent du mal à avoir accès à des fonds fédéraux ou provinciaux, ce qui les empêche d'étudier, sauf s'ils ont mis de l'argent de côté. Leur fardeau serait allégé si le seuil de revenu à ne pas dépasser pour obtenir des prêts était modifié ou si les employeurs pouvaient payer une partie des frais de scolarité, parce qu'ils pourraient déduire ce montant, comme c'est le cas aux États-Unis. Cela donnerait un fier coup de main aux employeurs et encouragerait les adultes à continuer de participer à l'économie et de travailler, un facteur essentiel au progrès.
Les étudiants nous disent qu'ils ne comprennent pas nécessairement les systèmes d'aide financière des gouvernements : ils ne connaissent pas l'incidence des revenus de leurs parents sur les calculs; ils ne connaissent pas les mécanismes de remboursement; et ils lisent rarement l'information qui a trait aux programmes de financement affichés sur les sites Internet des gouvernements. C'est ce qu'ils nous disent, et nous avons adapté nos programmes de manière à ce qu'ils connaissent ces données.
Le troisième problème, ce sont les mécanismes de financement de la recherche et du développement scientifiques ainsi que de la commercialisation, des facteurs essentiels à la croissance économique. Les gouvernements ont augmenté leurs investissements ces dernières années. Cela dit, pour que les Canadiens réalisent vraiment les bénéfices que donne la recherche, nous devons voir plus grand, être plus audacieux, avoir une vision d'avenir et chercher à faire plus que simplement régler les problèmes.
L'innovation répond à de grands besoins sociaux partout dans le monde et elle entraîne des retombées économiques. Elle est en grande partie fondée sur les champs de R-D où il manque beaucoup de fonds au Canada. Par exemple, le gouvernement fédéral consacre 44 p. 100 de ses fonds à la science et à la technologie, 45 p. 100 à la santé et aux sciences sociales et environ 11 p. 100 à l'éducation relative au droit des affaires. C'est de là que vient une grande partie de l'innovation et de la créativité.
La plupart des Canadiens sont conscients de l'importance que prennent les changements qui se produisent dans le monde, alors que la progression de l'économie du savoir s'accélère — dont les principaux moteurs sont la création et la transmission du savoir. Mes deux confrères l'ont également mentionné ce matin.
Le ministre Clement a indiqué à plusieurs reprises que le Canada a besoin d'un plan concernant l'économie numérique, une industrie qui prend de l'importance. Les intervenants des secteurs public et privé doivent participer à une stratégie commune en matière de TIC. L'université a présenté un exposé l'an dernier durant les consultations prébudgétaires. On nous a dit que certains éléments de la présentation ont été retenus. Nous sommes très heureux de la tournure que prennent les choses.
Enfin, le quatrième problème, c'est le mécanisme de transfert entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Il en a été question ce matin, mais j'aimerais insister sur le fait que quantité d'aspects du système de transfert de fonds mériteraient d'être examinés. Nous avons toutefois axé l'exposé d'aujourd'hui sur le rôle unique que joue l'apprentissage à distance dans l'éducation postsecondaire.
Les universités ouvertes et les téléuniversités ont une stratégie d'affaires et un modèle de prestation différents, ce qui fait que leurs cours sont élaborés autrement. Notre approche axée sur les services nous amène à préparer le contenu des cours au préalable. Notre économie d'échelle est fondée sur les inscriptions. C'est pourquoi notre capacité est bien plus souple et nous pouvons connaître une croissance en investissant moins de ressources par personne, ce dont vous avez déjà entendu parler ce matin. Il nous coûte moins cher de donner des cours de même qualité grâce à l'enseignement à distance et aux technologies en ligne.
Les systèmes des institutions fédérales sont confrontés à un problème important et croissant dans la mesure où, si les apprenants peuvent choisir les programmes d'éducation à distance offerts partout au pays selon leurs besoins personnels, les établissements où les gens s'inscrivent sont normalement régionaux ou provinciaux. Cela nous crée des problèmes, car le financement est provincial. C'est que les mécanismes de financement ont été créés avant l'apprentissage à distance. Ces mécanismes ne soutiennent pas nécessairement ce type d'apprentissage. Par exemple, les deux tiers des étudiants de l'Université Athabasca proviennent de l'extérieur de l'Alberta. Nous avons travaillé très fort avec plus de 350 universités et collèges au pays pour élaborer des ententes de transfert et d'articulation afin que nos étudiants ne soient pas pénalisés s'ils changent d'établissement.
Cela représente un travail considérable pour nous. Ce matin, M. Bates a parlé de l'importance qu'il y a à mettre en œuvre un genre de stratégie nationale sur l'éducation pour permettre le transfert des fonds et des crédits afin que l'éducation à distance réponde aux besoins des étudiants. Si le Canada est vraiment déterminé à mener l'économie du savoir, les gouvernements fédéral et provinciaux doivent envisager un mécanisme de transfert qui tienne compte du rôle que joue l'éducation à distance et des besoins qui doivent être comblés.
C'est avec grand plaisir que je vous ai fait part de nos opinions aujourd'hui.
Le président : Merci beaucoup à vous trois de vos exposés. Certains d'entre vous ont parlé de TÉLUQ, un programme mis en œuvre par l'Université du Québec à Montréal. Nous avons invité les responsables du programme, mais ils ne pouvaient malheureusement pas venir.
Comme d'habitude, je vais poser la première question. Vous en avez parlé dans votre exposé à divers degrés. Je m'intéresse aux problèmes particuliers auxquels sont confrontés les étudiants qui entreprennent des programmes de formation à distance. Sont-ils aussi persévérants que ceux qui suivent des cours conventionnels dans les établissements d'éducation postsecondaire?
Le taux d'abandon est-il différent? Dans les systèmes d'éducation conventionnels, où les cours sont donnés sur place, certains abandonnent tôt, et d'autres abandonnent leurs études avant de les reprendre. J'aimerais connaître votre expérience concernant les problèmes uniques que pose l'apprentissage à distance. Mme Van Rooijen en a parlé un peu. Il nous serait utile d'approfondir un peu la question, car le gouvernement fédéral pourrait adapter les programmes pour aider les personnes qui suivent des cours à distance. Monsieur Bates, vous avez dit que le Canada a perdu son avance pour ce qui est de l'apprentissage numérique. J'aimerais savoir pourquoi afin que nous déterminions comment reprendre cette avance. Commençons par vous.
M. Bates : Les raisons sont complexes. En Australie, un pays qui fonctionne selon un système fédéral, le ministère de l'Éducation a soutenu activement la prestation flexible. Par exemple, il y a le cadre d'apprentissage flexible de l'Australie, dont se servent les écoles professionnelles et techniques. Ces huit dernières années, environ 10 millions de dollars ont été investis annuellement afin que les responsables de ces écoles élaborent du matériel pour l'ensemble du pays. Voilà un exemple de leadership fédéral dans un système où l'on compte également des provinces ou des États. De toute évidence, on travaille très étroitement avec les États à ce sujet. Par exemple, bien plus d'étudiants suivent des programmes en ligne flexibles pour apprendre une profession en Australie qu'au Canada.
Les établissements comme l'Université Royal Roads et l'Université Athabasca ont été créés dans les années 1980 ou 1990. Rien de semblable n'a été fait depuis. Il n'y a pas de nouveaux établissements ou d'établissements conçus différemment. Je ne dis pas que nous devrions créer davantage de téléuniversités. Toutefois, nous pourrions mettre sur pied des établissements qui ressemblent aux universités hybrides en investissant moins dans les infrastructures matérielles — sans toutefois négliger les investissements, par exemple, dans les laboratoires, et cetera —, et plus dans la création d'outils numériques. Nous n'avons pas vu de solution de ce genre.
Voilà le genre de choses qui posent problème actuellement au Canada. J'ai quitté la Grande-Bretagne parce qu'elle accusait beaucoup de retard par rapport au Canada. Elle nous a cependant rattrapés. Grâce aux institutions, les universités en Grande-Bretagne font présentement bien plus dans l'apprentissage en ligne que ce que font les nôtres. Voilà ce que j'entends en disant que nous prenons du retard.
Le président : Vous avez parlé d'une stratégie nationale sur l'apprentissage en ligne. Le gouvernement fédéral peut-il rattraper le temps perdu par ce moyen?
M. Bates : Oui. En Grande-Bretagne, le ministère a créé un groupe de travail sur l'apprentissage en ligne et a mis en œuvre une stratégie nationale pour la soutenir dans les établissements.
Le président : Quelqu'un veut-il répondre à la question sur les problèmes particuliers à la personne qui suit des cours à distance et la façon dont le gouvernement fédéral peut l'aider?
M. Chase : Vous avez posé une série de questions qui interpellent; permettez-moi de commencer par une réponse- choc. Si les universités sont là pour innover et faire bouger les choses à bien des égards dans la société, elles restent extrêmement conservatrices dans la manière dont elles sont conçues et gérées. Par exemple, le gouvernement fédéral pourrait indiquer grosso modo à la population qu'il accorde de l'importance à l'éducation à distance et qu'il veut rendre accessibles les produits des universités à un bien plus grand nombre de personnes.
Par exemple, j'invite le comité à regarder ce qui se fait actuellement en Californie. L'Université de la Californie est gigantesque. Elle compte bien plus de 200 000 étudiants. La Californie est aux prises avec une grave crise budgétaire; les autorités essaient d'économiser en raison d'un déficit de 12 milliards de dollars dans le budget de fonctionnement. Axée sur la recherche, la prestigieuse Université de la Californie veut donner en ligne les cours des deux premières années dans les programmes où il y a beaucoup d'inscriptions. Pour y arriver, jusqu'à 250 000 $ par cours sont alloués pour passer des cours conventionnels, où les étudiants sont en classe, aux cours donnés en ligne. Au Canada, nous sommes généralement en mesure de faire les choses de façon plus souple, plus rapide et plus rentable que ce qui est envisagé par nos confrères de la Californie.
