Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 11 - Témoignages du 22 juin 2010 - après-midi
OTTAWA, le mardi 22 juin 2010
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 15 heures pour étudier le projet de loi C-34, Loi modifiant la Loi sur les musées et d'autres lois en conséquence et le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et la Loi sur les Cours fédérales.
Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Traduction]
Pendant au moins la première heure de la réunion, nous allons examiner le projet de loi C-34, Loi modifiant la Loi sur les musées et d'autres lois en conséquence. Nous reprendrons ensuite notre étude du projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et la Loi sur les Cours fédérales.
Nous avons ici trois représentants du ministère du Patrimoine canadien pour parler du projet de loi C-34. Stephen Wallace, sous-ministre délégué, fera quelques observations, puis cédera la parole à Lyn Elliot Sherwood, directrice exécutive du Groupe du patrimoine. Enfin, Mme Marsh, analyste principale de politiques à Groupe du patrimoine, répondra aux questions avec eux.
Monsieur Wallace, vous avez environ sept minutes.
Stephen Wallace, sous-ministre délégué, ministère du Patrimoine canadien : Je vous remercie beaucoup de nous donner cette occasion de contribuer à l'examen que fait le comité du projet de loi C-34.
[Français]
Avec votre assentiment, nous vous proposons la présentation sommaire de ce projet de loi par le biais d'un document, qui a été distribué déjà aux membres du comité.
[Traduction]
J'aimerais, si vous le voulez bien, laisser maintenant Mme Sherwood prendre quatre ou cinq minutes pour vous donner un aperçu du projet de loi C-34 au moyen d'un diaporama dont les membres du comité ont reçu copie.
Lyn Elliot Sherwood, directrice exécutive, Groupe du patrimoine, ministère du Patrimoine canadien : J'aimerais situer le projet de loi C-34 dans le contexte de la Loi sur les musées, qu'il modifie, et expliquer brièvement ses principales dispositions. Nous répondrons très volontiers à vos questions ensuite.
La Loi sur les musées de 1990 établissait tous les musées nationaux en sociétés d'État. Elle comporte trois parties importantes : les définitions et le préambule; une section qui définit chaque musée individuellement et en stipule la mission, le mandat et les pouvoirs; et une section qui s'applique à tous les musées nationaux et qui traite de questions comme la gouvernance. Ce sont les deux dernières parties que modifie le projet de loi C-34.
Le nouveau musée sera assujetti à tous les articles de la loi de 1990 qui ne sont pas modifiés. Par exemple, il n'est pas question dans le projet de loi C-34 de la composition du conseil d'administration puisque la Loi sur les musées de 1990 en traite déjà. Par contre, le projet de loi prévoit des modifications aux dispositions transitoires de la loi de 1990 et des modifications corrélatives à d'autres lois.
La première partie du projet de loi C-34 crée la nouvelle société d'État et lui attribue un nom — le Musée canadien de l'immigration du Quai 21. Elle définit aussi l'objectif visé dans l'énoncé de mission :
[...] explorer le thème de l'immigration au Canada en vue d'accroître la compréhension du public à l'égard des expériences vécues par les immigrants au moment de leur arrivée au Canada, du rôle essentiel que l'immigration a joué dans le développement du Canada et de la contribution des immigrants à la culture, à l'économie et au mode de vie canadiens.
C'est très général, ce qui permet au musée d'évoluer dans les paramètres de ce mandat. La capacité et les pouvoirs du musée sont modelés sur ceux des autres musées nationaux; puisque le modèle est efficace, il n'est pas utile de le changer.
Enfin, je soulignerai au sujet de cette section que, bien que la mission première du Musée canadien de l'immigration du Quai 21 ne soit pas d'amasser une collection comme le fait, par exemple, la Galerie nationale du Canada, les pouvoirs et capacités qui lui sont dévolus lui permettent cependant de collectionner du matériel muséal — des objets et documents.
Une modification est apportée à la Loi sur les musées relativement à la gouvernance. Elle stipule que le premier directeur du musée sera désigné par le gouverneur en conseil sur la recommandation du ministre. Par la suite, c'est le conseil d'administration, avec l'aval du gouverneur en conseil, qui décidera du renouvellement de ce premier mandat et procédera aux nominations des nouveaux directeurs.
La même modification a été apportée en 2008 pour la création du Musée canadien des droits de la personne en vertu de la Loi sur les musées. Elle visait à favoriser la nomination rapide d'un conseil d'administration entièrement nouveau, qui est encore maintenant en train d'établir ses repères et de définir les orientations du musée.
[Français]
Dans la section sur la modification transitoire, le projet de loi prévoit l'attribution de crédits législatifs totalisant 15 millions de dollars, ce qui permettra au musée de fonctionner jusqu'à ce que le Parlement lui ait accordé des crédits dans le cadre d'un cycle budgétaire régulier. Avant que le musée ne puisse avoir accès au fonds, le plan d'entreprise, y compris les budgets de fonctionnement et d'investissements prévus, doit être approuvé par le gouverneur en conseil.
Finalement, j'aimerais parler des modifications relatives et les sections qui traitent de l'entrée en vigueur du projet de loi. Ce projet de loi modifie plusieurs autres lois, comme la Loi sur l'accès à l'information, la Loi sur le contrôle des dépenses, la Loi sur la gestion des finances publiques, la Loi sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur la rémunération dans le secteur public et la Loi sur la pension de la fonction publique. Il s'agit des lois ayant une application générale pour les entités fédérales. Le musée sera ajouté à la liste des entités fédérales touchées par ces autres lois.
Le projet de loi stipule que ses dispositions entreront en vigueur à une date fixée par le gouverneur en conseil, ce qui, normalement, correspond à la nomination des membres du conseil d'administration, afin de faire en sorte que l'organisme existe du point de vue légal, mais également pour le bénéfice du groupe de personnes chargées de prendre les décisions pour cette institution.
Sur ce, je termine ma présentation qui, finalement, a duré moins de quatre minutes. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
[Traduction]
Le président : Il vous reste du temps, si vous voulez.
Mme Sherwood : Je peux parler moins vite.
Le président : Je voulais vous poser une question au sujet de la nomination du conseil d'administration parce que je ne trouvais rien dans le projet de loi à ce sujet. Vous dites que le conseil d'administration actuel resterait en poste; il n'est pas question dans le projet de loi de la création d'un conseil d'administration, ni de sa structure. C'est donc que le conseil d'administration actuel reste, n'est-ce pas?
Mme Sherwood : Ce musée sera assujetti à l'article 23 de la Loi sur les musées de 1990. Ce sera un nouveau conseil d'administration, que nommera le gouverneur en conseil conformément à cet article 23 d'application générale. Par conséquent, quand les nouvelles dispositions portant création de ce musée seront intégrées à la loi de 1990, celui-ci sera assujetti aux dispositions d'application générale.
Le président : Combien y aura-t-il d'administrateurs? Ils doivent être nommés par le gouverneur en conseil, mais y a- t-il des dispositions concernant leurs qualifications, leurs liens avec le musée ou quelque apport des provinces? Est-ce le gouverneur en conseil qui décide de tout cela?
Mme Sherwood : Pour répondre à la première partie de votre question, le conseil d'administration d'un musée national est composé de 11 personnes. Pardonnez-moi, je vous ai parlé de l'article où il est question du directeur. C'est plutôt l'article 18 qui concerne le conseil d'administration.
Il est précisé que seuls des citoyens canadiens peuvent être membres du conseil d'administration.
Le président : Donc, il comptera 11 citoyens canadiens.
Mme Sherwood : Oui. Je présente mes excuses au comité. J'aurais dû parler de l'article 18 de la Loi sur les musées.
Le président : Le mandat de ce musée ne consiste pas qu'à mettre en valeur l'immigration passée par le Quai 21. En passant, les installations du Quai 21 sont magnifiques. Je les ai visitées. Certains de nos collègues du Sénat ont fait des commentaires émouvants, l'autre jour, étant eux-mêmes passés par le Quai 21 à leur entrée au Canada.
Si j'ai bien compris, il ne s'agit pas seulement de mettre en valeur l'immigration qui est passée par le Quai 21, mais de commémorer l'histoire de tous les immigrants au Canada, n'est-ce pas? Les expositions porteront aussi sur l'immigration dans le contexte moderne, qui passe par les aéroports de Toronto, de Vancouver et d'ailleurs. Comment l'immigration au Canada sera-t-elle mise en valeur?
Mme Sherwood : Le conseil d'administration est chargé de formuler la vision stratégique du musée à la lumière du mandat défini dans la loi. Les expositions devront évoluer avec le temps. Nous nous attendons à ce que la nouvelle équipe de gestion formule un plan d'interprétation global en partant du principe qu'il doit continuer d'honorer le lieu et son histoire, en raison du poids émotionnel de ce site historique particulier. Il faut toutefois aller plus loin et parler aussi de tous ceux qui peuvent avoir immigré au Canada par des ports d'entrée de la côte Ouest et ceux qui sont arrivés au pays depuis 1971, quand le Quai 21 a cessé d'être un port d'entrée.
Nous avons pris des dispositions pour louer des locaux additionnels pour le nouveau musée dans des bâtiments adjacents. Le défi du nouveau musée sera de concevoir des expositions qui illustrent toute l'histoire de notre immigration au fil des décennies et des siècles.
Le président : Vous n'allez pas réduire ou modifier les installations actuelles ni leur architecture, et elles resteront telles que les ont connues ceux qui sont passés par le Quai 21. Vous n'allez pas y entasser toutes sortes de nouvelles choses pour traiter du thème plus général. Vous aurez un autre bâtiment pour cela, n'est-ce pas?
Mme Sherwood : Il est clair que la superficie au sol actuelle de 50 000 pieds carrés du musée ne suffit pas si on veut élargir son programme d'expositions. Le gouvernement investit dans de nouveaux locaux adjacents, où il sera possible de créer un espace d'exposition continue au deuxième étage, et l'annexe de l'immigration sera aussi agrandie.
Le président : Est-ce que le bâtiment existe déjà?
Mme Sherwood : Oui. L'administration portuaire devra le rénover, mais il est à côté. Donc, il est possible de faire une percée dans le mur.
Le président : Puisque vous allez traiter du sujet général de l'immigration au Canada, envisagerait-on de créer des expositions itinérantes qui traverseraient le pays afin que les gens qui ne peuvent se rendre jusqu'à Halifax puissent les voir sur la côte Ouest ou dans les provinces du centre?
Mme Sherwood : Oui. On s'attend à ce que, avec le temps, le musée mette sur pied des expositions itinérantes. Tout aussi important pour le nouveau musée, comme pour le Quai 21, on créerait également un site Web qui offrirait à tous les Canadiens la possibilité de voir différemment les installations ou une exposition itinérante, mais qui néanmoins donnerait corps au thème de l'immigration.
Le sénateur Plett : Mme Sherwood a répondu à ma question, du moins en partie, alors que je levais la main.
Je suis du Manitoba et je suis très fier du merveilleux musée que nous sommes en train de créer à Winnipeg. Je suis impatient de le voir achevé et de faire partie du groupe qui accueillera la Reine dans quelques jours.
Je ne suis ici que depuis août. Alors, je n'étais pas membre du Sénat au moment où a été prise la décision de créer un Musée des droits de la personne. C'était le premier musée national hors de la capitale. Est-ce que celui-ci s'est buté aux mêmes obstacles? Est-ce qu'il y a dans ce projet de loi beaucoup des mêmes règles que vous avez formulées pour le musée de Winnipeg?
Mme Sherwood : Oui, je peux vous dire qu'il a fallu franchir exactement les mêmes obstacles. Il a aussi fallu modifier la Loi sur les musées de 1990 pour créer le Musée canadien des droits de la personne. Tous les pouvoirs et toutes les capacités dévolus dans ce projet de loi au Musée canadien de l'immigration ont été accordés au Musée canadien des droits de la personne dans le cadre d'un autre projet de loi. Les dispositions sur le conseil d'administration visent tous les musées nationaux, y compris celui de l'immigration. Le même article concernant la nomination du premier directeur a aussi été présenté dans le projet de loi sur le Musée des droits de la personne.
La seule différence entre les deux projets de loi, et c'est le fruit de notre propre expérience, c'est que celui-ci prévoit un crédit législatif de 15 millions de dollars pour les dépenses du musée pendant les premiers mois jusqu'à ce que le cycle des crédits soit établi.
Le sénateur Plett : Il faudrait donc une loi pour créer n'importe quel musée, même dans la capitale nationale, et évidemment, elles se ressembleraient toutes. Mais il en faudrait néanmoins une pour chaque musée?
Mme Sherwood : La Loi sur les musées de 1990 comporte une disposition propre à chaque musée. Il n'est pas nécessaire que ce soit une loi distincte. Il y a un article portant création de la Galerie nationale, où est décrit son mandat de la même manière que celui du Musée canadien de l'immigration l'est dans ce projet de loi-ci. Ensuite sont stipulés les pouvoirs et capacités du musée. La Loi sur les musées comporte un article qui s'applique à tout musée créé sous le régime de la loi et qui concerne notamment la nomination du conseil d'administration, le mode de nomination des administrateurs ainsi que les questions générales de gouvernance et d'administration. Tous les musées nationaux qui sont des sociétés d'État créées en vertu de la loi y sont assujettis.
Le sénateur Plett : Je suis tout à fait impatient d'accueillir tout le monde qui viendra à Winnipeg pour voir le musée et aussi d'aller visiter ce musée au Quai 21.
Mme Sherwood : J'ai moi aussi hâte de voir le musée de Winnipeg.
Le sénateur Merchant : Je vous remercie de votre présence. C'est un moment très important pour moi, étant de ceux qui sont passés par le Quai 21. Ma famille a émigré de la Grèce. Ma mère est venue rejoindre mon père, qui était arrivé deux ans plus tôt. Nous étions cinq enfants, et nous avons fait le voyage en bateau avec ma mère, une grande aventure pour nous. Ce dont je me souviens surtout de mon arrivée au Canada, c'est notre excitation à la perspective de retrouver mon père. Nous n'avions pas conscience, étant si jeunes, de commencer l'aventure nouvelle, étrange et merveilleuse que cela a été. Je ne me souviens pas tellement de notre arrivée, du branle-bas. Beaucoup d'Européens sont venus à cette époque-là, une dizaine d'années après la Deuxième Guerre mondiale. L'Europe était encore en piètre état et bien du monde songeait à émigrer.
D'après ce que je sais de la communauté grecque, il y a des villes et des villages entiers dont tous les habitants connaissent quelqu'un qui est parti pour le Canada ou l'Australie. Je me demande comment ce musée relatera certaines de ces histoires et de ces aventures. Mes parents sont maintenant défunts. Je me demande à quel point vous consultez pour créer le musée. Est-ce que les collectivités elles-mêmes vont y participer d'une manière ou d'une autre? Il y a tellement de gens originaires d'une collectivité ou d'une île qui finissent toujours par se retrouver dans le même coin de pays à leur arrivée ici, les uns encourageant les autres à venir. Quelle est la vision d'ensemble, pour ce musée?
Mme Sherwood : Je dois, pour répondre à cette question, revenir à un concept sous-jacent de la Loi sur les musées. Les musées nationaux sont des sociétés d'État indépendantes du gouvernement. La Loi sur les musées interdit expressément au gouvernement de diriger les activités culturelles du musée. Par l'intermédiaire du ministère qui présente le projet de loi, le gouvernement approuve le mandat et l'énoncé de mission du musée, mais la conception des expositions et l'exécution de cette mission incombe au conseil d'administration qui sera formé.
Quand on parle de ce musée, tout le monde a immanquablement une vision de ce qu'il pourrait être. Il est certain que le rôle du nouveau conseil d'administration consistera notamment à entendre ces idées et à dresser un plan qui interpelle tous les Canadiens. C'est l'essence même de sa mission : aborder non seulement les immigrants qui sont arrivés directement au Quai 21, en grande partie des Européens, mais aussi les autres, venus au Canada par d'autres ports d'entrée avant l'existence du quai ou après qu'il eut cessé ses activités comme port, soit de nos jours l'aéroport de Toronto ou l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal.
Le conseil doit trouver un moyen de s'acquitter de son mandat de sensibilisation de toute la population. Les fonctionnaires que nous sommes ne peuvent pas savoir ce que seront les décisions du conseil d'administration ou les choix qu'il fera pour s'acquitter de ce mandat.
Le sénateur Merchant : Avant de créer ce musée, est-ce que le gouvernement consultera les collectivités? Est-ce qu'il y a eu un apport de l'ensemble des immigrants jusqu'à maintenant, et pas seulement de ceux qui sont arrivés par le Quai 21?
Mme Sherwood : Nous n'avons pas directement consulté les collectivités. Nous avons travaillé surtout avec la Pier 21 Society actuelle et la fondation. Le gouvernement n'a pas directement consulté les communautés culturelles.
Le sénateur Merchant : Je suis impatiente d'aller voir ce musée. Je suis sûre qu'il éveillera certains souvenirs. Comme je l'ai dit, je ne me souviens pas de grand-chose en ce moment, mais je pense que d'être sur place change les choses.
Le sénateur Ogilvie : Mon commentaire est dans la même veine que la question que vient de poser le sénateur Merchant. Je pense qu'il importe de reconnaître que le musée du Quai 21 existe depuis déjà un certain temps, et les enjeux dont vous venez de parler sont ceux-là mêmes qui ont motivé la collectivité et ces gens à prendre l'initiative de recueillir les fonds nécessaires à la création du musée non national initial.
