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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 14 - Témoignages du 21 octobre 2010


OTTAWA, le jeudi 21 octobre 2010

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour étudier la préparation du Canada en cas de pandémie.

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour et bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude sur l'état de préparation du Canada en cas de pandémie, et plus particulièrement celui des collectivités des Premières nations et inuites qui vivent dans les réserves.

Nous accueillons deux groupes de témoins. Le premier aura jusqu'à 11 h 30, puis nous passerons au deuxième groupe de témoins. Le premier groupe comprend le Dr Isaac Sobol, médecin hygiéniste en chef du gouvernement du Nunavut; M. Ron Evans, Grand chef de l'Assembly of Manitoba Chiefs; Mme Shelagh Jane Woods, directrice générale, Direction des soins de santé primaire et de la santé publique, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, Santé Canada. Voilà qui fait beaucoup de choses à mettre sur une carte d'affaires. Et nous accueillons également quelqu'un que nous avons déjà rencontré, le Dr Paul Gully, conseiller médical principal de Santé Canada.

Je vous donnerai la parole selon cet ordre, à moins que vous n'ayez une préférence pour une autre façon de procéder.

Bienvenue, docteur Sobol, du Nunavut.

Dr Isaac Sobol, médecin hygiéniste en chef, gouvernement du Nunavut : Bonjour et merci. Je vous parlerai du point de vue du Nunavut dont la population est à 85 p. 100 inuite, chose que vous savez assurément. Je voudrais aborder certains aspects positifs pour le Nunavut de la réponse à la grippe H1N1 et vous faire part de certaines réserves des Premières nations, des Métis et des Inuits concernant la réponse nationale.

Je ne sais pas si vous avez reçu les notes que je vous ai envoyées à l'avance.

Le président : Oui, nous les avons reçues.

Dr Sobol : Par conséquent, les choses seront simples. J'estime que le Nunavut a eu une réponse très positive à l'épidémie de grippe H1N1, et nous avons obtenu l'aide que nous avions demandée. Santé Canada nous a envoyé du personnel chargé des communications. Pour tout le ministère, nous n'avons qu'une seule personne qui s'occupe des communications. L'Agence de la santé publique du Canada (ASPC) nous a aidés à planifier la pandémie et à élaborer une structure de commandement en cas d'incident.

Le CCS est le Comité consultatif spécial sur la grippe H1N1, dont vous avez probablement entendu parler. Ce lien de communication avec le Nunavut a permis d'établir un forum pancanadien de discussions et d'échanges d'information qui s'est avéré extrêmement utile. Les lignes directrices qui ont été élaborées, notamment pour réagir à la grippe H1N1, pouvaient être modifiées ou utilisées selon les besoins par les provinces et les territoires. Ces lignes directrices ont été élaborées par un groupe de spécialistes et rendues disponibles par l'ASPC et le Comité consultatif spécial sur la grippe H1N1. Tout cela s'est avéré extrêmement utile pour nous aider à réagir à la pandémie.

Le Nunavut a reçu tous ses vaccins H1N1 immédiatement. Toutes nos collectivités ont été désignées comme étant isolées et il fut décidé que les collectivités isolées, rurales et éloignées recevraient leurs lots de vaccins. Nous n'avons pas eu à établir de priorité pour différents groupes de population.

Notre ministère est parvenu à mobiliser des ressources et à centrer nos efforts sur la réponse à donner à la grippe H1N1. Nous avons pu ainsi intervenir de manière très positive. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance des documents d'information que je vous ai envoyés concernant les vagues de pandémie au Nunavut. J'ai aussi envoyé un autre document d'information sur la première vague et sur la deuxième vague au Nunavut par rapport à celles qui ont touché le Canada. Au cours de la première vague, nous avons connu le plus fort taux d'hospitalisation au Canada, mais nous avons évité une deuxième vague de H1N1 grâce à nos cliniques de vaccination systématique.

Je vous ai envoyé le texte d'une présentation qui a été faite à l'Association canadienne de santé publique (ACSP) en juin et qui contient une description détaillée de notre intervention. On m'a dit que cela pouvait être à votre disposition.

Du point de vue du Nunavut, j'estime que nous avons eu beaucoup de soutien. La réponse a été très positive, mais j'estime qu'il y a eu certaines difficultés. Je représente le Nunavut au sein du Réseau pancanadien de santé publique. Je siège également au Comité consultatif du Centre national de collaboration de la santé autochtone (CNCSA) et aussi au Comité consultatif de l'Institut de la santé des Autochtones de l'IRSC — Instituts de recherche en santé du Canada. J'ai travaillé pendant 20 ans dans le domaine de la santé des Autochtones, de sorte que ma carrière entière s'est passée auprès des Autochtones, des Premières nations, des Métis et des Inuits.

J'estimais qu'il y avait certains défis à relever et le sous-ministre et moi-même avons réexaminé la situation. Je vous donne donc le point de vue du Nunavut. On n'a pas donné suite de manière appropriée aux demandes de lignes directrices pour les populations autochtones. Cette demande a été faite par l'entremise du Forum sur la santé publique nationale. Aucune ligne directrice n'a été élaborée spécifiquement pour les Premières nations, les Métis ou les Inuits. On a plutôt mis sur pied un groupe de travail sur les collectivités rurales, éloignées et isolées. Dans la majorité des cas, les appels n'ont pas permis la participation du groupe de travail aux appels conférences. Il y avait tout simplement trop d'exigences pour les juridictions.

Éventuellement, ce groupe de travail a fini par élaborer des lignes directrices, mais celles-ci n'ont pas été disponibles en temps opportun. Par conséquent, je sais que le Nunavut n'a pu les utiliser et je me garde bien de parler pour d'autres secteurs de compétence, mais le médecin hygiéniste en chef des Territoires du Nord-Ouest m'a également dit qu'elle n'avait pas eu la possibilité de les utiliser, parce qu'elles ont été fournies trop tard.

Lors d'échanges au sein du Réseau pancanadien de santé publique, il a été question du rapport d'un groupe d'experts qui avait constaté que les peuples autochtones, peu importe le lieu de résidence ou la situation socioéconomique des populations, étaient plus vulnérables aux effets négatifs de la grippe H1N1 que d'autres groupes de population. Cet aspect n'a pas été véritablement abordé par le comité consultatif spécial.

Finalement, les médecins hygiénistes en chef ont demandé, dans le cadre de ce forum, une rencontre pour discuter des retombées de la grippe H1N1 particulièrement dans les collectivités autochtones. Personne n'a appuyé la demande et la rencontre n'a donc pas eu lieu.

D'un point de vue plus général, je dirais qu'il n'existe toujours pas de mécanisme officiel de participation constante des Premières nations, des Métis ou des Inuits aux débats de santé publique ni aux efforts de planification en cas de pandémie dans le cadre du réseau de santé publique. Les demandes d'aide spéciale formulées par les comités des Premières nations au cours de la pandémie de H1N1 ont été perçues comme des démarches politiques par le comité consultatif spécial, qui a hésité à y donner suite à ce qu'il percevait comme des demandes à caractère politique.

Merci de m'avoir fourni l'occasion de vous faire part de ces brèves observations aujourd'hui.

Le président : Je vous remercie beaucoup.

Passons maintenant au grand chef de l'Assembly of Manitoba Chiefs, M. Ron Evans.

Ron Evans, grand chef, Assembly of Manitoba Chiefs : Merci. Je suis grand chef de l'Assembly of Manitoba Chiefs (AMC). Je tiens à remercier le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie de m'avoir invité à prendre la parole sur des questions qui touchent les préparatifs passés du Canada en prévision d'une pandémie et des leçons apprises de la réponse du Canada à la pandémie du H1N1 en 2009. Il s'agit d'une question très sensible qui a eu des répercussions importantes pour les Premières nations du Manitoba.

J'allais vous présenter le grand chef David McDougall, mais je ne sais pas s'il est arrivé. Il m'accompagnait et peut- être sera-t-il ici avant que je finisse mon exposé. C'est le chef de la collectivité qui a été gravement touchée par la pandémie de H1N1 et qui a sonné l'alarme afin que tous les Manitobains prennent la pandémie au sérieux.

Le virus du H1N1, une menace mondiale pour la santé, a touché les Premières nations du Manitoba de façon disproportionnée par rapport au grand public. Cela est attribuable à un certain nombre de facteurs qui caractérisent nos Premières nations, y compris la pauvreté, le manque d'accès aux soins de santé, les logements surpeuplés et l'accès aux éléments essentiels reliés à des conditions de vie acceptables, c'est-à-dire l'accès à l'eau et aux égouts, de même qu'à d'autres services dont profite le reste du Canada.

Les conditions de vie dans plusieurs collectivités des Premières nations du Manitoba font en sorte que nos résidents sont à risque plus élevé que le grand public, ce qui a favorisé la propagation rapide du virus H1N1. Dans toute pandémie, comme nous l'avons appris lors la grippe H1N1, il faut intervenir immédiatement et avoir déjà des préparatifs en place pour réagir et pour donner les outils essentiels, les fournitures et les services de santé à nos gens. Lors de la pandémie, les Premières nations du Manitoba ont utilisé la structure organisationnelle de l'Assembly of Manitoba Chiefs, de même que celle d'un comité de travail tripartite mis sur pied en prévision d'une pandémie en créant un système de gestion des incidents pour les Premières nations. Ensemble, nous avons élaboré un plan de travail de quatre mois pour faire face à une deuxième vague anticipée de la grippe; l'élément central de ce plan était un programme de formation sur le système de gestion des incidents critiques des Premières nations, lequel était conçu pour former des responsables locaux de la santé appartenant aux Premières nations du Manitoba, afin de créer des centres de coordination dans chacune des collectivités des Premières nations.

Ces centres de coordination ou de commandement ont été des éléments névralgiques pour chacune des Premières nations afin de répondre aux urgences locales découlant de la pandémie et de faire des préparatifs en vue de la grippe d'automne et d'aider les collectivités à préparer leurs plans respectifs en cas de pandémie.

Le 24 juin 2009, avec le soutien du conseil exécutif de l'AMC et au nom de toutes les Premières nations du Manitoba, j'ai déclaré l'état d'urgence concernant la pandémie de H1N1 afin d'assurer la sécurité de tous les citoyens des Premières nations lors de la crise qui s'annonçait et aussi pour obliger les gouvernements à adopter les mesures nécessaires pour s'acquitter de leur responsabilité fiduciaire envers les Premières nations.

Nous savons aujourd'hui que lors de la première vague de l'épidémie de grippe nous étions mal préparés à faire face aux répercussions d'une deuxième vague, étant donné que les postes de soins infirmiers dans le Nord ont immédiatement atteint leur pleine capacité. Nous avons fait face à un certain nombre de défis graves et à des obstacles sérieux. Permettez-moi de partager avec vous les détails des défis et des obstacles auxquels nous avons été confrontés puisque ce sont des éléments clés pour faire face à ce type de problème et à d'autres questions similaires chez les Premières nations.

D'abord, il y a les questions de compétence. Compte tenu de la complexité d'offrir des soins de santé aux collectivités des Premières nations, nous avons amorcé nos interventions en établissant le fameux comité de travail tripartite avec les gouvernements du Manitoba et du Canada. Lors de l'analyse de l'environnement, de la conception et de la mise en œuvre du premier système de gestion des incidents critiques pour les Premières nations et lors de la mise en œuvre de programmes de formation essentiels pour les gestionnaires des incidents critiques au niveau des collectivités des Premières nations, nous nous sommes constamment heurtés aux rôles constitutionnels prescrits des gouvernements et aux rôles attribués aux agences du gouvernement.

Le respect de ces rôles en matière de compétence a grandement retardé nos progrès dans la mise en œuvre de nos initiatives. Il a fallu de longues discussions et des interventions continues à plusieurs niveaux des gouvernements pour déterminer avec précision qui étaient les personnes et les organismes ayant les compétences respectives et, dans certains cas, lesquels avaient simplement la volonté d'agir sur ces questions importantes.

En deuxième lieu, il y avait la question de la capacité de prendre des décisions liées aux domaines de compétence, des décisions clés complexes, particulièrement en ce qui a trait aux ressources financières et à leur attribution.

Il est arrivé fréquemment qu'après avoir identifié les mesures nécessaires affectant une Première nation en particulier et qu'après en être venus à une décision concernant la compétence, nous étions incapables d'obtenir une décision sur la disponibilité de ressources financières pour mettre de l'avant les mesures requises. Cela était particulièrement le cas des agences du gouvernement du Canada.

En troisième lieu, il y a eu la disponibilité des vaccins, l'établissement des priorités et le plan de mise en œuvre. Comme dans le cas de tous les secteurs de compétence au Canada, et aussi partout dans le monde, nous avons attendu que les vaccins soient disponibles, mais nous étions préoccupés par le fait que l'incidence prévue du virus de la grippe pouvait se manifester avant que les vaccins ne soient disponibles. Nous avons également craint que les membres les plus vulnérables de notre collectivité ne puissent avoir accès aux vaccins tout simplement parce qu'il n'y avait pas de plan de distribution ni de priorité. Comme c'est le cas dans plusieurs autres secteurs de compétence similaires au Canada, il est plutôt surprenant que ces plans n'aient pas été en place au moment de la pandémie. Comme nous avons participé aux travaux du comité tripartite, qui a tenu des séances d'information avec nos collectivités et qui a permis de former des gens localement pour la structure de coordination, nous avons été constamment confrontés à l'imminence d'une pandémie aux proportions inquiétantes. Nous en sommes venus à la conclusion que tous nos préparatifs auraient été insuffisants pour faire face à une pandémie, particulièrement parce que nos collectivités sont de petite taille, que plusieurs sont éloignées et que la plupart ne disposent pas des installations médicales nécessaires.

