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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 14 - Témoignages du 22 octobre 2010


OTTAWA, le vendredi 22 octobre 2010

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 8 heures pour étudier la préparation du Canada en cas de pandémie.

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Nous allons poursuivre notre étude sur l'état de préparation et l'intervention du Canada en cas de pandémie. Nous allons nous concentrer aujourd'hui sur la situation au niveau local et communautaire. Ce matin, nous accueillons trois groupes de témoins, ce qui nous amènera jusqu'à 11 heures, puisque nous leur consacrerons une heure chacun.

Le premier groupe se compose du Dr Jeffrey Turnbull, président de l'Association médicale canadienne. En plus d'être un spécialiste de la médecine interne, le Dr Turnbull a récemment été nommé chef du personnel à l'Hôpital d'Ottawa et à l'Université d'Ottawa.

La Dre Maura Ricketts est directrice du Bureau de la santé publique, également à l'Association médicale canadienne. Elle compte 18 ans d'expérience dans la conception, la mise en œuvre et la gestion de systèmes de surveillance de la santé publique, ainsi que dans l'élaboration de politiques en matière de santé publique pour les maladies infectieuses.

Nous entendrons également Claire Betker, membre du conseil d'administration de l'Association des infirmières et infirmiers du Canada. Mme Betker travaille dans le domaine de la santé publique depuis plus de 30 ans et a fait partie de l'équipe chargée de l'Amélioration des compétences en santé publique de l'Agence de la santé publique du Canada, où elle a mené une consultation pancanadienne pour le développement des compétences essentielles en santé publique.

Joyce Douglas est infirmière-conseil auprès de l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, et elle a fait la promotion de normes élevées dans la pratique, l'enseignement, la recherche et l'administration de soins infirmiers, afin que la population bénéficie de soins infirmiers de qualité supérieure.

De l'autre côté de la table, représentant l'Association canadienne des soins de santé, se trouve le Dr Isra Levy, qui a joué un rôle central dans la création d'un bureau de santé publique au sein de l'Association médicale canadienne. Il a été le premier directeur de ce bureau ainsi que le médecin chef de l'AMC. Il a été nommé médecin conseil en santé publique pour la ville d'Ottawa en 2008; il est également professeur auxiliaire en épidémiologie et médecine communautaire à l'Université d'Ottawa.

Debra Lynkowski est chef de la direction de l'Association canadienne des soins de santé, une association indépendante à but non lucratif composée de bénévoles et porte-parole nationale en matière de santé publique.

Pamela Fralick est présidente et chef de la direction de l'Association canadienne de santé publique. Elle occupe ses fonctions depuis février 2008. Cette association est un chef de file dans le développement et la promotion de solutions en matière de santé publique adaptées aux besoins des Canadiens. L'ACSP est une fédération regroupant des hôpitaux et des organismes provinciaux et territoriaux du secteur de la santé de partout au Canada.

Chaque organisation disposera de cinq minutes pour présenter un exposé. Je suis désolé; j'aurais aimé vous accorder plus, mais nous sommes un peu pressés par le temps.

[Français]

Dr Jeffrey Turnbull, président, Association médicale canadienne : Monsieur le président, nous sommes très heureux de prendre la parole au nom de l'Association médicale canadienne devant ce comité sénatorial, dans le cadre de votre étude sur les préparatifs d'urgence en cas de pandémie et sur l'expérience de la grippe H1N1 A au Canada.

[Traduction]

Plus tôt cette année, l'AMC a travaillé en collaboration avec le Collège des médecins de famille du Canada et la Société nationale des spécialistes pour la médecine communautaire afin de dresser un tableau des leçons tirées par ceux qui ont travaillé en première ligne dans la lutte contre la pandémie. Ensemble, nous représentons plus de 80 000 médecins investis dans tous les aspects des systèmes de soins et de santé publique au Canada. Ce rapport présente des recommandations qui, si on y donne suite, aideront à garantir l'existence d'assises solides pour protéger les Canadiens contre de futures menaces sanitaires.

Je suis venu vous présenter le point de vue de mon association en tant que président de l'AMC, médecin actif et chef du personnel d'un des plus grands hôpitaux du pays. Les médecins ont un rôle particulier et crucial à jouer dans les urgences en santé publique. Beaucoup de gens se tournent vers leur médecin pour obtenir de l'information et des conseils. Les médecins constituent la première ligne de défense.

Comme ce fut le cas lors de la pandémie de grippe A (H1N1), la confusion créée par l'importante variation des programmes de vaccination de masse dans les diverses régions du Canada a donné encore plus d'importance à ce rôle. Beaucoup de médecins ont jugé que l'Agence de la santé publique du Canada, le Réseau de santé publique et, dans certains cas, les administrations provinciales, territoriales, régionales ou locales, n'avaient pas bien saisi leur besoin urgent d'informations cliniques pertinentes. Le manque de leadership national sur l'orientation clinique à prendre a entraîné des retards et la prolifération de lignes directrices divergentes au Canada.

Le document d'orientation clinique normalisé adaptable aux circonstances locales constitue la norme dans la pratique de la médecine. Des guides pratiques cliniques diffusés à l'échelle nationale au sujet du séquençage des vaccins, de l'usage des antiviraux et des traitements à l'hôpital auraient permis d'uniformiser les interventions cliniques d'un bout à l'autre du Canada.

Nous recommandons que le Réseau de santé publique recherche un engagement pancanadien amélioré en faveur d'une réponse nationale harmonisée et unique au guide de pratique clinique, incluant les programmes de vaccination massive en période d'éventuelles crises de santé publique.

L'AMC recommande aussi que l'Agence de la santé publique du Canada collabore étroitement avec les sociétés de médecins spécialistes, comme elle l'a fait avec succès avec la Société des obstétriciens et gynécologues, à l'élaboration de documents d'orientation clinique sur le soin et le traitement des femmes enceintes.

Beaucoup de médecins et de travailleurs de la santé publique se sont plaints du fait que plusieurs ordres de gouvernement avaient fourni des conseils semblables, mais pas identiques. Les divergences ont semé le scepticisme chez les médecins et dans la population, et la vague de messages a noyé l'information.

Dans des situations où les données scientifiques évoluent rapidement, comme ce fut le cas durant la pandémie de grippe A (H1N1), nous avons besoin d'une stratégie nationale de communication ciblant les médecins qui s'appuie sur les mécanismes de communication en place. Lorsqu'il y a une urgence sanitaire, il est très important de se fonder sur les systèmes existants qui fonctionnent bien et peuvent minimiser le risque d'envoi de messages contradictoires.

Il importe aussi d'établir des voies de communication bidirectionnelles entre le secteur de la santé publique et celui des soins primaires. Intégrer le savoir-faire en soins primaires dans la planification de la santé publique à tous les paliers vous aiderait à éviter des problèmes et rendrait notre intervention plus efficace.

Nous croyons que le processus de vaccination contre la grippe A (H1N1) n'a pas permis de faire participer adéquatement les médecins aux étapes de planification et de mise en œuvre. De nombreuses difficultés, comme l'effet de l'emballage en vrac, le séquençage des patients et la logistique liée à la gestion des stocks ont causé des frictions entre les professionnels de la santé publique se trouvant en première ligne et les médecins de famille. Il aurait été possible d'éviter ces frictions en renforçant la consultation, l'interdépendance et la compréhension mutuelle avant l'apparition de la crise.

Plusieurs témoins ont relevé l'importance de la surveillance. Il est certain que l'utilisation accrue du dossier médical électronique, ou DME, en soins primaires aurait pu faciliter la surveillance et les communications. Les cliniques de médecine familiale équipées de ce dispositif ont pu identifier rapidement les patients présentant des risques élevés, communiquer avec eux afin de leur fixer des rendez-vous pour les vacciner et recueillir les données requises aux fins de la santé publique.

La possibilité que les médecins eux-mêmes tombent malades est un autre aspect de la préparation aux pandémies qu'il ne faut pas négliger. Les médecins n'ont jamais hésité à fournir des soins aux patients en période de crise, mais il faut établir un équilibre entre cette obligation et l'obligation réciproque qu'a la société envers ses médecins.

À la suite de l'éclosion de SRAS, l'AMC a produit un document stratégique intitulé Les soins en période de crise, qui traite du besoin de tenir compte de ce qui se passe lorsque les prestataires de soins de santé s'ajoutent aux statistiques des personnes infectées, et de planifier en conséquence. Nous exhortons le comité à tenir compte de cette variable dans ses délibérations.

Ma dernière observation porte sur le manque de capacité de pointe dans le système de santé au Canada. Pour faire face à l'épidémie de grippe A (H1N1), les services de santé publique ont redéployé des ressources humaines affectées à d'autres programmes, et beaucoup de services essentiels ont été retardés, interrompus ou tout simplement annulés. Les ressources de nos infrastructures de soins intensifs ont été exploitées au maximum dans beaucoup d'hôpitaux. Les prestataires de soins de santé de première ligne ont été inondés d'appels téléphoniques et de visites de personnes non malades, mais inquiètes, et ils ont vu augmenter aussi le nombre de consultations de patients qui présentaient des symptômes de la grippe.

Je peux vous dire, entre parenthèses, que notre hôpital avait atteint ses limites. Nous avons utilisé tous nos respirateurs et toutes nos machines d'oxygénation extracorporelle. Nous n'étions plus capables de recevoir davantage de patients que nous n'en avions. Heureusement, il n'y a pas eu de débordement, mais nous étions à pleine capacité.

Si la pandémie de grippe A (H1N1) avait atteint le degré de gravité attendu pour lequel le Canada s'était préparé, notre système de santé n'aurait pas résisté à la pression.

[Français]

Il y a plus de dix ans que l'AMC parle du manque de cette capacité de pointe dans notre système de santé.

[Traduction]

Le Canada demeure vulnérable face aux risques que présentent les épidémies et les pandémies. Si nous voulons être prêts pour la prochaine crise, il nous faudra accorder la priorité à un plan à long terme visant à renforcer notre capacité en santé publique et notre effectif, et nous attaquer au manque de capacité de pointe dans notre système de santé.

C'est pourquoi nous nous réjouissons grandement que votre comité ait entrepris une étude sur la réponse du Canada à la pandémie de grippe A (H1N1), et nous attendons votre rapport avec impatience.

Le président : Je vous remercie beaucoup, docteur Turnbull.

La parole est maintenant à Claire Betker, de l'Association des infirmières et infirmiers du Canada.

Claire Betker, membre, Conseil de direction, Association des infirmières et infirmiers du Canada : Bonjour. Je suis infirmière autorisée, membre du Conseil de direction de l'Association des infirmières et infirmiers du Canada et ancienne présidente de l'Association canadienne des infirmières et infirmiers en santé communautaire.

Au nom des 250 000 infirmières et infirmiers autorisés du Canada, je tiens à remercier les membres du comité de me donner l'occasion de m'exprimer sur cette importante question.

La pandémie de grippe A (H1N1) et la campagne sans précédent de vaccination massive à laquelle elle a donné lieu ont été au cœur des problèmes de santé en 2009. Les infirmières autorisées sont intervenues dans chacun des aspects de la préparation et de l'intervention en cas de pandémie, et elles ont acquis de précieuses connaissances sur la capacité du système de santé à contrer la pandémie.

Nous sommes ici pour vous faire part des leçons que nous avons tirées et pour guider l'intervention collective du Canada en cas de nouvelles épidémies. Le mémoire que nous avons déposé fait état de certains éléments préoccupants et contient une longue liste de recommandations, mais, aujourd'hui, je ne m'attarderai que sur quelques-unes d'entre elles.

Parce qu'elles font partie du plus grand groupe de professionnels de la santé au Canada, les infirmières autorisées ont ressenti la pression que la pandémie de grippe A (H1N1) a exercée sur les ressources humaines de notre système de santé. Pendant que le pays faisait face à une pénurie d'environ 11 000 infirmières autorisées équivalents temps plein, est apparue une menace importante pour la santé publique qui a fait que, soudainement, les infirmières et d'autres professionnels de la santé se sont retrouvés encore plus en demande. Nous en sommes arrivés au point où le personnel de la santé travaillait au-delà de sa capacité dans bien des cas, ce qui a mis à l'épreuve notre aptitude à répondre aux besoins en matière de santé publique et de soins médicaux au Canada.

Les infirmières de partout au pays se sont pourtant montrées à la hauteur du défi. Beaucoup ont travaillé de longues heures, dans des conditions qui étaient loin d'être idéales, occupant un rôle pas toujours clairement défini en matière de santé publique. Celles qui n'ont pas lutté directement contre la pandémie ont participé aux efforts de différentes façons, s'occupant de plus de patients et faisant des tâches et des quarts de travail supplémentaires pour aider leurs collègues.

Cette situation a eu pour effet d'exacerber la pénurie de personnel existante; elle a entraîné aussi un alourdissement des charges de travail et une augmentation de la fatigue des infirmières — des facteurs qui, nous le savons, peuvent compromettre la sécurité des patients.

À mesure que nous nous mobilisions pour lutter contre la pandémie, la nécessité d'accroître la capacité de pointe dans notre système de santé devenait évidente. Une des façons d'augmenter la capacité, c'est de disposer de suffisamment d'infirmières autorisées, adéquatement appuyées et préparées pour planifier, intervenir et faciliter le retour à la normale en cas de crises sanitaires publiques dans l'avenir.

Pour ce faire, l'AIIC recommande que le gouvernement investisse davantage dans la formation d'infirmières en santé publique, de façon à ce que nous puissions compter sur le personnel expérimenté dont nous aurons besoin pour faire face à la prochaine pandémie.

Cet investissement procurerait un double avantage. Lorsque les infirmières en santé publique ne s'occuperaient pas d'une menace imminente, elles prendraient part à des activités de promotion de la santé et de prévention des maladies et des blessures dans la population, ce qui aurait pour effet de diminuer les coûts des soins actifs. De plus, les infirmières sont activement engagées dans le développement et le renforcement des relations et des partenariats essentiels à la planification, à l'intervention et au rétablissement en cas de situation d'urgence.

En temps de crise, il est primordial de pouvoir compter sur des informations avisées. L'AIIC s'est réjouie des occasions de communication avec des représentants de l'Agence de santé publique du Canada et elle reconnaît les efforts de l'agence pour être inclusive et faire preuve de collaboration. Notre expérience en première ligne d'intervention montre combien il est nécessaire que les infirmières autorisées participent à la planification et l'application des décisions ayant une incidence directe et profonde sur les populations et les communautés qu'elles servent.

Étant donné que les infirmières spécialisées et les gestionnaires de soins infirmiers savent à quels problèmes s'attendre et comment rationaliser les processus, il est absolument essentiel qu'ils soient partie prenante de la planification à tous les niveaux. Ils occupent la meilleure position qui soit pour comprendre le type d'information dont leurs collègues ont besoin et ils savent comment présenter cette information le plus adéquatement possible.

Les communications sont un domaine de planification essentiel. Faire participer les infirmières permettra de réduire les doubles emplois qu'on a vus pendant la pandémie, puisque des ressources et du temps précieux ont été nécessaires pour interpréter et reformuler l'information. Il est essentiel que nous tirions parti des partenariats, des relations de collaboration et des efforts de consultation entrepris pendant la pandémie afin que les gouvernements, les autorités sanitaires, les professionnels des soins de santé et les associations travaillent main dans la main pour planifier et mettre en œuvre de meilleures stratégies d'intervention.

Pour garantir cette collaboration, l'AIIC recommande que l'Agence de la santé publique du Canada établisse des politiques et des lignes directrices faisant intervenir les infirmières et d'autres professionnels de la santé à tous les niveaux de la planification, de l'intervention et de l'évaluation en cas de pandémie.

Nous recommandons par ailleurs que l'Agence de la santé publique du Canada entreprenne une évaluation des communications pendant la période de lutte contre la pandémie de grippe A (H1N1), et qu'elle travaille en étroite collaboration avec d'autres intervenants pour mettre au point un plan de communication mieux coordonné, assorti de lignes directrices et d'outils logiques et efficaces.

Malgré les difficultés qu'elles ont rencontrées, les infirmières ont eu beaucoup d'expériences positives. En assumant des rôles élargis, les infirmières autorisées ont permis de libérer des infirmières praticiennes et des médecins pour qu'ils s'occupent des malades les plus atteints. En Alberta, par exemple, certaines infirmières autorisées ont reçu de la formation supplémentaire pour prescrire et administrer des antiviraux. Dans certaines provinces, des infirmières autorisées à la retraite ou ayant cessé de pratiquer ont pu travailler dans des cliniques de vaccination grâce à des permis temporaires. Cela, entre autres innovations, a permis de donner à la population un accès accru à la fois aux vaccins et aux prestataires de soins de santé.

L'AIIC recommande que le gouvernement et les agences de santé publique établissent des partenariats avec les associations professionnelles compétentes pour évaluer les expériences où les infirmières autorisées ont temporairement assumé un rôle élargi.

Les infirmières autorisées du Canada se réjouissent de voir les parties intéressées se réunir pour se dire ce qu'elles ont appris de la pandémie de grippe A (H1N1). Nous avons maintenant l'occasion de mieux répondre à l'augmentation de la demande sur les prestataires de soins de santé. Alors que nous nous préparons à affronter la prochaine crise de santé publique — car nous savons qu'il y en aura une —, les Canadiens peuvent avoir l'assurance que les infirmières se retroussent les manches et veillent au grain.

Le président : Nous allons maintenant entendre le Dr Isra Levy, représentant l'Association canadienne de la santé publique.

Dr Isra Levy, membre, Association canadienne de la santé publique : Je suis médecin-conseil en santé publique pour la Ville d'Ottawa, mais je suis ici à titre de représentant de l'Association canadienne de la santé publique, une association qui regroupe plusieurs milliers de membres, docteurs, médecins, infirmières, épidémiologistes et professionnels dans d'autres disciplines. Cette association constitue un groupe pan canadien de personnes ayant des vues similaires. Nous travaillons auprès de tous les ordres de gouvernement et d'organisations non gouvernementales, animés d'une vision commune d'universalité et d'accès équitable aux conditions de base nécessaires pour garantir des soins de santé à tous les Canadiens.

Tout comme mes collègues d'autres organisations l'ont fait, je tiens à vous remercier de me donner l'occasion d'expliquer comment nous nous sommes acquittés de notre mission, en tant que communauté et société pendant la pandémie de grippe A (H1N1). Je vais vous donner le point de vue et les recommandations d'organismes locaux responsables de la santé publique, car c'est à leur niveau que les connaissances et les politiques décidées dans les sphères supérieures du gouvernement sont appliquées, grâce aux services directs qu'ils dispensent à la population canadienne.

Bien des années avant l'apparition de la pandémie de grippe A (H1N1), les agences de santé, à tous les niveaux de gouvernement, ainsi que les organisations communautaires ont travaillé en collaboration pour se préparer à cette éventualité. Comme d'autres l'ont dit avant moi, on a beaucoup appris des crises précédentes en santé publique, dont la crise du SRAS en 2003, et notre capacité à anticiper et à contrer une pandémie s'est clairement améliorée depuis cet événement.

L'intervention menée contre la pandémie de grippe en 2009 a révélé que le leadership, l'organisation, la coordination et la coopération s'étaient tous améliorés depuis 2003. Au niveau national, nous avons observé des améliorations systémiques, sous le leadership de l'Agence de santé publique du Canada, notamment avec l'élaboration de lignes directrices, dans une certaine mesure, pour la tenue de campagnes de marketing social nationales concernant les directives en matière de pratique clinique.

Le Réseau pancanadien de santé publique a également créé un mécanisme qui permettra aux différents ordres de gouvernement et aux experts de travailler ensemble et de coordonner des interventions uniformisées. Ces interventions étaient meilleures que celles effectuées lors de crises antérieures.

En Ontario, un réseau dirigé par le ministère de la Santé et des Soins de longue durée et réunissant tous les médecins- hygiénistes locaux a aidé à coordonner la riposte, et ce, dès que le virus a été identifié. Cette aide s'est poursuivie longtemps après la fin du programme de vaccination.

