Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 13 - Témoignages du 7 octobre 2010
OTTAWA, le jeudi 7 octobre 2010
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 10 h 31 pour étudier la préparation du Canada en cas de pandémie.
L'honorable Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Traduction]
Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude concernant l'état de préparation du Canada en cas de pandémie, sous le thème de la surveillance, de l'état de préparation des laboratoires et de la liaison avec les réseaux internationaux de santé publique.
La séance de ce matin comportera deux parties. La première nous reliera au Mexique par vidéoconférence, et au bout d'une heure, nous entamerons la deuxième partie de la séance en recevant parmi nous deux témoins.
Notre premier témoin est la Dre Celia Alpuche, directrice générale adjointe de l'Institut de diagnostic et de référence épidémiologique du Mexique, qui est au centre de tout ce qui concerne les questions liées à la grippe. La Dre Alpuche participe également à la coordination du réseau national de laboratoires en santé publique dans les domaines du diagnostic, des investigations, de la formation et du développement technologique.
Je vous souhaite la plus cordiale bienvenue, madame Alpuche. Nous vous prions de faire quelques remarques préliminaires, après quoi nous aurons une période de questions et réponses.
Dre Celia Alpuche, directrice générale adjointe, Institut de diagnostic et de référence épidémiologique : Bonjour. Ici, à Mexico, je dirige le centre national des laboratoires de référence pour la surveillance épidémiologique et la lutte contre les maladies. Je suis heureuse de m'adresser à vous, et je suis disposée à répondre à toute question que vous pourriez avoir, notamment en ce qui concerne notre actuelle collaboration avec le Laboratoire national de microbiologie de l'Agence de santé publique du Canada à Winnipeg, et toute l'aide directe et indirecte que nous avons reçue de la part du Dr Frank Plummer et de son équipe.
Le président : Pourriez-vous nous donner plus de détails sur cette collaboration et nous dire en quoi, selon vous, elle a été bénéfique pour nos deux pays, particulièrement au cours de la récente pandémie de grippe H1N1?
Dre Alpuche : Je vais vous expliquer comment a commencé cette collaboration. J'ai commencé à occuper ce poste à Mexico en février 2007, et j'ai eu l'occasion de rencontrer le Dr Frank Plummer en mai 2007 lors d'une réunion du réseau de laboratoires du Groupe de travail sur la protection de la santé mondiale, ou GTPSM. Le GTPSM, qui est basé au Canada, est formé des sept pays du G7, plus le Mexique. Le Réseau mondial des laboratoires de protection de la santé, quant à lui, est un groupe de travail très efficace voué à tous les objectifs de ce groupe. Il est surtout axé sur la préparation et les mesures d'intervention pour lutter contre les différentes maladies infectieuses émergentes.
J'ai eu la chance d'interagir avec les divers membres du groupe de travail, et surtout avec ceux du Canada et des États-Unis. Nous avions auparavant le groupe de travail sur la collaboration des partenaires nord-américains, mais le réseau de laboratoires du G7 a été le plus important groupe de travail qui m'ait permis de prendre part à cette collaboration.
J'ai visité le Laboratoire national de microbiologie, le LNM, à Winnipeg en 2008, et j'ai eu le privilège de voir l'infrastructure que vous avez là-bas. Puisque nous lancions justement un projet de construction d'un nouvel édifice pour le laboratoire de référence nationale à Mexico, cela a été très utile. J'ai rencontré la firme spécialisée ayant conçu le LNM, et j'ai pu la convaincre de procéder à la conception préliminaire de notre laboratoire ici, à Mexico.
Au cours de la semaine du 13 au 17 avril 2009, nous avons découvert une hausse des maladies respiratoires aiguës sévères dans la ville de Mexico et dans certaines régions environnantes, et j'ai eu besoin d'aide parce que nous n'avions pas le diagnostic final permettant d'établir la cause de la maladie.
Après discussion avec les autorités de mon pays, j'ai déterminé qu'il était préférable d'obtenir de l'aide de nos partenaires nord-américains. Les Centers for Disease Control and Prevention, les CDC, constituent le centre de collaboration nationale au sein du réseau de laboratoires d'étude du virus de l'influenza de l'OMS. Nous avons signé avec les CDC une entente visant à leur envoyer tous les spécimens possibles à des fins de définition. Même l'assurance de qualité de notre diagnostic est effectuée par l'entremise de la direction de la grippe pandémique des CDC.
Cependant, une fois que nous avons eu connaissance de l'expérience considérable que vous aviez acquise relativement à l'épidémie de SRAS, et compte tenu du fait qu'à l'époque, nous ne savions pas au juste quelle était la cause du problème respiratoire observé à Mexico, nous avons pensé que c'était une bonne occasion d'obtenir de l'aide du LNM, qui dispose d'un excellent algorithme pour travailler avec des agents pathogènes inconnus de maladies respiratoires.
Puisque nous avions déjà travaillé avec le Dr Plummer dans le cadre du GTPSM, et qu'il nous avait fourni de l'aide et des conseils sur diverses questions, j'ai pu facilement lui envoyer, le vendredi 17 avril, un courriel pour l'informer de la situation, lui demander son avis et m'enquérir de la possibilité d'envoyer des échantillons au Canada pour bénéficier de ses connaissances à titre d'expert en maladies infectieuses. Nous avons tenté d'obtenir de l'aide des CDC et du Canada en même temps.
Le Dr Plummer m'a répondu par courriel sur-le-champ, et nous avons fixé une téléconférence le lendemain afin de discuter de la situation en plus grand détail. Au cours de ce week-end-là, les 18 et 19 avril, nous procédions à la première enquête intensive et directe auprès de nos patients hospitalisés à Mexico. Nous avons décidé, d'un commun accord avec le Dr Plummer, de tâcher de préparer tous les échantillons provenant des cas que nous aurions étudiés au cours de la fin de semaine, et d'obtenir toutes les permissions nécessaires pour faire parvenir ces échantillons au LNM en début de semaine. Le lundi suivant, j'ai reçu les autorisations requises et j'ai envoyé les échantillons.
Le premier envoi est arrivé au LNM le mardi 21 avril. Le même jour, peu avant minuit, le Dr Plummer m'a appelée sur mon téléphone cellulaire pour m'annoncer qu'on avait déterminé qu'il s'agissait de la grippe, et qu'on demandait l'autorisation de poursuivre le séquençage afin d'identifier ce virus en tant que nouveau virus, possiblement celui qui faisait déjà l'objet d'une publication par les CDC.
Le lendemain, le mercredi 23 avril 2009, vers 14 heures, le Dr Plummer m'a appelée directement sur mon téléphone cellulaire pour demander une téléconférence, en m'informant que c'était un nouveau virus qui était à l'origine des cas observés au Mexique. Son appel m'a permis d'aviser immédiatement les autorités de mon pays — le sous-secrétaire à la Prévention de la maladie et à la promotion de la santé, M. Mauricio Hernandez, et par son entremise, le secrétaire de la Santé, M. Cordoba — des résultats dont le Dr Plummer m'avait fait part au téléphone. Une heure plus tard, on m'a remis le séquençage de gènes de virus qui prouvaient qu'on était en présence d'un nouveau virus. Avec cette information en main, j'étais en mesure de prouver aux autorités du Mexique que nous avions un nouveau virus au pays, et nous avons lancé nos mesures d'intervention sur la base de ces faits.
Ce soir-là, à 20 heures, nous avons reçu confirmation de la présence du virus dans les lots d'échantillons des CDC, qui avaient obtenu les mêmes résultats. Il s'agissait de lots d'échantillons différents. Les résultats ont d'abord été confirmés par le LNM au Canada, et plus tard dans la soirée, par les CDC.
C'était le 23 avril. Le soir du 26 avril, des gens sont arrivés du Canada et des CDC pour nous aider à préparer les nouvelles techniques en laboratoire. Dès le lundi 27 avril, nous étions au travail toute la journée pour mettre au point la nouvelle technique ici, à Mexico. Les deux pays — le Canada et les États-Unis — nous ont même envoyé des agents réactifs et des fournitures pour qu'on puisse commencer à établir le diagnostic. Nous disposions de trois machines, les mêmes que celles utilisées aux CDC et au LNM, et nous avons pu commencer à appliquer un nouveau diagnostic plus tard, dans la soirée du 27 avril.
Le personnel du LNM est resté avec nous pendant un mois pour nous assister dans l'élaboration de tous ces nouveaux diagnostics, et pour nous aider à établir les conditions de base pour la mise sur pied de différents laboratoires autour du laboratoire de référence, afin d'être en mesure d'étendre les diagnostics. Cela nous a grandement aidés à définir comment évoluait l'épidémie au Mexique, et à savoir comment appliquer diverses interventions selon diverses régions du Mexique. En effet, au Mexique, il y a des différences géographiques, alors il a été utile de pouvoir compter sur les gens du LNM et des CDC au cours de la crise pour nous aider à mettre au point rapidement la technologie. Mais cela ne s'arrêtait pas à la technologie en soi. Il s'agissait de l'organisation des services d'intervention des laboratoires au cours de la crise majeure de la pandémie.
Le président : Merci beaucoup. Vous nous avez décrit de façon très détaillée ce qui semble avoir été une collaboration remarquable avec les CDC aux États-Unis de même qu'avec des laboratoires canadiens.
Soit dit en passant, le Dr Plummer comparaîtra plus tard cet avant-midi.
Nous avons également tenté de tirer des leçons après la pandémie du H1N1; je suis persuadé que vous aussi — comme tout le monde. Nous voulons être prêts la prochaine fois. Avez-vous tiré des leçons de cette crise grâce auxquelles vous espérez apporter certains changements, que ce soit au Mexique ou dans votre collaboration avec le Canada?
Dre Alpuche : Au Mexique, nous avons tenu diverses réunions sur les leçons tirées, surtout dans le domaine des laboratoires, afin de revoir ce qui a été fait et de déterminer ce qui convient et ce qui devra faire l'objet d'une meilleure préparation à l'avenir. Le laboratoire du Mexique doit vraiment développer des technologies sophistiquées en se tournant vers l'avenir. Afin d'améliorer notre capacité d'intervention, nous devons aussi décentraliser la technologie de confirmation des nouvelles maladies infectieuses, c'est-à-dire nous doter d'une meilleure technologie à différents endroits au Mexique en plus du laboratoire de référence.
C'est la première chose que nous avons découverte. C'est très bien, parce que nous profitons maintenant d'un excellent réseau en technologie de biologie moléculaire créé à partir de la plate-forme en place pour la grippe. Nous avons pu utiliser cette plate-forme pour d'autres maladies, et nous le ferons encore mieux. Il faut donc maintenir ce très solide réseau, car il nous sera d'une grande aide.
La qualité du travail est l'élément le plus important. Il ne suffit pas d'atteindre un certain niveau de qualité; il faut aussi le maintenir et avoir une assurance de la qualité du système avec lequel nous travaillons. C'est essentiel.