Nous étions convaincus que nous aurions à faire face à une pandémie dont les effets excéderaient les ressources disponibles et accessibles. Le gouvernement du Canada disposait d'un plan bien élaboré pour traiter de la situation particulière des collectivités des Premières nations. Il est décrit à l'annexe B, intitulée « Considérations relatives au plan de lutte contre la pandémie d'influenza pour les collectivités des Premières nations vivant dans les réserves », qui fait partie d'un document plus large. Nous ne comprenons toujours pas pourquoi le gouvernement a décidé de ne pas donner suite à ce plan. Nos principes de fonctionnement reposent sur la collaboration, la coopération et le respect mutuel dans un contexte de résolution de problèmes tout en reconnaissant que nous avons des rapports fondés sur des traités avec le gouvernement du Canada, auquel les fonctionnaires doivent rendre compte.

Mes préoccupations très importantes concernant la pandémie de la grippe H1N1 étaient que les gouvernements n'abordaient pas, en fin de compte, les conditions mêmes qui font que les populations des Premières nations sont à risque élevé.

Nos démarches constantes pour aborder ces conditions comprennent les éléments suivants. Au plan économique, il est largement reconnu que le maintien d'un bon état de santé est plus abordable à court et à long terme que de guérir des maladies chroniques. La prévention est la clé. Par conséquent, pourquoi les Premières nations sont-elles toujours confrontées à des situations inférieures aux normes, situations qui ont été identifiées et qui sont bien documentées? Pourquoi ne traite-t-on pas des conditions matérielles qui continuent de se détériorer et qui continuent d'accroître les risques dans le cas de cette pandémie particulière, sans parler des facteurs de risque très élevés de maladie comme le diabète et l'obésité? Quelle meilleure opportunité y a-t-il d'aborder finalement la question des conditions de vie inacceptables dans les collectivités des Premières nations? Pourquoi alors ne pas parler du grave problème de la santé?

En conclusion, il me paraît très clair que les coûts pour traiter des conditions de risque identifiées de manière proactive seraient un excellent investissement aujourd'hui et demain pour la santé des Premières nations. Cet investissement permettrait également d'aborder une fois pour toutes les responsabilités du gouvernement du Canada mentionnées dans les traités concernant les conditions de vie très inégales des Premières nations et d'assurer la qualité de l'accès aux soins et aux ressources à plus long terme. Toutefois, il importe de réfléchir à cette expérience et de fournir une rétroaction sur ce que nous avons appris de la première pandémie et de mieux nous préparer à une possible seconde vague de la grippe H1N1.

Nous devons d'abord et avant tout, en tant que Premières nations, prendre l'initiative lorsqu'il est question de problèmes qui touchent nos gens et nos collectivités. Nous devons être l'élément moteur puisque nous comprenons mieux les enjeux auxquels font face nos collectivités. Nous seuls pouvons faire les recommandations nécessaires, prendre les décisions qui s'imposent et planifier pour nos collectivités. Nous devons être à l'avant-garde des initiatives qui ont des répercussions directes pour nos collectivités, mais pour cela nous avons besoin du soutien de tous les gouvernements afin d'aborder les besoins en santé de nos populations et de faire en sorte que les ressources nécessaires sont disponibles.

Lorsque j'ai rencontré la ministre Aglukkaq la semaine dernière, nous avons eu l'occasion de réfléchir sur la pandémie de grippe H1N1 un an plus tard. Les préparatifs en cas d'une pandémie sont fort complexes. Ils font intervenir une pléiade d'individus, d'organisations, d'agences, de ministères fédéraux et provinciaux, de scientifiques, de spécialistes, de médecins, d'infirmières, de chercheurs, de techniciens, de leaders et de travailleurs de première ligne de partout dans le monde. Les renseignements sont en constantes évolution au sein de chacun des groupes et peuvent changer en un clin d'œil.

Le partage et la transmission de renseignements au sein de ce réseau englobent les villes, les provinces, les pays et les continents. Au même moment, les médias scrutent le travail de ce réseau et en rendent compte publiquement. L'essentiel de nos discussions est qu'il s'agit d'un problème très grave qui touche toute la planète et qui a des répercussions néfastes pour les collectivités, les groupes et les individus.

Nous avons appris que nous devons travailler ensemble et manière coordonnée et unifiée et donner un message cohérent au public. Nos messages doivent être honnêtes, directs et pertinents. Nous devons être organisés et nous devons travailler en collaboration pour fournir les renseignements outils nécessaires pour protéger les collectivités. Nous devons travailler ensemble en tant que leader pour donner au public les ressources nécessaires afin de prévenir une pandémie et de s'y préparer.

J'aimerais remercier la ministre Aglukkaq, notre ministre fédéral de la Santé, Mme Theresa Oswald, ministre de la Santé provinciale du Manitoba, qui ont fait preuve d'un véritable leadership, de compassion et de compréhension face aux besoins en soins de santé des Canadiens, des Manitobains et des Premières nations du pays. Elles ont écouté nos préoccupations et nous ont incorporés dans un véritable partenariat, un partenariat fondé sur le respect, la confiance et la coopération, éléments essentiels pour aborder ces problèmes qui ont des répercussions graves sur l'ensemble de nos collectivités. Les deux ministres se sont rendues disponibles pour des appels téléphoniques réguliers et des rencontres, elles ont assuré un suivi sur les questions et elles ont demandé aux fonctionnaires d'agir en fonction de décisions prises d'un accord mutuel. Ce sont de tels partenariats sincères qui nous permettent de travailler ensemble au maintien de soins de santé durables et accessibles pour les Premières nations, les Manitobains et les Canadiens. Ce sont de tels partenariats sincères qui nous permettent d'aller de l'avant et d'élaborer des plans et des stratégies solides qui assureront la sécurité, la santé et le bien-être de tous les citoyens.

[M. Evans continue dans sa langue maternelle.]

Merci.

Le président : Je vous remercie. Mme Woods parlera au nom de Santé Canada. M. Gully est ici pour répondre aux questions qui pourront suivre.

Shelagh Jane Woods, directrice générale, Direction des soins de santé primaire et de la santé publique, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, Santé Canada : J'aimerais saisir l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui pour vous décrire certaines des principales activités de Santé Canada en matière de préparation et d'intervention en cas de pandémie dans les collectivités des Premières nations vivant dans les réserves, activités qui ont été menées durant la pandémie de grippe H1N1. Je vous parlerai aussi de planification, des fournitures et des médicaments, de la vaccination et des communications.

Mais tout d'abord, je commencerai par vous décrire certaines des tâches les plus importantes qui ont été accomplies avant la pandémie de la grippe H1N1.

[Français]

Depuis un certain nombre d'années maintenant, la direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada collabore étroitement avec l'Agence de la santé publique du Canada, afin d'harmoniser ses activités de préparation et d'intervention destinées aux communautés des Premières nations vivant dans les réserves avec la stratégie canadienne de planification globale.

Dès 2006, la direction générale a travaillé en collaboration avec les communautés des Premières nations en ce qui concerne la préparation aux situations d'urgence, la planification, la formation et l'intégration avec les autorités provinciales ainsi que les autorités sanitaires régionales et locales.

Avant le début de la pandémie, environ 80 p. 100 des communautés des Premières nations avait déjà un plan de lutte contre les pandémies.

[Traduction]

La Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits (DGSPNI) a aussi élaboré l'annexe B, Considérations relatives au plan de lutte contre la pandémie d'influenza pour les communautés des Premières nations vivant dans les réserves, qui a été mentionnée par le chef Evans, du Plan canadien de lutte contre la pandémie d'influenza (PCLP) pour le secteur de la santé, en collaboration avec l'ASPC, l'Assemblée des Premières Nations (APN) et d'autres partenaires. De plus, elle a mis à jour cette annexe pendant la pandémie de grippe H1N1.

De concert avec l'APN et l'ASPC, la DGSPNI a établi en 2008 un plan de travail triennal portant sur la préparation et l'intervention en cas de pandémie. Nous estimons que ces relations de longue date établies au fil de nos collaborations avec les dirigeants locaux des communautés des Premières nations, les organisations autochtones nationales ainsi que des partenaires régionaux, provinciaux et fédéraux ont été déterminantes pendant la pandémie de grippe H1N1.

Comme l'a noté le chef Evans, le virus H1N1 est apparu très tôt dans certaines communautés des Premières nations, en particulier dans les communautés éloignées et isolées du Manitoba et dans un grand nombre de cas, la gravité de la grippe avait de quoi inquiéter.

Durant la première vague de la pandémie, les Autochtones, y compris les Premières nations, les Métis et les Inuits, quel que soit leur lieu de résidence, ont été fortement surreprésentés pour ce qui est du nombre d'hospitalisations, d'admissions aux services de soins intensifs et de décès au Manitoba.

Bien que l'on ait observé moins de cas de grippe graves chez les Autochtones au cours de la seconde vague, la proportion de patients atteints dans ce segment de la population a continué d'afficher des taux plus élevés que dans la population générale.

L'expérience du Manitoba durant la première vague de la pandémie de grippe H1N1 à laquelle le chef Evans a fait allusion a fourni de précieux renseignements à notre bureau régional, et aussi à tous nos bureaux régionaux. Les autorités des Premières nations et du secteur de la santé ont également beaucoup appris de ces événements et ont pu adapter leurs interventions. Parallèlement, les succès obtenus ont permis d'orienter les interventions en soins cliniques et en santé publique à mesure que la pandémie de grippe H1N1 évoluait pendant l'été.

Par exemple, le gouvernement du Manitoba, en collaboration avec notre bureau régional a constitué des réserves d'antiviraux dans certaines collectivités des Premières nations peu de temps après l'apparition des premiers cas de grippe graves. D'autres provinces et territoires ont rapidement emboîté le pas à cette stratégie.

En ce qui a trait à l'équipement de protection individuelle (EPI) pour les prestataires de soins de santé de première ligne, il incombe à Santé Canada comme à tout autre employeur de fournir cet équipement à ses travailleurs de la santé qui donnent des services dans les collectivités des Premières nations vivant dans les réserves. Dès le début de la pandémie de la grippe H1N1, la DGSPNI a distribué sa modeste réserve d'EPI dans un grand nombre de postes de soins infirmiers et d'autres établissements de santé des communautés des réserves, afin de compléter l'éventail courant d'articles d'EPI déjà disponibles. Puis nous avons acheté d'autres articles pour s'assurer que les stocks suffiraient, peu importe la gravité de la pandémie.

En ce qui a trait aux antiviraux, notre programme des services de santé non assurés a pris des mesures le 27 avril 2009 afin de rembourser les frais d'ordonnance au cas par cas avant que les provinces ne fournissent des antiviraux à partir de leurs propres réserves pour lutter contre la pandémie. Nous ne voulions pas qu'il y ait de retard dans la distribution d'antiviraux en raison de la nécessité de les administrer rapidement afin qu'ils fassent effet.

Comme je l'ai mentionné précédemment, les régions de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada ont mis à profit les leçons tirées de l'explosion de grippe H1N1 survenue au Manitoba en juin et juillet. Ainsi, elles ont collaboré avec les autorités provinciales afin de constituer des réserves d'antiviraux dans toutes les communautés des réserves éloignées et isolées, puis elles se sont conformées aux directives provinciales en matière de soins cliniques pour la distribution et l'administration de ces antiviraux.

Nous avons organisé et tenu des cliniques de vaccination systématiques, une activité complémentaire dans la plupart des communautés des Premières nations, et ce, dès le 26 octobre lorsque le vaccin a été disponible dans certaines régions, suivant en cela l'exemple des autorités provinciales. Le taux de vaccination dans les communautés des Premières nations a été de 64 p. 100, ce qui est beaucoup plus élevé que pour l'ensemble de la population canadienne. En outre, les taux ont été particulièrement élevés dans nombre de communautés nordiques où l'accès rapide aux soins médicaux en cas d'atteinte aigüe peut être difficile.

Ce succès peut être attribué au travail acharné des intervenants de tous les ordres de gouvernement ainsi que des dirigeants des Premières nations et des communautés autochtones. À bien des endroits, cela a été rendu possible grâce à des ententes de longue date conclues avec les autorités provinciales sur la gestion des vaccins.

Nous avons participé à tous les groupes de travail FPT organisés sous l'égide du Comité de coordination de la pandémie (CCP) pour veiller à ce que les enjeux particuliers aux Premières nations soient pris en compte et intégrés à toutes les activités de planification. Nous avons fait partie du Comité consultatif spécial sur la grippe H1N1 auquel le Dr Sobol a fait référence dans son exposé. Et nous avons coprésidé le Groupe de travail des communautés éloignées et isolées, auquel le Dr Sobol a également fait référence.

Ces groupes qui réunissaient un grand nombre de représentants provinciaux, fédéraux, territoriaux et autochtones a produit des directives de santé publique visant à répondre aux enjeux hors du commun auxquels sont confrontées les communautés éloignées et isolées, dont bon nombre sont des communautés des Premières nations. Comme bien d'autres, nous avons subi de fortes pressions pour que tout cela se fasse en temps utile comme l'a noté le Dr Sobol. J'ajouterais que l'exercice nous a permis de conserver plusieurs produits et renseignements utiles pour le futur.