Ceux d'entre nous qui sont de la Nouvelle-Écosse encouragent tout le monde et, plus particulièrement, vous à visiter ce musée. Vous verriez qu'il s'y trouve déjà énormément de matériel, dont des entrevues, des exemples, des photographies et beaucoup d'autres choses reçues d'immigrés passés par le Quai 21. Ceux qui y sont retournés pour une visite — ce que vous ferez peut-être — ont parlé de quelque chose de très émouvant et d'extrêmement fidèle à ce qu'ils avaient connu. Il a fallu, pour cela, mener un grand nombre d'entrevues avec des immigrants passés par le port, dont beaucoup ont fait don d'artefacts et d'autres articles qui donnent un sens à l'expérience.
Je m'en tiendrai à ce commentaire, sans poser de question.
Le président : D'accord. Comme je l'ai dit, j'y suis allé, je peux donc le confirmer.
Le sénateur Cordy : Le sénateur Ogilvie pourra parler deux fois dans le même tour. Le Quai 21 est un lieu étonnant à visiter. Je suis ravie d'être membre du comité qui étudie ce projet de loi qui vise à faire du Quai 21 le Musée canadien de l'immigration.
Chers collègues, si vous n'êtes pas encore allés au Quai 21, vous devriez le faire. C'est intéressant, éducatif et très émouvant, particulièrement pour les familles qui sont passées par le Quai 21.
Il y a quelques années, j'ai dévoilé une plaque en hommage aux épouses de guerre arrivées par le Quai 21. Lors de la réception qui a suivi, plusieurs d'entre elles sont venues me raconter leur histoire. C'était fascinant. Bon nombre de ces histoires étaient touchantes, mais d'autres étaient plutôt tristes, et elles me l'ont rappelé.
J'ai dit que c'était pour moi un jour de célébration. Alors, dans mon allocution, je n'ai pas parlé des épouses de guerre qui n'avaient trouvé personne pour les accueillir à leur arrivée; ou de celles qui avaient constaté en débarquant que leur fier chevalier ou leur chevalier en habit militaire était marié à une autre. Il y avait aussi des histoires tristes, mais ce sont les histoires de femmes très courageuses qui avaient tout quitté.
L'une d'elles m'a raconté que, lorsqu'elle avait dit à son père qu'elle partait au Canada, il s'était enfermé dans sa chambre pendant deux semaines, refusant de lui parler. Elle était sa seule fille. Nous n'hésitons plus, de nos jours, à prendre l'avion à Halifax pour aller à Londres. On y est en quatre heures seulement, mais à l'époque, quand on quittait sa famille, il y avait de grandes chances qu'on ne la revoie jamais. Il y a de merveilleuses histoires à raconter.
Je ne peux laisser passer cette chance de parler de l'œuvre merveilleuse de Ruth Goldbloom. En voyant un entrepôt, sur le bord de l'eau à Halifax, rempli de rats et de toutes sortes de choses, elle a une vision, un rêve de ce que devrait être le Quai 21, transformé comme elle l'espérait, et elle a travaillé d'arrache-pied pour en faire un musée.
Entre-temps, elle a recueilli des sommes phénoménales, elle s'est entretenue avec des gens dans tout le pays et elle a concrétisé le Quai 21. Nous ne pouvons étudier ce projet de loi sans penser à ses merveilleuses réalisations.
Je me demande maintenant en quoi le Quai 21 changera, s'il devient le Musée canadien de l'immigration. Vous avez parlé de certains aspects physiques — l'agrandissement, les plans généraux d'interprétation, les expositions itinérantes, ce qui est emballant, et aussi de la conception d'un site Web, puisqu'il y aurait maintenant plus d'argent pour tout cela. À part les éléments physiques, est-ce que le Quai 21 changera beaucoup, quand il deviendra un musée?
Mme Sherwood : Il est certain que le mode de gouvernance va changer, puisque le conseil d'administration sera nommé par le gouvernement. Il est limité à 11 personnes alors que le conseil actuel du Quai 21 compte plus de 20 membres.
Le Quai 21 a formulé depuis quelques années une vision qui va au-delà du site lui-même. Il avait entrepris de transposer cette vision dans certains de ses autres programmes par des expositions itinérantes, une salle d'expositions temporaires et un centre de recherche, qui renferme maintenant des registres de navires, pas seulement ceux qui ont accosté au Quai 21. Il n'avait cependant pas les ressources pour réaliser intégralement cette vision.
Je pense que le nouveau conseil d'administration, en collaboration avec le personnel du Quai 21 auquel le nouveau musée offrira des mandats de deux ans — nous l'avons garanti dans notre entente —, a l'occasion de faire fructifier les germes de toutes ces idées qu'avait le conseil d'administration antérieur pour réaliser sa vision et de concevoir le programme en ce sens. J'hésite beaucoup à ajouter : « Par conséquent, nous aurons une exposition sur X ou Y », parce que ce serait faire des hypothèses quant aux expositions que je voudrais réaliser, mais ce n'est vraiment pas notre rôle en tant que fonctionnaires.
Aussi, comme c'est explicitement un musée national, une société d'État qui, par définition, appartient à tous les Canadiens, le conseil d'administration pourrait aborder son mandat non pas en fonction de ce qu'est déjà le site, mais en fonction de ce qu'il n'est pas encore, si le concept ne paraît pas trop abstrait. Je m'attends bien à ce que des citoyens de partout au pays puissent raconter ce qu'a été pour eux l'immigration, et ces récits peuvent grandement varier. Le conseil devra comprendre les diverses perspectives de l'immigration partout au Canada et les exposer dans le musée.
Je ne cherche pas à être évasive, mais je ne peux pas vous dire qu'il y aura l'année prochaine dans le pavillon Chrysler quelque chose du même type que cette merveilleuse exposition actuelle au deuxième étage du Quai 21. C'est tout simplement impossible, nous n'en avons pas le droit, puisque c'est le rôle du nouveau conseil d'administration.
Le sénateur Cordy : Est-ce qu'il y aura encore une place pour les bénévoles? Le Quai 21 compte actuellement un grand nombre de bénévoles qui y travaillent avec passion à cause de ce qu'il représente pour eux, personnellement, ou pour les Canadiens qui sont entrés au pays par le Quai 21. Est-ce que cela changera? Est-ce qu'il y aura encore place pour les bénévoles au musée?
Mme Sherwood : Je m'attends à ce qu'il y ait un programme actif de bénévolat, comme pour tout autre musée national. Lorsqu'on examine l'emplacement de musées nationaux, on se demande notamment s'ils ont un solide bassin de bénévoles, à cause de l'importance qu'ils revêtent. Les bénévoles jouent de nos jours un rôle très important au Quai 21, parce qu'un grand nombre d'entre eux ont leur propre passé d'immigrant, et c'est l'un des aspects qui font la dynamique du musée.
Le sénateur Martin : Je suis impatiente de voir le Quai 21. J'ai écouté certaines déclarations qui ont été faites au Sénat. J'ai entendu le sénateur Merchant faire son propre récit, et j'y vois le reflet du mien. Mon père est parti deux ans avant nous, et ma mère a atterri à Vancouver avec trois enfants à la traîne.
Il y a des liens communs à toutes les histoires d'immigration. Pour quiconque a vécu pareille expérience, c'est une histoire collective à partager, pour notre pays et les familles.
Halifax est bien loin de Vancouver, et tout le monde n'a pas la possibilité d'aller jusqu'au Quai 21. C'est une chose que de consulter le site Web et de faire une visite virtuelle, mais une autre que d'être sur place et de voir les récits s'animer. A-t-il été question, avec le ministre et votre ministère, d'avoir un musée semblable au Quai 21 à Vancouver, que ce soit un établissement satellite ou une entité distincte?
Mme Sherwood : Je ne peux pas faire d'hypothèses sur les décisions futures du gouvernement, mais en vertu des capacités et pouvoirs qui lui sont attribués dans le projet de loi, ce musée, comme tout autre musée national, pourra créer un centre d'exposition n'importe où au Canada. Cette possibilité est prévue dans la loi, bien que tout dépende évidemment de ses ressources et des décisions du gouvernement à ce moment-là.
Le sénateur Martin : J'aime savoir que c'est possible. Bien que je n'aie encore pas vu le Quai 21, j'ai cru comprendre qu'il s'y trouve un local multifonctionnel où se tiennent des réceptions et des noces. Est-ce qu'il y aura encore ce local multifonctionnel après la promulgation de ce projet de loi?
Mme Sherwood : Tous les musées nationaux doivent générer des recettes. Les alinéas 15.6(1)o) et 15.6(1)p) du projet de loi comportent deux concepts très pertinents. L'un est la capacité de mettre ses installations à la disposition d'autres personnes à n'importe quelle fin, notamment par location. L'autre est la capacité de percevoir des droits pour ses biens, services, et cetera.
Le Quai 21 a fait ses preuves en matière de production de recettes et possède un programme très dynamique de location des installations. Je pense que le nouveau conseil d'administration, lorsqu'il étudiera un plan de recettes, s'intéressera de près au fonctionnement de ce programme jusqu'ici, puisqu'il a eu un tel succès.
Le sénateur Martin : C'est aussi une occasion de mobiliser un plus vaste segment de la communauté. J'ai assisté à une cérémonie de citoyenneté au Musée canadien de la guerre, la semaine dernière. C'était tout à fait symbolique, un événement mémorable pour moi aussi. Je suis sûre que ce genre d'utilisation des locaux restera.
Mme Sherwood : Il y a aussi eu de ces cérémonies au Quai 21.
[Français]
Le sénateur Champagne : Le sénateur Martin a posé la question que je voulais poser. Je crois comprendre qu'en ce moment, vous pouvez louer une partie des endroits pour des réceptions et qu'avec les sections O et P, cela pourra continuer. Il faudra diffuser cette information. J'imagine des gens arrivés il y a 50 ans qui voudraient se retrouver avec leurs descendants pour une fête de famille, ce serait absolument touchant. Quel endroit merveilleux. J'espère que le nouveau Musée canadien de l'immigration laissera savoir à la population que cette possibilité existe, parce qu'on ne le sait pas normalement et tous ceux qui voudraient se retrouver sur le Quai 21 auront la possibilité d'organiser une fête de famille ou de célébrer l'anniversaire de l'arrivée de quelqu'un; quelqu'un qui a des descendants et qui, aujourd'hui, fait partie des familles canadiennes.
Je nous souhaite à tous en tant que Canadiens et Canadiennes que ce soit un succès extraordinaire. Il faudra en parler parce qu'on a eu, oui, des gens qui sont arrivés d'outre-mer, mais on a eu beaucoup de nos gens qui sont partis à la guerre. J'ai des oncles qui sont partis à la guerre depuis cet endroit. Petite, je disais celui-là va-t-il partir? On était presque heureux lorsqu'on entendait dire qu'un oncle avait les pieds trop plats pour aller à la guerre. On passait par chez nous à Saint-Hyacinthe pour aller à Halifax. Il y a aussi tous ces gens à qui on voudra laisser savoir que ce serait un bien bel endroit pour se réunir. Merci du travail que vous continuerez à faire.
[Traduction]
Le président : Je vous remercie pour ce commentaire.
Puisqu'il n'y a pas d'autres questions, je remercie nos témoins d'être venus s'entretenir avec nous.
Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs, pour entamer l'examen article par article du projet de loi?
Des voix : D'accord.
Le président : Le titre est-il reporté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 1 est-il reporté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 2 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 3 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 4 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 5 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 6 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 7 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 8 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 9 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 10 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 11 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 12 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 13 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 1 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Le titre est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Le projet de loi est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Le comité souhaite-t-il annexer des observations au rapport?
Des voix : Non.
Le président : Est-il entendu que je fasse rapport du projet de loi au Sénat?
Des voix : D'accord.
Le président : C'est donc ce que je ferai.
La réunion se poursuit, et nous parlerons cette fois du projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et la Loi sur les Cours fédérales. Nous en avons parlé ce matin, et nous reprenons la discussion un peu plus tôt que prévu, ce dont je vous remercie.
Nous serons interrompus vers les 17 heures pour aller voter au Sénat et nous espérons être de retour pour 18 heures. En commençant plus tôt, nous pensons peut-être en avoir terminé d'ici là. Si ce n'est pas le cas, il serait très apprécié que vous puissiez rester. Tout dépend de vous, si vous le pouvez ou non.
Permettez-moi de vous présenter brièvement nos témoins.
Janet Dench est directrice du Conseil canadien pour les réfugiés. Elle est accompagnée d'Elizabeth McWeeny, l'ancienne présidente du conseil. Le Conseil canadien pour les réfugiés est un organisme de regroupement qui se voue à la défense des droits et à la protection des réfugiés au Canada et dans le monde entier, et à l'établissement des réfugiés et des immigrants au Canada.
Nous accueillons aussi Mitchell Goldberg, membre exécutif de la Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté de l'Association du Barreau canadien, l'ABC. Il a été reçu au Barreau canadien en 1989 et se spécialise actuellement en droit des réfugiés. Il a commencé à pratiquer le droit des réfugiés et de l'immigration à Montréal après avoir été bénévole pour une organisation des droits de la personne au Guatemala. Il est membre fondateur et ancien président d'Action Réfugiés Montréal, une organisation bénévole de soutien des réfugiés. En 2008, M. Goldberg a été élu à la section de l'immigration de l'Association du Barreau canadien et, depuis 1990, il a représenté plus de 1 000 immigrants et réfugiés à tous les paliers du système judiciaire.
M. Goldberg est accompagné de Kerri A. Froc, avocate-conseil, Législation et réforme du droit à l'Association du Barreau canadien. Avant de se joindre à l'équipe de l'association en 2005, Mme Froc a été avocate-conseil auprès du Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes, le FAEJ — je m'en souviens bien — et avocate dans un cabinet privé de la Saskatchewan qui se consacrait aux poursuites au civil, au droit administratif, aux droits de la personne et au droit constitutionnel.
Je vous présenterai Lorne Waldman quand il arrivera. Il n'est pas en retard; c'est nous qui sommes en avance. Entre- temps, commençons par Janet Dench
Janet Dench, directrice exécutive, Conseil canadien pour les réfugiés : Je vous remercie de m'offrir cette occasion de parler de cet important projet de loi.
Le système des réfugiés existe pour offrir une protection à ceux qui fuient l'oppression. Il ne doit pas opprimer ceux- là mêmes qu'il est censé protéger.
[Français]
Comme le dit la loi, le programme pour les réfugiés vise avant tout à sauver des vies et à protéger les personnes de la persécution. Tous les réfugiés fuient l'oppression. Or, certains réfugiés font face à de multiples niveaux d'oppression qui exigent notre attention. Nous nous référons notamment aux femmes persécutées en raison de leur genre, dont des victimes d'agression sexuelle aux individus persécutés en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, aux enfants, aux survivants de la torture.
Nous reconnaissons que l'un des objectifs du projet de loi est de s'assurer que des demandeurs, qui n'ont pas besoin de protection, sont rapidement déboutés. Nous n'avons rien contre cet objectif. Nous craignons, toutefois, que certaines mesures destinées à cet effet fassent mal aux réfugiés les plus vulnérables et les privent de la protection dont ils ont besoin.
[Traduction]
Nous reconnaissons aussi qu'il y a d'énormes problèmes et qu'une réforme du système actuel s'impose. Nous comptons au nombre de ces problèmes celui des longs délais d'attente pour de nombreux demandeurs. Le projet de loi C-11 cherche à le régler, mais risque de pécher par l'excès. Trop vite, ce n'est pas équitable. Les délais proposés pour l'entrevue sont de 15 jours, et pour l'audience, de 60 ou 90 jours, selon la catégorie.
Quelqu'un qui n'a aucun besoin de protection et qui est peut-être arrivé avec une histoire montée de toutes pièces n'aura aucune difficulté à se présenter pour une entrevue en 15 jours. Cependant, nous vous demandons de penser à l'incidence que peut avoir cette règle sur une femme qui a été victime d'agression sexuelle et qui n'a encore dit à personne exactement pourquoi elle a fui, ou un homosexuel qui a passé toute sa vie dans la peur de se révéler à quiconque.
De même, certains demandeurs n'ont aucune difficulté à se préparer dans les 90 jours, ou même 60 jours ni à dresser leur dossier de preuves en vue d'une audience — par exemple, un activiste reconnu dont parlent les journaux ou les rapports sur les droits de la personne. Cependant, la persécution dont sont victimes les femmes, les homosexuels, les transsexuels, les membres de minorités ethniques ou religieuses n'est pas assez dénoncée. Il faut beaucoup plus de temps pour trouver la documentation pouvant étayer une demande.
Tenir l'audience de ces demandeurs avant qu'ils soient prêts pourrait entraîner le rejet à tort de gens opprimés.
Le Parlement doit faire en sorte que les délais soient raisonnables et adaptés aux besoins des plus opprimés.
Un deuxième problème que pose le système actuel, c'est le manque de mécanisme d'appel. Nous sommes donc heureux qu'un engagement soit enfin pris de créer un mécanisme d'appel des réfugiés. Les délais proposés pour présenter et peaufiner les demandes, toutefois, le rendent tout à fait inutile. Ces délais ne sont pas stipulés dans la loi, mais s'ils sont appliqués comme c'est proposé, la loi n'atteindrait pas l'objectif visé. Pour être efficace, la Section d'appel des réfugiés a besoin de dossiers bien ficelés. Il serait déjà assez difficile pour un réfugié riche et en santé qui a le bras long de préparer une demande en 15 jours. Imaginez une femme qui ne parle ni l'anglais, ni le français, qui dépend de l'aide juridique parce qu'elle n'a pas d'argent et qui souffre de stress post-traumatique à cause de la torture qu'elle a subie.
Le troisième problème dont je voulais vous parler, c'est la qualité des décisionnaires. En ce moment, les décisions varient énormément d'un membre à l'autre, comme en témoignent clairement les statistiques. Cela fait du système actuel une espèce de loterie. Il est indispensable d'améliorer le processus de sélection des décisionnaires. Pour la Section de la protection des réfugiés, la SPR, en vertu du projet de loi C-11, les membres seront embauchés conformément aux règles de la Commission de la fonction publique. Ce n'est pas pour nous une garantie d'embauche des candidats potentiels les plus qualifiés.