Les ressources humaines constituent un autre élément majeur. Les personnes doivent être bien formées non seulement sur le plan technique, mais aussi pour l'intervention lors d'une crise. Nous y arrivons grâce à notre collaboration avec le Laboratoire national de microbiologie, qui nous aide avec le système de commandement, généralement d'une grande importance, de même qu'avec d'autres domaines particuliers comme les laboratoires et les réseaux de laboratoires. Voilà en quoi consiste notre collaboration avec ce laboratoire. On nous forme pour que notre organisme puisse utiliser un Système de commandement des interventions; c'est l'autre leçon apprise au cours de la pandémie, et nous y travaillons.
La communication des risques constitue un autre élément crucial. Comment pourrons-nous divulguer les risques sans semer la panique? C'est encore plus difficile dans notre cas, étant donné que nous dépendons de différents groupes qui communiqueront les risques à partir de nos résultats. Nous n'avons toujours pas trouvé la bonne réponse. Nous sommes encore en train d'élaborer un plan pour améliorer la communication des risques non seulement au pays, mais aussi à l'échelle internationale. Pour mieux pouvoir intervenir, il est essentiel que chacun d'entre nous soit sur la même longueur d'onde.
Il est vrai que les plans ne sont pas parfaits, mais il est bien mieux d'en avoir un et de travailler à partir de celui-ci que de n'avoir rien du tout. Nous avions bel et bien un plan; le plan de préparation en cas de pandémie d'influenza et le plan d'intervention nous ont notamment permis d'apprendre que nous devons mieux décrire nos procédures normalisées. Celles que nous avions étaient très générales et pouvaient difficilement être suivies si les circonstances n'étaient pas tout à fait semblables à celles envisagées lors de leur création. Elles doivent être plus détaillées, mais nous devons aussi pouvoir les adapter à différentes circonstances. Nous sommes toujours en train d'élaborer un plan décrivant la façon dont nous pourrons mieux travailler avec ces procédures normalisées. Nous en avons encore peu fait à cet égard.
Privilégier une communication ouverte tant au pays que sur la scène internationale est aussi très important. Dans ce cas, c'est le Canada qui nous a finalement confirmé la nature du virus. Il ne travaillait pas seulement à partir des échantillons, mais, après tout, c'est lui qui effectuait les analyses pour nous. Le Laboratoire national de microbiologie a analysé de façon autonome près de 2 500 échantillons pour nous au début de la crise, alors que le Mexique tentait de s'adapter au diagnostic. Il est très important de communiquer toute l'information d'une manière ouverte et transparente. C'est crucial pour la communauté internationale, et je pense que c'est ce que nous avons fait.
Nous espérons que nous pourrons encore le faire. Nous avons appris une leçon importante : peu importe les accords internationaux et les recommandations que l'OMS formulera aux pays lors d'une pandémie, il y aura toujours des enjeux politiques associés aux recommandations qui causeront du tort à certains pays, s'ils sont incapables de communiquer l'information d'une manière transparente. Vous le savez très bien. On a fermé les frontières du Mexique, ce qui a entraîné des répercussions économiques et sociales considérables au pays. Ce n'est pas acceptable. Il pourrait arriver que des pays se retrouvent dans cette situation sans faire preuve de la même ouverture que nous, au début de la crise. Ce serait néfaste pour la communauté internationale.
C'est ce qui termine nos observations d'ordre général. Je n'ai pas d'autres commentaires à propos de la collaboration internationale, étant donné qu'elle s'est très bien déroulée; je vous le dis ouvertement. C'est là que la collaboration nord-américaine a le mieux fonctionné. Les pays ont collaboré étroitement, surtout les laboratoires. Des épidémiologistes du Canada et des États-Unis travaillaient également avec nous. C'était très utile pendant la crise.
Nous avons vraiment appris à travailler ensemble. Nous avons tiré une leçon importante que nous n'oublierons jamais, et nous nous améliorerons.
Le président : C'est utile. Vous avez mis l'accent sur la communication. Au Canada, c'est aussi ce que nous croyons; la communication est cruciale dans cette situation.
Hier, on nous a parlé de l'utilisation des vaccins et des antiviraux pendant la pandémie. Au Canada, nous avons pu trouver un fournisseur fiable qui nous a permis de recevoir le nombre de vaccins dont nous avions besoin. Environ 45 p. 100 de la population a été vaccinée. Certains croient que ces chiffres auraient dû être plus élevés, mais c'est probablement davantage que dans bien des pays. Pourriez-vous nous parler de votre programme de vaccination? Dans votre pays, combien de personnes ont reçu le vaccin, et comment la campagne s'est-elle déroulée?
Dre Alpuche : Ce n'est pas mon domaine de compétence. Je m'occupe plutôt de l'épidémiosurveillance. Je peux vous en parler d'une manière générale, mais je n'ai pas d'information plus détaillée sous la main.
Au Mexique, nous avons instauré un programme annuel de vaccination pour la grippe saisonnière qui cible les groupes présentant un risque, en particulier les enfants de moins de 3 ans et les personnes âgées de plus de 50 ans. Les patients immunodéprimés et d'autres personnes reçoivent aussi le vaccin pour la grippe saisonnière. Au début de la pandémie de grippe, nous n'avions pas d'information sur la maladie et ne savions même pas que nous étions en présence d'un nouveau virus. Lorsque nous avons constaté une augmentation des infections respiratoires, nous avons immédiatement utilisé les vaccins pour la grippe saisonnière qui restaient. En avril, nous avons commencé à les administrer à d'autres groupes, en particulier à ceux qui travaillent dans le domaine de la santé et à d'autres.
Une à deux semaines plus tard, nous avons appris qu'il s'agissait d'un nouveau virus et que nous aurions besoin du nouveau vaccin. Le Mexique a conclu un contrat préliminaire pour l'achat de vaccins au cours d'une pandémie. Nous avons pu acheter 30 millions de doses de vaccin. Nous avons appris que la production mondiale de vaccins est insuffisante lors d'une pandémie. C'était évident pour tous.
L'un des problèmes flagrants avec lequel le Mexique a été aux prises, c'est que les contrats préliminaires pour acheter le vaccin n'ont pas été respectés et que nous ne produisions pas nos propres vaccins. Nous avons reçu nos vaccins une fois que le pays producteur en avait produit suffisamment pour sa propre population. C'est le genre de choses qui arrivent. On voulait vacciner les groupes cibles en priorité, mais tous les pays qui fabriquaient le vaccin comblaient d'abord leurs propres besoins. Nous n'avons reçu le vaccin qu'à la fin du mois de décembre, et nous n'en avons pas reçu beaucoup. La majorité de nos contrats prévoyaient la livraison en janvier; la campagne de vaccination devait être lancée à ce moment et se poursuivre en février, et cetera. Nous croyons avoir vacciné près de 28 millions de personnes, étant donné que nous avons épuisé tous les vaccins achetés. Toutefois, il est difficile de communiquer avec les groupes qui présentent un risque et doivent recevoir le vaccin lors d'une pandémie. Il s'agit davantage de ma connaissance et de mon point de vue personnels que de la position du gouvernement, car ce n'est pas mon domaine de compétence.
Le président : Je comprends. Je vous remercie beaucoup. Je vais maintenant laisser à mes collègues la chance de vous poser des questions. Commençons avec le sénateur Ogilvie, vice-président du comité, originaire de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Ogilvie : Merci, madame la docteure. Vous nous avez présenté un résumé incroyable ce matin. C'était un compte rendu honnête de l'expérience réelle que vous-même avez vécue à un point critique du dépistage du virus et de l'intervention lors de son éclosion. Vos commentaires nous ont grandement aidés, même s'il ne s'agissait que de votre point de vue personnel.
J'ai compris tout ce que vous avez dit, et cela m'a été bien utile. J'aimerais connaître le déroulement chronologique exact des événements. Pourriez-vous me dire précisément la date et l'année où vous avez envoyé les premiers échantillons afin de déterminer la nature du virus? Vous nous avez nommés les jours de la semaine. Pourriez-vous me rappeler la date exacte?
Dre Alpuche : Oui. J'espère que j'ai les bonnes dates. Nous avons observé le phénomène pour la première fois la fin de semaine du 18 et du 19 avril. C'est alors que j'ai discuté au téléphone avec le Dr Plummer. J'ai envoyé un courriel le 17 avril.
J'ai parlé au téléphone avec le Dr Plummer le samedi 18 avril. J'ai envoyé le courriel le 17 avril et les échantillons, le mardi 21 avril. J'avais alors obtenu toutes les autorisations nécessaires pour envoyer les échantillons, qui sont arrivés à destination le mercredi 22 avril. J'ai reçu les premiers résultats du Dr Plummer la même journée, près de minuit.
Le sénateur Ogilvie : Je vous remercie beaucoup. C'était en 2009, n'est-ce pas?
Dre Alpuche : Oui, en 2009.
Le sénateur Ogilvie : Si je me souviens bien, vous êtes intervenus dans cette crise dès l'identification du virus, n'est-ce pas?
Dre Alpuche : Oui.
Le sénateur Ogilvie : Je voulais savoir comment les choses s'étaient vraiment déroulées étant donné que vous étiez au premier plan. Les collaborations que vous aviez développées vous ont permis d'identifier rapidement l'éclosion d'une nouvelle souche du virus, qui pouvait présenter de l'importance.
Dre Alpuche : Exactement.
Le sénateur Ogilvie : C'est la collaboration internationale et le réseau en place dont vous avez parlé qui ont permis d'identifier le virus aussi rapidement. J'ai trouvé cela intéressant lorsque vous avez dit, vers la fin de votre exposé, que le Mexique a subi les mêmes conséquences que le Canada pendant la crise du SRAS, soit les problèmes de déplacements à Toronto, principalement. C'est ce qui s'est passé au Mexique au début de la crise. J'ai surtout remarqué vos commentaires portant sur la façon dont nous réussissons à nous occuper de ces problèmes en plus de la situation médicale en cours.
J'ai trouvé extrêmement intéressantes et utiles vos observations sur la nature internationale de la situation, sur le dépistage dès l'éclosion du virus et sur les mesures que vous avez prises rapidement pour prendre en charge la situation. Je vous remercie beaucoup.
Le sénateur Martin : Je vous remercie beaucoup de nous avoir fait part de ces renseignements. J'appuie les propos du sénateur Ogilvie. Le résumé que vous nous avez présenté nous aide à comprendre la valeur de ce réseau international.
Vous avez aussi souligné les leçons que le Mexique a apprises grâce aux laboratoires canadiens et à ses collaborateurs ici. Ma question porte sur la diffusion d'information du Mexique vers le Canada. Avez-vous pu transmettre aux laboratoires et à vos collaborateurs canadiens des renseignements qui ont aidé le Canada à faire face à l'éclosion de la pandémie?
Vous avez parlé de la technologie sophistiquée et des leçons tirées de la crise du SRAS. Quel genre d'information a été échangée en ce qui a trait, peut-être, à certaines formations ayant eu lieu au Mexique? Je devrais également poser cette question au prochain témoin, mais quels genres de renseignements avez-vous estimé pouvoir communiquer aux Canadiens?
Dre Alpuche : Parlez-vous de l'information que nous détenons actuellement ou bien de celle dont nous disposions pendant la crise?
Le sénateur Martin : Lors de l'éclosion de la dernière pandémie, et dans le cadre de la collaboration visant l'échange de connaissances et d'information, quels renseignements les représentants et les scientifiques mexicains ont-ils pu transmettre aux laboratoires canadiens?