Sur le plan des communications, nous avons appris qu'il est crucial d'assurer la cohérence dans les communications avec l'ensemble des intervenants et des partenaires, en particulier avec les dirigeants et les collectivités des Premières nations dans les réserves.

Voilà pourquoi la ministre fédérale de la Santé et avec d'autres représentants de Santé Canada et de l'ASPC ont visité à plusieurs reprises des communautés des Premières nations pour discuter de l'incidence de la pandémie de grippe H1N1 et d'autres enjeux liés à cette pandémie, notamment le déroulement de la vaccination.

Nos bureaux régionaux ont communiqué régulièrement avec les communautés des Premières nations, par bulletins d'information ou par téléconférences pour les tenir au courant des nouvelles données relatives à la pandémie de grippe H1N1. En collaboration avec Affaires indiennes et du Nord Canada (AINC), nous avons également élaboré un protocole de communication, lequel a représenté une importante partie des travaux menés en collaboration par les deux ministères.

À la pandémie, le niveau de préparation dans les réserves s'est considérablement accru. Malgré cela, nous sommes conscients de l'importance de continuer d'aider les communautés des Premières nations à se préparer à de futures pandémies ou à toute autre situation d'urgence en santé publique.

Depuis la pandémie, nous avons participé à plusieurs activités afin de faire le bilan de l'expérience relative à la grippe H1N1. Nous en avons retiré d'importantes leçons, qui se rapportent pour la plupart à ce qu'a dit le chef Evans.

Nous devons continuer de collaborer avec nos partenaires et avec les intervenants afin de préciser les rôles et les responsabilités de tous les ordres de gouvernement en ce qui a trait à la prestation de services aux membres des communautés des Premières nations conformément aux recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et de l'ASPC. Nous devons nous assurer que les plans à tous les niveaux sont adaptables aux circonstances et à la gravité des différents scénarios de pandémie — mineure, moyenne et grave. Bien entendu, nous n'avons eu qu'un seul scénario comme tout le monde.

Nous devons également inciter les communautés à prévoir dans leurs plans d'urgence en cas de pandémie des mécanismes pour assurer la continuité des activités afin d'assurer l'autosuffisance des communautés, et nous devons les soutenir dans leurs efforts. En collaboration avec nos partenaires d'AINC, nous ferons en sorte d'intégrer les plans d'urgence en cas de pandémie aux plans de préparation plus généraux à tous les types de situations d'urgence.

En résumé, nous comprenons que nous devons continuer de travailler avec nos partenaires et intervenants dans le cadre de forums comme celui-ci pour cibler les aspects à améliorer qui ont été identifiés à la suite de la pandémie de grippe H1N1 pour faire en sorte que les communautés des Premières nations soient mieux préparées dans l'éventualité d'une pandémie ou de toute autre situation d'urgence en santé publique. Nous nous inspirerons également des réussites qui ont jalonné une expérience collective dans le cadre de la pandémie de grippe H1N1 et nous les mettrons en pratique dans le cadre des initiatives courantes de santé publique.

Le président : Je vous remercie.

J'ai une question à deux volets à poser et elle s'adresse surtout à Mme Woods, mais les autres peuvent y répondre également. Premièrement, vous et le chef Evans avez fait référence à l'annexe B du plan. Le chef Evans a dit ne pas bien comprendre pourquoi le gouvernement a choisi de ne pas donner suite au plan.

Pouvez-vous nous dire où en est ce plan? Qui fait partie de ce plan? Est-ce que les Inuits font partie du plan ou seulement les Premières nations?

Deuxièmement, vous avez cité un certain nombre de données, tout comme M. Gully d'ailleurs, qui montrent que plusieurs plans étaient en place dans 80 p. 100 ou même plus des communautés des Premières nations. En outre, le taux de vaccination a été plus élevé que pour la population générale, c'est-à-dire 64 p. 100 par rapport à 41 p. 100. Pourtant, il y a eu davantage de cas d'hospitalisation, d'admissions aux soins intensifs et de décès chez les Autochtones que dans la population.

Que s'est-il passé? Pourriez-vous nous éclairer?

Mme Woods : Je demanderai à M. Gully de répondre à votre deuxième question.

L'annexe B fait partie du Plan canadien de lutte contre la pandémie d'influenza pour le secteur de la santé. Nous avions préparé cette annexe il y a plusieurs années en prévision d'une pandémie dans le cadre de l'élaboration du Plan canadien de lutte contre la pandémie d'influenza pour le secteur de la santé. Nous l'avions fait, comme je l'ai mentionné, en collaboration avec l'APN, plusieurs autres intervenants, de même que les provinces et les territoires.

Je ne saurais vraiment pas vous dire si nous l'avons mis en œuvre ou non. Je pense que nous avons réalisé la plupart des éléments, mais l'annexe B ne s'applique pas à nous ni aux Premières nations. Elle s'applique aux provinces et aux territoires. Il s'agit de savoir si cela a été très utile comme instrument pour faire face à la pandémie. Comme toute autre partie du Plan canadien de lutte contre la pandémie d'influenza pour le secteur de la santé, il s'agissait d'un premier essai.

Lorsque nous avons pris connaissance du plan, nous avons constaté des lacunes et des déficiences, et aussi que certaines parties n'avaient pas été terminées. C'est pourquoi nous avons amorcé une révision accélérée du plan, qui a finalement été accepté par les provinces et les territoires vers la mi-juin 2009.

Le président : Par conséquent, ce document a un statut officiel. Il est utilisé.

Mme Woods : Oui, tout à fait. Il fait partie du Plan canadien de lutte contre la pandémie d'influenza pour le secteur de la santé.

Le président : Et qu'en est-il de la population inuite?

Mme Woods : Les Inuits n'en font pas partie.

Le président : Comment composez-vous avec les Inuits?

Mme Woods : Le Dr Sobol vous dira comment ils ont abordé la question des Inuits et du Nunavut. Une discussion est en cours pour déterminer s'il y a des besoins particuliers pour les Inuits.

Le président : Ma deuxième question porte sur la contradiction dans les données statistiques.

Paul Gully, conseiller médical principal, Santé Canada : Il y a un paradoxe. De manière générale, nous avons eu l'impression que la grippe avait été douce ou modérément grave, telle que l'a décrite l'OMS. Toutefois, dans l'ensemble, tout semble démontrer que les populations qui sont désavantagées au plan socio-économique, sont plus jeunes, elles ont des taux de grossesse plus élevés et aussi des taux de maladie chronique beaucoup plus élevés et elles ont également des taux de maladie, de maladies graves et de mortalité plus élevés.

Ces facteurs de risque combinés à la situation que le grand chef Evans a décrite en matière de logements insalubres signifient que le virus il s'est propagé très rapidement dans un contexte comme celui du Nord du Manitoba. En conséquence, il n'est guère surprenant, compte tenu du haut taux de maladies, de maladies graves et de mortalité, que la situation ait exigé une réponse appropriée. Nous l'avons fait, mais peut-être n'étions pas suffisamment préparés.

La province, le gouvernement fédéral et les Premières nations ont travaillé ensemble sur des questions comme le transport médical. Cependant, il est bien connu qu'au Manitoba, par exemple, il y a eu des pressions concernant l'utilisation de lits dans les unités de soins intensifs, un peu en réponse à ce qui s'est passé dans le Nord. Par conséquent, il a fallu que tous interviennent.

Comme vous l'avez probablement entendu du Dr King, d'autres provinces ont prêté main-forte de manière plus dynamique pour l'administration des antiviraux afin de prévenir le déclenchement de maladies plus graves.

Le président : Est-ce que ces plans comportaient des lacunes quelconques ou est-ce seulement parce qu'ils sont arrivés trop tard?

M. Gully : Les plans individuels existaient et je suppose qu'ils suffisaient pour faire face à l'immunisation. Je ne crois pas qu'ils aient été suffisamment élaborés pour aborder des taux élevés de maladie ou de maladie grave, ce qui s'est produit au Manitoba notamment. Dans les autres provinces, compte tenu de l'expérience acquise au Manitoba, des leçons ont pu être apprises et la réponse a été beaucoup plus rapide et différente.

Mme Woods : À la lumière de l'expérience vécue partout au Canada et non seulement dans les collectivités des Premières nations, mais aussi dans les municipalités et d'autres entités qui avaient des plans, il ressort que nous n'étions pas toujours assurés que le plan serait effectivement mis en œuvre. C'était une décision difficile. Plus ce plan existait depuis longtemps, moins il était à jour, ce qui parfois posait problème.

Dr Sobol : J'ai plusieurs points à soulever en guise de réponse.

Le Nunavut ne faisait pas partie de l'aspect prestation de services de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits. Nous avons des programmes qui émanent de cette Direction générale et que le gouvernement du Nunavut administre. Toutefois, en ce qui a trait à la réponse à la grippe H1N1, c'est une réponse territoriale. Par conséquent, nous n'avons pas été activement engagés à ce niveau.

En ce qui a trait à la mise en place de plans comme ce fut le cas dans plusieurs autres secteurs de compétence, le Nunavut jugeait que notre plan en cas de pandémie était basé sur l'hypothèse d'une pandémie grave, de nombreux décès et de nombreuses hospitalisations. Au fur et à mesure de la réponse à la grippe H1N1, nous avons constaté que nous avions besoin d'un plan en cas de pandémie beaucoup plus souple. C'est ce sur quoi nous travaillons actuellement. Comme l'a dit Mme Woods, tous les plans en cas de pandémie prévoient les pires scénarios. La pandémie que nous avons connue n'était pas le pire scénario, heureusement. Par contre, nous sommes actuellement en train de modifier nos plans.

En ce qui a trait au paradoxe concernant le nombre de personnes hospitalisées chez les Premières nations, les Métis et les Inuits par rapport au fort taux d'immunisation, je rappelle que les Inuits ont connu le plus fort taux d'hospitalisation au pays. Toutefois, cela s'est produit avant que le vaccin ne soit disponible. Par la suite, il n'y a pas eu de seconde vague. Si vous examinez la courbe décrivant la pandémie qui se trouve dans le document d'information que je vous ai montré, la plupart des régions au Canada ont connu des taux d'hospitalisation et de décès beaucoup plus élevés lors de la deuxième vague que lors de la première vague. Au Nunavut, presque la totalité de nos cas d'hospitalisation et notre seul décès sont survenus lors de la première vague.

J'aimerais revenir à une question qui a été soulevée et à laquelle le chef Evans a fait allusion et dont Mme Woods et M. Gully ont parlé. Pourquoi les Premières nations, les Métis et les Inuits étaient-ils si vulnérables aux effets indésirables de la grippe H1N1?

En matière de santé publique, nous parlons toujours des déterminants socio-économiques de la santé. Si vous avez une population qui vit dans des logements surpeuplés et dont les collectivités vivent dans la pauvreté — comme c'est le cas du Nunavut où 70 p. 100 des enfants d'âge préscolaire vivent dans des maisons où la sécurité alimentaire n'est pas assurée — cela devient un creuset pour une propagation rapide des maladies transmissibles. Nous le voyons tous les jours et toutes les semaines au Nunavut. Du 1er janvier au 1er octobre, nous avons enregistré 90 nouveaux cas de tuberculose progressive. Nous estimons que cela est partiellement attribuable à la situation socio-économique dans laquelle vivent les Nunavummiut.

À titre personnel, je me sens honteux que le Canada ait accepté le statu quo concernant les conditions de vie des Premières nations, des Métis et des Inuits en général. Pour bien répondre à la pandémie de H1N1, il aurait fallu corriger les conditions de vie des Premières nations, des Métis et des Inuits au Canada bien avant la pandémie.

Je suis sûr que vous le savez très bien mais je suis toujours attristé de voir le manque d'urgence que suscite ce problème et l'absence de priorité que le Canada y accorde. Pour moi, c'est une tache sombre à notre dossier.

M. Evans : En référence à l'annexe B, il importe de comprendre les plans que la direction avait. Il y a les collectivités éloignées, mais il y a aussi les collectivités situées dans le sud. Les collectivités du sud étaient prêtes à faire le nécessaire pour assurer la protection de leurs populations. Tout cela tient à un sous-financement : les collectivités étaient prêtes à commander des aliments — de grandes quantités de bœuf à entreposer — et des unités de réfrigération.

Qu'arrive-t-il en cas de décès multiples? Où peut-on conserver les corps? Il faut donc construire des installations temporaires. Qu'arrive-t-il si les conducteurs des camions de distribution d'eau et de collecte des ordures tombent malades et ne peuvent assurer le transport de l'eau et des ordures dans les collectivités? Tout cela a un coût. Les plans ne prévoient pas les ressources financières requises pour la mise en œuvre de ces services nécessaires. Oui, les plans peuvent être en place, mais il n'y a pas de ressources financières pour les appuyer. Sans cela, les collectivités sont exposées à tout virus qui peut se présenter. C'était la préoccupation.

L'autre préoccupation était que l'une de nos collectivités est allée de l'avant et a mis en œuvre tous les plans et pris toutes les mesures nécessaires à même ses propres ressources. Il faut espérer qu'elle obtiendra un remboursement parce qu'elle ne voulait pas prendre de risque avec la vie de sa population. Ce sont là des problèmes auxquels ont fait face les leaders des communautés des Premières nations.