De leur côté, les commissaires de la Section d'appel des réfugiés seront nommés par le gouverneur en conseil. Les commissaires de la Section de la protection des réfugiés seront-ils tout simplement promus à la Section d'appel des réfugiés? Aura-t-on recours au même processus de sélection? Si la prise de décision est tout aussi inégale sur le plan de l'appel que de la première instance, on ne fait qu'aggraver le problème puisque les décisions prononcées en cour d'appel font jurisprudence. Ainsi, le projet de loi C-11 n'officialise toujours pas le processus de sélection des commissaires de la Section d'appel des réfugiés.
Je voudrais aussi mentionner de nouveaux problèmes créés par le projet de loi C-11. Premièrement, à l'heure actuelle, avant d'être renvoyés, les demandeurs d'asile déboutés ont la possibilité de présenter de nouveaux éléments de preuve qui montrent qu'ils sont à risque. Or, le projet de loi C-11 ne prévoit aucun mécanisme qui permette de traiter des changements dans les circonstances d'un demandeur dans les 12 mois qui suivent le rejet de son appel. Prenez l'exemple d'une demandeure qui apprend que plusieurs membres de sa famille ont été arrêtés parce qu'ils sont considérés comme des dissidents politiques, demandeure qui courra le même risque si elle est expulsée. L'impossibilité de se pencher sur ce nouvel élément de preuve important dans le cadre du processus constitue une lacune majeure du projet de loi. Ce détail n'aura probablement une incidence que sur très peu de gens, mais pour ces derniers, il pourrait représenter une question de vie ou de mort. Le Canada contreviendra à ses obligations internationales en matière de droits de la personne en renvoyant ces gens dans un pays où ils risquent d'être persécutés.
Deuxièmement, nous sommes fermement opposés à la création d'une liste de « pays d'origine désignés ». Le principe même est inacceptable. La détermination du statut de réfugié doit être fondée sur une évaluation effectuée au cas par cas, et non sur des jugements portés sur les pays. En outre, des désignations de ce genre politisent le système de détermination du statut de réfugié d'une façon on ne peut plus malheureuse. Nous nous inquiétons particulièrement des répercussions qu'elles pourraient avoir sur les femmes et sur les personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres et transsexuelles, ainsi que sur les enfants et les personnes qui appartiennent à une minorité raciale ou ethnique. Les membres de tous ces groupes sont ceux qui risquent le plus d'être victimes de violations de leurs droits fondamentaux dans des pays qui, autrement, semblent raisonnablement sûrs.
J'aimerais conclure en présentant des recommandations majeures. Nous vous encourageons fortement à modifier la loi immédiatement afin d'en corriger les faiblesses considérables. À défaut de cela, le Sénat peut jouer un rôle important pour tenter de minimiser les conséquences néfastes des faiblesses de la loi en offrant des conseils sur la manière de la mettre en œuvre. Finalement, de façon générale, il est crucial qu'on procède à des consultations exhaustives en ce qui a trait aux projets de règles et de règlements.
Le président : Nous passons maintenant aux représentants de l'Association du Barreau canadien. M. Goldberg et Mme Froc partageront leur temps de parole.
Kerri A. Froc, avocate-conseil, Réforme du droit et Égalité, Association du Barreau canadien : L'Association du Barreau canadien est ravie de se présenter aujourd'hui devant le comité pour parler du projet de loi C-11, Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés. L'Association du Barreau canadien est une association bénévole nationale qui compte environ 37 000 membres dans l'ensemble du pays. Sa section du droit de l'immigration et de la citoyenneté compte approximativement 1 000 avocats spécialisés dans tous les domaines liés au droit de la citoyenneté, de l'immigration et des réfugiés.
L'organisation a pour objectif premier d'améliorer le droit et l'administration de la justice. C'est sous cet angle que nous nous adressons à vous aujourd'hui.
Aux fins de notre comparution d'aujourd'hui, nous vous avons distribué le mémoire que nous avons présenté au Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes. Toutefois, bien entendu, notre déclaration portera uniquement sur les questions qui n'ont pas été réglées au moyen des corrections qui ont été apportées au projet de loi après que le comité de la Chambre a déposé son rapport.
Je vais demander à Mitchell Goldberg, qui est membre de l'exécutif de la section du droit de l'immigration et de la citoyenneté de l'ABC, de présenter des observations importantes sur le projet de loi.
[Français]
Mitchell Goldberg, membre de l'Exécutif, Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté de l'ABC, l'Association du Barreau canadien : Monsieur le président, l'Association du Barreau canadien croyait au début de ce processus que le projet de loi avait des lacunes assez importantes. Cependant, nous reconnaissons que des amendements importants ont été effectués et d'une façon plus importante, nous voyons que les amendements ont fait en sorte que tous les gens pourraient avoir accès à un appel sur le fond. Il n'y aura pas de restriction même pour des personnes venant des pays désignés. Nous sommes très heureux de voir que ce changement a été apporté.
En ce qui a trait aux considérations humanitaires, nous étions très préoccupés par le fait qu'il y avait des restrictions pour des revendicateurs qui voulaient faire une demande pour des motifs humanitaires. Nous sommes très reconnaissants du travail de tous les partis politiques qui ont mis l'intérêt et la protection des réfugiés au-delà des intérêts politiques. Nous pouvons alors dire que nous appuyons le projet de loi, même s'il y a toujours selon nous, des lacunes qui demeurent.
[Traduction]
L'interdiction d'un an par rapport aux permis de séjour nous inquiète. Pour présenter brièvement quelques questions qui nous préoccupent toujours, je le répète, nous ne vous demandons pas de modifier le projet de loi puisque nous trouvons que les partis politiques ont réussi à surmonter les difficultés et à atteindre un équilibre; or, l'interdiction d'un an en ce qui concerne les permis de séjour nous préoccupe. Comme le Conseil canadien pour les réfugiés vient de le dire, aucune disposition ne prévoit la présentation de nouveaux éléments de preuve pour établir le risque, ce qui, selon nous, va à l'encontre de la Charte.
Nous sommes aussi inquiets des limites imposées par rapport aux nouveaux éléments de preuve présentés à la Section d'appel des réfugiés, bien que nous reconnaissons que des améliorations importantes ont été apportées relativement à la version actuelle de la loi. En effet, l'article 110 de la loi actuelle interdit la présentation de nouveaux éléments de preuve. Cette interdiction a maintenant été levée et des limites imposées, mais nous craignons que les nouvelles mesures ne soient pas suffisantes. Par ailleurs, le délai de la mise en œuvre de diverses parties du projet de loi nous préoccupe. De plus, nous sommes d'accord avec les propos du Conseil canadien pour les réfugiés en ce qui concerne les pays désignés. L'Association du Barreau canadien est contre la discrimination fondée sur la nationalité. Nous craignons qu'avec la création d'une catégorie de pays désignés, on politise le système de détermination du statut de réfugié.
Toutefois, je le répète, nous sommes ravis que tous, du moins, auront droit d'interjeter appel, ce qui répond aux préoccupations du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés au sujet de la désignation de pays sûrs.
Nous voulons signaler trois points qui devraient faire l'objet de réglementation et qui, nous l'espérons, seront inclus dans le rapport que vous déposerez au Sénat. Premièrement, pour qu'on puisse vraiment présenter des demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire, il ne suffit pas de ne pas retirer de la loi la disposition à cet effet. Si l'Agence des services frontaliers du Canada renvoyait systématiquement les gens sans leur permettre de faire demande, sans qu'il soit possible qu'une décision soit prise relativement aux demandes fondées sur des motifs humanitaires, cette partie de la loi deviendrait insignifiante. En ce moment, dans la plupart des cas, la décision est antérieure au renvoi. Selon nous, il est très important de mettre en place des politiques administratives pour protéger les droits des personnes qui déposent des demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire.
Deuxièmement, nous sommes aussi d'accord qu'il est impossible que le système soit efficace — peu importe à quel point il est bien construit ou il semble rapide et juste — si les nominations ne sont pas fondées sur le mérite. Il y a des années que des gens de toutes espèces présentent cet argument au Sénat et à la Chambre des communes. J'espère que nous serons les derniers à avoir à le mentionner.
Au fil des années, des améliorations ont été apportées au système. Les deux gouvernements ont pris des mesures en ce sens. Or, je pense que les Canadiens méritent un système qui soit fondé entièrement sur le mérite, et les réfugiés en ont désespérément besoin.
Je voudrais remarquer que la vérificatrice générale a publié un rapport l'an dernier, dans lequel elle a noté que la plupart des renouvellements de nomination à la CISR, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, ne sont pas fondés sur le mérite. Si je me souviens bien, elle a indiqué que le ministre ignore les recommandations de la CISR 56 p. 100 du temps. Ce rapport a été publié en avril 2009.
Nous nous inquiétons également des délais fixés relativement à l'entrevue de collecte de renseignements pour la Section de la protection des réfugiés comme pour la Section d'appel des réfugiés. Je ne vais pas répéter l'opinion du Conseil canadien pour les réfugiés, car nous partageons ses soucis. Cela dit, j'aimerais parler plus longuement des entrevues.
J'ai appris récemment que la CISR prévoit quatre heures pour l'entrevue après 15 jours. Comme vous le savez probablement, à l'heure actuelle, l'audience moyenne de détermination du statut de réfugié dure moins de trois heures. Ainsi, en moyenne, l'entrevue même sera probablement plus longue que l'audience.
Ce fait pose de nombreux problèmes. Il y a, entre autres, les préoccupations soulevées par Mme Dench au sujet de l'équité pour les personnes vulnérables; nous nous inquiétons aussi à ce sujet. Il est aussi possible que le processus se transforme en marasme administratif et qu'on prenne du retard dès la première étape. C'est ce qui s'est produit lorsqu'on a introduit les enquêtes chargées de statuer sur le minimum de fondement, et aussi dans les années 1980, lorsque des personnes autres que le décideur donnaient des entrevues.
Pensez à ce qui se produira si un demandeur d'asile et son conseil contestent ce qui a prétendument été dit au cours de l'entrevue. Ils recevront des copies électroniques de l'entrevue, mais qui payera les transcriptions? Le membre de la CISR écoutera-t-il une entrevue de trois ou quatre heures? Le demandeur d'asile et le conseil payeront-ils les transcriptions? Nous avons là tous les ingrédients qui pourraient causer l'écroulement du système.
Nous espérons que l'entrevue servira à établir le programme, comme l'exige la loi; à repérer les demandeurs vulnérables et ceux qui nécessitent un représentant désigné; et peut-être à adresser les gens à un conseil s'ils ne sont pas représentés, ainsi qu'à répondre à leurs questions au sujet des formulaires qu'ils doivent remplir. Nous espérons également que le processus sera rapide et juste..
Le président : Merci à vous deux. Nous accueillons maintenant M. Waldman, qui est ici à titre d'avocat indépendant. M. Waldman a fait ses études de droit à Osgoode Hall, à Toronto. Il travaille uniquement dans le domaine du droit de l'immigration et des réfugiés. En outre, il est auteur et rédacteur d'un ouvrage intitulé Canadian Immigration & Refugee Law Practice, qui est souvent cité par la Cour fédérale et la Cour suprême du Canada. Il a écrit de nombreux textes au sujet de la Charte et de ses répercussions sur les droits des immigrants et des réfugiés. De plus, ses articles sur les droits de la personne ont été publiés dans divers journaux.
Autre fait intéressant, il a servi avec succès d'avocat adjoint auprès de Maher Arar dans le cadre de l'enquête publique sur les circonstances entourant son expulsion des États-Unis vers la Syrie. Je vous souhaite la bienvenue. Vous êtes à l'heure; nous avons commencé d'avance. Je vous cède la parole, monsieur Waldman.
Lorne Waldman, avocat, à titre personnel : Merci de m'avoir invité à me présenter devant vous. Je dois dire que je me trouve dans une position étrange. Normalement, lorsque je m'adresse aux comités parlementaires, c'est pour leur recommander avec insistance de modifier la loi. C'est ce que je croyais qui se produirait aujourd'hui aussi.
Cela dit, compte tenu du processus parlementaire et du succès des négociations qui ont eu lieu entre tous les partis politiques, je conseille vivement au Sénat d'adopter la mesure qu'il examine actuellement — mesure qui, je crois, constitue un compromis — sans lui apporter d'amendements. C'est la première fois que je peux dire une chose pareille. Je témoigne devant les comités parlementaires depuis 1976; c'est la cinquième fois que je comparais devant le Sénat ou la Chambre des communes, ou les deux, et c'est la première fois que je présente une telle demande.
Le projet de loi n'est pas parfait. Je pense que les autres témoins vous ont parlé des différences qu'on aimerait y voir. Toutefois, à tout prendre, je pense qu'il s'agit d'un compromis. Le gouvernement a fait de nombreuses concessions, et les partis de l'opposition et les ONG, les organisations non gouvernementales, aussi. Au bout du compte, selon moi, les effets positifs du projet de loi sont beaucoup plus nombreux que les effets négatifs. Je pense donc que le Sénat devrait l'adopter.
Je suis aussi d'avis que nous pouvons tirer de nombreuses leçons de la méthode qui a été suivie dans ce cas-ci. Indépendamment du contenu du projet de loi, les différents partis de l'opposition ont collaboré avec les organisations non gouvernementales et les spécialistes dans le domaine; ils leur ont demandé leur avis et ils ont proposé des amendements. De son côté, le gouvernement a fait preuve d'assez d'ouverture pour engager des négociations qui ont mené à un compromis. On pourrait certainement imiter cette démarche dans l'avenir, compte tenu du fait qu'il est fort probable que nous ayons des gouvernements minoritaires pendant encore bien des années.
Cela dit, le projet de loi compte des aspects positifs. Par exemple, il y a longtemps que les avocats et les organisations non gouvernementales recommandent la création d'une section d'appel des réfugiés. Cet accomplissement est extrêmement important. Si le Sénat publie un rapport, l'un des points qu'il devrait souligner, c'est qu'il faudrait absolument que les membres de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié qui ont le plus d'expérience et de compétences dans le domaine soient ceux qui deviennent les commissaires de la Section d'appel des réfugiés. Ce sont eux qui seront chargés de réexaminer les décisions prises en première instance; ils devraient donc avoir une connaissance approfondie du domaine. En somme, j'espère que le Sénat mentionnera dans son rapport le besoin de veiller à ce que les commissaires de la Section d'appel des réfugiés soient des personnes chevronnées.
L'une des modifications apportées par le projet de loi, c'est que les commissaires de la Section de la protection des réfugiés — la section de première instance qui jugera la demande initiale — ne seront plus nommés par le gouverneur en conseil, mais seront plutôt des fonctionnaires. Ce changement était quelque peu controversé et il était source de préoccupation pour certains, notamment pour des groupes de protection des droits des réfugiés. Le problème, c'est que l'expérience d'autres pays montre que si les postes sont de premier échelon et s'ils n'encouragent pas les personnes chevronnées à poser leur candidature, les personnes qui postulent ont tendance à être des débutants qui finissent par partir puisque le poste ne représente pour eux qu'une porte d'entrée dans la fonction publique.
Or, ce qu'il faut créer, c'est un organe formé de décideurs chevronnés et compétents qui acquièrent de l'expérience et pour qui le poste représente une carrière qu'ils veulent poursuivre pendant un certain temps. On ne développe pas les compétences nécessaires pour être un bon décideur en matière du statut de réfugié du jour au lendemain; il faut du temps pour y arriver. Ce point a fait l'objet de discussions, et je conseillerais vivement au Sénat d'encourager dans son rapport le gouvernement à veiller à ce que les postes de commissaires créés pour la Section de la protection des réfugiés soient d'un niveau assez élevé pour attirer des postulants chevronnés pour qui il s'agirait d'une carrière et non seulement d'une façon d'intégrer la fonction publique.
Il faudrait donc un niveau de recrutement minimal de PM-6 pour cette catégorie d'emploi. S'il est plus bas, les décideurs risquent de n'avoir ni les compétences ni l'expérience requises. Comme tous les témoins l'ont dit, cet élément est essentiel.
À noter que les points que je vous présente ne font pas partie de la mesure législative même; ce sont des questions sur lesquelles le Sénat pourrait certainement se prononcer et devrait le faire.
Le deuxième point important en ce qui concerne les décideurs, c'est que le processus doit être ouvert. Le président de la CISR nous a assurés qu'il s'agirait là d'une priorité. Toutefois, je pense qu'il est important que le Sénat mette l'accent sur le besoin d'essayer d'attirer les personnes les plus qualifiées et chevronnées au moyen d'une compétition ouverte.
En outre, certains intervenants vous ont dit qu'ils s'opposaient à la liste de pays d'origine sûrs. Franchement, je suis d'accord. Je ne crois pas qu'elle soit nécessaire.
Cela dit, il est vrai que le gouvernement a accepté un amendement extrêmement important. La proposition originale relative à la liste de pays d'origine sûrs aurait eu l'effet d'empêcher les gens d'interjeter appel. Toutefois, le gouvernement a consenti à un compromis : il a modifié la mesure législative de façon à ce que tous bénéficient du droit d'appel; si une personne provient d'un pays qui figure sur la liste de pays d'origine sûrs, le processus d'audience sera simplement accéléré. Cette façon de procéder suit la recommandation des Nations Unies, qui ont comparu devant le comité de la Chambre des communes et qui ont déclaré que si une telle liste est utilisée, elle ne devrait pas porter atteinte au droit d'appel.
Je le répète, je préférerais probablement, moi aussi, qu'une telle disposition soit exclue du projet de loi, mais elle fait partie d'un compromis. Tout compte fait, je ne vous suggérerais pas de voter contre la mesure législative parce qu'elle contient cette disposition.