Vous avez posé une question sur les problèmes auxquels sont confrontés les étudiants. En général, le taux d'abandon de nos programmes en ligne à temps plein est plus élevé, car les gens souffrent d'isolement. Fréquenter un campus crée des liens entre les personnes, qui discutent, qui ont un sentiment d'appartenance à une communauté, et cetera. Voilà entre autres pourquoi, à l'Université Royal Roads, presque tous les programmes sont conçus sur un modèle hybride qui demande aux gens de suivre des cours sur le campus durant certaines périodes. Cela dit, l'Université Royal Roads est en faveur de la suggestion de M. Bates selon laquelle nous devons investir moins dans les immeubles et plus dans l'élaboration de judicieux programmes en ligne ou hybrides au Canada. Les établissements conventionnels disposent de plusieurs millions de pieds carrés en locaux, dont une bonne partie est inutilisée la plupart du temps. Les fonds sont-ils dépensés efficacement? Nous aimerions en discuter à un moment donné.
Mme Van Rooijen : M. Chase a parlé de quelque chose qui me tient à cœur, soit les laboratoires scientifiques et les programmes de formation hybrides. À l'Université Athabasca, nous offrons tous les cours en ligne et à distance, mais cela ne signifie pas pour autant que les étudiants n'ont pas la chance de se servir d'installations. En fait, nous utilisons les laboratoires scientifiques d'autres établissements postsecondaires lorsqu'ils sont libres, ce qui empêche d'investir davantage dans les immeubles. Nous ne faisons pas construire d'installations. Nous offrons des cours dans les laboratoires scientifiques des autres universités et des collèges selon l'endroit où les étudiants vivent. Le gouvernement fédéral peut encourager cette collaboration en accordant des subventions de contrepartie, et cetera.
Je vais maintenant aborder la question des taux de décrochage scolaire et d'attrition. Les taux de réussite sont habituellement calculés pour une période de quatre ans. Avez-vous obtenu votre diplôme en quatre ans? Afin de terminer leurs études dans le temps normalement prévu, bon nombre de nos élèves suivent le programme d'un autre établissement d'enseignement et s'inscrivent en même temps à un ou deux cours à Athabasca. C'est le cas des quelque 1 500 étudiants de l'Université de l'Alberta qui s'inscrivent chez nous chaque année. Nous contribuons donc au taux de réussite des autres universités.
Dans le passé, il est vrai que l'isolement empêchait parfois les étudiants qui entreprenaient des études individuelles, comme il est possible de le faire à l'Université Athabasca, de terminer leur programme. Toutefois, nous remarquons que la situation est en train de changer considérablement grâce aux médias sociaux et aux autres moyens de communication, qui peuvent maintenant être intégrés aux programmes d'études. Nous sommes ambivalents en ce qui concerne l'idée de créer un modèle mixte. Nous avons décidé d'investir dans la technologie et les réseaux sociaux pour donner l'occasion aux étudiants de mieux communiquer les uns avec les autres. La technologie permet de contourner les obstacles que constituent les facteurs temps et espace pour nos étudiants, qui apprécient vraiment la souplesse que nous leur offrons.
Le taux de réussite des étudiants, c'est-à-dire ceux qui s'inscrivent à un programme et le terminent, est aussi élevé à Athabasca que dans les universités traditionnelles, si on tient compte qu'il faut aux étudiants de notre établissement plus de temps pour finir leur programme. Il y a des étudiants qui n'obtiennent leur diplôme qu'après sept ou huit ans, mais ceux qui ont l'intention de terminer leurs études y parviendront. Les nouveaux médias sociaux ont aussi contribué à réduire l'isolement.
M. Bates : En réponse à votre question sur les difficultés, j'aimerais dire que nos cohortes d'étudiants sont très hétérogènes. Ceux qui viennent de terminer l'école secondaire et qui sont probablement moins habitués à l'apprentissage autonome auront davantage besoin d'un campus. Ceux qui détiennent déjà un diplôme universitaire, qui se trouvent sur le marché du travail et qui veulent retourner à l'université pour obtenir une maîtrise professionnelle seront probablement capables de suivre tout le programme en ligne.
C'est plutôt le groupe d'étudiants qui se trouve entre les deux qui me préoccupe. Il s'agit d'étudiants qui ont besoin d'un certain soutien sur le campus, mais qui veulent pouvoir travailler avec plus de souplesse. Nous ne favorisons pas plus l'enseignement à distance que l'enseignement en classe; nous encourageons plutôt l'innovation en matière d'enseignement. À cet égard, offrir davantage de souplesse aux étudiants et mettre l'informatique au service de l'enseignement dans les différents domaines d'études devraient être une priorité. Je ne connais aucune profession où il n'est pas nécessaire de savoir utiliser un ordinateur et Internet.
Voilà pourquoi il faut utiliser la technologie. Ce n'est pas parce que c'est à la mode ni pour toute autre raison de ce genre, mais plutôt pour la souplesse qu'elle offre et pour les compétences nécessaires qu'elle permet d'acquérir — et c'est ce dont nous avons largement besoin.
Le président : Merci beaucoup pour vos réponses.
Le sénateur Ogilvie : Je tiens à remercier les témoins de nous avoir fait part de ces observations des plus intéressantes. J'étais particulièrement heureux de constater que, d'après vous, les choses devront changer dans l'avenir. Depuis quelque temps, je doute moi-même de la viabilité de notre système d'éducation postsecondaire actuel, c'est-à-dire des universités canadiennes. D'ici 10 ans, je prévois que le système va se retrouver devant une situation incontournable. Certaines de nos universités s'en sortiront extrêmement bien et demeureront concurrentielles sur la scène internationale, mais d'autres ne survivront pas. Pour aller de l'avant, il sera important d'utiliser l'informatique d'une façon novatrice.
Toutefois, vous avez beaucoup parlé de diplômes, ce que je peux comprendre. Depuis longtemps, nous considérons les diplômes comme l'attestation d'un certain niveau d'éducation. Par contre, grâce au genre de solutions dont vous parlez et que vous avez adoptées, tout comme d'autres universités, notre système d'éducation permettra l'apprentissage juste à temps et pourra offrir des programmes menant à une attestation considérablement diversifiés.
Je n'ai aucune question générale à vous poser qui remettrait en question ce que vous avez dit, car vous nous avez présenté des observations très pertinentes. Toutefois, madame Van Rooijen, un de vos commentaires m'a étonné. Vous avez dit que seulement 11 p. 100 des fonds alloués à la R-D sont destinés aux facultés d'éducation, de commerce, et cetera. Vous avez même dit que ces domaines sont à l'origine de la plupart des innovations.
C'est bien la première fois que j'entends dire que des programmes universitaires en commerce sont une source d'innovations. Le seul fait de former un entrepreneur représente déjà un défi de taille. Selon mon expérience des universités, c'est justement dans les lieux d'études traditionnels, comme les facultés d'éducation, qu'on innove le moins. J'ai contribué à intégrer le concept de la technologie à l'environnement d'apprentissage au Smithsonian Institute. À l'époque, l'utilisation de la technologie dans un environnement d'apprentissage était un des meilleurs exemples sur la scène internationale de la voie à suivre. Mais ce sont les professeurs en éducation partout au pays qui ont condamné l'idée, prétendant qu'elle allait détruire la conception que nous avons du livre ainsi que l'environnement d'apprentissage que nous avions toujours connu.
C'est donc pourquoi j'aimerais que vous m'expliquiez comment la majorité des innovations peuvent provenir des deux domaines que vous avez précisément nommés.
Mme Van Rooijen : J'aurais peut-être dû dire « une partie de l'innovation ». Je n'ai pas observé la même chose que vous en ce qui concerne les facultés d'éducation et de commerce. À notre université, bon nombre de facultés ont fait preuve d'un grand sens de l'innovation, en particulier notre faculté de commerce. En fin de compte, elle a beaucoup apporté aux entreprises grâce aux solutions commerciales novatrices qui en émanent — qui sont même utilisées par les grandes entreprises nationales. Il se passe beaucoup de choses à ce chapitre.
Mon expérience est probablement quelque peu différente de la vôtre. Je persiste à dire qu'avec seulement 11 p. 100 de l'ensemble des sommes qu'attribue le Conseil de recherches en sciences humaines, le CRSH, les facultés de commerce, d'éducation et de droit ne disposent pas de suffisamment de fonds pour continuer à innover comme elles le font actuellement. Je sais que des chefs de file en matière d'innovation oeuvrent dans le domaine de l'éducation et qu'ils devraient recevoir plus de fonds.
Le sénateur Ogilvie : J'aimerais préciser que, si vous aviez parlé précisément du secteur de la formation à distance dans le domaine de l'éducation, j'aurais probablement été plus en accord avec vous. Je dois tout de même faire valoir que votre environnement d'apprentissage est plutôt différent de celui des facultés « traditionnelles » d'éducation.
Mme Van Rooijen : Oui, c'est vrai.
M. Chase : Sénateur Ogilvie, je suis d'accord avec vous à propos de votre commentaire sur la prochaine décennie. À l'heure actuelle, tout l'Occident se trouve probablement dans la même situation par rapport à l'éducation postsecondaire que l'Europe du Nord vers 1520, juste avant que tout soit ébranlé par la Réforme. Je crois tout comme vous que le système n'est pas viable, vu ce qu'il coûte et sa structure actuelle. Le modèle universitaire traditionnel avec lequel nous avons tous grandi, dont nous sommes tous le reflet à différents degrés, suit essentiellement un modèle de financement et un modèle d'affaires qui datent des années 1960 et du début des années 1970; il a atteint la fin de son cycle de vie.