Le sénateur Seidman : Chef Evans, vous avez présenté un portrait complexe et grave des problèmes reliés à la pandémie de la grippe H1N1 de 2009-2010, et aussi de l'état plus général de la santé et des conditions de vie dans les collectivités des Premières nations.

Vous avez dit avoir rencontré la ministre Aglukkaq la semaine dernière et avoir eu la possibilité de réfléchir avec elle à la pandémie de H1N1, un an après les événements.

Pourriez-vous, si c'est possible, nous fournir certains détails de cette discussion et nous dire si vous avez pu en arriver à des idées pour aborder ces questions et ces problèmes?

M. Evans : Je reviens à la déclaration. Nous avons parlé du nombre de personnes en cause et des différentes organisations, des détails d'arrière-plan que nous n'avions pas vu. Nous avons vu ce que les médias en ont dit. La ministre et moi avons partagé des points de vue sur les diverses organisations, les scientifiques et les chercheurs, sur la façon dont l'information évoluait constamment et elle a expliqué comment les choses évoluaient à cette époque. C'est ce dont nous avons parlé. Il était important que je le comprenne des renseignements et que je les partage avec ceux que je représente, afin que nous soyons mieux préparés la prochaine fois.

Nous sommes privilégiés d'avoir eu cette relation avec le ministère, de même qu'avec le ministre de la Santé provincial afin d'être en mesure d'aborder la pandémie. Je remercie le Créateur de nous avoir épargnés d'une situation beaucoup plus grave.

Voilà pour l'information sur les détails d'arrière-plan et sur les événements qui se déroulaient, notamment la vaccination. Tout se déroulait en même temps. Nous avons également parlé de son tout nouveau rôle de ministre de la Santé et de la rapidité avec laquelle les choses évoluent. Je l'ai félicitée pour la façon dont elle s'est tirée d'affaire au cours de cette période à titre de nouvelle ministre.

Le sénateur Seidman : Est-ce que certaines des questions que vous nous avez présentées — les lacunes, le manque de capacité des divers niveaux de gouvernement de travailler ensemble, l'absence de prise de décisions — ont été abordées avec la ministre?

M. Evans : Oui. C'est ce que nous avons fait avec l'équipe de gestion des interventions d'urgence que nous avions mise sur pied avec la province. Nous avions des communications quotidiennes avec les deux niveaux de gouvernement. C'est ce qui nous a permis de faire face à la pandémie comme nous l'avons fait. Et c'est ce qu'il faudra aussi faire à l'avenir. Il faudra la participation des leaders des Premières nations pour qu'ils puissent travailler avec les gouvernements et qu'ils puissent aborder les problèmes qui ont des répercussions sur nos gens. Aucune décision n'a été prise sans que nous y soyons partie. C'était important.

Le sénateur Seidman : Est-ce que vous croyez que c'est vraiment le cas maintenant?

M. Evans : Ce devrait être le cas. Nous devrions toujours être partie prenante aux prises de décision. Nous sommes les mieux placés pour fournir des renseignements et des solutions sur la façon d'aborder ces problèmes.

Le sénateur Cordy : J'aimerais revenir à la question des domaines de compétence.

La question de savoir qui paiera et pour quoi a dû être bien frustrante en plein milieu d'une pandémie, et aussi de savoir si ce devait être le gouvernement provincial, le gouvernement fédéral ou une bande. Vous avez dit que la disponibilité de ressources financières posait particulièrement problème lorsque vous parliez au gouvernement fédéral.

Cela m'a surprise parce que je considère que le gouvernement fédéral a la responsabilité des soins de santé pour les populations des Premières nations.

Y a-t-il actuellement des discussions en cours pour établir des plans en prévision de la prochaine pandémie? Nous espérons bien que ce soit une éventualité fort éloignée, mais nous savons qu'il faut toujours planifier pour la prochaine pandémie. Y a-t-il actuellement des discussions en cours pour s'assurer que les lignes directrices seront si claires que même si c'est le gouvernement fédéral qui est le responsable en bout de ligne nous n'aurons pas à nous soucier de cela en cas de pandémie? Laissez-nous obtenir ce dont nous avons besoin et que le gouvernement fédéral nous assure ou nous garantisse que les factures seront payées.

M. Evans : Je veux à nouveau féliciter la ministre de la Santé provinciale. Nous avons envoyé une trousse à chacune des collectivités des Premières nations au Manitoba. Elle contenait tous les éléments nécessaires pour faire face aux symptômes. Si mes souvenirs sont bons, le coût a été de plus d'un million de dollars. La ministre nous a avancé ce montant pour que nous puissions commander les trousses. Nous étions à la veille de faire une campagne de financement afin de pouvoir donner ces trousses à nos collectivités. En raison de la compassion dont a fait preuve la ministre et du besoin urgent de ces trousses, la province a avancé les ressources nécessaires.

Tout cela nous ramène à la question des domaines de compétence, à savoir qui paie pour quoi. C'est là une question dont nous aimerions discuter avec la province afin qu'elle soit de notre côté si quelque chose devait frapper nos populations. En bout de ligne, nous espérons pouvoir renforcer ce partenariat en approchant le gouvernement fédéral afin qu'il s'acquitte de ses responsabilités.

Cela fait référence au principe de Jordan, le principe de l'enfant d'abord. Ne nous querellons pas sur des questions de compétence quand quelqu'un a besoin d'attention médicale. Les questions de compétence et la question de savoir qui paie quoi peuvent être abordées plus tard. J'espère que nous pourrons élaborer ces deux types d'arrangement.

Dr Sobol : En matière de financement, le Nunavut n'a pas le même scénario que les Premières nations pour les gens qui vivent sur les réserves. Toutefois, nous avons reçu de notre ministre de la Santé, Tagak Curley, et du sous-ministre, Alex Campbell, un appui solide lors de la réponse à la grippe H1N1. Leur approche était qu'ils étaient là pour protéger la santé de la population.

Nous avons utilisé des fonds qui ne faisaient pas partie de notre budget et nous avons toujours un déficit à ce chapitre et notre sous-ministre est toujours préoccupé par ce déficit que nous traînons. En cas de situation nationale très importante comme une pandémie de grippe H1N1, il importe de savoir qu'il y a des plans ou des discussions pour que le gouvernement fédéral assume certaines responsabilités en matière de financement. En autant que je sache, cette discussion n'a pas lieu à un niveau actif entre le Nunavut et le gouvernement fédéral, à tout le moins. Je crois que vous avez posé là une question fort pertinente. Merci.

Mme Woods : En ce qui a trait aux discussions en cours, il est intéressant de noter que ceux qui ont participé d'aussi près à la planification en cas de pandémie, tous les secteurs de compétence, de même que le gouvernement fédéral se sont entendus sur le fait qu'il était absolument nécessaire de poursuivre le travail et de ne pas abandonner en disant « Nous nous reverrons avant la prochaine pandémie, du moins l'espère-t-on ».

Nous nous sommes réorganisés. Un ensemble de comités interjuridictionnels continuera d'aller de l'avant sur ces questions. Plusieurs de ces questions sont soulevées dans le cadre des leçons apprises que nous mettons en place à tous les niveaux et dans toutes les provinces de même que dans nos bureaux régions. Nous avons fait ce travail à l'échelle nationale. Comme vous avez pu l'entendre lors de témoignages précédents, l'ASPC y est parvenue. Nous continuons de participer à ces forums afin d'être capables de soulever ces questions.

Je suis frappée par ce que le Dr Sobol disait au sujet de l'absence de fonds dans le budget. Nous avons plus ou moins pris la même approche. Heureusement, j'étais celle qui avait la responsabilité première dès le départ. Mes bureaux régionaux m'ont demandé ce qu'ils devraient faire et s'ils auraient suffisamment d'argent. Je leur ai dit, allez-y et nous trouverons l'argent nécessaire.

Il s'agissait de fonds destinés à nos bureaux régionaux. Je suis désolée, mais nous ne dispensons pas les soins de santé au Nunavut et nous ne les dispensons pas dans les provinces. Il s'agissait de fonds pour des besoins sur les réserves afin de continuer d'offrir les soins de santé nécessaires pour composer avec les cas de grippe H1N1 qui surgissaient. Nous n'avons jamais privé nos régions et nous n'allons certes pas priver les Premières nations.

En ce qui a trait aux soins prescrits, je suis d'accord avec le chef Evans et avec le Dr Sobol pour dire qu'il est nécessaire de poursuivre des discussions plus larges et de continuer de trouver des forums. Comme je le dis, nous avons pris soin de ne pas jouer les éteignoirs en matière de financement, d'embauche d'infirmières supplémentaires et nous voulions nous assurer qu'il y ait suffisamment de fournitures pour faire face à une pandémie et que les postes de soins infirmiers demeurent ouverts au delà des heures régulières, et ainsi de suite. C'était d'une importance cruciale.

Le sénateur Callbeck : Je vous remercie d'être venus aujourd'hui.

Madame Woods, j'aimerais vous poser une question concernant l'engagement du gouvernement fédéral pris il y a quatre ans, c'est-à-dire en 2006. Le gouvernement s'était engagé à verser 6,5 millions de dollars sur cinq ans pour renforcer la capacité de santé publique et accroître la capacité des communautés des Premières nations.

Quel montant a été déboursé jusqu'à ce jour?

Mme Woods : Tout le montant a été déboursé.

Le sénateur Callbeck : À quoi a-t-il été utilisé?

Mme Woods : La plus grande partie des fonds a servi à aider les organisations, surtout des organisations autochtones, et à aider les collectivités des Premières nations à élaborer leurs plans. Ils ont aussi servi à établir une certaine capacité dans nos bureaux régionaux. Vous aurez noté qu'il s'agit de capacité en matière de santé publique et de planification en cas de pandémie.

Les fonds ont été largement utilisés en guise d'assistance. Le chef Evans se souviendra certainement que dès le départ, la décision avait été prise à l'effet que la meilleure méthode n'était pas de nous tourner vers chacune des collectivités — vous pouvez le vérifier sur papier — parce que cela ne représentait pas suffisamment de fonds pour chacune, mais plutôt de nous adresser à des organisations plus vastes comme l'Assembly of Manitoba Chiefs. Je pense qu'à un certain moment, il y avait des arrangements entre cette assemblée et la Manitoba Association of Native Fire Fighters, Inc. parce que ce regroupement s'y connaît en planification de mesures d'urgence.

Le but était d'en arriver à une planification de base, ce qui s'est produit pour la plupart des communautés, et de renforcer notre propre capacité en matière de santé publique.

Le sénateur Callbeck : Est-ce que les objectifs que vous avez établis grâce à ces fonds ont pu être atteints?

Mme Woods : Oui. Toutefois, ils ont été un peu obscurcis par la grippe H1N1. M. Gully m'a rappelé que c'est ce qui a permis d'obtenir une partie de nos fournitures pour faire face à la pandémie. Ces fonds ont pu être utilisés grâce aux leçons apprises lors de l'épisode de syndrome de respiratoire aigu sévère (SRAS) : notre direction générale est allée de l'avant et a acheté des fournitures et de l'EPI supplémentaires pour faire face à toute urgence en matière de santé publique.

Nous avons atteint les objectifs en ayant de meilleurs préparatifs pour les collectivités afin qu'elles puissent faire face à une pandémie. Toutefois, comme ce fut le cas dans d'autres secteurs de compétence, chez les entreprises, les entités et les municipalités, nous avons appris en cours de route que nous ne sommes jamais aussi prêts que nous le pensons. Les exercices de leçons apprises ont été très importants pour nous parce qu'ils nous enseignent où il faut mettre la priorité.

Le chef Evans a raison : nous ne pouvons le faire sans le leadership des Premières nations. Nous sommes tout à fait dépendants de la bonne volonté des leaders des Premières nations pour les engager et aussi pour engager leurs communautés. Au fur et à mesure où nous progresserons, nous mettrons davantage l'accent sur cet aspect.

Le sénateur Dyck : Merci de vos exposés. Je continue dans la foulée des questions portant sur les secteurs de compétence puisque cela me semble être un aspect essentiel. Il est troublant d'apprendre qu'un élément comme celui-ci peut créer un tel problème pour la santé et le bien-être de particuliers.

Je soupçonne qu'il y a beaucoup plus que des questions de financement. Je me demande quel est le rôle de la bureaucratie dans le problème des secteurs de compétence. Par exemple, les formulaires qu'il faut remplir, les rapports à présenter et les responsabilités au niveau local.

Permettez-moi de poser une question naïve. En cas d'incident sérieux comme une pandémie, pourriez-vous simplement dire que la province est responsable de tout et qu'elle fera un tri par la suite pour savoir qui paiera la facture?

M. Gully : Si nous pouvions le faire, cette approche semblerait logique, me semble-t-il. Je ne suis pas certain que nous soyons en mesure de le faire. Cela étant dit, il y a eu au Manitoba des relations de travail étroites entre la province, le gouvernement fédéral et les Premières nations.

Il y avait aussi une volonté de dépenser l'argent, mais certains problèmes se posaient. Par exemple, le gouvernement fédéral voulait dépenser des montants au niveau de la collectivité ou au niveau de la tribu mais cela ne correspondait pas aux demandes, qui venaient parfois d'organisations politiques. Par conséquent, il y avait des divergences entre les groupes et les personnes qui demandaient des fonds.

