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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 11 - Témoignages du 22 juin 2010 - matin


OTTAWA, le mardi 22 juin 2010

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 9 h 2 pour étudier le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et la Loi sur les Cours fédérales.

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Aujourd'hui, nous consacrons pratiquement toute la journée au projet de loi C-11. Nous accueillons par vidéoconférence l'honorable Jason Kenney, ministre de la Citoyenneté, de l'Immigration et du Multiculturalisme. Nous recevons cinq représentants pour nous aider dans l'examen du projet de loi après le départ de M. Kenney.

Nous sommes très reconnaissants de votre présence, monsieur le ministre. Nous savons que vous êtes en déplacement et que l'horaire est chargé. Je ne sais pas dans quel fuseau horaire vous vous trouvez, mais c'est très gentil de votre part de comparaître.

Je félicite également vos efforts à la Chambre des communes. Nous lisons à ce sujet avec grand intérêt et nous en entendons parler de différentes façons; mais vous avez été en mesure de réunir divers intérêts et parties afin de trouver des solutions aux différentes préoccupations des gens.

Sur ce, je vous souhaite la bienvenue. Vous avez la parole.

L'honorable Jason Kenney, C.P., député, ministre de la Citoyenneté, de l'Immigration et du Multiculturalisme : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs de me donner l'occasion de comparaître. Je suis désolé de ne pas pouvoir être là en personne. J'avais déjà prévu assister demain au 25e anniversaire commémorant l'attentat à la bombe contre le vol d'Air India, en Irlande, alors il ne m'était pas possible d'être à Ottawa aujourd'hui, comme vous le comprendrez j'en suis sûr. Je vous remercie d'avoir pris des dispositions pour que je puisse comparaître.

De plus, je remercie madame le sénateur Seidman de parrainer le projet de loi C-11 au Sénat. J'apprécie le soin avec lequel tous les honorables sénateurs examineront cette réforme très importante du système canadien de détermination du statut de réfugié.

[Français]

Le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et la Loi sur les Cours fédérales est un texte de loi important qui, s'il est adopté, permettra au Canada d'assister les personnes qui ont vraiment besoin de la protection de notre pays et de le faire beaucoup plus rapidement qu'actuellement.

Depuis longtemps, le Canada aide les étrangers, qui cherchent à obtenir asile sur son territoire. Évidemment, cela fait partie de son histoire depuis l'acceptation des esclaves des Etats-Unis, qui sont venus au Canada pendant le XIXe siècle. Cependant, tout le monde reconnaît que nous avons un système d'octroi de l'asile qui ne fonctionne pas et qui se caractérise par une accumulation permanente de demandes en souffrance et par des délais très longs.

Notre système est en danger car un trop grand nombre de personnes, qui ne sont pas des réfugiés, essaient d'entrer au Canada de façon détournée, profitant ainsi de notre générosité et contrevenant à nos lois. Il y a près de 60 000 personnes qui attendent une réponse à une demande d'asile au Canada, ce qui constitue le plus grand nombre de demandeurs d'asile parmi les pays développés.

[Traduction]

Actuellement, presque 20 mois s'écoulent avant qu'un demandeur d'asile ne puisse obtenir une audience devant l'organisme indépendant qu'est la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Selon la commission, ce sont quelque 60 p. 100 des demandeurs d'asile qui n'ont pas besoin de la protection du Canada, car ils ne sont pas des réfugiés authentiques.

Des mesures temporaires ont déjà été prises dans le passé pour régler ces problèmes, mais elles n'ont pas porté fruit. Des sommes additionnelles ont été ajoutées au système, ce qui a eu pour effet de réduire le nombre de demandes en souffrance pendant une courte période, mais le nombre de demandes d'asile en souffrance finissait toujours par augmenter de nouveau et les délais de traitement, s'allonger. Le problème, c'est que les temps d'attente importants servent de mesures incitatives, d'attrait pour les faux demandeurs qui veulent venir au Canada, car ça peut prendre plusieurs années avant de les renvoyer dans leur pays.

C'est pourquoi nous devons réformer le système d'octroi de l'asile au Canada, comme le projet de loi C-11 propose de le faire, afin de pouvoir renvoyer plus rapidement les personnes qui présentent de fausses demandes. Nous voulons rendre notre système plus équitable et accorder plus rapidement la protection aux personnes qui en ont réellement besoin.

À mon avis, ce projet de loi permet d'atteindre le bon équilibre — « équilibre » est le mot clé — et il propose des mesures de réforme réelles et équitables. Comme vous le savez probablement, au cours du processus d'adoption du projet de loi à la Chambre des communes, le débat a été vigoureux. Les partis de l'opposition et les intervenants ont fait des suggestions constructives sur la première version du projet de loi C-11. Il s'en est suivi un véritable processus législatif de délibération, qui a mené à l'acceptation d'une série d'amendements et, par conséquent, le projet de loi se trouve maintenant devant vous au Sénat.

Monsieur le président, je reprends ce que vous avez dit, à savoir que le fait que nous ayons réussi à recueillir un consensus chez tous les partis à la Chambre des communes à propos d'une question aussi délicate que les mesures de réforme concernant les réfugiés est pratiquement sans précédent dans mes 14 années au Parlement. Je crois que cela en dit long sur tous les parlementaires qui ont pris la question très au sérieux et qui avaient pour objectif commun d'établir un système d'octroi de l'asile qui sera à la fois rapide et équitable.

Permettez-moi de passer en revue les caractéristiques principales des réformes proposées dans le projet de loi et les autres changements opérationnels et réglementaires que nous avançons.

[Français]

Si elles étaient adoptées, les dispositions du projet de loi C-11 permettraient au Canada d'accorder plus rapidement sa protection aux personnes qui sont véritablement victimes de persécution et de torture. Elles nous permettraient d'accueillir un plus grand nombre de réfugiés sélectionnés à l'étranger, qui vivent dans des camps des Nations Unies ou dans des taudis urbains.

Parallèlement, elles pourraient nous aider à éviter que des gens qui n'ont pas vraiment besoin de notre protection abusent de notre générosité en empruntant la voie de service que constitue notre système d'octroi de l'asile. Grâce à la création de la section d'appel des réfugiés, nous disposerions d'un système simplifié qui, dans les faits, renforcerait l'équité procédurale. Ainsi, les demandeurs déboutés auraient droit à un processus d'appel complet.

Voici ce que prévoit le projet de loi C-11 en ce qui concerne notre système. Tout d'abord, la tenue d'une nouvelle entrevue avec un fonctionnaire de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada en début de processus au lieu du formulaire écrit. D'après nous, cela accélérera le processus et le rendra plus efficace. Deuxièmement, des fonctionnaires chargés des décisions indépendantes à la section de la protection des réfugiés au lieu de nominations politiques. Cela veut dire que les gens qui président aux audiences auprès des demandeurs d'asile seront, à la suite de ces réformes, des fonctionnaires situés à la CISR au lieu des nominations du Conseil des ministres. Troisièmement, une nouvelle Section d'appel des réfugiés, qui s'appuie sur des éléments factuels et surpasse ce que réclament depuis longtemps les défenseurs des droits des réfugiés.

Pendant un an, l'appel remplacerait également l'examen des risques avant renvoi auquel ont droit les demandeurs d'asile déboutés, parce qu'il y aura un moratoire d'un an sur les demandes pour les annulations de risque avant renvoi pour les demandeurs déboutés.

[Traduction]

Sur le plan des processus, l'adoption de ce projet de loi permettrait la mise en œuvre d'un nouveau système comportant les caractéristiques suivantes : tout d'abord, la protection des réfugiés légitimes accordée en environ 3 à 4 mois plutôt qu'en 20 mois, tout en répondant aux besoins des demandeurs vulnérables. J'entends par là que si, à l'étape de l'entrevue initiale, on juge qu'un demandeur est particulièrement traumatisé, par exemple, le décideur ou l'agent aurait la possibilité de fixer une audience subséquente. Cependant, nous prévoyons qu'en moyenne, l'audience aurait lieu dans les 90 jours environ.

La deuxième caractéristique est la suivante : le renvoi des demandeurs frauduleux dans un délai d'environ un an, plutôt que de plusieurs années, ce qui représente des économies d'environ 1,8 milliard de dollars sur cinq ans pour les contribuables, et plus particulièrement pour les provinces.

Voici le troisième élément : la possibilité d'accélérer le traitement des demandes provenant de pays d'origine désignés ainsi que le repérage et le règlement rapide des demandes dont le caractère frauduleux est évident. Dans le projet de loi, nous parlons de demandes manifestement infondées, une notion juridique très bien reconnue par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. On traiterait beaucoup plus rapidement ces soi-disant demandes accélérées. L'audience initiale d'un demandeur provenant d'un pays désigné se tiendrait environ 60 jours après l'entrevue initiale. Son appel aurait lieu environ 30 jours après une audience infructueuse devant la CISR et il pourrait alors se prévaloir du droit non suspensif de demander une révision judiciaire à la Cour fédérale. Donc, à la suite d'un appel infructueux devant la Section d'appel des réfugiés, le demandeur ferait l'objet d'un renvoi, mais pourrait présenter une demande de révision judiciaire à la Cour fédérale. Cependant, le fait de présenter une telle demande ne suspendrait pas son renvoi.

De même, le décideur de la Section de la protection des réfugiés déterminerait quelles sont les demandes manifestement infondées. Si on juge qu'une demande n'est pas bien constituée ou n'est pas fondée sur la peur de la persécution, elle serait alors traitée rapidement et ferait l'objet d'une décision de la Section de la protection des réfugiés dans les 30 jours environ et, encore une fois, le demandeur pourrait se prévaloir du droit non suspensif d'appel judiciaire devant la Cour fédérale.

Il existe des outils très importants pour nous aider à traiter les vagues de demandes infondées provenant de pays démocratiques, comme cela a été le cas au Portugal en l'an 2000 environ, en Europe centrale au milieu des années 1990, au Chili en l'an 2000 et au Costa Rica en 2003 et 2004, et comme c'est le cas actuellement en Hongrie, notre pays source numéro un pour ce qui est des demandes, dont 2 500 ont été présentées l'an dernier. Nous en recevons de 300 à 400 par mois environ, et 97 p. 100 des demandeurs d'asile hongrois finissent par abandonner leur demande.

Les réformes prévoient 540 millions de dollars en nouvelles ressources pour le système canadien d'octroi de l'asile. Ces ressources comprennent une augmentation de 20 p. 100 du nombre de réfugiés d'outre-mer choisis en consultation avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, réfugiés qui vivaient dans des camps et qui se sont réinstallés au Canada, ainsi qu'une augmentation de 20 p. 100 des fonds alloués pour l'établissement des réfugiés pris en charge par le gouvernement au moyen de ce que nous appelons le Programme d'aide aux réfugiés.

Grosso modo, ce que nous proposons de faire, monsieur le président, c'est en fait d'étendre la tradition du Canada concernant la protection des réfugiés en accueillant davantage de réfugiés au sens de la convention des Nations Unies et davantage de réfugiés au moyen de nos programmes gouvernementaux et privés. Nous voulons leur donner plus de soutien pour qu'ils s'intègrent bien au Canada, accorder plus rapidement une protection aux demandeurs d'asile de bonne foi qui viennent au Canada, mais également renvoyer plus rapidement ceux qui sont clairement de faux demandeurs.

Ces propositions ont été largement appuyées. Comme vous le savez, la Chambre des communes a adopté le projet de loi à la troisième lecture, avec dissidence, et je le répète, c'est assez remarquable. Le comité éditorial de chaque journal canadien que j'ai eu l'occasion de voir a appuyé le projet de loi, tant précédemment que depuis les amendements présentés à l'étape du rapport à la Chambre des communes. De plus, je crois que c'est une occasion merveilleuse pour le Canada de revitaliser et d'accroître de nouveau notre tradition humanitaire en matière de protection, tout en établissant un système qui se veut plus efficace et qui nous donnera les outils nécessaires pour nous attaquer aux vagues de fausses demandes qui cherchent à nuire à l'intégrité de notre système d'immigration.

Monsieur le président et honorables sénateurs, je vous remercie de votre attention. Mes représentants et moi sommes prêts à répondre à vos questions.

Le président : Monsieur le ministre, nous sommes bien conscients du processus que le projet de loi a suivi à la Chambre des communes et ce que nous voulons faire ici, c'est voir s'il y a des conséquences involontaires qui découlent de tous les changements qui ont été apportés. Nous consacrerons une grande partie de la journée à l'examen du projet de loi sous cet angle.

J'ai trois questions. Premièrement, en ce qui concerne la mise en œuvre de ces amendements, certains le seront immédiatement, d'autres prendront deux ans, et une disposition prendra même trois ans. Nous sommes tous au fait des controverses concernant ce système et de l'importance de maintenir la confiance du public en ce qui a trait à l'équité du système, tout en accélérant le traitement des demandes, comme vous le dites. Comment cela fonctionnera-t-il, par contre, au cours de cette mise en œuvre par étape, si on veut contribuer à maintenir la confiance du public?

M. Kenney : C'est une très bonne question, monsieur le président. Tout d'abord, le projet de loi prévoit des durées maximales pour mettre en œuvre certains éléments de la réforme. Par exemple, la mise en œuvre de la Section d'appel des réfugiés et d'autres éléments du nouveau système doit prendre tout au plus deux ans après la sanction royale.

Nous prévoyons que tous ces nouveaux éléments seront mis en place efficacement au même moment. Permettez-moi également de dire que nous prévoyons que le nouveau système sera mis en œuvre entre 12 et 18 mois suivant la sanction royale. J'espère que ce sera fait plus tôt que tard, mais c'est un processus très complexe qui englobe de nombreuses composantes. Nous ajoutons une toute nouvelle section à la CISR. Nous ajoutons un très grand nombre de ressources à l'ASFC à des fins de renvoi. Nous pilotons un nouveau projet, soit l'aide au retour volontaire. Nous créons la nouvelle entrevue préliminaire qui sera menée à la CISR. Nous devons recruter un tout nouveau cadre de décideurs de la fonction publique à la Section de la protection des réfugiés et évidemment, il y a énormément de travail réglementaire à accomplir. La CISR doit rédiger de toutes nouvelles règles dans le cadre de ce processus.