Nous sommes sur le point de vivre une grande transformation. On commence à en voir le début en Europe, notamment avec l'accord de Bologne. Il s'agit d'une harmonisation des systèmes de reconnaissance des compétences et de la structure des études, qu'on commence à observer partout en Europe. Je vais y revenir dans un instant. Au Royaume-Uni, le nouveau gouvernement subit actuellement des pressions financières énormes; à mon avis, les universités de ce pays seront confrontées à un immense défi. Au Canada, la situation n'est pas si différente.
M. Bates et Mme Van Rooijen nous ont déjà indiqué certaines façons de nous attaquer à quelques-uns des problèmes que nous prévoyons sans être obligés de prendre des mesures contre notre gré. Nous voulons par-dessus tout préserver la qualité de l'enseignement. Nos programmes universitaires doivent être de très haute qualité. J'aimerais réitérer une suggestion que j'ai faite plus tôt : le gouvernement fédéral devrait faire tout en son pouvoir pour mettre en valeur et encourager, dans les milieux universitaires, l'éducation à distance, l'éducation mixte et les modes d'éducation autres que l'enseignement traditionnel.
Enfin, notre structure universitaire de trois cycles composée du baccalauréat, de la maîtrise et du doctorat est désuète. Aux yeux d'un jeune de 18 ans qui commence ses études, le système semble sortir tout droit de l'époque du roi Arthur et des chevaliers de la Table ronde. Il est plutôt archaïque. Nous travaillons d'arrache-pied à tous les niveaux pour faciliter la reconnaissance des crédits entre les différents établissements et au sein même de chacun d'eux afin d'harmoniser les compétences et de mettre en place le genre de système d'éducation à la carte dont vous avez parlé.
Je suis aussi d'avis que, d'ici 10 ans, l'éducation postsecondaire sera difficilement reconnaissable. Toutefois, je ne sais pas encore à quoi ressemblera ce secteur qui sera si difficile à reconnaître.
M. Bates : J'aimerais parler un peu de la recherche. L'apprentissage électronique et l'apprentissage en ligne se situent quelque part entre les sciences sociales et la science. Il y a 10 ans, j'ai pris part au projet sur l'apprentissage à distance des Réseaux de centres d'excellence du Canada. Le projet recevait des fonds du conseil de recherche en sciences et a dû être abandonné parce qu'il ne produisait rien. Ce n'est pas la technologie qui représente le plus gros défi, ce sont plutôt les gens, puisque ce sont eux, les utilisateurs.
Il faut trouver une façon de faire de la recherche sur la culture organisationnelle et le changement si nous voulons que nos établissements évoluent aussi. Le problème, c'est que cela dérange le Conseil de recherches en sciences humaines. La recherche est cloisonnée alors qu'elle touche toutes les disciplines. À mon avis, c'est là que réside le cœur du problème de la recherche. Toutefois, la recherche doit être effectuée différemment de la recherche universitaire traditionnelle et porter principalement sur le développement. Prenons l'exemple de la création de programmes pour les téléphones mobiles. Je sais que Research in Motion Limited, ou RIM, et Desire2learn Incorporated se sont associés. Toutefois, ils ne collaborent avec aucun partenaire en éducation. En plus des éléments technologiques, il faudrait aussi prendre les aspects pédagogiques en considération.
Le sénateur Plett : Monsieur Bates, je suis tout à fait d'accord avec certaines des solutions sur le rôle du gouvernement fédéral que vous proposez dans votre article. Tant dans votre article que dans votre exposé, vous avez parlé de l'autonomie des établissements d'enseignement. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous lorsque vous dites que les établissements qui reçoivent des fonds fédéraux, ou même provinciaux, sont complètement autonomes. C'est peut-être davantage un commentaire qu'une question. Je suis quand même d'accord avec les solutions proposées. À mon avis, les établissements d'enseignement à qui nous donnons de l'argent perdent leur autonomie. Voulez-vous ajouter un commentaire?
M. Bates : Selon le point de vue d'un président d'université, l'idéal serait que le gouvernement donne de l'argent à l'établissement sans s'ingérer dans ses affaires.
Les gouvernements peuvent avoir une influence sur les établissements d'enseignement, et ils en ont bel et bien une. Toutefois, la situation est loin d'être simple. Je ne voudrais pas que les universités soient microgérées, et les gouvernements sont bien mal placés pour le faire. À titre d'exemple, le gouvernement de la Colombie-Britannique a privé tous les établissements d'enseignement de 1 p. 100 de leur budget d'exploitation pendant un an — et je crois qu'il a retenu 0,5 p. cent l'année suivante. L'argent a été mis de côté. Le gouvernement a dit aux établissements d'enseignement que cet argent leur serait retourné à condition qu'ils proposent des idées novatrices en matière d'enseignement et de recherche. C'est ainsi que WebCT a vu le jour, plateforme qui est devenue Blackboard Vista, le système de gestion de l'apprentissage le plus utilisé au monde à l'heure actuelle. L'Université de la Colombie-Britannique, qui avait été privée d'un budget d'exploitation de quelque 2,5 millions de dollars, avait présenté 60 propositions. L'initiative du gouvernement, qui est loin d'avoir fait l'unanimité au sein de cette université, lui a quand même permis de procéder à des changements.
Oui, le gouvernement peut prendre les rênes, mais je ne voudrais pas qu'il se mêle trop des opérations quotidiennes des établissements d'enseignement.
Le sénateur Plett : Je suis probablement en accord avec vous sur ce point. Un de mes amis dirigeait une école élémentaire privée, qui accueillait des élèves de la maternelle à la 6e ou peut-être à la 8e année. L'école était financée par des fonds privés. Un jour, j'ai demandé à mon ami pourquoi ses collègues et lui ne sollicitaient pas d'argent auprès du gouvernement provincial. Il m'a répondu qu'ils désiraient que l'école garde son autonomie; ils ont refusé des fonds parce qu'ils ne voulaient pas que le gouvernement leur dise comment la gérer. Comme je l'ai dit, c'était davantage une observation qu'une question.
D'autres témoins nous ont déjà dit que les problèmes de financement empêchent certains de faire des études postsecondaires. Vous aussi y avez fait allusion aujourd'hui. Le manque d'argent des étudiants doit être compensé par des subventions gouvernementales. Hier, on nous a parlé de certains de ces programmes. Ma question aurait probablement été plus pertinente à ce moment-là, mais, puisque nous avons manqué de temps, je vais la poser aujourd'hui.
Nos universités ont du mal à attirer les étudiants parce que certains de nos collèges techniques et communautaires sont de plus en plus innovateurs, entre autres. Vous avez déjà dit que vous vouliez innover davantage, et je vous en félicite. M. Lloyd Axworthy est un de mes bons amis. Il est président et recteur de l'Université de Winnipeg. Nous nous voyons assez régulièrement. À l'Université de Winnipeg, les dirigeants ont fait preuve de beaucoup d'innovation pour attirer les étudiants des Premières nations et pour offrir des programmes dans lesquels ceux-ci ont un rôle à jouer, un peu comme dans les collèges techniques.
J'ai fait mes études dans un collège technique. L'essor de notre industrie de la construction pose problème. Les sables bitumineux — nous avons déjà parlé de l'Alberta à quelques reprises — éloignent les gens des bancs d'école. Ce sont des exemples. Mon neveu fréquentait l'Université du Manitoba. Il voulait obtenir un diplôme en éducation physique pour devenir professeur dans ce domaine. C'est toutefois assez cher. Il a donc décidé d'interrompre ses études pour aller gagner un peu d'argent à Fort McMurray. Après de nombreuses années, il travaille toujours là-bas, où il est très bien payé. À mon avis, ce genre de situation représente une menace bien plus grande que le fait que certains manquent d'argent pour poursuivre leurs études. Il est possible de devenir plombier, électricien ou charpentier tout en gagnant sa vie. Bon nombre de ceux qui exercent ce genre de métiers gagnent plus d'argent que certains nouveaux diplômés universitaires, pour qui les premières années peuvent être difficiles. Certains avocats n'arrivent pas à se trouver du travail dans leur domaine et finissent pompistes quelques années après leurs études.
Dites-moi quels sont les défis. Êtes-vous d'accord avec moi?
Mme Van Rooijen : Je suis tout à fait d'accord avec vous lorsque vous dites que c'est tout un défi d'attirer les jeunes sur les bancs des universités en période de prospérité, quand ils peuvent facilement gagner de l'argent. À l'Université Athabasca, nous collaborons avec certaines entreprises de sables bitumineux qui attirent de nombreux jeunes hommes. D'ailleurs, nous savons tous qu'ils sont peu nombreux à poursuivre leurs études au niveau postsecondaire. Le but de notre collaboration est la mise en place du programme Communautés d'apprentissage, qui permet aux jeunes travailleurs d'apprendre à distance et d'avoir ainsi accès à de la formation. Plus tard, à 30 ans ou peut-être, ils auront besoin d'une meilleure scolarité lorsqu'ils réaliseront que, après avoir travaillé très durement dans les champs de pétrole, leur corps ne leur permettra plus de continuer. Bon nombre des PDG des entreprises avec lesquelles nous travaillons nous ont d'ailleurs fait part de cette préoccupation.
Nous avons découvert que les études intimident bon nombre de ces jeunes hommes. Ils ne s'inscrivent pas aux programmes d'études postsecondaires parce qu'ils ne se sentent pas assez bons. Lorsqu'ils découvrent que notre université leur permet de suivre un programme universitaire, ils sont plus nombreux à profiter de la formation à distance. Cela fonctionne très bien jusqu'à maintenant.