Deuxièmement, la communauté tripartite à laquelle le chef Evans a fait référence n'est rien de nouveau. Elle existe depuis un certain temps déjà. Toutefois, ce groupe s'est rencontré plus souvent et il a pu faire face à la première vague, laquelle s'est produite sur une très courte période et qui nous a pris par surprise. Rétrospectivement, cet épisode n'était pas une surprise. Nous étions tous engagés dans une réponse immédiate au lieu de continuer de faire progresser la planification.

Mme Woods : Je pense que vous seriez heureux de savoir qu'au moment où la grippe H1N1 a sévi, nous savions instantanément que nos processus bureaucratiques ne feraient pas l'affaire. Le gouvernement fédéral s'est empressé de mettre en place des systèmes de commande beaucoup plus rapides, de sorte qu'il n'a jamais été question de remplir une autre centaine de formulaires et de les envoyer à 32 personnes différentes, par exemple dans le cadre des processus d'approbation. Tout s'est déroulé rapidement. Par exemple, nous avions l'autorité d'acheter les masques requis. Nous avons donc agi rapidement.

M. Evans : À la lumière de ce qui s'est produit sur le territoire du Dr Sobol, et en prévision d'une telle pandémie dans le futur, il faut donc prévoir quelque chose en ce sens au cas où il y aurait des dépenses pour lesquelles les Premières nations seraient appelées à prendre des décisions concernant la santé et la sécurité de leur peuple. Il faut espérer que la communauté ne souffrira pas d'avoir pris les décisions qu'elle a prises dans le meilleur intérêt de ses membres. Il devrait donc y avoir un mécanisme en place pour l'avenir.

Dr Sobol : J'ai une brève observation à faire sur la question de la capacité en matière de santé publique. Outre la capacité de santé publique pour les communautés des Premières nations, il me semble que lors de la pandémie de H1N1 la totalité de la capacité de santé publique du Canada a été portée à sa limite. Nous avons beaucoup appris en étant obligés de composer avec un événement de cette ampleur. De l'Agence de la santé publique du Canada jusqu'aux secteurs de compétence provinciale et territoriale, nous avions peine à maintenir le rythme de notre réponse à cette pandémie. Il n'y avait aucune marge de manœuvre dans notre capacité.

Par conséquent, lorsque vous considérerez la réponse du Canada à la situation des Premières nations, des Métis et des Inuits, placez cette réponse dans le contexte plus général du Canada et reconnaissez que nos ressources ont besoin d'être améliorées.

Le président : Merci.

Sur ce, je vous signale que nous avons atteint la limite du temps que nous pouvons consacrer à ce groupe. Je tiens à remercier nos panélistes de la contribution qu'ils apportent au dialogue sur cette question importante.

Honorables sénateurs, je vous signale la présence du sénateur Poirier du Nouveau-Brunswick. Bienvenue, sénateur Poirier et merci de vous joindre à nous pour cette discussion si importante sur les préparatifs en cas de pandémie.

Il y a cinq personnes au bout de la table, dont quatre qui prendront la parole. Il y a d'abord M. Angus Toulouse, chef régional pour l'Ontario à l'Assemblée des Premières Nations. Il est né et a été élevé dans la Première nation de Sagamok Anishnabek dans le Nord-Est de l'Ontario. Le chef régional Toulouse a été élu membre du comité exécutif de l'APN en juin 2005. Bienvenue chef.

Le Dre Darlene Kitty, membre du conseil de direction de l'Association des médecins indigènes du Canada (AMIC). Elle est aussi membre de la Société de la médecine rurale du Canada et elle est très engagée dans le domaine de la médecine rurale et de la santé des Autochtones. Soyez la bienvenue Dre Kitty.

Nous connaissons bien Mme Mary Simon, présidente d'Inuit Tapiriit Kanatami (ITK). Elle a été élue leader inuit national en 2006, et elle est, bien entendu, ambassadeure pour les Affaires circumpolaires du Canada. Elle a, en outre, été ambassadeure du Canada au Danemark. Elle est accompagnée aujourd'hui de Mme Elizabeth Ford, qui vient aussi de l'ITK.

Mme Rosella Kinoshameg est présidente de l'Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada. C'est une Anishnawbe-kwe, Odawa-Ojibway, qui maîtrise parfaitement sa langue maternelle et qui vit de manière traditionnelle dans sa collectivité sur l'île de Manitoulin, en Ontario. Elle a passé 15 années au sein des communautés des Premières nations à divers titres, infirmière de santé communautaire, gestionnaire, éducatrice et superviseur des soins infirmiers.

Bienvenue à vous tous. J'aimerais que nous puissions limiter les exposés à environ cinq minutes chacun.

Angus Toulouse, chef régional, Assemblée des Premières nations : Merci de m'accueillir ici aujourd'hui.

Permettez-moi de commencer en disant qu'il est important de comprendre que les collectivités des Premières nations ont besoin de se préparer et que les préparatifs doivent tenir compte de facteurs dans la planification en cas de pandémie qui vont au-delà de ceux des autres communautés canadiennes, y compris le caractère distinctif de la culture, les systèmes de valeur, les différences en matière de compétence, l'économie et l'infrastructure communautaire par rapport au reste de la population du Canada.

De même, l'éloignement et le manque d'accès aux fournitures affectent la capacité de réponse et rendent les communautés encore plus vulnérables. J'ai préparé la présentation PowerPoint que vous avez devant vous. En ce qui a trait à certaines des activités que nous avons abordées, plusieurs agences différentes y ont participé en répondant à la pandémie H1N1 à l'échelle nationale. Parmi les intervenants, notons la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada (DGSPNI), l'ASPC, AINC et l'APN.

Heureusement, l'APN, la DGSPNI et l'ASPC travaillaient ensemble au sein d'un comité trilatéral et d'un groupe de travail des Premières nations avant l'apparition de la grippe H1N1. Cette collaboration a grandement amélioré la coordination des efforts d'intervention qui ont mené à la tenue d'un sommet virtuel avec la participation de représentants des communautés des Premières nations, d'organisations provinciales et territoriales, de ministres fédéraux de la Santé, de la DGSPNI et de l'ASPC.

Ce sommet a eu des effets positifs. Il aura permis d'élaborer très rapidement un outil et un guide de surveillance de maladies apparentées à la grippe avec la collaboration des trois partenaires, ouvrage qui a été distribué dans plus de 1 000 écoles pour améliorer nos efforts de surveillance et notre système de détection avancé de pandémie. Des affiches et d'autres documents d'information ont également été préparés et distribués dans les collectivités des Premières nations.

Nous avons notamment appris que lorsque des groupes de travail tripartites étaient en place, les efforts de coordination et d'intervention étaient plus fluides et plus efficaces comme ce fut le cas en Colombie-Britannique où le First Nations Health Council de C.-B., la DGSPNI de Santé Canada, bureau de la Colombie-Britannique, le ministère du Bien-être et des Sports de la Colombie-Britannique, et le Centre de contrôle des maladies de la Colombie- Britannique ont travaillé ensemble.

Il y a aussi eu des projets pilotes de santé publique APN-DGSPNI en Ontario, au Manitoba et en Saskatchewan où des représentants du gouvernement fédéral, du gouvernement provincial et des communautés ont siégé à une même table. Bien que des plans d'urgence et de préparation en cas de pandémie aient existé, la crise a mis en lumière plusieurs lacunes, particulièrement des différences en matière de champ de compétence, de responsabilités et de politiques de financement rigides. Il faut approfondir le dialogue sur les préparatifs en cas d'urgence et sur les ententes d'intervention entre la province et AINC en vue de la prestation de services d'urgence.

La surveillance des maladies des Premières nations est fragmentée. Diverses organisations — DGSPNI, ASPC, niveaux provincial, régional, national — recueillent des renseignements divers sans complémentarité appropriée ni partage. Les malentendus culturels et le manque de sensibilité en matière de langue et de pratiques ont retardé la mise en œuvre de plusieurs activités dans plusieurs régions. Les communautés devraient être approchées par l'entremise de leurs leaders et l'information qui leur est donnée devrait l'être dans une langue et sous un format appropriés à la culture.

La distribution préalable d'antiviraux et de fournitures a été efficace. Contrairement à la concentration observée en milieu urbain, certaines régions ont connu des difficultés d'accès parce que les centres de distribution les plus rapprochés étaient situés en milieu urbain; la même chose s'est produite dans le cas de la première distribution de vaccin.

Un des exemples à retenir est celui de la Colombie-Britannique où les médicaments ont été distribués par le Centre de contrôle des maladies de la province, qui avait l'expérience de la distribution de médicaments contre la tuberculose dans les communautés.

Voici quelques-unes de nos recommandations. Chaque communauté doit travailler à l'élaboration de plans régionaux et doit faire intervenir des homologues des niveaux provincial et fédéral de la santé. Cette coopération devrait aller au-delà de la planification en cas de pandémie. Il faut aussi tenir compte des pratiques culturelles lorsque l'on définit des « groupes prioritaires » pour la vaccination et la prestation de services. De même, il faut un plan pour optimiser l'utilisation des ressources; quand il y a moins de ressources dans les régions éloignées, cela signifie qu'il faut une planification appropriée pour obtenir des bénéfices maximums au lieu de simplement accroître l'afflux de ressources non appropriées. Nous recommandons aussi la création d'une infrastructure en mesure de faire face aux services de base exigés; le manque d'infrastructure de soutien pour assurer les examens préalables, la vaccination et les soins primaires a nui aux efforts pour prodiguer des soins dans les collectivités.

En terminant, je vous dirai que les collectivités des Premières nations peuvent faire face à des crises comme la H1N1 de manière compétente, avec vigueur et dignité dans la mesure où elles disposent de niveaux appropriés de capacité et de ressources.

Meegwetch.

Dre Darlene Kitty, membre du conseil de direction, Association des médecins indigènes du Canada : J'aimerais remercier le comité d'avoir invité l'Association des médecins indigènes du Canada (AMIC), à participer à ses travaux. J'aimerais aussi saluer les Algonquins de la région d'Ottawa à l'occasion de mon passage ici.

Depuis la pandémie de 2009, plusieurs situations difficiles ont pu être mises à jour et des leçons ont été apprises dans toutes les collectivités indigènes du pays, y compris parmi les populations des Premières nations, inuites et métisses des centres urbains et non seulement dans les régions rurales et isolées.

Les effets de la grippe saisonnière et de la grippe H1N1 ont varié selon les communautés autochtones, ce qui est attribuable à divers facteurs comme la piètre qualité des logements, le surpeuplement des logements, les conditions sanitaires et la qualité de l'eau, la pauvreté et les inégalités socio-économiques, le non-emploi et le niveau d'éducation plus faible et de moindre qualité.

Ces déterminants et d'autres déterminants sociaux de la santé, de même que les effets persistants de la colonisation ont grandement augmenté la prévalence de maladies aiguës et chroniques comme la grippe H1N1, le diabète, l'obésité, les maladies cardiaques et les maladies respiratoires. Les ressources humaines et matérielles affectent la capacité des communautés autochtones à bien faire face à des menaces intermittentes, de sorte que cette population est particulièrement vulnérable aux répercussions que peuvent avoir les pandémies passées, présentes et possiblement futures.

Les pandémies de grippe passées ont démontré une prévalence beaucoup plus forte d'infections et des taux d'hospitalisation de quatre à cinq fois plus élevés et des taux de mortalité de quatre à sept fois plus élevés chez les Premières nations que pour la population en général.

Les personnes âgées, les femmes enceintes, les bébés et les jeunes enfants ont été et continuent d'être particulièrement sensibles aux infections et aux complications graves de la grippe. Je le répète, les facteurs qui ont été mentionnés plus tôt ont joué un rôle important dans ces résultats.

La première vague a été fortement ressentie au Canada et ailleurs dans le monde. Des événements troublants sont survenus dans les communautés des Premières nations et dans le Nord du Manitoba et dans le Nord-Ouest de l'Ontario ont fait les manchettes des médias nationaux. La disponibilité et la formation de médecins, d'infirmières et d'autres travailleurs et le manque de connaissances des administrateurs et des politiciens, ajoutés aux problèmes auxquels ces collectivités faisaient déjà face, ont sans doute contribué au nombre alarmant d'incidents, situation qu'il faut examiner et aborder.

Pour les Cris du Nord du Québec, le taux d'hospitalisation lors de la première vague a été 33 fois plus élevé que celui du Québec, et le nombre d'admissions aux soins intensifs a été 15 fois plus élevé. Dans le Nord-Ouest de l'Ontario, plusieurs communautés des Premières nations ont été durement touchées et il a fallu procéder à des évacuations sanitaires, à du matériel de protection et à des médicaments antiviraux pour tenter de faire face à cette situation en toute urgence.

Au Manitoba, 37 p. 100 de tous les cas de grippe H1N1 ont touché les Autochtones, et 60 p. 100 de ces cas ont exigé l'admission aux soins intensifs. L'accès à des soins dans des centres hospitaliers tertiaires et dans les unités de soins intensifs a été un facteur important. Pour les collectivités des Premières nations de Colombie-Britannique, la première vague a été retardée avec un taux d'hospitalisation plus faible, mais il était tout de même plus élevé que pour la population en général. Les populations métisses et non inscrites ont été affectées de manière similaire et l'expérience chez les Inuits a été pire.