Dre Alpuche : Je dois être très franche avec vous. Lorsque nous nous trouvions au beau milieu de la crise ici, au Mexique, nous étions évidemment bien trop submergés par les évènements pour discuter des renseignements que nous pourrions transmettre au Canada ou aux États-Unis. Nous faisions immédiatement part à nos partenaires nord- américains de l'information qui portait sur les différences entre les régions géographiques et sur la sensibilité du virus aux médicaments, et nous leur transmettions également l'information relative aux mesures prises ici. Mis à part ces éléments, que nous communiquions immédiatement au Canada au fur et à mesure que nous les recevions, je ne sais pas vraiment quels renseignements utiles relatifs à la pandémie ont été donnés au Canada.
Le sénateur Martin : C'est une illustration de ce que vous avez dit plus tôt : tous les intervenants ont grandement bénéficié de la valeur réelle de ce réseau international, du processus collaboratif, de la capacité de communiquer presque instantanément et du fait que nous vivons à l'ère des communications à l'échelle planétaire.
Dre Alpuche : Tout à fait.
Le sénateur Callbeck : Merci, madame la docteure, de nous faire part de vos expériences.
J'aimerais vous parler d'un rapport portant sur l'intervention dans les Amériques lors de la pandémie de H1N1 en 2009, qui s'intitule Response to Pandemic (H1N1) 2009 in the Americas. On y dit que parmi les 35 pays membres de l'Organisation panaméricaine de la santé — dont font partie le Canada, les États-Unis et le Mexique —, on ne s'entend pas à propos de la surveillance aux points d'entrée et du contrôle des cas potentiels.
Pourriez-vous nous en parler? Est-ce que cela a réellement entraîné des problèmes? Dans l'affirmative, des mesures sont-elles prises pour que la situation soit corrigée la prochaine fois?
Dre Alpuche : Voyons voir si j'ai bien compris la question. Me demandez-vous si, au début de la crise, la définition d'un cas ou bien la saisie des données pour l'Organisation panaméricaine de la santé a été une source de confusion?
Le sénateur Callbeck : La définition était-elle la même pour le Mexique, les États-Unis et le Canada? J'ai lu quelque part que ce n'était pas le cas.
Le président : Sénateur Callbeck, pourriez-vous apporter des précisions qui aideraient madame la docteure?
Le sénateur Callbeck : Les définitions du Mexique, du Canada et des États-Unis étaient-elles différentes?
Dre Alpuche : Les définitions et l'enregistrement des cas présentaient de légères différences selon les pays. Je pense que la confusion a commencé lorsqu'on a remarqué un taux de mortalité plus élevé au Mexique qu'ailleurs; on se limitait aux cas graves, il ne s'agissait que de la pointe de l'iceberg. Nous ne connaissions pas le nombre total de cas. La définition d'un cas ou la manière de recueillir l'information ne présentaient pas vraiment de différence. Le Mexique a simplement connu une confusion passagère. Nous n'étions au courant que des cas graves. Tous les types de cas ne faisaient pas l'objet d'une surveillance.
Le problème a été réglé après deux semaines, une fois la situation redressée. Nous pouvions finalement observer la même tendance épidémique que tout le monde. Je ne crois pas que les différences remarquées au début de la crise aient causé bien du tort.
À l'heure actuelle, nous travaillons davantage pour en arriver à une définition binationale ou trinationale d'un cas. Le travail de préparation en cas de pandémie doit s'inscrire dans le cadre des accords tripartites afin de reposer sur des bases encore plus solides. Toutefois, je ne crois pas que cela ait vraiment posé problème après la deuxième semaine; ce n'est que la première semaine qu'il y avait des différences.
Le sénateur Callbeck : Vous avez répondu à ma question sur la définition.
La première question que je vous ai posée portait sur le rapport qui faisait mention d'opinions divergentes entre les pays membres de l'Organisation panaméricaine de la santé à propos de l'importance de la surveillance aux points d'entrée et du contrôle des cas.
Dre Alpuche : J'aimerais tout d'abord préciser que le Règlement sanitaire international revêt une grande importance. C'est ce système qui nous aidera à uniformiser l'information relative aux points d'entrée ou à tout autre sujet auquel nous travaillons. Nous avons appris qu'il faut redoubler d'efforts pour que le Règlement sanitaire international soit mis en œuvre.
Je ne suis pas certaine de bien comprendre votre question.
Le sénateur Callbeck : J'ai lu que les opinions des 35 pays divergeaient à propos de l'importance de la surveillance aux points d'entrée et du contrôle des cas.
Dre Alpuche : Oui. La surveillance aux points d'entrée est très importante, et il faut se pencher sur sa définition. Par exemple, l'un des problèmes dont nous sommes en train de discuter avec les États-Unis, c'est l'accent qui est mis sur la surveillance de la frontière américaine alors qu'il ne s'agit plus d'une limite géographique. Nous possédons tous des aéroports, et beaucoup d'avions volent entre les trois pays. Il faut donc se pencher sur le Règlement sanitaire international et les définitions actuelles de la surveillance aux points d'entrée afin d'homogénéiser la surveillance dans le cadre du Règlement. Cela ne touche pas que nous, mais aussi les 35 pays dont vous parlez.
Je ne veux pas en dire plus. De plus, il ne s'agit pas de mon champ d'expertise, mais simplement de mon point de vue général; je travaille dans un laboratoire.
Le sénateur Callbeck : Merci beaucoup.
Le sénateur Merchant : Je tiens moi aussi à vous remercier sincèrement de nous avoir révélé en détail la manière dont vous avez abordé cette pandémie.
Vous avez parlé à quelques occasions des difficultés sur le plan géographique qu'un pays comme le Mexique peut éprouver. Comment avez-vous procédé pour réaliser aussi vite — au début de la crise, vous avez agi très rapidement, comme en témoignent les rapports que vous nous soumettiez quotidiennement. Comment avez-vous procédé pour réaliser les prélèvements? Vous avez parlé de décentralisation. D'après votre expérience, pourriez-vous nous parler un peu plus des modifications que vous apporteriez?
Dre Alpuche : J'aimerais rectifier une chose. Je ne parlais pas de difficultés sur le plan géographique, mais plutôt de différences géographiques; le moment d'apparition de la pandémie et l'ampleur de la transmission du virus variaient entre les différentes régions géographiques du Mexique.
Le Mexique dispose depuis longtemps d'un système de surveillance épidémiologique, qui a été renforcé au cours des années 1980, surtout vers la fin de la décennie. Près de 19 000 équipes à travers le Mexique signalent les cas au système national de surveillance épidémiologique.
Le système de surveillance de l'influenza en place a été renforcé davantage en 2001, puis il a atteint son apogée en 2005. En 2007, il a même été complètement réorganisé autour de cliniques centralisées dans les différentes régions du pays.
Avant l'éclosion de la pandémie, nous butions sur un problème : les médecins ne considéraient pas l'influenza comme un diagnostic. C'est pourquoi nous avons reçu très peu d'échantillons, qui provenaient surtout de cas ambulatoires. Au début, nous nous sommes d'abord tournés vers les cas isolés, étant donné que les médecins en soins primaires ne pensaient pas nécessairement à l'influenza. C'est ce qui explique le très petit nombre d'échantillons reçus.
Lorsque l'information sur la pandémie a été diffusée au cours des premières semaines, le réseau de surveillance épidémiologique a commencé à envisager l'influenza et à poser des diagnostics cliniques d'une maladie s'apparentant à l'influenza non seulement pour les cas graves, mais aussi pour les cas ambulatoires. On a commencé à réaliser des prélèvements chez ces patients. La situation s'est alors inversée; nous avons été submergés d'échantillons.
C'est un autre problème; une pandémie peut provoquer une crise relativement au diagnostic en laboratoire de la maladie infectieuse émergente. La demande était énorme malgré les critères d'analyse établis et le fait que chaque patient n'avait pas besoin d'un test. C'est pourquoi nous avons pu recueillir des échantillons partout au pays.
Le sénateur Merchant : Le Canada est un très grand pays ayant une topographie diversifiée. Par conséquent, bon nombre de nos collectivités sont isolées. Y a-t-il beaucoup de collectivités dans cette situation au Mexique? Dans l'affirmative, avez-vous pu travailler avec elles?
Dre Alpuche : Oui, certaines de nos collectivités sont isolées, surtout dans certains des États les plus pauvres au Sud du pays, comme Tlapa. Des collectivités très isolées se trouvent dans certaines des régions situées au Nord de ces États.
Toutefois, des groupes de surveillance épidémiologique sont présents dans ces régions ou aux environs. Nous avons donc pu les atteindre. Bien entendu, le système présente des faiblesses dans ces régions, comme vous l'avez mentionné. Il faut en être conscient. Toutefois, les groupes de surveillance épidémiologique de chaque État se sont montrés plus vigilants même dans ces régions isolées. C'est pourquoi nous avons pu obtenir de l'information.
Nous sommes convaincus qu'il y avait beaucoup plus de cas que nous l'avions d'abord cru. Nous en aurons une meilleure idée une fois l'analyse de la prévalence terminée.
Le sénateur Merchant : Merci beaucoup.
Le président : Honorables sénateurs, y a-t-il d'autres questions?
Docteure Alpuche, nous avons fait le tour de nos questions, ce qui signifie que vous avez répondu à toutes les interrogations, et plus encore. Vous nous avez fourni des renseignements utiles et très pertinents. Nous avons une meilleure idée de la collaboration internationale en place, surtout entre le laboratoire canadien et vos activités au Mexique. Je vous remercie beaucoup de votre comparution, et nous vous souhaitons du succès dans vos projets.
Dre Alpuche : Merci. J'étais ravie de discuter avec vous.
Le président : Nous allons maintenant accueillir le prochain groupe d'experts. Je souhaite la bienvenue au Dr Frank Plummer, directeur général des programmes scientifiques, Laboratoire national de microbiologie, Agence de la santé publique du Canada. Voici un aperçu du parcours du Dr Plummer. Après ses études en médecine, il est allé à Nairobi pour étudier les maladies infectieuses. Il a consacré 16 années à l'étude du VIH et du sida. En 2003, il a été nommé directeur général du Centre de prévention et de contrôle des maladies infectieuses, et en juin 2005, le Dr Plummer et son équipe ont reçu des fonds de la fondation Bill et Melinda Gates pour travailler à la création d'un vaccin contre le VIH et le sida.
Le Dr Todd Hatchette, professeur associé, Direction de la microbiologie et de l'immunologie, Université Dalhousie, a obtenu son titre de médecin à l'Université Memorial de Terre-Neuve. Il y a terminé sa formation en médecine interne, puis il a reçu une bourse de recherche sur les maladies infectieuses et la microbiologie médicale à l'Université Dalhousie. La grippe A constitue son principal domaine de recherche. Il est aussi collaborateur au nouveau Centre canadien de vaccinologie à Halifax, qui rassemblera des spécialistes en recherche fondamentale et en recherche clinique pour étudier les méthodes de vaccination visant à contrôler les maladies infectieuses.
Nous allons d'abord laisser la parole au Dr Plummer.