Comme vous l'avez dit, ces jeunes obtiennent leur certificat professionnel ou leur diplôme collégial, puis ils vont travailler. L'Université Athabasca a maintenant conclu des ententes avec la majorité des collèges au pays. Nous offrons le programme « deux plus deux », qui permet de créditer les deux premières années d'études de ceux qui ont obtenu un diplôme ou un certificat professionnel, après une évaluation des crédits. Ce processus très complexe n'est pas automatique, mais on peut obtenir une reconnaissance des crédits. Cependant, les étudiants doivent s'inscrire à un programme universitaire de quatre ans, ce qui signifie qu'il ne leur manque que deux années d'études pour obtenir leur diplôme universitaire. Dans leur cas, le temps est un facteur décisif. Nous constatons qu'un grand nombre de jeunes déjà titulaires d'un diplôme poursuivent maintenant leurs études pour obtenir un grade universitaire. Nous constatons aussi que certains de nos diplômés, de même que ceux d'autres universités, s'inscrivent au collège pour obtenir un autre diplôme. Le transfert de crédits ne se limite pas aux universités; il doit aussi être possible entre collèges et universités si nous voulons que le système soit véritablement uniforme.
Il y a toutes sortes de possibilités. Les innovations sont foison. Nous nous sommes inspirés du projet des Communautés d'apprentissage pour en créer un pour les communautés autochtones; nous travaillons avec cinq conseils de bande de l'Alberta pour offrir et exploiter l'enseignement à distance. Ce sont toutefois les aînés et la collectivité qui fournissent le soutien aux étudiants autochtones pour qu'ils puissent rester dans leur collectivité, apprendre, devenir des mentors pour leurs pairs et obtenir leur diplôme. C'est très efficace.
M. Chase : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Vous avez décrit là un autre symptôme encore de ce dont nous parlions il y a quelques instants avec des métaphores du genre « virage tectonique » ou « transformation du secteur ». La séparation entre le secteur des collèges communautaires ou techniques et le secteur universitaire est, certainement, une forme masquée de séparation des classes. C'est aussi à changer. Le changement est amorcé et d'ici 10, 15 ou 20 ans, il n'y aura plus rien de familier. Nous espérons alors avoir un système d'éducation postsecondaire beaucoup plus homogène sur le plan de la structure des programmes.
M. Bates : Il manque au Canada 60 000 mécaniciens de centrale. Ils peuvent gagner 100 000 $ à 24 ans avec seulement un an d'expérience, et pourtant, nous en manquons parce que les gens vont à l'université et pas nécessairement au collège.
En Colombie-Britannique, 50 000 personnes ont entamé un programme d'apprentissage qu'ils n'ont jamais terminé parce que l'économie était prospère; ils trouvaient du travail sans jamais avoir terminé leur formation. Puis, l'économie a fait un plongeon l'année dernière, et ils se sont retrouvés le bec dans l'eau, sans emploi et sans titre, et ce sont ceux qui étaient qualifiés qui ont eu les quelques emplois restants.
La Colombie-Britannique a mis sur pied un programme d'apprentissage flexible. Je peux donner l'exemple typique du Collège communautaire de Vancouver, qui offre un programme de 13 semaines aux employés apprentis qui ne sont pas encore qualifiés — 10 semaines de cours en ligne, et les 3 dernières en apprentissage face-à-face. Quand ils ont constaté que la moitié des étudiants avaient déjà les compétences pratiques, ils les ont renvoyés à leur employeur au bout d'une journée, avec leur note de passage. Ainsi, ils pouvaient se concentrer sur les étudiants qui n'avaient pas encore les compétences.
Il y a aussi le modèle des cuisiniers. Le Collège Camosun offrait des cours de cuisine dans toute la province; le programme avait beaucoup de succès. Pour une raison que j'ignore, l'Industry Training Authority de la Colombie- Britannique l'a supprimé. Je pense que c'est à cause de politiques internes.
C'est ce qu'il faut si nous voulons améliorer la qualité de vie de membres de la population active qui ont besoin d'obtenir un diplôme et de parfaire leurs compétences.
Le sénateur Plett : Merci beaucoup. Poursuivez votre excellent travail.
Le sénateur Merchant : Merci à tous. Je suis heureux de vous revoir, monsieur Chase.
Je voulais moi aussi me concentrer un peu sur la Saskatchewan, dont je suis originaire. Vous savez qu'il y a dans la province beaucoup de jeunes Autochtones.
Madame Van Rooijen, vous avez déjà fourni quelques éléments de réponse à certaines de mes questions. Quels défis particuliers vous ont posé les étudiants autochtones? Est-ce que cet apprentissage à distance leur a facilité les choses ou les a compliquées? Quel est leur taux de réussite? Est-ce qu'ils peuvent trouver du travail quand ils ont suivi la formation? Parlez-nous d'abord des enjeux autochtones.
Ma deuxième question concerne les étudiants étrangers, dont vous avez parlé, monsieur Chase. Pourquoi sont-ils tellement importants pour notre économie, les universités et l'éducation? Aussi, que fait le gouvernement fédéral ou que ne fait-il pas, et qu'aimeriez-vous qu'il fasse pour attirer des étudiants étrangers?
Mme Van Rooijen : Un problème qui se pose, quand on travaille avec les Premières nations, vient du manque de préparation pour l'université. Notre université est ouverte et n'exige pas de diplôme d'études secondaires. Nous faisons néanmoins tout en notre pouvoir pour assurer la réussite d'absolument tous les étudiants.
Nous allons devoir faire bien plus de travail de préparation avec un bon nombre de nos populations qui sont généralement sous-représentées dans les études postsecondaires. Le problème ne se pose pas qu'avec les Premières nations. Nous savons que l'apprentissage à distance est problématique pour les populations autochtones, en particulier, à cause de leur mode d'apprentissage. À cet égard, notamment, l'université a adopté une approche pour ainsi dire « mixte ».
Nous constatons notamment, surtout dans les collectivités autochtones, que ces gens doivent quitter leur réserve, leur localité. Ils n'ont alors plus de soutien. Notre modèle consiste à amener notre enseignement chez eux, au moyen d'un programme d'éducation à distance, afin qu'ils puissent rester dans leur collectivité et continuer d'y jouir du soutien de leur famille, des aînés et de la communauté pour achever leur formation. Ce modèle leur permet de rester dans leur collectivité et de la servir.
Pour ce qui est des taux de réussite, nous constatons effectivement que c'est plus difficile. Il est aussi beaucoup plus ardu de les préparer pour l'université, mais on y arrive. Un petit nombre d'étudiants autochtones sont inscrits chez nous. Il y a dans notre université un centre qui se consacre à l'enseignement pour les Autochtones et aux moyens de le livrer qui sont beaucoup plus adaptés à leurs besoins sur le plan culturel.
C'est maintenant le Rural Alberta's Development Fund qui finance le projet des Communautés d'apprentissage. Nous offrons un éventail de programmes dans le but de voir lesquels remportent le plus de succès. Je n'ai pas encore toutes les données, mais, à première vue, tout va pour le mieux.
Le sénateur Merchant : Vous savez qu'il y a à Régina la First Nations University of Canada. Il y règne une atmosphère unique, qui crée un milieu unique pour les étudiants des Premières nations. Nous avons lutté bec et ongles depuis quelque temps pour la garder ouverte. Ses administrateurs ont apporté des changements positifs, et je pense que les gouvernements les appuieront. Voilà un établissement où les élèves autochtones se sentaient beaucoup plus chez eux parce qu'il est conçu en regard de certains de leurs modes traditionnels. Le climat qui y règne les encourage à poursuivre leurs études universitaires et à réussir.
Mme Van Rooijen : C'est ce que nous aimerions créer dans leurs collectivités, au moyen de l'enseignement à distance.
M. Chase : À mon poste antérieur, je travaillais en très étroite collaboration avec la First Nations University of Canada. Vous avez tout à fait raison. Cet établissement est essentiel à l'avenir de la Saskatchewan, rien de moins.
C'est un havre pour des gens qui arrivent de minuscules collectivités autochtones du Nord, de 100, 200 ou 300 habitants. Bien souvent, c'est l'un des premiers contacts qu'ont les étudiants avec la civilisation urbaine du Sud, si on peut dire, et l'expérience est des plus déroutantes. Le fait qu'ils sont dans une institution créée d'après leur culture et où ils côtoient des gens qui leur ressemblent, peut largement contribuer au succès de leurs études postsecondaires — les œuvres d'art, même ce que sert la cafétéria reflètent leur mode de vie.
En raison de la démographie de la Saskatchewan et aussi, je pense, du Manitoba, il est absolument primordial de régler le problème de la participation des Autochtones à l'éducation postsecondaire en général, que ce soit à l'université, au collège ou à l'institut de technologie. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Les défis ont été nombreux et intéressants, et ce n'est pas fini, mais je fais à cet établissement mes meilleurs vœux de succès.
Au sujet des étudiants étrangers, mes observations se classent sous quatre grandes catégories, que j'énoncerai dans un ordre peu courant. Tout d'abord, il y a le renforcement du tissu social. Pour renforcer le tissu social, il faut faire venir au Canada des étrangers talentueux, leur fournir une excellente éducation postsecondaire et les inciter à rester ici, à devenir des citoyens canadiens et à intégrer la population active. C'est ce qui renforce notre tissu social et notre pays, et je pense que c'est nécessaire.
Deuxièmement, notre pays tire avantage de la présence de ces gens dans nos universités, collèges et instituts de technologie, présence qui enrichit culturellement nos étudiants — des étudiants nés au Canada — et les met en contact avec d'autres cultures qu'autrement ils pourraient ne jamais connaître.
Troisièmement, notre économie est de plus en plus mondialisée. C'est l'un des termes à la mode. En érigeant barrières et obstacles, nous ne serons pas compétitifs; nous ne pourrons pas maintenir la cadence des pays qui sont très axés sur l'avenir. C'est le cas de l'Australie, dont M. Bates a déjà parlé. Nous devons être à l'avant-garde.
Enfin, le Canada a besoin de professionnels qualifiés. C'est une question de développement du marché du travail. Comme nous le rappelle sans cesse notre gouvernement en Colombie-Britannique, ce que font les universités est étroitement lié au développement du marché du travail. D'ailleurs, notre ministère, en Colombie-Britannique, porte le titre de ministère de l'Enseignement supérieur et du Développement du marché du travail. On ne cesse de nous rappeler que ces deux activités sont profondément et intimement liées aux yeux du gouvernement.