La collecte de données auprès des populations autochtones touchées par la grippe H1N1 n'a pas été constante et ne s'est pas faite dans des conditions idéales. De fait, il est fort probable que les taux de prévalence de maladies associées à la grippe soient plus élevés que ce qui a été établi en raison d'une sous-déclaration, d'inexactitudes dans la façon de remplir les formulaires de surveillance et dans le manque d'identifiants appropriés. Il faut aussi tenir compte des populations urbaines en plus des groupes autochtones vivant en milieu rural et éloigné. Toutes les évaluations futures devront comprendre des méthodes précises, notamment des paramètres appropriés et des systèmes de déclaration.

Plusieurs collectivités autochtones s'étaient préparées à une deuxième vague en donnant une formation à leur personnel de soins de santé, en établissant des mesures de contrôle de l'infection, en fournissant des blouses, des gants et des masques dans les dispensaires éloignés et des produits de désinfection dans la collectivité, et en faisant la promotion et l'éducation du public.

Les communautés autochtones se sont mobilisées et se sont engagées dans leurs soins de santé, ont été motivées pour s'aider elles-mêmes et pour protéger les personnes en santé, et ont fait preuve de leadership, de résistance et de compétence. Les stratégies d'éducation en matière de santé publique sont devenues un outil important. De même, les messages diffusés à la radio, les rencontres et les affiches ont été d'importants outils de communication pour les collectivités autochtones.

La plupart des provinces, et plus particulièrement l'Ontario et le Québec, ont mis en œuvre des programmes provinciaux de mise à jour et de formation pour tous les travailleurs de la santé. Malgré tout, le gouvernement fédéral devrait prendre la tête des préparatifs et des efforts de formation, et chercher à coordonner et à évaluer l'uniformisation à l'échelle du pays, particulièrement pour les groupes à forte priorité comme les populations autochtones.

La stratégie qui a semblé la plus utile pour faire face à la pandémie de H1N1 a été la production et la distribution rapides des vaccins contre la grippe H1N1. La vaccination de toute urgence et prioritaire des populations indigènes vivant en milieu rural et éloigné aura aidé à atténuer les répercussions de la deuxième vague. Malheureusement, les groupes autochtones vivant en milieu urbain font face aux mêmes défis que ceux qui habitent les communautés éloignées, mais n'ont pas obtenu la même priorité élevée pour la vaccination dans toutes les provinces. Les campagnes d'éducation du public et d'immunisation contre la grippe H1N1 ont été des éléments clés lors de la seconde vague, aidant ainsi à réduire la prévalence des cas de grippe H1N1.

Les taux de vaccination ont été élevés dans les collectivités éloignées. Par exemple, le taux de vaccination des Cris dans le Nord du Québec a été de 84 p. 100 et ce groupe a connu les plus faibles taux d'hospitalisation et d'admission aux unités de soins intensifs lors de la seconde vague comparativement à la première. De même, les taux de vaccination ont été élevés dans le Nord-Ouest de l'Ontario, dans le Nord du Manitoba et en Colombie-Britannique. L'AMIC invite le gouvernement à examiner de plus près les données statistiques provenant des diverses régions du Canada, y compris celles qui concernent les populations autochtones en milieu urbain. Cet exercice permettra de mieux évaluer les résultats de la pandémie de 2009 et aidera à planifier une réponse améliorée à toute pandémie de grippe future.

À l'avenir, il faudrait que les organismes chargés de la planification en cas de pandémie accordent une priorité élevée aux Premières nations, aux Inuits et aux Métis qui vivent dans des collectivités éloignées et rurales, sans exclure ceux qui vivent dans des centres urbains. Nous recommandons fortement que les organismes de santé autochtone deviennent des partenaires de leurs propres soins de santé, puisque nous connaissons bien les réalités qui caractérisent nos collectivités et que nous sommes prêts à rechercher des idées, à aider et à établir des stratégies dans la planification nationale en cas de pandémie, que nous sommes disponibles pour le faire et que nous en avons la capacité. Il faut maintenir et accentuer la responsabilité sociale des écoles de médecine, des régies de la santé, des ministères fédéral et provinciaux de la Santé et leur demander de travailler dans les collectivités autochtones selon les besoins, d'une manière compétente aux plans culturel et sécuritaire. La priorité doit être d'améliorer les communications à tous les niveaux — local, régional, provincial ou fédéral — et de coordonner les efforts.

Finalement, en abordant les déterminants sociaux sous-jacents à la santé qui sont à l'origine d'iniquités chronique et continue en matière de santé chez les peuples autochtones, on contribuerait non seulement à limiter l'influence d'une grippe future, mais également à améliorer la santé en général de ces populations.

L'Association des médecins indigènes du Canada maintient la vision de nations, de collectivités, de familles et d'individus en santé et dynamiques chez les Autochtones. Dans cet esprit, nous vous remercions de l'opportunité que vous nous offrez de nous adresser à votre comité aujourd'hui.

Le président : Je vous remercie, docteure Kitty. Nous passons maintenant à Mme Mary Simon.

Mary Simon, présidente, Inuit Tapiriit Kanatami : Ulakuut, monsieur le président, et membres du comité.

Je vous remercie de l'invitation à prendre la parole devant votre comité ce matin sur la question des préparatifs en vue d'une pandémie. Il y a déjà un peu plus d'un an notre organisation témoignait devant le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes pour aborder la question de la grippe H1N1 et ses répercussions pour les Inuits.

À cette époque, c'est le Nunavut qui connaissait le taux d'infection le plus élevé au pays pour la grippe H1N1 avec un nombre de cas approchant les 600, c'est-à-dire cinq pour cent de la population.

Les Inuits ont surmonté la pandémie de l'an dernier grâce à l'expérience acquise lors d'épidémies précédentes. Au début des années 1900, la grippe espagnole a décimé des collectivités inuites entières en quelques jours. Cette fois-ci, nous avons eu de la chance. Les Canadiens ont eu de la chance, mais nous ne serons peut-être pas toujours aussi chanceux. Je fais donc appel aux députés de la Chambre et à tous les parlementaires afin qu'ils appuient les Inuits dans leurs préparatifs en vue de la prochaine pandémie. À cet égard, j'ai quelques recommandations clés à formuler.

Premièrement, il faut soutenir l'établissement de processus de planification en cas de pandémie qui soient propres aux Inuits. La ministre de la Santé, Leona Aglukkaq, a lancé l'idée d'une annexe propre aux Inuits au plan canadien de lutte contre la pandémie lorsqu'elle s'adressait à ses collègues provinciaux et territoriaux l'an dernier. L'idée a été rejetée, à tort, estimons-nous.

Je ne cherche pas à imputer la responsabilité de la situation au gouvernement actuel, et certainement pas à notre ministre de la Santé. Cette situation déplorable remonte à plusieurs décennies. Les Inuits sont très fiers du travail accompli avec la ministre Aglukkaq parce que nous savons qu'elle comprend les conditions de santé et les besoins des gens qui vivent dans la zone arctique et qu'elle cherche à faire des choses qui nous aiderons.

Malgré cela, dans sa forme actuelle, le plan canadien de lutte en cas de pandémie n'aborde pas les questions qui sont propres aux communautés inuites. Un an et demi après l'apparition des premiers cas de grippe dans la région où habitent les Inuits, il n'y a toujours rien dans notre document de planification nationale en cas de pandémie permettant d'aborder les lacunes observées dans l'exécution du programme de prévention de la grippe H1N1 au sein des collectivités inuites et de nous préparer à la prochaine pandémie.

Comme plusieurs d'entre vous le savez, il n'y a ni routes, ni hôpitaux, ni médecins, ni pharmacies dans la plupart des collectivités inuites. On trouve plusieurs cliniques de santé dirigées par des infirmières. Les médecins viennent par avion sur une base régulière dans la plupart des collectivités. Le taux de roulement du personnel est élevé. En cas de pandémie, ces personnes pourraient également choisir de quitter la région et de retourner auprès de leurs familles.

Un régime de soins de santé axé sur la collectivité peut ne pas sembler un service essentiel dans la plupart des régions du pays, mais dans nos collectivités, c'est le seul accès à un traitement. Dans certains cas, la personne qui assure la permanence peut être le conducteur de l'ambulance.

Nous dépendons de l'avion et, partant, des conditions météorologiques. Il y a quelques années, un représentant de l'Agence de la santé publique du Canada a dit à un groupe de personnes qui assistaient à une réunion que les antiviraux pouvaient être envoyés vers toute collectivité au Canada dans les 12 heures. Si vous vous êtes déjà rendu dans le Haut- Arctique, vous savez que cela n'est pas vrai.

Il nous faut une approche propre aux Inuits pour la planification en cas de pandémie au Canada, et elle doit être élaborée avec nous, et non pour nous. Elle doit refléter nos réalités et inclure ce que nous avons appris de l'aventure avec la grippe H1N1. Il doit s'agir d'un plan utile, capable de nous guider dans le futur jusqu'au niveau de préparation auquel nous avons droit.

Deuxièmement, il faudrait amorcer un travail très sérieux sur les déterminants sociaux de la santé. Les Inuits sont ceux qui vivent dans les logements les plus surpeuplés au Canada. En 2006, environ 15 000 Inuits, c'est-à-dire plus de 30 p. 100 de la population, vivaient dans des logements surpeuplés. Cela comprend 40 p. 100 des enfants de 14 ans et moins. Dans la plupart des régions, cela représente un déclin par rapport à la décennie précédente, mais au Nunavik, d'où je suis, et qui se situe dans l'Arctique au Nord du Québec, le surpeuplement s'est accru de près de 50 p. 100. Il y a manifestement beaucoup de travail à faire de ce côté.

La vie dans des logements surpeuplés favorise la propagation débridée des maladies respiratoires infectieuses et nuit à notre capacité de réduire les risques pour les autres. Le piètre état de santé général de notre population, qui résulte de la pauvreté et d'une insécurité alimentaire, facilite également la propagation et la gravité des maladies. Selon l'Indice du développement humain, qui mesure aussi l'espérance de vie, le niveau de vie et l'éducation, le Canada se classe au cinquième rang dans le monde. Pour leur part, selon ce même indice les collectivités inuites se situeraient au 98e rang sur 177 pays.

Dans le meilleur des cas, l'accès aux soins de santé est une forte préoccupation et la situation est pire durant une pandémie. Nous n'avons pas l'équipement, ni les ressources, ni les services dont les patients ont besoin. Les appareils à rayons X et d'autres outils de diagnostic et de traitement ne sont tout simplement pas disponibles.

Nous devons élargir l'accès aux soins à domicile et dans la collectivité. Les ressources existantes sont déjà compromises par le financement limité, une pénurie de professionnels de la santé et l'incapacité des collectivités d'offrir davantage de services spécialisés.

L'espérance de vie des Inuits devrait s'élever et non continuer de décliner. En bout de ligne, le Canada sera jugé pour les efforts qu'il déploie pour améliorer la santé de tous les Canadiens.

Je compte bien répondre à vos questions.

Le président : Je vous remercie. En dernier lieu, nous accueillons Mme Rosella Kinoshameg, présidente de l'Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada.

Rosella Kinoshameg, présidente, Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada : Bonjour. Je vous remercie de nous avoir invités à soumettre notre point de vue sur l'état de préparation à une pandémie. L'Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada (AIAC) est la seule organisation d'infirmières et d'infirmiers autochtones professionnels au Canada. Elle a été établie en 1975 parce que les besoins en santé des peuples autochtones pouvaient être mieux servis et compris par des professionnels de la santé ayant une même base culturelle. Notre vision est d'assurer le bien-être des peuples autochtones en soutenant les infirmières et infirmiers autochtones partout au Canada; plusieurs d'entre eux travaillent dans des collectivités des Premières nations à divers titres.

En plus d'être présidente de l'AIAC, j'ai travaillé à plein temps comme directrice de la santé d'une collectivité des Premières nations jusqu'en octobre 2009, puis je me suis retirée brièvement et je suis retournée dans une autre collectivité pour l'aider lors des activités entourant la grippe H1N1. Mon expérience me permet de parler des deux points de vue.

En ce qui a trait aux questions qui touchent la préparation du Canada en vue de la dernière pandémie survenue au printemps de 2009, les médias nous ont appris la rapidité avec laquelle la grippe H1N1 s'était propagée. Comme j'ai participé à des conférences téléphoniques avec des responsables de la santé des Premières nations et des Inuits, je sais que plusieurs collectivités des Premières nations ont été durement touchées.

Ce sont là des faits bien connus qui ont déjà été cités.

Les données statistiques suivantes nous viennent de l'Agence de la santé publique du Canada. Lors de la première vague, au moins 20 p. 100 de toutes les personnes hospitalisées étaient des Autochtones, et 11,7 p. 100 des décès visaient des Autochtones. Lors de la deuxième vague, au moins 4,6 p. 100 des personnes hospitalisées étaient des Autochtones et 6,1 p. 100 des personnes décédées étaient également des Autochtones.

Sur une note plus positive, 95 p. 100 des collectivités des Premières nations du Canada disposaient d'un plan en cas de pandémie. Dans le rapport aux communautés des Premières nations de l'Ontario, les chefs de l'Ontario ont dit « L'Ontario est la première province du Canada à élaborer un plan en cas de pandémie de grippe spécifiquement consacrée aux peuples des Premières nations ». Le travail de planification a commencé en Ontario en 2004, au moment où s'amorçait la préparation du plan ontarien de lutte contre la pandémie de grippe (le Plan) avec un groupe de travail technique des Premières nations. De même, les chefs de l'Ontario ont ajouté « Les plans complets de lutte contre une pandémie qui ont été élaborés nous ont donné un certain niveau de confiance que nous pourrons faire face à une grippe H1N1 dans les collectivités des Premières nations en Ontario et ailleurs au Canada ».