Le processus est complexe. J'ai rencontré le président Goodman de la CISR. Nous avons eu un premier échange concernant la mise en œuvre. Cependant, simplement pour vous donner une idée de la façon dont cela se produirait, quelque part entre 12 et 18 mois suivant la sanction royale, nous choisirions une journée où nous serions prêts à mettre en œuvre le nouveau système, à le lancer, et un demandeur qui arriverait au Canada à partir de cette journée-là serait traité en fonction du nouveau système, selon les délais accélérés.

Par exemple, disons que le nouveau système entre en vigueur le 1er septembre 2011. Quelqu'un qui présente une demande ce matin-là sera ensuite traité selon les modalités du nouveau système. Il aura l'avantage de l'entrevue de triage initiale, comme nous l'appelons. Si c'est un demandeur ordinaire, son audience devant la Section de la protection des réfugiés aura lieu dans environ 90 jours. Il recevra ensuite la décision de la Section d'appel des réfugiés dans environ quatre mois, puis pourra toujours demander une révision judiciaire à la Cour fédérale. Si on juge que sa demande est infondée, il sera assujetti aux délais de renvoi plus rapides de la CISR.

Tout le système sera mis en œuvre simultanément. J'encourage tous les acteurs du système à se diriger vers la mise en œuvre le plus rapidement possible.

Le président : Je vais vous poser une question concernant les pays désignés. Cette disposition a soulevé des inquiétudes. Dans certains pays, ce n'est peut-être pas tant la politique du gouvernement qui persécute les gens que les choses qui se produisent dans les communautés ou même les familles. Je pense aux problèmes en raison du sexe qui entrainent, dans certains cas, la persécution des femmes. Nous avons pu le constater au Canada, où les crimes d'honneur existent. La politique gouvernementale d'un pays n'est peut-être pas mauvaise dans l'ensemble, mais de telles situations peuvent exister dans les communautés, et nous savons que ça arrive dans de nombreuses régions du monde.

Je vais vous donner un autre exemple avant que vous répondiez. Je me suis laissé dire qu'il y avait au Royaume-Uni une liste des pays désignés sur laquelle figurait notamment la Guyane britannique, laquelle à toutes fins utiles semble répondre aux critères, mais où il y a une loi réprimant l'homosexualité, ce qui fait qu'une personne qui y serait renvoyée serait à risque d'être persécutée.

Quel sera l'impact des situations de ce genre, qui s'observent dans certains pays, sur l'application de la disposition concernant les pays désignés?

M. Kenney : Monsieur le président, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a toujours reconnu l'existence de pays désignés sûrs qui, on le présume, sont moins susceptibles que d'autres pays de produire des réfugiés authentiques. C'est sur cette présomption que la plupart des démocraties d'Europe occidentale ont édifié leurs systèmes d'asile. La plupart d'entre eux ont un régime de traitement accéléré du dossier des demandeurs originaires de pays désignés, qu'on appelle généralement pays d'origine sûrs.

Cela ne veut pas dire qu'on peut présumer qu'aucun demandeur provenant d'un pays désigné sûr n'a besoin de protection. Il peut toujours y avoir un risque dans certains cas individuels, comme vous l'avez souligné. Il peut y avoir des cas particuliers même dans un pays qui observe les normes internationales en matière de droit de la personne et qui accorde généralement la protection de l'État aux citoyens vulnérables.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, les réformes que nous proposons dans ce projet de loi n'excluent pas l'accès au régime de l'asile pour les demandeurs provenant de pays désignés sûrs. Tout demandeur d'asile, indépendamment de son pays d'origine, qu'il soit désigné sûr ou non, bénéficiera d'un accès égal à une audience indépendante devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour l'examen du bien-fondé de sa demande. Le fait que son pays figure sur la liste des pays désignés ne serait pas préjudiciable à sa demande, laquelle serait examinée sur le fond.

Un homosexuel provenant de la Guyane britannique, si ce pays est désigné sûr, ou une femme originaire d'un pays européen qui soutient qu'elle ne peut bénéficier de la protection de l'État nulle part dans l'Union européenne auraient toujours droit à une audience indépendante pour l'examen de leur cas particulier devant la Section de la protection des réfugiés. L'élément clé du compromis réalisé à la Chambre des communes tournait autour du principe selon lequel ils auraient toujours accès à la nouvelle Section d'appel des réfugiés de la CISR non seulement à l'égard du processus juridique à l'audience initiale, mais également à l'égard des faits. Ils pourraient présenter de nouveaux éléments de preuve s'ils en ont.

Nous offrons à chaque demandeur d'asile, indépendamment de son pays d'origine, un ensemble de mécanismes de protection qui dépassent les exigences tant de la Charte des droits et libertés que de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés et de la Convention des Nations Unies contre la torture. En fait, monsieur le président, les personnes qui connaissent le genre de situation dont vous parlez — les victimes de violence en milieu familial ou les gays et lesbiennes de démocraties développées qui voudraient demander asile — auraient, en vertu des réformes proposées, davantage de droits procéduraux et se verraient traiter avec plus d'équité que dans la situation actuelle, de laquelle est absente la possibilité d'un appel basé sur les faits. Ceux qui se préoccupent tout naturellement la situation des personnes menacées individuellement doivent appuyer, et, je crois, appuient dorénavant le projet de loi, parce qu'il accorde à tout demandeur d'asile cette possibilité d'interjeter appel.

La seule différence réside dans le fait que la demande d'asile est traitée beaucoup plus rapidement, mais pas plus sévèrement. Un demandeur d'asile originaire d'un pays désigné sûr aurait droit à une audience dans un délai de 60 jours, à comparer avec le régime de traitement accéléré en place en Europe, où l'audience a souvent lieu dans un délai de quelques jours. Au Portugal, le délai est de neuf jours, je crois. Dans nombre de pays d'Europe occidentale, il y a une seule audience dans un délai de quelques jours ou de quelques semaines, puis c'est le renvoi des demandeurs originaires de pays désignés sûrs. Si ça se trouve, nous allons trop loin, en fait d'équité et de générosité, avec ce système dans lequel le renvoi peut ne survenir qu'après le délai de 60 jours pour la tenue de l'audience initiale et les 30 jours du délai d'appel.

Nous avons besoin de cet outil pour répondre au problème des vagues de fausses demandes d'asile provenant de pays démocratiques. Je ne crois pas que la majorité des Canadiens comprennent pourquoi la première source de demandes d'asile en ce moment est une démocratie de l'Union européenne, pour laquelle le taux d'accueil est largement inférieur à 1 p. 100. Nous avons besoin d'un outil pour envoyer à ceux qui facilitent ces flux migratoires clandestins, qui sont souvent des passeurs qui font commerce de leurs services ou même des réseaux criminels, que nous ne tolérerons pas leurs manœuvres. Les faux demandeurs d'asile ne pourront pas rester au Canada pendant des années. Bien au contraire, ils seront renvoyés dans un délai de quelques mois seulement.

Le président : Je vous remercie pour votre réponse. J'espère seulement que les administrateurs du système sauront penser à tout ça. Je suis sûr que vous y veillerez.

Ma dernière question concerne les demandes d'asile pour des motifs d'ordre humanitaire. Je pense que cette question se pose également dans un autre dossier dans lequel vous êtes susceptible d'être appelé à jouer un rôle. Le projet de loi précise que, dans le cas de demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire, le ministre ne peut s'appuyer sur les mêmes facteurs que ceux pris en compte pour déterminer la crainte de persécution ou pour le risque de torture, de menace à la vie, et cetera. Le projet de loi ajoute cependant que le ministre doit tenir compte des difficultés auxquelles le ressortissant étranger fait face.

Qu'est-ce qu'il y a de différent? Qu'est-ce qui est inclus? La crainte de la persécution ou la menace à la vie constituent sûrement des difficultés auxquelles on peut être exposé. Comment fait-on la distinction?

M. Kenney : Permettez-moi d'expliquer le raisonnement à la base de l'amendement. L'audience initiale devant la Section de la protection des réfugiés et l'appel devant la Section d'appel des réfugiés constituent tous deux une analyse du risque auquel s'expose le demandeur d'asile. Le demandeur est-il exposé à un risque de torture ou à une menace à sa vie si on le renvoie dans son pays d'origine? Aux termes de la formulation actuelle de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la personne peut également présenter une demande de résidence permanente pour des motifs d'ordre humanitaire et l'évaluation effectuée comprend alors, parmi de nombreux autres facteurs, une évaluation du risque. Nous sommes d'avis que, dès le moment où l'évaluation du risque a été deux fois négative — c'est-à-dire une fois que l'agent de la CISR a examiné le dossier et déclaré que la personne ne s'expose à aucun risque si elle est renvoyée dans son pays et si la Section d'appel des réfugiés rend la même décision —, il n'est pas approprié de procéder à une troisième évaluation fondée sur le critère juridique de risque actuellement prévu par les articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, évaluation qui serait redondante.

Nous proposons d'accorder deux occasions de faire procéder à une évaluation de la menace, mais pas une troisième, qui serait redondante. Nous resserrerons quelque peu les critères que les décideurs prendront en ligne de compte dans leur évaluation d'une demande de résidence permanente pour des motifs d'ordre humanitaire.

Quant au préjudice indu, il concernerait, par exemple, une personne susceptible d'être renvoyée mais dont l'état de santé est gravement détérioré; en l'occurrence, la personne serait exposée à des difficultés excessives en cas de renvoi. Ce pourrait être aussi une personne qui a des enfants au Canada. En cas de renvoi, cette personne serait peut-être exposée à des difficultés excessives, dans l'esprit de l'agent appelé à rendre la décision.

Les fonctionnaires de mon ministère pourraient en dire davantage à ce sujet. Les critères et le processus décisionnel applicables dans le cas des demandes faites pour des motifs d'ordre humanitaire sont d'une extraordinaire complexité. Le manuel du décideur compte plus de 100 pages. La suppression des critères prévus aux articles 96 et 97 simplifierait quelque peu le processus et entraînerait un gain d'efficacité en faisant disparaître les critères redondants.

Nous proposons également, parmi les réformes connexes, de transférer de mon ministère, CIC, à la CISR la décision découlant de l'examen des risques avant renvoi dans le cas des demandeurs d'asile déboutés — laquelle ne pourra survenir qu'après l'interdiction d'un an — s'ils ont réussi à rester au Canada pendant plus d'une année après le rejet initial de leur demande. Nous voulons constituer un centre d'expertise en évaluation de la menace à la CISR. C'est pourquoi nous voulons transférer l'obligation statutaire d'évaluer le risque de CIC à la CISR. Je sais que tout cela est très technique. Les fonctionnaires du ministère pourront vous en dire davantage à ce sujet, mais nous avons la conviction qu'une telle mesure ne constituera pas une atteinte aux obligations qui sont les nôtres aux termes de la Charte et de la convention sur la protection des réfugiés de l'Union européenne.

Les réfugiés de bonne foi auront droit à la protection de la loi et à une équité accrue de la procédure décisionnelle. Le critère du préjudice indu que prévoit le processus d'examen des demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire permettra de gérer les situations d'exception qui ne répondent pas tout à fait aux critères régissant l'interdiction de 12 mois — comme le risque de torture ou de menace à la vie — mais il peut aussi nous permettre de gérer d'autres situations limites, telles que l'état de santé sérieusement menacé ou les liens familiaux.

Le sénateur Jaffer : Monsieur le ministre, je veux également vous féliciter pour le travail exceptionnel que vous avez accompli afin de résoudre ces questions et d'élaborer un projet de loi qui soit crédible.

Je me réjouis également au plus haut point de votre intention de faire venir un plus grand nombre de réfugiés d'outre-mer, dont le nombre serait augmenté de 20 p. 100. Je crois comprendre qu'à l'heure actuelle, cette catégorie compte 12 000 personnes. Avez-vous un nombre précis en tête?

J'aimerais également savoir ce qu'il est advenu du programme « Femmes en péril ». Où s'insère-t-il dans le processus actuel? Il se peut qu'il ne soit pas en place actuellement, mais est-ce que des efforts particuliers seront accomplis pour faire venir les femmes devenues veuves ou en situation de vulnérabilité?

M. Kenney : Premièrement, nous avons accueilli en moyenne, au cours de la dernière décennie, une dizaine de milliers de réfugiés réétablis, dont les trois quarts environ étaient des réfugiés parrainés par le gouvernement désignés par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Le gouvernement fédéral a facilité leur réinstallation au Canada et ils ont bénéficié du Programme d'aide aux réfugiés. Le quart de ces quelque 10 000 réfugiés ont été pris en charge aux termes du programme des réfugiés parrainés par le secteur privé.

Le nombre maximum de réfugiés réétablis accueillis depuis plusieurs années aux termes de notre plan annuel d'immigration a été de 12 000. Nous en avons un peu plus cette année, en partie en raison de l'annonce que j'ai faite au sujet du programme spécial pour les réfugiés irakiens qui ont dû fuir la violence qui sévit dans leur pays d'origine. Nous prévoyons accueillir quelque 12 000 réfugiés réétablis cette année.

Aux termes des réformes, nous proposons une augmentation d'environ 20 p. 100 du nombre cible de réfugiés réétablis, qui serait de 2 500. Ce nombre serait ventilé comme suit : 2 000 réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé et 500, parrainés par le gouvernement.

Nous croyons que la société civile est dotée d'une formidable capacité d'aide à la réinstallation de ces gens. Quand on parle du programme des réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé, on n'a qu'à songer à la réinstallation des réfugiés de la mer vietnamiens en 1979. Cela a été la genèse de ce programme qui a remporté beaucoup de succès et en vertu duquel on évite aux réfugiés d'être les clients anonymes du gouvernement pour les installer dans un environnement communautaire accueillant.

J'ai une grande admiration pour le programme de parrainage par le secteur privé. C'est pourquoi nous donnons une réponse positive aux appels à une augmentation des cibles que lancent depuis longtemps les signataires d'ententes de parrainage qui participent au programme de parrainage par des organismes du secteur privé. L'objectif sera de 2 500.

De plus, nous augmenterons parallèlement le budget du programme d'aide aux réfugiés de 20 p. 100 ou 9 millions de dollars. Le budget était gelé depuis 10 ans. Il sera porté de 45 à 54 millions de dollars par année.

En ce qui concerne le programme « Femmes en péril », je ne suis pas sûr de bien saisir ce dont vous parlez. Vous faites peut-être allusion au fait que, il y a plusieurs années, la Cour fédérale a confié à la CISR le mandat d'examiner le cas des femmes qui sont victimes de violence familiale ou qui ne bénéficient pas de la protection de l'État. Cette pratique serait maintenue avec les réformes proposées. Nous ne proposons pas de rétrécir la fourchette des motifs pour lesquels on peut présenter une demande d'asile.