M. Bates : Je n'ai rien à dire sur le sujet.
Le sénateur Merchant : Vous ne m'avez pas dit quels changements vous souhaiteriez que le gouvernement fédéral apporte pour que ce soit plus faisable. Qu'est-ce qui fait que l'Australie peut attirer des étudiants étrangers? Peut-être traînons-nous un peu de la patte. Quels changements souhaiteriez-vous?
M. Chase : Je vais essayer de répondre très rapidement. M. Bates connaît peut-être mieux la situation de l'Australie que moi.
L'Australie a adopté une approche très concertée pour attirer et recruter des étudiants étrangers. Cette approche a connu certaines difficultés depuis quelques années, un fait je crois assez connu. Cependant, le fait est que le gouvernement fédéral a dit : « Voilà l'orientation que prend le pays, et tout le monde doit emboîter le pas. » Je ne pense pas que nous ayons ce type de stratégie nationale au Canada.
La Colombie-Britannique a une stratégie nationale pour la région du Pacifique, particulièrement en matière de développement du marché du travail. Notre président a accompagné le premier ministre Campbell en Chine il y a quelques semaines, pour signer des ententes avec quatre universités chinoises. Cependant, rien de ce que nous faisons à l'échelle fédérale ne démontrerait au reste du monde que le Canada prend la question très au sérieux, et peut-être le comité pourrait-il y réfléchir.
Le sénateur Merchant : Ce ne sont donc pas des questions d'immigration ou quoi que ce soit du genre. Qu'en dites- vous?
M. Chase : Je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à cette question. Je pense que c'est très complexe.
Le sénateur Merchant : Je crois que les étudiants font des demandes dans plusieurs pays et sont prêts à accepter la première offre parce qu'ils veulent étudier à l'étranger. Dans le passé, j'avais l'impression que nous ne facilitions peut- être pas tellement la venue des étudiants étrangers au Canada.
M. Chase : C'est bien possible. Pour terminer, je pense aussi que nous sommes peut-être un petit peu trop effacés, à notre façon toute canadienne. D'autres pays vont à l'étranger claironner la qualité et le prestige de leur système d'éducation postsecondaire. Nous avons d'excellentes universités ici. Nous ne sommes pas assez portés à le rappeler aux autres.
M. Bates : Les universités de l'Australie sont devenues trop dépendantes des revenus générés par les étudiants étrangers. La chute du marché a plongé certains établissements dans d'énormes difficultés financières. La commission Bradley, que le ministère fédéral de l'Éducation avait chargé d'examiner l'avenir des universités, a recommandé que les universités, plutôt que de réduire leurs activités, dressent un plan d'activités différent qui les rendrait moins dépendantes des droits de scolarité des étudiants étrangers. En conséquence, le gouvernement fédéral leur a versé plus d'argent.
Il y a une chose qu'a faite le gouvernement australien et dont je n'ai pas parlé, et je n'en ai pas parlé parce que nous avons déjà, vraiment, une université nationale ouverte, si on peut considérer Athabasca comme une université nationale ouverte. Le gouvernement fédéral a créé Open Universities Australia, dont l'accès est libre. Un grand nombre de nos programmes d'enseignement à distance ne sont pas accessibles à tous. Il faut avoir un diplôme d'études secondaires ou remplir les conditions d'admissibilité.
Neuf universités australiennes avec campus qui offraient des programmes d'enseignement à distance se sont unies pour former ce consortium. Le gouvernement a financé les cinq premières années, principalement pour l'établissement du programme de cours en ligne de première et de deuxième années, que n'avaient pas les universités. Leur succès a été tel que le gouvernement ne les finance plus maintenant. C'est un système autofinancé.
C'est une autre possibilité, mais je ne voulais pas en parler parce que je pense que l'Université Athabasca pourrait probablement faire bon nombre de ces choses elle-même.
Le sénateur Martin : Merci, monsieur le président et merci beaucoup aux témoins pour ces idées et constatations que vous nous exposez aujourd'hui. Étant une fière diplômée de l'UBC, il m'a fait plaisir d'entendre, monsieur Bates, que vous avez aussi travaillé avec l'UBC. Je n'ai qu'une fille, qui n'entrera à l'université que dans quelques années, mais j'ai eu beaucoup d'étudiants issus de ces systèmes d'éducation qui m'ont formée, y compris des diplômés de l'Université Royal Roads et d'autres d'ailleurs au Canada.
Madame Van Rooijen, vous avez parlé d'un obstacle très important, selon moi, qu'il nous faut abattre, nous les Canadiens. J'ai été très heureuse d'entendre que les rapports que vous entretenez avec d'autres établissements permettent le transfert de crédits. C'est un obstacle que j'ai constaté à maintes reprises.
Ce ne sont pas tous les étudiants qui peuvent entrer directement à l'université, pour diverses raisons, et j'ai souvent conseillé à mes étudiants de s'inscrire au collège ou dans d'autres établissements qui pourraient être pour eux une pierre de gué vers un diplôme universitaire. À moins de consulter des conseillers, qui sont parfois difficilement accessibles pour les aider à vraiment planifier leurs cours, ou à moins d'avoir depuis longtemps décidé de ce qu'ils veulent faire, les étudiants ont souvent tendance à suivre des cours généraux en première et deuxième années. J'ai vu bien des étudiants recommencer des années d'université ou en faire de plus à cause de cette impossibilité de transférer des crédits. Je l'ai souvent constaté, entre provinces.
Vos propos m'enthousiasment. Où en sont les démarches pour que les universités puissent un jour transférer des crédits, au Canada? Qu'est-ce qui a été fait, et comment pouvons-nous progresser, pour qu'un jour tous les établissements du Canada permettent aux étudiants de passer de l'un à l'autre?
Mme Van Rooijen : Je vais essayer de vous donner quelques réponses. Je n'ai pas toutes les statistiques sur le sujet, mais nous savons que les choses n'avancent pas comme nous le souhaiterions, au pays. C'est particulièrement difficile entre les provinces.
Ce que nous avons mis sur pied en Alberta a grandement facilité à nos étudiants le passage du collège à l'université ou l'inscription à nos cours. Je sais qu'il est particulièrement difficile de faire un transfert entre universités en Ontario. Plus d'un tiers de nos étudiants viennent de l'Ontario, et c'est pourquoi nous avons déployé des efforts particuliers pour nous assurer qu'ils puissent transférer un ou deux cours qu'ils suivent chez nous à leur établissement d'attache.
Aussi, cela en dit long sur les perceptions de la distance, bien que ce ne soit pas tout a fait ce que vous avez demandé. L'idée qu'en ont les autres universités, c'est que l'apprentissage à distance n'est pas aussi efficace, ni de même qualité. Nous ne sommes pas d'accord, parce que nous voyons nos étudiants entrer dans le monde et y tenir la même place que les étudiants issus d'autres universités. Ils deviennent avocats et médecins; ils suivent nos programmes de deuxième cycle. Nous offrons d'ailleurs l'un des plus importants programmes de MBA du pays. Nous avons à tout le moins le plus important programme de maîtrise ès arts du pays.
Nous devons lutter contre cette perception. Il sera primordial pour l'avenir du pays que l'apprentissage par voie électronique ou en ligne soit reconnu comme étant aussi valable que des études universitaires traditionnelles.
Les progrès ne sont pas aussi rapides qu'on le souhaiterait, et il a fallu travailler très fort pour aboutir à ces ententes d'articulation entre établissements, pour que les transferts des étudiants puissent se faire sans accroc.
Le président : Y a-t-il d'autres commentaires?
M. Chase : Puisque vous êtes de la Colombie-Britannique, vous savez bien que, à l'échelle provinciale, la Colombie- Britannique a fait du bon travail en créant le British Columbia Council on Admissions & Transfer, le BCCAT, dont d'autres provinces ont suivi l'exemple, notamment la Saskatchewan.
Comme le disait Mme Van Rooijen, des problèmes se posent encore entre provinces. C'est attribuable en partie au conservatisme institutionnel inhérent des universités et au fait que les protocoles d'admission et de transfert sont régis, concrètement, par des conseils universitaires qui sont souvent un peu portés à se replier sur eux-mêmes plutôt qu'à s'ouvrir sur le monde. Tout ce que les organes financiers du gouvernement pourraient faire pour pousser les universités à s'ouvrir serait des plus utiles.
Le problème vient surtout des modèles de gestion et de la façon dont les universités sont structurées pour attirer et retenir les ETP. Il faut repenser ces modèles pour assouplir le système et faciliter la mobilité, sans pour autant nuire au fonctionnement des universités. Cela peut poser certains défis.
Le sénateur Martin : J'ai une question, rapidement, pour M. Bates. Il y a plus de 15 ans, j'entendais parler d'écoles virtuelles — c'était un modèle de l'Alberta. Est-ce que ce que vous faites, l'apprentissage par voie électronique et les progrès technologiques dans le domaine de l'éducation, s'apparente plus ou moins aux écoles virtuelles?
M. Bates : Oui. La Colombie-Britannique a ce qu'on appelle un programme d'apprentissage distribué, pour le secteur de la maternelle à la 12e année. En gros, chaque commission scolaire est libre d'offrir des cours en ligne, auxquels peuvent s'inscrire des étudiants de partout dans la province, et la portion équivalente des ETP est transférée de l'établissement scolaire au programme en ligne.
Toutes les commissions scolaires ont offert des programmes la première année. Elles se sont vite rendu compte que c'était bête : elles offraient toutes le cours d'anglais de 11e année. Elles se sont donc unies pour créer la Virtual School Society de la Colombie-Britannique. Ainsi, il y a maintenant beaucoup plus de collaboration et de partage. Le programme a eu un énorme succès auprès des étudiants; ils l'ont beaucoup aimé. Il pose un certain défi aux enseignants en classe, qui voient bien qu'ils perdent des étudiants s'ils ne livrent pas un bon cours.