J'ai participé à une table ronde sur la préparation à une pandémie qui s'est tenue en juin, organisée par la Fédération canadienne des syndicats d'infirmières et d'infirmiers, au cours de laquelle le présentateur a dit que le niveau de préparation dans les réserves s'était sensiblement accru à la suite de la grippe H1N1. Aujourd'hui, près de 98 p. 100 des collectivités des Premières nations ont un plan en cas de pandémie. De plus, lors de l'épisode la grippe H1N1, le taux de couverture des vaccins a été de 64 p. 100 dans les collectivités des Premières nations, ce qui est 20 p. 100 plus élevé que la couverture nationale moyenne.

Au cours de ce colloque, on a présenté plusieurs des leçons apprises lors des interventions pour contrer la pandémie de 2009. Le Dre Arlene King, médecin hygiéniste en chef de l'Ontario, a préparé un rapport en juin 2010 dans lequel elle dit que l'Ontario a bien réagi à la pandémie de grippe H1N1, ajoutant qu'il fallait une meilleure coordination et une meilleure normalisation en prévision d'urgences futures en matière de santé. Le rapport recommandait que l'esprit de collaboration actuel se développe pour faire en sorte que la province continue ses préparatifs en vue d'urgences éventuelles.

En réponse à ce document, l'Association des infirmières et infirmiers de l'Ontario, a applaudi « les efforts du gouvernement pour apporter des correctifs à la réponse au SRAS » et exprimé le souhait que « la province soit beaucoup mieux préparée pour répondre à toute pandémie de grippe H1N1 ».

Le Dre Annalee Yassi, qui a également parlé des leçons apprises, a mis l'accent sur la nécessité d'adopter une approche proactive plutôt que réactive. Elle a mentionné la confusion concernant l'utilisation d'EPI, les faibles niveaux d'approvisionnement, les niveaux inappropriés de dotation, les charges de travail excessives, les renseignements conflictuels et portant à confusion, de même que l'échec des campagnes de vaccination visant les travailleurs de la santé.

Dans son document de rétroaction fournit à l'ASPC et à Santé Canada, l'Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada donne son point de vue sur l'interaction entre l'Agence de santé et Santé Canada au cours de la période d'avril 2009 à janvier 2010. Le rôle de l'AIAC a été de fournir un apport au comité de l'ASPC sur les relations avec les Autochtones et sur les relations stratégiques. Il s'agissait d'un vecteur d'échanges fréquents et opportuns de renseignements entre l'AIAC et l'ASPC permettant de partager de l'information, de soulever des questions lors des téléconférences et de diffuser rapidement l'information aux membres. Les membres ont trouvé que cette façon de procéder permettait d'obtenir rapidement de l'information en provenance des autorités de santé locale, des hôpitaux ou du personnel du bureau local de contrôle des infections. Les mises à jour régulières par courriel ont été considérées comme une façon extraordinaire d'éduquer et les liens fournis donnaient accès à des références rapides.

L'ASPC a été la principale source d'information utile, précise et accessible. Certains membres accédaient à leur site web directement pour obtenir les ressources utiles.

En ce qui a trait aux rôles de tous les niveaux de gouvernement lors de la préparation en vue d'une pandémie, Santé Canada a été un intervenant majeur grâce à son réseau avec les collectivités des Premières nations. AINC est responsable de la gestion des urgences. L'APN travaille également avec les collectivités des Premières nations. Le ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario a collaboré avec les gouvernements provinciaux et les administrations municipales, avec les unités de santé publique, et avec les intervenants en soins de santé, et il a travaillé en étroite collaboration avec les chefs de l'Ontario et les leaders des Premières nations. Le ministère a affiché sur son site web le document Guidance on Public Health Measures for the Pandemic H1N1 Influenza Virus in First Nation Communities. Les chefs de l'Ontario avaient pour mandat d'aviser les leaders de la collectivité de même que les chefs régionaux.

Plusieurs recommandations ont été formulées et plusieurs d'entre elles concernaient les besoins en EPI, les besoins de dotation et l'amélioration des communications et de l'organisation. Les recommandations comprenaient également l'établissement de voie de communication et d'une meilleure collaboration, l'amélioration des ressources humaines, le recrutement et le maintien en poste, certains changements structurels et l'attribution de plus de pouvoir pour le médecin hygiéniste en chef de l'Ontario.

Les processus reliés à la préparation à une pandémie comprennent le besoin d'une planification et d'une intervention coordonnée en cas de risques, de dangers ou de vulnérabilités; l'identification des ressources, la persistance dans la planification et la préparation; et l'engagement.

Les annexes A à P du Plan canadien de lutte contre la pandémie d'influenza pour le secteur de la santé contiennent beaucoup de renseignements utiles. La Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail de l'Ontario avait également une liste de vérifications pour les préparatifs en vue d'une pandémie et plusieurs organisations ont fourni une opinion sur la promotion des meilleures pratiques, notamment l'Association des infirmières et infirmiers autorisés de l'Ontario et l'Association des infirmières et infirmiers du Canada.

En ce qui a trait aux questions éthiques reliées à la préparation en vue d'une pandémie, l'ASPC a publié certaines considérations que l'on peut trouver à la section 6.0, « Éthique et planification en cas de pandémie », de même que dans les annexes D, G et H du Plan.

L'AIIC a également énuméré plusieurs documents comme le « Code d'éthique des infirmières et infirmiers autorisés », des considérations éthiques pour les infirmières et les infirmiers en cas de pandémie ou d'autres situations d'urgence et un énoncé de principe concernant la préparation et l'intervention en cas d'urgence.

L'Université de Toronto a également publié certains documents de travail dont l'un portait sur des questions éthiques et sur la pandémie H1N1, y compris des sujets sur le devoir de diligence, l'établissement des priorités, la vaccination contre la grippe H1N1, les mesures restrictives, l'éthique mondiale, la communication du risque et la vulnérabilité.

Le chapitre 2 du Plan ontarien de lutte contre la pandémie de grippe décrit le cadre de prises de décision éthiques.

La Fédération canadienne des syndicats d'infirmières et d'infirmiers a bénéficié d'un exposé intéressant de la part du Dre Cecile Bensimon. Puisque la planification en prévision d'une pandémie et les interventions ont des aspects éthiques, elle propose un cadre de travail éthique pour cette prise de décisions et aussi pour tenir compte des valeurs que nous utilisons dans des situations d'urgence, avant qu'une autre crise ne se produise.

À partir de mes observations, plusieurs organisations gouvernementales ont collaboré et établi des partenariats au fil des années dans le cadre de la planification en vue d'une pandémie. Plusieurs lignes directrices ont pu être ainsi élaborées et mises à jour et aujourd'hui, plusieurs sites web contiennent beaucoup d'information. Plusieurs organisations ont réagi aux leçons apprises et il serait bien que l'on puisse combiner toutes ces réactions afin de d'identifier ce qui n'a pas fonctionné et ce qui a bien fonctionné et de déterminer ce qui doit être amélioré pour les préparatifs futurs.

Les membres de l'AIAC ont souligné que Santé Canada, en collaboration avec l'ASPC, devrait être le premier choix pour l'accès à l'information concernant les collectivités des Premières nations.

Il est intéressant de lire que 95 p. 100 des collectivités des Premières nations disposaient d'un plan en cas de pandémie. Ces plans avaient été mis à l'essai lors de la pandémie et avaient permis de relever des problèmes comme la confusion dans les messages diffusés. Par conséquent, il faut améliorer les communications et les rapports avec le leadership et se doter d'une direction et d'une voix nationales. D'autres questions comprennent le bombardement d'information de toute provenance, ce qui est trop à la fois; les téléconférences fréquentes pour les mises à jour par rapport à la couverture médiatique pour sensibiliser le public; les changements de priorité; la fourniture et le rationnement des vaccins par les unités de santé publique; et le manque de personnel.

L'ASPC avait demandé à l'AIAC de dire aux infirmières et infirmiers à la retraite que s'ils étaient intéressés à aider dans le cadre de la grippe H1N1, ils devaient communiquer avec les bureaux de santé ou avec des centres d'amitié des Premières nations et des Inuits s'ils habitent dans des milieux urbains, afin que l'on puisse compter sur eux en cas de besoin. Toutefois, aucun plan n'était en place et les gens ont été renvoyés à droite et à gauche.

Les documents suivants ont été fort utiles, mais ils sont arrivés après coup : A First Nations Wholistic Approach to Pandemic Planning : A Lesson for Emergency Planning, terminé en 2007, et Guidance on Public Health Measures for the Pandemic H1N1 Influenza Virus in First Nation Communities. Les sites web les plus utiles ont été ceux de l'ASPC, qui affichaient l'annexe B intitulée « Considérations relatives au plan de lutte contre la pandémie d'influenza pour les communautés des Premières nations vivant dans les réserves ». De plus, site web des Premières nations en Ontario fournissait des mises à jour constantes concernant la pandémie H1N1. Je le répète, je n'ai eu accès à ces ressources qu'après coup. Il y a aussi eu un rapport intitulé First Nations Risk Assessment Tool for Large Gatherings.

L'Association des infirmières et infirmiers du Canada était un autre bon site de renseignements sur l'éthique des soins. L'AIIAC a fourni des mises à jour sur la grippe H1N1 accompagnées d'une longue liste de renseignements utiles sur l'ASPC, des documents imprimés de même que des outils qui ont été fort appréciés.

Le président : Merci à vous tous. J'ai une question rapide pour le Dre Kitty.

Vous avez soulevé un aspect qui devrait sans doute être apparent pour nous tous. Nous avons parlé de tous les plans, d'un grand nombre de plans dans les régions rurales et éloignées, dans les régions occupées par les Premières nations, mais vous avez aussi soulevé la question des déterminants sociaux de la santé, une notion avec laquelle notre comité est familier puisqu'il a déjà fait une étude sur le sujet. Vous avez aussi mentionné la piètre qualité des logements, le surpeuplement des logements, les questions sanitaires, la pauvreté, le non-emploi et l'éducation.

Pouvez-vous me préciser comment les différents ordres de gouvernement devraient collaborer pour régler ces problèmes et ultimement pour se préparer à une pandémie. Ces questions sont toujours en suspens. Continuerons-nous d'avoir une surreprésentation chez ceux qui souffrent de la pandémie, de la grippe lorsqu'elle se produira?

Dre Kitty : Les déterminants sociaux de la santé sont une priorité pour nos travailleurs des soins de santé autochtones parce que nous constatons que toutes les collectivités sont affectées par une piètre infrastructure. La qualité des constructions n'est pas bonne. Les difficultés associées à la météo et à l'environnement y contribuent de même que les aspects sociaux, par exemple quand 15 personnes vivent dans une maison. Comment pouvez-vous empêcher les gens de se transmettre la grippe les uns aux autres sans avoir accès à de l'eau propre, sans bonnes habitudes d'hygiène, et cetera?

C'est là une priorité en matière de santé autochtone, et non seulement dans le cadre de la planification d'une pandémie de H1N1.

Mme Simon : C'est une question critique qui déborde sur d'autres déterminants qui ont trait aux maladies respiratoires. Par exemple, les bébés et les jeunes enfants ont une incidence élevée de maladies respiratoires dans nos collectivités inuites, et cela a des répercussions sur toutes les maladies qui touchent nos collectivités.

Il n'est pas question ici d'autres maladies transmissibles. Dans l'Arctique canadien, nos collectivités sont aux prises avec des cas de tuberculose, une maladie hautement contagieuse. Nous n'avons pas l'infrastructure ni les capacités nécessaires pour aborder ce problème. Peut-être que si nous parlions de « l'initiative H1TB » par analogie avec la grippe H1N1 nous pourrions recevoir le niveau d'aide approprié pour faire face au problème de la tuberculose. Vous l'avez dit, ces maladies sont liées aux conditions de vie. Nous avons été chanceux cette fois-ci, mais nous ne serons peut-être pas aussi chanceux la prochaine fois.

M. Toulouse : Permettez-moi d'insister à nouveau sur les déterminants sociaux, plus particulièrement les conditions de logement, le manque d'infrastructure, la qualité de l'eau et ainsi de suite qui touchent les collectivités des Premières nations. Ces collectivités veulent avoir de meilleures infrastructures, mais il faut d'abord nous assurer de la coopération et de la volonté de l'AINC dans nos collectivités pour aborder les questions fondamentales d'une meilleure infrastructure. Les effets de ces souches de virus continuent d'avoir des répercussions beaucoup trop importantes qu'ailleurs sur notre collectivité et ce n'est pas ce à quoi nous nous attendons aujourd'hui, particulièrement quand nous savons que les services sont disponibles pour tous les autres.

En bout de ligne, tout revient à l'insalubrité des logements. Cette notion sous-tend plusieurs des questions que nous continuerons d'examiner.

Le sénateur Martin : Je tiens à vous remercier tous de vos exposés pertinents. À la lumière de ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant, et aussi de ce que nous entendrons de la part des deux autres groupes qui doivent venir aujourd'hui, il me semble que nous avons les pièces maîtresses en main. Comme vous dites, chef Toulouse, il faut optimiser ces ressources et poursuivre la collaboration.