Mon prochain point ne fait pas partie du projet de loi, mais l'une des concessions que le gouvernement a faites, c'est d'inclure dans la mesure législative et dans les règlements connexes l'exigence de créer un comité formé de spécialistes indépendants et chargé de recommander au ministre quels pays inscrire sur la liste. Le Sénat doit absolument conseiller vivement au gouvernement de veiller à ce que les spécialistes nommés pour représenter l'intérêt public et pour faire en sorte que la liste ne contienne que des pays qui méritent la désignation — que ces spécialistes, donc, soient compétents et qualifiés, que la population leur fasse confiance, et qu'ils soient nommés au moyen d'un processus indépendant. Je le répète, ce point ne fait pas partie de la mesure législative, mais il importe que le Sénat le souligne.
L'un des changements principaux apportés au processus, c'est qu'on donnera une entrevue qui sera suivie d'une audience. Les délais prévus ne sont pas donnés dans le projet de loi, mais le gouvernement nous a dit qu'il visait 15 jours pour l'entrevue et 90 pour l'audience. Je conseille vivement au Sénat de déclarer qu'il s'agit là de périodes minimales et que des délais plus courts seraient inacceptables.
L'élément clé qui ressort de tout cela, c'est le besoin de veiller à ce que les demandeurs d'asile soient représentés de façon adéquate sur le plan juridique. Ce point ne fait pas partie, lui non plus, de la mesure législative; or, lorsque des modifications importantes ont été apportées à la loi par le passé, le gouvernement a versé des fonds dans l'aide juridique. À mon avis, il est essentiel que les demandeurs d'asile soient représentés par un conseil compétent, surtout dans le contexte d'un processus juridique dans le cadre duquel des entrevues ont lieu dans un délai de 15 jours. Je recommande donc fortement au Sénat de souligner le besoin de faire en sorte que les demandeurs d'asile aient droit à de l'aide juridique.
Cela dit, comme toute chose, la mesure législative est le fruit de concessions. D'autres témoins ici présents pourraient vous en dire long sur tout le travail que nous avons fait avec les partis de l'opposition et le gouvernement pour tenter d'en arriver à un compromis. Le projet de loi n'est pas parfait, il ne contient pas toutes les dispositions que nous aimerions y trouver, mais, comme M. Goldberg l'a dit, tout bien considéré, nous l'appuyons et nous vous demandons de l'adopter.
Le président : Merci beaucoup à tous. Nous allons maintenant ouvrir une discussion avec les membres du comité. Je vais commencer avec deux ou trois questions.
Madame Dench, vous avez parlé assez longuement des 15 jours; pourtant, la mesure législative stipule clairement que la période de 15 jours représente le délai minimal. Il y a donc une disposition qui prévoit le prolongement du délai si certaines des conditions dont vous avez parlé sont présentes. Cette disposition ne permet-elle pas de traiter des situations qui sont pour vous source de préoccupation?
Mme Dench : Je pense que ce dont nous parlons et ce qui nous préoccupe, c'est la façon dont la mesure législative sera mise en œuvre. La loi précise que le délai minimal est de 15 jours; ainsi, comme vous l'avez dit, elle prévoit la possibilité de prolonger le délai en raison de l'absence d'un avocat ou dans le cas où la demandeure a besoin de plus de temps pour se préparer.
Toutefois, tout dépend de la façon dont on interprète la loi et dont on l'applique. Le comité consultatif de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a tenu une séance la semaine dernière, dans le cadre de laquelle on nous a dit que le Parlement montre clairement qu'il veut que le processus soit extrêmement rapide. Pour cette raison, les membres du comité ne croient pas qu'il sera possible pour eux d'interpréter la loi de la manière que vous venez de suggérer.
Le président : Ce matin, le ministre nous a affirmé qu'il voulait que le système soit rapide et juste. Ce que vous nous dites, c'est que vous vous inquiétez que les agents du gouvernement se concentrent trop sur la rapidité, au détriment de l'équité. Est-ce bien cela?
Mme Dench : Oui, et nous espérons que le Sénat s'assurera qu'on ne perde pas de vue l'équité et qu'elle ne soit pas sacrifiée pour le bien de la rapidité.
Le président : Vous avez aussi mentionné que vous vous inquiétiez au sujet des changements de conditions dans divers pays. Encore une fois, le ministre a dit ce matin qu'il peut agir rapidement si la situation dans un pays change. Il est toujours possible qu'il se produise des revirements dans la situation politique, et on doit toujours surveiller ces choses de près afin de ne pas renvoyer des gens dans un endroit où les conditions ne sont plus ce qu'elles étaient au début du processus. Cette possibilité ne règle-t-elle pas la question?
Mme Dench : Si vous parlez de l'article du projet de loi qui permet au ministre de désigner un pays donné qui serait exempté de l'interdiction de 12 mois qui empêche de mener un examen des risques avant renvoi, ce dont on parle là, sans doute, c'est d'un changement dans la situation du pays d'origine, un changement de gouvernement ou un autre événement politique important.
Cet article permettra de traiter de nombreux cas, mais nous continuons à nous inquiéter pour les gens qui ne sont pas touchés par un changement généralisé des conditions, mais plutôt par un changement dans leur situation personnelle. En effet, le projet de loi ne contient aucune disposition qui permette au ministre d'exempter une personne parce que sa situation à elle a changé.
J'ai donné l'exemple d'une personne dont les membres de la famille ont été arrêtés. On n'a pas affaire ici au genre de changement généralisé de la situation qui pousserait le ministre à déclarer que toutes les personnes originaires de ce pays devraient maintenant être admissibles à l'examen d'évaluation des risques avant renvoi; or, qu'en est-il de la demandeure qui vient de recevoir des nouvelles terrifiantes qui renforcent sa peur d'être d'emprisonnée? En fait, quelqu'un qui examinerait sa situation pourrait bien être d'accord que la demandeure risque d'être emprisonnée; or, sous sa forme actuelle, le projet de loi ne contient aucune disposition qui permette à la demandeure de faire évaluer ses risques.
Le président : Même pas en vertu des dispositions visant les motifs d'ordre humanitaire? J'avais l'impression que la mesure législative prévoyait toutes les situations, d'une façon ou d'une autre.
Mme Dench : Je le répète, très peu de personnes risquent d'être touchées par ce dont nous parlons. L'un des partis de l'opposition a proposé un amendement qui aurait permis une certaine réouverture à l'échelle de la commission grâce à laquelle il aurait été possible pour quelqu'un de présenter une demande et de fournir des renseignements pour expliquer sa situation, par exemple, pour dire : « Les membres de ma famille ont été emprisonnés; s'il vous plaît, examinez mon dossier. » Toutefois, l'amendement a été rejeté.
Il est possible de faire une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire; or, on n'accorde pas de sursis de renvoi dans l'intervalle, et le projet de loi précise également que la personne chargée de juger une demande fondée sur des motifs humanitaires ne peut pas tenir compte des facteurs énumérés aux articles 96 et 97, c'est-à-dire de la définition du terme « réfugié » et des autres risques que comporte le renvoi. Ainsi, le demandeur se trouverait dans une situation difficile puisqu'il aurait de nouveaux éléments de preuve pour montrer qu'il est un réfugié, mais la loi stipule qu'il ne doit pas mentionner la définition de ce terme dans le cadre d'une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire.
Le président : Y a-t-il d'autres témoins qui aimeraient se prononcer sur la préoccupation en question?
M. Waldman : Je trouve la préoccupation fondée, car il semble possible que quelqu'un soit laissé pour compte en raison de cette très petite lacune dans la mesure législative. Nous devons considérer cette possibilité.
Le projet de loi permet au ministre d'exempter les personnes concernées de l'interdiction d'un an dans le cas où il y a un changement dans les conditions du pays. De plus, chaque personne a le droit de faire une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire; la plupart des cas peuvent entrer dans cette catégorie. Toutefois, il est possible qu'une personne coure un risque qui est exclu en raison de la modification et qui n'est pas lié à un changement dans la situation générale. À mon avis, si un tel cas se présentait, la Charte permettrait un recours judiciaire. Au bout du compte, la Charte des droits et libertés stipule clairement qu'on ne peut pas renvoyer une personne dans un pays où elle serait menacée. Si la question factuelle se posait — ce qui pourrait arriver ou non — et que j'étais l'avocat de la personne concernée, je ferais une demande en vertu de la Charte. Il serait difficile pour un tribunal d'autoriser l'expulsion d'une personne qui présente des preuves crédibles de risque. Ainsi, dans une situation de ce genre, la Charte offre le recours ultime.
Le sénateur Plett : Je suis d'accord avec MM. Waldman et Goldberg que le projet de loi n'est pas parfait, mais 308 parlementaires ont travaillé longtemps et fort pour trouver un compromis. Personnellement, je préférais le projet de loi avant qu'on y apporte les changements; au moins, nous nous entendons qu'il n'est pas parfait. Or, on a fait des concessions, et je suis heureux que nous ayons une mesure législative en main.
Avant de siéger au Sénat, j'ai voyagé pendant environ sept ans d'un océan à l'autre et j'ai eu l'occasion de discuter avec des réfugiés et des immigrants partout au pays. Ma prochaine observation semblera peut-être partiale, mais on m'a dit à maintes reprises que le gouvernement fait un travail incroyable pour les immigrants et les réfugiés de notre pays. On me l'a dit à Vancouver, dans le cadre de discussions avec les admirables communautés chinoise et coréenne; à Brampton, avec la communauté sikhe; et à bien d'autres endroits encore. Nombreux sont ceux qui ont fait l'éloge du ministre de l'Immigration, qui occupe son poste depuis un peu plus d'un an.
J'adresse mes questions à l'organisme de Mme Dench.
Depuis que le ministre Kenny est responsable de l'immigration, pouvez-vous nous dire quelque chose qu'il a fait qui mériterait des félicitations? J'ai l'impression que votre organisme a du ressentiment vis-à-vis du gouvernement et du ministre de l'Immigration.
Je vais vous poser ma deuxième question avant que vous répondiez à la première.
Votre organisme a longtemps prôné l'augmentation du nombre de réfugiés réinstallés par le Canada et l'augmentation du budget du Programme d'aide au réétablissement, mais lorsque le ministre Kenney a annoncé une hausse de 20 p. 100 du nombre visé de réfugiés réinstallés et de 20 p. 100 du budget du Programme d'aide au réétablissement, vous avez émis des critiques. En fait, vous avez dit, et je vous cite, que c'était « extrêmement irrespectueux ».
Pourquoi attaqueriez-vous le gouvernement alors qu'il fait quelque chose que vous lui avez demandé de faire? Selon vous, est-ce que la plupart des signataires privés d'entente de parrainage sont de votre avis, à savoir que l'augmentation du nombre de réfugiés parrainés par le secteur privé que le Canada accepte est, comme vous l'avez dit, extrêmement irrespectueuse?
Mme Dench : Au sujet du dernier point, il convient de préciser que mes paroles ont été citées légèrement hors de leur contexte. Je n'ai jamais dit que d'augmenter le nombre de réfugiés réinstallés était irrespectueux. En fait, nous en étions ravis, et je dirais que nous sommes reconnaissants de l'intérêt que le ministre porte aux réfugiés réinstallés. Nous souhaitons que le nombre de réfugiés réinstallés augmente.
Ce que j'ai qualifié d'irrespectueux, c'était que la première publication du ministre contenait une erreur. Je suis certaine que le ministre n'en était pas personnellement responsable, mais on laissait entendre que les réfugiés qui avaient l'intention de demander l'asile ici seraient des réfugiés recommandés par le bureau des visas, et j'ai dit que ce serait irrespectueux de faire une annonce qui exigerait des dépenses énormes des parrains privés sans les consulter d'abord. J'ai demandé aux parrains privés s'ils savaient qu'ils devraient désormais assumer les coûts pour faire venir les réfugiés supplémentaires qui seraient choisis par le gouvernement et non pas par les parrains privés, et ils ont répondu qu'ils n'avaient pas été consultés.
Il s'est avéré qu'une erreur s'était glissée dans le communiqué de presse, et le communiqué a été corrigé. Bien entendu, cela a complètement changé la donne.
Le sénateur Plett : J'imagine que vous avez publié un communiqué de presse pour vous excuser de vos commentaires.
Mme Dench : Nous n'en avons pas émis de prime abord. Le ministre n'a jamais non plus publié de communiqué de presse pour s'excuser de l'erreur que contenait son communiqué de presse.
Le sénateur Plett : Vous prétendez avoir été mal citée, et je n'en suis pas convaincu. Ensuite, vous dites savoir que le communiqué de presse contenait une erreur.
Le président : Nous nous éloignons du sujet, soit le projet de loi C-11.
Mme Dench : J'ai écrit au bureau du ministre pour expliquer les circonstances de mes commentaires et pour m'excuser de tout malentendu.
Le président : Je passe la parole au sénateur Jaffer, de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Jaffer : J'aimerais souligner le travail formidable du Conseil canadien pour les réfugiés et vous remercier personnellement de votre excellent travail. J'ai travaillé avec vous durant de nombreuses années. Les points que vous avez soulevés aujourd'hui sont très importants, et je vous en remercie.
J'aimerais que vous me précisiez quelque chose. En 2004, je comprends que le nombre de demandes d'asile en souffrance était de 20 000, et qu'il est maintenant de 60 000. Qu'est-ce qui ne tourne pas rond dans le système depuis 2004? Pourquoi le nombre de demandes d'asile en souffrance est-il si énorme?
M. Goldberg : Il n'y avait pratiquement plus de demandes d'asile en souffrance en 2006, puis le nouveau gouvernement a presque arrêté de nommer de nouvelles personnes, à un point tel que jusqu'à 40 p. 100 des postes de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié étaient laissés vacants, et cela a provoqué de nouveau l'accumulation des demandes. D'autres facteurs étaient en cause, mais c'était le plus important.
Lorsque le ministre Kenney a été nommé ministre, il a le mérite d'avoir nommé un grand nombre de personnes, ce qui a eu pour effet de pourvoir presque tous les postes, mais le mal était déjà fait et les nouvelles demandes d'asile s'étaient malheureusement accumulées.
Le sénateur Jaffer : Merci de cette précision.
Monsieur Waldman, vous avez prétendu que c'était un compromis et une bonne base en prévision de la prochaine étape de ce processus. Croyez-vous que nous devrions suggérer dans un an, par exemple, d'examiner de quelle manière le nouveau système fonctionne et de soumettre un rapport au Parlement sur la manière dont les choses vont, sur ce qui advient des demandes d'asile en souffrance et de certaines inquiétudes qui ont été mentionnées aujourd'hui?
M. Waldman : Étant donné que j'ai témoigné avec l'ABC à l'examen parlementaire de la loi sur l'antiterrorisme, je crois que c'est toujours une bonne idée que le Parlement examine si la loi a eu l'effet escompté et si la loi a causé des problèmes qui doivent être corrigés. Certains témoins ont déjà fait part de leurs inquiétudes. Si ma mémoire est bonne, cela est survenu dans d'autres cas, et je crois que vous n'avez pas besoin de modifier la loi. Vous pouvez adopter une résolution du comité à cet égard. Si je me souviens bien, vous pourriez inviter les témoins au comité dans une année ou deux pour examiner de quelle manière la loi est appliquée.
Cependant, vous devez vous rappeler que si le projet de loi est adopté, des articles seront promulgués immédiatement, mais d'autres le seront que dans un an ou deux. Donc, il faudrait attendre que le projet de loi soit mis en œuvre avant de procéder à l'examen de la loi. Je crois que l'examen devrait avoir lieu un an après la mise en œuvre du projet de loi. Je suis certain que des problèmes auront fait surface.
Ce qui s'est passé en partie par le passé, c'est que nous avons attendu trop longtemps avant de déceler les problèmes. Lorsque nous sommes rendus à nous pencher sur la question, des problèmes énormes ont déjà fait surface, et il devient alors beaucoup plus difficile de les corriger. Il s'agit d'une suggestion très pertinente que de recommander au Sénat de procéder à des audiences un an après la mise en œuvre pour évaluer l'efficacité de la nouvelle loi — si elle s'applique bien et si les ONG et les autres ont des inquiétudes quant à sa mise en œuvre.
Le sénateur Jaffer : Je félicite le ministre pour la création du processus d'appel; j'en suis ravie, mais il ne sera mis en place que dans deux ans. Nous comprenons qu'un nouveau processus doit être instauré. J'aurais préféré que cela prenne un an, mais le processus ne sera mis en place que dans deux ans.
Que se passe-t-il entre-temps? Il n'y aura pas d'appels pour les deux prochaines années, n'est-ce pas?
M. Goldberg : C'est exact, et je crois que c'est un problème très sérieux. Ce que les organisations de protection des droits de la personne, les groupes d'avocats et les défenseurs ont décrié depuis tant d'années se poursuivra encore deux ans. Des décisions de vie ou de mort sont prises, et aucun appel sur le bien-fondé de la demande ne sera possible jusqu'à la mise en œuvre de la nouvelle loi. Il s'agit d'un problème très sérieux.
Nous espérons que le ministre utilise ses pouvoirs pour assurer un maximum de flexibilité quant à l'étude des demandes en ce qui concerne les motifs d'ordre humanitaire, l'examen des risques avant renvoi et les permis de séjour temporaire, et cetera. Selon nous, il existe de nombreux outils disponibles qui sont mal utilisés ou qui le sont inefficacement et qui pourraient, avec un peu de chance, aider à réduire les préjudices qui continueront d'être infligés au cours des deux prochaines années.
Le président : Ce matin, j'ai porté à l'attention du ministre que des articles de ce projet de loi entreront en vigueur immédiatement, d'autres, dans un an ou deux, et pour une partie, il faudra même trois ans. Il a indiqué aujourd'hui qu'il vise à ce que tout le système soit en place d'ici 12 à 18 mois. Je voulais simplement en informer le comité.