Le sénateur Martin : C'est intéressant. Merci beaucoup.
Le sénateur Dyck : Je vous écoute et je me dis que j'ai près de 65 ans et que j'ai passé 40 ans de ma vie soit à étudier, soit à travailler dans une université. J'ai l'impression d'être un dinosaure. L'université que j'ai connue disparaîtra.
Si j'entamais maintenant ma 12e année et devais décider quoi faire après le secondaire, je serais complètement démonté par tout l'éventail de possibilités; je me demanderais si je devrais opter pour l'établissement à l'ancienne, l'apprentissage à distance ou une combinaison. Le sénateur Martin en a parlé aussi. Comment un étudiant parvient-il à une décision? Est-ce qu'il existe des programmes qui permettent aux conseillers en orientation de déterminer que le style d'apprentissage d'un étudiant convient à un type d'établissement plutôt qu'à un autre, qu'il s'y épanouirait sûrement plus? Est-ce qu'il existe un mécanisme pour aider les nouveaux étudiants à s'orienter?
Vous avez dit, monsieur Chase, que votre programme en est de deuxième cycle. Vos étudiants ont donc déjà un certain bagage. Mais comment l'étudiant qui commence peut-il prendre une décision? Est-ce qu'on lui dit qu'il y a de très grandes chances qu'il change de carrière en cours de route et qu'il pourrait très bien entamer ses études à l'université et les achever dans un institut de technologie? J'ai connu des étudiants qui l'on fait. Ils ont un diplôme de biologie en poche, puis ils décident qu'ils veulent travailler dans un laboratoire de recherche. Alors, ils retournent faire deux ans dans un institut de technologie. Il se peut qu'ils doivent recommencer à zéro. Ils ne se feront pas nécessairement créditer leur diplôme de biologie. Comment un étudiant peut-il décider?
J'aimerais que vous répondiez à la question sur la transférabilité des crédits. Comment optimiser les échanges entre instituts de technologie, collèges et universités de manière à répondre aux besoins de l'étudiant à l'ère de l'Internet, par opposition aux étudiants de mon époque?
M. Chase : C'est une série complexe de questions.
Comme je le disais dans mon exposé, à Royal Roads, l'âge moyen des étudiants est entre 36 et 37 ans. Ils travaillent donc depuis déjà quelques années. Ils s'inscrivent à un programme et ils sont très motivés. Ils savent exactement ce qu'ils veulent, et ils sont très exigeants, ce qui nous force à toujours faire mieux — ce qui n'est pas un mal.
Ce que je pense du secteur en général, c'est que bien qu'il ait un grand nombre de personnes qui font de leur mieux pour fournir des conseils cohérents et à jour aux étudiants qui entrent dans le système, leur prestation n'est pas des plus systématique et est de qualité très variable. C'est pourquoi on voit beaucoup de tâtonnements, d'étudiants qui entrent dans le système, puis abandonnent.
Le taux d'attrition la première année, dans certaines universités traditionnelles à vocation générale atteint, je crois, les 40 p. 100. C'est à bien des égards un gaspillage phénoménal de temps, d'argent et de capital humain. Est-il est possible de le réduire? Je crois que oui. Je ne suis pas sûr toutefois que nous ayons une stratégie pour nous y attaquer efficacement. Peut-être Mme Van Rooijen a-t-elle des idées.
Mme Van Rooijen : C'est assez semblable à Royal Roads, en ce sens que l'âge moyen de nos étudiants est beaucoup plus élevé que celui des diplômés du secondaire. La plupart des étudiants qui décident de s'inscrire à l'Université Athabasca sont déjà des as de l'apprentissage à distance ou ont besoin de flexibilité parce qu'ils ont un emploi. La décision est assez simple, pour eux.
Nous avons constaté ces dernières années que notre clientèle universitaire est de plus en plus jeune. Nous ignorons si c'est une tendance, si c'est que la plus jeune génération est tellement technophile que l'apprentissage à distance ne lui pose pas de problème; mais nous constatons que les gens qui s'inscrivent à notre université et obtiennent leur diplôme sont de plus en plus jeunes, et c'est fantastique.
Nous avons des étudiants qui ont à peine plus de 16 ans; ce sont de jeunes diplômés du secondaire et ils obtiennent d'excellents résultats. Généralement, ils choisissent l'apprentissage à distance parce qu'il convient à leur mode de vie. Un autre facteur, c'est qu'ils vivent aussi en région rurale et ne veulent pas quitter leur famille. C'est encore beaucoup une question de choix des parents. Les parents exercent une énorme influence sur l'entrée à l'université de leurs enfants.
Le plus gros problème, c'est l'information; savoir où commencer. C'est un facteur.
M. Bates : La Commission Spelling des États-Unis a consacré un temps énorme à essayer de mesurer les résultats des universités et collèges à l'intention des parents, surtout, pour qu'ils puissent juger des universités qui ont le meilleur rendement. Vous savez que le système des États-Unis est beaucoup plus complexe que le nôtre. Ça n'a pas été un succès retentissant. Les établissements ont rejeté le concept de mesures normalisées de rendement. C'est très déconcertant.
La revue Maclean's fait un classement. Moi, je trouve que sa méthode est trop traditionnelle. Combien de livres avez-vous dans la bibliothèque? Est-ce que cela en dit gros sur une université, de nos jours? Moins elles ont de livres, mieux elles s'en portent, parce que tout se passe en ligne. Nous manquons de moyens efficaces de permettre aux parents et aux étudiants de comparer les établissements.
C'est différent d'une province à l'autre. La Colombie-Britannique a un très bon site offrant des conseils sur les différents programmes et cours que les étudiants peuvent prendre. L'Ontario en a un aussi, en plus de Contact Nord. Je répète que, si on s'intéresse à l'accès pour les Autochtones et les habitants des régions isolées, Contact Nord est un excellent modèle, parce qu'il a des centres locaux d'apprentissage dans les petites collectivités d'une centaine d'habitants environ. Contact Nord a des conseillers en orientation sur les programmes dans tout le réseau, en Ontario.
Certaines provinces ont une approche intéressante. D'autres proposent des solutions qui le sont moins.
Le sénateur Dyck : Alors, pensez-vous qu'il nous faudrait une espèce d'organe national? On nous a conseillé de créer un organe national qui serait chargé de coordonner ou en quelque sorte d'établir des normes pancanadiennes pour faciliter les transferts et l'accès à l'information afin d'aider les étudiants à prendre ces décisions.
M. Chase : C'est une possibilité qu'il vaudrait la peine d'étudier, sous réserve que, si nous voulons avoir un système d'enseignement postsecondaire véritablement efficace et valable, il faut reconnaître que les établissements doivent se distinguer entre eux. On ne peut avoir des établissements tous plus ou moins semblables qui essaient tous de faire la même chose. Nous ne pouvons plus nous le permettre.
[Français]
Le sénateur Champagne : Je pourrais probablement m'exprimer en anglais mais je préfère le faire dans ma langue si vous le permettez.
Au cours de nos travaux, on nous a répété l'importance qu'ont les parents pour motiver les élèves à accéder à l'éducation postsecondaire. Ce qui arrive en ce moment, c'est que nous avons des parents qui ont dû abandonner leurs études à un moment donné parce que c'était impossible.
Je parle de parents qui ont dû cesser leurs études à un moment donné. Ils ont des enfants maintenant, ils ont un peu plus de temps. L'éducation à distance pourrait être un moyen pour les parents, qui sont à la maison, de continuer leurs études et de pouvoir dire aux enfants : j'ai dû le faire, mais vous pouvez continuer et non pas arrêter.
Les curriculums des différents cours, il y a 20 ou 25 ans, n'étaient pas les mêmes que ceux d'aujourd'hui. Est-ce qu'il y a une possibilité d'équivalence? Est-ce qu'il y a un examen à passer avant de pouvoir s'inscrire et être accepté à un cours à distance?
[Traduction]
Mme Van Rooijen : Je peux commencer, et je dirais, absolument, oui. Il y a plusieurs choses. D'ailleurs, quand on regarde nos données démographiques, c'est en grande partie ceux-là qui viennent à notre université. Il y a beaucoup de segments sous-représentés de la population. C'est exactement la situation dont vous parlez. Ils ont entamé des études universitaires et on dû les abandonner pour une raison ou une autre, et ils ne les ont pas reprises, mais ils attachent encore de l'importance à l'éducation et ils veulent être un exemple pour leurs enfants.
Nous avons ces temps-ci notre collation des grades. Je peux vous répéter ce que nous entendons. Nous avons des étudiants qui disent être les premiers de leur famille à obtenir un diplôme, et beaucoup sont dans la quarantaine. Soixante-quatorze pour cent des diplômés de l'Université Athabasca sont les premiers de leur famille à obtenir un diplôme. Quand ils font une déclaration, c'est généralement pour dire qu'ils peuvent maintenant être un exemple pour leurs enfants, et que leurs enfants savent l'importance que revêt l'éducation.
S'ils n'avaient pas eu cette possibilité, ils ne pourraient pas dire à leurs enfants combien l'éducation est importante, et s'en faire l'exemple. L'enseignement à distance leur en donne la chance, parce que bon nombre de ces étudiants sont chez eux, à s'occuper de leurs enfants. Quand ils apprennent l'existence de ce programme, ils s'y inscrivent.
Le sénateur Champagne : Est-il très couteux de suivre ces cours en ligne?
Mme Van Rooijen : Non, les frais de scolarité par cours sont à peu près les mêmes que ceux d'autres universités. Par contre, tous les livres et le matériel didactique sont inclus. On paye une fois, et les ouvrages scolaires sont gratuits. Nous estimons que c'est très économique.