Dr Frank Plummer, directeur général des programmes scientifiques, Laboratoire national de microbiologie, Agence de la santé publique du Canada : J'aimerais remercier les membres du comité sénatorial de me donner cette occasion de parler de l'état de préparation de l'Agence de la santé publique du Canada, l'ASPC, en matière de surveillance et d'intervention lors de la pandémie de grippe H1N1.
Comme vous le savez, je suis conseiller scientifique principal de l'Agence de la santé publique du Canada et directeur général scientifique du Laboratoire national de microbiologie à Winnipeg. Pendant la pandémie de grippe H1N1, j'ai dirigé les travaux scientifiques, la recherche et les services nationaux de laboratoire de santé publique en réaction à cette nouvelle souche grippale.
Comme la Dre Alpuche l'a dit plus tôt, c'est le 17 avril 2009 que l'Agence de la santé publique du Canada a d'abord été mise au courant de l'éclosion d'une maladie respiratoire grave à Mexico, lorsque la Dre Alpuche a envoyé un courriel à l'Agence demandant de l'appui en laboratoire.
Peu après, le Laboratoire national de microbiologie a reçu des échantillons du Mexique pour qu'on effectue des essais en laboratoire et qu'on identifie le virus. On a découvert le 18 avril, soit moins de 24 heures plus tard, qu'il s'agissait d'une nouvelle souche du virus de la grippe H1N1, qui avait été signalée dernièrement aux États-Unis.
Environ 24 heures plus tard, le Dr Hatchette nous a téléphoné pour nous dire qu'il avait identifié des souches inconnues de grippes en Nouvelle-Écosse. Nous avons reçu le lendemain les prélèvements, qui avaient été confiés aux soins d'un agent de la Gendarmerie royale du Canada à Halifax.
En très peu de temps, on a confirmé que des cas du nouveau virus se trouvaient au Canada, de même qu'au Mexique et aux États-Unis; c'était le premier indice qu'il s'agissait d'une pandémie.
L'intervention rapide du Canada lors de la pandémie de grippe H1N1 est en partie attribuable à son solide système de surveillance de l'influenza. En collaboration avec les provinces et les territoires, l'Agence de la santé publique du Canada ou ASPC surveille l'activité grippale par l'entremise du programme Surveillance de l'influenza (FluWatch), le système canadien de surveillance. Grâce au programme Surveillance de l'influenza, l'ASPC a pu rapidement visualiser la propagation de la pandémie de grippe H1N1 à l'échelle nationale et surveiller les tendances se dessinant au fil du temps.
À mesure que la pandémie prenait de l'ampleur et que les taux de maladie grave augmentaient, l'ASPC a pu rapidement élargir les activités du programme Surveillance de l'influenza pour y inclure la collecte de données épidémiologiques sur les hospitalisations, les admissions aux unités de soins intensifs et les mortalités dues à la grippe H1N1.
Pendant toutes les activités d'intervention, l'ASPC a travaillé avec le réseau regroupant les laboratoires de santé publique du fédéral et des provinces, le Réseau des laboratoires de santé publique du Canada ou RLSPC, dont le Dr Hatchette est membre, afin de discuter de questions liées à la détection de la grippe H1N1 et aux travaux en laboratoire dans ce domaine. Cette étroite collaboration entre laboratoires de santé publique a permis d'assurer une intervention à la fois cohérente et robuste à l'échelle nationale.
L'ASPC a aussi mis sur pied plusieurs autres systèmes afin de surveiller, entre autres, l'achat de médicaments antiviraux, la résistance à ces médicaments et les effets indésirables du vaccin contre la grippe H1N1. Tous ces systèmes, liés entre eux, ont fait en sorte que la réaction du Canada à la grippe H1N1 s'appuyait solidement sur les renseignements les plus à jour et les plus exacts.
En plus du système de surveillance de l'influenza du Canada, le Laboratoire national de microbiologie ou LNM, de l'ASPC, a joué un rôle de premier plan au pays et de par le monde en fournissant des conseils techniques, de l'assistance et des capacités d'appoint afin d'identifier la nouvelle souche grippale, de mieux la comprendre et de la surveiller.
La Dre Alpuche vous a déjà parlé de l'expérience avec le Mexique, mais permettez-moi de vous fournir des détails supplémentaires. Nous avons pu envoyer cinq personnes au Mexique pour y accroître la capacité du laboratoire. Dans un délai très court et dans des circonstances où le Mexique subissait des pressions énormes pour produire des résultats, nous avons pu faire passer la capacité de traitement de son laboratoire de 20 échantillons par jour à plus de 1 000 échantillons par jour.
Dans les jours qui ont suivi la découverte de la souche grippale, le LNM a mis au point des outils diagnostiques relatifs à la grippe H1N1 et les a envoyés aux laboratoires provinciaux de santé publique. Alors, dans un délai très bref, les tests en laboratoire, au Canada, ont été décentralisés.
Cette décentralisation était importante pour diverses raisons, entre autres parce qu'il fallait éviter de surcharger le laboratoire de Winnipeg, qui risquait d'être inondé d'échantillons. De plus, il est important de faire les tests le plus près possible des patients. Envoyer tous les échantillons à Winnipeg n'aurait pas été une solution viable.
Le LNM est reconnu au Canada et dans le reste du monde comme un laboratoire de santé publique à l'avant-garde de la technologie. C'est pourquoi des partenaires étrangers ont eu recours à nos conseils et à notre assistance. Vous avez entendu parler de manière très détaillée de notre collaboration avec le Mexique, dont nous sommes enchantés. Nous avons beaucoup aidé les Mexicains. Fait intéressant, parmi les 2 600 échantillons mexicains que nous avons reçus, certains sont arrivés à bord de l'avion présidentiel mexicain, qui est venu à Winnipeg deux fois.
Le 5 mai, grâce à l'expertise, à la motivation et au travail du personnel du LNM, le Canada a été le premier pays à présenter la totalité des séquences génomiques des souches mexicaines et canadiennes du virus de la grippe H1N1 à GenBank. Cela a contribué considérablement à accroître, dans le monde, les connaissances scientifiques liées à cette nouvelle souche.
Les bons résultats de la surveillance nationale et des travaux des laboratoires de santé publique, au Canada, à l'occasion de la pandémie de grippe H1N1, sont attribuables en partie aux solides relations qu'entretiennent depuis un temps décideurs, spécialistes et hauts fonctionnaires avec des partenaires à l'étranger.
Grâce à ces relations, nous avons pu collaborer et échanger des renseignements régulièrement avec les Centres for Disease Control and Prevention des États-Unis et avec le laboratoire national de santé publique du Mexique, dès les premiers stades de la pandémie.
Comme la Dre Alpuche vous l'a indiqué, le Canada est également membre du Groupe de travail sur la protection de la santé mondiale, qui a été créé dans le sillage des attentats du 11 septembre 2001 par les pays du G7 et le Mexique. Le ministère de la Santé du Canada héberge le secrétariat de ce groupe, et le Laboratoire national de microbiologie préside le réseau de laboratoires faisant partie du Groupe de travail sur la protection de la santé mondiale.
Le Groupe de travail sur la protection de la santé mondiale disposait d'un précieux réseau préétabli qui a facilité la mise en commun des données épidémiologiques et des stratégies d'atténuation employées par divers pays. Le Canada a aussi tiré parti de ses liens avec des organisations internationales, notamment l'Organisation panaméricaine de la santé et l'Organisation mondiale de la santé. Les partenariats, la coopération et la collaboration dont profite l'ASPC à l'échelle internationale ont grandement facilité les échanges d'information cruciale sur la nature de la pandémie et sur les interventions en matière de santé publique, ce qui a permis au Canada de demeurer à l'avant-garde des préparatifs et de la lutte contre la grippe H1N1.
Je termine en vous disant que la pandémie de grippe H1N1 a constitué une mise à l'épreuve importante pour le système de surveillance et le réseau de laboratoires protégeant la santé publique, au Canada. Je pense que nous avons très bien réussi l'épreuve.
L'ASPC poursuit sa collaboration avec ses partenaires fédéraux, provinciaux, territoriaux et étrangers afin d'améliorer, notamment, les méthodes et les mécanismes de mise en commun rapide de l'information et des substances avec eux. Ces efforts conjoints ont pour effet de consolider notre travail en vue de résoudre les futurs problèmes nationaux et internationaux de santé publique.
Dr Todd Hatchette, professeur associé, Direction de la microbiologie et de l'immunologie, Université Dalhousie, à titre personnel : Je voudrais remercier le comité de m'avoir invité à témoigner. C'est un privilège de pouvoir vous communiquer mes réflexions concernant la pandémie qui s'est produite.
J'ai préparé une allocution que je pourrai vous remettre sur papier par la suite. Je vais en lire des passages, mais je vais aussi vous parler de ce qui a été dit jusqu'à maintenant.
Le 25 avril, notre laboratoire, en Nouvelle-Écosse, a été le premier au Canada à diagnostiquer la nouvelle souche du virus de la grippe. J'ai eu une occasion unique de vivre la pandémie depuis plusieurs perspectives.
En tant que père de famille, j'ai regardé avec angoisse le deuxième de mes fils combattre le virus de la pandémie parce que, bien que ce virus eût des effets légers dans la plupart des cas, il pouvait causer la mort sans crier gare, chez certains jeunes. En tant qu'expert-conseil des maladies infectieuses, j'étais au travail à l'apogée de la pandémie. En circulant dans l'unité de soins intensifs, j'ai pu constater avec effarement que la moitié des patients qui s'y trouvaient étaient atteints de la grippe H1N1. C'était une situation nouvelle, qui n'était pas typique de la grippe saisonnière. Permettez-moi de souligner que, de mon point de vue personnel, il ne s'agissait pas de la grippe saisonnière.
En tant que médecin ayant participé à la planification contre les pandémies depuis 2005, j'ai eu de nombreuses occasions d'interagir avec des organismes provinciaux et nationaux, dans le cadre des diverses fonctions que j'ai exercées. Je suis coprésident du Réseau des laboratoires de santé publique canadienne, qui est un sous-groupe du Réseau de santé publique pancanadien. Notre mandat consistait à élaborer les directives de préparation des laboratoires dans le cadre du plan canadien de lutte contre les pandémies de grippe.
Au cours de la pandémie de l'année dernière, je représentais le Réseau des laboratoires de santé publique canadienne au sein du comité de coordination de la lutte contre la pandémie. J'étais aussi, dans ce comité, coprésident du groupe de travail de la surveillance, de l'épidémiologie et des analyses en laboratoire ainsi que membre du groupe de travail des soins cliniques et des antiviraux. J'ai donc passablement d'expérience avec les divers groupes de travail. Je voudrais vous présenter mon appréciation des résultats obtenus et vous indiquer quelles améliorations me paraissent nécessaires.
Le Réseau des laboratoires de santé publique canadienne a été établi pour élaborer les directives destinées aux laboratoires contenues à l'annexe C du plan canadien de lutte contre la pandémie. Avant la pandémie, nous avons préparé un document clé qui définissait les exigences minimales devant être remplies par les laboratoires provinciaux de santé publique pour pouvoir diagnostiquer la nouvelle souche du virus de la grippe. Au cœur de ce plan se trouvait un procédé de diagnostic à l'échelle moléculaire visant à obtenir l'empreinte génétique du virus plutôt que d'en faire une culture.