Si je me trompe et si vous parliez d'autre chose, je vous demanderais de préciser.

Le sénateur Jaffer : Je parlais d'un programme — il n'existe peut-être plus — en vertu duquel vous aidiez les gens à se réinstaller dans notre pays, notamment ceux qui étaient parrainés par le privé, et selon lesquels cinq personnes ou familles s'unissaient pour faire venir des réfugiés.

M. Kenney : Il y a toujours le programme de groupe de cinq, qui forme une sous-catégorie du programme de parrainage de réfugiés par le secteur privé. Sa souplesse permet sûrement de l'appliquer aux femmes en péril. Les fonctionnaires du ministère pourraient peut-être répondre à votre question dans la mesure où ils seraient au courant d'un précédent historique que j'ignore.

Le sénateur Jaffer : Je leur demanderai des précisions.

Relativement à l'augmentation, à ces dossiers supplémentaires que vous examinez, je voudrais vous demander instamment d'accorder une attention particulière aux femmes qui sont dans des situations particulièrement à risque. Dans le même ordre d'idées, vous avez assumé un leadership assez considérable de manière générale, et je souhaiterais que vous continuiez à exercer un leadership relativement aux directives concernant la persécution fondée sur le sexe.

J'aimerais que vous nous parliez de la question des liens familiaux, de la mutilation sexuelle des femmes, des meurtres d'honneur, et cetera, dans les pays désignés. Comment ces cas seront-ils traités?

J'ai été ravie de lire dans votre exposé qu'un traitement particulier est réservé aux personnes vulnérables. Je vous demande d'exercer un leadership à ce chapitre, notamment à l'égard des femmes qui font face à des difficultés particulières quand elles arrivent dans notre pays.

M. Kenney : Je vais vous répondre en soulignant que la CISR dispose de la marge de manoeuvre nécessaire pour tenir compte des circonstances particulières. Encore une fois, si la commission a entre les mains le dossier d'une femme qui a été victime de viol, par exemple, qui a manifestement subi un traumatisme, et qui n'est pas en état de présenter une preuve ou de témoigner à l'audience de la SPR, en vertu des règlements de la commission, l'agent de la CISR aura la possibilité d'accorder un ajournement et de reporter l'audience à une date ultérieure.

Je sais que la CISR a collaboré avec divers groupes d'intervenants pour sensibiliser les responsables des décisions au traumatisme psychologique qui affecte les victimes de viol, par exemple. Les responsables des décisions font un excellent travail à ce chapitre. Je crois d'ailleurs que c'est entre autres pour cette raison que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a fait l'éloge du processus décisionnel de la CISR, processus dont la qualité se maintiendra, croyons-nous, sous le régime réformé.

Pour ce qui est des questions de genre, si vous avez des idées précises, nous serions certainement ravis de les entendre.

Je peux également vous dire, sur un sujet quelque peu apparenté, que la CISR a récemment organisé une série de séances de formation qui ont été suivies par un grand nombre de ses agents responsables des décisions et qui portaient sur les nuances et les enjeux particuliers liés aux demandes fondées sur l'orientation sexuelle. C'est une question que m'a soumise Egale, l'organisation pour les droits des gays et des lesbiennes. J'ai transmis le dossier au président, et je crois qu'on vient justement de terminer des séances de formation portant sur les particularités de ces demandes.

Le président : Le ministre a mentionné les représentants du ministère en répondant à une question. L'un d'entre vous peut-il répondre rapidement?

John Butt, gestionnaire, Développement de programme, Citoyenneté et Immigration Canada : En quelques mots, il y a toujours eu un programme pour l'évaluation des besoins des femmes qui se retrouvent en situation de grande vulnérabilité. Un des critères qui président au choix des immigrants en provenance de l'étranger est la capacité d'une personne de s'établir au Canada à un certain niveau; bien évidemment, il ne s'agit pas du même niveau que pour les immigrants de la composante économique.

Nous reconnaissons que les femmes ont des habiletés et des aptitudes que les attestations d'études et les antécédents de travail ne révèlent pas mais qui leur permettent de survivre dans des camps, et que ces habiletés et ces aptitudes peuvent être mises à profit dans le contexte d'un réétablissement au Canada. Il y a des programmes qui s'appliquent aux femmes en situation de grande vulnérabilité et qui tiennent compte des capacités inhérentes dont elles disposent quand elles sont réétablies au Canada.

Le sénateur Martin : Monsieur le ministre, je vous remercie beaucoup pour le leadership dont vous avez fait preuve et pour le travail que vous avez accompli relativement à ce projet de loi. Je peux seulement imaginer la complexité du processus qui vous a permis d'en arriver à ce point.

Je tiens également à témoigner ma gratitude aux fonctionnaires qui sont présents aujourd'hui. Je sais que ça a vraiment été un effort d'équipe et je vous remercie, encore une fois, pour votre travail.

Le sénateur Jaffer a dû nous quitter, mais je voulais la féliciter pour tout ce qu'elle fait pour défendre les droits des femmes et les droits de la personne. Elle consacre vraiment beaucoup d'énergie à ces dossiers. Je tiens également à dire que j'ai eu l'occasion de rencontrer des représentants de l'Ending Violence Association de la Colombie-Britannique, et qu'ils ont également tenu des propos élogieux à l'égard de vos travaux sur la réforme concernant les réfugiés. Les séances de formation seront très importantes, notamment en ce qui concerne les entrevues, pour que les personnes qui mèneront ces entrevues soient à même de comprendre les différences culturelles, les sensibilités et certains des autres facteurs importants.

J'aimerais que vous nous parliez de l'efficacité du processus d'entrevue proposé, c'est-à-dire de l'entrevue en personne par opposition au formulaire écrit. J'aimerais notamment savoir ce que ce changement devrait apporter, à votre avis.

M. Kenney : Actuellement, quand une personne présente une demande d'asile à un point d'entrée, par exemple à l'aéroport de Vancouver, on l'amène dans une salle d'entrevue aussitôt qu'elle a manifesté son intention de présenter une demande. Une entrevue initiale a alors lieu, avec un membre de l'Agence des services frontaliers du Canada. Cette entrevue fait partie de l'examen d'admissibilité, qui vise à déterminer si cette personne peut présenter une demande; on détermine si elle a déjà présenté une demande d'asile au Canada, qui aurait été rejetée, ou si elle a des antécédents criminels graves et qu'elle ne peut donc pas présenter de demande. Le responsable de l'entrevue consigne également ce que nous appelons les données de base à ce moment, c'est-à-dire les données personnelles fondamentales. Ces données sont consignées dans les notes sur le cas et elles sont versées au dossier. On remet ensuite un formulaire de renseignements personnels au demandeur d'asile, et celui-ci dispose de 28 jours pour le remplir et le retourner. Bien souvent, ces formulaires sont remplis par des conseillers ou des consultants juridiques, qui sont parfois payés par le demandeur, et parfois par l'aide juridique.

Nous proposons de remplacer le processus actuel par une entrevue menée par un agent de la CISR hautement qualifié, qui serait en mesure d'obtenir les renseignements de base de même que les données fondamentales sur l'histoire personnelle du demandeur et sur la nature de la demande. Aucune décision importante ne serait prise à ce moment. Ce qui importe surtout, c'est que lors de cette entrevue initiale, l'agent aidera le demandeur à planifier son audience devant la CISR, son audience initiale. Nous croyons qu'en procédant ainsi, nous aiderions davantage les clients qu'en nous contentant de leur remettre un formulaire, qu'ils transmettront ensuite à leur avocat; cela permettrait vraiment aux demandeurs de raconter leur histoire, dans leurs propres mots.

Nous croyons également que cette procédure permettrait d'améliorer l'intégrité du programme. Nous savons très bien qu'actuellement, dans bien des cas, les avocats ou les consultants inscrivent sur le formulaire ce qui, à leur avis, donnera les meilleures chances au demandeur d'obtenir une décision positive de la CISR, plutôt que ce que le demandeur a réellement vécu ou ce qui constitue sa véritable histoire. Notre objectif est d'obtenir la vérité, et de l'obtenir sans intermédiaire.

Un avocat pourra être présent; c'est indiqué très clairement dans le projet de loi. Le demandeur pourra être accompagné d'un avocat pendant l'entrevue de triage, et cet avocat pourra intervenir lors des échanges sur les questions de procédure. L'entrevue n'aura rien d'un affrontement; elle ne se déroulera pas dans un climat d'hostilité. Il ne s'agit pas d'une audience, ni d'un processus de décision. Ce sera simplement une première occasion, pour le demandeur, de raconter son histoire, ce qui contribuera à accélérer l'ensemble du processus. Cela fait partie des mesures qui nous permettront de tenir les audiences devant la CISR 3 ou 4 mois après la présentation de la demande, alors que le délai est actuellement de 19 ou 20 mois.

Monsieur le président, j'aimerais reprendre à mon compte une partie de l'intervention du sénateur Martin. J'aurais dû le faire dans ma déclaration préliminaire, et je ne l'ai pas encore fait publiquement, mais je tiens à remercier les fonctionnaires de Citoyenneté et Immigration Canada pour leur travail assidu à l'égard de ce dossier. Je pense bien entendu aux témoins qui sont devant vous, mais c'est un dossier sur lequel CIC travaille depuis des années, et j'aimerais remercier en particulier Peter McDougall, directeur de la Division de la politique relative aux réfugiés, toute son équipe, de même que sa prédécesseure, Micheline Aucoin. Ces personnes ont consacré des centaines d'heures à cette réforme législative d'une extrême complexité.

Le sénateur Ogilvie : Monsieur le ministre, j'ai quelques commentaires à vous adresser. D'abord, je tiens à vous féliciter pour avoir dirigé cette réforme, avec le soutien unanime de vos collègues de la Chambre.

Selon moi, elle amènera des changements que la population canadienne en général juge nécessaires depuis longtemps. Un processus et des textes législatifs reflétant cette valeur canadienne qu'est la justice seront mis en place, et nous mettrons en oeuvre efficacement des procédures équitables. À cet égard, la réforme me semble apte à rendre le processus décisionnel plus efficace et plus rapide, relativement à une des décisions les plus importantes que les personnes visées auront à prendre au cours de leur vie.

Si elle est mise en oeuvre efficacement, elle permettra en même temps de limiter les vastes possibilités de fraude qui s'offraient aux demandeurs sous le régime précédent et qui constituaient également une importante préoccupation pour la population canadienne en général.

En terminant, je vais faire écho à vos dernières remarques en vous remerciant, vous et vos fonctionnaires, pour les documents d'information très clairs et très bien structurés que vous nous avez fournis, et qui auraient autrement pu constituer une documentation très complexe. En guise de conclusion, je dirai que, si elle est mise en oeuvre efficacement, les Canadiens apprécieront à sa juste mesure cette réforme, et qu'elle bénéficiera réellement à ceux qui, en dernier ressort, devraient véritablement avoir la possibilité de résider au Canada. Je tiens à vous remercier pour cela.

M. Kenney : Merci. Je me ferai un devoir de transmettre vos observations à nos fonctionnaires. Je dois dire que les premiers exposés qu'ils m'ont présentés à ce sujet étaient plus complexes. Le breffage initial comprenait 17 documents, qui totalisaient 140 pages, et c'était seulement le résumé de haut niveau.

Le sénateur Eaton : Monsieur le ministre, quelles ressources supplémentaires seront affectées à tout ce processus, afin que la réforme puisse vraiment être mise en oeuvre efficacement?

M. Kenney : C'est une très bonne question. Le principal gain, au chapitre de l'efficacité, c'est que les demandeurs qui arriveront après la mise en place du nouveau régime ne se retrouveront pas derrière les 60 000 personnes qui ont présenté une demande avant eux. Il faut 19 ou 20 mois avant que les personnes dont le nom est placé au bout de cette liste puissent obtenir une audience initiale. Nous devons choisir le moment où le nouveau régime entrera en vigueur, et lorsqu'il sera mis en oeuvre, les demandeurs qui arriveront bénéficieront des délais réduits, et ce, dès le premier jour. Nous supprimerons 19 mois d'attente grâce à cette seule mesure.

Je tiens à exprimer ma gratitude au ministre des Finances et à mes collègues du Cabinet, qui nous ont alloué 540 millions de dollars en temps d'austérité budgétaire. Nous sommes probablement le seul pays développé du monde qui augmente, au lieu de la réduire, l'enveloppe budgétaire de son programme pour les réfugiés. Ces ressources supplémentaires sont essentielles pour réorganiser le système, grâce à l'embauche de nouveaux responsables des décisions, à la création de l'entrevue de triage au début du processus et, ce qui est d'une importance capitale, à l'embauche d'agents de renvoi supplémentaires par la CISR, afin que les renvois soient plus rapides à la fin de la procédure. Même les défenseurs les plus enthousiastes des intérêts des réfugiés se sont plaints de l'inefficacité de notre processus de renvoi. Il faut actuellement deux ans, voire davantage, pour qu'un demandeur d'asile refusé soit renvoyé du Canada. Ce processus sera considérablement accéléré grâce aux fonds supplémentaires alloués à la CISR.

Actuellement, si une personne descend d'un avion en provenance de l'Iran, et qu'elle a manifestement été victime de torture dans ce pays, nous lui remettons un formulaire, et nous lui disons que nous ferons un suivi auprès d'elle dans 18 ou 19 mois. En vertu du nouveau régime, un demandeur de bonne foi serait assuré qu'il bénéficierait de la protection du Canada dans un délai d'un peu plus de trois mois. Par ailleurs, une personne dont la demande n'est manifestement pas fondée peut actuellement prendre quatre ans et demi, en moyenne, pour épuiser tous les recours dont elle dispose, en vertu du régime en vigueur, et il faut ensuite du temps pour la renvoyer du Canada. Sous le nouveau régime, une personne provenant d'un pays désigné comme pays d'origine sûr, ou une personne dont la demande ne serait manifestement pas fondée, épuiserait l'ensemble de ces recours en quatre mois environ, et elle serait ensuite sujette à un renvoi. Le délai passe donc de 20 à 4 mois pour qu'un demandeur de bonne foi obtienne la protection du Canada, et de 4, 5 ou 6 ans à 5 ou 6 mois pour que soit renvoyée une personne dont la demande ne serait manifestement pas fondée.