Avez-vous quelque chose à ajouter, sénateur Jaffer?
Le sénateur Jaffer : Si vous me le permettez, est-ce que l'un d'entre vous voudrait parler du processus d'appel et des inquiétudes? Plus important encore, vous avez mentionné le processus d'ordre humanitaire, mais ce qui m'inquiète, c'est qu'on doit démontrer les préjudices et ne pas se référer à la demande originale. Si je ne m'abuse, on doit démontrer davantage de préjudices et ne pas se référer à sa demande originale. Quels sont vos commentaires à cet égard?
M. Waldman : Cette modification était un compromis. Selon le gouvernement, étant donné que les personnes rempliraient une demande d'asile, au cours de l'étude de laquelle les craintes quant aux risques mentionnés dans la définition seraient examinées, il n'était pas nécessaire de l'inclure dans l'examen des considérations humanitaires. Il existe une certaine logique derrière tout cela. Outre la situation que Mme Dench a mentionnée, où un changement survient après que la décision sur le statut de réfugié est rendue, il paraît logique qu'un groupe de spécialistes sur les réfugiés prennent de telles décisions.
Cependant, le problème, c'était que la jurisprudence et ceux d'entre nous qui travaillent dans le domaine reconnaissent que certaines personnes évaluent des risques qui ne se retrouvent pas dans la définition de réfugié. La définition de réfugié stipule qu'il doit s'agir d'un risque particulier à l'égard de sa personne. Il existe certaines exceptions, mais il s'agit du concept général. Il arrive parfois que la commission du statut du réfugié confirme que la vie de la personne peut être menacée, mais il s'agit d'un risque auquel tout le monde fait face. Il s'agit d'un risque général.
La jurisprudence a exclu cet élément de la définition de réfugié. En ce qui concerne la façon dont le projet de loi était rédigé, nous craignions que, si on ne considérait plus les risques dans les motifs d'ordre humanitaire, cela soit perdu. En ce moment, s'il ne s'agit pas d'un danger particulier, la loi dit que cela ne fait pas partie du système d'octroi de l'asile, mais cela peut être pris en compte dans la demande de statut de réfugié pour des considérations humanitaires. Néanmoins, l'ajout de la modification qui dit qu'on peut considérer tout ce qui se retrouve dans la définition de réfugié — on peut considérer les difficultés — visait à pallier les situations où des risques généraux sont en cause.
Je crois que c'est probablement efficace. Encore une fois, c'était un compromis, mais je crois que cela réussit à calmer les inquiétudes que nous avions au sujet de cette modification.
Le sénateur Jaffer : Puis-je commencer la deuxième série de questions?
Le président : Il ne reste personne sur ma liste. Vous pouvez donc poursuivre.
Le sénateur Jaffer : Mmes Dench ou McWeeny, voudriez-vous dire quelque chose?
Elizabeth McWeeny, ancienne présidente, Conseil canadien pour les réfugiés : J'aimerais répondre au commentaire fait plus tôt par le sénateur Plett, plus précisément ses propos sur la réponse du CCR au sujet de l'annonce de l'augmentation du nombre de réinstallations. Il est évident que nous avons toujours souhaité une augmentation du nombre de réinstallations.
En plus de ce que Mme Dench et les autres ont déjà dit, nous étions également inquiets du lien entre cette annonce et le processus pour faire adopter ce projet de loi et les modifications en matière de protection. Selon nous, ces deux choses ne devraient jamais être associées. La protection est un droit, tout comme l'asile. La réinstallation est une responsabilité partagée avec d'autres pays. C'est en plus de nos obligations en matière de protection, mais cela n'y est pas conditionnel ou n'en dépend pas.
Lorsque les deux annonces ont été faites à une journée d'intervalle et que le ministre a fortement insisté sur le fait que les réinstallations auront lieu en même temps que la réforme, cela nous a passablement inquiétés.
Avons-nous trouvé une action du ministre qui mériterait des félicitations? Voulez-vous que nous lancions le débat? D'accord.
Le président : Non, cette conversation est terminée. Tenons-nous-en au projet de loi C-11.
Mme McWeeny : Pour ce qui est du projet de loi C-11, l'une des choses que nous devrions probablement regarder plus attentivement, c'est les échéanciers. Je suis une signataire d'entente de parrainage, mais je travaille également avec les réfugiés en matière de protection.
Pour vraiment expliquer l'échéancier de 15 jours, je fais passer une entrevue aux demandeurs d'asile lorsqu'ils se présentent pour la première fois au bureau. Je débute en leur demandant : « Pourquoi le Canada devrait-il vous accorder l'asile? Racontez-moi votre histoire. » Il se peut qu'ils répondent en une phrase. Certaines personnes ont besoin de beaucoup de temps avant d'être en mesure de raconter leur histoire.
Ils n'ont même pas confiance en leurs capacités pour pouvoir raconter leur histoire; il ne s'agit pas seulement du fait qu'ils ne font pas confiance à la personne à qui ils la racontent. Nous devons être très sensibles au fait que certaines personnes ne peuvent pas en parler avant qu'un certain niveau de confort ait été établi avec l'interlocuteur et avec les gens qui les aident à se préparer. En tant que membre d'une ONG, et non pas en tant qu'avocate, par le passé, je les ai aidées à remplir leur formulaire de renseignements personnels. Il s'agissait d'un processus très long.
Maintenant, lorsque nous passons les gens en entrevue, nous cherchons quelque chose qui aurait le pouvoir de passer outre cette vulnérabilité, si cela dépasse la portion administrative. Il est très important d'y accorder un poids prépondérant dans le rapport sénatorial.
Le sénateur Seidman : Merci beaucoup d'être venue discuter de ces sujets très importants cet après-midi. Ce projet de loi a probablement été un travail de compassion et d'engagement de la part du ministre et du gouvernement depuis environ 18 mois. Grâce aux consultations avec les parties concernées et les autres partis politiques et grâce aux nombreux conseils de spécialistes, nous avons un projet de loi important que bon nombre de gens prétendent peut-être être imparfait, mais il apporte des correctifs très évidents aux sections du système qui en ont vraiment besoin.
Messieurs Goldberg et Waldman, vous en avez tous les deux parlé et vous travaillez activement auprès des demandeurs d'asile à titre de conseillers juridiques. Pourriez-vous nous dire pourquoi vous croyez que ces modifications sont nécessaires au système de détermination du statut de réfugié du Canada?
M. Goldberg : La première chose que je peux vous dire après avoir travaillé 20 ans à titre d'avocat pour les réfugiés, c'est que l'une des choses les plus terrifiantes pour mes clients, c'est d'entrer dans la salle d'audience sans savoir qui seront les membres présents de la Section de la protection des réfugiés. Mes clients ont raison d'être terrifiés, parce qu'il y a une énorme différence entre les différents membres. Certains membres ont un taux d'acceptation de 5 p. 100, alors que d'autres ont un taux d'acceptation de 90 p. 100 pour le même pays. Nous avons dû travailler toutes ces années sans un droit d'appel sur le bien-fondé. Il est vrai que les demandeurs pourraient faire une demande d'autorisation par écrit à la Cour fédérale pour pouvoir tenir une audience afin que les avocats puissent les défendre en se fondant sur les questions de droit et non pas sur les problèmes de crédibilité ou sur le bien-fondé.
Le processus à ses limites pour ce qui est des nouveaux éléments, comme je l'ai mentionné, mais selon la manière dont il est mis en place, j'insiste sur ce point, cela peut avoir de graves répercussions sur ces décisions de vie ou de mort. Lorsque je dis « selon la manière dont il est mis en place », je fais allusion au fait que la CISR, comme l'a mentionné Mme Dench auparavant, a été informée la semaine passée par le bureau du ministre qu'il souhaitait que le délai prescrit pour la Section d'appel des réfugiés soit de 15 jours. Autrement dit, nous aurions 15 jours pour soumettre par écrit une notification et un plaidoyer. J'espère que ce n'est pas vrai. Il s'agit peut-être d'une position que le ministre aimerait négocier avec nous. Je ne sais pas, mais, si c'est vrai, le système serait la risée du monde.
La CISR en ressentirait énormément les effets, parce qu'il y aurait un déluge de demandes pour reporter l'échéance et des plaidoyers très mal rédigés. Il faut se rappeler que c'est seulement dans des cas exceptionnels que des plaidoyers oraux sont acceptés. Donc, la réussite ou l'échec dépendent des plaidoyers écrits.
Si la période de 15 jours se retrouve dans la réglementation, alors le ministre n'est pas sérieux en ce qui concerne le droit d'appel sur le bien-fondé.
M. Waldman : J'aimerais ajouter quelque chose brièvement. Je suis d'accord avec ce que M. Goldberg a dit. J'ai quelques années de plus dans le domaine que M. Goldberg, et il me semble que le manque d'un véritable droit d'appel a engendré une difficulté énorme au fil des années. L'ajout d'un processus d'appel sera un important progrès. Je suis d'accord que le Sénat, pour apporter sa contribution, pourrait presser le gouvernement, au moment de la mise en place du système, de s'assurer que les délais prescrits du processus d'appel sont au moins semblables aux délais prescrits par la Cour fédérale, qui accorde 15 jours pour soumettre la notification et 30 jours pour soumettre la documentation, ce qui est une période assez courte, mais c'est faisable. Cependant, une période de 15 jours n'est pas un délai raisonnable. Avec ces délais insensés, le gouvernement donne d'une main et reprend de l'autre; ce n'est pas une manière raisonnable d'agir.
Il est également important de reconnaître que le gouvernement s'est engagé à affecter les ressources nécessaires au nouveau système. Un des problèmes chroniques que nous rencontrons en droit des réfugiés, depuis le temps que je travaille dans ce domaine, c'est le manque constant de ressources suffisantes dans le système pour réaliser notre travail. On accuse sans cesse les commissions et les tribunaux d'être inefficaces alors qu'en réalité, ils ne reçoivent pas assez de ressources pour accomplir le mandat qui leur est attribué. Il faut comprendre que le processus décisionnel est souvent long et complexe. On ne peut pas se permettre de faire les choses à la va-vite si on veut s'assurer que les bonnes décisions soient prises. Étant donné les enjeux, on a intérêt à ne pas commettre d'erreur.
Le gouvernement a clairement indiqué son intention d'affecter les ressources nécessaires. Si cela devient réalité, les avantages seront extrêmement importants.
N'oubliez pas : chaque fois qu'un nouveau système est mis en œuvre, un des principaux défis consiste à s'attaquer à l'arriéré. Notre arriéré sera énorme. Le gouvernement affirme qu'il essaiera de le réduire au cours des 12 à 18 prochains mois, jusqu'à ce que le nouveau système soit mis en œuvre, mais l'arriéré persistera quand même. Le gouvernement devra veiller à ce que des ressources soient en place pour assurer la transition. On a beau disposer d'un système qui fonctionne à merveille quand vient le temps de s'occuper de nouveaux cas, mais s'il est déjà engorgé de 20 ou 30 dossiers, il ne pourra plus fonctionner. On doit donc avoir, dès le départ, suffisamment de ressources pour résorber l'arriéré, puis pour s'adapter au nouveau système.
L'engagement pris par le gouvernement de consacrer des ressources suffisantes et adéquates au système constituerait un changement important par rapport à ce que nous avons observé au cours de nombreuses années, sous les deux gouvernements — une insuffisance chronique de ressources, ce qui crée des retards.
Le sénateur Seidman : Vous venez de dire, tous deux, que la situation actuelle est nettement meilleure que celle qui existait dans le passé. Tous mes remerciements pour ce compliment.
Le sénateur Eaton : C'est une discussion fascinante parce que rien n'est tout noir ou tout blanc.
Monsieur Waldman, nous avons entendu le ministre ce matin. Il a affirmé qu'un montant de 500 millions de dollars sera injecté dans le système. Malgré l'austérité budgétaire qui caractérise notre époque, il y a un excellent climat de bonne volonté.
Ce qui me dérange quand j'entends les propos de Mmes McWeeny et Dench, c'est que du point de vue des contribuables canadiens, au risque de passer pour un sans-cœur, vous êtes en train de dire, mesdames, que toute personne qui cherche à contourner la liste d'attente ternit la réputation de notre système de détermination du statut de réfugié. Ces resquilleurs ne sont pas des réfugiés de bonne foi, mais peut-être de soi-disant immigrants de la composante économique qui ne veulent pas faire la queue. Peut-on envisager une solution? Compte tenu de votre très vaste expérience de travail avec les réfugiés, vous arrive-t-il de dire à un client qu'il ne remplit pas les critères? Lui dites- vous carrément qu'il n'est pas un réfugié, mais un immigrant? Lui conseillez-vous de retourner dans son pays et de faire une demande d'immigration? Est-ce que cela arrive? Avez-vous déjà eu à fournir ce genre de conseils?
Mme Dench : Vous seriez surprise d'apprendre à quel point ces cas constituent le pain quotidien de nos organisations membres. Parmi leurs clients, il y en a certains qui ont bel et bien besoin de protection, mais il y en a aussi d'autres qui sont mal conseillés par un tiers et qui présentent une demande d'asile alors qu'il n'existe aucun fondement. Pendant plusieurs années, notre organisation a sans cesse soulevé ces problèmes au gouvernement, puisque nous savons fort bien que certains demandeurs d'asile n'ont pas besoin de protection et ne devraient pas se trouver dans le système et que nous avons besoin de moyens efficaces pour reconnaître et traiter ces cas.
Le sénateur Eaton : Avez-vous fait part de ces problèmes?
Mme Dench : Nous les avons soulevés à maintes reprises au cours de rencontres avec le ministère. Nous avons formulé des recommandations pour régler ce genre de cas. Les contribuables ont les mêmes préoccupations que nous. Le bon fonctionnement du système de détermination du statut de réfugié nous tient également à cœur, et nous voulons que ce système jouisse de l'appui des Canadiens. Nous ne souhaitons pas le contraire. Je ne crois pas que nos objectifs soient aussi différents que vous ne le pensiez. Il est difficile de déterminer le statut de réfugié...
Le sénateur Eaton : À vous entendre, on a l'impression que le projet de loi n'a rien de bon à offrir. Notre pays a besoin de beaucoup d'immigration. Cela m'inquiète quand des organisations comme la vôtre se présentent devant un comité et ne disent pas grand-chose de positif sur le projet de loi ou sur ce qui est le fruit d'un consensus. De tels propos n'aboutissent à rien parce qu'ils ne font que renforcer l'hostilité parmi les Canadiens, pour qui le projet de loi présenté à la Chambre des communes est une excellente mesure législative.
Mme McWeeny : Je vais répondre à cette observation, et Mme Dench voudra peut-être ajouter quelque chose.
Le système dont nous disposions avant le projet de loi C-11 était un bon système. Malgré ses nombreux défauts, il a été reconnu à l'échelle mondiale comme un exemple à suivre.
Je ne suis pas d'accord avec le sénateur Plett, car la première mouture du projet de loi ne m'avait pas plu. Un certain nombre de représentants du CCR, dont Mme Dench et moi, ont quelque peu participé aux discussions sur les modifications éventuelles et, bien entendu, sur les questions qui pourraient être soulevées lors des délibérations en comité.
Nous avons fini par faire un pas de géant par rapport à notre point de départ. Je crois que personne ne peut le nier. Nous avions été consternés et horrifiés par certaines dispositions clés dans la version initiale du projet de loi, non seulement parce qu'elles ne réglaient pas les problèmes actuels du système, mais parce qu'elles représentaient un pas en arrière.
Cela dit, il y a sûrement eu quelques progrès. Quoi qu'il en soit, une des fonctions du Conseil canadien pour les réfugiés consiste à signaler où se trouvent les lacunes. Tel est notre mandat; nous ne sommes pas là pour nous lancer des fleurs. Nous sommes là pour observer la situation et pour parler des lacunes parce que nous voulons instaurer un meilleur système pour les réfugiés, tout comme chaque Canadien. Nous nous entendons là-dessus. Nous voulons un bon système, mais encore faut-il que celui-ci soit conçu de façon à ce que personne ne puisse passer à travers les mailles du filet.
Voilà donc l'argument de départ de notre témoignage d'aujourd'hui. Nous ne voulons pas de mesure législative axée sur l'oppression et l'exclusion. Nous voulons tout le contraire.
Le sénateur Eaton : D'après ce que vous venez de dire, vous avez donc passé en revue le projet de loi et, en somme, vous avez eu certaines bonnes choses à dire à son sujet. Je suis désolée si j'ai mal compris.
Mme McWeeny : Nous avions très peu de bonnes choses à dire au début; il n'y a aucun doute là-dessus. Quant aux raisons ayant motivé les modifications proposées, sachez que nous visons l'amélioration continue du système. Voilà pourquoi nous soulevons ces points.
Le sénateur Eaton : En guise de première étape, nous devrions adopter le projet de loi, et vous pourrez faire ce qui s'impose à partir là.
Le président : Je pense que nous en avons déjà discuté.
M. Waldman : Je tenais simplement à ajouter une observation sur l'argument concernant les immigrants de la composante économique. En tant qu'avocats, M. Goldberg et moi traitons constamment ce genre de cas. C'est un gros problème. En fait, c'est partiellement attribuable aux mauvais conseils donnés par les consultants, tant les consultants non agréés que les consultants agréés, qui encouragent les gens à présenter des demandes d'asile frauduleuses. D'habitude, lorsque ceux-ci finissent par venir nous voir, ils en sont déjà aux dernières étapes du processus.
Il y a là un problème grave. Pour vous dire franchement, j'ai dû porter de nombreuses plaintes à la GRC au sujet des consultants. Toutefois, la GRC nous dit n'avoir ni les ressources, ni le personnel, ni l'intérêt pour intenter une poursuite. Tant et aussi longtemps que nous permettrons à des consultants sans scrupules de tirer profit des gens, d'empocher des sommes importantes et d'encourager ces derniers à s'engager dans des activités frauduleuses, ce problème persistera.