Au niveau municipal, à Ottawa, les partenariats interagences et les efforts de collaboration dans les domaines de la surveillance, de la gestion des cas, de la communication des risques et de l'administration du vaccin ont joué un rôle essentiel. À l'échelle locale, le système de surveillance et de connaissance de la situation a très bien fonctionné, grâce aux liens de communication et de coopération solides établis entre les services municipaux, les écoles et les organismes communautaires, et surtout le secteur des soins cliniques et les médias locaux. Ensemble, nous avons jugé bon, dans l'intérêt commun, de mettre l'accent sur l'éducation du public et la diffusion de messages, les relations communautaires étroites et le besoin de résilience au cours d'une période où il ne fallait céder, en tant que société, ni à la panique ni à la complaisance.

Nous avons obtenu des résultats positifs, mais nous avons également beaucoup appris. À titre de coordonnateur principal de l'intervention au niveau local, à Ottawa, j'aimerais vous soumettre les recommandations suivantes.

Premièrement, il faut améliorer la capacité d'appoint en première ligne des systèmes de soins de santé et de santé publique. Nous avons, tout comme nos partenaires, relevé de sérieuses lacunes de ce côté-là, surtout dans les cliniques de vaccination. La demande sans précédent pour le vaccin contre la grippe H1N1 a rapidement dépassé l'offre au niveau local. Nous avons dû faire appel aux services d'autres intervenants du secteur municipal, notamment des hôpitaux d'Ottawa qui, comme on l'a déjà mentionné, éprouvaient eux-mêmes des difficultés en matière de capacité d'appoint.

Deuxièmement, il faut, au moyen d'approches novatrices, explorer la façon dont les investissements fédéraux dans le domaine de la santé publique peuvent contribuer, de manière directe, à améliorer la performance des centres de service locaux.

Troisièmement, il faut, au moment de la révision et de la mise à jour des plans national et provinciaux, accorder plus d'attention aux répercussions logistiques qu'entraînent les décisions prises par les échelons supérieurs de gouvernement sur les interventions de première ligne. Par exemple, de meilleurs critères doivent être établis pour définir les groupes prioritaires à vacciner et expliquer à la population comment la séquence de vaccination est gérée. Autre point : la mise sur pied et la fermeture des centres d'évaluation de la grippe, qui visent à désengorger les salles d'urgence des hôpitaux. De nombreuses incohérences ont été relevées à l'échelle provinciale dans la façon dont ces centres ont été créés et dans les critères épidémiologiques utilisés.

Quatrièmement, il faut adopter un plan d'intervention en cas de pandémie qui est à la fois adaptable et souple, les données changeant rapidement. Les deux témoins qui m'ont précédé ont mis l'accent là-dessus. Cette pandémie a été la première à être gérée en continu, 24 heures sur 24, l'information scientifique en constante évolution étant scrutée en temps réel. Résultat : nous étions, au niveau local, constamment confrontés à des défis nouveaux, car les décisions prises par d'autres ordres de gouvernement ne nous étaient pas transmises aussi rapidement qu'elles l'étaient au grand public. Cette situation nous empêchait de réduire le niveau de stress des travailleurs de première ligne et semait le doute chez la population puisque les renseignements qui leur étaient communiqués semblaient changer tout le temps.

Pour terminer, je tiens à vous remercier encore une fois de l'intérêt que vous portez à cette question. La riposte à la grippe pandémique en 2009 a mis à rude épreuve le système de santé canadien et nécessité des interventions sans précédent en santé publique, en raison de l'envergure de la pandémie à l'échelle locale. Nous comptons nous inspirer de ces expériences difficiles, mais instructives, pour adopter une approche qui mise encore plus sur, non pas sur le juste-à- temps, mais sur des ressources fiables, mieux préparées et durables et adéquates pour les travailleurs de première ligne.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Levy.

Nous allons maintenant entendre Pamela Fralick, représentante de l'Association canadienne des soins de santé.

[Français]

Pamela Fralick, présidente et chef de la direction, Association canadienne des soins de santé : Monsieur le président, je vais faire ma présentation en anglais, mais je suis prête à répondre aux questions en français si vous voulez.

[Traduction]

Merci de me donner l'occasion de vous faire part de mes vues. C'est un honneur pour moi de m'entretenir avec un tel groupe. Je connais un peu vos antécédents, m'étant renseignée, et je dois dire que cette tribune est fort bien placée pour examiner ce sujet particulier et, espérons-le, trouver des solutions à certains problèmes qui nous préoccupent.

Je pourrais tout simplement me contenter de dire que je m'associe pleinement aux propos des autres organismes, car nous partageons bon nombre des mêmes préoccupations. Toutefois, je voudrais profiter de ce temps de parole pour apporter une perspective un peu différente à la problématique.

Je voudrais mettre l'accent sur quatre grands points, et formuler douze recommandations.

Mentionnons d'abord, et vous en avez beaucoup entendu parler, la communication. D'après les membres de l'Association canadienne des soins de santé, la communication a constitué un problème majeur pendant la pandémie. M. Lévy a parlé des messages diffusés par une seule source. Les messages, dans un premier temps, provenaient peut-être d'une seule source d'information, mais ils contenaient de plus en plus d'incohérences au fur et à mesure qu'ils étaient reformulés par les divers paliers du gouvernement et du système de santé.

Pour le simple citoyen canadien, il s'agissait là de messages différents. L'absence d'entente entre les sources d'information fiables et, inévitablement, les doutes suscités par les messages reçus ont eu des effets négatifs. Cette pandémie, à notre avis, constituait pour les divers gouvernements et leurs organismes l'occasion non pas d'agir de façon indépendante, mais de faire montre d'un leadership unifié en communiquant aux citoyens des messages cohérents qui inspiraient confiance.

Par ailleurs, des partenaires clés, qui auraient joué un rôle très utile au chapitre de l'échange d'informations, ont été laissés de côté. Comme la plupart des intervenants en matière de santé, autres que les médecins et les infirmiers, opèrent à l'extérieur du système de soins de santé public, c'est par l'entremise de leurs associations professionnelles qu'ils établissent des réseaux. Malgré les efforts qu'ils ont déployés en vue d'être inclus dans le plan d'intervention, et ces efforts remontent à la période post-éclosion du SRAS, ils n'ont pas été invités à contribuer au partage de données. En plus de consulter leur médecin, de nombreux Canadiens voient des psychologues, dentistes, diététiciens, physiothérapeutes, massothérapeutes et autres fournisseurs de soins de santé. Or, ces groupes ont été exclus du cercle d'information formel, sauf si leurs associations avaient pris des mesures de leur propre chef, ce qui a eu pour effet d'ajouter un autre niveau d'interprétation potentielle aux messages clés.

Nous avons quatre recommandations à formuler à cet égard. Elles figurent dans la documentation qui a été distribuée. Premièrement, la stratégie de communication doit être évaluée et, surtout, des mesures doivent être prises pour renforcer de manière concrète les liens qui existent entre le secteur des soins de santé et le secteur de santé publique. Ces secteurs travaillent souvent chacun de leur côté, une situation qui, à mon avis, n'a pas aidé lors de la pandémie.

Deuxièmement, l'ACS publie le Guide des établissements de soins de santé du Canada qui, s'il était amélioré, pourrait servir de source d'information utile à tous les joueurs du système de soins de santé, notamment ceux qui opèrent à l'extérieur des cadres formels, comme les centres de soins longue durée.

Troisièmement, la mise en œuvre de certaines composantes de la stratégie cybersanté devrait être accélérée, comme on l'a déjà mentionné. Ces composantes facilitent de manière importante la diffusion de l'information et la prestation de soins optimaux. Songeons, par exemple, aux dossiers médicaux électroniques que possède un médecin ou un centre de soins de santé primaire.

Quatrièmement, concernant l'important réseau d'associations qui a été laissé de côté, nous devrions envisager de faire appel aux services de réseaux pancanadiens comme le Groupe d'intervention Action santé, qui regroupe 39 organismes nationaux, pour assurer la communication de renseignements.

Le deuxième point que je désire porter à votre attention, et que vous connaissez déjà, concerne les ressources humaines en santé, un sujet qui soulève beaucoup de questions. Même si nous en avons déjà discuté, il est bon de le répéter : de nombreux professionnels de la santé, notamment les infirmiers et les infirmières, travaillent dans plusieurs milieux, c'est-à- dire dans divers hôpitaux et établissements de soins de santé. Nous avons abordé ce problème avec l'Association canadienne des soins de santé à plusieurs reprises lors de la pandémie de grippe H1N1. Nous n'avons jamais reçu de réponse de la part de ceux qui étaient en mesure de nous en fournir une. C'est un facteur auquel il faut s'attaquer.

Les travailleurs de la santé ne sont pas à l'abri d'infections. Ils peuvent tomber malade. Ils peuvent être appelés à s'occuper de membres de leur famille. La capacité d'appoint du Canada, l'aptitude à faire face à un manque soudain de personnel, est, de manière générale, fragile. Lorsqu'une épidémie éclate, le manque de personnel peut entraîner des problèmes énormes.

Ajoutons à cela la question de la mobilité de la main-d'oeuvre. Ce facteur n'était pas tellement important dans le cas du H1N1, mais il l'était dans celui du SRAS. Nous devons, la prochaine fois qu'une épidémie se produit, accélérer la mise en application des dispositions de l'accord sur le commerce intérieur visant la mobilité des professionnels de la santé, et ce, avant que la situation ne devienne urgente.

À cet égard, j'ai cinq recommandations à formuler. La première concerne l'accord sur le commerce intérieur, l'ACI. Il faut s'assurer que les dispositions de l'accord touchant la mobilité de la main-d'œuvre seront appliquées lors de la prochaine pandémie. Deuxièmement, les préparatifs d'urgence doivent être inclus dans le cadre pancanadien sur les ressources humaines en santé déjà existant. Il s'agit là d'un accord fédéral-provincial-territorial qui pourrait être examiné.

Troisièmement, toutes les stratégies nationales visant les ressources humaines en santé devraient être reliées entre elles : je songe au cadre pancanadien, que j'ai déjà mentionné, à la stratégie en matière de santé publique et à celle qui concerne les Autochtones. Il faudrait les intégrer davantage pour mieux lutter contre les pandémies.

Quatrièmement, il faut mette en place un observatoire national des ressources humaines en santé. Cette idée fait l'objet d'études depuis environ quatre ans. L'observatoire donnerait des orientations et des conseils sur la façon de régler les problèmes liés à la capacité d'appoint.

Cinquièmement, le rapport Naylor, qu'il ne faut pas oublier. Ce rapport fantastique traite de manière précise des ressources humaines en santé. Il renferme des recommandations qui n'ont pas encore été mises en œuvre.

Je vais maintenant aborder brièvement les points trois et quatre. Commençons par la prestation de soins actifs qui a été assurée, notamment, pendant la pandémie de grippe H1N1. Le comité se penche sur le rôle joué par la communauté en cas de pandémie. Nous vous félicitons pour le travail que vous effectuez à cet égard. Or, il faudrait entreprendre sans délai des études en vue de trouver des moyens de consolider, comme je l'ai mentionné plus tôt, les liens, les soins de santé et la santé publique, et ce, dans le but d'élargir le champ d'action du secteur des soins actifs dans la communauté. C'est là que le risque de transmission est le plus grand. Comme deuxième recommandation, nous proposons qu'en période de non-pandémie, des mesures soient prises pour mettre sur pied, à l'intention du grand public, un programme d'information sur la prévention et l'immunisation.

Mon dernier point porte sur les interventions non scientifiques — par exemple, la mise en quarantaine volontaire, l'annulation d'événements publics, la mise en place de règles souples en milieu de travail. Il est plus facile de renseigner la population sur ces questions quand il n'y a pas de crise.

Encore une fois, je tiens à vous remercier de m'avoir donné l'occasion de vous faire part des vues de l'association, et aussi de formuler des recommandations.

Le président : Merci beaucoup pour ces exposés. On a mentionné trois facteurs. D'abord, la capacité, c'est-à-dire la mobilisation des ressources humaines lors de la pandémie de la grippe H1N1, et l'inexistence de la capacité d'appoint. Si les choses n'avaient pas pris fin quand elles l'ont fait, nous aurions été aux prises avec une crise encore plus grave. Deuxièmement, la consultation. Plusieurs d'entre vous avez insisté sur la nécessité de consulter davantage, et ce, à tous les niveaux. Troisièmement, la communication bidirectionnelle, un problème qui revient constamment.

Doit-on mettre en place d'autres mécanismes? Il a beaucoup été question de l'établissement de comités, de plans pour donner suite aux recommandations formulées. Avons-nous besoin d'un plus grand nombre de comités, de structures, ou devrions-nous réduire ceux-ci, les réorganiser? Vous pourriez peut-être nous en parler brièvement.

Monsieur Turnbull, vous avez parlé du rôle joué par les médecins au chapitre de la planification et de l'administration et, en ce qui concerne l'immunisation, des difficultés que posent l'emballage en vrac, le séquençage des patients, les questions logistiques, ainsi de suite. Le sujet a été abordé brièvement. Pouvez-vous nous en dire plus au sujet des solutions que vous proposez?

M. Turnbull : Je vais parler du rôle des médecins.

Le président : Je vous demanderais d'aborder les deux points, mais brièvement.

M. Turnbull : D'accord.

Il faut absolument permettre aux médecins de jouer un rôle plus actif, mettre de côté les lignes directrice et miser sur ce qui se passe en première ligne, là où le contact se fait avec les patients. Il faut consulter les professionnels de la santé, non seulement les médecins, mais également le personnel infirmier, pour définir les besoins, déterminer si les lignes directrices en santé publique peuvent être mises en application dans une clinique. Nous avons constaté que bon nombre des recommandations formulées pouvaient difficilement être mises en œuvre dans un milieu clinique, les cliniciens n'ayant pas été invités à prendre part aux discussions. C'est une leçon que nous avons tous apprise.

L'emballage en vrac constitue une autre source de préoccupation. Si des emballages de 500 doses sont remis à un médecin qui est habitué à vacciner les membres de la communauté dans certaines circonstances, il se peut que ces emballages ne soient pas adéquats, surtout si les vaccins sont réservés aux femmes enceintes ou à des petits groupes de personnes. Les médecins disposeraient d'un trop grand nombre de fioles dans ce cas-là. Les circonstances entourant cette pandémie ne nous ont pas permis d'être aussi flexibles que nous l'aurions voulu. Nous n'avons pas utilisé les ressources existantes comme nous aurions pu le faire.

Concernant les comités, je dirais, brièvement, qu'il ne faut pas en créer un plus grand nombre, mais plutôt leur donner des pouvoirs décisionnels, leur permettre de travailler ensemble, de coordonner leurs activités. Je recevais, tous les jours, jusqu'à huit messages différents de divers comités. Il était difficile pour moi de savoir quel message écouter, car ils contenaient non seulement des renseignements identiques, mais également des contradictions. J'aurais aimé recevoir un message que j'aurais pu suivre.

Dre Maura Ricketts, directrice, Bureau de la santé publique, Association médicale canadienne : Je tiens à signaler qu'il y a eu quelques cas de collaboration qui ont donné de bons résultats. Par exemple, la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, comme l'a déjà mentionné M. Turnbull, a pressenti l'Association canadienne de la santé publique en août, ou peut-être plus tôt, soit entre la première et la deuxième vague de l'épidémie. Un groupe de cliniciens spécialisés a réussi à convertir l'information transmise par les autorités de la santé publique en lignes directrices cliniques qui ont pu être utilisées en première ligne. La Société canadienne de pédiatrie les a elle aussi utilisées. L'Association médicale canadienne recommande vivement que les médecins participent à l'élaboration des lignes directrices qui peuvent être appliquées en clinique. Nous savons également qu'il y a des infirmiers praticiens qui occupent des postes à des échelons supérieurs dans les régions rurales. Ils doivent également être inclus dans le processus.

L'Agence de la santé publique nous avait invités à participer, malheureusement seulement en septembre et en octobre, à l'élaboration de lignes directrices simples qui tenaient en deux pages. Le document ressemblait, littéralement, à un arbre de décision. Cette formule, à l'époque, aurait été idéale. Encore une fois, les cliniciens, surtout les médecins de famille, doivent participer à ce genre d'initiative pour qu'ils puissent avoir un outil qui peut être utilisé sur le terrain.

Enfin, il est important, au moment d'évaluer l'efficacité des plans d'intervention en cas de pandémie, de consulter les cliniciens. Nous avons participé à de nombreuses tables rondes. Or, nous ne savons pas encore combien de médecins pourraient être appelés à intervenir en cas de pandémie. Il serait bon de procéder à des essais, de mettre en place des mécanismes. De cette façon, lorsque nous seront confrontés à une pandémie, nous pourrons appliquer les mêmes mesures, mais plus rapidement.

Le président : Quelqu'un souhaite ajouter quelque chose?

M. Levy : Je suis tout à fait d'accord avec ce qui a été dit. J'abonde dans le même sens que le Dr Turnbull : il ne faut pas créer pas un plus grand nombre de comités. Autre point : il faut trouver une façon nouvelle d'inclure le point de vue des travailleurs de la santé publique de première ligne et des professionnels de la santé de première ligne dans les discussions qui se déroulent au niveau fédéral-provincial-territorial. Il arrive que des décisions stratégiques soient prises pour des raisons logistiques. Or, les répercussions de celles-ci ne sont parfois pas prises en compte.

Le président : C'est un bon point.

Mme Betker : Je ne pense pas qu'il devrait y avoir plus de comités, mais il faut pouvoir compter sur ceux qui permettront d'établir ces liens, ces mécanismes et ces canaux de communication. D'après mon expérience, quand les gens peuvent s'asseoir et discuter, en ce qui a trait aux interventions de première ligne, ils trouvent un terrain d'entente et arrivent à des solutions. Nous n'avons pas besoin de plus de comités, mais de ceux qui pourront établir ces liens et solidifier les relations de travail.

Le président : Vous disposez chacun d'environ quatre minutes, pour les questions et les réponses ou les commentaires. C'est le sénateur Braley, de l'Ontario, qui prendra la parole le premier.

Le sénateur Braley : Vous avez parlé des périodes de pointe, et des capacités de pointe pour les cliniques de vaccination. Avez-vous pensé faire appel à des bénévoles? Mon épouse était infirmière; elle est à la retraite depuis quelques années maintenant. Elle a téléphoné pour offrir ses services. Elle ne demandait pas à être payée, mais ses services n'ont pas été retenus. Il y avait des files d'attente, mais on aurait pu les éviter si on avait fait appel au nombre d'infirmiers et infirmières que nous connaissons dans notre région. Beaucoup prennent leur retraite chaque année. Est- ce qu'on avait envisagé cette possibilité?

Mme Betker : Je sais que nous n'avons pas fait appel à des bénévoles à Winnipeg pour la campagne de vaccination contre la méningite il y a quatre ou cinq ans. Notre autorité régionale de la santé n'avait pas les mécanismes requis pour embaucher et former des bénévoles; ils ne faisaient pas partie du système. Quand est venue la campagne de vaccination contre la H1N1, nous avions les mécanismes nécessaires et nous les avons utilisés à Winnipeg. Il s'agissait encore là d'un problème systémique que la campagne de vaccination contre la méningite a permis de mettre au jour. C'est un bon point. Nous avons aussi fait appel à des infirmières à la retraite, qui ont eu à jouer différents rôles. Certaines ont été rémunérées, d'autres pas. C'est une solution qui a été envisagée en période de pointe.

Le sénateur Braley : Savez-vous si on a employé des bénévoles à l'échelle du pays ou seulement dans certaines régions?

Dr Levy : Cette pratique n'a sans doute pas été appliquée de façon uniforme à la grandeur du pays, mais beaucoup de régions l'ont fait. Ici, à Ottawa, nous avons fait appel à de nombreux bénévoles. Pour ce qui est de la santé publique en général, quelque 15 p. 100 de notre budget local, à Santé publique Ottawa, est invisible, parce qu'on fait appel à des bénévoles. Nous avons beaucoup compté sur le bénévolat. Le défi en situation d'urgence, c'est de distinguer ce qui est approprié de ce qui ne l'est pas. Il est arrivé que des professionnels se soient offerts comme bénévoles, mais après avoir examiné de près leurs qualifications ou leurs compétences, on s'est aperçu qu'ils n'avaient pas ce qu'il fallait. Le bénévolat impose donc une charge supplémentaire au point de vue de la gestion, mais il demeure néanmoins une ressource fort importante.