Le sénateur Eaton : Disposez-vous de toutes les ressources dont vous avez besoin pour faire cela?

M. Kenney : Oui. Nous pourrions évidemment en utiliser davantage, mais nous comprenons que nous traversons une période d'austérité budgétaire, alors nous n'en demandons pas plus.

Le sénateur Cordy : Monsieur le ministre, c'est sans doute la première fois qu'un ministre affirme qu'il dispose de ressources suffisantes. Vous regretterez un jour d'avoir dit cela.

J'aimerais vous remercier, ainsi que Maurizio Bevilacqua, pour votre travail et votre collaboration. Quand vous collaborez de cette façon à la Chambre des communes, ça facilite beaucoup le travail du Sénat, parce que nous savons que vous avez travaillé consciencieusement sur le projet de loi.

L'immigration et les réfugiés sont toujours des questions délicates. Vous avez parlé de la nécessité d'une loi pour assurer l'équilibre. Nous voulons que notre merveilleux pays soit un refuge pour ceux qui en ont besoin, mais d'un autre côté, nous ne voulons pas que les gens qui ne sont pas de vrais réfugiés y entrent de façon détournée.

On craint que les nouvelles règles n'exigent que les appels soient présentés trop rapidement et que les gens n'aient pas assez de temps pour trouver un avocat. Je crois comprendre que les délais ne sont pas fixés par la loi mais le seront probablement dans la réglementation. La Cour fédérale alloue 15 jours avant la période d'appel et 30 jours de plus pour présenter l'appel proprement dit. Est-ce ce que vous recommandez? Nous ne voulons pas que les procédures d'appel s'éternisent, mais nous voulons laisser aux demandeurs suffisamment de temps pour préparer leur dossier.

M. Kenney : Non, nous n'appliquerons pas les mêmes règles que la Cour fédérale, parce que la CISR a ses propres règles. Elles seront modifiées de manière à refléter les délais prévus par le nouveau système. Un demandeur dont la requête est rejetée par la Section de la protection des réfugiés dispose d'une période de 15 jours pour signaler à la Section d'appel des réfugiés son intention d'interjeter appel. Dans la plupart des cas, un délai de quatre mois s'écoulera avant que l'appel soit entendu. Pour ce qui est des appels accélérés, c'est-à-dire lorsque les demandes paraissent frauduleuses ou sont présentées par des citoyens de pays sûrs, ils seront entendus dans un délai d'environ 30 jours.

Cela nous semble très généreux. La plupart des démocraties occidentales n'accordent même pas de droit d'appel. Le Canada ne le fait pas non plus actuellement, et les délais que nous proposons, particulièrement pour les appels accélérés, sont beaucoup plus longs que ceux accordés par les autres démocraties. Je comprends les craintes mais, honnêtement, si l'Association du Barreau canadien appuyait sans réserve l'ensemble des propositions, je ne serais pas d'accord.

Le président : Ça donne à réfléchir.

Le sénateur Seidman : Monsieur le ministre, je vais faire écho à tous ceux qui sont ici. Nous vous remercions de vos efforts et du leadership dont vous avez fait preuve dans l'élaboration de ce projet de loi, qui est une réussite sur toute la ligne.

J'ai une question au sujet des pays désignés. Le ministre a-t-il le pouvoir de désigner des pays à sa guise?

M. Kenney : Non, absolument pas. Nous avons déposé un projet de règlement, que vous pouvez consulter, et il est clair, tant dans le projet de loi que dans le projet de règlement, qu'il y aura un comité interministériel composé de ministères et d'organismes compétents. Les critères seront exprimés en chiffres. Pour être désignés, les pays devront être à l'origine d'au moins 1 p. 100 des demandes d'asile présentées au cours d'une des trois dernières années et avoir obtenu un taux d'acceptation maximum de 15 p. 100. En d'autres termes, si la CISR refuse 85 ou 90 p. 100 des demandes d'un pays, ce sont ces chiffres qui serviront de critères. Je le répète, à partir des seuils quantitatifs de 85 p. 100 de refus et de 1 p. 100 des demandes présentées, le comité interministériel entreprendra une étude qualitative du pays. Est-ce qu'il respecte les droits de la personne? A-t-il signé les principales ententes sur les droits de la personne? Est-ce qu'il assure la protection de ses citoyens?

Deux organismes indépendants de défense des droits de la personne feront partie de ce comité. Le comité consultera également le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. À ma connaissance, c'est de loin le processus de désignation le plus rigoureux qui existe dans le monde démocratique.

Le comité fera par la suite des recommandations au ministre. Le ministre ne pourra pas désigner un pays pour le traitement accéléré s'il n'a pas fait l'objet d'une recommandation du comité. Cela signifie que seuls les pays qui remplissent les critères qualitatifs, c'est-à-dire dont l'évaluation révèle qu'ils respectent les droits de la personne et assurent la protection de leurs citoyens, seront recommandés au ministre et pourront être désignés. Le ministre ne pourra pas décider de désigner un pays pour le traitement accéléré simplement parce qu'il aime bien ce pays. Il n'aura pas ce pouvoir.

Le sénateur Plett : Monsieur le ministre, dans votre allocution, vous avez mentionné des économies de 1,8 milliard de dollars sur cinq ans pour les contribuables et en particulier pour les provinces. Avez-vous l'appui des provinces?

Nous avons appris ce matin que le Bloc avait présenté un amendement pour remplacer le terme « pays sûrs » par « pays désignés ». Quelle en était la raison?

M. Kenney : Les provinces nous appuient en général. Elles n'ont pas publié de communiqué à cet effet, mais je peux vous dire que le Québec, en particulier, nous a fait part des problèmes d'aide sociale et des autres coûts occasionnés par les demandes d'asile frauduleuses. Les provinces ont de bonnes raisons de se réjouir de ces propositions.

Pour ce qui est de l'amendement, le mot « sûrs » n'apparaissait pas dans le projet de loi que j'ai déposé en première lecture. Il a été ajouté par un amendement proposé à la suite de négociations avec le porte-parole du Parti libéral. Comme vous le savez peut-être, le Parti libéral a par la suite décidé qu'il n'appuierait pas le projet de loi, même en tenant compte des amendements qu'il avait négociés avec nous. J'ai dû ensuite me tourner vers mes collègues du Bloc québécois et du NPD, et ils ont demandé le retrait de ce mot car ils croyaient qu'il pourrait inciter les gouvernements étrangers à exercer des pressions sur nous pour obtenir la désignation de pays sûr. Ils voulaient s'assurer que la politique n'aurait aucun rôle à jouer dans le processus de désignation. Je leur ai répondu que, franchement, d'une façon ou d'une autre, ça ne ferait pas de différence.

Le président : J'ai une autre question concernant le remplacement du formulaire de renseignements personnels par une entrevue. Certains disent que le formulaire de renseignements personnels donne au demandeur le temps de réfléchir à ce qu'il veut dire, et qu'il peut même consulter son avocat, tandis que l'entrevue repose sur l'interprétation de la personne qui interroge le demandeur. Que répondez-vous à cette objection?

M. Kenney : Encore une fois, l'avocat du demandeur pourra assister avec lui à l'entrevue préliminaire, et il pourra le conseiller sur des questions de droit à ce moment, mais il ne s'agit pas d'une audience. Aucune décision ne sera prise à ce moment. Je crois que certains avocats comprennent mal le processus. Ils s'imaginent que c'est une autre audience ou une étape décisive du processus, mais ce n'est pas le cas. À l'heure actuelle, quelques minutes après la présentation de la demande initiale au point d'entrée, une entrevue est menée par un agent de l'ASFC en présence d'un agent d'exécution de la loi, et il n'y a généralement aucun avocat sur place.

Je crois que l'objection est injustifiée. À notre avis, le fait que nous écoutions les demandeurs et que nous leur donnions la chance de nous raconter leur histoire est à leur avantage. Encore une fois, cela ne les empêche en aucune façon de présenter de nouvelles preuves au moment de la véritable audience à la Section de la protection des réfugiés, où l'avocat devrait normalement être présent.

Le président : Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir passé cette heure avec nous. Je remercie vos collaborateurs de leur présence. Ils n'ont pas eu à s'exprimer beaucoup, ce qui témoigne de votre bonne connaissance du dossier.

M. Kenney : Merci, mesdames et messieurs les sénateurs, pour le sérieux avec lequel vous étudiez ce projet de loi.

Le président : Mesdames et messieurs qui êtes assis au bout de la table, des questions pourraient vous être posées à la suite des témoignages que nous entendrons plus tard. Nous prévoyons que les exposés des témoins se termineront à 18 heures, puis nous procéderons à une analyse article par article. Nous pourrions avoir des questions à vous poser à ce moment. Nous vous serions reconnaissants d'être présents ou de mandater un remplaçant afin de répondre aux questions.

Nous entendrons maintenant des représentants de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada. Simon Coakeley en est le secrétaire général et Sylvia Cox-Duquette est avocate générale principale des Services juridiques de la commission. Monsieur Coakeley, avez-vous un exposé préliminaire à présenter?

[Français]

Simon Coakeley, secrétaire général, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada : Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant votre comité. Je suis le secrétaire général de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada. Je suis accompagné de Me Sylvia Cox-Duquette, avocate générale principale. Elle et moi sommes avec la commission depuis 2008.

À titre de secrétaire général, je suis le plus haut fonctionnaire de la commission et je relève du président. Je suis l'administrateur en chef des opérations et responsable du rendement de ses fonctions relatives aux services de soutien décisionnel et aux services intégrés.

La CISR est le plus grand tribunal administratif indépendant au Canada. Elle rend des comptes au Parlement, par l'intermédiaire du ministre de la Citoyenneté, de l'immigration et du multiculturalisme, mais demeure indépendante de Citoyenneté et Immigration Canada. Notre mission, en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, consiste à régler de manière efficace, équitable et conforme à la loi les cas d'immigration et de statut de réfugié.

Les commissaires de la CISR rendent entre 40 000 et 60 000 décisions par année. Nous exerçons actuellement nos activités par l'intermédiaire de trois sections : la section de l'immigration; la section d'appel de l'immigration; et la section de la protection des réfugiés. Le projet de loi C-11 ajoutera une nouvelle section, soit la section d'appel des réfugiés.

Depuis sa création il y a 21 ans, la CISR s'est taillé une réputation au Canada et partout dans le monde pour ses pratiques novatrices, l'excellence de son soutien décisionnel et la grande qualité de ses décisions. La commission est financée pour régler 25 000 demandes d'asile par année. Cependant, le nombre de demandes d'asile déféré à la CISR a toujours dépassé le nombre de demandes d'asile financées au cours des dernières années.

Ce nombre élevé de demandes d'asile déféré ainsi qu'un manque dans l'effectif de commissaires au cours de la même période ont donné lieu à un arriéré important à la section de protection des réfugiés, qui s'établissait à 57 100 cas en instance à la fin de mai 2010. La commission aura besoin de ressources supplémentaires pour réduire considérablement cet arriéré ou l'éliminer.

J'aimerais parler plus précisément de certains aspects du nouveau système proposé qui changera la façon dont nous octroyons l'asile à la CISR. J'aimerais d'abord souligner le fait que la CISR n'a aucun rôle à jouer dans l'élaboration de politiques. Cette fonction relève de Citoyenneté et Immigration Canada. Cependant, je peux vous assurer que nous avons été dûment consultés, au cours du processus de rédaction du projet de loi, au sujet de tous les aspects qui touchent le mandat de la CISR.

Dans le nouveau système, un employé de la CISR devrait mener une entrevue visant à recueillir de l'information, qui aura normalement lieu au moins 15 jours après le renvoi à l'Agence des services frontaliers du Canada ou à Citoyenneté et Immigration Canada. Lors de cette entrevue, des renseignements seraient recueillis, un aperçu du processus serait donné au donneur d'asile et une audience devant la section de protection des réfugiés serait mise au rôle.

Selon le projet de loi C-11, l'audience devant la section de la protection des réfugiés sera tenue par un fonctionnaire nommé en vertu de la Loi sur l'emploi à la fonction publique plutôt qu'une personne nommée par décret, comme c'est actuellement le cas.

Le gouvernement a indiqué que les délais de la section de la protection des réfugiés et la section d'appel des réfugiés seraient énoncés dans le règlement. Tout demandeur d'asile débouté par la section de la protection des réfugiés aura un droit d'appel sur le bien-fondé d'une décision devant la nouvelle section de la CSR, soit la SAR, dotée par personnes nommées par décret.

Le ministre de Citoyenneté et Immigration pourrait également porter des décisions de la section de la protection des réfugiés en appel à la nouvelle section d'appel. La section d'appel pourra recevoir de nouveaux éléments de preuve et, dans certaines circonstances, pourrait tenir une audience.

La section d'appel pourrait confirmer la décision de la section de la protection, l'annuler et la remplacer par sa propre décision ou, dans de rares cas, renvoyer l'affaire à la section de protection pour une nouvelle audience. Les demandeurs d'asile déboutés et le ministre auraient également le droit de solliciter l'autorisation de demander un contrôle judiciaire par la Cour fédérale. Nous croyons comprendre que la plupart des délais pour le processus de la section de protection et la section d'appel seront énoncés dans le règlement.

[Traduction]

Le ministre a proposé un amendement selon lequel la fonction relative à l'examen des risques avant renvoi (ERAR) serait transférée à la CISR dans l'année qui suit l'entrée en vigueur du nouveau système. Le ministre de CIC conserverait cependant le pouvoir pour les décisions qui concernent des personnes déjà jugées et interdites de territoire pour grande criminalité, criminalité organisée, crime de guerre ou atteinte à la sécurité nationale. On fait parfois référence à la prépondérance des inconvénients.

Un autre amendement donne aux décideurs de la SPR le pouvoir de conclure que des demandes d'asile sont manifestement non fondées s'ils croient qu'une demande d'asile est clairement frauduleuse. Dans ce genre de cas, la demande d'asile serait orientée vers le même processus accéléré à la Section d'appel des réfugiés que celui des demandes d'asile qui proviennent de pays d'origine désignés par le ministre.

Les décideurs fonctionnaires de la nouvelle Section de la protection des réfugiés et les décideurs nommés par le gouverneur en conseil de la SAR, Section d'appel des réfugiés, continueront d'être sélectionnés aux termes de processus de dotation qui garantiront qu'ils sont compétents et qualifiés. Bien que nous ayons encore beaucoup de travail à faire avant de lancer les processus de dotation, nous sommes certains que nous pourrons sélectionner des candidats hautement qualifiés, comme nous le faisons en ce moment.