Le sénateur Eaton : C'est la raison pour laquelle le ministre Kenney a prévu la tenue d'une entrevue permettant de déterminer le point de vue de l'avocat et l'histoire réelle du réfugié.
En tout cas, je vous remercie, monsieur le président.
Le sénateur Merchant : Merci à vous tous de nous expliquer les différents aspects du projet de loi.
J'aimerais me pencher sur la question du pays d'origine sûr. Pourriez-vous nous expliquer un peu comment cela fonctionnera et quelles en seront les conséquences? Vous avez parlé de la politisation du système de détermination du statut de réfugié. Pourriez-vous nous donner plus de précisions là-dessus, aux termes de la version actuelle du projet de loi proposée en guise de compromis?
M. Goldberg : D'après l'Association du Barreau canadien, l'idée même de désigner certains pays comme étant des pays « sûrs » pose problème. La situation évolue sans cesse; ce qui paraît sans danger pour certains ne l'est pas pour d'autres. On cite souvent l'exemple des homosexuels, des femmes qui craignent la violence conjugale et des enfants.
Prenons le cas d'un pays qui tient des élections, comme le Mexique. Des élections ont lieu tous les quatre ans, mais la situation des droits de la personne dans ce pays est extrêmement précaire : des agents de police, des défenseurs des droits de la personne et des journalistes perdent la vie; des milliers d'assassinats sont commis chaque année, sans compter la corruption qui sévit dans le système judiciaire et la force policière. Pourtant, le ministre a déclaré publiquement, à maintes reprises, que le Mexique serait ajouté à la liste des pays sûrs.
Par conséquent, cette question nous inquiète beaucoup. À notre avis, on devrait continuer à suivre un processus individualisé, dans lequel un commissaire de la CISR étudie les mérites de chaque cas.
Je me contenterai de dire ceci : la beauté de ce processus — et je suis désolé si je saute des étapes —, c'est la façon dont tous les partis politiques ont travaillé ensemble. Le ministre a tendu la main à l'opposition. Tous les partis ont endossé cette mesure législative. Mis à part le processus, d'autres efforts ont été déployés en coulisse : divers intervenants et organisations ont joué un rôle en vue de rassembler les partis et de défendre ces questions. Voilà de quoi rendre fiers tous les Canadiens.
Je souligne que l'un des principaux joueurs dans ce beau processus a été le Conseil canadien pour les réfugiés, grâce à ses efforts très constructifs et à sa contribution fort importante. On n'en entend pas parler dans les médias parce que ce travail se fait dans l'ombre. Personne n'est là pour s'attribuer le mérite, mais je pense que le CCR reflète la conscience du Canada, et j'en suis fier.
Le sénateur Jaffer : Bien dit.
Le sénateur Merchant : Par politisation, voulez-vous dire que d'autres pressions risquent de s'exercer sur les gouvernements lorsqu'ils déclarent un pays sûr? Le Mexique, par exemple, est un partenaire commercial. Y a-t-il d'autres pressions qui pourraient entrer en ligne de compte, d'après vous?
M. Goldberg : On doit tenir compte de certains critères dans la loi qui, comme on le dit en bon français, valent ce qu'ils valent. L'expérience récente nous a montré que la Cour d'appel fédérale ne les appliquera pas si nous essayons d'interjeter appel. Cela ne débouchera probablement sur rien parce qu'on considère qu'il s'agit d'un processus politique.
Mme Dench : De notre point de vue, quand on se met à désigner des pays comme étant conformes ou non aux droits de la personne, cela risque inévitablement d'avoir une incidence sur les efforts diplomatiques. Par exemple, si on a placé un pays dans la liste des pays sûrs, mais qu'on décide de le retirer, les dirigeants de ce pays pourraient s'en offusquer.
C'est une préoccupation dont on doit tenir compte au Cabinet, parce que ce n'est pas vraiment une situation souhaitable. La détermination du statut de réfugié est toujours une tâche un peu difficile puisqu'on parle de violations des droits de la personne dans un autre pays; après tout, on tente de déterminer si un État est apte ou disposé à protéger ses citoyens.
La seule façon dont le système pourrait fonctionner, c'est si on parvient à l'isoler du monde politique. On dirait alors qu'il s'agit d'un recours individualisé pour un particulier, sans aucune intention d'étiqueter ou de critiquer un pays. En général, les systèmes de détermination du statut de réfugié peuvent se tenir loin de la politique. En tout cas, c'est ce que nous avons réussi à faire au Canada pendant de nombreuses années.
Ce qui nous inquiète, c'est que vous vous avancez de nouveau sur des terrains politiques minés de ce genre.
Le président : À moins que quelqu'un ait quelques dernières observations à formuler, nous allons nous arrêter, car notre temps est écoulé.
M. Waldman : Je suis d'accord. Je crois que la liste est problématique parce qu'elle risque d'être politisée. C'est également la raison pour laquelle nous nous y sommes opposés. Nous avons constaté à quel point le processus avait été politisé dans le cas du Mexique. Il y a aussi l'exemple du réfugié sud-africain qui a été accepté parce qu'il était blanc et qu'il craignait d'être persécuté en raison de sa race. Cela a provoqué un énorme incident diplomatique entre l'Afrique du Sud et le Canada.
Bien que le statut du réfugié soit censé être déterminé au cas par cas par un tribunal indépendant, il est clair que la décision rendue prend un caractère politique lorsqu'elle défraie la chronique. Le problème, c'est qu'en dressant une liste, vous politisez le système de détermination du statut du réfugié.
Cela étant dit, il était très important d'inclure le critère, afin qu'en toute occasion, le gouvernement puisse se tirer d'embarras en disant : « vous ne figurez pas sur la liste, mais l'un de nos critères exige qu'un certain pourcentage de demandeurs d'asile provienne d'un certain pays, et vous ne remplissez ni ce critère, ni l'autre. » Cela atténue l'affront.
Je partage effectivement vos inquiétudes. Cela étant dit, en fin de compte, je peux me contenter de ce projet de loi, compte tenu des modifications qui lui ont été apportées.
Le président : Le temps qui nous était imparti est écoulé, mais je vous remercie tous les cinq d'être venus et d'avoir contribué à cette discussion sur le projet de loi C-11. Vous nous avez tous fourni de très précieux renseignements.
Chers collègues, nous allons maintenant suspendre nos travaux pendant une heure. Ensuite, je ramènerai les hauts fonctionnaires de Citoyenneté et Immigration Canada et de l'Agence des services frontaliers du Canada, je crois. Si vous désiriez poser des questions aux fonctionnaires pendant la visite du ministre ce matin, vous pourrez le faire ou poser toute autre question. J'ai des questions à leur poser, et peut-être est-ce également votre cas.
Après la comparution des hauts fonctionnaires, nous procéderons à l'étude article par article du projet de loi, ce qui durera jusqu'à 19 heures.
Nous allons maintenant suspendre nos travaux. J'aimerais remercier les membres de notre groupe d'experts.
(La séance est suspendue.)
(La séance reprend.)
Nous allons reprendre notre examen du projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et la Loi sur les Cours fédérales. Je souhaite de nouveau la bienvenue aux quatre hauts fonctionnaires qui sont ici pour nous aider à cet égard. Nous accueillons Les Linklater, Jennifer Irish, John Butt et Luke Morton de Citoyenneté et Immigration Canada.
Ce matin, nous avons entendu le ministre pendant que vous étiez ici. Nous avons également entendu le témoignage de quelques autres personnes à propos du projet de loi C-11, et cela a soulevé certaines questions. Chers membres, si je pouvais obtenir et consigner les noms de toute personne qui souhaite poser des questions aux hauts fonctionnaires, j'amorcerais le processus.
Le représentant du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, de l'UNHCR, a indiqué que le projet de loi modifié les satisfaisait mais que, d'après les entrevues qu'ils avaient menées auprès des gens qui avaient eu recours au système, 30 p. 100 d'entre eux n'avaient pas été adéquatement représentés par des avocats et n'avaient pas eu accès à des services d'interprétation. Pouvez-vous formuler des observations à propos de cette situation? Que faites-vous dans ces cas- là? J'espère que je rapporte fidèlement ce qu'il a dit. Peut-être que certains d'entre vous étaient ici et ont entendu son témoignage, mais 30 personnes sur 100 représentent un important pourcentage.
Jennifer Irish, directrice, Développement des programmes et politiques des droits d'asile, Citoyenneté et Immigration Canada : L'UNHCR surveille régulièrement le régime canadien de l'asile, y compris les audiences de la CISR et les procédures au point d'entrée. Lorsque l'UNHCR a mentionné les 30 personnes sur 100, il faisait surtout allusion au manque d'avocat aux points d'entrée. Quand un demandeur d'asile se présente à un point d'entrée, une entrevue est menée pour déterminer la recevabilité de la demande et l'admissibilité du demandeur, et certains renseignements préliminaires sur la demande sont consignés. Lorsque le nouveau système sera mis en œuvre, la plupart de ces renseignements seront recueillis au cours de l'entrevue de triage, l'entrevue de collecte de renseignements qui aura lieu 15 jours plus tard.
En ce qui concerne la présence d'avocats aux audiences de la CISR, au cours des cinq dernières années — nous avons vérifié ce fait à deux reprises auprès de la CISR —, de 89 à 94 p. 100 des demandeurs étaient représentés par un avocat lors de leur audience devant la Section de la protection des réfugiés ou de leur premier palier d'audience.
Le président : Pensez-vous que cette question sera problématique une fois la nouvelle procédure adoptée? Croyez-vous qu'elle améliorera l'accès aux avocats et aux services d'interprétation? Vous dites que cette lacune se produit à l'étape initiale et qu'elle ne s'appliquera pas l'étape où l'entrevue aura lieu.
Mme Irish : Habituellement, les avocats ne sont pas disponibles au point d'entrée et ne le seront pas non plus dans le cadre du nouveau régime. Toutefois, le nouveau régime présente l'avantage suivant : en règle générale, les renseignements du demandeur ne seront pas recueillis au point d'entrée; un fonctionnaire de la CISR les consignera à l'étape de la collecte des renseignements.
Le président : Deuxièmement, M. Goldberg de l'Association du Barreau canadien a mentionné qu'il était préoccupé par la période d'appel. Les avocats ont 15 jours pour déposer l'avis d'appel et pour présenter le mémoire ou le document quel qu'il soit qui est nécessaire pour justifier la cause. Il avait le sentiment que cette période était extrêmement brève. Pourriez-vous formuler des observations à cet égard?
Mme Irish : Oui, le nouveau modèle prévoit que les avocats disposeront d'une période de 15 jours pour interjeter appel de la décision rendue au premier palier et pour mettre l'appel en état. Cette période sera stipulée dans le Règlement. Par conséquent, elle sera publiée dans la Gazette et fera l'objet de consultations. On prévoit que la période de 15 jours qui suivra le premier palier d'audience servira à déposer l'avis d'appel ainsi qu'à mettre l'appel en état.
Le président : Ce délai n'est-il pas plutôt déraisonnable? À l'heure actuelle, lorsqu'un appel est interjeté auprès de la Cour fédérale, les avocats disposent de 15 jours pour déposer l'avis d'appel, mais je crois comprendre qu'ils ont jusqu'à 30 jours pour mettre l'appel en état, comme vous le dites, ou soumettre l'affaire. Vous concentrez tout le processus en 15 jours. N'est-ce pas exagéré?
Mme Irish : Nous croyons que cette période suffit. Si vous la comparez à celle adoptée par d'autres pays, vous constaterez qu'en fait, elle est probablement plus longue. Nous avons le sentiment que 15 jours suffisent à mener à bien ce processus mais, comme je l'ai mentionné, la durée de cette période sera publiée dans la Gazette. Lorsque le temps viendra, ces délais feront l'objet d'une publication préalable et de consultations.
Le président : En d'autres termes, lorsque le Règlement sera publié dans la Gazette du Canada, les gens auront l'occasion de formuler des observations et d'indiquer s'ils jugent cette période problématique, et un changement pourra être apporté à ce moment-là?
Mme Irish : C'est exact, monsieur le président.
Le président : Dans la partie consacrée aux motifs d'ordre humanitaire, des droits afférents sont mentionnés. Quels sont ces droits, et qu'est-ce qui motive cette disposition, en particulier quand il s'agit ici de réfugiés et non d'immigrants ordinaires? Nous parlons de réfugiés en ce moment.
Les Linklater, sous-ministre adjoint, Politiques stratégiques et programmes, Citoyenneté et Immigration Canada : En fait, les demandes d'asile pour motifs d'ordre humanitaire permettent aux gens qui ne remplissent pas les autres critères prévus par la loi ou le Règlement de demander et d'obtenir le statut de résident permanent. Habituellement, toutes les personnes qui présentent une demande d'asile pour motifs d'ordre humanitaire, y compris celles qui ont eu recours en vain au système de détermination du statut du réfugié, mais qui se trouvent au Canada et qui cherchent à y rester, doivent débourser des frais. Cela s'applique également aux gens qui présentent une demande à partir de l'étranger. Par exemple, il peut s'agir de membres d'une famille élargie qui dépendent de leurs parents au Canada pour subsister et qui souhaitent les rejoindre, mais qui n'appartiennent pas à la catégorie de la famille. Eux aussi peuvent demander que leur dossier soit examiné pour des raisons d'ordre humanitaire.
Étant donné qu'il ne s'agit pas d'un programme de protection en soi, mais plutôt d'une occasion particulière de demander le statut de résident permanent au Canada, des frais sont habituellement imposés. Nous cherchons à clarifier ce point dans le projet de loi, afin qu'il soit bien entendu qu'un droit sera perçu pour chaque demande d'asile présentée pour des motifs d'ordre humanitaire.
Le président : De quel genre de droit parlons-nous?
M. Linklater : Il est conforme au droit exigé pour le traitement d'une demande de résidence permanente, qui s'élève à 550 $ par adulte.
Le président : Vous demandez une somme pareille à des réfugiés, à des gens qui, dans certains cas, arrivent ici sans le sou?
M. Linklater : Dans le contexte de la réforme du système de détermination du statut de réfugié, notre organisme impose ces frais à des personnes qui se sont vu refuser le statut de réfugié.
Le président : Je croyais que nous parlions de réfugiés. C'est ce dont traite le projet de loi C-11.
Luke Morton, avocat-conseil, gestionnaire, Équipe juridique pour les réfugiés, Services juridiques, Citoyenneté et Immigration Canada : C'est ce qui contribue à la confusion. Comme M. Linklater le disait, cette disposition codifie les pratiques actuelles. N'importe qui peut présenter une demande d'asile pour motifs d'ordre humanitaire et, au sein du système de détermination du statut de réfugié, on peut s'adresser à la Section de la protection des réfugiés ou présenter une demande d'examen des risques avant renvoi gratuitement. Toutefois, à l'extérieur du régime de protection, on peut présenter une demande d'asile pour motifs d'ordre humanitaire et, à l'heure actuelle, tout le monde doit débourser 550 $ pour le faire. La disposition codifie simplement dans la loi les pratiques actuelles.
Le président : Que se passe-t-il s'il s'agit d'un réfugié?
M. Morton : S'il s'agissait d'un réfugié, je présume qu'il serait protégé par la SPR et qu'il obtiendrait ainsi le droit d'établissement. Le programme fondé sur des motifs d'ordre humanitaire n'est pas axé sur les réfugiés. En revanche, il existe un programme de protection qui comprend la Section de la protection des réfugiés, la Section d'appel des réfugiés et l'examen potentiel des risques avant renvoi, compte tenu des délais qu'il comporte. À l'extérieur du régime de protection, il y a les demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire, qui n'ont rien à voir avec la protection ou...
Le président : Je comprends ce que vous dites. Vous soutenez qu'un réfugié, une personne qui peut finalement être considérée comme un réfugié, n'aurait pas le droit de présenter une demande d'asile pour motifs d'ordre humanitaire?
M. Morton : C'est en partie ce dont vous discutiez plus tôt avec certains des témoins. L'une des modifications vise à empêcher que les facteurs de risque énumérés aux articles 96 et 97 soient pris en considération lors de l'évaluation des demandes d'asile pour motifs d'ordre humanitaire. Comme je l'ai expliqué précédemment, nous cherchons à clarifier que le fait que ces demandes ne sont pas des demandes de protection. La CISR offre suffisamment de mécanismes de recours — il y a la SPR, la SAR et l'ERAR. Les demandes d'asile pour motifs d'ordre humanitaire ne sont pas des moyens d'obtenir une protection. Elles sont acceptées pour des raisons d'ordre humanitaire.
Le sénateur Jaffer : Vous étiez dans la salle quand la représentante du Conseil canadien pour les réfugiés a parlé des sérieuses difficultés auxquelles sont confrontées les personnes qui présentent des demandes d'asile pour motifs d'ordre humanitaire. Pouvez-vous expliquer si, d'après vous, ses préoccupations sont légitimes?
Mme Irish : Je peux certainement expliquer ce qui motive la proposition.
Le sénateur Jaffer : « Légitime » n'est pas le bon mot. Quelles sont les raisons du gouvernement?