Le sénateur Braley : Je présume que la plupart des infirmières savent comment donner une injection et qu'elles le font régulièrement. Il ne devrait pas être très difficile de les former si elles n'ont quitté la professions que depuis un an, ou deux ou trois.

Dr Levy : Je vais laisser les représentantes de l'Association des infirmiers et infirmières vous parler des normes professionnelles, mais donner un vaccin est beaucoup plus compliqué qu'on ne le croit, pour des questions de sécurité clinique et de réglementation de la profession.

Dr Turnbull : Si je peux souligner une chose, c'est que nous devons vérifier si les bénévoles sont toujours autorisés à exercer la profession et s'ils sont indemnisés.

Le sénateur Braley : Toutes les personnes que j'ai appelées dans mon quartier l'étaient.

Le président : Il faut vérifier leurs qualifications.

Dr Turnbull : Non seulement nous devons vérifier cela, mais si nous avons vraiment besoin de bénévoles, et que nous devons aller au-delà de ce qui a déjà été fait, nous allons devoir nous tourner vers des personnes qui ne sont pas indemnisées et qui ne sont pas autorisées à exercer la profession. Il sera peut-être nécessaire aussi de trouver un moyen pour accélérer le processus d'autorisation des professionnels, et pour cela, nous devons nous assurer que nos autorités réglementaires sont prêtes à le faire et qu'elles pourront accorder à ces personnes des permis temporaires, quelle qu'en soit la forme.

Le sénateur Callbeck : Merci à vous tous de vous être déplacés ce matin. J'ai lu dans le mémoire de l'Association des infirmiers et infirmières du Canada que, durant la pandémie, l'AIIC avait unit ses forces à celles des infirmiers et infirmières, des organismes de santé et même des différents gouvernements. On y dresse aussi une liste des projets entrepris conjointement.

Toutefois, votre première recommandation consiste à ce que l'Agence de la santé publique du Canada établisse des politiques et des lignes directrices qui mettent à contribution les infirmiers et infirmières et d'autres professionnels de la santé à tous les niveaux de la planification, de l'intervention et de l'évaluation en cas de pandémie. N'avez-vous pas participé à l'établissement des politiques?

Mme Betker : Les infirmiers et infirmières auxquels l'AIIC a parlé n'ont pas eu l'impression d'y avoir pris part, non. Ils n'ont pas eu le sentiment d'avoir contribué à la planification ni à la prise de décisions, en tout cas, pas adéquatement.

Le sénateur Callbeck : Pas adéquatement. Donc, vous avez pu faire valoir votre position face aux problèmes, mais vous n'avez pas vraiment eu votre mot à dire au sujet des politiques?

Mme Betker : Je crois que c'est juste de le dire ainsi, oui. C'est ce que nos membres nous ont rapporté. Pour ce qui est du leadership, de recourir à l'expertise des infirmiers et infirmières, notamment pour déterminer comment les choses allaient fonctionner, quelles seraient les politiques adoptées et comment organiser le tout, non, nos membres n'ont pas eu l'impression d'avoir eu une voix au chapitre à ce moment-là.

Le sénateur Callbeck : Beaucoup de nos témoins nous ont parlé de la communication. Docteur, je crois que vous nous avez dit il y a quelques minutes qu'alors que vous vous attendiez à ne recevoir qu'un seul message, dans un cas en particulier, vous avez eu huit messages différents. Comment pouvons-nous remédier à la situation? Que nous recommande-t-on?

Dr Turnbull : Je pense que nous sommes tous du même avis. Nous devons établir un réseau de communication, car nous devons pouvoir communiquer avec tous les intervenants en matière de santé. La solution peut sembler facile, mais nous ne disposons d'aucun système simple de communication continu et vérifié. Nous ne savons pas comment rejoindre tous les médecins du Canada. C'est donc une chose à corriger. Nous avons besoin d'un tel système, et il doit être vérifié et mis à jour.

En outre, nous devons diffuser un message cohérent qui provient d'abord des spécialistes, qui est revu par des cliniciens (que ce soit du personnel infirmier ou des médecins) et qui est facilement applicable et adaptable selon les régions. Imaginons donc un plan d'intervention national, qui serait appliqué au niveau régional, en veillant à ce que les responsables régionaux de la santé publique aient accès à du personnel infirmier et à des médecins pour recevoir des conseils d'ordre clinique; un seul et même message serait donc communiqué.

Le sénateur Callbeck : Est-ce que ce message est adapté en fonction de la région? Est-ce pour cette raison que nous avons eu ces problèmes? L'agence a décidé quelque chose à propos de la liste de priorités, par exemple, mais les provinces ont choisi de ne pas suivre la proposition de l'agence.

Dr Turnbull : Quand je pense à l'adaptation régionale, si vous me permettez de continuer, c'est que je recevrais une directive de mon hôpital et une autre de mon organisme de santé publique, tous deux dans la même région; j'en aurais ensuite une de l'Ontario Medical Association, puis encore une autre de mon réseau d'intégration local. Tous ces messages sont en fait des variations sur un même thème, juste un peu différents. Même au niveau local nous avons entendu différentes personnes s'exprimer sur la question, et je peux recevoir ce genre de communications tous les jours. Vous pouvez vous imaginer la confusion qui règne chez les praticiens. Qui mène la barque?

Mme Fralick : J'ajouterais que nous avons appris de cette expérience, et l'Association canadienne des soins de santé considère que l'Agence de la santé publique en est sortie grandie, si je peux m'exprimer ainsi. Nous en avons tiré des leçons importantes, mais c'était un peu trop tard. Toutefois, tout au long de la crise, l'Agence de la santé publique est peu à peu devenue la référence, mais ce n'était pas le cas au début. On peut donc dire qu'on a appris une leçon.

Une autre chose, pour revenir à ce que le Dr Turnbull nous disait, c'est que nous devons mettre en place ce réseau de déploiement. Je ne peux m'empêcher de penser au temps où je travaillais pour les Forces canadiennes en Europe. C'était dans les années 1980. Il n'y avait pas de téléphone, mais on arrivait à organiser des exercices d'urgence. Un réseau remarquablement efficace avait été mis en place. Des camions sillonnaient les rues des villes et des villages et on les entendait scander le message « Boule de neige, boule de neige, boule de neige. Opération boule de neige des FCE en vigueur. »

J'entre un peu trop dans les détails, mais les militaires avaient une façon extraordinaire de communiquer d'un niveau à l'autre, et tout le monde s'entendait pour dire que c'était la meilleure façon de faire. Comme je l'ai signalé dans mes recommandations, il faut profiter de l'accalmie pour mettre en place un réseau de communication qui plaira à tout le monde (les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, les organismes de santé, et cetera). De cette façon, en situation d'urgence, on pourra communiquer plus facilement et efficacement.

Le président : La parole est maintenant au sénateur Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse, qui est aussi vice-président de ce comité.

Le sénateur Ogilvie : Merci, monsieur le président. Ce fut une matinée intéressante. Des problèmes communs à toutes les régions nous ont été signalés à plusieurs reprises, et tout le monde reconnaît qu'il est important d'avoir un réseau de communication et un plan d'intervention. On nous a également parlé de la notion de capacité de pointe, et de ce qu'elle signifie ou pourrait signifier en d'autres circonstances.

Quand je pense aux choses que vous avez soulignées ce matin et au cadre juridique de notre pays, je suis abasourdi de voir que nous avons réussi à mettre en place, depuis la crise du SRAS, un programme qui a été aussi efficace que celui-là, compte tenu du niveau de coopération entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et les administrations municipales, qui ont tous des droits en vertu du droit constitutionnel et des responsabilités dans ces secteurs. Les problèmes que vous avez soulevés en ce qui a trait aux messages contradictoires découlent souvent de la mise en œuvre dans les secteurs provinciaux et municipaux. De toute évidence, il faut se pencher sur la question, tout en gardant à l'esprit à qui incombe la responsabilité de ces secteurs.

Quand il a été question de nouveaux comités, et j'imagine qu'il pourrait y en avoir davantage en vue de se préparer à une éventuelle pandémie, j'ai été ravi d'entendre certains d'entre vous nous dire qu'il en faudrait peut-être moins. Nous voulons être fins prêts à intervenir quand une pandémie se présentera, et d'après ce que j'ai pu voir, nous ne sommes pas prêts à intervenir quand nous en sommes encore à l'étape du comité. Toutefois, je prends note de vos commentaires à cet égard.

La plupart des groupes qui sont venus témoigner, et qui viendront témoigner, nous ont soumis des documents indiquant que la chose la plus importante à corriger était le manque de ressources et l'accès difficile aux services. On parle des intervenants de première ligne, comme les pompiers, jusqu'au personnel infirmier, qui prend directement soin des patients.

Docteur Turnbull, j'ai été un peu étonné de lire ce qui suit dans un de vos documents. Je ne dis pas que l'AMC n'a pas le droit de soulever la question, mais vous recommandez entre autres d'indemniser les médecins en temps de pandémie de la perte de revenus cliniques et de couvrir les dépenses encourues : perte de revenus collectifs, frais généraux, dépenses de nature médicale, et cetera. C'est un peu surprenant venant d'un des groupes professionnels les mieux rémunérés et assurés au pays. Vous recommandez également d'indemniser la famille d'un médecin qui décède pour avoir fourni des soins durant une pandémie. J'ai simplement été surpris de ces réactions, notamment de voir que vous nous presser de ne pas « conscrire » les médecins au moyen d'une mesure législative.

Nous avons eu affaire à une pandémie modérée. Si nous devions être frappés par un agent inhabituel, un virus peu commun (un virus qui nous amènerait au prochain niveau de pandémie), ou même par une épidémie qui serait plus sévère ici qu'ailleurs, il me semble qu'il ne serait pas déraisonnable d'invoquer la Loi sur les mesures d'urgence dans un tel cas, compte tenu de ce que vous nous dites à propos de la mobilisation des ressources.

Je le répète, vous avez absolument le droit de formuler ces recommandations et elles méritent sans doute d'être étudiées, mais vu les réponses de tous ceux qui sont appelés à intervenir en situation de pandémie, je suis surpris de voir cette recommandation de la part des médecins.

Dr Turnbull : La différence, c'est que les médecins sont des praticiens indépendants, ils ne bénéficient donc pas de prestations d'assurance-emploi. Je crois que c'est de là que découle cette recommandation. Les médecins seront là; ils vont se donner corps et âme à la cause. Ils mettent parfois en péril leur propre santé pour servir leurs collectivités, et ils continueront toujours à le faire.

Le sénateur Martin : Merci beaucoup pour vos recommandations, utiles et judicieuses. Cela a été tout un exercice de rassembler différentes associations et des intervenants qui n'ont peut-être pas eu l'occasion de se rencontrer et d'entendre ce que les autres avaient à dire. Il est intéressant pour nous de voir que certains thèmes se sont démarqués et de savoir quelles sont les plus grandes priorités.

J'aimerais parler des communications, un point que vous avez tous soulevé, et dont il a aussi souvent été question dans d'autres témoignages.

Si nous pouvions identifier clairement la toile de réseaux de professionnels de la santé, comme vous l'indiquez, et si les professionnels de la santé étaient mis à contribution et qu'ils disposaient des bonnes informations, ils pourraient aider au déploiement d'un plan global, parce qu'ils sont en contact direct avec les patients et leurs clients réguliers. Ce réseau très complexe existe déjà; il est compliqué et ses différentes composantes s'entrecroisent. Je pensais à la matrice. C'est complexe.

Le gouvernement fédéral a un site web qui joue ce rôle national, et je parle du plan de lutte contre la pandémie, le Plan canadien. Une fois que le réseau aura été bien défini, et c'est ce que nous commençons à faire, au lieu que Santé Canada, par exemple, établisse des contacts avec les différents réseaux, il serait peut-être plus simple d'établir une source unique qui permettrait de diffuser l'information en période de pandémie. Plutôt que le centre aille à la rencontre de chacune des composantes de ce réseau, les différents intervenants pourraient aller chercher l'information auprès de ce centre, ce qui permettrait de communiquer des messages clairs et cohérents.

Je simplifie peut-être le problème, parce que je sais qu'il est très complexe. D'après ce que nous avons entendu, nous savons qu'il est possible de créer un site web ou une autre source d'information en ligne. Je me demande si cela pourrait être aussi « simple ». Et je le mets entre guillemets, car je suis conscient de la complexité du réseau.

Mme Fralick : Rien n'est aussi simple, même si j'aime bien le concept. J'ajouterais simplement que vous devez rallier tous les intervenants pour qu'ils acceptent de s'en remettre à cette source, et pour cela, il faut conclure des ententes entre les gouvernements et les autres intervenants dont il a été question.

Le sénateur Martin : Nous avons entendu parler de collaboration et d'ententes fédérales-provinciales-territoriales. J'imagine que si on peut arriver à un consensus pour la définition du réseau, la solution peut être simple, et je dis « simple » relativement à la question qui nous occupe.

Dre Ricketts : Comme je l'ai dit souvent, c'est aussi facile d'assurer une surveillance que de jouer de la flûte; il n'y a qu'à souffler dans le bec et à boucher les trous avec ses doigts. J'ai bien peur que ce ne soit pas aussi simple que cela. Je peux vous donner quelques exemples.

Il faut définir soigneusement le public cible. De toutes les ressources à ma disposition, c'est André Picard, dans le journal, qui m'a donné le plus d'information. Si nous ne ciblons pas les cliniciens avec notre système de communication, et que nous ne reconnaissons pas ce qu'il faut faire pour communiquer avec eux, nous n'y parviendrons pas.

Les délais sont aussi extrêmement importants. L'information passive, ce dont vous parlez, c'est-à-dire de demander aux gens de consulter un site web, n'est pas un moyen efficace pour communiquer avec les professionnels des milieux cliniques, qui sont débordés. L'information doit leur parvenir sur place, et ils doivent pouvoir la trouver facilement et la consulter à leur convenance. Je n'ai aucun doute qu'un site web aurait aussi son utilité, mais je ne veux pas laisser entendre que je sais exactement quelle est la solution.

Dans notre cas, les processus fédéraux-provinciaux-territoriaux ont ralenti considérablement la diffusion de l'information. Il y a eu beaucoup de discussions et de concertations au niveau de la bureaucratie, alors que tout le monde attendait de recevoir l'information. Je ne voudrais pas avoir l'air de critiquer, mais, malheureusement, ce serait un grave problème à corriger. Il faut trouver un moyen d'accélérer la diffusion de l'information pour qu'elle parvienne le plus rapidement possible au niveau clinique.

Finalement, je souligne que le Guide de prévention des infections est un excellent guide. Quand je travaillais à l'agence, je produisais ces lignes directrices, et j'en ai toujours été fier. On ne peut pas demander aux médecins ou au personnel infirmier dans un cabinet débordé de lire un document de 66 pages pour savoir ce qu'ils doivent faire. C'est un processus que l'on appelle « application des connaissances ». Cela signifie que les professionnels ont besoin de l'information, même si tous les détails n'ont pas été fixés. Nous devons faire confiance aux professionnels; ils sont capables de gérer l'incertitude. Je tenais à faire valoir ces quelques points.

Mme Betker : Je crois que la communication doit être bidirectionnelle et qu'un site web, même s'il peut s'avérer utile, n'offre pas cet élément.

En outre, il ne faut pas présumer que tous les médecins ont accès à Internet ou même qu'ils ont les aptitudes requises pour en utiliser les fonctions les plus élémentaires, car la technologie n'est pas nécessairement toujours un outil dont nous nous servons en santé publique.

N'oublions pas non plus que nos citoyens parlent une multitude de langues. Je pense que ce point concerne davantage l'application des connaissances, mais il faut que l'information soit transmise en première ligne, traduite dans la langue parlée par les personnes à qui elle est destinée.

Le sénateur Cordy : Je crois qu'il est extrêmement important que nous entendions aussi les intervenants de première ligne. Je vous remercie beaucoup de votre participation aujourd'hui.

Madame Fralick, la question que vous avez soulevée concernant la mobilité de la main-d'œuvre m'a intéressée. Voulez-vous dire que les professionnels de la santé ne peuvent pas changer de province?

Docteur Turnbull, vous avez parlé du séquençage des patients. Je suppose que vous voulez parler de l'établissement de la liste des groupes prioritaires?

Dr Turnbull : Oui.

Le sénateur Cordy : Qui en était responsable? Les membres de l'Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada, entre autres, nous ont dit avoir aussi connu des problèmes, en raison de leur culture, en ce qui a trait à certains groupes qui ont été jugés prioritaires avant les anciens de leur communauté. De plus, étant donné la surpopulation, pour quelle raison n'a-t-on vacciné qu'un seul groupe d'âge à la fois dans les familles, alors qu'il y avait trois, parfois quatre générations qui vivaient sous le même toit? Il aurait été plus logique de vacciner un foyer à la fois. Pourquoi, en particulier dans les régions isolées, est-on allé chercher les quatre groupes d'âge à quatre occasions différentes pour les amener à une clinique? Qui était chargé d'établir la liste des groupes prioritaires?

Dr Turnbull : La liste des groupes prioritaires a été établie en fonction des personnes les plus à risque. C'était une bonne politique de santé publique en ce qui a trait au séquençage et à la liste des groupes prioritaires. Cependant, ce n'était pas tellement logique directement en clinique, là où étaient les fournisseurs de soins de santé, et c'est pourquoi nous aurions probablement dû réunir les deux groupes afin qu'ils nous aident à élaborer ces directives pour la pratique clinique. Les cliniciens auraient pu nous dire que cela ne fonctionnerait pas dans leur situation.

Mme Fralick : Selon l'Accord sur le commerce intérieur, oui, et puisque nous n'avons pas beaucoup de temps, nous serions prêts à vous faire parvenir l'information. On connaît encore des problèmes au chapitre de la mobilité de la main-d'œuvre. C'était un enjeu énorme à l'époque de l'éclosion du SRAS, car les travailleurs de la santé épuisés ne pouvaient obtenir l'aide de travailleurs d'autres provinces à cause de questions relatives aux permis. Les provinces ont signé une entente à ce chapitre, mais il existe encore des problèmes.

Le sénateur Cordy : Cela me renverse.

Dr Levy : Je suis tout à fait d'accord avec le Dr Turnbull. L'Agence de la santé publique a dirigé l'établissement des groupes de séquençage durant l'été et au début de l'automne. Il y a eu un engagement important de la part des provinces. Il n'y a pas eu d'engagement continu sur le terrain, mais l'agence était solide d'un point de vue factuel, comme nous l'avons entendu, même si elle ne l'était peut-être pas sur le plan de la mise en œuvre logistique.

Cela m'amène à vous parler des communications : il faut vraiment investir dans l'infrastructure bidirectionnelle, afin que les personnes concernées puissent avoir accès aux technologies de pointe et intervenir en temps réel.

L'autre élément est la définition claire des rôles, car chacun de ces huit organismes avait une raison légitime et l'obligation de fournir les informations, mais le manque de coordination et l'absence d'une définition claire et réfléchie des rôles compliquent grandement les communications. Il serait certainement très utile que l'on fasse preuve de leadership sur cette question.

Le sénateur Dickson : Je vous remercie beaucoup de vos excellents exposés. Malgré quelques lacunes, dans l'ensemble, avec votre aide, l'Agence de la santé publique du Canada a fait de l'excellent travail dans la mise en œuvre du plan.

Mme Fralick a mentionné qu'à un moment donné, il lui a semblé que quelqu'un s'occupait de la situation. Mai qui était-ce exactement? A-t-on le nom de la personne? Est-ce que cela relève d'une autre autorité? Si oui, de laquelle? Quand avez-vous su que cette personne inconnue était aux commandes?