Une fois embauchés, tous les décideurs suivront un programme de formation complet, pour assurer le même processus décisionnel de grande qualité qui existe actuellement. Le programme de formation de la CISR est reconnu à l'échelle internationale ainsi que par la Cour fédérale du Canada et la vérificatrice générale pour son exhaustivité et son professionnalisme. Les décideurs fonctionnaires de la nouvelle SPR ainsi que les commissaires de la nouvelle SAR seront assujettis au même code de déontologie qui établit les normes régissant les responsabilités professionnelles et éthiques qui s'appliquent à tous nos décideurs nommés par le gouverneur en conseil et à nos décideurs fonctionnaires actuels.

Depuis la présentation du projet de la loi C-11 à la fin de mars, nous avons commencé, à l'interne, à définir les nouveaux processus qui devront être mis en place à la SPR et à la SAR. Cependant, le véritable travail de préparation en vue de la mise en œuvre ne peut être entamé qu'une fois que le projet de loi C-11 aura reçu la sanction royale au Parlement et que le financement de la transition sera débloqué. À ce moment, nous élaborerons des règles, nous mettrons au point des descriptions de travail et des profils de responsabilisation pour tous les nouveaux postes à créer, nous entreprendrons des processus de dotation, nous nous procurerons des locaux et ainsi de suite.

J'aimerais maintenant prendre quelques instants pour aborder brièvement la question du processus d'élaboration des règles que j'ai mentionné. Les règles constituent un type de politique exécutoire formulée par la commission. Nous élaborerons des règles pour établir les procédures devant être observées à la Section de la protection des réfugiés et à la Section d'appel des réfugiés. Par exemple, les règles détermineront les détails indiquant de quelle façon et à quel moment le demandeur d'asile devra fournir les documents à la CISR ainsi qu'au ministre et vice versa ainsi que les rôles et les responsabilités des employés de la CISR qui soutiennent l'exécution des fonctions décisionnelles.

Dans le cadre du processus d'élaboration des règles, il importe d'établir une consultation véritable avec les intervenants et les parties qui comparaissent devant la CISR, avant que le projet de règles parvienne au stade de la publication dans la Gazette du Canada. Nous ferons appel à nos intervenants afin de nous aider à façonner nos nouveaux processus. En fait, nous avons déjà commencé à faire participer les intervenants dans le cadre de notre réunion du comité consultatif sur les pratiques et les procédures, qui s'est tenue à Ottawa la semaine dernière.

La CISR continuera de maintenir fermement son engagement envers la prise de décisions de grande qualité et nous continuerons de respecter les normes élevées que nous nous sommes fixées. Nous gardons toujours à l'esprit le fait que les décisions que nous rendons ont une incidence sur la vie de ceux qui comparaissent devant nous, sans oublier la sécurité et la protection des Canadiens.

Au moment de sa comparution devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, M. Goodman, notre président, a mentionné que la CISR répondra, dans toute la mesure de sa capacité, aux exigences découlant des mesures législatives prises par le Parlement, dans le respect des échéanciers fixés et du budget alloué, tout en remplissant son mandat, qui consiste à régler les cas de manière efficace, équitable et conforme à la loi. Alors maintenant, je serais heureux de répondre à vos questions.

Le président : Vous avez du retard. Vous avez parlé du volume que vous traitez en ce moment et du volume que vous pourrez traiter à l'avenir. Comment allez-vous absorber l'arriéré? De plus, combien de ressources additionnelles vous faudra-t-il — soit en part de budget ou en dollars?

M. Coakeley : Nous avons déjà fait un certain progrès dans la diminution de l'arriéré. Depuis les derniers mois, nous l'avons réduit d'environ 4 000 dossiers. Ce que nous serons en mesure de faire dans les prochains 12 à 18 mois dépendra en grande partie du nombre de dossiers que nous allons recevoir.

Comme je l'ai indiqué, nous recevons le financement nécessaire au traitement de 25 000 demandes par année. Si le nombre de demandes est moindre, nous pourrons commencer à réduire l'arriéré. Au cours des six ou huit derniers mois, avec quelques économies et le fait que nous avons un effectif complet de décideurs pour la première fois depuis longtemps, nous avons été en mesure de dépasser notre capacité de prise de décisions. Au cours de la dernière année, sur une période de 12 mois, nous avons été capables de traiter environ 28 500 demandes.

Nous prévoyons être capables de continuer ainsi jusqu'à ce que le projet de loi entre en vigueur. Je crois que le ministre a déjà dit qu'il y avait de l'argent prévu dans l'enveloppe globale pour réduire l'arriéré. Tout dépendra du moment où le projet de loi recevra la sanction royale et du moment où la loi entrera en vigueur.

Nous sommes en ce moment en pourparler avec Citoyenneté et Immigration au sujet de la date de ces événements, et des calculs qui s'ensuivent à cause du nouveau processus. Si nous recevons de l'argent avec le processus actuel, nous serons en mesure de traiter un certain nombre de dossiers; mais si nous recevons de l'argent en vertu du nouveau processus, nous devrons réévaluer le tout parce que le nouveau processus est plus complet, c'est-à-dire que nous aurons une section d'appel que nous n'avons pas actuellement. Nous sommes encore à travailler avec nos collègues à CIC pour trouver une réponse à cette question.

Le président : Vous ne connaissez pas le montant d'argent.

M. Coakeley : Non, pas en ce moment.

Le président : En ce qui concerne l'examen des risques avant renvoi, il y a une disposition dans le projet de loi qui stipule que les personnes qui font l'objet d'une mesure de renvoi ne sont pas admissibles à une évaluation des risques avant renvoi si leur demande d'asile est rejetée, abandonnée ou retirée au cours des 12 mois précédents.

Parfois, le contexte de certains pays change : révolutions, changements de gouvernement, et cetera. Tout d'un coup, les gouvernements peuvent modifier leur politique en matière de minorités ou de personnes pouvant être persécutées. Est-ce que ces changements sont couverts par le projet de loi?

M. Coakeley : Certaines questions seraient mieux répondues par le ministre. En tant que tribunal administratif, notre rôle est de décider quels dossiers nous seront référés. Par le passé, des intervenants ont, à maintes reprises, affirmé souhaiter que les décisions en matière de risque soient prises par la Section de protection des réfugiés, c'est ce qui est proposé dans ce projet de loi.

Quant à la décision de principe qui détermine quels dossiers nous sont référés et à quel moment, c'est malheureusement en dehors de notre mandat.

Le sénateur Jaffer : J'ai une question au sujet des directives concernant la persécution fondée sur le sexe. Vous avez parlé de formation en matière d'orientation sexuelle. Peut-être que c'est le ministre qui l'a dit.

M. Coakeley : Oui, c'était le ministre.

Le sénateur Jaffer : Quel type de formation offrez-vous et est-ce que vous continuez, comme par le passé, à inclure l'orientation sexuelle dans la définition de ce qu'est un réfugié?

M. Coakeley : En général, notre intention est d'offrir une formation similaire aux nouveaux décideurs fonctionnaires de la nouvelle SPR, aux membres de la SAR et aux personnes qui passent les entrevues. Nous n'avons pas encore déterminé quel serait le produit final, mais il s'agirait d'une formation très similaire à ce qui est fourni en ce moment à nos décideurs. Ceci inclurait des éléments comme l'orientation sexuelle et les directives concernant la persécution fondée sur le sexe.

Je vais demander à ma collègue, Mme Cox-Duquette, de répondre à cette question précise au sujet de la formation offerte en matière de directives concernant la persécution fondée sur le sexe.

Sylvia Cox-Duquette, avocate générale principale, Services juridiques, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada : Nous avons une formation générale sur les directives elles-mêmes, mais parfois une formation plus spécifique en lien avec un pays en particulier est offerte. Par exemple, récemment nous avons offert une formation axée sur les demandes d'asile venant d'Haïti.

En plus des directives concernant les demandeurs vulnérables, il y a une formation assez approfondie portant sur les directives concernant la persécution axée sur le sexe. Une grande attention est portée en particulier à la situation des femmes en tant que groupe social dans diverses parties du monde, ainsi qu'aux probabilités de persécution et de manque de protection de l'État.

Le sénateur Jaffer : Les directives concernant la persécution fondée sur le sexe ont été rédigées il y a de nombreuses années. Seront-elles mises à jour ou sont-elles toujours suffisantes?

Mme Cox-Duquette : Je ne sais pas si l'on prévoit mettre à jour ces directives, mais ce sont des directives auxquelles nous nous référons régulièrement pour déterminer si quelque chose doit être ajouté ou modifié.

M. Coakeley : C'est un point qui est souvent soulevé lors de nos consultations avec les intervenants. Par exemple, l'ensemble des intervenants nous a rapporté qu'il y avait certains problèmes avec la directive encadrant les représentants désignés, nous collaborons donc maintenant avec eux pour trouver des solutions et voir si des modifications doivent être apportées. Si l'ensemble des intervenants souhaitait que l'on revoie les directives en matière de persécution fondée sur le sexe, nous travaillerions en collaboration avec eux.

Le sénateur Jaffer : Ce qui me préoccupe ce sont les demandes de renseignements personnels. J'ai été avocate spécialisée en droit des réfugiés pendant plusieurs années, et je ne sais pas comment vous pourrez, en si peu de temps, obtenir tous les renseignements et les traiter. Nous devrons en évaluer le fonctionnement en cours de route.

M. Coakeley : Ce sera définitivement un travail évolutif. À notre avis, les entrevues initiales sont un échange de renseignements bilatéral. D'une part, comme le ministre l'a dit, c'est une occasion pour nous d'obtenir des renseignements au sujet du demandeur d'asile. Et de l'autre part, c'est à nous de fournir des renseignements à cette personne. Si la personne, par exemple, est une personne vulnérable, cela nous permettra d'identifier cette situation beaucoup plus tôt dans le processus et de prendre les mesures nécessaires pour intervenir. Nous n'avons pas encore élaboré les questions précises que nous poserons, mais nous souhaitons faire participer l'ensemble des intervenants à ce processus.

Le sénateur Jaffer : Vous ne vous servirez pas du formulaire de renseignements personnels?

M. Coakeley : Nous ne voyons pas l'utilité de ce formulaire dans le nouveau système.

Le sénateur Cordy : Une fois que le projet de loi aura reçu la sanction royale, dans le cas où il serait adopté, nous aurons une nouvelle section d'appels des réfugiés. Il y aura des nominations par le gouverneur en conseil. Quel type de qualifications est-ce que le gouvernement étudiera lorsqu'il procédera à ces nominations?

M. Coakeley : Si vous voulez consulter notre site Web, vous allez trouver certains renseignements concernant le processus assez exhaustif que nous appliquons pour choisir les personnes nommées par le gouverneur en conseil. Nous avons bien sûr réexaminé ce processus pour voir s'il satisfait aux nouveaux besoins. Cependant, en ce moment, nous faisons la sélection en examinant dix compétences. Il s'agit de la communication, du raisonnement conceptuel, de la prise de décision, de la recherche d'informations, du jugement et du raisonnement analytique, des compétences organisationnelles, du souci d'obtenir des résultats, de la maîtrise de soi ainsi que du savoir-faire culturel. Nous pensons utiliser les mêmes 10 compétences, dont nous nous servons pour la Section de la protection des réfugiés et la Section d'appel de l'immigration, avec la Section d'appels des réfugiés à l'avenir, et probablement aussi pour la nouvelle Section de la protection des réfugiés. Si le comité le demande, nous pouvons lui fournir la définition de ces compétences ainsi que l'endroit où l'on peut les trouver au greffier de comité.

Le sénateur Cordy : J'apprécierais oui. Il existe en ce moment la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Est-ce qu'il y a des postes vacants?

M. Coakeley : Des 127 postes à la Section de la protection des réfugiés, je crois qu'il y a en ce moment un ou deux postes vacants. Des 37 postes à la Section d'appel de l'immigration, je crois qu'il y en a aussi un ou deux.

Mme Cox-Duquette : L'effectif est presque complet.

Le sénateur Seidman : Il y a eu bien des discussions à propos du passage du Formulaire de renseignements personnels à l'entrevue en tête à tête, qui a eu lieu beaucoup plus tôt. Vous allez manifestement devoir embaucher et former des gens pour mener ces activités. J'aimerais que vous me parliez de cette procédure, du type de personne que vous allez rechercher et de la façon dont vous allez les former.

M. Coakeley : Nous avons encore beaucoup de travail à faire avant que ces processus soient au point. Nous ne sommes pas en mesure d'établir la version finale des descriptions de travail et de régler les questions touchant la classification au sein de la fonction publique avant que le projet de loi ne soit adopté, et nous savons exactement avec quels éléments nous travaillons. Toutefois, comme je l'ai dit au sénateur Cordy, nous utilisons actuellement le profil de compétences des personnes nommées par le gouverneur en conseil. Nous avons l'intention de nous inspirer de ce profil pour la nomination des nouveaux membres de la Section de la protection des réfugiés. Nous allons rechercher exactement les mêmes compétences pour voir dans quelle mesure elles s'appliqueraient aussi dans le contexte de l'entrevue.

Par exemple, la sensibilité aux réalités culturelles serait sans aucun doute l'une des compétences que nous rechercherions, de même que la capacité de communiquer. Nous envisagerions de recourir à une démarche semblable, bien qu'il soit fort probable que la classification du poste d'intervieweur soit de quelques degrés inférieure à celle du poste de décideur du point de vue du processus de la fonction publique. Nous utiliserions des compétences et des processus de sélection semblables. Nous allons devoir prendre en considération les techniques d'entrevue et la mesure dans laquelle nous demandons à un intervieweur de recueillir l'information, soit à l'aide d'un ordinateur ou de la prise de notes.

La formation serait très semblable, pas identique parce qu'il s'agit d'une entrevue, et non pas d'une audience, mais la formation de nos intervieweurs serait semblable à celle que reçoivent les membres de la Section de la protection des réfugiés. Je le répète, les intervieweurs ne sont pas des décideurs, mais ils doivent comprendre ce qu'est la protection des réfugiés et les motifs qui s'y rattachent. Ils doivent comprendre bon nombre des cas les plus récents dont ont été saisies la Cour suprême et la Cour fédérale, comme le devraient nos décideurs.