Mme Irish : Nous avons retiré les facteurs de risque du processus d'évaluation des demandes d'asile pour motifs d'ordre humanitaire parce que nous voulions établir clairement une distinction entre les deux programmes. Le système de détermination du statut de réfugié continuera de se consacrer à l'évaluation des risques illustrée au Canada par les articles 96 et 97 de la LIPR, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
À l'avenir, les gens qui seront chargés d'évaluer les demandes d'asile pour motifs d'ordre humanitaire ne seront pas en mesure de tenir compte des facteurs de risque, ce qui éliminera l'important chevauchement qui existe à l'heure actuelle dans notre système. Au lieu d'avoir deux branches du gouvernement qui examinent la même demande en fonction des mêmes critères, dorénavant, s'il s'agit d'un réfugié, on s'attendra à ce qu'il fasse appel au système de détermination du statut de réfugié. S'il souhaite que des facteurs humanitaires soient pris en considération, il peut présenter une demande distincte à cet effet. Il n'y aura plus de chevauchement en matière d'évaluation des risques.
Pour veiller à ce qu'une demande d'asile pour motifs d'ordre humanitaire puisse toujours tenir compte de facteurs apparentés aux risques qui ne répondent pas aux critères énoncés aux articles 96 et 97, on a indiqué clairement dans la modification que les difficultés exceptionnelles peuvent être prises en considération.
Je n'ai pas l'intention d'essayer de dresser une liste complète des aspects à prendre en considération, mais des facteurs tels que des situations généralisées à l'échelle du pays, une discrimination systématique, l'intérêt de l'enfant ainsi que les facteurs dont l'organisme a tenu compte dans le passé peuvent toujours être étudiés dans le cadre de l'évaluation des demandes d'asile pour motifs d'ordre humanitaire. Tout facteur qui répond aux critères énoncés aux articles 96 et 97 relèvera de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ainsi que du système de détermination du statut de réfugié.
Le sénateur Jaffer : C'est utile. Si je ne m'abuse, la manière dont une personne s'y est prise pour s'établir — si elle a décroché un emploi ici, par exemple — est l'un des facteurs humanitaires que l'on examine actuellement. Continuerait- on d'en tenir compte dans le cadre des considérations d'ordre humanitaire?
Mme Irish : Les facteurs relatifs à l'établissement vont continuer de faire partie des considérations d'ordre humanitaire, même si nous estimons que, dans le cadre du nouveau système, les demandeurs d'asile passeront moins de temps au Canada. Nous nous attendons à ce que le nombre de cas d'établissement diminue au fur et à mesure que les réformes vont être enclenchées.
Le sénateur Jaffer : Il n'y a qu'un seul autre aspect que je ne comprends pas parfaitement. J'aimerais que vous m'aidiez. Je comprends la distinction que vous faites entre le processus de détermination du statut de réfugié et l'examen des considérations humanitaires. Qu'en est-il de l'examen des risques avant renvoi?
Mme Irish : En vertu des modifications proposées par le comité permanent, l'examen des risques avant renvoi va maintenant relever de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
Le sénateur Jaffer : Ce sera une responsabilité de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. C'est bien cela?
Mme Irish : Ce sera également une responsabilité de la CISR dans le cadre de cette rationalisation des processus. Ces décisions liées au risque seront complètement intégrées au mandat de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
Le sénateur Jaffer : Les facteurs de risque, les mêmes facteurs qu'évalue la Commission de détermination du statut de réfugié, peuvent s'appliquer à l'examen des risques avant renvoi, contrairement aux considérations d'ordre humanitaire?
Mme Irish : C'est exact.
Le sénateur Cordy : Vous avez dû avoir une longue journée. J'aimerais revenir à la question qu'a posée le président et que j'ai posée au ministre ce matin, à propos du délai pour interjeter un appel. Il ne figure pas dans le projet de loi. Mme Irish a dit qu'il serait inscrit dans le règlement. La Cour fédérale dispose de 15 jours pour déposer un avis d'appel, puis de 30 jours pour préparer tous les documents.
Lorsque je me suis renseignée auprès du ministre, il semblait y avoir une certaine souplesse. Cependant, quand j'entends dire qu'un certain nombre de détails pourraient figurer dans un règlement, cela me porte à croire qu'il y aurait peu de souplesse, voire aucune. Si l'on procède ainsi, ces détails seront publiés dans la Gazette du Canada, et vous dites qu'il y aurait une consultation. Qui consulteriez-vous? S'agirait-il des mêmes personnes que vous avez consultées pour rédiger le projet de loi?
M. Linklater : Durant la prépublication dans la Gazette du Canada, tous sont invités à formuler des observations sur le projet de règlement tel que présenté. Nous nous attendons à ce qu'un bon nombre des intervenants que nous avons consultés nous fassent part de leurs opinions sur maints aspects du règlement, y compris le délai proposé. Actuellement, il s'agirait probablement d'un délai de 15 jours.
Le sénateur Cordy : Ce délai ne serait pas seulement pour le préavis; il inclurait également l'observation écrite.
M. Linklater : D'après ce que je comprends, c'est exact.
Le sénateur Cordy : Si j'ai bien compris, cette nouvelle commission d'appel n'examinera que les observations écrites, car elle n'accordera pas d'audience au demandeur. Est-ce exact?
M. Linklater : En fait, la Section d'appel des réfugiés aura la possibilité de demander une audience dans des circonstances où elle le jugera nécessaire. Nous prévoyons qu'un certain nombre d'appels seront traités à l'écrit, mais lorsque c'est justifié, la section d'appel sera libre de convoquer une audience.
Le sénateur Cordy : L'audience serait convoquée si les arbitres ou les membres de la commission estiment qu'il y a des questions sans réponse dans le cadre de l'appel. Cependant, ce serait une exception et non la norme, n'est-ce pas?
M. Linklater : Nous nous sommes penchés sur les critères. M. Butt peut vous donner plus de détails à ce sujet.
John Butt, gestionnaire, Développement de programmes, Citoyenneté et Immigration Canada : Le projet de loi comporte des critères quant aux circonstances où il devrait y avoir une audience concernant un appel. Il y a lieu de le faire lorsqu'il existe des éléments de preuve qui soulèvent des questions en ce qui concerne la crédibilité de l'appelant, quand la question est essentielle pour la prise de décision par la Section d'appel des réfugiés et lorsque l'évaluation de la crédibilité de cet élément de preuve serait déterminante pour l'appel. Ce sont les trois critères énoncés dans le projet de loi.
Le sénateur Cordy : J'aimerais que l'on m'assure que vous avez la bonne vitesse de croisière parce que, honnêtement, vous ne voudriez pas avoir les 60 000 arriérés que nous avions il y a quelques années.
Qu'en est-il des demandeurs d'asile qui souhaitent interjeter appel et qui n'ont pas d'avocat? A-t-on prévu une disposition à leur égard, ou est-ce qu'ils ont 15 jours? Je parle d'un délai de 15 jours; nous n'avons pas de règlement parce que la loi n'a pas encore été adoptée.
M. Butt : Comme vous le dites, le règlement n'est pas encore rédigé. Cependant, comme Mme Irish l'a souligné, la plupart des demandeurs ont recours à la représentation par avocat à la Section de la protection des réfugiés. Quelqu'un peut les aider à en appeler d'une décision rendue. Il est plutôt rare qu'une personne soit non représentée par un avocat devant la Section de la protection des réfugiés et, par conséquent, qu'elle n'ait pas accès à des avis juridiques quant aux options d'appel qui s'offrent à elle.
Le sénateur Cordy : Faisons-nous quelque chose pour aider les gens qui n'ont pas d'avocat?
M. Butt : Tout à fait. Les principales provinces qui reçoivent actuellement des demandeurs du statut de réfugié ont des régimes d'aide juridique qui financent les protections juridiques devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
Le sénateur Cordy : Je sais qu'en Nouvelle-Écosse, il serait probablement difficile de trouver quelqu'un pour préparer un rapport dans un court laps de temps.
M. Butt : Il est vrai que la Nouvelle-Écosse n'offre pas d'assistance juridique concernant les immigrants et les réfugiés.
Le sénateur Cordy : Est-ce que ce serait différent dans une autre province?
M. Butt : Encore une fois, les régimes d'aide juridique de l'Ontario, du Québec, de l'Alberta, de la Colombie- Britannique, du Manitoba et de Terre-Neuve-et-Labrador financent la représentation juridique devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
Le sénateur Cordy : Une personne qui se trouve dans l'une de ces provinces est bien chanceuse. Il n'y a pas de stratégie nationale. Tout est fait par les provinces?
M. Butt : Les provinces choisissent de financer ou non ces programmes. Le gouvernement fédéral offre une aide financière aux provinces pour ces programmes.
Le sénateur Cordy : Le gouvernement fédéral fournit des fonds aux provinces qui offrent l'aide financière pour les personnes qui en ont besoin?
M. Butt : Oui.
Le président : Ce matin, j'ai interrogé le ministre au sujet du formulaire sur les renseignements personnels. Je tiens à clarifier ce point. Certaines personnes ont exprimé leur préoccupation quant au fait de le remplacer par un entretien, car elles craignent que l'intervieweur puisse interpréter leurs propos quelque peu différemment de la façon dont elles ont l'intention de présenter leur affaire. Le formulaire sur les renseignements personnels leur donne l'occasion de s'exprimer dans leurs mots, de consulter un juriste et de bien faire les choses pour refléter leur opinion. L'entrevue va maintenant prendre le relais.
Ne reste-t-il donc aucune place pour un document écrit? Je comprends qu'il faut respecter les mêmes délais. Je croyais que l'entrevue personnelle visait à réduire la durée du processus. Si une personne veut fournir un document écrit et consulter un avocat, notamment pour que les mots utilisés soient adéquats, peut-elle procéder ainsi ou faut-il absolument passer une entrevue?
Mme Irish : Durant l'entrevue, l'intervieweur tâchera de mettre en évidence avec le demandeur l'histoire entourant la demande. D'après ce que nous a dit la commission, nous comprenons que l'intervieweur va utiliser un formulaire qui structure les réponses. On ne générera pas de formulaires sur les renseignements personnels et l'on n'entamera pas de processus lourds, mais il y aura un processus pour structurer la demande dans un rapport conséquent qui sera ensuite transmis à l'audience au premier palier.
Après l'entretien, le demandeur devrait recevoir un enregistrement, mais un rapport sur la demande sera également transmis à l'audience au premier palier. Le demandeur pourra avoir accès à ce rapport.
En fait, le demandeur peut ajouter des éléments à ce rapport en tout temps jusqu'au moment de la divulgation, qui a actuellement lieu 20 jours avant l'audience. Jusque-là, le demandeur peut ajouter ou modifier des renseignements, en consultation avec un avocat jusqu'au moment de l'entrevue. Tous ces renseignements vont faire l'objet de procédures qui seront développées par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
Le président : Je vois. La personne qui mène l'entretien va remplir un formulaire. Le demandeur pourra en prendre connaissance et déterminer si ses propos ont bien été reflétés. Il peut aussi consulter son avocat, qui pourra le signaler. Il pourrait alors y avoir des corrections avant que le rapport soit transmis à l'audience au premier palier. Est-ce exact?
Mme Irish : Oui. Si je ne m'abuse, dans son témoignage à la Chambre des communes, le secrétaire général a indiqué qu'il était possible d'ajouter un complément au rapport de la commission. Il ne s'agirait pas nécessairement d'une substitution, mais il serait possible d'ajouter des éléments à ce rapport et de justifier ces ajouts, et ce, jusqu'au moment de l'audience.
Le président : C'est bien. Merci pour cela.
Le sénateur Jaffer : Pour donner suite aux questions du président, je travaille auprès des réfugiés depuis longtemps. Je n'ai pas encore rencontré de réfugiés qui veulent raconter ce qui leur est arrivé dès la première rencontre. Vous êtes tous au courant. Je ne vous apprends rien. Il y a un problème de confiance envers les autorités, car les demandeurs proviennent d'un pays où ils ne font pas confiance aux autorités. Il s'agit généralement d'une question de confiance, en plus de la confusion.
J'ai éprouvé une certaine satisfaction lorsque le ministre a parlé des personnes vulnérables pour lesquelles il faudra plus de temps, si j'ai bien compris. J'estime qu'il y aura de nombreuses personnes vulnérables parmi les demandeurs authentiques. Je suis grandement préoccupée parce qu'après tant d'années d'expérience, le temps minimal qu'il m'a fallu pour accompagner un réfugié au cours du processus, c'était 16 heures, dans un cas simple. Je suis certaine que vous ferez tous votre travail avec diligence, mais il se peut qu'il y ait du retard au cours du premier processus. J'espère me tromper, mais je vous fais part de cette inquiétude d'après mon expérience en tant qu'avocate spécialisée en droit des réfugiés depuis plus de 20 ans.
Vous avez dû abondamment réfléchir à la manière d'arriver à ce processus.
M. Linklater : Il est important de noter qu'il n'y a pas et n'y aura pas de délais prescrits en ce qui concerne la réalisation de l'entrevue de collecte de renseignements de premier niveau. Elle durera aussi longtemps qu'il est nécessaire.
Dans les cas de traumatisme ou de détresse évidents, l'employé de la commission pourra ajourner l'entretien pour permettre au demandeur de se ressaisir ou le reporter à une date qui sera plus propice à l'échange d'information.
Je comprends tout à fait ce que vous dites. Certaines personnes ont des demandes légitimes, mais elles n'ont peut- être pas reçu la décision appropriée au premier niveau. Je crois que c'est très justifié dans ce nouveau processus, qui vise à créer une toute nouvelle Section d'appel pour que ces demandeurs aient vraiment l'occasion de présenter des renseignements qui n'étaient peut-être pas disponibles à la première audience ou d'ajouter un complément à ce qui avait alors été discuté.
Le sénateur Jaffer : Dans la même veine, en plus d'obtenir la confiance des demandeurs, il faut obtenir les documents. Vous savez que la plupart des gens quittent leur pays sans leurs documents. Il faut jusqu'à six mois seulement pour les rassembler tous. S'ils proviennent d'une zone de conflit... Vous connaissez les problèmes; je ne vais pas en parler davantage.
Je vais vous donner un exemple, brièvement. J'ai eu un client du Myanmar qui m'a raconté qu'une personne enlevée et emmenée en Thaïlande pourrait être contrainte de poser des gestes contre sa volonté et qu'elle serait tuée si elle contractait le sida de cette manière et que les gens de son village l'apprenaient à son retour. Personne ne croirait une telle histoire, n'est-ce pas? J'ai dû rassembler toutes sortes de documents parce que je trouvais moi-même que c'était difficile à croire. Cet exemple a eu lieu il y a des années; la situation est maintenant différente. Cette recherche de documents prend des mois. Il m'a fallu deux ans pour terminer celle dont je viens de vous parler.
Pour moi, la difficulté réside dans la façon d'obtenir les documents et de prouver la véracité des propos de la personne. Je pense que vos intentions sont honorables. Je suis d'accord avec vous : nous devons accélérer le processus. Seulement, je ne veux pas que nous nous plantions avant même de commencer. Vous connaissez maintenant mes appréhensions.
M. Linklater : Le nouveau système fait que la CISR a déjà reçu et développé des compétences qu'elle met — le centre de documentation, la compréhension des tendances générales observées à l'étranger et la saisie constante de renseignements — à la disposition des agents enquêteurs et des fonctionnaires décideurs de premier niveau, ainsi que des membres de la Section d'appel. De la sorte, les décisions seront aussi solides et aussi au diapason des tendances que c'est possible de l'être.
Le sénateur Jaffer : Ma dernière question porte sur les considérations humanitaires. L'article du HCR parlait de la notion de « sur place ». Est-ce que cela a quelque chose à voir avec les épreuves endurées? Supposons que notre cas ne soit pas ou ne soit plus pris en charge par le processus de traitement des cas des réfugiés, mais que quelque chose survienne dans son pays — dans l'exemple, c'était l'Ouzbékistan. À cause des épreuves et des problèmes, des motifs de compassion entreraient en jeu, n'est-ce pas?
M. Morton : Je ferai une observation générale sur la notion de « sur place », puis Mme Irish ou M. Butt pourront y aller de leurs commentaires.
La notion de base de « sur place », comme vous le savez très bien, découle d'un événement qui fait de la personne un réfugié depuis qu'elle a quitté son pays d'origine. Dans son pays d'origine, elle n'était pas un réfugié; elle quitte son pays d'origine, puis quelque chose survient. Ce peut être bien des choses. Parfois, c'est un coup d'État, comme à la place Tian'anmen; il y a toute une gamme de conditions, selon le pays. Dans une catégorie mineure, une personne qui proteste devant une ambassade devient par ce fait un réfugié sur place.
Le plus souvent, de nouvelles conditions apparaissent dans le pays d'origine. Voilà le contexte général. Mme Irish pourra ajouter ses explications.
Mme Irish : Nous avons beaucoup réfléchi à cette notion. Dans le projet de loi, une disposition particulière a peu attiré l'attention. Le paragraphe 4(2.1) autorise une exception à l'examen des risques avant renvoi, si des changements sont survenus dans le pays d'origine. Il s'agissait, en effet, de s'occuper de la situation exceptionnelle de personnes ayant franchi l'audition de premier niveau et l'appel et qui, pendant qu'elles se trouvaient dans l'inventaire des renvois, sont devenues des réfugiés sur place, essentiellement à cause de changements survenus dans leur pays. En vertu du projet de loi, elles seraient exclues de l'examen des risques avant renvoi.
Dans cette situation particulière, le ministre peut les exempter de l'interdiction visant la tenue d'un examen des risques avant renvoi. C'est le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration qui appliquera l'exemption, par une recommandation qu'il fera au ministre quand sera porté à son attention un changement comme celui qui est survenu en Ouzbékistan, très récemment. Nous pourrions alors exempter cette catégorie de ressortissants de l'interdiction visant la tenue d'un examen des risques avant renvoi, pour les autoriser à subir cet examen. Cela ne signifie pas que nous décidons qu'ils peuvent séjourner indéfiniment au Canada, mais qu'ils ont droit à une évaluation des risques en vertu de cette disposition.
Le sénateur Jaffer : Que leur arrivera-t-il ensuite?