Il faut féliciter le Laboratoire national de microbiologie : il a accordé un financement généreux aux laboratoires de santé publique pour qu'ils puissent acheter l'équipement nécessaire, afin de répondre à ce besoin. Il s'agit du même équipement que celui que les Mexicains ont acheté pour pouvoir diagnostiquer la présence du virus. Nous avons vu à nous procurer cet équipement avant même que ne frappe la pandémie.
Dans les 48 heures ayant suivi la détection du virus au Canada, les réactifs nécessaires ont été distribués aux laboratoires provinciaux de santé publique pour qu'ils puissent diagnostiquer eux-mêmes la présence du virus. C'était très important parce que, comme le Dr Plummer l'a indiqué, les laboratoires provinciaux de santé publique sont souvent les laboratoires clés pour le diagnostic de la grippe dans de nombreuses régions du pays.
De plus, les gens du laboratoire national ont été capables d'adapter le protocole d'analyse du Centre for Disease Control pour qu'il soit utilisé avec les appareils existant dans tous les laboratoires provinciaux de santé publique. Vers le milieu de la pandémie, ils ont collaboré étroitement avec le Centre for Disease Control de la Colombie-Britannique, en vue de modifier une méthode déjà appliquée dans le laboratoire de cet organisme, qui permet de détecter la résistance à l'oseltamivir. Ils ont ensuite distribué les réactifs nécessaires aux laboratoires provinciaux de santé publique du pays.
Pourquoi est-ce important? Toutes les directives destinées aux laboratoires étaient énoncées dans l'annexe du plan. Donc, nous avions bien réfléchi à toutes les dimensions de la question, et tout s'est très bien déroulé. Je dirais même que les laboratoires illustrent probablement mieux que n'importe quel autre élément du système comment celui-ci devrait fonctionner idéalement.
Cela dit, il reste qu'on a fait ressortir certains points faibles. Des améliorations seraient possibles, et la communication est le thème qui revient le plus souvent à cet égard. La communication avec nos partenaires externes, c'est-à-dire les hôpitaux et les cliniciens qui sont en première ligne, aurait pu être meilleure. Lorsque nous avons atteint la pleine capacité des laboratoires, nous avons dû modifier les algorithmes. Ces modifications auraient été effectuées plus harmonieusement si nous avions amélioré notre communication avec ces partenaires.
Comme l'a indiqué le Dr Plummer, la communication entre les laboratoires s'est très bien faite, grâce aux liens qui avaient été établis au préalable et qui ont facilité la tenue de téléconférences ainsi que les échanges d'information dont nous avions besoin.
Le constat que l'on peut faire pour les laboratoires ne s'applique pas, toutefois, à l'autre dimension de la surveillance, c'est-à-dire la dimension épidémiologique. Il arrive souvent que nous ne communiquions pas assez efficacement entre nous. Je vais reparler de ce point à souligner dans un instant.
En tant que coprésident du groupe de travail de la surveillance, de l'épidémiologie et des analyses en laboratoire, j'ai pu apprendre beaucoup de choses, car je suis un médecin spécialisé dans le travail en laboratoire, et non un épidémiologiste. Le mandat du groupe était de coordonner la stratégie de surveillance dans son ensemble, y compris les travaux d'épidémiologie et les analyses en laboratoire, relativement à la pandémie de grippe H1N1 au Canada, en 2009.
La surveillance est la pierre angulaire du dispositif de lutte contre toute maladie, qu'il s'agisse de l'endiguer et d'en atténuer les effets. Récemment, lors d'une conférence à laquelle j'assistais, Rob Webster, qui a supervisé mes études postdoctorales et qui est l'un des pionniers de la lutte contre la grippe, a affirmé que, sans la surveillance, nous sommes complètement impuissants.
Je pense que les membres du groupe de surveillance de la grippe n'ont ménagé aucun effort pour répondre aux questions qui leur ont été constamment posées. Ils devaient analyser les données en temps réel de manière à éclairer les décideurs se trouvant aux échelons supérieurs. Toutefois, beaucoup de membres du groupe ont eu l'impression que leurs recommandations n'étaient pas suffisamment écoutées par les décideurs et que ces derniers n'accordaient pas suffisamment d'attention au dossier de la surveillance.
Selon moi, c'est le manque de ressources qui a été la principale difficulté pour les responsables de la surveillance. Avant la pandémie, le groupe chargé de la surveillance à l'Agence de santé publique du Canada comprenait quatre personnes : un médecin spécialiste, un épidémiologiste principal, un épidémiologiste assistant et un virologiste. Au cours de la pandémie, un autre médecin spécialiste et un autre épidémiologiste ont été affectés temporairement au groupe. De plus, un certain nombre d'épidémiologistes assistants ont été affectés au groupe à divers moments, pendant des périodes allant de deux à quatre semaines.
Compte tenu du manque de personnel, il a été très difficile de répondre aux questions et aux demandes d'information qui arrivaient constamment, tout en assistant à de nombreuses réunions et à de nombreuses téléconférences. Par moment, l'arrivée de renforts a nui parce qu'il fallait donner au fur et à mesure un supplément de formation aux nouveaux venus concernant la grippe et la surveillance.
Le groupe chargé de la surveillance a aussi dû affronter le problème de l'absence d'un mécanisme de diffusion rapide de l'information. Aux États-Unis, le Center for Disease Control dispose du Morbidity and Mortality Weekly Report. Or, nous n'avions pas un moyen semblable. C'est pourquoi nous avons proposé la création du Purple Paper, qui visait à nous permettre de transmettre les connaissances. En outre, la place de la surveillance de la grippe dans la structure de l'Agence de santé publique du Canada était mal définie.
Enfin, il serait nécessaire de renforcer et d'officialiser les liens entre les laboratoires et les épidémiologistes, comme je l'ai indiqué précédemment. Il est essentiel d'améliorer la compréhension des données qu'ont, chacun de leur côté, ces deux éléments complémentaires du dispositif de surveillance. Ce sera d'autant plus important que les laboratoires sont désormais capables de procéder à des analyses moléculaires des agents pathogènes des voies respiratoires, ce qui constitue une méthode plus sensible et plus polyvalente. Néanmoins, ces analyses sont dispendieuses, et nous avons mis au point de nouveaux algorithmes pour en traiter les résultats. À défaut de comprendre la méthode employée pour ces analyses, les épidémiologistes risquent de ne pas pouvoir interpréter les données générées.
Le dernier sujet dont j'aimerais vous parler concerne ma participation au groupe de travail des soins cliniques et des antiviraux. Bien que le mandat de l'Agence de santé publique du Canada soit bel et bien la santé publique, certaines provinces et une bonne partie du public s'attendaient à ce qu'elle donne des directives concernant les soins cliniques.
Le groupe de travail des soins cliniques et des antiviraux a préparé des directives sur les soins cliniques et était coprésidé par un membre de l'Agence de santé publique du Canada. Toutefois, comme le mandat de l'agence ne comprend pas les soins cliniques et comme la loi lui interdit de donner des conseils cliniques, personne n'était vraiment chargé de ce dossier. Vers la fin de la pandémie, je crois que les éclaircissements nécessaires ont été apportés. Le rôle de l'Agence de santé publique du Canada doit être de faciliter la préparation des directives cliniques par les divers organismes nationaux compétents. Toutefois, au début, ce rôle n'était pas défini clairement, ce qui explique, je crois, le retard dans la préparation des directives et ce qui fait que beaucoup de provinces ont décidé de se doter de leurs propres directives.
Enfin, à titre de coprésident du Réseau des laboratoires de santé publique canadienne et du groupe de travail de la surveillance, de l'épidémiologie et des analyses en laboratoire, j'aimerais profiter de l'occasion pour remercier personnellement et publiquement tous les membres de ces groupes pour le temps et les efforts qu'ils ont consacrés aux préparatifs, au cours des années ayant précédé la pandémie, au stade de la planification de même qu'au cours des mois de travail exigeant mais très stimulant qui ont précédé la pandémie. Sans les efforts de ces volontaires ainsi que des cliniciens, des médecins œuvrant en laboratoire, des scientifiques, des pharmaciens et des autres professionnels qui ont, eux aussi, fait volontairement don de leur temps à l'échelon fédéral et dans les provinces, le Canada n'aurait jamais été capable de lutter efficacement contre la pandémie de grippe H1N1.
Le président : Voilà de l'information passablement utile, qui fait partie des leçons à tirer de l'expérience. Vous allez nous remettre vos observations écrites, mais auriez-vous des réflexions à nous faire tout de suite, sur le sujet, concernant des mécanismes précis que vous auriez en tête, en particulier dans le domaine des communications? Vous n'avez pas besoin de nous en parler maintenant, mais nous devons savoir si vous avez des suggestions à nous faire.
Dr Hatchette : Je pourrais certainement vous remettre mes suggestions par écrit. J'ajouterai à la version écrite de mon allocution quelques idées peut-être au sujet des communications.
Le président : Vos idées nous sont utiles parce que vous êtes de l'extérieur du système. Vous le voyez sous un angle objectif, tout en étant conscient du bon travail qui a été fait.
Ma question s'adresse à vous deux. Vous nous avez parlé de la collaboration avec le Mexique et de l'aide que vous, Dr Plummer, avez pu apporter à ce pays. Toutefois, je tiens pour acquis que cette collaboration a été utile pour le Canada aussi. Vous avez obtenu de l'information dont nous avions besoin au pays. D'ailleurs, chaque fois qu'il y aura une pandémie, nous devrons obtenir de l'information vitale de la part d'autres pays.
Cependant, un rapport présenté au réseau mondial de surveillance de la grippe de l'OMS indique qu'il existe des régions du monde où la surveillance de la grippe est moins développée, ce qui pourrait poser un problème. Pourriez-vous nous en parler davantage et nous indiquer ce qui devrait être fait à cet égard?
Dr Plummer : La capacité de diagnostiquer la grippe varie d'un endroit à l'autre dans le monde. Certains pays disposent de très peu de moyens pour détecter une nouvelle souche du virus de la grippe. Même un pays comme le Mexique, qui est moyennement riche, n'a pas pu au départ déterminer qu'il s'agissait d'une nouvelle souche, parce qu'il ne disposait pas de la technologie nécessaire, à l'époque. S'il avait eu cette technologie, il aurait pu détecter l'éclosion du virus environ un mois plus tôt. Avant que le diagnostic soit possible, on signalait au Mexique une maladie non identifiée.
Dans le cadre des activités entourant le Règlement sanitaire international, l'Organisation mondiale de la santé s'est engagée à améliorer la qualité du travail en laboratoire partout dans le monde. Le Groupe de travail sur la protection de la santé mondiale, dont je vous parlais tout à l'heure, mise sur un réseau de laboratoires qui offre l'assistance technique requise afin d'appuyer l'OMS dans ce travail.
Ce n'est toutefois pas une mince tâche. Il y a bien des pays et bien des laboratoires. De concert avec l'OMS, nous nous employons dans un premier temps à cartographier la capacité mondiale en matière de laboratoires. Nous avons conçu pour ce faire un logiciel, le GlaDMap, qui situe tous les laboratoires de la planète et identifie les réseaux qui les relient. Il suffit d'un clic sur un laboratoire en Afrique pour connaître ses capacités et ses liens avec d'autres laboratoires. Mais comme je l'ai indiqué, nous avons beaucoup de pain sur la planche.