Là encore, je n'ai pas tous les détails, parce que nous n'en sommes qu'au début, mais c'est le cadre général que nous prévoyons utiliser.

Le sénateur Seidman : Est-ce que ces personnes feraient l'objet d'une supervision quelconque?

M. Coakeley : Tout à fait. Comme ce sont des fonctionnaires, ils vont faire partie d'une structure de gestion. Nous n'avons pas encore décidé quelle sera exactement la structure organisationnelle, mais il va y avoir une structure de gestion.

Vous serez peut-être heureux d'apprendre que notre président s'est engagé auprès des parties intéressées à ce que nous fournissions un enregistrement de l'entrevue au demandeur pour qu'il puisse le remettre à son avocat. Cet enregistrement va aussi servir à des fins de gestion, puisque nous allons pouvoir écouter les entrevues dans le cadre du processus d'examen du rendement afin de nous assurer que les gens posent les bonnes questions, qu'ils adoptent la bonne attitude et qu'ils font le travail que nous attendons d'eux.

Le sénateur Seidman : Merci, surtout pour ce dernier renseignement à propos de cette remarquable procédure de protection de la qualité qui fait partie intégrante du système.

Le président : Je vous remercie, et je vous souhaite la meilleure des chances dans la mise en œuvre de cette nouvelle législation, si le Sénat l'adopte, bien sûr.

Nos prochains témoins représentent le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Comme vous le savez, en 1951, le Canada est devenu signataire de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, et cette organisation surveille le travail que nous faisons à cet égard. Elle surveille l'évolution du projet de loi dont nous discutons aujourd'hui, et elle en a aussi parlé devant le comité de la Chambre des communes. Il sera intéressant de savoir ce que les représentants ont à dire au sujet des modifications qui y ont été apportées.

Nous accueillons donc Hy Shelow, administrateur principal chargé de la protection, et Michael Casasola, administrateur chargé de la réinstallation. M. Shelow prendra la parole pendant sept minutes.

Hy Shelow, administrateur principal chargé de la protection, Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés : Monsieur le président, merci pour votre invitation. M. Abraham Abraham, qui est le représentant au Canada de l'UNHCR, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, est désolé de ne pas pouvoir être ici aujourd'hui. Il est à Genève. En son nom, je vous remercie de nous avoir invités à comparaître.

Je tiens à dire tout d'abord que l'UNHCR est heureux du projet de loi tel qu'il a été modifié.

Compte tenu de la nature des risques et des conséquences graves pouvant découler d'une décision mal fondée, il est essentiel que les demandeurs d'asile aient droit à des protections et à des garanties complètes à toutes les étapes de la procédure de détermination du statut de réfugié. La nécessité de doter chaque système d'asile d'une procédure de détermination du statut de réfugié qui soit juste et efficiente provient du droit de demander asile et de l'obtenir, droit que garantissent l'article 14 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, les responsabilités dérivées de la convention de 1951 sur le statut des réfugiés et de son protocole de 1967, les instruments internationaux et régionaux en matière de droits de la personne, et les conclusions pertinentes du comité exécutif.

Comptant actuellement 78 membres, le comité exécutif de l'UNHCR se réunit à Genève chaque année pour conseiller l'organisation sur des questions liées à la protection internationale et pour discuter d'un large éventail de sujets. Le programme d'action pour la mise en oeuvre des priorités en matière de protection que le comité exécutif a adopté en 2002 précise que les pays doivent accorder l'accès à des procédures d'octroi d'asile et veiller à ce que leur système d'asile comporte un processus décisionnel efficient et juste.

Bon nombre des conclusions du comité exécutif portent sur des sujets liés à ce projet de loi. Le Canada, qui contribue activement à l'orientation des travaux du comité exécutif, a collaboré de près à l'élaboration et à l'examen des normes internationales et des pratiques exemplaires en ce qui a trait à la détermination du statut de réfugié. Par conséquent, les commentaires que je vais formuler aujourd'hui rejoignent les positions défendues par le Canada à l'échelle internationale, dont témoignent les conclusions du comité exécutif de l'UNHCR, que le Canada appuie et cherche à promouvoir partout dans le monde.

La procédure de détermination du statut de réfugié du Canada est l'un des rares systèmes que l'UNHCR donne en exemple à d'autres pays. En fait, il n'y a aucun autre système, de façon générale, que nous qualifions d'exemplaire. Il comporte de nombreux avantages. Le système canadien connaît certes plusieurs difficultés, notamment en ce qui concerne le grand nombre de demandes accumulées devant être traitées, mais il n'en demeure pas moins que sa base est solide et qu'il est un exemple à suivre pour les autres pays. L'UNHCR espère pouvoir continuer de parler du Canada comme d'un bastion de la protection des réfugiés, particulièrement pour ce qui est de son système de détermination du statut de réfugié.

L'UNHCR collabore étroitement avec le Canada depuis six décennies. Pendant 30 ans au cours de cette période, nous avons aidé directement les autorités canadiennes à mettre en oeuvre la Convention relative au statut des réfugiés en assurant une présence sur place, dans des bureaux ici. L'UNHCR entend poursuivre cette collaboration étroite aux fins de la réforme prévue du système d'asile du Canada, surtout en ce qui a trait à l'élaboration de règlements et à d'autres domaines d'engagement.

J'aimerais revenir rapidement sur quelques points liés aux dernières modifications apportées au projet de loi.

L'UNHCR est heureux de constater que le projet de loi modifié prévoit toujours une audience devant un tribunal de première instance et que, à la Section d'appel des réfugiés, un appel sur le fond est accessible à tous les demandeurs qui voient leur demande refusée par le tribunal de première instance. Cela correspond aux normes internationales relativement aux procédures de détermination du statut de réfugié.

Quant aux échéanciers prévus dans le projet de loi modifié, l'UNHCR préconise un processus complet, juste et efficient, et il remarque que de nombreux demandeurs d'asile au Canada ont dû attendre longtemps avant qu'une décision ne soit prise à l'égard de leur demande, ce qui est traumatisant. Cela dit, l'objectif de prendre la bonne décision est au coeur du processus, et des échéanciers trop rigides et trop ambitieux peuvent donner lieu à des décisions hâtives. Le temps dont on dispose pour préparer et présenter une demande bien formulée de même que pour prendre une décision est important. Des demandes rigides à l'égard de la rapidité du processus créent une pression sur les demandeurs d'asile de même que sur les décideurs. Dans certaines situations, les demandeurs d'asile risquent de ne pas être capables d'exposer clairement leur demande au début, notamment parce qu'ils ont vécu des expériences traumatisantes qu'ils ont de la difficulté à décrire tout de suite après les faits en raison de l'impact de la torture ou des atrocités dont ils ont été témoins ou victimes ou d'autres répercussions négatives sur leur état physique ou psychologique.

En ce qui concerne la période d'un an au cours de laquelle un demandeur dont la demande d'asile a été refusée par la SAR n'a pas accès aux procédures de révision et est considéré comme « prêt à être renvoyé » du Canada, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés convient qu'on peut renvoyer les personnes qui n'ont pas besoin de protection dans leur pays d'origine. Il faut toutefois tenir compte de la question des réfugiés sur place, où des changements de circonstances dans le pays d'origine d'une personne, notamment des changements dans la situation politique, alors que cette personne était absente, pourraient justifier les craintes de persécution et la demande d'asile alors qu'elles ne l'étaient pas avant. En plus d'exempter les ressortissants de certains pays où une expulsion serait inacceptable en raison de violences généralisées ou de violations des droits de la personne, on peut compter les changements relatifs aux circonstances propres de la personne par rapport à son pays en raison de ses opinions politiques, de sa religion ou de son appartenance à un groupe ethnique. Ces changements ne sont pas rares.

En ce qui concerne la période de transition entre la promulgation de la nouvelle loi et son entrée en vigueur, on pourrait s'inquiéter si, par exemple, le retrait de l'accès aux examens préalables au renvoi était appliqué avant que l'examen des décisions négatives de la SAR ne soit disponible. Ce qui est préoccupant, c'est le retard dans le traitement de dizaines de milliers de dossiers en attente de décision à la CISR et les effets potentiellement négatifs de la mise en œuvre de nouvelles procédures.

De nouvelles ressources de traitement substantielles et suffisantes pour éviter d'étouffer la nouvelle procédure sont nécessaires. De plus, toujours au sujet des ressources de traitement, ce qui comprend le personnel, l'UNHCR est heureux de noter que des ressources substantielles seront affectées à cette nouvelle procédure. C'est un engagement clair envers le respect de ses obligations internationales. L'UNHCR est toujours prêt à donner son appui lorsqu'il s'agit d'améliorer les capacités des décideurs et des autres nouveaux employés.

Enfin, les détails sont essentiels, et nous sommes impatients de donner notre avis lorsque tous les règlements seront disponibles.

Le président : Nous manquons de questions parce que vous avez dit que vous étiez satisfaits du projet de loi tel qu'il a été amendé et parce que vous avez complimenté la manière dont le Canada traite les demandeurs de statut de réfugié ainsi que les demandeurs d'asile.

Si on considère les compromis et le genre de discussions dont nous avons été témoins au comité de la Chambre des communes, en plus de l'échéancier plutôt serré que nous avons connu, il peut se produire des conséquences imprévues. En voyez-vous dans ce projet de loi amendé?

Il y a quelques instants, vous avez glissé quelques mots au sujet des détails. Nous voyons tous les bonnes intentions ici. Nous avons entendu le ministre et nous comprenons parfaitement quelles sont ses intentions par rapport à ce projet de loi. Comme on dit en anglais, le diable se cache souvent dans les détails. Y a-t-il des détails en particulier que nous devons surveiller pour veiller à ce que les orientations dont a parlé le ministre ce matin soient suivies? Conséquences inattendues, bonnes intentions, détails. C'est là-dessus que je voudrais vous entendre.

M. Shelow : Tout d'abord, je dois rappeler que l'UNHCR est un organisme humanitaire de l'ONU et qu'il est apolitique par définition. Nous devons toutefois composer avec un environnement politisé partout où nous travaillons. Je concentrerai mes commentaires en utilisant une approche basée sur les droits de la personne plutôt que sur certains de ces compromis dont vous parlez.

Lorsqu'on parle de droits de la personne, le droit essentiel qu'on associe à la convention sur les réfugiés est le principe de non-refoulement ou de non-retour d'une personne vers un endroit où sa vie ou sa liberté pourrait être en danger. Lorsque nous parlons de possibles conséquences inattendues, toute conséquence qui pourrait augmenter la possibilité de ces refoulements pourrait être source d'inquiétude pour nous. Pour voir quelles sont les possibles conséquences inattendues, nous devrions examiner les règlements qui seraient mis en œuvre avec la loi.

Évidemment, tout retour d'une personne à un endroit où elle est en danger constituerait une préoccupation grave, et toute loi qui rendrait cette situation possible constituerait également une préoccupation grave.

On semble beaucoup débattre des échéanciers. J'ai mentionné plus tôt que lorsqu'on utilise des échéanciers rigides qui ne laissent aucune marge de manœuvre, les décideurs et les demandeurs subissent énormément de pression en vue de les respecter, surtout dans des situations où les personnes sont sous-représentées ou des situations où elles connaissent des difficultés parce qu'elles ne parlent ni anglais ni français dans un pays où ces langues sont nécessaires pour suivre le processus. Ce sont les éléments que nous devons prendre en considération.

Le président : J'ai questionné le ministre sur les pays désignés, particulièrement en ce qui concerne les questions liées au sexe et à l'homosexualité dans les pays où il y a de la persécution — la persécution ne vient pas toujours du gouvernement ou des organismes gouvernementaux, elle peut aussi venir de la famille ou de la communauté. Nous savons tous que ce genre de choses existe.

La plupart des pays touchés par cette situation ne figureraient pas sur la liste des pays désignés si on se fie aux critères qui seront appliqués par le ministre, mais il pourrait toujours y avoir des exceptions. J'ai cité le cas d'un pays qui a adopté une loi contre l'homosexualité et qui se retrouve néanmoins sur la liste du Royaume-Uni. Êtes-vous satisfait des mesures qui ont été prises dans ce cas?

M. Shelow : Lorsque l'UNHCR s'est penché sur la question des pays d'origine désignés à différents endroits dans le monde, notre examen portait sur les processus. Ces listes ne nous inquiètent pas outre mesure tant qu'elles demeurent un outil visant à aider l'examinateur — par exemple, si elles accélèrent le traitement des demandes parce que les renseignements généraux sont sans équivoque, ou lorsque l'examinateur se penche essentiellement sur les circonstances personnelles plutôt que sur la situation du pays, simplement parce qu'il figure sur la liste.

Ce qui nous inquiète davantage, c'est lorsqu'une liste de pays devient le moyen d'accéder à un processus. Je ne crois pas que ce soit l'intention du législateur au Canada, et je ne pense pas que cette loi pourrait avoir cette conséquence involontaire.

Lorsqu'on parle de pays désignés, deux problèmes se posent. Le premier se rapporte aux individus, comme vous l'avez mentionné. Par exemple, la situation de l'homosexualité ou de la mutilation génitale des femmes dans des pays qui sont par ailleurs considérés comme démocratiques et qui disposent d'instruments de protection des droits de la personne, et cetera, est un sujet de préoccupation.

Nous avons rencontré un autre problème ailleurs — mais pas ici, à notre connaissance —, où les législateurs essayaient de déclarer sécuritaires certaines parties d'un pays afin d'examiner les possibilités de refuge intérieur. Si la présente loi avait cet objectif, ce serait préoccupant — par exemple, si elle déclarait que le Soudan est un pays sécuritaire, excepté dans le Sud.

Le sénateur Jaffer : Je suis peut-être dans l'erreur, mais je comprends que l'UNHCR fera partie des experts qui conseilleront le ministre sur les pays qui devraient faire l'objet d'une désignation. Cette mesure est-elle en place? Je comprends qu'il y aura des spécialistes externes — je ne sais pas comment le formuler autrement —, en plus des spécialistes du ministère. Pouvez-vous m'en dire plus à ce sujet, s'il vous plaît?

M. Shelow : L'UNHCR a été approché et il y a eu des discussions. En réalité, j'espère que le résultat final ressemblera à l'engagement actuel que nous avons conclu avec vos représentants en ce qui concerne la suspension temporaire des renvois. Une liste est en cours de création, et on nous a demandé de donner notre opinion sur la sécurité du pays, sur les renseignements relatifs aux pays d'origine, et cetera. Nous ne jouons aucun rôle dans la décision qui est prise d'inclure tel ou tel pays sur la liste, et nous ne désirons pas qu'il en soit autrement.