Nous aimerions pouvoir offrir ces programmes à moindre coût parce que bien des étudiants qui s'informent auprès de nous n'ont pas les moyens de s'inscrire. J'ai déjà parlé du problème de financement des étudiants à temps partiel. C'est difficile pour ces parents, parce qu'ils n'ont pas accès au financement. Nous travaillons fort pour obtenir des bourses pour ces familles, mais il y aurait moyen de faire plus pour réduire les obstacles financiers.
Le sénateur Champagne : Monsieur Chase, s'il y a une chose qu'il est impossible d'étudier à distance, c'est la musique. Je m'adresse à l'organiste. Je suppose qu'on peut devenir musicologue, et probablement critique pour un journal, mais on ne peut devenir un interprète.
Je conclus mes observations, monsieur le président, si vous le permettez, en invitant M. Chase. Si vous venez dans la région de Montréal, ma ville, où les orgues Casavant sont fabriqués depuis 120 ou 150 ans, vous pourriez essayer le meilleur qui soit; il est dans ma cathédrale. J'appellerai avec plaisir le curé ou l'évêque pour vous inviter à en jouer.
M. Chase : En fait, j'en ai déjà joué. J'ai de nombreux amis chez Casavant Frères. C'est une excellente compagnie, et il y a un merveilleux instrument à Saint-Hyacinthe, au Québec. Il y a aussi de très bons orgues à Montréal, comme ceux de l'église Saint-Jean-Baptiste, de l'Oratoire Saint-Joseph, et cetera.
Pour répondre à votre question, l'évaluation et la reconnaissance des acquis, l'ÉRA, représente une composante essentielle de nos systèmes. Je sais que l'Université d'Athabasca fait beaucoup dans ce domaine. Nous essayons de choisir des gens ayant des antécédents non traditionnels — autrement dit, qui n'ont peut-être pas de diplôme d'études secondaires ou de premier cycle. Nous leur demandons de nous présenter un portefeuille qui décrit les compétences qu'ils ont acquises au cours de leur vie professionnelle. Nous évaluons leur dossier et les lettres de référence fournies en vue de leur admission à un programme menant à un diplôme ou à un programme d'études supérieures, toujours en fonction de leurs antécédents non traditionnels. Il faudrait que ce critère soit intégré davantage au régime canadien.
M. Bates : Je travaillais pour l'Université ouverte du Royaume-Uni en 1969. L'établissement offrait à ce moment-là des cours préparatoires qu'elle a fini par laisser tomber, car les étudiants choisissaient eux-mêmes les cours qui les intéressaient. Ils savaient s'ils allaient réussir ou non. L'accès était totalement libre — les acquis ou les notes obtenues au secondaire n'étaient pas pris en considération. Environ 45 p. 100 des étudiants terminaient leurs études, un taux d'achèvement inférieur à celui observé chez les étudiants possédant déjà un diplôme d'études secondaires. Toutefois, l'expérience, pour eux, était un succès.
À l'époque, l'accès à l'enseignement postsecondaire au Canada était plus restreint qu'il ne l'est aujourd'hui. Par conséquent, un grand nombre de personnes très compétentes se retrouvaient, pour une raison ou pour une autre, sans diplôme du secondaire.
Je crois fermement au principe du libre accès. Le critère appliqué par l'Université ouverte était le suivant : ce qui compte, ce ne sont pas les acquis que vous possédez à votre arrivée, mais ce que vous aurez appris ici. L'université était assujettie à un processus d'assurance de la qualité administré par le ministère de l'Éducation qui englobait tous les établissements universitaires. Elle figurait parmi les dix universités les mieux cotées du Royaume-Uni, tant sur le plan de l'enseignement que sur celui de la recherche, même si bon nombre des étudiants admis ne possédaient aucun diplôme. Je pense que nous accordons trop d'importance aux acquis.
Le sénateur Champagne : Pour conclure, je voudrais vous dire, monsieur Chase, qu'au milieu des années 1950, j'étais l'organiste à cette église et que je m'occupais de la chorale des jeunes.
Le sénateur Demers : Vous auriez dû dire dans les années 1970. Vous êtes très jeune.
Le sénateur Cordy : Cette discussion est fort intéressante. J'ai été enseignant pendant plusieurs années. J'ai quitté le milieu il y a dix ans, et je me rends compte que beaucoup de choses ont changé au cours de cette période.
Le sénateur Dyck m'a dit, plus tôt, à l'oreille, que nous devrions avoir un parlement virtuel. On devrait l'essayer. La période de questions serait peut-être plus productive.
Nous parlons de l'apprentissage à distance. Or, les mesures novatrices prises dans ce domaine profitent à l'ensemble des étudiants qui fréquentent une université. Certains ont laissé entendre, plus tôt, que les personnes qui vivent en région éloignée ne sont pas les seules à tirer profit de cette technique d'enseignement.
J'ai jeté un coup d'œil aux statistiques sur la formation à distance qui s'appliquent à l'université où j'ai obtenu mon diplôme, en Nouvelle-Écosse. J'ai siégé au conseil d'administration de celle-ci pendant un certain temps. Ce ne sont pas seulement les étudiants vivant à l'extérieur de Halifax qui ont recours à la formation à distance, mais également les parents à la maison. Comme Halifax est aussi une grande ville militaire, les militaires sont également nombreux à suivre des cours à distance. Les travailleurs de quart, comme les infirmières, les médecins, ainsi de suite, le font également. Donc, si nous arrivons à offrir de bons programmes aux étudiants à distance, d'autres personnes aussi vont pouvoir en profiter.
Toutefois, l'apprentissage à distance présente certains défis. Vous avez parlé d'isolement. L'étudiant peut se retrouver seul. Bien entendu, comme l'a mentionné M. Bates, le facteur âge y est pour quelque chose. Cette formule ne convient peut-être pas à la personne âgée de 18 ou de 19 ans, mais elle répond peut-être aux besoins de celle qui en a 35.
Monsieur Chase, vous avez parlé de la cohorte d'adolescents qui a été utilisée comme modèle. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
Madame Van Rooijen, vous avez dit que les médias sociaux peuvent aider les gens à rester en contact une fois le programme terminé. Nous devons poursuivre nos efforts en ce sens. Nous n'avons pas le choix. Il faut le faire. Il faut assurer le succès de cette initiative.
M. Chase : Merci d'avoir posé la question. Apprentissage en ligne ne veut pas nécessairement dire apprentissage à distance. Le cours en ligne offert sur votre campus peut être suivi par quelqu'un qui se trouve à Abu Dhabi ou encore par un étudiant de 19 ans qui habite l'immeuble d'à côté et qui a choisi cette formule parce qu'il ne restait qu'une seule place dans le cours de 8 h 30. M. Bates en a parlé, mais ce phénomène est en train de changer le visage de l'éducation.
En ce qui concerne le modèle de cohorte utilisé par l'Université Royal Roads, la première chose que je ferais si j'étais admis au programme de MBA à l'automne, ce serait de me joindre à une cohorte en ligne. Je commencerais à communiquer par courriel avec les autres étudiants et le chargé de cours. Je me rendrais ensuite sur le campus, puisqu'il s'agit là de la première étape officielle du programme de maîtrise, et je suivrais pendant deux semaines une formation intensive. Je vivrais sur le campus avec les 50 ou 60 autres étudiants qui font partie de la cohorte. Nous formerions des équipes de 5 à 7 personnes qui travailleraient de 18 à 20 heures par jour. Ce processus est très intense et épuisant. Une fois le stage de deux semaines terminé, les étudiants auront tissé des liens, travaillé en équipe, réglé des problèmes et créé une série de communautés.
Lorsqu'ils quittent le campus pour entreprendre le premier segment de la formation à distance, qui dure habituellement de neuf à dix semaines, ils font partie d'une équipe et ils travaillent en ligne en utilisant diverses technologies, comme Elluminate Inc., par exemple, qui leur permet de suivre les cours de manière efficace au moyen d'un logiciel de cyberconférence. Ils retournent ensuite sur le campus, en pleine forme, et y passent deux autres semaines. À la fin, ils sont complètement épuisés. Voilà comment les programmes sont structurés.
Ce sont les liens et le sentiment d'appartenance que créent ces stages intensifs qui permettent aux étudiants d'aller de l'avant et d'éprouver un niveau élevé de satisfaction. Quand nous rencontrons nos diplômés, nous leur demandons si nous avons livré la marchandise. Ils nous disent souvent que nous avons changé leur vie. C'est la cohorte qui produit un tel effet.
Le sénateur Cordy : Il n'est pas facile de participer à une conférence téléphonique avec des gens que nous n'avons jamais rencontrés. Les choses sont plus simples quand les participants se connaissent. C'est ce que vous dites.
Mme Van Rooijen : L'Université Royal Roads offre un programme similaire, mais pas de stages. Nous prévoyons une semaine d'activités, au début, pour que les étudiants puissent tisser des liens entre eux. Nous estimons que cela favorise l'esprit d'équipe. La plupart des programmes d'études supérieures sont conçus de cette façon. Les programmes de premier cycle sont différents. Les cours individuels sont adaptés au rythme de chacun. La personne s'inscrit à un cours et le suit. Elle n'établit pas nécessairement de contacts avec les autres étudiants. Il y a une prise de contact qui se fait dans certains cours, en raison des professeurs, mais pas dans d'autres.
Par ailleurs, de nombreux étudiants utilisent les sites de réseautage social, comme Facebook, par exemple, pour créer des groupes d'étude. Le réseautage social et les médias sociaux sont des outils très puissants. Nous constatons que cette tendance est plus forte aujourd'hui qu'il y a 12 mois. Elle va continuer de prendre de l'ampleur et va évoluer en fonction des changements que subira Facebook. Le nombre de liens va augmenter. Nous encourageons les étudiants à établir des contacts entre eux par l'entremise des sites de réseautage social. C'est une technique qui fonctionne.