Le président : Dans le cas du Mexique, vous êtes intervenus directement. Ce n'est pas l'organe international qui a obtenu l'information et s'est rendu sur place pour travailler avec les Mexicains; vous l'avez fait directement de concert avec les gens du CDC.
Qu'est-ce que cela nous apprend au sujet des capacités du réseau international? À l'avenir, si un virus fait son apparition dans un autre pays, serez-vous en mesure de permettre à ce pays de se donner les moyens d'exercer la surveillance nécessaire?
Dr Plummer : La situation est un peu particulière, car le Mexique est un pays de notre continent avec lequel nous avons conclu une entente trilatérale d'assistance en cas de pandémie d'influenza. Au départ, les Mexicains ne savaient pas qu'il s'agissait d'une grippe. Ils savaient qu'on était aux prises avec une infection respiratoire grave. En outre, comme je connais personnellement la Dre Alpuche, on est entré en contact avec nous.
Normalement, un pays devrait présenter une demande à l'OMS par l'entremise de son bureau régional, et cette demande serait ensuite transmise aux autres pays.
L'OMS administre le GOARN, le Réseau mondial d'alerte et d'action en cas d'épidémie, qui peut s'apparenter à une brigade de pompiers volontaires. Un pays s'adresse à l'OMS en lui faisant part d'un problème particulier à l'égard duquel il a besoin d'aide. L'OMS s'occupe du problème en faisant appel à différents types d'expertise que les pays membres peuvent lui fournir de façon volontaire.
C'est un processus que nous répétons assez régulièrement. Nous disposons notamment d'un laboratoire mobile perfectionné que nous pouvons expédier par avion n'importe où dans le monde dans un délai de trois heures. Nous avons ainsi dépêché des équipes en Angola, en République dominicaine, au Vietnam, en Chine et à Hong Kong notamment.
Il y a donc un système en place. Est-ce que tout est parfait? Non. Est-ce que des améliorations s'imposent? Oui. Il y a disparité quant aux capacités des laboratoires de santé publique des différents pays du monde.
Le président : Est-ce que des mesures sont prises pour améliorer les choses? En fin de compte, c'est une situation qui nous touche tous, et il est important d'obtenir cette information. Nous disposons des capacités nécessaires, mais cela relève, si je ne m'abuse, d'une organisation administrée par l'OMS. Dans l'état actuel des choses, est-ce que cette organisation permet de véritables améliorations?
Dr Plummer : Je crois qu'il y a bel et bien des améliorations, mais le processus est lent. Je vous ai déjà parlé de l'exercice de cartographie que nous avons entrepris. Nous le faisons d'abord et avant tout pour le compte de l'OMS. Nous avons beaucoup d'expérience dans les réseaux de laboratoires et nous mettons également notre expertise à contribution, de concert avec l'OMS, pour créer d'autres réseaux semblables à l'échelle planétaire.
La Dre Alpuche vous a parlé brièvement des mesures prises au Mexique avec un soutien senti de notre part. Des efforts sont bel et bien déployés, mais il va de soi que les choses ne se déroulent pas aussi vite qu'on le souhaiterait.
Dr Hatchette : Je ne pourrais pas vraiment vous en dire davantage à ce sujet en dehors du contexte canadien.
Le sénateur Eaton : Merci, messieurs. J'aimerais revenir un peu à la question des communications. Lorsqu'on nous parle de « pandémie de niveau 6 », est-ce suivant une échelle établie par l'OMS? Est-ce à ce palier qu'on détermine qu'il s'agit d'un niveau 5 ou d'un niveau 6?
Dr Plummer : Ce sont eux qui indiquent qu'il s'agit d'un niveau 6, c'est-à-dire essentiellement qu'un nouveau virus est présent à peu près partout dans le monde.
Le sénateur Eaton : C'est en fonction de ce qui se produit dans l'ensemble de la planète, n'est-ce pas?
Dr Plummer : C'est exact.
Le sénateur Eaton : Cette maladie était extrêmement virulente. Je crois que la plupart d'entre nous nous attendions à quelque chose d'énorme lorsqu'on a parlé au départ de pandémie de niveau 6. On s'est ensuite rendu compte que la pandémie de H1N1 avait fait 500 victimes, si je ne m'abuse. Combien de personnes meurent de la grippe saisonnière? Est- ce 4 000 ou 6 000 par année?
Ne serait-il pas utile de nous doter de notre propre échelle? L'OMS peut déterminer qu'il s'agit d'une pandémie de niveau 6 sur le plan mondial, mais vous pourriez très bien, docteur, affirmer qu'elle est de niveau 2 au Canada. Ainsi, les Canadiens pourraient voir la différence. On pourrait aussi avoir un niveau 7 au Canada et un niveau 2 ailleurs dans le monde. De cette manière, nous aurions une évaluation plus équitable et une impression plus juste de la situation réelle.
Dr Plummer : J'aurais quelques précisions à apporter en réponse à votre question. D'abord et avant tout, le niveau 6 n'a absolument rien à voir avec la gravité de la maladie. Il correspond essentiellement à l'ampleur de la propagation géographique. C'est l'indication que ce niveau nous fournit.
La perception du public à l'égard de ce qu'est une pandémie s'inspire dans une large mesure du souvenir de la grippe de 1918. La dénomination de pandémie ne se définit aucunement en fonction de la gravité de la maladie. Toute cette question fait actuellement l'objet d'un débat au sein de l'Organisation mondiale de la santé, car certains pays se préoccupent de cette perception voulant qu'une pandémie soit synonyme de maladie grave. Ce n'est pourtant pas le cas. C'est simplement une indication de l'étendue géographique.
Il faut toutefois préciser que même s'il n'y a eu que 400 décès au Canada, les choses auraient été bien pires sans les excellents soins aigus qui ont été dispensés, notamment pour ce qui est des antiviraux et des vaccins.
Le sénateur Eaton : Je suis d'accord avec vous sur tous ces points.
Dr Plummer : La plupart des patients admis aux soins intensifs seraient décédés.
Le sénateur Eaton : Je suis d'accord, mais je crois que bon nombre de personnes n'ont pas profité de la vaccination parce qu'elles ont cessé de s'inquiéter en se rendant compte que la seconde phase était terminée. L'OMS parlait d'une pandémie de niveau 6, mais il n'y avait pas de décès à la tonne, ce qui en a incité plusieurs à adopter une attitude plutôt désinvolte.
Dr Plummer : Nous devons mener d'autres recherches afin de mieux comprendre les raisons pour lesquelles on ne s'est pas fait vacciner.
Les gens prennent parfois des décisions étranges. Il y a quelques semaines, une journaliste m'a interviewé à l'occasion d'une activité publique. Je lui ai demandé si elle avait été vaccinée. Elle m'a dit que non. Je lui ai demandé pourquoi et elle m'a répondu qu'elle craignait les effets secondaires, mais elle avait tout de même fait immuniser ses enfants. Je n'ai pas compris son raisonnement logique.
Le sénateur Eaton : Encore là, c'est une question d'information et de communication.
Dr Hatchette : Pour ce qui est du nombre de 4 000 décès par année, on y est arrivé au moyen d'une modélisation en fonction de la mortalité accrue pendant la saison de l'influenza et des pneumonies. Il faudra examiner d'autres éléments pour connaître les chiffres véritables. Nous n'avons jamais mené d'étude approfondie sur les patients admis à l'hôpital avec la grippe. Il faut notamment s'attendre à ce que certaines estimations établies précédemment soient erronées. Nous répétons ces chiffres depuis des années parce que nous savons que la grippe fait des victimes à tous les ans. On ne sait pas dans quelle mesure ces chiffres sont précis et nous pourrons sans doute constater certains écarts au cours des prochaines années.
Le sénateur Eaton : Nous ne parlons pas d'une pandémie de grippe. Nous disons simplement aux gens d'aller se faire vacciner pour la grippe et de bien se laver les mains. Nous ne leur disons pas qu'ils pourraient en mourir.
Dr Hatchette : Tout dépend à qui vous vous adressez. Ma première question pour les professionnels de la santé est toujours la même : « Combien parmi vous êtes entrés au travail ce matin avec l'intention de tuer un patient? Si vous n'avez pas été vaccinés contre la grippe, c'est pourtant ce que vous pourriez faire. » Tout dépend donc de l'auditoire cible. Tout le monde est complaisant à propos de l'influenza. On entend régulièrement des gens déclarer qu'ils ont été un peu grippés au cours du week-end. S'il s'agissait d'influenza, vous ne diriez pas que vous avez été un peu grippés parce que vous seriez sur le carreau pendant quelques jours. C'est la manière dont les gens perçoivent l'influenza. Peut-être s'agit-il de notre grand défi en matière de communication. À cet égard, la plus grosse erreur a peut-être été de ne pas préciser que le niveau 6 était un indice de propagation, et non de gravité. Comme le disait le Dr Plummer, on s'emploie actuellement à revoir tout ce système.
Le plan canadien en cas de pandémie prévoyait en quelque sorte un niveau 6.1 ou 6.2, selon qu'il y avait propagation partout dans le monde ou seulement au Canada. Nous avons essayé d'apporter les nuances nécessaires à cet égard, mais il est devenu difficile de faire passer clairement le message.
Le sénateur Eaton : C'est un peu comme les alertes en matière de sécurité intérieure, qui peuvent être oranges ou rouges selon l'ampleur de la menace. Les gens présument automatiquement qu'il est question de l'importance du danger perçu, plutôt que de sa propagation géographique.
Le sénateur Ogilvie : Voilà qui illustre vraiment bien les difficultés avec lesquelles vous, comme les autorités de la santé d'une manière générale, devez composer dans des situations semblables. Docteur Hatchette, vous avez abordé certains aspects de la problématique et vous pourriez nous parler pendant des heures des différents sous-groupes visés par la grippe saisonnière, ceux pouvant être touchés aux différents niveaux, et la résistance que l'on peut espérer développer à la faveur de sa longévité et du nombre de fois où l'on est exposé, entre autres sujets. C'est une question très complexe. En examinant ces éléments de mon point de vue de chimiste, je ne crois pas qu'il y ait une façon simple pour vous de bien renseigner la population. Lors de la pandémie de 1918, les jeunes adultes étaient décimés pendant que leurs confrères plus âgés dans les casernes succombaient eux aussi à la grippe, mais pas de façon aussi soutenue. La situation était attribuable non seulement à l'exposition précédente au virus, mais aussi entre autres aux différentes concentrations de personnes dans un secteur donné. Je préfère ne pas être à votre place lorsqu'il s'agit de suggérer des moyens de rejoindre la population dans son ensemble.
On nous a confirmé aujourd'hui que le virus avait été identifié de façon définitive dans trois emplacements de notre hémisphère à une semaine d'intervalle : les États-Unis, le Mexique et le Canada. On peut être à peu près certain que le virus était présent dans ces pays avant cette confirmation. Vous avez d'ailleurs indiqué qu'il est possible qu'on ait pu le détecter un mois plus tôt au Mexique si l'on avait disposé des moyens requis. Pourriez-vous cibler l'endroit où le virus a sans doute fait son apparition?