Mme Fralick : Honnêtement, les membres de mon association m'en ont parlé, mais c'est une observation personnelle. Quand nous avons commencé à voir le Dr Butler-Jones à la télévision partout au pays, pour nous, cela voulait dire qu'il y avait une personne responsable. C'était une initiative unique au Canada que de mettre à la barre un sous-ministre plutôt qu'un ministre. Mais il est médecin et il a donné de la crédibilité au processus et de la confiance à la population. Selon moi, cette apparition a été un point tournant.

Cependant, je tiens compte de tous les autres commentaires. Cette initiative n'a pas tout réglé. Nous étions toujours en pleine crise. Tous les problèmes dont nous avons parlé doivent encore être réglés. L'Agence de la santé publique du Canada a un rôle à jouer et pourrait devenir le point de référence pour bien des éléments dont nous parlons, si tout le monde est d'accord et ne ressent pas le besoin de réorganiser et de reformuler tous les messages pour qu'ils aient l'air de fournir des renseignements différents.

Le sénateur Dickson : Je crois qu'il y a eu des exercices de simulation. Vos groupes y ont-ils participé?

Dre Ricketts : Oui, j'en ai parlé tout à l'heure. J'y ai participé en tant que membre de l'Agence de la santé publique, et Jill Skinner, qui travaille aussi pour moi maintenant à l'AMC, y a participé également. Or, les groupes d'intervenants sont un peu mis de côté, et ce n'est pas un outil efficace. C'est un point important. Il nous faut tester le système à la base.

Le président : Nous devons mettre fin à l'audition de ce groupe de témoins, car nous manquons de temps. J'en suis désolé; nous pourrions nous pencher sur tant d'autres questions. Je vous remercie tous de votre participation.

Notre deuxième groupe de témoins nous parlera des intervenants de première ligne. La première personne que nous entendrons est Robert Simonds, président de l'Association canadienne des chefs de pompiers. Cette association a comme mission de représenter les services d'incendie du Canada pour les questions de sécurité publique. M. Simonds travaille à une participation et à un financement accrus du gouvernement fédéral en ce qui a trait à la préparation pour les cas d'urgences majeures.

Nous entendrons également Mary-Lou Donnelly, présidente de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants. La fédération est l'alliance nationale des organisations d'enseignants des provinces et des territoires et elle représente près de 200 000 enseignants du primaire et du secondaire de partout au Canada. Mme Donnelly est enseignante et administratrice depuis plus de 25 ans.

Nous accueillons aussi Myles Ellis, directeur des Services économiques et aux membres de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants. Il détient une maîtrise en éducation de l'Université Saint Mary's, en Nouvelle- Écosse, ainsi qu'un certificat en relations industrielles de l'Université Queen's. Il est aussi directeur de l'Association canadienne pour une étude pratique de la loi dans le système éducatif.

Nous recevons également Claude Dauphin, troisième vice-président de la Fédération canadienne des municipalités. Il est le maire actuel de Lachine, au Québec, et le président du conseil municipal de Montréal.

Alain Normand, de la Fédération canadienne des municipalités, est aussi avec nous. Il est membre du groupe de travail sur la pandémie. C'est un auteur, conférencier, enseignant et spécialiste du domaine de la gestion des urgences.

Greg Furlong, de l'Association des paramédics du Canada, est un paramédic des soins avancés au sein du service d'Ottawa. Il siège également au conseil d'administration de l'Association des paramédics professionnels d'Ottawa. Voilà notre groupe de témoins.

Nous allons d'abord entendre Robert Simonds. Je tiens à informer M. Simonds et les autres témoins qu'ils disposent de cinq minutes pour nous présenter leur déclaration préliminaire.

Robert Simonds, président, Association canadienne des chefs de pompiers : Merci, monsieur le président. Avant de commencer mon exposé, j'aimerais d'abord faire une précision. Dans mon mémoire, je parle d'un sondage, et il se trouve qu'il y a une nouvelle édition de ce sondage. C'est le seul changement que j'ai à faire dans le mémoire que je vous présente.

Bonjour. Je suis chef du service des incendies de Saint John, au Nouveau-Brunswick. Je comparais devant vous aujourd'hui à titre de président de l'Association canadienne des chefs de pompiers. L'ACCP est une organisation nationale qui représente quelque 1 000 chefs de pompier et autres officiers supérieurs de services d'incendie disséminés dans l'ensemble des provinces et des territoires. Ses membres appartiennent aux services d'incendie de grands centres urbains disposant d'un effectif complet de sapeurs-pompiers aussi bien qu'à ceux de localités rurales et souvent isolées desservies par des sapeurs-pompiers volontaires.

Depuis que vous avez eu la gentillesse, la semaine dernière, de nous inviter à comparaître aujourd'hui, nous avons fait un mini-sondage parmi les membres de notre conseil d'administration, de notre comité exécutif et de notre comité des relations avec les gouvernements et auprès des chefs de pompier d'un certain nombre de grands centres métropolitains. Compte tenu de la portée que nous voulions donner à notre sondage, nous ne prétendons pas disposer de données statistiquement limpides; nous sommes toutefois absolument convaincus qu'elles confirment les comptes rendus anecdotiques et les observations qui ont circulé dans l'ensemble de notre service d'incendie depuis la pandémie de l'année dernière.

Ont répondu à notre sondage 19 officiers supérieurs dont les services, pris collectivement, protègent plus de 7,3 millions de Canadiens, soit quelque 21 p. 100 de la population du pays. Ces services comptent environ 10 600 pompiers. De ce nombre, 2 025 appartiennent à des services de pompiers volontaires. Les 19 répondants vivent dans huit provinces et un territoire.

Pour ce qui est de notre état de préparation aux pandémies, il importe que le comité ne perde pas de vue quelques faits importants. Premièrement, l'ACCP estime qu'il y a 3 492 services d'incendie au Canada et que 3 184 d'entre eux — soit un peu plus de 91 p. 100 du total — sont composés de pompiers volontaires. Deuxièmement, près de 79 p. 100 des 108 000 sapeurs-pompiers que compte le Canada sont des pompiers volontaires. Dans la plupart des petites localités, les pompiers volontaires forment le seul service local de première alerte en cas d'urgence, les services de police et les services médicaux d'urgence étant souvent assurés par d'autres localités.

D'après le Plan canadien de lutte contre la pandémie d'influenza dans le secteur de la santé de l'Agence de la santé publique du Canada, depuis toujours, « la responsabilité de faire face aux urgences incombe d'abord aux particuliers, puis aux pouvoirs publics des autres niveaux, car les ressources et les compétences de chacun sont nécessaires ». Mais le plan signale aussi que « les urgences de grande envergure ou d'une grande complexité qui débordent les frontières provinciales ou internationales, comme une grippe pandémique, impliquent un partage des responsabilités ».

L'ACCP souscrit sans réserve à cette observation, mais estime qu'il y aurait lieu d'écrire « dirigé par le gouvernement fédéral » tout de suite après « partage des responsabilités ».

L'Agence de la santé publique a décidé que les chefs de pompier devaient être de ceux qui sont désignés pour recevoir les premières doses de vaccin en cas de pandémie de grippe parce que ce sont des acteurs dont le pouvoir décisionnel sera nécessaire pour réduire au minimum les perturbations sociales dans l'éventualité d'une pandémie. Les pompiers peuvent aussi être vaccinés avant tout le monde parce qu'ils sont formés ou sont les premiers à participer à la prestation des services essentiels qui doivent être assurés au moins à un degré minimum pour que la santé et la sécurité du public ne soient pas compromises.

Malgré ces bonnes intentions, il semble que si 15 des 19 services d'incendie qui ont répondu à notre sondage ont confirmé que ni leur chef ni d'autres membres de leur personnel n'ont été vaccinés en priorité, ce soit à cause du partage des responsabilités. Ce phénomène est surtout attribuable au fait que 10 des 19 chefs qui ont répondu ont dit avoir cru que les services de santé publique de leur municipalité ignoraient qu'aux fins de la vaccination, l'Agence de la santé publique avait accordé la priorité aux pompiers. On peut certainement soutenir que l'agence aurait pu s'exprimer en termes plus clairs et plus directs, de manière à ce que tous sachent sans équivoque qu'il fallait vacciner les sapeurs- pompiers en priorité.

Votre comité nous a demandé quelles leçons il y avait à tirer de la façon dont le Canada a réagi à la pandémie de grippe, l'année dernière. Voici nos recommandations.

L'Agence de la santé publique du Canada doit veiller à ce que ses équivalents provinciaux et territoriaux sachent que les sapeurs-pompiers doivent absolument être vaccinés en priorité et doit faire en sorte qu'ils comprennent pourquoi c'est aussi important.

Il faut que les services de santé publique des municipalités sachent que les sapeurs-pompiers doivent être vaccinés avant tout le monde et pourquoi.

Dans les grands centres qui ont leurs propres services d'incendie et de police et leurs propres services médicaux d'urgence, il faut établir des cliniques spéciales distinctes de celles qui sont mises à la disposition du grand public.

Comme les sapeurs-pompiers volontaires sont extrêmement importants dans les petites collectivités, il y a lieu de prévoir des mesures supplémentaires pour qu'ils soient vaccinés sans délai.

Le resquillage doit être interdit. L'année dernière, la fréquence de ce problème a eu pour effet que des citoyens en sont venus à n'accorder aucune importance à l'ordre établi pour la vaccination. Le comité devrait accorder une attention spéciale à l'Agence de santé publique d'Algoma, qui a décidé que le vaccin serait administré sur rendez-vous seulement.

Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions après les exposés des autres témoins.

Mary-Lou Donnelly, présidente, Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants : Bonjour. Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous. Je suis présidente de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, laquelle est le porte-parole national des enseignants du Canada en matière d'éducation et de questions sociales connexes. Nous représentons environ 200 000 enseignants au pays par l'entremise de 16 organisations provinciales et territoriales.

J'aimerais aborder les questions sur lesquelles se penche le comité par une brève analyse du sondage sur la stratégie relative à la grippe H1N1que la fédération a réalisé auprès des enseignants en octobre 2009.

À la fin août 2009, les statistiques sur le virus de la grippe H1N1 étaient plutôt alarmantes : 72 décès et 1 454 hospitalisations au pays pour des cas confirmés. Plus tôt au cours de ce mois, le Dr David Butler-Jones, administrateur en chef de la santé publique du Canada, a indiqué que les écoles, les garderies et les établissements d'enseignement postsecondaire pouvaient jouer un rôle essentiel dans notre stratégie de lutte contre la pandémie. Il a affirmé que le fait de garder les écoles ouvertes était une excellente façon d'éduquer et d'informer les élèves et leurs familles, d'atténuer les impacts du virus sur la société et l'économie et d'offrir un environnement adéquat pour administrer le vaccin.

La Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants a alors préparé un plan d'action afin d'avoir accès aux meilleurs renseignements possible sur la pandémie et de les communiquer à ses membres. L'un des volets du plan visait à élaborer et à réaliser un sondage sur les niveaux de préparation dans les écoles auprès des enseignants canadiens. Le rapport que nous vous avons remis est un résumé des résultats du sondage, mené du 23 au 30 octobre 2009. J'aimerais vous parler de certains résultats.

La première question portait sur la sensibilisation. Nous avons constaté, sans surprise, que le plus haut degré de sensibilisation était à l'échelon du conseil, de la commission scolaire ou du district scolaire, avec 85 p. 100. Plus de 9 éducateurs sur 10 ont indiqué avoir reçu des documents ou du matériel à lire affichés ou livrés par voie électronique, ce qui en fait la principale forme d'information ou de formation sur le virus H1N1 reçue à l'école. Soixante pour cent des enseignants ont reçu de la formation sur la préparation à une pandémie de grippe H1N1 à une réunion ordinaire du personnel, suivie de la formation après les heures de classe, mais seulement 47 p. 100 des éducateurs interrogés ont indiqué que leur école disposait d'un plan de communication pour informer les parents et les autres membres de la communauté scolaire en cas d'épidémie de grippe H1N1 à l'école.

Pour ce qui était considéré comme la question la plus importante du sondage, les deux tiers des éducateurs interrogés étaient à l'aise au sujet du niveau de préparation de leur école. On leur a demandé d'expliquer brièvement la raison pour laquelle ils étaient à l'aise ou non. Les réponses ont soulevé des questions intéressantes et des préoccupations, notamment une large gamme de perceptions à l'égard du niveau de préparation de l'école à une possible pandémie.

Plusieurs commentaires reflétant les sentiments qui se dégageaient des divers degrés d'aise exprimés par les éducatrices et éducateurs soulignaient la discordance entre l'élaboration d'une politique ou d'un plan relativement à une pandémie et la mise en œuvre du plan à l'école. Certains répondants ont souligné le rôle important que jouent les parents pour aider à contrôler la propagation de la maladie lorsqu'ils gardent leurs enfants malades à la maison. Parallèlement, il semblait y avoir une certaine sensibilisation aux difficultés avec lesquelles sont aux prises bon nombre de parents lorsqu'ils doivent s'occuper de leurs enfants malades à la maison.

Quelques réponses témoignaient du sentiment qu'avaient des enseignants d'être en première ligne d'une pandémie de grippe H1N1 sur le plan de l'exposition possible au virus dans le milieu scolaire et du sentiment de vulnérabilité qui en résulte.

Certains commentaires soulignaient l'impact qu'aurait une épidémie de grippe H1N1 sur les conditions de travail dans les salles de classe et les écoles, et sur les questions de santé et de sécurité en général. Certains répondants ont dit qu'ils jugeaient nécessaire de prendre certaines mesures et précautions pour protéger les enseignantes enceintes, car elles étaient considérées comme faisant partie des groupes à risque élevé.

L'un des points positifs du sondage est que deux enseignants sur trois ont indiqué qu'ils étaient « très à l'aise » ou « moyennement à l'aise » au sujet du niveau de préparation de leur école. Dans leurs commentaires, ils ont exprimé leur satisfaction en ce qui concerne les efforts de communication à l'égard du personnel et des parents, l'élaboration d'une politique et d'une stratégie, les plans de sensibilisation à l'hygiène dans les écoles et la distribution de documents imprimés et audiovisuels.

Ils ont néanmoins aussi exprimé des préoccupations. Un enseignant sur trois estimait que son école n'était pas bien préparée pour faire face à la pandémie. Près de quatre enseignantes sur dix, en particulier, s'en inquiétaient. Je souligne que 70 p. 100 de l'effectif enseignant du Canada est composé de femmes. Ce constat peut s'expliquer en partie par le fait que les femmes enceintes étaient au nombre des groupes dits à risque, et que l'effectif enseignant du niveau primaire, où le pourcentage de femmes est encore plus élevé, s'inquiétait généralement plus de cette question que les enseignants du secondaire. Les enseignants des écoles primaires, plus que ceux du niveau secondaire, peuvent avoir l'impression de travailler dans un véritable nid à microbes, entourés comme ils le sont de jeunes enfants. Le degré de sensibilisation des enseignants aux mesures de préparation en cas de pandémie à l'échelon national est aussi inquiétant.

Voici nos recommandations. Il faut établir des plans pour protéger les plus vulnérables, c'est-à-dire les enseignantes enceintes, en cas de pandémie de grippe H1N1. Il faut envisager d'inscrire les enseignants et les étudiants sur la liste des groupes prioritaires pour l'administration du vaccin. Les modes de communication avec les parents et la collectivité dans son ensemble doivent être améliorés. Les services d'urgence et les écoles doivent être mieux appuyés et mieux coordonnés. Et enfin, il faut mieux penser et mieux planifier la préparation des écoles si on compte les garder ouvertes quand il y aura d'autres pandémies, quelle que soit leur ampleur.

Les mesures prises pour réagir à la pandémie de grippe H1N1 et les résultats obtenus nous ont appris beaucoup de choses qu'il importe de retenir. Nous ne pouvons nous permettre d'être désinvoltes. La FCE devra mener un deuxième sondage auprès des enseignants pour savoir si l'expérience de l'épidémie de grippe H1N1 a modifié les points de vue. Nous communiquerons volontiers les conclusions de ce sondage au comité, si toutefois elles sont tirées avant que vous ayez achevé votre étude.

Le président : Merci beaucoup. Nous donnons maintenant la parole au représentant de la Fédération canadienne des municipalités.

[Français]

Claude Dauphin, troisième vice-président, Fédération canadienne des municipalités : Monsieur le président, nous sommes très heureux d'être ici ce matin devant vous. Nous représentons la Fédération canadienne des municipalités, notamment son président, M. Cunningham. Comme vous l'avez dit, je suis accompagné de M. Alain Normand, spécialisé dans cette matière, et qui vient de la ville de Brampton, en Ontario.

La Fédération canadienne des municipalités compte environ 1 900 membres. Nous représentons l'équivalent de 90 p. 100 de la population canadienne autant dans les grandes municipalités, dont vous êtes un ancien maire, que les collectivités moins grandes, les plus petites municipalités.

Un des constats que nous faisons, c'est que pour avoir des chances de succès, pour être bien préparés en cas de pandémie, il faut que l'ensemble des gouvernements au Canada travaillent main dans la main, que ce soit aux niveaux fédéral, provincial, territorial et municipal. D'ailleurs, depuis plusieurs années, la Fédération canadienne des municipalités, dans plusieurs dossiers, revient toujours sur ce même message que selon nous, au Canada, la seule façon d'arriver à nos fins et d'être bien préparés, c'est que tous les gouvernements travaillent ensemble.

Nous sommes conscients que beaucoup de progrès ont été accomplis en matière de lutte contre les pandémies. Nous avons eu l'occasion, l'année dernière, de faire une présentation à la Chambre des communes sur la façon d'être bien préparés en cas de pandémie.

Ce que nous avions indiqué à la Chambre des communes à ce moment-là, c'est qu'afin d'assurer la pérennité des principaux services municipaux, dans les circonstances les plus difficiles, nous avons demandé au gouvernement fédéral d'élaborer et d'appliquer, avec le concours des municipalités, un plan national garantissant que les travailleurs de première ligne essentiels soient en sécurité et puissent rester au travail.

Avec les représentants des pompiers et des paramédics on juge que pour ces travailleurs de première ligne essentiels, il faut des mesures pour garantir qu'ils soient en toute sécurité en leur fournissant des vaccins, tout ce qui est antiviral, en premier.

Donc, on parle bien sûr des policiers, des pompiers, des travailleurs qui travaillent avec les eaux usées. À titre d'ancien président de la Société de transport de Montréal, je vais prendre l'exemple de Montréal. Il y a environ 500 000 personnes qui prennent l'autobus chaque jour. Les chauffeurs sont en contact quotidien avec ces personnes. Notre système veut rabattre les autobus dans les stations de métro. On parle donc de plus d'un million de personnes à chaque jour, qui empruntent soit l'autobus ou le métro. Il faut que ces chauffeurs soient protégés et puissent accomplir leurs tâches pour éviter le chaos dans les municipalités.

Sommes-nous prêts en cas de pandémie? Nonobstant les progrès accomplis, nous prétendons que nous ne le sommes pas encore. C'est pourquoi nous sommes ici ce matin avec deux messages principaux. Le premier est qu'il faut que l'ensemble des gouvernements puissent travailler ensemble. Et pour ce faire, selon nous, il faut un plan national canadien en matière de mesures d'urgence, notamment en cas de pandémie. Deuxièmement, il faut que tous les travailleurs de première ligne soient, bien sûr, sécurisés afin de bien pouvoir accomplir notre mandat.

[Traduction]

Environ 270 000 travailleurs de première ligne ont besoin des mesures de protection et de sécurité, et cela touche plus de 3 600 municipalités.

[Français]

Je sais que le temps presse, mais je dois dire que les villes, territoires, provinces, le gouvernement fédéral doivent tous travailler ensemble.

Je terminerai avec les recommandations et conclusions. Avant la prochaine pandémie, la Fédération canadienne des municipalités demande au gouvernement du Canada, premièrement, de faire en sorte que les travailleurs de première ligne, partout au Canada, aient accès à l'équipement, à la formation et aux vaccins nécessaires en temps opportun; deuxièmement, de veiller à ce que suffisamment de vaccins soient disponibles, si nécessaire, pour les travailleurs municipaux essentiels; et, enfin, qu'on communique les détails de cette stratégie aux provinces, aux territoires, aux municipalité et au public canadien.