Cependant, on nous consulte régulièrement sur ces questions. Nous apprécions ce rôle qui est, je crois, tenu en bonne estime au Canada.

Le sénateur Jaffer : Ferez-vous, oui ou non, partie du groupe? La raison pour laquelle je pose cette question, c'est que je connais très bien votre statut indépendant et que je sais que vous ne voudriez pas le compromettre. De ce que je comprends, vous formulerez des conseils, mais vous ne ferez pas partie du groupe, est-ce exact?

M. Shelow : C'est aussi ce que je comprends; en fait, nous n'accepterions pas de faire partie d'un groupe qui aurait le pouvoir de sélectionner les pays qui devraient apparaître sur une liste nationale.

Le sénateur Jaffer : Vous avez aussi abordé la question des réfugiés qui viennent de l'étranger. Je sais que l'UNHCR participe activement — avec notre gouvernement — à la sélection des gens qui viennent de l'étranger. Comme vous le savez, le ministre a déclaré qu'il y aurait une augmentation de 20 p. 100. Je tiens beaucoup à connaître votre avis à ce sujet. Je pense que vous et le ministre avez fait allusion au fait que vous disposeriez de ressources pour vous aider. J'aimerais notamment que vous me disiez comment vous comptez aider les femmes les plus vulnérables des camps. Y a- t-il un programme spécial à cet effet?

M. Shelow : Je vais demander à notre administrateur chargé de la réinstallation ici au Canada de répondre à cette question.

Michael Casasola, administrateur chargé de la réinstallation, Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés : Merci d'avoir posé la question.

L'UNHCR est heureux d'apprendre que le Canada projette, dans le cadre de cette mesure législative, d'étendre son programme de réinstallation.

À l'heure actuelle, l'UNHCR utilise un processus appliqué à l'échelle internationale qui lui permet de déterminer qui, parmi les réfugiés ou les personnes à protéger, doit avoir recours aux services de réinstallation. Nous estimons à l'heure actuelle que près de 700 000 personnes devraient être réinstallées parce qu'elles n'ont pas d'autre solution. Le problème auquel nous faisons face est que nous ne disposons que d'environ 70 000 à 80 000 places de réinstallation dans des pays comme le Canada, les États-Unis, l'Australie et environ une vingtaine d'autres. Le Canada est un des chefs de file. Je pense qu'à l'échelle internationale, ce pays vient au deuxième rang pour ce qui est de la réinstallation. Nous sommes reconnaissants envers le Canada pour les places qu'il offre, mais il nous en faut davantage.

Dans la mesure où 1 réfugié sur 10 a besoin d'être réinstallé, nous savons que ce programme s'échelonnera sur plusieurs années et que nous n'atteindrons pas cet objectif immédiatement.

Cela dit, l'UNHCR utilise divers moyens pour identifier les réfugiés qui doivent être réinstallés. Nous nous sommes notamment donné un point de repère qui s'appuie sur une conclusion du comité exécutif au sujet des femmes et des filles en situation de risque. Nous essayons de faire en sorte que 10 p. 100 de toutes nos demandes de réinstallation concernent des femmes en situation de risque, ce qui ne veut pas dire que toutes les réfugiées sont en situation de risque, mais il existe un programme particulier pour les réfugiées qui sont particulièrement vulnérables. C'est un objectif que nous avons atteint dans certaines régions, mais pas dans tous les pays. Nous sommes encore en train d'essayer d'atteindre cet objectif.

Le sénateur Jaffer : Pourriez-vous nous donner plus de détails au sujet du programme pour les femmes en situation de risque? Je vous pose cette question, mais je comprends que ces personnes sont choisies en fonction de certains critères. Il arrive que des femmes ne répondent pas à ces critères. Pensez-vous que notre comité devrait faire davantage pour aider ces femmes à répondre à ces critères?

M. Casasola : L'UNHCR utilise huit critères pour déterminer quels réfugiés ont besoin d'être réinstallés. Sans trop entrer dans les détails techniques, nous nous penchons sur les cas des personnes qui ont particulièrement besoin d'être protégées et des réfugiés qui sont parmi les plus vulnérables.

Les réfugiées en situation de risque font partie de ces deux catégories parce qu'elles peuvent avoir besoin d'une protection physique. Il arrive souvent qu'un réfugié réponde à plusieurs de nos critères. Une femme en situation de risque peut avoir besoin d'être réinstallée parce que c'est une femme en situation de risque, mais également parce qu'elle a besoin d'être protégée physique et juridiquement et parce qu'elle n'a accès à aucune autre solution durable.

Ça devient une difficulté pour nous en ce qui a trait à l'élaboration d'outils d'identification. Il arrive que des femmes en situation de risque soient identifiées dans le cadre d'autres programmes. Lorsque nous utilisons des techniques comme le traitement collectif — et vous avez peut-être entendu parler de la participation du Canada dans les dossiers concernant les Bhoutanais au Népal et les réfugiés birmans en Thaïlande —, nous appliquons souvent les mêmes critères que pour les femmes en situation de risque, mais nous ne les désignons pas de cette façon et cela ne figure donc pas dans nos statistiques. Nos statistiques posent elles-mêmes des problèmes. Nos demandes sont uniquement fondées sur les besoins.

À l'instar d'autres pays de réinstallation, le Canada a ses propres critères. Nous invitons régulièrement les pays de réinstallation à adopter des programmes qui se ressemblent le plus possible. Avec l'adoption de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, le Canada a apporté un certain nombre de changements visant à harmoniser davantage son programme. Le Canada dispose maintenant d'un certain nombre d'outils qui s'intègrent bien à nos activités, comme son Programme de protection d'urgence, pour répondre aux demandes urgentes de l'UNHCR, mais il a également réduit l'importance accordée à la capacité de s'établir. Par exemple, aux termes du règlement, cet obstacle n'existe plus pour les réfugiés qualifiés de personnes à protéger ou de personnes vulnérables. C'est moins un problème pour nous.

À l'échelle internationale, notre principal problème est de trouver plus de places de réinstallation. C'est la raison pour laquelle cette annonce est une bonne chose. Nous espérions que le Canada augmenterait son objectif en matière de réinstallation, et nous espérons que cela incitera d'autres pays à renforcer leurs programmes à cet égard.

Le sénateur Jaffer : Monsieur Shelow, je m'interroge au sujet des pays désignés et des réfugiés sur place, et je suis heureuse que vous ayez soulevé ces questions. Étant donné la nature de la question des réfugiés sur place, j'aimerais que vous expliquiez davantage la notion de réfugié en provenance d'un pays désigné qui s'établit ici, d'un réfugié qui, pour une raison ou une autre, a besoin de sécurité. Avez-vous eu le temps de réfléchir à la manière dont cela fonctionnerait avec les pays désignés? Je ne m'intéresse pas aux autres.

M. Shelow : Si nous examinons la situation actuelle en Asie centrale, au Kirghizistan, pays dans lequel une minorité ouzbek vivait en paix et en harmonie relatives depuis un certain temps et où il y a aujourd'hui près de 400 000 personnes déplacées. Si un demandeur d'asile ici, au Canada, a présenté une demande qui a été rejetée il y a un mois, nous avons tous vu aux nouvelles ce qui s'est passé depuis. Si on en est à l'étape finale du rejet, on est « prêt au renvoi ». Lorsqu'on examine la question des réfugiés sur place ou des personnes qui sont originaires d'un pays où la situation a considérablement changé depuis ce « résultat final », il serait important de décider ce que l'on doit faire pour ces personnes.

Lorsqu'il est possible de suspendre temporairement les listes de renvoi, par exemple, ces listes de renvoi sont utiles et efficaces si elles sont évolutives, c'est-à-dire s'il est possible d'en supprimer certains pays et de les y réinscrire rapidement. Ce n'est pas nécessairement le cas. Chaque pays a sa propre procédure administrative et cela prend du temps. Malheureusement, les situations d'urgence concernant les réfugiés évoluent très rapidement.

C'est ce qui se produit dans le cas d'une situation générale. Par contre, si on regarde la situation qui prévaut au Kirghizistan aujourd'hui, outre les membres de la minorité ouzbek dans son ensemble, il y a des personnes qui peuvent faire l'objet de mauvais traitements ciblés parce qu'elles ont recueilli, par exemple, un voisin ouzbek. Ces personnes ne répondraient pas à la notion de ce qui est définitif, selon un bon nombre de lois. Il est important de s'assurer que, tant que la personne concernée n'a pas été renvoyée, il est possible de faire quelque chose pour elle, si elle se retrouvait dans une situation dangereuse. Cela vient du principe fondamental du non-refoulement, qui porte sur le renvoi d'une personne dans son pays d'origine où elle se retrouverait en danger.

Le sénateur Jaffer : Je pense qu'on peut invoquer la notion de réfugié sur place pour des motifs d'ordre humanitaire, dans des situations très difficiles, comme dans votre exemple du voisin ouzbek, compte tenu de ce qui se produit à l'heure actuelle au Kirghizistan. Est-ce dans ce genre de cas que l'on utiliserait la notion de réfugié sur place, ou y a-t-il d'autres circonstances où cela s'avère approprié?

M. Shelow : Il ne nous appartient pas de suggérer au Canada d'adopter des mesures législatives nationales particulières, pourvu que les mesures prises soient conformes au droit national. Nous ne pouvons faire des commentaires que sur des mesures concrètes.

Il est possible de mettre en place divers outils et mécanismes qui accordent un certain pouvoir discrétionnaire permettant de prendre des mesures de protection immédiates en dernier recours.

Le sénateur Eaton : Comme vous le savez fort bien tous les deux, le Canada a besoin d'immigrants pour se développer. On entend parfois des critiques contre les immigrants et les réfugiés parce que nous entendons constamment parler de faux réfugiés venant de pays démocratiques qui essaient de passer avant les autres.

Monsieur Shelow, lorsque vous parlez de délais rigides ou stricts à cause de la présence d'éléments comme des traumatismes, des difficultés linguistiques, ou le fait de ne pas être représenté, avez-vous des pourcentages ou des chiffres à nous fournir au sujet des réfugiés? Je ne parle pas de la réinstallation de groupes entiers de réfugiés, mais des réfugiés qui arrivent à nos frontières. Avons-nous des chiffres sur le nombre de réfugiés qui souffrent véritablement de traumatismes?

M. Shelow : Merci d'avoir posé cette question, sénateur. C'est une question importante qui porte sur la notion de mauvais traitements et de ce que cela peut vouloir dire sur le plan des possibilités d'accueil des réfugiés dans un pays. Il est évident qu'il faut pouvoir rendre des comptes aux citoyens.

Premièrement, je dois dire que, au Canada, c'est le gouvernement du Canada qui nous fournit nos statistiques, de sorte que nous n'avons pas de statistiques distinctes. Nous les recevons de diverses sources, y compris de CIC et de l'ASFC. Je ne peux pas répondre à votre question de façon aussi précise que j'aurais voulu le faire. Toutefois, comme ça fait près de 15 ans que je travaille dans le domaine de la protection des réfugiés, je peux vous dire que pratiquement toutes les personnes que j'ai rencontrées étaient traumatisées à des degrés divers. La question est de savoir à quel point elles le sont.

Lorsqu'on essaie d'établir la différence entre un réfugié et un immigrant, on peut dire que les réfugiés sont obligés de quitter leur pays à cause d'un événement; les immigrants, eux, quittent leur pays parce qu'ils le veulent.

Le sénateur Eaton : Vous parlez d'un réfugié de bonne foi et non pas de quelqu'un qui veut passer avant les autres et qui s'auto-proclame réfugié à son arrivée.

M. Shelow : C'est exact. Par définition, un réfugié est de bonne foi; autrement, il ne devrait pas se voir reconnaître le statut de réfugié.

Le sénateur Eaton : C'est ce qu'il faut déterminer.

M. Shelow : Je comprends.

Lorsque vous parlez du lien avec les délais, les États se préoccupent souvent du fait qu'une personne peut arriver au pays et y rester longtemps à cause de la durée du traitement des demandes et parce qu'il n'y a pas de renvoi à la fin du processus. Autrement dit, le fait de se voir reconnaître ou non le statut de réfugié n'entraîne pas un résultat différent. Ce genre de choses soulève des préoccupations quant aux abus. Nous sommes tout à fait au courant de cette situation, et cela nous préoccupe beaucoup. Nous sommes peut-être l'organisation qui se préoccupe le plus de cet aspect au monde parce que, en raison des abus, de plus en plus de pays tournent leur dos aux réfugiés.

Pour résoudre cette difficulté, il faut premièrement que, lorsque le processus aboutit à un résultat, ce résultat soit crédible. Les personnes à qui l'on reconnaît le statut de réfugié ont besoin de protection, mais pour celles qui n'ont pas besoin de protection, il faut qu'il y ait un suivi de leur dossier afin que les résultats soient distincts.

Je ne suis pas sûr que cela soit directement lié aux délais, même s'il existe un certain lien. Il y a un lien très étroit entre les résultats et ce qui arrive à la personne dont le statut de réfugié est reconnu et à celle dont le statut de réfugié n'est pas reconnu.

Le sénateur Eaton : J'ai du mal à croire qu'au Canada une personne pourrait ne pas être représentée. C'est un élément que vous avez mentionné.

Vous avez également parlé des problèmes linguistiques. J'ai également du mal à imaginer — c'est peut-être par manque d'information — que quelqu'un puisse comparaître lors d'une audience relative au statut de réfugié sans bénéficier des services d'un interprète ou de l'aide d'une personne pour pallier ses problèmes de langue.

M. Shelow : Je vais répondre à ces questions en commençant par la dernière, et pour utiliser une expression de la CISR, la question de l'accès à des services d'interprétation pose des problèmes tant à l'étape de l'audience devant la CISR qu'à l'étape de l'admissibilité ou de l'accès au territoire, par exemple, à un point d'entrée. À ces deux endroits, le gouvernement fait tout ce qu'il peut pour offrir des services d'interprétation appropriés. La réalité est qu'il y a de nombreuses personnes qui arrivent au Canada, mais qui ne possèdent pas les connaissances linguistiques suffisantes pour présenter correctement leur demande. Par conséquent, le recours aux services d'interprétation est très important.