Dr Plummer : On croit que, d'une manière ou d'une autre, le virus avait amalgamé quatre séquences génétiques, soit celles de la grippe porcine nord-américaine, de la grippe asiatique, de la grippe humaine et de la grippe aviaire. Personne n'est vraiment certain de l'endroit où cette amalgamation a pu se faire. La plupart des gens vous diraient que c'est sans doute au Mexique, mais il se peut fort bien que ce soit en Californie. Je ne crois pas que ce soit au Canada, mais cela reste du domaine des suppositions. Il n'existe pas vraiment de moyen efficace pour revenir en arrière et déterminer comment les choses se sont passées.
Le sénateur Ogilvie : Je vous remercie pour cette précision. L'éclosion s'est faite à l'intérieur d'une période relativement courte dans trois régions assez éloignées les unes des autres. Y a-t-il des éléments ressortant de ce dossier et de vos recherches pour retracer l'identité du virus qui pourraient vous permettre de trouver un moyen de détecter ces virus à un stade plus précoce de leur évolution?
Dr Plummer : Avant cette pandémie, on a beaucoup réfléchi à la façon d'endiguer la grippe aviaire (H5N1) à la source lorsque celle-ci a commencé à se transmettre de façon durable aux populations humaines. La plus récente expérience montre à quel point tout cet effort de réflexion peut se révéler futile. Ce dernier virus s'est propagé si rapidement qu'il se retrouvait déjà un peu partout lorsqu'on a réussi à l'identifier. La Nouvelle-Écosse a été la première province à cerner le problème, mais il était déjà présent ailleurs. Compte tenu du nombre de personnes qui voyagent en avion entre le Mexique et le Canada pendant l'hiver et le printemps, je ne vois pas comment on aurait pu endiguer le virus à sa source. Pour pouvoir faire quelque chose, il faudrait pouvoir compter sur un réseau de laboratoires efficaces dans les différents pays du monde.
Dr Hatchette : S'il est difficile de déterminer la source du virus, c'est notamment en raison d'un manque de surveillance des populations porcines. Lorsque des gens se penchent sur l'origine d'un virus, ils comparent son empreinte génétique à tout ce qu'on peut déjà trouver dans les banques de données. Il y a un intervalle d'une dizaine d'années pour lesquelles on ne dispose d'aucune donnée sur les virus de grippe porcine en circulation. Pendant cette période de 10 ans, il aurait pu y avoir éclosion dans n'importe quelle région des États-Unis ou du Royaume-Uni. Le problème vient d'une surveillance animale insuffisante, car il est particulièrement difficile à voir à ce que les efforts nécessaires y soient consacrés.
Le sénateur Ogilvie : Je voulais que nos experts se prononcent officiellement sur cet aspect particulier de la problématique.
Docteur Hatchette, j'en reviens à vos commentaires au sujet du message à transmettre. Je suis de la Nouvelle-Écosse, une province où il est difficile à l'automne de savoir si un virus est en circulation et quelles sont les personnes les plus vulnérables. Ce fut sans doute le problème de santé pour lequel il y a eu le plus de communications en Nouvelle-Écosse. Je vous remercie.
Dr Hatchette : Il est intéressant de noter que, pour une raison ou une autre, les taux de vaccination ont été supérieurs dans l'Est du pays. Une de nos collègues, Shelly McNeil, essaie de déterminer les causes de cette différence avec les régions plus à l'ouest. Nous espérons que les résultats de son étude permettront de mieux cibler les stratégies de vaccination à l'avenir.
Le sénateur Cordy : Merci à tous les deux pour tous les efforts que vous avez déployés. Nous devons reconnaître que le Canada a fait de l'excellent travail. Nous sommes ici pour tirer des enseignements de manière à nous montrer encore plus efficaces à l'avenir. Docteur Hatchette, vous venez de nous dire que les taux d'immunisation avaient été plus élevés sur la côte Est et que l'on essayait de savoir pourquoi afin de mieux planifier les interventions pour la prochaine pandémie.
Docteur Hatchette, les premiers cas identifiables au Canada ont été détectés en Nouvelle-Écosse. Je crois qu'il s'agissait d'étudiants qui s'étaient rendus au Mexique. Comment procède-t-on? Vous avez souligné l'importance de la surveillance en faisant valoir que sans surveillance, nous sommes démunis, car si nous ne découvrons pas l'existence d'un virus, nous ne pouvons rien faire pour en enrayer la propagation. Comment avez-vous obtenu l'information? Était-ce du médecin qui a traité ces étudiants qui étaient tous de la même région? Est-ce par l'entremise de l'hôpital? Comment vous êtes-vous retrouvés avec cette information pour pouvoir la transmettre à l'agence de la santé?
Dr Hatchette : Cela dépend en partie de la façon dont nous effectuons nos tests. Pour l'influenza, nous utilisons un test générique qui détecte toutes les souches. Dans les saisons grippales qui ont précédé celle de la pandémie, nous savions que les deux types de grippe saisonnière en circulation étaient assortis de modèles de résistance distincts. Aux fins du traitement clinique, il était important de savoir s'il s'agissait d'un virus de type H1 ou H3.
Nous avons effectué de nombreux tests de sous-catégorisation afin de déterminer exactement à quel virus nous avions affaire. Les résultats ont été attribuables en partie au hasard, à une planification efficace et à un bon travail épidémiologique. J'ai assisté cette semaine-là à une conférence au cours de laquelle Stephen Lindstrom du CDC a annoncé la découverte de deux cas du nouveau virus de grippe porcine chez des enfants californiens. À mon retour le jeudi, nos collègues de l'épidémiologie nous ont informés d'une grappe de cas dans une école ayant eu des contacts avec le Mexique. Ayant été informés via ProMED d'une vague d'infections respiratoires inhabituelles au Mexique, nous nous sommes assurés de procéder à une détermination des sous-types de ces virus pour confirmer qu'il s'agissait simplement de grippe saisonnière. Nous avons fait les tests aux environs de 3 heures de l'après-midi et nous n'avons pas pu déterminer qu'il s'agissait de cas habituels de grippe saisonnière. Comme nous n'avons pas pu identifier ces virus, nous avons transmis le dossier au Laboratoire national de microbiologie pour confirmer le tout et en informer, suivant la chaîne de commande, si je puis dire, l'OMS à des fins diagnostiques.
Nous avons procédé au test deux fois plutôt qu'une, car s'il est toujours excitant d'être le premier à découvrir quelque chose, on ne veut surtout pas être le premier à faire une erreur.
Le sénateur Cordy : C'est vrai.
Dr Hatchette : Ces choses arrivent toujours le vendredi après-midi et il était 18 heures lorsque nous avons terminé. FedEx ne pouvant faire le transport, nous devions trouver un moyen de faire parvenir l'échantillon à Winnipeg le plus rapidement possible. En raison du risque qu'ils présentent pour la population, les nouveaux pathogènes exigent un degré élevé de précaution en matière de biosécurité, ce qui rend impossible de les expédier par les services de messagerie courants. Nous avons pu mandater un agent de la GRC pour escorter l'échantillon, ce qui nous a permis d'éviter l'application de certains règlements touchant le transport des matières dangereuses. Même si l'échantillon était emballé de la même façon, on n'avait pas à remplir toutes les exigences applicables au transport par messagerie jusqu'au laboratoire.
C'était le troisième anniversaire de mon plus jeune fils et j'ai passé toute la journée en téléconférence, mais je me souviens très bien avoir reçu un appel à 11 h 30 de Yan Li au LNM et d'avoir eu une téléconférence avec le docteur Plummer, le docteur Butler-Jones et mon superviseur et d'avoir dit qu'effectivement nous avions une nouvelle souche au Canada.
Elle a évolué exactement comme elle le devait. Nous avons identifié un virus sans pouvoir prouver qu'il était humain, nous sommes remontés dans la chaîne et avons réussi à le prouver en moins de 24 heures. La seule question que nous nous sommes posée était de trouver le moyen d'expédier l'échantillon à Winnipeg un vendredi après-midi.
Le sénateur Cordy : Dans ce type de situation, des échantillons sont prélevés, puis envoyés au laboratoire, c'est cela la procédure?
Dr Hatchette : C'est exact. Dans le cadre de la protection de la santé publique, en cas de grappe d'une maladie respiratoire, on prélève des échantillons puis on les envoie au laboratoire local provincial où seront effectués les tests nécessaires visant à exclure les agents pathogènes normaux des voies respiratoires. On commence généralement par la grippe A, la grippe B, le virus respiratoire syncytial bovin (VRS) et d'autres virus. Toujours pour protéger la santé du public, on peut mettre en œuvre des techniques palliatives au sein des petites populations. Si des personnes vivant dans un endroit isolé sont infectées, des antiviraux sont administrés à celles qui ne le sont pas afin d'empêcher l'infection de se propager. Cela est fait rapidement. La communication entre les épidémiologistes et les laboratoires facilitent ce processus. Des moyens électroniques permettent de s'en assurer comme des systèmes d'alerte SCISP, et cetera, où les provinces peuvent signaler aux autres employés de la santé publique dans la province et aux laboratoires qu'il y a une éclosion de maladies respiratoires dans cette installation, accompagnées de tels symptômes, puis les gens sont tenus au courant du développement de la situation.
Le sénateur Cordy : En évoquant la surveillance et certains défis auxquels vous avez été confrontés pendant la pandémie de la grippe H1N1, vous avez mentionné entre autres la dotation en personnel, le manque de personnel et le fait que les gens venaient et partaient toutes les deux ou trois semaines, vous avez donc dû consacrer du temps pour les informer de la situation. Vous avez parlé aussi des difficultés au niveau des communications. Quand nous écrirons notre rapport, quels genres de recommandations devrons-nous proposer au plan de la surveillance pour faire face à la prochaine pandémie?
Dr Hatchette : J'estime que la surveillance et les diagnostics des laboratoires sont souvent relégués au second plan derrière des choses plus attractives comme les antiviraux et les vaccins. Quand j'étais membre du Comité de la grippe pandémique, comité qui n'existe plus aujourd'hui, je me souviens qu'à la première réunion la surveillance et les laboratoires n'ont été discutés que durant les dernières 15 minutes de la réunion. Je vous laisse imaginer le nombre de personnes encore présentes quand il a été question de cela.
Les avantages des laboratoires et de la surveillance ont été soulignés, mais il faut ajouter que les fonds consacrés à l'épidémiologie, du moins à la grippe — j'ignore ce qu'il en est pour les autres maladies — sont insuffisants. Depuis 2005, j'ai vu des gens rejoindre cette section puis la quitter, ce qui veut dire que bien que vous proposiez de nouvelles idées, vous perdez aussi beaucoup de mémoire institutionnelle, ce qui peut être très important quand vous avez affaire à quelque chose qui existe depuis longtemps.
Garder du personnel à ces postes sera difficile. Je ne sais pas si c'est une question de rémunération. Je n'en connais pas la raison. Je pense, cependant, qu'il faut plus de quatre personnes dans une section pour lutter contre la grippe. Je ne sais pas combien il en faudrait exactement mais ce serait une bonne idée d'ajouter cette question dans votre rapport.