Monsieur le président, c'était l'essentiel de notre message ce matin : premièrement, un plan national; deuxièmement, tout le monde doit travailler ensemble; et finalement, protégeons nos travailleurs de première ligne qui sont au front en cas de pandémie.

[Traduction]

Greg Furlong, directeur, Association des paramédics du Canada : Bonjour, honorables sénateurs. Je suis surintendant au Service paramédic d'Ottawa et actuellement président de l'Association des paramédics du Canada, mais je suis ici aujourd'hui en qualité de directeur de l'Association des paramédics du Canada.

Je remercie les membres du comité sénatorial d'accorder à l'Association des paramédics du Canada et à ses membres l'occasion de discuter avec eux de l'état de préparation du Canada en cas de pandémie et du rôle des paramédics tout particulièrement. C'est la première fois que nous sommes invités à témoigner devant un comité sénatorial, et nous sommes honorés de pouvoir participer à cet important débat sur la planification en cas de pandémie.

Notre raison d'être est de fournir des services et un soutien à nos collectivités d'un océan à l'autre du pays. Nous savons qu'une pandémie nécessite la mobilisation de tous les professionnels de la santé et des collectivités. Nous sommes là pour aider.

L'Association des paramédics du Canada représente les 23 000 paramédics de tout le pays; elle fait campagne pour l'amélioration des soins aux patients et de leur sécurité. L'association tient à jour son propre profil national de compétence professionnelle, lequel définit les compétences qui façonnent notre pratique professionnelle au Canada. Le profil de compétence est un outil de référence pour l'éducation et la formation des paramédics. Il décrit les traitements et soins que nous prodiguons, ainsi que les interventions que nous menons au quotidien.

Pour bien des patients au Canada, les paramédics font figure de portail d'entrée dans le labyrinthe de notre système de soins de santé. Ainsi, 15 p. 100 des patients accueillis aux urgences des hôpitaux de l'Ontario y sont amenés par des paramédics. Nous faisons partie intégrante des collectivités dans le cadre du continuum de soins qu'offre le système de santé.

Les paramédics sont des professionnels de la santé qui ont une formation très poussée; ils travaillent dans les ambulances, les avions et les hélicoptères. Ils travaillent aussi avec des équipes de soins de santé communautaires dans toutes sortes de contextes, partout au Canada. Notre pratique professionnelle s'adapte aux besoins actuels du système de santé. Nous faisons partie de l'équipe de santé.

Je vais vous dire quelque chose que peu de gens savent. Les paramédics possèdent les connaissances etles compétences nécessaires pour vacciner les Canadiens et ils en ont la capacité. Un examen a posteriori de la crise du SRAS de 2003 et de la pandémie de grippe H1N1 de l'année dernière a permis de tirer des leçons précieuses et a fait ressortir des points positifs.Les paramédics sont souvent une ressource laissée pour compte dans les mesures de sécurité publique et de gestion des situations d'urgence prévues pour se préparer à réagir à une pandémie, pour réduire les dommages, pour lutter contre la pandémie et pour reprendre les activités normales après coup.

Nous pouvons fournir des services dans tous ces domaines, comme en attestent les compétences énoncées dans le profil national de compétence professionnelle. Je peux brièvement vous en décrire quelques-unes. Commençons par l'état de préparation.

Chaque année, les paramédics reçoivent l'information sur la grippe saisonnière et la pandémie. Le cadre des services médicaux d'urgence varie au Canada; ces services peuvent relever des autorités municipales ou provinciales, par exemple.Malheureusement, les paramédics sont considérés comme membres d'une profession de la santé non réglementée dans toutes les provinces sauf trois. Une participation des paramédics dès les premières étapes de la planification permettrait de montrer que ces gens possèdent des compétences et des capacités diverses. Bien qu'à l'échelon local, les plans d'intervention en cas de pandémie intègrent souvent le précieux concours des paramédics, les gouvernements national et provinciaux, dans leurs plans et leur planification, n'accordent que peu de place aux services très utiles que nous rendons aux Canadiens.

Vient ensuite l'atténuation des dommages. Durant la pandémie de grippe H1N1, de nombreux organismes de santé publique ont fait appel aux paramédics pour constituer l'effectif d'appoint des cliniques de vaccination. Les paramédics possèdent déjà les compétences requises pour travailler dans ce milieu intense et dynamique. Nous avons fait la preuve de nos capacités, de notre professionnalisme et de notre savoir-faire quand nous avons administré le vaccin contre la grippe H1N1 à des milliers de citoyens d'Ottawa et de bien d'autres collectivités du Canada. Nous avons prouvé aux organismes de santé publique notre capacité de réagir et de fournir un service essentiel à la communauté.

Je traiterai en dernier lieu de l'intervention. La crise du SRAS nous a fait prendre conscience de la nécessité d'instaurer de meilleures pratiques de contrôle des infections et de nous doter d'un meilleur équipement de protection individuelle pour freiner la propagation de l'infection dans les collectivités. Des procédures de dépistage strictes ont été adoptées depuis lors pour tous les patients qui doivent être transportés dans un établissement, et toutes les personnes pour qui un appel 911 est lancé font l'objet d'une première évaluation menée afin de déceler les signes d'un trouble respiratoire accompagné de fièvre. Ce dépistage permet aux paramédics de prendre les précaution nécessaires avant d'entrer en contact avec la personne malade.

Les améliorations apportées aux lignes directrices en matière de protection contre les infections et de contrôle des infections permettent désormais aux paramédics d'isoler un patient pour lequel un appel au 911 a été lancé aussitôt qu'ils arrivent sur les lieux et d'avertir l'hôpital d'accueil qu'il faut placer cette personne en isolement, réduisant ainsi au minimum le risque de propagation de l'infection.

Dans bien des régions du Canada, les paramédics sont souvent les premiers fournisseurs de soins de santé à constater les effets d'une poussée épidémique et ses répercussions sur nos collectivités. Nous avons besoin de renseignements précis et d'actualité sur les progrès de la grippe afin que les paramédics puissent en être protégés et, ainsi, protéger le public. Nous ne voudrions pas être un vecteur de la grippe tandis que nous prodiguons des soins.

Nous insistons sur la nécessité d'une plus grande interopérabilité et de meilleures communications entre les décideurs, les organismes de santé publique, les responsables des hôpitaux et du gouvernement ainsi que les fournisseurs de soins de santé, c'est-à-dire les médecins, les infirmiers et infirmières et les paramédics. Les renseignements et les données que rassemblent les centres de répartition des paramédics sur les types d'appels et leur emplacement géographique pourraient se révéler précieux pour le suivi des volumes de patients, et aussi des progrès de la maladie dans les collectivités.

Pour terminer, les paramédics sont des professionnels médicaux dont les compétences sont des plus adaptables à un éventail de situations. Notre vocation est de servir la communauté, que ce soit en réponse à un appel à l'aide sur la ligne 911 ou dans la collectivité, par l'administration de vaccins. Nous estimons faire partie intégrante du continuum des soins aux patients. Nous faisons partie intégrante de la communauté des soins de santé et nous pouvons tenir lieu d'effectif d'appoint pour faire face aux événements comme les pandémies.

Au nom de l'Association des paramédics du Canada et de la profession, je vous remercie de m'avoir offert cette occasion de témoigner devant vous.

Le président : Certains d'entre vous avez remis le texte de vos observations, mais pas tous. Si vous voulez le faire, nous l'accepterons avec plaisir.

J'ai une question au sujet des vaccins. C'est M. Simonds, en particulier, qui me l'a inspirée quand il a dit que l'Agence de santé publique du Canada avait décidé que les pompiers, en raison de leur rôle qui est d'assurer la protection et la sécurité, et puisqu'ils fournissent un service essentiel, devaient être parmi les premiers à recevoir le vaccin, mais cela ne s'est pas fait. Il pensait que les municipalités et les autorités sanitaires publiques n'avaient peut-être pas été mises au courant de cette décision. Peut-être pourrait-il expliquer — parce que, bien sûr, il y a le gouvernement provincial entre les uns et les autres — comment cette communication a pu être rompue, et les mesures qu'il a prises pour faire reconnaître cette priorité.

J'aimerais aussi que les autres organismes me disent rapidement comment selon eux la liste des priorités en matière de vaccination devrait être établie, et quel rang occuperait leur organisme dans cette liste.

M. Simonds : Je disais dans mes observations qu'il a été reconnu dès le début que les pompiers devraient figurer dans cette liste de priorité. L'interprétation de cette décision a cependant été plutôt ambiguë, d'un bout à l'autre du pays.

Je peux parler de l'expérience du Nouveau-Brunswick, où je travaille dans un service professionnel. Notre médecin hygiéniste était prêt à appuyer la vaccination du personnel, mais a constaté que les messages échangés entre son bureau et le bureau de l'instance provinciale ne concordaient pas. Je sais que nous n'avons pas été les seuls dans cette situation, puisque plusieurs autres autorités publiques l'ont connue. L'information passant du gouvernement fédéral au gouvernement provincial et ensuite aux municipalités, le message est devenu obscur et considérablement ambigu.

Bon nombre d'entre nous, au niveau local, sommes allés rencontrer les responsables des organismes de santé de notre province pour leur faire comprendre l'importance de la vaccination, et avec le temps, nous sommes nombreux à avoir eu gain de cause, mais trop de temps s'était écoulé depuis le moment où nous avions été écartés.

Vous avez abordé la question des moyens que nous pourrions prendre pour accélérer peut-être le processus — et je pense que mon collègue, M. Furlong, en a parlé —, j'ajouterais que nous avons de nombreux gens de talent à l'Association des paramédics du Canada. Ils constituent une ressource qui aurait absolument pu nous appuyer quand est survenu ce problème de capacité, et le besoin d'un effectif d'appoint. Certaines administrations, en particulier celles dont les services des incendies et les services médicaux d'urgence sont intégrés, ont mis sur pied des cliniques dans ces services pour accélérer la vaccination de leur personnel. Comme l'a dit mon collègue, il serait possible d'en faire autant pour le grand public.

M. Furlong : Je me fais l'écho de ces propos. La majorité des services paramédicaux du Canada reçoivent leurs propres vaccins directement de l'organisme de santé publique parce que ces services s'inscrivent dans les fonctions d'un paramédic. Ainsi, nous avons pu nous administrer mutuellement le vaccin. Dans certaines régions, le rayon de vaccination a été élargi aux trois services, c'est-à-dire aussi aux policiers et aux pompiers, puisqu'ils participent souvent à des interventions concertées pour assurer la protection et la sécurité du public.

C'est ce qui s'est fait à bien des endroits au Canada, selon le degré de disponibilité du vaccin et la liste de priorité établie, mais l'accessibilité du vaccin pose un problème dans les plus petites collectivités.

Le président : Y a-t-il d'autres commentaires sur la liste de priorité et la façon de l'établir?

Mme Donnelly : La Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants ainsi que nos organisations membres, bien sûr, estiment que s'il fallait que les écoles restent ouvertes, les élèves et les enseignants devraient être prioritaires, et que le vaccin devrait être administré à l'école pour que tous les élèves et les enseignants le reçoivent. Je ne pense pas que nos enfants ont tous reçu ce vaccin.

La situation a été inégale dans tout le pays. Les élèves et les enseignants ont été déclarés prioritaires en certains endroits, mais, dans la plupart des cas, ils faisaient partie du reste du public. Or, nous estimons qu'ils devraient être prioritaires.

M. Dauphin : Nous sommes tout à fait d'accord avec les paramédics, les pompiers et les enseignants, mais il nous semble important de dire ce matin qu'il faut y ajouter tous les autres, comme les chauffeurs d'autobus et les employés des travaux publics. Ils sont quotidiennement en contact.

Le président : À ce compte-là, tout le monde va être prioritaire.

M. Dauphin : Nous sommes d'accord avec les travailleurs de la santé, bien sûr, et avec tous ceux qui sont ici aujourd'hui, mais c'est important pour nous, aussi.

Le sénateur Ogilvie : Je suis ravi de tous vous voir, ce matin. Avant d'entamer cette étude, la plupart d'entre nous connaissions le rôle fondamental et de premier plan que vous jouez tous à cet égard dans nos collectivités. Vous avez très bien énoncé les aspects importants de votre rôle. Monsieur Dauphin, vous avez décrit avec concision l'enjeu principal, le caractère essentiel d'une collaboration suivie entre tous les intervenants, depuis les gouvernements fédéral et provinciaux jusqu'aux responsables municipaux et communautaires.

Ce qui me semble ressortir de tout cela, c'est que la volonté d'agir est là depuis la crise du SRAS, en dépit de la complexité des relations entre les autorités en cause. Bien des questions dont vous avez tous parlé ce matin me semblent relativement simples à régler dans le cadre actuel. Il s'agit seulement de mettre au point le système de manière à ce qu'il puisse réagir. Quant à savoir si les chauffeurs d'autobus sont sur la ligne de front, cela dépend probablement du type de pandémie. Dans certains cas, ce pourrait être l'évidence même, dans d'autres, ce serait tout à fait différent.

J'aimerais m'entretenir avec le chef Simonds d'un sujet particulier, en partie parce que je vis dans une région rurale de la Nouvelle-Écosse. Je connais très bien et j'apprécie énormément les services essentiels que vous et, bien entendu, l'Association des paramédics que vous représentez, fournissez à toute notre région. La plupart des membres du service d'incendie de la région sont des volontaires. Parce que vous offrez ces services, non seulement vous êtes pour nous les fournisseurs de soins de santé de première ligne, mais vous nous évitez d'avoir à nous préoccuper de certaines choses, comme de la possibilité de souscrire à une assurance dans certaines régions du pays. Je tiens à affirmer sans équivoque que je suis sensible, comme mes collègues certainement, à l'importance des rôles que vous remplissez. Il me semble que la reconnaissance de votre importance aidera à la mise en œuvre des recommandations que vous avez formulées sur les améliorations à apporter au système pour que tous les problèmes que vous avez signalés et sur lesquels nous nous serons entendus soient réglés pour de bon.

Le réseau scolaire est un autre élément critique, comme les chauffeurs d'autobus, selon le type de pandémie. Dans certains cas, il est clair que les écoles resteront ouvertes. Dans d'autres, comme une épidémie de grippe du genre de celle survenue en 1918, nous savons que la pire chose serait de garder les écoles ouvertes, parce la maladie peut s'y propager à toute vitesse. Les questions que vous avez soulevées sont fondamentales, mais il devrait nous être facile de recommander qu'il en soit tenu compte dans le cadre général, et l'adoption de solutions. Ce n'est qu'un commentaire.

Le président : Y a-t-il des réponses, rapidement, à ces observations, ou puis-je poursuivre?

M. Dauphin : C'étaient de bonnes observations.

Le sénateur Callbeck : Merci à tous d'être ici ce matin. Moi aussi, j'estime important d'avoir ici des travailleurs de première ligne, parce que vous êtes au cœur de l'action.

Monsieur Simonds, vous dites que dans le Plan canadien de lutte contre la pandémie d'influenza dans le secteur de la santé, les pompiers sont prioritaires, mais qu'il n'en a pas été tenu compte. Est-ce qu'il en a été ainsi dans tout le Canada, ou seulement dans certaines provinces et villes?

M. Simonds : En faisant notre analyse, nous avons constaté que c'était arrivé dans plus de 50 p. 100 des cas. Dans certains, je ne dirais pas qu'on n'en a pas tenu compte du tout, mais la directive était ambiguë et mal comprise, et bien des décisions dépendaient de l'interprétation qui en était faite. Donc si ces mesures avaient été plus fermes, ou s'il y avait eu une espèce de processus de vérification ou un moyen par lequel le gouvernement fédéral aurait pu s'assurer que l'objectif du plan était atteint, elles auraient pu avoir l'effet voulu.

Le sénateur Callbeck : La Fédération canadienne des municipalités demande un plan ou des lignes directrices nationales au ministre. D'après vous, la mise en place de ce plan aurait-elle prévenu le problème? Aurait-elle changé quelque chose?

M. Dauphin : Dans notre cas, oui. Je sais que M. Normand l'a vécu sur le terrain. Cependant, ce matin, nous discutions du fait que, au Québec, par exemple, le programme de vaccination a mobilisé beaucoup d'intervenants provinciaux. En Ontario, c'était tout à fait différent. La mobilisation des municipalités était beaucoup plus grande. D'après moi, un plan national s'impose, dans un cas comme celui dont nous discutons aujourd'hui, même s'il s'agit d'un domaine de compétence provinciale. Internationale par définition, la pandémie fait fi des frontières. D'après nous, des lignes directrices nationales seront du moins utiles dans une situation telle qu'une pandémie. C'est quelque chose d'indispensable. Nous devrions avoir un plan national.

Le président : Permettez-moi d'ajouter que les autres personnes présentes, qui prennent place à la table et qui n'ont pas fait de déclaration préliminaire, peuvent également participer au dialogue, si elles le désirent.

Mme Donnelly : Je suis d'accord avec ces observations. Dans les écoles, il y avait beaucoup d'incohérences, non seulement d'un bout à l'autre du pays, mais, également, dans chaque province, parce que les plans de communication relevaient des commissions scolaires. On a chargé les écoles de cette responsabilité ainsi que de celle de communiquer avec les parents de leurs élèves. Entre les diverses commissions scolaires d'une province ou d'un territoire, de même que d'un bout à l'autre du pays, c'était la cacophonie. Elle a créé beaucoup de confusion et d'angoisse. Certaines employaient telle méthode; d'autres, telle autre; quelle était la meilleure?

Je pense qu'il est important de rassurer les gens pour qu'ils se sentent à l'aise. Un plan national qui mettrait tout le monde sur la même longueur d'onde serait rassurant.

Le sénateur Callbeck : Vous préconisez un plan national pour les écoles également?

Mme Donnelly : Oui, nous appuyons l'idée d'un plan national; comment préparer chacun à jouer son rôle, y compris dans le programme de vaccination. Ce plan procurerait ce genre de réconfort. Au niveau de la commission scolaire et de l'école, peut-être faut-il l'adapter à la collectivité, mais si ses grandes lignes étaient en place, ce serait réconfortant. Comme je l'ai dit, nous serions tous sur la même longueur d'onde.

Le sénateur Callbeck : Qui vous a tenus informés?

Mme Donnelly : Nos organismes membres nous ont informés. Notre organisation en compte 16 qui représentent les territoires et les provinces. À leur tour, ils sont informés par les enseignants de leurs écoles. Bien sûr, nos membres y mettent du leur. Nos enseignants également nous informent directement. Nous les avons sondés, ce qui nous a permis de recevoir beaucoup de renseignements, et ils sont directement engagés dans ce sondage.

Le sénateur Callbeck : Vous avez joué un rôle de conseiller auprès des écoles, n'est-ce pas, et des commissions scolaires?

Mme Donnelly : Nous n'avons pas conseillé les commissions scolaires. Nous ne les représentons pas. Nous représentons les organismes d'enseignants. Nous rédigeons des recommandations pour eux. Tous ces organismes, faut- il le préciser, ont également renseigné les enseignants dans leurs écoles. Les commissions scolaires ont également fourni de l'information.

Le sénateur Cordy : Vos observations sur la nécessité de la vaccination et celle de préparer les intervenants de première ligne sont extrêmement pertinentes. Je suis convaincue, monsieur Simonds, que la vue de toutes ces personnes qui ont essayé de couper dans les files d'attente, ce qui a été très médiatisé, vous a irrité. Je sais que, en Nouvelle- Écosse, les équipes sportives ont soulevé ce genre d'émotion chez les intervenants de première ligne tels que vous.

En ma qualité d'ex-enseignante, je dois poser la première question à Mme Donnelly : on est enseignant pour la vie. Vous avez dit que les enseignants d'écoles primaires ont l'impression de vivre dans une boîte de Petri. J'ai été enseignante au primaire, et, en effet, vous avez parfaitement raison, à cause de tous les tousseurs et renifleurs qui n'utilisent pas nécessairement le creux de leur coude, comme on nous l'a enseigné à faire.