L'accès aux interprètes soulève également des difficultés. Le Canada impose des conditions assez strictes aux personnes qui souhaitent travailler comme interprète. La réalité est qu'il n'y a pas suffisamment d'interprètes pour répondre à la demande. Cette demande ne touche pas uniquement les demandes d'asile ou les demandeurs du statut de réfugié. Il y a de nombreuses situations au Canada touchant les affaires d'immigration non reliées aux réfugiés où des services d'interprétation sont nécessaires. Il y a une forte demande d'interprètes, mais il n'y en a pas toujours suffisamment pour répondre à la demande.

Plus important encore, en ce qui a trait à l'accès à la représentation, le problème découle du fait que le droit à l'aide juridique est de plus en plus restreint en raison de difficultés budgétaires. Cela découle du ralentissement économique mondial. L'accès à l'aide juridique varie également selon les régions du Canada. Il est possible qu'en Ontario, les services d'aide juridique soient bien supérieurs, par exemple, à ceux qu'offre la Colombie-Britannique aux demandeurs d'asile. C'est ce qui explique qu'un bon nombre de demandeurs présentent leurs demandes d'asile sans l'aide d'un conseil. Nous savons également que la qualité de cette aide soulève certaines questions.

Le sénateur Eaton : Il pourrait s'agir de 5, 10 ou 500 personnes. Avez-vous des chiffres concrets sur le nombre de personnes qui ne sont pas représentées ou qui ont du mal à obtenir les services d'un interprète?

M. Shelow : Nous avons trois agents ici au Canada qui surveillent les audiences. Pour la SPR, par exemple, nous assurons la surveillance d'environ 100 audiences par an. Nous constatons que dans un tiers de ces audiences, la personne qui comparaît se présente sans être assistée d'un conseil efficace.

Le sénateur Eaton : Une trentaine de personnes environ.

M. Shelow : Sur 100. Je ne pourrais pas affirmer que cela est véritablement représentatif de la situation. Je préférerais que vous parliez à nos interlocuteurs du gouvernement pour mieux comprendre la situation. Ce sont eux qui nous fournissent ces statistiques.

Le sénateur Martin : Merci d'être venu ici ce matin et de nous avoir fait part de votre évaluation et de vos commentaires très favorables au sujet du modèle canadien et du fait que nous sommes un modèle pour les autres pays. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il arrive parfois que nous connaissions mal la situation qui prévaut dans d'autres parties du monde et que nous tenions des tas de choses pour acquises. J'ai vraiment bien aimé entendre vos commentaires ce matin.

Je pense également que pour avoir un système efficace, les personnes qui seront chargées de rencontrer personnellement les demandeurs d'asile aux différentes étapes du processus vont jouer un rôle essentiel. Le ministre a parlé de la formation qui leur sera donnée et les fonctionnaires ont également parlé de formation. Vous avez peut-être des recommandations à faire au sujet des fonctionnaires ou du personnel qui va accomplir ce travail?

Plus précisément, on propose dans ce projet de loi de faire appel à des décideurs fonctionnaires. Vous avez parlé de la très grande qualité des décideurs dans le système actuel. Pourriez-vous nous dire si vous avez des craintes, par rapport aux normes internationales en matière d'asile, quant au recours à des fonctionnaires dans le système que propose ce projet de loi?

M. Shelow : La réalité est que nous donnons toujours le Canada en exemple à l'étranger, et que parfois nous exagérons. Une de nos préoccupations quant au maintien des possibilités d'asile et du système efficace en vigueur au Canada est que nous utilisons votre personnel et votre réputation pour renforcer la protection des réfugiés dans de nombreuses autres parties du monde. Pour nous, il est essentiel que ces choses soient préservées au Canada afin que nous puissions encourager d'autres pays à adopter de meilleures pratiques et à améliorer leur fonctionnement.

Pour ce qui est de la formation, vous avez posé quelques questions relativement au processus d'embauche et à l'indépendance des décideurs. De nombreux pays ont recours à des fonctionnaires pour la première étape et l'UNHCR n'y voit là aucun problème. C'est une pratique assez courante. Nous nous intéressons davantage à la qualité des décisions prises par les décideurs plutôt qu'à la façon dont les décideurs sont recrutés.

La qualité des décisions est influencée par plusieurs facteurs. Elle est influencée par le genre de formation qui est donnée aux décideurs et aussi par le type de renseignements qu'ils reçoivent, comme le pays d'origine et les renseignements généraux sur les situations particulières dans le monde. Il est important que les décideurs soient capables de faire preuve d'empathie à l'égard des personnes qui ne sont pas originaires du Canada. Dans certaines situations, même le langage corporel peut jouer un grand rôle au cours d'une entrevue. Les techniques d'entrevue soulèvent toute une série de questions.

Nous sommes heureux de collaborer avec le Canada, comme nous l'avons déjà fait, sur le plan de la formation et de la communication de renseignements susceptibles d'aider les décideurs. Il y a là deux éléments clés : le premier est le processus de sélection, s'assurer de recruter des personnes compétentes; et le second est la formation qui leur est donnée une fois qu'elles ont été choisies. Il est très difficile d'en arriver à des normes uniformes dans ces domaines. Je pense que le Canada fait de gros efforts sur ces deux plans.

Le sénateur Martin : Je suis convaincue que cette qualité sera maintenue dans le nouveau système, s'il existe déjà. Comme vous l'avez dit, il s'agit de maintenir la qualité des services offerts dans ce nouveau système qui a pour but d'améliorer ce que nous avons déjà. Je vous remercie pour vos remarques éclairantes.

Le président : Vous avez soulevé un point important dans votre réponse à la question du sénateur Eaton. Vous avez dit que 30 personnes sur 100 ne bénéficient pas de services de représentation ou d'interprétation adéquats; voilà qui est beaucoup... Un peu plus tard, je demanderai à vos fonctionnaires ce qu'ils font dans ces circonstances.

Pour ce qui est des considérations d'ordre humanitaire, il y a des frais à payer. Je ne connais pas ces frais, et je ne sais pas si vous les connaissez, mais il y en a. Qu'avez-vous à dire au sujet des réfugiés, de ces personnes qui fuient massivement les situations difficiles et la pauvreté? Que comprenez-vous de la situation?

M. Shelow : Je ne connais pas le montant exact auquel s'élèvent ces frais, mais la Convention indique que l'on ne peut facturer à un réfugié des frais plus élevés que ceux que l'on facturerait à un autre étranger se trouvant dans une situation semblable.

Honnêtement, je ne crois pas que le Canada facture des frais trop élevés aux réfugiés qui souhaitent accéder aux processus offerts. Par exemple, des frais sont imposés pour l'obtention d'un document de voyage lié à la Convention ou d'un passeport. Des frais sont également facturés pour l'obtention de certains documents, ainsi que pour la présentation d'une demande pour des considérations d'ordre humanitaire. Je ne crois pas que personne ne se fasse voler ici.

La question la plus préoccupante est la suivante, soit de savoir si l'on devrait empêcher des personnes d'accéder à un processus censé élargir la protection sous prétexte qu'elles ne peuvent pas payer. Bien évidemment, nous croyons que les choses ne devraient pas être ainsi.

Le président : Je demanderai cela à nos collaborateurs plus tard.

Je crois que vous avez parlé de ceci. La réalité est qu'ils ont suivi le processus, tout de suite ou un peu après avoir présenté leur demande pour un examen des risques avant renvoi, ou ERAR. Les dispositions du projet de loi indiquent toutefois qu'une personne ne peut le faire si une autre demande a été traitée au cours des 12 derniers mois. Je crois que vous avez commenté la chose, mais peut-être que vous pourriez clarifier votre point de vue en ce qui concerne les circonstances changeantes. L'orientation d'un pays peut changer très rapidement. Nous avons quelques exemples dans le monde, et je suppose que l'Iran serait l'un d'eux. Quelles sont vos préoccupations à cet égard?

M. Shelow : J'imagine que vous faites allusion à la période d'un an suivant le rejet d'une demande par la Section d'appel des réfugiés, à cette période pendant laquelle le demandeur ne peut avoir droit à un examen des risques avant renvoi.

Le président : Oui.

M. Shelow : De ce que je comprends, les choses sont ainsi dans le pays parce qu'entre autres, on souhaite éviter que le processus s'éternise, et aussi, parce qu'on souhaite que les personnes qui ont franchi toutes les étapes de cette procédure équitable et complète puissent, à la fin, être renvoyées, sans qu'il ne reste de possibilités d'appels ultérieurs. Nous comprenons que le processus doit avoir une fin.

En ce qui concerne les normes que nous proposons, nous croyons qu'une personne devrait au moins avoir accès à un processus complet comprenant une audience de premier palier et une entrevue de détermination, suivies d'une audience d'appel en bonne et due forme visant un examen complet de la question, notamment des avantages que présentent la demande et la procédure juridique en question. Certains pays ont choisi d'aller au-delà de cela, y compris le Canada, pour ce qui est de l'examen des risques avant renvoi. Le vrai problème, ce n'est pas de déterminer si une personne doit avoir accès ou non au processus; le problème, c'est le temps que cela prend pour renvoyer des personnes. Lorsque le renvoi est effectué rapidement, il est peu probable qu'un examen supplémentaire soit nécessaire, parce que la situation d'un pays ne change pas aussi rapidement que ça.

Si, pendant une période d'une année, il y a des changements fondamentaux dans la situation du pays d'origine d'une personne, notre inquiétude, c'est que la personne ait accès à un certain genre d'examen qui tiendrait compte de ce qui se passe dans le pays. Par exemple, on a des inquiétudes d'ordre ethnique pour les Ouzbeks se trouvant au Kirghizistan. Toutefois, la situation d'une personne peut vraiment changer en raison de changements touchant son pays d'origine. L'exemple que j'ai donné plus tôt concernait une personne d'ethnie kirghize qui apportait son aide à un Ouzbek. Il est très probable qu'aucun changement ne soit fait, pour ce qui est de la suspension temporaire des mesures de renvoi ou des autres mesures semblables touchant la personne, puisque cette dernière ne fait pas partie de la population générale ciblée. Toutefois, dans ce cas, il est important que la personne ait accès à un genre de protection en raison des risques possibles.

Le président : Vous avez donné le Soudan comme exemple et avez parlé d'une personne qui était renvoyée dans un pays ou une partie d'un pays. Les dispositions du projet de loi confèrent au ministre le pouvoir de désigner une partie d'un pays. Cela vous préoccupe-t-il?

M. Shelow : Il est très possible qu'une personne du Soudan du Sud puisse avoir des difficultés dans la capitale, ou dans le nord ou le centre du Soudan. Ainsi, il y a de sérieuses préoccupations à avoir au sujet de la désignation d'une partie d'un pays. On traite avec des gouvernements, et pas avec des lieux géographiques.

Le président : Merci d'avoir clarifié ce point.

Le sénateur Jaffer : J'aimerais poursuivre sur cette idée présentée par le président. Ainsi, il serait possible de désigner un pays, une partie d'un pays, ou un groupe national, est-ce que je me trompe? Votre expérience nous aiderait ici. Et de ce que je comprends, le Royaume-Uni donne le statut de pays désigné à d'autres pays. Comment cela fonctionne-t-il, quels sont les obstacles, et que devrions-nous surveiller pour éviter de répéter les mêmes erreurs?

M. Shelow : Pour mieux comprendre ces questions, on pourrait examiner les résultats ou l'issue d'appels interjetés à l'égard de décisions de premier palier s'y rattachant. La situation que l'on observe actuellement au Royaume-Uni est inquiétante à cause du nombre important d'appels qui sont accueillis; cela pourrait donner à penser, par extrapolation, qu'il y a quelque chose qui cloche dans le processus décisionnel de premier palier, en ce qui concerne les pays désignés.

Vous avez parlé de ce pays, dont la situation n'est pas unique. L'utilisation de la méthode des « pays désignés » ou des listes de pays est assez répandue dans le monde.

Pour ce qui est de cette question, l'UNHCR se préoccupe de la rapidité du processus plus que de n'importe quoi d'autre; nous nous arrêtons moins au fait d'empêcher des personnes d'accéder au processus. Habituellement, le demandeur du statut de réfugié et l'assesseur partagent le fardeau de la preuve. Lorsque l'assesseur dispose d'une liste de pays sans risque, il peut sauter l'étape de la liste de questions ou de l'évaluation des conditions dans le pays, et peut simplement se concentrer sur la personne et sur ses préoccupations à l'égard de la sécurité relative dans le pays en question. Ainsi, les cas peuvent être traités plus rapidement.

Le sénateur Jaffer : L'une de mes préoccupations au sujet des pays désignés ou sans risque, c'est que les pays qui partagent nos idées et nos valeurs ont élaboré une liste de pays suspectés de « produire » des terroristes. Mon inquiétude, c'est qu'il pourrait exister une liste comme la liste de pays désignés du Canada concernant ces pays qui lui ressemblent sur le plan des idées. Est-ce que cela pourrait se produire? Avez-vous des inquiétudes à ce sujet?

M. Shelow : Je reviens à ma déclaration de tout à l'heure. Nous sommes une organisation humanitaire oeuvrant dans un contexte politisé. Lorsque vous parlez de « pays qui partagent nos idées et nos valeurs », je suis certain que vous seriez tentés, politiquement, de placer vos « amis » sur une liste les reconnaissant comme tels. Ce que nous voulons, c'est que des mécanismes de vérification et de contre-vérification soient appliqués chaque fois qu'un processus de désignation de pays est entrepris, de sorte qu'on puisse être certain que les pays se trouvant sur la liste répondent à certains critères objectifs, et que la liste ne témoigne pas simplement d'une amitié avec un autre pays, fut-ce le Canada. Je crois qu'en fait, cette législation vise cela. À voir ce que comporte l'examen des pays qui pourraient figurer sur cette liste, on dirait qu'on cherche à établir des critères objectifs dans le but d'éviter d'y inscrire des pays pour la simple raison qu'ils sont des pays amis ou alliés.

Le président : À moins qu'il n'y ait d'autres questions pour nos témoins, j'aimerais remercier ces derniers de s'être présentés ici aujourd'hui et pour ce qu'ils font afin de surveiller la situation de près. Continuez votre bon travail.

M. Shelow : Merci, monsieur le président, et merci à vous, membres du comité. Nous vous savons gré d'avoir écouté ce que nous avions à dire aujourd'hui.

(La séance est levée.)


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