Madame Simon, vous avez dit que la ministre est engagée et qu'elle a une bonne compréhension de la culture et qu'elle poursuivra son engagement afin que nous soyons mieux préparés pour la prochaine pandémie.

Chef Toulouse, vous avez dit qu'il fallait considérer les pratiques culturelles, aborder les incompréhensions culturelles et établir une communication dans les deux sens. Outre le fait que nous essayons de comprendre les sensibilités et les pratiques culturelles qui existent déjà, que pouvons-nous faire de plus et que pouvons-nous faire de mieux pour que l'on puisse considérer les pratiques culturelles et les valeurs culturelles la prochaine fois? Vous n'avez pas été très précis, mais vous avez parlé de groupes prioritaires pour la vaccination et la prestation de services. Est-ce que ces renseignements sont bien partagés entre les provinces et le gouvernement fédéral? Est-ce que ces renseignements ont été diffusés? Il s'agit là d'une lacune très importante pour tous les groupes au Canada et cette sensibilité culturelle est une des clés qui permet de refermer les écarts qui peuvent exister et qui sont au centre de plusieurs problèmes dont nous discutons.

Pourriez-vous nous parler de l'incompréhension culturelle et des efforts continus d'éducation qui doivent être faits et dont il faut tenir compte pour le prochain plan?

M. Toulouse : Il faut d'abord des relations de travail avec la collectivité, le chef ou les responsables de la santé sinon il y aura des mésententes immédiates si on ne peut partager de l'information ou si on ne peut s'engager. La première réaction de plusieurs collectivités qui ont reçu des housses mortuaires a été « Nom de Dieu! Le gouvernement veut nous placer dans des housses mortuaires et se débarrasser de nous ».

Parlons des vrais problèmes, de notre culture et de ce que nous croyons être nos valeurs et nos principes. Comme tout le monde, nous croyons qu'il nous faut un environnement sain. Nous devons avoir une infrastructure qui fonctionne. Il n'est pas acceptable au plan culturel que trois générations d'une même famille vivent dans une même maison. Ce n'est pas dans notre culture. Faute de ressources et de reconnaissance des besoins de nos collectivités, nous nous retrouvons dans une telle situation. Cela crée une incompréhension totale selon laquelle le gouvernement n'est intéressé qu'à minimiser sa responsabilité et à ne pas s'occuper des gens ni de nos problèmes au plan des déterminants sociaux de la santé. Nous avons participé à des sondages régionaux sur la santé qui demandaient ce qui permettrait d'en arriver à une meilleure santé individuelle, communautaire et familiale.

Souvent, c'est un manque de reconnaissance de la gouvernance et de la collectivité qui ne tient pas compte du fait que les Premières nations ont besoin de cette reconnaissance pour leur gouvernance, leurs structures et la façon dont elles doivent fonctionner. Trop souvent, même s'elles savent ce qu'elles veulent et ce dont elles ont besoin, la capacité n'existe pas pour assurer la sécurité et de la santé de nos citoyens dans la collectivité. Voilà qui constitue une bonne part du problème auquel nous faisons face.

Le sénateur Martin : Peut-on l'aborder? Par exemple, dans le cadre d'un forum où vous vous réunissez pour parler de problèmes, pour amorcer un dialogue constant et développer une collaboration en prévision de la prochaine pandémie. Vous vous êtes tous dits satisfaits du processus auquel vous participerez en préparation de la prochaine pandémie.

M. Toulouse : Il faut aller beaucoup plus loin.

Mme Simon : Sauf pour les Inuits, qui ne font pas partie du plan en cas de pandémie. Pour les Premières nations, il y a une annexe, mais pour les Inuits, il n'y en a pas. Par conséquent, nous demandons à faire partie du plan national en cas de pandémie.

Dre Kitty : Pour en revenir à votre question concernant la sensibilité culturelle et la compétence en matière de culture, on déploie actuellement des efforts pour les programmes de soins de santé comme le nursing et la médecine en vue de former les étudiants. Dès qu'ils commenceront à pratiquer, ils se familiariseront avec les différentes cultures et acquerront une compétence en matière de connaissances, d'habiletés et d'attitudes face à une culture différente et apprendront à travailler avec la population. Pour aller un peu plus loin, disons que la sécurité culturelle est maintenant une expression à la mode. Il s'agit essentiellement d'aller au-delà de la reconnaissance des différences de pouvoir qu'ont les travailleurs de la santé non autochtones et les travailleurs autochtones. Si vous mettez les deux personnes en présence l'une de l'autre, elles bénéficieront de la collaboration qui s'établira entre elles et pourront aller de l'avant avec le programme de soins de santé.

Le sénateur Martin : Je suis tout à fait d'accord avec cela. Merci.

Le sénateur Cordy : Ma première question porte sur le nombre de personnes qui ont été inoculées sur les réserves. Le Dre Kitty a fait référence à un manque d'information, particulièrement au sujet de ceux qui vivent dans les zones urbaines. Avons-nous des données sur le pourcentage des Autochtones, des membres des Premières nations et des Inuits habitant en milieu urbain qui ont contracté la grippe H1N1 et sur la proportion des personnes vivant en milieu urbain qui ont été vaccinées? Nous avons accès à toutes sortes de renseignements au sujet des réserves, mais il existe d'importants groupes de personnes qui vivent en milieu urbain. Avons-nous des renseignements à ce sujet?

Deuxièmement, le chef Evans disait que les postes de soins infirmiers étaient occupés à pleine capacité durant l'épisode de H1N1. Mme Simon l'a mentionné et d'autres aussi ont dit que la prochaine pandémie pourrait être pire. Si ces postes fonctionnaient à pleine capacité pendant la grippe H1N1, que se passerait-il si la prochaine pandémie était pire?

Madame Kinoshameg, vous avez parlé des efforts qui ont été déployés pour inciter les infirmiers et les infirmières à la retraite à donner un coup de pouce et à donner leur nom soit dans des centres d'amitié en milieu urbain, soit dans les bureaux des Inuits ou des Premières nations, mais ces personnes étaient renvoyées à gauche et à droite. Rien n'est pire qu'un bénévole qui veut aider et qu'on laisse attendre à rien faire.

Mme Kinoshameg : Je n'ai pas les données statistiques pour les secteurs urbains, et je ne sais même pas si on en tient compte, à moins que ce soit sur une base volontaire. Mais il n'existe rien qui permettrait de recueillir ces données. Probablement que 50 p. 100 de nos gens vivent en milieu urbain. Dans ma propre collectivité, la population totale est de 6 000 habitants dont 3 000 vivent sur la réserve. Ce qui fait qu'il y en a 3 000 autres qui vivent ailleurs. Nous ne pensons pas que ces chiffres faisaient partie de la planification en prévision d'une pandémie.

Grâce au fait que les infirmiers et les infirmières se sont portés volontaires, j'ai été chanceuse. Je n'ai pas eu à me rendre dans un centre de santé inuit des Premières nations ni dans un centre d'amitié pour donner mon nom. Je connaissais une collectivité des Premières nations et ces gens ont communiqué avec moi pour que je puisse les aider à planifier en vue de la H1N1 et à procéder aux immunisations.

Dre Kitty : Grâce aux données du Recensement de 2006, nous savons que plus de 60 p. 100 des Autochtones vivent maintenant en milieu urbain. Quand on recueille des données portant spécifiquement sur la grippe H1N1, il n'y a pas de case à cocher sur les formulaires à remplir. Les données proviennent essentiellement des infirmières et des infirmiers travaillant dans les services d'urgence et ne font pas vraiment état de l'ethnie du patient. Dans les centres urbains, ces renseignements sont perdus et nous ne savons plus rien.

Certains de mes collègues ont mentionné de façon officieuse que les Autochtones vivant en milieu urbain affichaient un taux de vaccination beaucoup plus faible, pour une quelconque raison. Je ne suis pas sûre qu'il y ait vraiment une raison, parce que le taux de vaccination n'a pas été aussi élevé que dans les collectivités autochtones. Nous pourrions avoir une meilleure idée de la population en faisant des efforts pour procéder à une collecte de données plus globale.

Le sénateur Eaton : Madame Simon, vous avez dit que les territoires et les provinces s'opposaient à ce que les Inuits aient leurs propres établissements de santé. Quelles étaient leurs objections? Pourquoi a-t-on refusé cette demande?

Mme Simon : Parce que les Inuits vivent dans la province, comme c'est le cas au Québec et à Terre-Neuve-et-Labrador, et que nous traitons directement avec les provinces pour ce type de situation.

Le sénateur Eaton : N'a-t-on pas pensé que vous étiez isolé ou que vous étiez suffisamment particuliers pour vous donner votre propre plan en cas de pandémie?

Mme Simon : Nous ne savons pas quelle est la raison véritable, sauf que les autorités ne voyaient pas la nécessité d'une telle mesure. Du fait que les Premières nations vivent dans des réserves, cela établit un lien direct avec la responsabilité fédérale, et dans le cas des Inuits qui vivent dans les provinces, la responsabilité est provinciale. Cela est une raison partielle, mais nous soutenons que ce n'est pas un plan réaliste. S'il y avait une autre pandémie au Nunavik, dans le Nord du Québec, par exemple, ce qui est très probable, et que nos travailleurs de la santé qui sont surtout des résidents qui viennent du Sud voulaient être avec leurs familles, notre capacité diminuerait presque totalement. Si la province estime qu'elle n'est pas capable de nous offrir le service en région, il n'existe pas de plan fédéral pour le faire. C'est une des raisons pour lesquelles il faut un plan d'ensemble qui touche tous les peuples autochtones.

Le sénateur Eaton : Il faut un plan spécifique pour les collectivités isolées, particulièrement celles du Nord.

Mme Simon : Oui. Il n'y a pas de route qui mène à l'une ou l'autre de nos collectivités.

Le sénateur Eaton : Vous êtes très loin. Je sais, je suis sympathique à votre cause. Quand nous rédigerons le rapport, il y aura certainement une recommandation à cet effet. Si vous avez d'autres raisons plus valables ou si vous donnez une liste de ces raisons à la greffière, nous pourrions peut-être en tenir compte dans notre rapport.

Monsieur Toulouse, après vous être adonné à l'exercice d'accès à l'éducation supérieure et maintenant avec l'exercice en cours, est-ce qu'il faut réaménager la Loi sur les Indiens ou s'en défaire? Tout est question de logement, de santé, d'accès à l'éducation, de peuples autochtones ou de Premières nations vivant dans les villes. Il semble y avoir tellement de problèmes et le refrain est toujours le même. Est-ce que nous sommes face à un obstacle immuable? En d'autres mots, faut-il revoir la Loi sur les Indiens?

M. Toulouse : De nombreuses approches et discussions ont eu lieu par le passé. L'Assemblée des Premières Nations a pris récemment l'approche d'obtenir une reconnaissance et la mise en œuvre de gouvernements des Premières nations. La Loi sur les Indiens existe depuis 1876 et elle n'a pas fait l'objet de plusieurs révisions, comme tout le monde le sait. Le simple fait de la revoir comme c'est le cas avec le projet de loi qui fait suite à l'arrêt McIvor en lien avec les biens immobiliers matrimoniaux (BIM) ne permet pas d'aborder la nécessité de gouvernements des Premières nations et de leur reconnaître la compétence pour exercer leurs pouvoirs et continuer de les exercer dans plusieurs domaines, notamment les biens immobiliers matrimoniaux. Toutefois, ce n'est pas la priorité de plusieurs collectivités des Premières nations. La priorité est de nous assurer que les services de base et l'infrastructure existent — l'eau, les égouts, les routes et les logements.

Oui, vous avez tout à fait raison, il faut modifier la Loi sur les Indiens. Des mesures ont été prises par plusieurs organisations qui veulent s'y attaquer selon l'approche de l'autonomie gouvernementale. Nous avons constaté plusieurs fois en Ontario, dans le cadre de négociations en vue de l'autonomie gouvernementale, que la politique fédérale actuelle sur le droit inhérent ne permet pas d'en arriver à ce que nous considérons la reconnaissance de la gouvernance des Premières nations.

Cela limite les capacités administratives, si vous voulez. Nous devons reconnaître que la plupart du temps la Loi sur les Indiens ne fait que donner des ressources pour administrer des programmes et des services alors que le travail à faire se situe bien davantage dans le domaine des lois et des politiques au sein de l'administration et au sein de la collectivité en place. Il faut aussi que tous comprennent les avantages qu'il y a à en retirer et nous devons faire en sorte que tous aient la même opportunité et les mêmes services.

Oui, il faut discuter de certaines des priorités et approches qui sont nécessaires et nous devons trouver la façon d'aller de l'avant. Il y a eu diverses approches proposées. La responsabilité axée sur les résultats a été abordée et proposait de faire intervenir le Vérificateur général, le Conseil du Trésor, AINC et les leaders des Premières nations pour discuter de la meilleure façon d'aller de l'avant et d'établir un programme commun qui nous permettrait d'en arriver à un degré de certitude sur certaines choses comme l'apport à la planification en cas de pandémie.

Le président : Je vous remercie de cette réponse et je vous remercie tous de vos réponses et de votre participation. Nous en sommes arrivés à la fin de notre réunion. Merci d'avoir été avec nous et de nous avoir éclairés.

Chers collègues, cela met un terme à notre rencontre, mais nous reprendrons nos travaux demain matin à 8 heures. Je vous verrai à ce moment.

Merci beaucoup.

(La séance est levée.)


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