Vous avez notamment parlé du rôle des parents. Pour ouvrir, les écoles ont besoin de leur entière collaboration. C'est- à-dire que les parents ne devraient pas envoyer leurs enfants malades à l'école. En théorie, cela semble parfait, cela ne devrait pas se produire. Cependant, dans les faits, nous ne vivons plus comme il y a 30 ans, lorsque, dans 99 p. 100 des familles, un parent restait à la maison. Ce n'est plus vrai. En fait, c'est très rare. Ce l'était déjà, il y a 10 ans, quand j'enseignais, et les choses n'ont pas changé.

Dans toutes les écoles primaires où j'ai enseigné, il n'y avait pas de place pour les élèves malades. Ils aboutissaient chez le principal ou à l'entrée de son bureau et ils attendaient que quelqu'un vienne les chercher. Les municipalités ont- elles prévu quelque chose pour les élèves victimes de la pandémie? La chance nous a souri, car la dernière pandémie n'a pas été aussi mauvaise qu'elle aurait pu ni aussi mauvaise que, peut-être, la prochaine. Les enseignants participent-ils au processus de planification régionale en cas de pandémie, notamment pour la conduite à tenir à l'égard des élèves malades, lorsque les écoles sont ouvertes? La théorie, c'est une chose; la pratique est tout autre.

Mme Donnelly : Merci pour votre question. Vous avez absolument raison; on continue d'envoyer des enfants malades à l'école. Bien entendu, on ne peut pas les garder à la maison à chaque petit rhume, mais quand la pandémie frappe, elle touche tout le pays, et nous devons sensibiliser les parents pour les inciter à avoir un plan pour garder leurs enfants malades à la maison. Ce virus dangereux se propage continuellement et de cette manière. Nous devons mieux sensibiliser nos parents à la gravité de la pandémie. C'est beaucoup plus qu'un simple petit rhume.

Pour répondre à votre question, à savoir si on a prévu des endroits pour accueillir les élèves malades dans les écoles, cela arrive parfois. Encore une fois, la situation varie d'une école à l'autre, d'une commission scolaire à l'autre et d'une province ou territoire à l'autre. Dans certaines écoles, un local peut accueillir des élèves malades, mais si leur nombre s'élève, cela devient un centre de santé. Cela ne fait pas partie de leurs attributions. La tâche devient difficile, parce que le rôle du personnel n'est pas de surveiller tous ces enfants malades.

Faisons-nous partie de ce plan? Nous en faisons partie à l'échelle de nos commissions scolaires ou à celle de nos propres écoles. Nous ne faisons pas partie d'un plan à plus grande échelle. Je pense que ce plan est peut-être celui dont M. Dauphin parlait quand il a réclamé la cohérence et la communication entre les différents niveaux.

Nous serions absolument ravis et heureux de collaborer avec les municipalités à l'élaboration d'un plan visant la situation que vous décrivez. Actuellement, ce n'est pas le cas, et les écoles n'ont pas toutes un endroit pour accueillir les élèves malades ni le personnel pour surveiller ces enfants.

Le sénateur Cordy : Monsieur Furlong, je ne savais pas que les ambulanciers paramédicaux pouvaient administrer des vaccins. Je vous remercie de me l'avoir appris. Vous avez dit que, à Ottawa, ils participaient au programme de distribution de vaccins. Jouaient-ils ce rôle à la grandeur du pays?

M. Furlong : Tout dépendait de la province ou du territoire. Ottawa a facilité l'éclosion de ce programme, quand nous avons constaté que les centres de dépistage de la région étaient débordés par le programme de vaccination.

Nous nous vaccinons mutuellement chaque année, contre la grippe saisonnière ou la grippe pandémique. L'Agence de la santé publique du Canada a réclamé notre aide et nous a demandé si nous pouvions nous occuper de cela? C'est ainsi que les choses ont commencé.

Dans les centres de dépistage, les gens étaient étonnés. Ils ignoraient que nous pouvions nous occuper de cela. Le problème est l'absence de règlement régissant l'intervention des ambulanciers paramédicaux. Nous avons entendu également le premier groupe de témoins évoquer cette difficulté.

Le sénateur Martin : Ma question découle de celle du sénateur Cordy. Merci beaucoup, d'abord, pour votre travail et pour le degré de confiance que le public a en vous. Nous sommes reconnaissants à toutes vos associations et à tous vos membres.

Ma question porte, monsieur Furlong, sur votre exposé, c'est-à-dire sur vos propos concernant votre sous-utilisation, la capacité de pointe, l'éventuelle optimisation des ressources dont nous disposons et la meilleure façon de les optimiser. À certains égards, vous avez déjà répondu à la question. En ce qui concerne les associations représentées ici, aujourd'hui, comment pouvons-nous mieux utiliser les ressources actuelles? Que faut-il faire à cette fin? Prenons-nous déjà les mesures en ce sens? La question de la capacité de pointe a été soulevée dans le groupe précédent de témoins. Comment pouvons- nous renforcer cette capacité et à quelles mesures pourrions-nous penser, dans les préparatifs à faire en vue de la prochaine pandémie? Cette question s'adresse à tout le monde.

M. Furlong : Du point de vue de l'ambulancier paramédical, cela représente un changement dans les compétences qu'on exige de lui et dans l'évolution rapide de la profession. Il y a 15 ans, nous sommes passés d'un rôle qui consistait à conduire les patients à l'hôpital à une profession qui exige trois années d'instruction et un ensemble dynamique de compétences que nous pouvons nous approprier et dont nous pouvons nous servir ailleurs. Cette évolution rapide, survenue en si peu de temps, a pris le public de court. Il ne connaît pas encore toutes les nouvelles facettes de la profession. C'est ce qui explique probablement le rattrapage actuel dans les mentalités. On reconnaît désormais le champ défini de notre activité, les compétences particulières que nous pouvons utiliser.

Jamais auparavant, on n'avait réclamé ces compétences. À l'échelon municipal, on le constate à la faveur de notre apport à la santé publique, parce que, à ce niveau, le groupe de travail est petit. En passant à l'échelon provincial puis national, il devient plus nombreux, et notre participation se situe davantage en retrait. La principale addition à notre tâche concerne probablement la capacité de pointe, parce que, en même temps, nous sommes au courant des appels journaliers acheminés au numéro 911. Peu importe la situation, qu'on soit au milieu d'une catastrophe nationale ou d'une pandémie, il y aura, tous les jours, des crises cardiaques et des naissances. Nous devons répondre à ces besoins en même temps que nous devons assurer la capacité de pointe.

M. Dauphin : Comme je l'ai dit, la question est complexe, mais nous avons besoin d'un système. Ma province est jalouse de ses compétences. Cependant, en tant qu'ex-député à l'Assemblée nationale du Québec, je pense que, dans une situation comme la protection civile, nous pourrions demander au gouvernement fédéral de préparer le plan national. À partir de là, nous pourrons tous travailler ensemble. Nous sommes un grand pays. C'est pourquoi je pense que nous pouvons y parvenir.

Alain Normand, membre, Groupe de travail sur la pandémie, Fédération canadienne des municipalités : Le système est une question importante. On tient beaucoup à répondre aux besoins en cas de brusque accroissement de la demande. Beaucoup de groupes sont prêts à fournir soutien et aide. La Société canadienne du sang partage à peu près ces idées. On pourrait faire appel à elle pour administrer les vaccins également. Le système ne vise pas à faciliter ce genre de choses à l'échelle nationale. Il fonctionnera dans une province ou territoire et peut-être pas dans un autre. On pourrait rappeler beaucoup d'infirmières, de médecins et d'ambulanciers paramédicaux à la retraite, mais aucun système ne nous permet de communiquer avec eux. Les municipalités, les petites notamment, ne sont pas équipées pour le faire. Les grandes peuvent posséder un système, mais nous avons besoin d'un système national. Nous avons besoin d'orientations et d'une direction à ce point de vue.

Mme Donnelly : Je tiens à brosser un tableau des systèmes scolaires et à reconnaître l'importance d'un véritable plan, si nous voulons garder ouvertes nos écoles.

Nos classes ont changé au cours des 30 dernières années. Je sais que vous en êtes tous conscients, mais un élève sur cinq manifeste un besoin particulier. Certains de ces besoins sont des cas lourds, qui exigent une assistance médicale. On confie un certain nombre de nos élèves à des aides-enseignants. Quand ces aides tombent malades, nous n'avons pas le personnel compétent pour garder ces élèves.

Une commission scolaire avait annoncé que les écoles restaient ouvertes. Même si les aides-enseignants étaient malades et n'étaient pas remplacés, les élèves devaient rentrer. Au personnel de l'école de les accompagner et de leur prodiguer les soins nécessaires. Les enseignants étaient mal à l'aise, parce qu'ils ne sont pas formés à cela. Il est difficile de trouver un aide-enseignant ou un enseignant suppléant qui donnera ces soins. Ce sont des choses auxquelles nous devons également être sensibilisés.

Le sénateur Martin : J'ai moi-même enseigné au secondaire et j'ai dû, une fois, m'occuper d'un élève diabétique qui présentait un risque élevé. C'était une situation d'urgence à laquelle je n'avais pas été parfaitement formée. Heureusement, tout s'est bien terminé, mais la situation aurait pu être désespérée.

Si on y pense, les écoles ont un auditoire captif, y compris les parents intéressés, et elles diffusent de l'information essentielle. Les enseignants portent de nombreuses casquettes. Merci donc pour le travail que vous faites.

Le président : Une petite question, la dernière, du sénateur Callbeck.

Le sénateur Callbeck : Je tiens à revenir au plan national, dont il a été question de nombreuses fois ce matin. Beaucoup parmi vous ont expliqué pourquoi nous en avions besoin. Cela me semble très logique.

La Fédération canadienne des municipalités a écrit au ministre de la Santé, en juillet 2009. Vous a-t-il répondu ou vous a-t-il rencontrés? En quoi sa position a-t-elle évolué?

M. Dauphin : Nous en avons discuté ce matin. La réaction du ministre ainsi que de M. Butler-Jones a été très encourageante. Nous avons des échanges réguliers et fructueux avec eux, mais, dans le même temps, nous réclamons encore, comme ce matin, un plan national. Je ne pense pas qu'ils soient contre.

M. Normand : Le problème réside dans la mise en œuvre. La volonté de collaborer existe, nous discutons entre nous, mais, au moment de passer à l'acte, nous constatons que le virus H1N1 n'a rien amené de concret. Les recommandations que nous avons faites n'ont pas eu directement de suite.

Sur la question de la communication, des journaux ont publié des annonces sur la pandémie, et le gouvernement fédéral a donné des lignes directrices générales sur les personnes qui devaient se faire vacciner. Les provinces ont publié des lignes directrices sur les endroits où on pouvait se faire vacciner et sur les intervenants qui étaient autorisés à administrer les vaccins. Ensuite, il y avait des lignes directrices municipales, qui renseignaient sur les endroits où on pouvait obtenir les vaccins. Pourquoi ne pourrions-nous pas mettre sur pied un genre de collectif, que l'on mettrait au travail pour obtenir un message qui informerait le public? Parfois, c'était la confusion. C'est pourquoi nous devons ne pas nous arrêter aux discussions. Nous devons être prêts à passer ensemble à l'action.

Mme Donnelly : Cet état de préparation est important. Nous avons sondé nos enseignants en octobre dernier. Si nous avions attendu deux semaines, nous pensons que nous aurions obtenu des réponses différentes sur le degré avec lequel cet état de préparation les rassurait, parce que l'automne dernier a été fertile en événements. En fait, des enseignants mouraient. Un certain nombre d'enseignantes enceintes sont mortes, un peu partout au pays, ce qui a vraiment soulevé des inquiétudes.

Quand le Dr David Butler-Jones s'est vraiment chargé de toute la direction des opérations, avec le concours des médias, il a vraiment rassuré les gens. Chaque communiqué émanant de son bureau et signé par lui parvenait aux écoles. Les commissions scolaires diffusaient cette information aux écoles, ce qui a calmé la situation et énormément soulagé les gens.

Cela me ramène au plan national. Voilà qu'il y avait ce médecin, dont l'autorité avait une envergure nationale, qui dirigeait toutes les opérations, ce qui rassurait les gens. Si un plan national existait, les gens auraient l'impression que nous sommes tous dans le coup, ensemble; ils en retireraient un plus grand réconfort. Ce réconfort donne confiance dans la réalisation de ce plan.

Le président : C'est sur cette note que nous allons terminer cette portion de notre séance. C'était notre deuxième groupe de témoins. Merci à vous tous de nous avoir éclairés dans notre réflexion sur la manière dont les choses se sont déroulées dans nos villes et dans nos campagnes.

Nous accueillons maintenant notre dernier groupe de témoins pour traiter de l'état de préparation en cas de pandémie à l'échelon local. Le groupe précédent représentait les premiers intervenants et nous allons maintenant nous pencher sur le rôle joué par le secteur privé.

Nous recevons quatre témoins. John Neily est directeur, Sécurité nationale et sécurité publique, au Conference Board du Canada. Il vient de prendre sa retraite comme cadre supérieur à la GRC où il a acquis une expérience considérable dans l'élaboration de politiques stratégiques en matière de sécurité nationale et de protection du public.

Suzanne Kiraly est vice-présidente exécutive, responsable des relations gouvernementales pour l'Association canadienne de normalisation. Depuis plus de 23 ans, elle a pu accumuler une connaissance approfondie du milieu des affaires ainsi qu'une vaste expérience de la gestion au sein de différentes divisions de l'ACN.

Nous accueillons aussi Gian Di Giambattista, directeur de la gestion des mesures d'urgence et de la continuité des opérations pour Ontario Power Generation (OPG). Il est responsable de la gestion des programmes de maintien des opérations en cas d'urgence et de l'intégration des différents éléments fonctionnels, comme la sécurité physique et cybernétique, la continuité des activités, l'environnement et les affaires organisationnelles. En 2006, il a pris en charge la mise en œuvre du plan d'OPG pour lutter contre la pandémie d'influenza.

De RiskAnalytica, nous recevons Paul Smetanin, président et chef de la direction. Entreprise autogérée de gestion scientifique, RiskAnalytica se spécialise depuis 2001dans les services d'analyse et d'évaluation indépendants permettant d'éclairer les décisions en matière de politiques, d'affaires et d'investissements.

Bienvenue à tous. Nous allons commencer avec M. Neily du Conference Board du Canada. Vous disposez de cinq minutes pour votre déclaration préliminaire.

John Nelly, directeur, Sécurité nationale et sécurité publique, Conference Board du Canada : C'est un plaisir pour moi d'être ici au nom du Conference Board du Canada et des membres de nos différents réseaux.

Au fil des quatre dernières années, le Conference Board a établi deux réseaux distincts grâce auxquels nous avons mobilisé des Canadiens des secteurs public et privé relativement à différents enjeux touchant les pandémies. Après avoir commencé bien sûr avec le virus H5N1, nous avons créé, une fois la pandémie de H1N1 déclarée, le groupe d'intervention en cas de pandémie.

Les observations que je vous soumets aujourd'hui découlent d'une série d'ateliers que nous avons tenus à la suite du travail du groupe d'intervention. Nous avons produit un rapport écrit, mais il est malheureusement en cours de révision. Je verrai à ce que le greffier du comité en reçoive des copies en nombre suffisant dès que ce travail sera terminé.

Mes commentaires d'aujourd'hui s'appuient donc sur ce rapport qui s'intitule Learning from H1N1 : Maintenance and Momentum. Nous avons demandé aux participants aux ateliers ce qu'ils ont appris, comment on pouvait changer les choses et quels ajustements nous devrions apporter à nos plans d'avenir. Nous misons pour ce faire sur d'autres travaux qui ont mené à la production de trois rapports précédents.

Si j'essaie de regrouper les difficultés qui nous ont été signalées, il y aurait d'abord toute la question des éléments déclencheurs. C'est une observation qui revient lorsque d'autres groupes nous parlent des problèmes qu'ils ont éprouvés. Il va de soi que la pandémie avec laquelle nous avons dû composer n'avait rien à voir avec ce que bon nombre d'organisations avaient planifié. Certaines hypothèses ont donc été remises en question dès le départ et la capacité d'adaptation des équipes de gestion de crise a été la clé de la réussite et d'une mobilisation efficace des employés aux fins des mesures de protection et d'intervention requises. Les organisations qui avaient inclus dans leurs plans les éléments déclencheurs définis par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour lancer certaines interventions ont dû constater que leur réalité régionale pouvait être différente. De nombreux enseignements ont pu être tirés de cette expérience pour les participants et les Canadiens dans leur ensemble.

Les éléments déclencheurs utilisés par l'OMS étaient fondés sur le degré de propagation, et non sur la gravité. Bien des organisations cherchaient plutôt les moyens les plus efficaces d'évaluer la gravité en collaboration avec leurs partenaires en vue d'établir des prévisions vraiment significatives. La prise en compte des circonstances particulières était essentielle et les organisations qui ont consulté le plus de sources possible en plus de leurs propres systèmes internes ont rapidement été à même de s'y retrouver dans l'embrouillamini d'information afin d'assurer des communications efficaces tant à l'interne qu'à l'externe.

La question de la gravité devrait être abordée avec soin aux fins d'une planification efficace des interventions par les organisations de tout le pays, tant dans le secteur public que dans le privé. Nous félicitons les experts du secteur de l'électricité, menés par l'équipe de crise d'Ontario Power Generation pour leurs efforts de sensibilisation à l'importance de l'évaluation de la gravité.

Des communications internes efficaces ont permis une intervention solide et bien coordonnée dans certaines organisations. Les communautés ou les organisations dont les communications étaient basées sur des liens de confiance où la collaboration efficace entre entités bien établies à l'interne, comme avec des partenaires, se sont mieux tirées d'affaire que celles où les communications étaient déficientes.

Les employés et leurs familles, de même que les dirigeants d'entreprise et les gestionnaires du secteur public, avaient accès à de l'information en tout temps en dehors du lieu de travail. Souvent, ces renseignements étaient contradictoires ou prêtaient à confusion, surtout au sein des organisations dont les lieux de travail se trouvaient dans différentes régions dont les autorités sanitaires respectives géraient les interventions chacune à leur manière. Il faut non seulement vanter les mérites de mesures fructueuses comme la vaste campagne de sensibilisation sur l'hygiène personnelle et la responsabilité individuelle, mais aussi en assurer le maintien.

À l'avenir, il faudra absolument veiller à ce que les messages diffusés tiennent compte des réalités régionales. Les organisations qui ont misé sur la confiance et le mieux-être de leurs employés ainsi que sur un dialogue honnête et qui ont trouvé des moyens efficaces d'intégrer les familles et les proches de leurs employés peuvent témoigner des succès obtenus. Elles ont toutefois également indiqué qu'elles souhaitaient trouver une façon d'évaluer l'efficacité de leurs communications pour en déceler les lacunes manifestes ou les problèmes à régler en vue d'en arriver à une approche mieux adaptée à la nature dynamique de la propagation d'une maladie.

Les communications externes ont aussi revêtu une importance capitale. Bien des organisations ne disposant d'aucun moyen en ce sens se sont soudainement rendu compte de la nécessité de maintenir des liens le long de la chaîne d'approvisionnement de telle sorte que les activités de préparation et les interventions puissent s'y articuler efficacement, en amont comme en aval. Tous ont ainsi été forcés d'échanger des informations et des plans, quand il ne s'agissait pas pour certains d'aider des partenaires à préparer leur propre plan.

Les organisations qui ont fait état de nouvelles relations avec les autorités régionales et locales de la santé ont indiqué que cette sensibilisation au contexte de fonctionnement avait eu des effets bénéfiques dans toute l'organisation. Autre partie à ce dialogue, les autorités régionales et les responsables de la santé publique ont pu se faire une idée bien concrète des répercussions au sein de leur région et de leurs communautés, ce qui leur a permis de vérifier l'efficacité de leurs plans et interventions, et d'apporter des ajustements au besoin.