Je crois que 300 personnes travaillent dans le domaine de la grippe au CDC, laboratoires et épidémiologie compris. Au Canada, je crois que 15 personnes travaillent dans les laboratoires dans le domaine de la grippe au niveau national et 4 personnes dans le domaine de l'épidémiologie. Même si l'on prend le rapport de un pour dix comme nous le faisons toujours dans les comparaisons avec les États-Unis, nos ressources humaines demeurent insuffisantes.
Dr Plummer : Pour ajouter quelque chose, l'un des problèmes que nous devons régler, c'est la façon de mettre en corrélation les renseignements provenant des laboratoires et ceux concernant l'épidémiologie. L'information est communiquée de la façon suivante : un échantillon arrive au laboratoire et le résultat est envoyé au laboratoire provincial. Il y a une autre façon de communiquer les renseignements : un organisme différent du gouvernement provincial fournit les renseignements sur l'épidémiologie à l'ASPC. L'établissement de liens entre ces deux informations nous pose d'énormes problèmes et limite notre capacité à nous prononcer sur la maladie et sur toutes sortes de choses. C'est une situation qui doit être remédiée.
Au laboratoire national, 10 personnes travaillent dans le domaine de la grippe, y compris deux chercheurs scientifiques, donc nous ne disposons pas encore une fois de ressources suffisantes.
Dr Hatchette : Je rejoins les propos du Dr Plummer concernant la relation entre les laboratoires et les services épidémiologiques. Le laboratoire national dispose d'énormes ressources en informatique, il est donc possible de relier ces bases de données, mais il semble qu'il y ait des problèmes logistiques difficiles à surmonter comme la protection des renseignements personnels et, dans certains cas, le refus de la province de communiquer des données. Tous ces problèmes, que vous pouvez juger simples ou complexes, peuvent être réglés. Mais c'est quelque chose de très important si l'on veut établir une bonne corrélation entre les données.
Le sénateur Merchant : Je continue sur le dernier sujet que vous évoquez. Je ne suis pas sûr du degré de responsabilité qui vous incombe pour établir cette relation.
Vous avez identifié le virus, mais de quelle façon signalez-vous sa gravité, si vous le faites? Est-ce à vous de signaler la gravité du problème? Avez-vous un mot à dire concernant le type d'antiviraux et de vaccins à administrer pour se protéger contre ce virus? La quantité d'antiviraux et de vaccins qu'il faut acheter? Voilà le genre de questions qui nous ont occupés ces deux ou trois derniers jours. Je ne comprends pas exactement le jalonnement des opérations. En outre, comment s'assurer qu'ils obtiennent suffisamment de renseignements? Il y a eu un peu de confusion au sujet du vaccin adjuvant, on se demandait s'il ne posait aucun risque pour les femmes enceintes. Les gens étaient déroutés dès le départ. Avons-nous tiré une leçon du processus, une leçon dont nous profiterons à l'avenir?
Dr Hatchette : Aujourd'hui, les laboratoires ont de la chance d'avoir le nom et la date de naissance exacts sur une demande, sans mentionner les renseignements cliniques. Les laboratoires n'ont souvent pas de données cliniques sur l'échantillon qu'ils analysent, voilà pourquoi il est si important d'établir une relation avec les renseignements épidémiologiques, car ceux qui travaillent dans ce domaine pourront alors dire si le virus est particulièrement dangereux et mesurer le degré de résistance antivirale.
Le moment où la résistance antivirale doit être testée dépend encore une fois des critères énoncés par les laboratoires. Nous avons essayé d'établir des critères généraux, mais en fin de compte c'est la province qui décide des critères. Nous ne pouvons pas mesurer la résistance antivirale pour tous les virus, mais nous avons établi des critères — par exemple, des patients qui n'ont pas été guéris par les traitements ou auxquels on a administré des antiviraux, ce genre de choses, et qui pourraient donner une indication sur l'efficacité ou l'inefficacité des antiviraux.
L'efficacité des vaccins est un peu différente du point de vue clinique. Elle exige vraiment des études scientifiques particulières. Vous pouvez consulter les critères d'efficacité d'un vaccin, c'est-à-dire qu'un certain pourcentage de personnes ont développé des anticorps au-dessus d'un seuil donné. Ce qui signifie qu'elles devraient être protégées, mais ce qu'il faut comparer, c'est le nombre de personnes vaccinées qui ont été infectées par rapport au nombre de celles qui ne l'ont pas été. Pour cela, il faut faire une étude cas-témoin approfondie, ce qui serait possible s'il y avait une meilleure vigie avec les laboratoires.
Avec notre système de surveillance actuel, le laboratoire envoie des données au système de surveillance de maladies respiratoires, mais il s'agit de données globales. Nous disons que nous avons fait 1 000 tests au cours du dernier mois et que 300 de ces tests ont été positifs pour la grippe A. En même temps, les médecins rapporteurs à travers le pays signalent les pourcentages de personnes qui se présentent à leurs cliniques avec des symptômes de grippe. Nous ne pouvons pas mettre en corrélation ces pourcentages. Les médecins rapporteurs ne testent pas forcément les personnes ayant des symptômes de grippe, nous ne pouvons donc pas affirmer quel pourcentage de personnes présentant des symptômes de grippe ont réellement la grippe. Tant que cette relation ne sera pas améliorée, il sera difficile de savoir qui a la grippe, quels en sont les symptômes et si c'est réellement d'une grippe qu'il s'agit. Nous savons que deux fois sur trois, c'est peut être la grippe en pleine saison de grippe, mais cela veut dire qu'une fois sur trois, ça ne l'est pas.
Pour revenir un instant aux antiviraux, le plus gros défi pour une clinique, c'est d'avoir un test de diagnostic sensible et rapide afin d'obtenir un résultat en moins de 30 minutes. Il est possible de faire des tests rapidement, mais ils ne sont pas très efficaces pour ce qui est du virus pandémique, et encore moins pour le virus saisonnier. En ce qui concerne le virus pandémique, la sensibilité du test — c'est-à-dire la capacité du test de détecter le virus — varie entre 13 et 60 p. 100. Ce qui veut dire que 40 à 80 p. 100 du temps, le virus n'est pas détecté, même si la personne est infectée. On ne peut pas se fonder sur un test rapide comme celui-là pour dire : « Je peux vous assurer que vous n'êtes pas infecté, je ne vais donc pas vous prescrire des antiviraux. »
Il faut améliorer le test de détection du virus, le test rapide. Le CDC fournit beaucoup de financement et de subventions aux compagnies qui travaillent à cette fin. C'est en quelque sorte le Saint Graal des diagnostics de la grippe qui permettra de faciliter l'identification du virus même dans les pays qui manquent de ressources.
Dr Plummer : Les décisions concernant les antiviraux à mettre en réserve peuvent être prises des années avant la pandémie, bien que durant une pandémie on peut vérifier si le virus est toujours vulnérable à ces antiviraux. Nous savons qu'il y a une résistance à ces antiviraux, nous avons donc une réserve diversifiée d'antiviraux, même si elle ne sera probablement pas aussi diversifiée que nous le souhaiterions vu le petit nombre de médicaments qui sont efficaces contre la grippe.
En ce qui concerne les vaccins, comme vous l'avez entendu dire hier, il faut les fabriquer dès l'apparition du virus. La technologie que nous utilisons pour fabriquer des vaccins contre la grippe est très ancienne. D'autres technologies existent. Nous pourrions peut-être avoir un vaccin universel contre la grippe. La recherche des vaccins est un domaine important.
Le sénateur Merchant : Merci beaucoup. Je crois que c'est tout.
Le président : Un cas intéressant a été signalé récemment. Nous voyons toujours des rapports sur des virus qui sont transmis des animaux aux êtres humains, mais un cas inverse a été signalé dans l'Ouest — ou était-ce dans le sens contraire, d'un être humain à un porc? Quelle importance a été attachée à ce cas? Quel a été le suivi?
Dr Plummer : Ce cas s'est déclaré dans une exploitation porcine en Alberta où les porcs sont tombés malades. Il semblerait qu'ils aient été infectés par la famille propriétaire dont certains membres étaient porteurs du virus H1N1.
Le virus se transmet assez fréquemment du porc à l'être humain et vice-versa. Le porc a un virus grippal qui peut infecter l'être humain. Presque tous les ans, on découvre un ou deux cas de transmission de ce virus vers l'être humain, quelquefois même chez des enfants en bas âge qui, bien qu'ils vivent dans une exploitation porcine, n'ont pas approché de porcs. On présume qu'ils ont été infectés par leur mère ou par leur père.
Ce qui est préoccupant, c'est que le résultat pourrait être la création d'un nouveau virus bien plus virulent, mais les porcs infectés par ce virus n'en souffrent pas trop. C'est la raison pour laquelle l'industrie des productions animales n'est pas intéressée par la surveillance. Les porcs attrapent la grippe. Ils toussent un peu et se remettent. La production de viande n'est pas vraiment touchée. Le virus n'est pas mortel pour les porcs, l'industrie accorde donc peu d'importance à notre volonté d'augmenter la surveillance des porcs.
Le président : Merci.
Le sénateur Braley : Votre surveillance est excellente. A-t-elle donné des résultats inhabituels au Canada? Y a-t-il eu des concentrations particulières à cause de voyages ou d'autres facteurs ou est-ce quelque chose qui n'est pas vraiment suivie?
Dr Plummer : Nous effectuons le suivi. Nous venons de présenter un séquençage génomique complet sur les virus H1N1 250 de la pandémie. Il y a des choses très intéressantes là-dedans. Par exemple, le fait que ce virus se soit introduit au Canada en provenance de différents pays, comme on peut s'y attendre, du Mexique ou d'ailleurs. Il y a quelques différences régionales qui se manifestent sous forme de sous-souches. Il n'y avait qu'une seule grande grappe de souches étroitement reliées, c'était au Manitoba, essentiellement dans les réserves des Premières nations.
Le virus s'est introduit plusieurs fois, pas une seule. Nous ne pouvons pas espérer retenir les virus à l'extérieur de nos frontières. Nous devons les affronter quand ils apparaissent chez nous.
Le sénateur Braley : Cette information nous sera-t-elle utile ou a-t-on constaté une résistance moindre dans certaines régions du pays?
Dr Plummer : Vous parlez de la résistance antivirale?
Le sénateur Braley : Non, une montée en puissance à l'intérieur du pays.
Dr Plummer : Non, pas à ma connaissance. Quelques réserves des Premières nations et des petites collectivités au Nunavut ont subi de très fortes attaques. Je pense que cela est dû aux logements surpeuplés, à ce genre de choses plutôt qu'à quelque chose de biologique.
Le sénateur Braley : Merci.
Le président : Y a-t-il d'autres observations? Dans ce cas, je tiens à remercier nos deux témoins de s'être présentés ce matin. Vos propos ont été forts intéressants et vous nous avez donné beaucoup de bonnes idées et de bonnes réflexions.
Nous ne siégerons pas la semaine prochaine, nous serons donc de retour le lundi de la semaine d'après.
Le sénateur Cordy : Lundi, à quelle heure?
Le président : À 18 h 30, le lundi 8 octobre.
(La séance est levée.)