Le sénateur Cordy : Monsieur Bates, vous avez parlé de vos attentes relatives à l'édition électronique pour 2010. Je trouve cette tendance fascinante. Je dois admettre que lorsque je veux faire de la lecture pour me détendre, je préfère avoir en main un vrai livre plutôt qu'un Kindle. Toutefois, je suis conscient des avantages que présente l'édition électronique pour le milieu universitaire. Dans le passé, c'est-à-dire quand j'étais étudiant, il fallait attendre que les livres arrivent en magasin. Le cours était commencé depuis un mois ou un mois et demi, et nous attendions toujours. Quand je me promenais sur le campus, mon sac à dos était rempli de livres. Selon vous, comment cette technologie va- t-elle évoluer? Quelles tendances observe-t-on à cet égard dans le milieu universitaire?
M. Bates : Dans certaines universités, les livres, pour certains programmes, coûtent plus cher que les frais de scolarité. Cela présente une dépense énorme. L'édition électronique est plus économique : vous payez uniquement quand vous utilisez le service. Elle est plus abordable parce qu'il n'y a pas de coûts de distribution, par exemple. Ce sont les coûts surtout qui vont pousser le marché vers l'édition électronique.
Toutefois, cette technologie pose toutes sortes de défis. Nous n'avons pas le temps de parler de la nouvelle loi sur le droit d'auteur, de ses conséquences sur l'édition électronique, de la façon dont les professeurs vont utiliser cet outil en classe. La nouvelle loi soulève certaines inquiétudes. Je me demande quel impact elle va avoir sur l'accès gratuit aux documents imprimés qui se présentent maintenant sous forme numérique. À mon avis, elle ne tient pas compte de ce facteur. Les gens vont devoir déterminer ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas. Comme je ne suis pas un spécialiste du droit d'auteur, le comité devra trouver quelqu'un qui sera en mesure de lui fournir les explications dont il a besoin. Toutefois, l'édition électronique est la voie de l'avenir.
Le service Google Livres, par exemple, soulève de nombreuses questions. Je suis un auteur canadien. Google Livres peut faire des copies de mon livre, si mon éditeur est d'accord, sans que j'aie un seul mot à dire. Je ne suis protégé par aucune loi américaine. Les éditeurs canadiens ont de la difficulté à composer avec Google Livres, qui cherche à numériser tous les ouvrages. Son objectif est d'offrir en ligne tous les ouvrages qui existent dans le monde. Ce projet suscite la controverse. L'affaire est toujours devant les tribunaux aux États-Unis.
Toutefois, c'est la voie de l'avenir et je suis moi-même confronté à un dilemme. Je m'explique : j'ai un livre qui doit bientôt paraître et je travaille avec un éditeur traditionnel. Je me demande si le livre ne devrait pas être publié par voie électronique, puisque cela me permettrait d'y ajouter toutes sortes d'éléments d'information, comme les adresses URL par exemple, à l'intention des étudiants. Quoi qu'il en soit, c'est la voie de l'avenir.
Mme Van Rooijen : Je suis contente que vous ayez parlé de l'édition électronique, car je suis du même avis que M. Bates. La nouvelle loi sur le droit d'auteur aura un impact significatif sur la façon dont l'information peut être utilisée et, plus important encore, sur l'utilisation que peuvent en faire les étudiants. Je ne suis pas une experte en la matière, mais je sais que notre université fait preuve de leadership dans ce domaine, qu'elle collabore avec le gouvernement fédéral en vue de mettre en lumière certains des problèmes que va soulever la loi sur le droit d'auteur.
Il y a quatre ans, l'Université d'Athabasca a lancé un service de presse libre accès. On nous a traités de fous. On nous a dit ce projet ne générerait jamais de revenus. Or, l'important, pour nous, ce n'était pas les revenus, mais plutôt le fait de mettre à la disposition des gens, de manière gratuite, les ouvrages publiés avec les fonds de recherche provenant du secteur public. Tous les manuscrits que nous avons figurent sur le Web. Ils peuvent être téléchargés et lus gratuitement. C'est là qu'il faut passer les commandes de livres. Nous avons constaté, même si ce n'est pas un modèle d'affaires éprouvé, que ce service nous permet de générer plus de revenus, car les gens veulent avoir les livres. Ils les lisent d'abord en ligne, et ensuite les achètent.
Je ne sais pas ce que nous réserve l'avenir, et je ne sais pas où tout cela va nous mener, mais nous sommes en période de transition. Nous voulons faire en sorte que l'information et les résultats des travaux de recherche menés par nos chercheurs, grâce aux deniers publics, soient accessibles et gratuits.
M. Chase : Je pense que nous allons voir une différence sur le marché. Les livres que nous voulons lire pour nous détendre, par exemple, vont continuer d'exister en format papier. Toutefois, les manuels traditionnels vont disparaître. Les ouvrages volumineux d'introduction à l'économie ou à la biologie, qui doivent être revus et imprimés tous les trois ans, à des coûts énormes et pour le système et pour l'étudiant, font partie du passé. Cette formule n'est pas rentable. De plus, comme l'a indiqué M. Bates, le format traditionnel ne permet pas l'ajout, par voie électronique, de liens ou de simulations.
Pour revenir à ce que disait le sénateur Champagne au sujet de l'apprentissage de la musique, l'éducation de l'oreille peut se faire de manière efficace en ligne, puisqu'on peut utiliser les échantillons audio pour apprendre les intervalles. On peut le faire en ligne ou avec un professeur. On ne peut apprendre à jouer un instrument, mais on peut former l'oreille à la musique.
Dans le cas des personnes qui souhaitent étudier une langue, nous pouvons maintenant, avec les divers outils qui existent, non seulement transmettre l'exposé audio du professeur à partir de la salle de classe, mais également montrer à l'écran des mots qui peuvent être déplacés pour illustrer les transformations syntaxiques. Si vous voulez expliquer à quelqu'un la différence qui existe entre les phrases actives et passives, les verbes à la voix active et passive, par exemple, vous pouvez déplacer les mots sur l'écran ou dans le livre électronique et reproduire ce que fait l'enseignant au tableau. Je crois que cela va transformer tout le secteur.
Le sénateur Fairbairn : Merci. Je l'ai sans doute déjà dit, mais je vais le répéter. Vous vous êtes exprimé de façon courageuse, et je vous en félicite.
J'ai trouvé fort intéressant vos propos sur les peuples autochtones, notamment.
Je suis allée, récemment, à Lethbridge, en Alberta. L'Université de Lethbridge avait organisé une fin de semaine d'activités. L'établissement est situé dans un endroit magnifique, sur les rives de la rivière Oldman, avec, comme toile de fond, les montagnes. À notre arrivée, nous avons été accueillis non pas par un orchestre, mais par un groupe charmant d'Autochtones, et par les étudiants eux-mêmes.
J'ai grandi à cet endroit. La nation Kainai est visée par le traité no 7. Le Collège communautaire de Red Crow se trouve dans la réserve autochtone. Il est merveilleux de voir les changements qu'a connus le collège au fil des ans. Il existe depuis plus longtemps que l'Université de Lethbridge. Vu les nombreux efforts qui ont été investis, avec fierté, dans cette institution, quand l'université a été mise sur pied, à Lethbridge, nous avons dit clairement qu'elle devrait compter, dans ses rangs, des enseignants du collège. Cela permettrait d'y attirer les jeunes.
J'ai pensé à ces établissements l'autre jour et à tous les jeunes qui étaient là. À une époque, il n'y avait pas de collège à Lethbridge. Il fallait prendre la voiture pour se rendre à Calgary, ou encore faire le trajet en autobus jusqu'à Edmonton, ce que j'ai fait. Depuis, les choses ont beaucoup changé, et de façon positive, surtout pour les Autochtones.
Quand l'Université de Lethbridge a ouvert ses portes, elle a accueilli des enseignants de la tribu, du Collègue communautaire de Red Crow.
À notre arrivée, l'autre jour, ils étaient tous là. Il y avait de nombreux jeunes qui, dans le passé, n'avaient jamais eu une telle chance. Il y a également à Lethbridge un collège qui ne ménage aucun effort pour attirer les étudiants autochtones.
Il reste encore de nombreux obstacles à surmonter, mais les collectivités dans la région ont joué un rôle incroyable. Grâce à la collaboration de tous ces gens, des enseignants, des personnes qui ont veillé aux intérêts de ces établissements, une porte s'est ouverte. J'espère qu'elle ne se fermera pas.
Les gens sont venus de partout en Alberta pour assister à cet événement. Des efforts énormes ont été déployés à Lethbridge et ailleurs. Quand je vous regarde, quand je jette un coup d'œil au travail que vous avez effectué et que vous continuez d'accomplir, je constate que vous changez vraiment la vie des gens. Et tout cela se passe ici, dans ce petit coin de l'Alberta.
Le président : Merci, sénateur Fairbairn. Il n'y a plus d'autres intervenants. Il ne reste presque plus de temps. Est-ce que les témoins souhaitent faire un dernier commentaire avant que je ne lève la séance?
M. Chase : Je tiens à vous remercier, mesdames et messieurs les sénateurs, pour cette discussion fascinante. Nous espérons que les renseignements que nous vous avons fournis vous sont utiles. Merci beaucoup. Ce fut un honneur de vous rencontrer.
Le président : Merci. Nous avons beaucoup appris.
Mme Van Rooijen : Merci. Mon collègue a déjà tout dit.
Le président : Voilà qui met fin à notre réunion. Je tiens à vous remercier, tous les trois, pour votre contribution. Vos connaissances et votre expérience vont nous aider dans nos délibérations sur l'accessibilité à l'éducation postsecondaire et, notamment, sur le sujet à l'étude aujourd'hui, soit l'apprentissage à distance. Les questions et commentaires nous ont également permis d'apprendre certaines choses. Nous avons entendu parler des orgues, des étudiants internationaux, ainsi de suite.
Encore une fois, merci. La séance est levée.
(La séance est levée.)