Les organisations qui ont réagi efficacement à la pandémie sont celles qui ont pu se montrer flexibles grâce à la coordination et à la planification. Les organisations et les communautés qui ont considéré la pandémie comme une simple urgence en matière de santé ne se sont pas rendu compte des connexions évidentes révélant la nécessité de mobiliser les forces plus globales des partenaires communautaires et organisationnels, alors que les interventions devaient s'appuyer sur un maintien efficace des activités, une réflexion approfondie et un engagement dans la gestion des mesures d'urgence.

On peut conclure de cette expérience qu'il est nécessaire pour les dirigeants d'inclure les risques de pandémie dans le plan de travail de leur organisation. La grippe saisonnière offre une belle occasion de renouveler les efforts de planification et les messages portant sur l'hygiène personnelle en continuant de miser sur la confiance des employés, de leurs familles et des citoyens dans leur ensemble. Dans bien des collectivités canadiennes, c'est l'employeur principal qui établit la tendance et donne le ton. Plusieurs grandes entreprises l'ont compris et ont pu ainsi mobiliser leur communauté pour réagir efficacement.

Lorsqu'on leur a demandé ce qu'ils feraient différemment, les membres du réseau et les participants à l'atelier ont formulé différentes observations. On a notamment fait valoir qu'il fallait continuer à établir des relations avec les intervenants; revoir les éléments déclencheurs pour s'assurer qu'ils sont conformes au contexte organisationnel et à l'information disponible; veiller à ce que les plans prévoient une certaine marge de manœuvre et à ce qu'on soit prêt à faire le nécessaire pour miser sur cette souplesse; intégrer la préparation aux pandémies dans le régime de gestion des risques des entreprises et des gouvernements; intégrer la préparation aux pandémies dans les exigences contractuelles liant les entreprises; et trouver une façon de permettre au secteur privé de contribuer à l'amélioration du système de distribution des vaccins.

Tous ont exprimé la même préoccupation première. Il faut que les risques de pandémie demeurent au cœur des priorités des décideurs et des dirigeants devant affecter les ressources nécessaires pour le maintien d'efforts modérés, mais constants, dans la planification en vue de l'éventuelle éclosion d'autres maladies. On ne voulait surtout pas que l'on se repose sur ses lauriers en sombrant dans la complaisance.

Suzanne Kiraly, vice-présidente exécutive, Relations gouvernementales, Association canadienne de normalisation : Au nom de l'Association canadienne de normalisation, je vous remercie de m'avoir invitée et de me donner l'occasion de comparaître devant vous pour discuter de l'état de préparation du Canada en cas de pandémie ainsi que des enseignements tirés de la pandémie de grippe A H1N1 en 2009.

D'abord et avant tout, permettez-moi de vous dire que l'ACN joue un rôle actif dans le secteur de la santé. Nous avons plus de 150 normes dans ce secteur et plus de 700 experts qui travaillent bénévolement pour nous dans le système des soins de santé. Nous nous intéressons également à la gestion des urgences; nous avons établi notre première norme en la matière dans les années 1990, et instauré en 2008 une norme détaillée intitulée Z1600 Programmes de gestion des mesures d'urgence et de continuité des activités.

L'ACN compte également de nombreuses normes dans des secteurs connexes, y compris l'équipement de protection personnelle — protection chimique, biologique, radiologique et nucléaire — et l'optimisation de la conception des installations de soins.

Comme les membres du comité le savent sans doute, l'ACN a tenu à l'occasion de la pandémie de 2009 une table ronde nationale pour discuter des points forts et des lacunes de la préparation canadienne en cas de pandémie. Cela nous a permis de nous inspirer de cette expérience concrète pour améliorer notre norme de planification d'urgence de manière à mettre un outil pratique et efficace à la disposition des gouvernements et de l'industrie.

Dans le cadre de ce processus, il a été convenu que les recommandations formulées à l'issue de cette table ronde pourraient contribuer à l'amélioration du Plan canadien de lutte contre la pandémie d'influenza dans le secteur de la santé. Les participants nous ont en effet exhortés de diffuser leurs recommandations afin de pouvoir livrer une lutte plus efficace aux prochaines pandémies dont la gravité pourrait s'accentuer.

Notre rapport rendu public le 8 juin 2010 s'intitule Témoignages des intervenants de première ligne lors de la pandémie de grippe A H1N1 : Livre blanc sur ce que le Canada pourrait améliorer la prochaine fois.

Le rapport portait spécifiquement sur les défis et les possibilités qui s'offrent aux professionnels des services d'urgence et des soins de première ligne au cours d'une pandémie et faisait état des points de vue de différentes organisations dont l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, l'Association canadienne des médecins d'urgence et le Collège des médecins de famille du Canada, pour n'en nommer que quelques-unes.

Tous les participants à la table ronde ont convenu que le Plan canadien de lutte contre la pandémie d'influenza dans le secteur de la santé établi en 2006 est un pas dans la bonne direction pour atténuer les risques de maladie grave et de décès durant une pandémie, mais qu'il fallait en faire davantage pour mieux préparer le Canada et les Canadiens à de futures pandémies, quel qu'en soit le degré de gravité.

J'aimerais vous faire part de deux des nombreuses recommandations formulées à cette occasion et en ajouter une troisième que l'ACN a soumise au gouvernement fédéral.

Premièrement, l'ACN et la table ronde des experts estiment que les plans du Canada en matière de pandémie doivent miser sur une assise commune de mesures préparatoires à l'échelon local. Cet effort en matière de formation, de préparation, de processus et d'interopérabilité est requis au niveau des unités de soins de santé, des travailleurs de première ligne et des premiers intervenants afin d'assurer l'application d'une norme nationale de soins et d'une capacité de soutien mutuel, peu importe l'endroit où l'on retrouve au Canada l'expertise et les compétences voulues.

Pour assurer l'efficacité d'un plan d'urgence, on préconisait une approche plus uniforme en matière d'éducation, de planification et de mobilisation à tous les échelons du système de santé, des premiers intervenants jusqu'aux infirmières en salle d'urgence. Nous estimons cette approche absolument essentielle pour assurer l'efficacité des interventions, des traitements et de la gestion des soins au cours d'une pandémie ou d'une crise nationale.

En second lieu, je crois que tous les Canadiens conviendront que si le gouvernement fédéral a droit à beaucoup de crédit pour ses communications avec la population et les différents intervenants au cours de la pandémie, il demeure nécessaire d'assurer une meilleure coordination entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux pour diminuer les risques de désinformation et de confusion dans le discours public. Il est essentiel de veiller à ce que les médecins de famille, les pompiers et les instances gouvernementales aient toujours accès à une information cohérente. Je crois que nous pouvons tous nous rappeler d'une situation où nous avons allumé notre téléviseur ou accédé à Internet pour découvrir que des experts y défendaient des points de vue divergents sur l'état de la pandémie et les mesures à prendre par la population.

À notre époque de couverture médiatique 24 heures par jour 7 jours par semaine et d'avancées technologiques permettant aux Canadiens d'avoir accès à l'information d'un simple clic, il nous faut absolument assurer la cohérence de nos messages et de nos communications dans les situations de pandémie ou de crise nationale.

Ce besoin de cohérence devrait avoir préséance sur les préoccupations plus générales au sujet des secteurs de compétence. L'ACN et sa table ronde d'experts recommandent qu'en plus de créer un organe intégré pour les communications fédérales, provinciales et territoriales composé de médecins-chefs et d'experts en gestion de sinistre, les trois ordres de gouvernement travaillent à l'établissement d'un réseau de communication en matière de soins primaires et de services d'urgence afin de rejoindre les travailleurs de première ligne à l'extérieur du milieu hospitalier au cours d'une pandémie. Nous parlons ici des médecins de famille, des travailleurs des cliniques sans rendez-vous, des préposés aux soins à domicile et aux centres de soins de longue durée, et des premiers intervenants.

L'ACN estime qu'il serait très utile de concevoir des modèles et des outils normalisés à l'échelle nationale pour la planification en cas d'urgence tant pour le secteur des soins de santé que pour les petites et moyennes entreprises. Dans le cas de la santé, ces modèles porteraient notamment sur l'acquisition, la distribution et l'administration des vaccins; l'utilisation des antiviraux; et la gestion des campagnes nationales d'inoculation, de communication et de mise en quarantaine. Pour les petites et moyennes entreprises, on traiterait de la planification des mesures d'urgence et du maintien des activités ainsi que des protocoles pour les congés de maladie et la vaccination.

Dans le courant de l'été, l'ACN a discuté avec des représentants de l'Agence de la santé publique du Canada, de Santé Canada, de Sécurité publique Canada et du Cabinet du Premier ministre afin de déterminer si l'on souhaitait que l'ACN organise un dialogue national entre les principaux experts canadiens en planification d'urgence pour déterminer la meilleure façon d'élaborer ces modèles et ces outils en prévision des pandémies et des crises nationales. Je peux vous assurer que nos interlocuteurs ont très bien accueilli cette offre et que nous nous penchons actuellement sur les moyens à mettre en œuvre pour que ce dialogue national se concrétise.

Compte tenu des compétences respectives du gouvernement fédéral, des provinces et des territoires, il est particulièrement difficile d'établir au Canada une approche véritablement nationale et intégrée de la gestion des mesures d'urgence. C'est une réalité dont nous sommes tous conscients. L'ACN estime toutefois que lorsqu'il est question de sécurité nationale et de santé publique, il faut transcender ces questions de compétence pour s'assurer de mettre à l'avant-plan la protection des Canadiens et de leurs familles.

En terminant, monsieur le président, bien que l'ACN ait déjà distribué une copie du rapport de la table ronde d'experts aux membres du comité, je tiens à en déposer officiellement un exemplaire pour vous guider dans la poursuite de cette importante étude. Je me ferai un plaisir de répondre à toutes vos questions.

Le président : Merci beaucoup.

Gian Di Giambattista, directeur, Gestion des mesures d'urgence et continuité des opérations, Ontario Power Generation Inc. : Bonjour, honorables sénateurs. Merci de me donner l'occasion de vous parler de notre expérience en matière de planification, notamment dans le cas de la pandémie de grippe A H1N1, et de formuler certaines recommandations concernant des améliorations possibles.

Comme vous le savez, OPG est une organisation ontarienne produisant environ 60 p. 100 de l'électricité de la province. Compte tenu de la place que nous occupons dans l'infrastructure provinciale offrant ce service essentiel, nous n'avons pas la possibilité de cesser nos activités durant une pandémie, une stratégie à laquelle certaines entreprises ont recours.

Nous avons amorcé notre planification en vue d'une pandémie en 2005 pour la terminer en 2008. Notre plan est fondé sur différentes hypothèses, des mesures d'application progressive et 11 protocoles, notamment en matière de ressources humaines, de communications et de nettoyage.

Le plan prévoit des taux d'absentéisme de 20, 30 et 40 p. 100 au plus fort de la crise, selon la gravité de la maladie. Les décisions sont prises en fonction des risques au niveau local et des phases d'alerte de l'Organisation mondiale de la santé.

Des analyses des répercussions sur les opérations ont été menées pour cerner les risques, les processus, les employés et les systèmes touchés ainsi que les priorités en matière de rétablissement. Pour les fonctions essentielles, des plans de maintien des activités ont été élaborés.

Nos activités préparatoires incluaient l'achat d'antiviraux à titre préventif pour tous les employés et une formation polyvalente lorsque cela était possible. Dans le cas de notre organisation, ce n'est pas toujours réalisable, car certains postes exigent des années de formation approfondie et d'expérience en plus d'une accréditation. Nous avons aussi procédé à une étude sur les troubles respiratoires et stocké des respirateurs, des masques, des jaquettes, des gants et du désinfectant pour les mains. Nous avons implanté des procédures spéciales de nettoyage et envisagé de possibles mesures d'isolement social.

Nous avons validé nos plans en les soumettant à des examens approfondis par les pairs et les cadres. Nous avons procédé à une vérification externe en plus d'effectuer de nombreux exercices de simulation avec l'aide d'intervenants de l'extérieur et d'instances réglementaires.

Nous avons géré bon nombre des inconnues et des autres risques en mobilisant les cadres et en communiquant avec les employés au cours du processus de planification ainsi qu'à l'étape de l'intervention. Nous avons obtenu la participation de nos syndicats, travaillé en réseau avec tous les ordres de gouvernement et d'autres responsables de l'infrastructure essentielle, évalué différentes stratégies d'approvisionnement et intensifié l'effort de planification pour accroître certains stocks indispensables.

Lorsque la pandémie de grippe A H1N1 s'est amorcée en avril 2009, nous avons réagi en activant notre groupe d'intervention et en définissant des seuils décisionnels pour la mise en œuvre de nos mesures d'application progressive. Il était évident que certaines choses ne se déroulaient pas comme nous l'avions envisagé dans le contexte du virus H5N1. Nous avons tenu nos employés au fait des risques et des mesures de protection qu'ils pouvaient prendre. Nous avons activé de façon sélective différentes parties de nos plans de maintien des activités en fonction des risques locaux.

Nous avons procédé à des essais d'ajustement de nos respirateurs sur des employés désignés et, sous la direction de notre médecin en chef, nous avons utilisé des formulaires de consentement pour les antiviraux et administré le vaccin lorsqu'il est devenu disponible.

Avant même la pandémie de H1N1, nous savions qu'il était important de tenir compte des risques locaux, plutôt que de suivre simplement les orientations générales dictées par une source externe comme l'Organisation mondiale de la santé. La pandémie a toutefois confirmé la nécessité de pouvoir compter sur des plans souples et adaptables. Il faut absolument reconnaître qu'il n'y aura jamais deux pandémies pareilles. Il nous faut éviter de moduler notre préparation en fonction de la dernière pandémie.

Les liens et les réseaux établis à l'occasion de la crise du SRAS et de la grande panne d'électricité ainsi que dans le cadre des groupes de travail public-privé nous ont été d'une grande utilité pour lutter contre la pandémie. Il était particulièrement délicat d'arriver à coordonner les communications internes dans le contexte des renseignements transmis par les médias. Il était prioritaire de bien informer et rassurer nos employés, compte tenu des nouvelles parfois contradictoires concernant la gravité par rapport à la propagation, les répercussions sur des groupes cibles particuliers et les difficultés associées à l'utilisation de vaccins avec adjuvant.

Pour OPG, le taux général d'absentéisme a été sensiblement le même que lors des périodes de grippe saisonnière. Cependant, nous avons aussi pu confirmer que ce ne sont pas tous les employés malades qui demeurent à la maison, et que certains restent chez eux pour d'autres raisons, comme l'inquiétude ou les soins à prodiguer aux proches. Les taux d'absentéisme ont été considérablement plus élevés dans certains postes pour lesquels les exigences d'accréditation rendaient impossible d'offrir une formation polyvalente ou d'embaucher du personnel temporaire. Nous estimons d'autant plus important d'offrir en priorité des antiviraux et des vaccins au personnel affecté aux infrastructures essentielles.

Au cours de la pandémie, il est devenu à peu près impossible de s'approvisionner en fournitures de santé, comme le désinfectant pour les mains. Le maintien de stocks suffisants est donc primordial. Nous comprenons d'autant plus la nécessité de régler les questions liées à la chaîne d'approvisionnement.

Au fil de la pandémie de H1N1, il est devenu évident pour nous que les mesures d'intervention devaient être ciblées en fonction de la gravité, plutôt que de la propagation seulement, comme le faisait alors. J'ai collaboré à cet effet avec plusieurs de mes confrères du secteur de l'électricité. Nous avons conçu une matrice d'intervention basée sur la gravité qui est maintenant intégrée aux lignes directrices de notre secteur en cas de pandémie.

La matrice tient compte des taux de mortalité, d'atteinte de la maladie et d'absentéisme du personnel, ce qui permet aux entreprises d'adapter leurs mesures. Il faudra procéder à d'autres travaux de recherche et d'analyse pour valider ce concept de matrice axée sur la gravité. Je peux vous fournir de plus amples détails à ce sujet si la chose vous intéresse.

En conclusion, il est primordial à notre sens que les autorités sanitaires classent les infrastructures essentielles au rang de leur priorité dans les situations d'urgence, surtout pour ce qui est des antiviraux et des vaccins. En cas de pandémie grave, le secteur de la santé sera affecté si celui des infrastructures essentielles ne parvient pas à maintenir la continuité de ses activités. Les agences de la santé doivent pousser plus loin les recherches et les analyses afin d'accroître l'efficacité de la matrice d'intervention basée sur la gravité.

La pandémie de grippe A H1N1 nous a fourni une excellente occasion de mettre à l'essai nos plans et bon nombre de ceux élaborés par les instances provinciales, municipales et fédérales. Nous allons poursuivre nos efforts concertés avec les autorités de la santé et les autres responsables des infrastructures essentielles pour améliorer notre état collectif de préparation et accroître la résilience de la société canadienne.

Paul Smetanin, président et chef de la direction, RiskAnalytica : Merci, monsieur le président, de me donner l'occasion de prendre la parole devant le comité aujourd'hui. Au moment où le Canada ressort à peine de la pandémie de grippe A H1N1, il est important d'examiner et d'évaluer l'efficacité des mesures prises. Compte tenu de la complexité d'une situation pandémique, il est difficile d'évaluer et de gérer les choses avec certitude en plein cœur de la crise. La plupart des enseignements doivent être tirés avec un peu de recul. Je félicite donc le comité d'avoir entrepris ces audiences et j'ose espérer que le bassin de recherche et de connaissances de RiskAnalytica saura l'assister dans ses délibérations.

RiskAnalytica est un groupe interdisciplinaire de chercheurs qui examinent les questions liées à la santé de la population par l'entremise de l'analyse mathématique. Au moyen des données de surveillance du gouvernement, nous menons des recherches sur les pandémies sous la direction et la supervision des plus grands experts canadiens et internationaux en matière de maladies infectieuses. Nos travaux de recherche indépendants sur la pandémie ont pu être réalisés et diffusés grâce au financement de l'Agence de santé publique du Canada ainsi qu'à une subvention sans restrictions de Hoffmann-La Roche.

Depuis l'éclosion de la pandémie de 2009, RiskAnalytica a multiplié les recherches sur les répercussions économiques et sociales de la pandémie dans tout le pays. Nous avons notamment mené une analyse post-pandémique visant à éclairer le débat quant à la gravité de la pandémie et l'efficacité des mesures canadiennes d'intervention par voie de vaccins et d'antiviraux, tout en essayant de déterminer ce qui aurait pu se produire si la pandémie avait été plus grave.

Sans vouloir minimiser l'importance des hospitalisations et des décès survenus l'an dernier, il faut conclure après mure réflexion que la pandémie de H1N1 n'a pas été très grave dans l'ensemble. Malgré tout, la pandémie a soulevé de nombreuses interrogations, notamment en ce qui concerne les communications, les capacités, le niveau d'intervention et les priorités. Comme la pandémie a été relativement peu sévère, il importe que nos stratégies futures en la matière ne soient pas basées uniquement sur les expériences vécues l'an dernier.

Les recherches réalisées par RiskAnalytica quant aux impacts sociaux et économiques de la pandémie au Canada et aux possibles changement découlant de la période visée ou d'une variation de la gravité, révèlent que sans l'utilisation déclarée d'antiviraux et de vaccins en 2009, la pandémie aurait pu entraîner deux fois plus d'hospitalisations et d'absentéisme chez les employés, près de trois fois plus de coûts pour les soins de santé et presque quatre fois plus de décès.

Il y a toutefois une mise en garde importante à faire à l'égard de ces résultats, car ils sont basés sur les estimations les plus optimistes quant à la période visée et aux taux de vaccination au Canada. Bien qu'il soit toujours difficile de chiffrer avec précision l'effort de vaccination, nous concluons que les interventions misant sur les antiviraux et les vaccins ont généralement été efficaces à l'égard des coûts engagés en 2009, dans le contexte des lignes directrices de l'Organisation mondiale de la santé.

Malgré cette conclusion favorable quant à l'efficacité relative des antiviraux et des vaccins utilisés l'an dernier, nous aurions trois recommandations à formuler en notre qualité de chercheurs habitués aux scénarios de pandémie et de membres de la communauté canadienne.