Mme Irish : Ils subissent l'examen, qui sera également effectué par la Commission, parce qu'elle aura hérité de cette fonction. Si l'examen leur est favorable, les demandeurs obtiendront le statut de personnes protégées, comme s'ils avaient franchi la filière du régime d'asile.
Le président : Y a-t-il d'autres questions pour les représentants du ministère? Comme il n'y en a pas, je vous remercie. Vous êtes excusés. Je vous suis reconnaissant de votre longue attente avant cette séance, mais sachez que votre concours a été très utile à nos délibérations.
Chers collègues, nous passons à l'étude article par article du projet de loi, si vous êtes prêts.
Des voix : D'accord.
Le président : Bon. Nous avons 42 articles, et je n'ai pas réussi à les regrouper logiquement de façon à nous épargner la peine de demander chaque fois s'ils sont adoptés. Cependant, je les énumérerai rapidement. Je vous demande de bien faire entendre le numéro de l'article sur lequel vous avez des choses à dire ou pour lequel vous voulez proposer un amendement.
Êtes-vous prêts? L'étude du titre est-elle réservée?
Des voix : D'accord.
Le président : L'adoption de l'article 1 est-elle reportée?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 2 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 3?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 4?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 5?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 6?
Des voix : D'accord.
Le président : Je veux épargner vos cordes vocales : je considérerai l'article comme adopté à moins que je n'entende quelqu'un s'écrier « arrêtez ». Sinon, vous devrez vous répéter 42 fois.
Les articles 6, 7, 8, 9, 10, 11...
Le sénateur Jaffer : Puis-je proposer que nous disions s'il y a un article avec lequel nous ne sommes pas d'accord, afin d'épargner vos cordes vocales aussi, puis que, le cas échéant, nous donnions notre accord à tous ces articles?
Jessica Richardson, greffière du comité : À moins de regrouper les articles, nous devons les passer un par un.
Le président : Je n'ai apparemment pas le choix. C'est la marche à suivre.
Le sénateur Jaffer : Désolée.
Le président : Les articles 11, 11.1, 12, 13, 14, 14.1, 15, 16, 16.1, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 27.1, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 37.1, 38, 39, 40, 41, 42.
L'article 1 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Le titre est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Le projet de loi est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Le comité désire-t-il joindre des observations au rapport?
Le sénateur Jaffer : J'aimerais bien que le comité joigne deux observations très courtes, si vous me permettez de les lire.
Les deux observations vont dans le sens de la proposition de M. Waldman, et j'aimerais demander au comité d'examiner une observation selon laquelle un examen annuel de la loi aurait lieu après sa mise en œuvre, pour constater comment elle fonctionne et si sa mise en œuvre est source de préoccupations.
Ma deuxième observation, si le comité est d'accord, consiste à recommander que les nominations à la Commission de protection des réfugiés se fassent à des postes de haut niveau, au moins PM-6 — pour reprendre les termes de M. Waldman — et que le processus soit transparent et public. Essentiellement, il s'agit de doter la Commission de membres expérimentés et de faire en sorte que le comité sénatorial ou les deux chambres examinent les résultats de l'examen après la mise en œuvre de la loi, qui, je suppose, nous mènera dans deux à trois ans d'ici. C'était mes observations.
Le président : Je pense qu'il avait parlé d'un examen après un an de mise en œuvre, et non pas d'un examen annuel.
Le sénateur Jaffer : Après quoi, ce serait de deux à trois ans.
Le président : Proposez-vous un examen par les deux chambres?
Le sénateur Jaffer : Par le Sénat ou les deux chambres.
Le président : Chers collègues, une simple mise au point sur la procédure, avant que vous n'ajoutiez quelque chose aux observations ou que vous ne vouliez exprimer votre accord ou désaccord. Le libellé des observations peut être remanié légèrement par le comité de direction, avant la présentation du rapport avec les observations, si tel est votre souhait.
Cela voudrait dire que les sénateurs Ogilvie, Martin et moi-même, avant de les présenter demain au Sénat, outre l'adoption du rapport, nous déposerions une page d'observations selon les grandes lignes exposées par le sénateur Jaffer, mais après toilettage. C'est la façon usuelle de procéder. Je vous propose uniquement cela, si vous y consentez.
Le sénateur Eaton : Mettons-nous les amendements aux voix? Les observations?
Le président : Ce ne sont pas des amendements. Ce sont des observations. Oui, nous devons décider si nous sommes d'accord avec les observations.
Le sénateur Seidman : Comme les représentants du gouvernement sont encore parmi nous, je me demande si on peut les consulter, s'ils ont des conseils ou des explications à nous donner sur ces observations. Pouvons-nous, peut-être, demander à l'un d'eux de revenir à la table pour nous donner ses explications et ses conseils.
Le président : Avez-vous des observations à formuler? L'une des observations concerne un examen de la loi, après un an de mise en œuvre, qui, d'après le ministre, aurait lieu dans 12 à 18 mois. L'autre observation concerne des candidats de haut niveau pour la Section d'appel des réfugiés. Avez-vous des observations à ce sujet?
Mme Irish : Bien sûr. Premièrement, en ce qui concerne l'examen, une évaluation interne est déjà prévue au troisième anniversaire, sur le fonctionnement du système. Il s'agit de s'assurer que les hypothèses sur lesquelles a reposé sa planification sont valides, qu'il fonctionne bien, que les différents projets pilotes lancés en vertu de lui n'engendrent pas de pressions, qu'ils fonctionnent bien et qu'ils peuvent se poursuivre.
Voilà ce qui est déjà prévu pour le troisième anniversaire. C'était considéré comme une évaluation interne.
Le président : C'est un examen ministériel interne?
Mme Irish : Les résultats de cette évaluation seront communiqués au ministre, qui doit ensuite faire rapport des résultats au Cabinet avec des recommandations.
Le président : Le sénateur Jaffer recommande un examen parlementaire. Pour que les deux coïncident, l'examen parlementaire devrait probablement avoir lieu en même temps ou après votre vérification interne. Vous dites que votre évaluation aurait lieu après trois ans?
M. Linklater : Nous envisageons l'évaluation générale de tout le nouveau système au troisième anniversaire.
Le président : Dans trois ans d'ici?
M. Linklater : À partir de la mise en œuvre du nouveau système. Trois ans après cette date, qui, d'après nous, sera probablement — comme le ministre l'a dit ce matin — la date de la sanction royale.
Le président : Il y a ensuite la question du calibre des candidats. Encore une fois, une observation faite plus tôt par M. Waldman.
M. Linklater : La CISR s'est engagée très fermement à respecter les exigences de la Loi sur la modernisation de la fonction publique et de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, en ce qui concerne les méthodes de dotation des nouveaux postes de décision à la CISR, pour assurer le maximum de souplesse pour les administrateurs généraux, y compris la présidence de la Commission. Les pouvoirs qui leur sont délégués leur permettent d'utiliser un certain nombre de moyens pour favoriser l'équité et la compétence dans le processus d'embauche.
Le président : Qu'en est-il du niveau PM-6 proposé par M. Waldman?
M. Linklater : Encore une fois, la Commission examine les diverses permutations et combinaisons possibles pour la dotation. Elles entraînent des coûts et, bien sûr, nous avons établi nos coûts à partir de certaines hypothèses qui, je crois, font que les membres de la Commission sont généralement de niveaux PM-5 et PM-6.
Le président : Voulez-vous préciser d'autres points avec l'aide des représentants du ministère?
Le sénateur Cordy : Techniquement, le troisième anniversaire nous amène en 2015, parce que le ministre a dit qu'il faudrait probablement deux ans avant une mise en œuvre complète.
Le président : Il a dit de 12 à 18 mois.
M. Linklater : Cela tombera probablement en 2014. Nous envisageons un calendrier de mise en œuvre de 12 à 18 mois après la sanction royale, ce qui nous amène trois ans après cette date.
Le président : Si on n'a rien d'autre à demander aux représentants du ministère, je les excuserai de nouveau. Merci.
Le sénateur Plett : D'après moi, le sénateur Jaffer propose que nous donnions des directives et non pas que nous fassions des observations. Ce n'est pas la même chose. Je pense que nous rédigeons des directives en acceptant ces observations particulières. J'ai des objections. Nous adoptons le projet de loi sans modification. J'éprouve des difficultés avec les observations, un point c'est tout; cependant, personnellement, je ne peux certainement pas les appuyer, parce que je pense que ce sont des directives, et notre rôle n'est pas d'en rédiger.
Peut-être pouvons-nous reformuler ces observations, sénateur Jaffer. Cependant, je me demande si je fais bien de laisser le comité de direction s'en charger à sa manière. Peut-être pourrons-nous les reformuler d'une façon qui me rendrait plus heureux. Actuellement, je pense que nous donnons au Parlement une directive et je ne pense pas que ce soit la chose à faire sous le couvert d'une observation.
Le sénateur Ogilvie : J'allais demander au sénateur Jaffer si la réponse concernant l'examen satisfaisait à son objectif général. Ma réflexion était dans la même veine que celle du sénateur Plett — c'est-à-dire que l'observation serait que nous appuyons absolument la notion d'examen complet telle qu'elle nous a été présentée et le calendrier de cet examen.
Le sénateur Plett : C'est quelque chose que je pourrais appuyer.
Le président : N'est-ce pas également que nous voulons un examen parlementaire? Je pense que le sénateur Jaffer a dit que nous pouvons faire coïncider cet examen et l'examen ministériel interne. Mais, d'un autre côté, voulons-nous d'un examen parlementaire?
Le sénateur Ogilvie : Notre problème se résume à formuler la chose pour en faire une observation. Si ensuite on estime que l'examen, tel qu'il est décrit, convient — je ne veux pas faire dire au sénateur ce qu'il n'a pas dit —, on pourrait formuler l'observation comme suit : « et nous observerions qu'il serait utile de communiquer les résultats aux deux chambres du Parlement » ou quelque chose d'approchant. Je n'essaie pas de substituer mon idée à la vôtre. Cependant, je pense que la distinction essentielle, pour un certain nombre d'entre nous, c'est que ce soit une observation plutôt qu'une directive.
Le sénateur Jaffer : Bref, je n'essaie pas d'imposer des directives, et je tiens à rassurer tout le monde ici. Je suis heureuse de la tournure de la discussion. Je voulais bien sûr que la Chambre fasse preuve de diligence. Pourquoi aurais- je souhaité autre chose? Le mécanisme est déjà en place. Si vous êtes tous d'accord, en raison des vicissitudes et des pertes de contrôle, comme nous l'avons vu avec l'accumulation des dossiers en retard, je pense que nous ne devrions pas envoyer de directives mais des observations et que nous devrions examiner la proposition d'examen parlementaire.
Le président : Nous notons qu'un examen ministériel est prévu et nous demandons au ministre d'en soumettre les résultats à l'examen des chambres du Parlement. Elles pourront en faire ce qu'elles veulent, et ce sera probablement un examen. Ici, c'est la suite normale des choses. Est-ce que cela vous semble acceptable?
Le sénateur Plett : Je ne suis pas certain d'avoir bien compris, monsieur le président.
Le sénateur Ogilvie : L'essentiel réside dans le choix des termes. Encore une fois, comme, je pense, le président l'a laissé entendre, la rédaction de ce genre d'observation en comité est difficile. L'essentiel, c'est que, de façon générale, elle ressemble à une observation et que, ensuite, conformément à la proposition du président, sa rédaction épouse une certaine forme. Demain, le comité se réunit de nouveau. Demain matin, peut-être sera-t-il possible de soumettre à l'examen du comité, globalement, l'ébauche d'observations.
Le sénateur Plett : Bien sûr.
Le président : Oui, c'est une bonne démarche.
Le sénateur Eaton : Je veux m'assurer d'avoir compris le sénateur Eggleton. Une évaluation aurait lieu, de la manière prévue par le ministère, à tous les trois ans.
Le président : D'après le libellé, c'est « dans trois ans ». Ce n'est pas « à tous les trois ans ».
Le sénateur Eaton : Dans trois ans, au troisième anniversaire, nous demanderions au ministre de rendre accessible l'évaluation pour un comité, quel qu'il soit, du Sénat, de la Chambre ou des deux, et il incomberait au comité d'évaluer s'il faut approfondir la question.
Le président : Oui.
Le sénateur Seidman : Je suis d'accord avec le sénateur Ogilvie, et vos propos, sénateur Jaffer, sont de mon goût. J'ai bien aimé entendre l'explication selon laquelle il y avait déjà un processus d'évaluation prévu pour le troisième anniversaire, de sorte que la notion d'examen annuel n'a pas beaucoup de bon sens. En effet, si nous pouvions rédiger quelque chose qui s'inspire de la discussion que nous venons de tenir, j'appuierais ce document.
Le président : Très bien.
Le sénateur Cordy : Nous parlons de trois ans après l'entrée en vigueur du projet de loi, et non après la sanction royale.
Le président : En effet. On estime que le délai de trois ans serait écoulé en 2014. Cela répond-il à votre question, sénateur Eaton?
Le sénateur Eaton : Oui.
Le président : Sénateur Martin?
Le sénateur Martin : Oui. Je tiens simplement à dire que j'approuve, pour ainsi dire, la deuxième remarque du sénateur Jaffer, mais que je suis consciente de l'importance de la formulation. Tous les témoins, y compris les représentants du ministère, ont souligné aujourd'hui à quel point il est important que les décideurs soient bien formés, qu'ils tiennent compte de la réalité culturelle et qu'ils aient de l'expérience, en raison de la vulnérabilité des demandeurs lorsqu'ils sont interrogés. Je crois qu'il s'agit d'un sujet de préoccupation pour nous tous.
On nous a aussi mentionné que l'on offre déjà une bonne formation. Les représentants du Haut Commissariat se sont dits satisfaits des normes élevées; nous devons donc les maintenir, et je crois que ce commentaire était pertinent.
Le président : Nous pouvons faire rédiger les deux observations pour demain matin. De cette façon, le comité en entier, pas seulement le comité de direction, pourra les examiner. Nous pourrons ensuite décider de ce que nous voulons en faire.
Le sénateur Seidman : Je voulais que nous discutions de la deuxième observation, que je trouve plus directive. Cela me dérange, car en un sens, nous nous ingérons dans un système de gestion qui sera mis en place. On le décrit très bien ici. J'ai des réserves en ce qui concerne ce genre de directive; il ne s'agit pas d'une observation.
Le président : Nous pourrions la formuler ainsi : « Nous croyons que ces fonctions devraient être assumées par les cadres supérieurs les plus compétents ». Ce n'est pas une directive.
Le sénateur Seidman : D'accord.
Le président : Nous pouvons la formuler ainsi.
Le sénateur Seidman : Nous ne mentionnerons pas le niveau, soit PM-6?
Le président : Non.
Le sénateur Cordy : Je voulais aussi ajouter : « que les membres du comité ont été heureux d'entendre les représentants du gouvernement déclarer que [...] ». C'est clairement une observation.
Le président : Il y a différentes formulations possibles. Or, vous accordez de l'importance à ces choses parce qu'elles ont à voir avec sa mise en œuvre.
Le sénateur Ogilvie : Pour faire suite aux commentaires des sénateurs Seidman et Cordy, en ce qui concerne votre première intervention à ce sujet, sénateur Jaffer, nous pourrions essayer de formuler une observation d'après ce que nous venons de dire, quelque chose comme : « Le comité a été heureux d'entendre tous les représentants dire que la qualité du personnel sera essentielle au succès du programme, et nous demandons avec instance que tous les efforts soient déployés pour que le personnel approprié y soit affecté », ou quelque chose du genre?
Le sénateur Jaffer : Absolument. Cela semble très bien. Merci.
Le président : Cela me semble bien.
Le sénateur Ogilvie : Je pense que c'est un bon départ.
Le président : Je crois que le message est clair, sans être directif.
Nous allons obtenir le libellé pour demain matin. Y a-t-il autre chose sur cette question?
Au sujet de ces observations, alors, je pourrai vous poser la dernière question demain, à savoir si le rapport sera soumis au Sénat.
C'est tout pour ce soir. Demain matin, à 8 h 30, la ministre Finley viendra nous parler du projet de loi C-13, qui porte sur le personnel militaire et les modifications à la Loi sur l'assurance-emploi. Cela ne devrait pas durer plus d'une heure. Lorsque nous aurons terminé, nous terminerons la discussion sur ces deux points, soit les observations et le rapport sur le projet de loi à soumettre au Sénat demain.
Le sénateur Champagne : Est-ce tout ce que nous avons au programme pour demain?
Le président : Oui.
Le sénateur Champagne : Sommes-nous obligés de commencer si tôt, alors?
Le président : C'est l'heure à laquelle la ministre Finley est disponible.
Le sénateur Eaton : Ne devons-nous pas faire l'étude du projet de loi C-40, maintenant?
Le président : Le Sénat en est encore saisi. Il ne nous a pas encore été renvoyé ici. Il fait l'objet d'un débat.
Notre réunion de demain pourrait et devrait être la dernière. Nous ne siègerons pas en après-midi. Lorsque nous aurons terminé d'examiner cette question, demain matin, ce devrait être tout, à moins que vous ne souhaitiez revenir la semaine prochaine pour examiner le projet de loi C-40.
Je ne sais pas ce que vont dire les dirigeants des deux côtés de la Chambre, mais le projet de loi C-40 porte sur la création d'une journée nationale des aînés. La date proposée est le 1er octobre. Si l'étude du projet de loi est repoussée en septembre, il pourrait tout de même être adopté à temps. C'est un projet de loi assez court. Je ne crois pas que ce sera très long. Nous devrons attendre que les dirigeants des deux partis aient déterminé s'il doit être renvoyé au comité avant l'ajournement des travaux pour l'été, mais ce ne sera pas cette semaine, c'est certain.
Je vous reverrai ici demain matin, à 8 h 30. Merci.
(La séance est levée.)