Nous recommandons dans un premier temps que l'on évite d'établir les plans futurs en prévision des pandémies en se fondant uniquement sur l'expérience de l'an passé. Bien que de nombreux enseignements utiles aient pu être tirés des efforts des instances sanitaires, il faut absolument éviter de sous-estimer la gravité des pandémies à venir. Depuis la crise de l'an dernier, la notion de pandémie est moins abstraite qu'elle l'était auparavant. Comme la pandémie n'a pas été très sévère pour ce qui est des populations touchées, il faut prévoir que tous les problèmes de communication, de distribution et de coordination qui ont été mis au jour à cette occasion seraient considérablement amplifiés dans le cas d'une pandémie plus grave. Nous craignons que les gens évaluent les risques découlant d'une pandémie à la lumière de cette expérience récente et que les discussions ne tiennent pas compte du fait que la pandémie de l'an dernier aurait pu être bien pire.

À titre d'exemple, si cette pandémie avait été plus grave au point d'atteindre un niveau modéré, comme celle de la grippe asiatique de 1957-58, et si les mesures prises l'an dernier demeuraient inchangées, on estime que, dans le meilleur des cas, le taux d'absentéisme aurait augmenté de plus de 20 p. 100, le nombre d'hospitalisations aurait été au moins quatre fois plus élevé et il y aurait eu 13 fois plus de décès que l'an dernier. Nous recommandons qu'une analyse approfondie des différents scénarios possibles soit intégrée à tout processus de planification en vue d'une pandémie de manière à élaborer un plan d'intervention pouvant être adapté en fonction des différentes formes que peut prendre la pandémie.

Notre deuxième recommandation concerne l'utilisation des vaccins en temps opportun. L'an dernier, la pandémie a touché le Canada en deux vagues en raison de l'interruption du processus pandémique. La lente propagation de la pandémie pendant les mois d'été a donné aux autorités de la santé un délai dont elles avaient grandement besoin pour la production, l'approbation et la distribution du vaccin. Malgré tout, il semblerait que le vaccin soit généralement arrivé au Canada juste à temps pour empêcher la seconde vague de la pandémie de toucher le pays avec un maximum d'impact. Notre analyse révèle que si une seule vague de pandémie avait touché le Canada, par exemple si elle avait frappé le pays à l'automne, plutôt qu'au printemps, le vaccin ne serait pas arrivé à temps.

Les processus actuels de production des vaccins et les échéanciers de distribution qui en résultent ne semblent pas permettre de protéger les Canadiens contre les risques d'hospitalisation, de décès et de perturbations économiques qui pourraient s'accentuer advenant une première vague de pandémie plus forte. Par exemple, si le Canada prenait les mêmes mesures que l'an dernier pour contrer une vague unique de pandémie de gravité moyenne, les estimations les plus optimistes indiquent que le taux d'absentéisme serait au moins deux fois plus élevé, que le nombre d'hospitalisations et les coûts des soins seraient multipliés par 10, et que l'on devrait déplorer 31 fois plus de décès que l'an dernier.

En l'absence d'un vaccin disponible pour tous, il faudrait se tourner vers d'autres stratégies d'atténuation, comme la liquidation des stocks fédéraux et provinciaux d'antiviraux, lesquels pourraient ramener une pandémie modérée à une ampleur similaire à celle de l'an dernier, en présumant que les antiviraux seraient efficaces contre la pandémie en question. Le niveau de préparation en vue d'une distribution et d'une utilisation à grande échelle des antiviraux n'a toutefois pas été testé de façon globale l'an dernier, ni jamais auparavant d'ailleurs. Nous recommandons que l'on examine de très près les techniques susceptibles d'améliorer les processus de recours aux vaccins en cas de pandémie et qu'on évalue minutieusement tous les détails pratiques entourant le déploiement d'autres formes d'intervention, comme la distribution des stocks fédéraux et provinciaux d'antiviraux.

Notre dernière recommandation touche les politiques actuelles concernant l'accumulation de stocks d'antiviraux au Canada. Si une vague unique de pandémie de gravité moyenne devait toucher le Canada alors qu'il est impossible d'obtenir les vaccins en temps voulu et qu'il faut se tourner vers un recours généralisé aux antiviraux, nos recherches révèlent que le Canada risquerait d'épuiser les stocks fédéraux et provinciaux d'antiviraux avant qu'une première vague d'importance ne s'estompe.

Notre politique de recours généralisé aux antiviraux est fondée sur l'hypothèse que 50 p. 100 des personnes contractant la maladie demanderont un traitement et que 5 p. 100 des Canadiens voudront des antiviraux à titre de mesure préventive à la suite d'une exposition au virus. En l'absence d'un vaccin, le recours généralisé aux antiviraux est extrêmement bénéfique. À titre d'exemple, en cas de vague unique de pandémie, une utilisation généralisée, plutôt qu'un traitement limité comme ce fut la politique l'an dernier, pourrait réduire de plus de 30 p. 100 l'absentéisme des employés, les hospitalisations et les décès. Cependant, l'application d'une politique semblable exige plus de 80 millions de doses d'antiviraux à distribuer dans toutes les régions du pays, ce qui nous rapproche beaucoup des stocks totaux accumulés par les différents gouvernements canadiens. Tous les cas d'augmentation de la demande, de gaspillage ou de perte dans la distribution pourraient créer une pénurie d'antiviraux. Nous recommandons par conséquent que toutes les discussions faisant suite à la pandémie visent notamment à mieux cerner le rôle des antiviraux ainsi que les questions liées à l'ampleur et à la distribution des stocks canadiens.

Je remercie encore une fois le comité pour son travail et j'ai vraiment hâte de consulter votre rapport. Je suis disposé à répondre à toutes vos questions.

Le président : Merci à vous tous pour vos déclarations préliminaires.

Quelqu'un a mentionné un groupe de travail créé par le gouvernement fédéral sous l'appellation Groupe de travail du secteur privé sur les mesures à prendre en cas de pandémie de la grippe. M. Neily a parlé d'un groupe de travail établi au Conference Board. L'ACN a travaillé avec sa table ronde et s'inspire du rapport produit par la suite.

Est-ce que ces différents groupes échangent de l'information entre eux? Le secteur privé est très diversifié et j'ai l'impression que la situation exige une bonne dose de coopération et de communication entre les différentes instances. Pourriez-vous nous dire brièvement ce que vous en pensez et comment vous percevez le rôle du gouvernement fédéral pour la mobilisation de ces intervenants?

M. Neily : Le groupe de travail que nous avons formé au Conference Board était constitué d'un échantillon assez représentatif des secteurs privé et public. En plus de se pencher sur les mesures de planification d'urgence, il s'est intéressé notamment aux questions touchant les ressources humaines et l'excellence organisationnelle.

Je ne travaille au Conference Board que depuis un an. Mon prédécesseur faisait partie du groupe de travail fédéral et j'y siégeais également. Nous avons été mis au fait d'une partie du travail accompli par nos collègues de l'ACN, car quelques-uns des membres de notre groupe de travail faisaient également partie du comité d'experts avec lesquels les gens de l'ACN communiquaient régulièrement dans le cadre de leurs travaux pour la planification des mesures d'urgence et la norme Z1600 notamment.

J'estime essentiel que l'on maintienne des groupes de travail semblables au sein du gouvernement fédéral. Sans cela, on risque de sombrer dans le climat de complaisance que nous craignons. Il faut que ces questions puissent demeurer à l'ordre du jour. Nous avons besoin d'une tribune pour discuter ensemble et mettre en commun les meilleures idées.

Mme Kiraly : L'ACN élabore ses normes en consultant des experts de l'industrie et du gouvernement ainsi que des consommateurs et d'autres utilisateurs. Lorsque nous avons lancé cette norme en 2008, nous l'avons annoncé dans le cadre d'une vaste campagne de promotion. Il s'agit d'une norme d'urgence d'application très générale établie grâce à la contribution de services publics d'électricité, d'organisations du secteur privé comme des entreprises pétrolières, et d'autres experts comme ceux de l'administration aéroportuaire de Toronto.

La table ronde que nous avons réunie visait à discuter spécifiquement des soins de santé de première ligne pour répondre aux besoins de nos intervenants de ce secteur. Le rapport produit est accessible à tous. Nous continuons à offrir de la formation dans le secteur de la santé comme dans d'autres industries relativement aux principes de planification d'urgence et à la mise en œuvre des plans de mesure d'urgence. Nous poursuivons en outre le dialogue aux échelons fédéral et provincial relativement aux besoins de chacun en matière de plans d'urgence, ce qui fait que le flot d'information est continu.

Lorsque nous proposons une nouvelle norme, nous faisons le nécessaire pour qu'elle soit rendue publique et pour recueillir les données voulues afin de déterminer son efficacité. Nous pouvons ensuite la réviser et la remettre en service pour mieux répondre aux besoins de l'industrie et du gouvernement.

Le président : Par ailleurs, vous nous avez dit que les communications étaient une partie essentielle du travail effectué par OPG. D'où vous viennent vos communications concernant les avis en matière de santé? Est-ce que l'information vous provient principalement de l'Agence de la santé publique du Canada, de la province ou des municipalités? Si vous recevez des avis contradictoires, comme certains l'ont laissé entendre, comment vous y retrouvez-vous?

M. Di Giambattista : J'ai parlé de la collaboration qui a eu cours notamment pour les efforts de planification dans la période précédant la pandémie. Notre stratégie consistait à traiter avec le ministère de la Santé et des Soins de longue durée pour harmoniser nos interventions. Nos activités ont lieu principalement en Ontario. Nous étions conscients de la situation. J'étais membre du groupe de travail des secteurs public et privé à l'échelon fédéral, alors nous connaissions les points de vue et les solutions de chacun, mais nous parlions directement aux gens du ministère de la Santé et des Soins de longue durée à l'échelon provincial avant de finaliser nos communications.

Le président : Il y avait un dialogue.

M. Di Giambattista : Oui.

Le sénateur Ogilvie : Merci à tous de nous avoir exposé les différents aspects de la contribution du secteur privé de façon très claire et tout à fait compréhensible.

Monsieur Smetanin, vous présentez dans votre rapport des estimations très précises des gains que peuvent permettre les antiviraux et les vaccins. Avez-vous fait une ventilation entre antiviraux et vaccins?

M. Smetanin : Oui. C'est un exercice très difficile, mais nous avons pu faire cette ventilation jusqu'au plus bas niveau possible. Nous avons constaté que le recours aux antiviraux et aux vaccins a un effet synergétique. C'est notamment ce qui complique les efforts pour tenter de faire une ventilation entre les deux. Les antiviraux auraient pu à eux seuls réduire le nombre de décès d'environ 40 p. 100.

Les vaccins peuvent diminuer les pertes de vie dans une proportion encore beaucoup plus grande, mais leur efficacité dépend beaucoup du moment où ils sont disponibles. En l'espèce, elle atteignait environ 58 p. 100. Ces chiffres variaient toutefois d'une province à l'autre. Nous pourrions fournir au comité des documents montrant comment l'expérience variait selon la province en raison à la fois des antiviraux et du vaccin.

Le sénateur Ogilvie : L'effet synergétique n'est pas rare. Comment avez-vous pu déterminer qu'il s'était manifesté durant la pandémie? Il arrive souvent que l'on doive procéder à des essais cliniques répétés pour pouvoir démontrer un tel effet synergétique. Est-ce l'instinct qui guide votre réponse ou est-elle appuyée par une mesure de contrôle concrète?

M. Smetanin : L'analyse dont je vous parle aujourd'hui est fondée sur les données recueillies tout au long de la pandémie. Comme je l'ai déjà mentionné, il est très difficile de faire la part des choses durant une pandémie. C'est par définition un événement très complexe et marqué par l'incertitude.

Chaque semaine l'an dernier, nous avons appliqué le même modèle pour l'Agence de la santé publique du Canada que nous avons utilisé dans le cadre de cette recherche afin de commencer à comprendre comment la pandémie évoluait et à quel point elle pouvait rapidement prendre une nouvelle tournure. Nous sommes heureux d'affirmer qu'au début de juin, les chiffres générés par ce modèle s'apparentaient à ceux des mois d'août, de septembre et d'octobre, soit avant la distribution du vaccin. Cela dit, ce modèle n'a rien de plus prometteur ou de mieux que les autres.

La pandémie de l'an dernier a été assez déterministique. Les résultats de recherche auxquels nous nous intéressons en ce moment révèlent que nous avons tendance à comprendre les pandémies après coup et à tenir ce genre de discussions postpandémiques.

Nous avons recueilli des données mensuelles dans chaque province sur l'utilisation des antiviraux, de même que sur l'utilisation des vaccins. Nous avons tenu compte du nombre de personnes hospitalisées, admises aux soins intensifs et décédées, et nous avons pu calibrer un modèle s'inspirant en grande partie du savoir des spécialistes des maladies infectieuses pour simuler la pandémie. À partir de là, nous pouvons connaître le moment où les vaccins sont donnés et l'efficacité du vaccin, et la même chose pour les antiviraux.

Nous en arrivons maintenant à des conclusions sur ce qui ce serait passé si on n'avait pas utilisé les antiviraux. L'an dernier, on n'a eu recours qu'à une petite proportion; on a utilisé le 1/27 de la réserve canadienne d'antiviraux. Cependant, quand nous les isolons et quand nous isolons les vaccins, nous pouvons voir comment l'expérience se serait déroulée avec et sans eux.

Le sénateur Ogilvie : La raison de ma question, et je suis satisfait de votre réponse, c'est que l'information disponible sur le Tamiflu avant la pandémie renfermait des opinions divergentes à l'égard de son efficacité. Certains documents laissaient entendre qu'il était aussi efficace qu'un placebo. C'est la raison de ma question. J'étais curieux de savoir comment vous êtes parvenu, pendant une pandémie, à relever des questions aussi importantes, et c'est pourquoi je vous ai demandé de les aborder séparément.

Je vous remercie de votre réponse.

Le sénateur Callbeck : Monsieur Neily, le président a parlé des deux groupes qui ont été établis, l'un par le Conference Board of Canada et l'autre par le gouvernement fédéral. Quels sont leurs rôles respectifs?

M. Neily : Le Conference Board of Canada exploite une série de réseaux administratifs conçus pour l'apprentissage entre pairs et, dans notre cas, les groupes dont je m'occupe influencent les débats de politique publique, entre autres, en ce qui a trait à la sécurité publique et nationale. Nous collaborons avec nos membres en vue d'assurer un dialogue des plus productifs et de tirer le meilleur profit possible des leçons retenues afin de gérer les problèmes actuels et futurs.

D'après ce que je comprends, le réseau du gouvernement fédéral a été principalement conçu pour les communications, c'est-à-dire pour permettre aux décideurs publics d'avoir accès aux préoccupations et aux experts du secteur privé. Malgré son existence, je ne crois pas que ce comité se réunisse fréquemment.

En revanche, notre groupe a été très actif. Nous avons régulièrement tenu des discussions qui pouvaient prendre différentes formes, comme des téléconférences et des rencontres en tête à tête. Les membres ont demandé qu'on adopte les meilleures pratiques, et ainsi de suite. Notre groupe se veut un véritable réseau de longue durée axé sur l'apprentissage entre pairs. Le groupe d'intervention en cas de pandémie a mis fin à ses travaux. Certains de ses membres, de même que le sujet, ont été transférés dans un autre réseau, soit le conseil de gestion des urgences.

Le sénateur Callbeck : Oui, je crois avoir lu quelque part que votre groupe poursuivait ses travaux jusqu'à l'été 2011.

M. Neily : Nous espérons réunir à nouveau le groupe. On a demandé qu'il soit rassemblé un an après son dernier atelier afin de voir ce qui a changé au cours de l'année, c'est-à-dire le fruit des efforts déployés par les autres pour lutter contre la complaisance, maintenir cette question au premier plan et observer les progrès à ce chapitre. Nous allons donc le réunir à nouveau. Cependant, le sujet en soi fait régulièrement l'objet de discussions à l'occasion des réunions du conseil de gestion des urgences.

Le sénateur Callbeck : Dans votre mémoire, vous parlez de la nécessité de garder la pandémie à l'ordre du jour des dirigeants d'organisations et du gouvernement. Avez-vous des recommandations à ce chapitre?

M. Neily : En effet, le rapport fait état de recommandations plus précises. Je n'en ai pas parlé dans le résumé, mais les recommandations visent principalement à remédier à l'inaction de la part des dirigeants et à les sensibiliser au fait qu'on a réalisé d'importants progrès sur le plan des programmes d'hygiène personnelle au sein des organisations. Cela a notamment eu pour effet de maintenir la pandémie à un niveau raisonnable. C'est pourquoi nous insistons pour que cela se poursuive. Les bienfaits qui ont découlé du travail accompli durant la pandémie montrent que cette question doit demeurer d'actualité, sans toutefois laisser place à la panique. Il ne s'agit pas d'essayer de projeter une fausse image, mais plutôt de s'inspirer des leçons que nous avons tirées.

Le sénateur Callbeck : À votre avis, quel rôle le gouvernement fédéral peut-il assumer à cet égard?

M. Neily : Le gouvernement fédéral pourrait aider en élaborant des normes. En ce qui a trait à la communication, il pourrait donner des directives relativement aux outils qui se sont révélés efficaces. Il pourrait fournir cette information avec divers éléments. Je considère qu'une approche en matière de normalisation serait l'une des meilleures méthodes aux fins de la planification future qui permettraient aux gens d'avoir les connaissances nécessaires pour gérer leur propre situation de façon proactive. Il a un rôle important à jouer.

Le président : Quelqu'un souhaite-t-il ajouter autre chose?

Mme Kiraly : En tant qu'organisation de normalisation, nous élaborons des normes à l'intention des Canadiens, et nos normes sont volontaires jusqu'à ce qu'un organisme, le gouvernement ou un secteur de l'industrie les rendent obligatoires. Lorsque la CSA a élaboré cette norme, nous collaborions avec Sécurité publique Canada et le Département américain de la sécurité intérieure afin d'examiner l'approche du Canada en matière de planification d'urgence et de déterminer où il se situait par rapport aux autres pays. L'idée est de fournir un cadre dont peuvent se servir le gouvernement ainsi que les petites et les grandes entreprises, non seulement pour se préparer à l'événement, mais aussi pour assurer la continuité des activités. À moins que la norme soit officielle et utilisée par divers niveaux du gouvernement ou de l'industrie, rien ne changera. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles nous sommes ici aujourd'hui.

Le sénateur Braley : Si je comprends bien, lorsqu'on fabrique un produit, on doit respecter des normes provinciales pour l'électricité. Il y a les provinces, les États-Unis...

Avez-vous envisagé une solution? Tout le monde nous dit la même chose à propos des communications, de la collaboration et de la coordination, et j'ai entendu des gens dire certaines choses. Avez-vous des normes en matière de communication?

Mme Kiraly : Oui.

Le sénateur Braley : Je le demande parce que les gens ne savaient plus quoi penser.

Mme Kiraly : L'une des recommandations vise précisément à offrir un réseau et à recruter des gens capables de fournir l'information de manière uniforme. Nous avons proposé de rassembler des modèles de communication qui nous permettront de savoir comment atteindre les premières lignes et les divers groupes, puis de connaître à l'avance l'approche uniforme, la fréquence et la façon d'atténuer les circonstances changeantes. Donc, oui, nous avons fait une proposition.

Le sénateur Braley : Cela pourrait être utile.

Le sénateur Dickson : Comment nous nous situons par rapport aux États-Unis?

Mme Kiraly : La norme CSA Z1600 sur la planification de la gestion des urgences s'inspire d'une norme américaine de la National Fire Protection Association. Fait intéressant, le comité canadien a examiné la version américaine et l'a trouvée très bonne, mais estimait qu'il pouvait faire mieux. Par conséquent, nous y avons apporté quelques améliorations, et ces améliorations font actuellement l'objet d'un examen par le comité américain, de sorte que nous puissions harmoniser nos approches. Nous avons une approche uniforme.

Le président : Merci beaucoup pour vos commentaires. Vous nous avez donné de précieux renseignements dans tous les cas. Merci de votre participation. C'est ce qui met fin à notre séance d'aujourd'hui.

(La séance est levée.)


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