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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 15 - Témoignages du 28 octobre 2010


OTTAWA, le jeudi 28 octobre 2010

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 10 h 32 pour étudier la préparation du Canada en cas de pandémie.

L'honorable Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Nous poursuivons aujourd'hui notre étude de la préparation du Canada en cas de pandémie. Les deux groupes de témoins que nous allons entendre aujourd'hui sont venus nous parler de l'expérience d'autres pays en la matière.

Dans un premier temps, nous allons entendre, par vidéoconférence, le professeur David Harper, directeur général, Protection et amélioration de la santé, du ministère de la Santé du Royaume-Uni. M. Harper est le responsable en chef et le directeur des services scientifiques du ministère de la Santé depuis 1996. C'est en 2008 qu'il a été nommé à son poste actuel de directeur général, Protection et amélioration de la santé.

Jusqu'en 2003, le professeur Harper était directeur général de la protection de la santé, du développement scientifique et des services de santé au niveau international. Il est membre de l'Institut de biologie et du Collège royal des médecins.

Vous êtes le bienvenu et nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir nous informer de la façon dont on se prépare au Royaume-Uni en cas de pandémie. Jusqu'à présent, la plupart des témoignages entendus par notre comité ont porté sur la grippe H1N1 et sur le SRAS, le syndrome respiratoire aigu sévère.

Je vais vous demander de nous présenter d'abord votre exposé, après quoi les sénateurs, qui commencent maintenant à occuper leurs sièges, vous poseront un certain nombre de questions.

David Harper, directeur général, Protection et amélioration de la santé, ministère de la Santé, Royaume-Uni : Merci, mesdames et messieurs les sénateurs, de m'avoir invité à prendre part à votre audience sur l'état de préparation et les mesures à prendre en cas de grippe pandémique.

Je suis très heureux de pouvoir partager avec vous les leçons tirées par le Royaume-Uni de son expérience au sujet de cette pandémie. Bien entendu, certaines choses ont bien fonctionné, et d'autres moins bien. J'aborderai les deux types de situation chacun à leur tour.

À l'issue de la pandémie, le gouvernement du Royaume-Uni a institué une commission d'enquête indépendante devant se prononcer sur les mesures prises. Le compte rendu de ces mesures figure sur notre site Internet et l'enquête a été menée par Mme Deirdre Hine. S'il ne vous a pas encore été communiqué, vous le recevrez en temps utile.

Il va sans dire qu'une recrudescence de la pandémie de grippe continue à présenter des risques pour chacun d'entre nous. Notre gouvernement a bien l'intention de faire en sorte que le Royaume-Uni reste bien préparé en cas de future pandémie. C'est pour cette raison que nous revoyons notre cadre national de lutte contre une pandémie de grippe et nous avons l'intention de rendre publique une stratégie nationale révisée au printemps prochain.

La nouvelle stratégie s'appuiera sur les programmes déjà en place et elle mettra l'accent sur les améliorations et les correctifs rendus indispensables à la lumière des nouvelles preuves scientifiques éventuellement apportées, sur les recommandations présentées par la commission d'enquête indépendante dont je viens de vous parler, et sur les leçons tirées des mesures prises concernant la grippe porcine H1N1. Nous reverrons aussi nos plans afin de nous assurer qu'ils sont bien en mesure de répondre éventuellement à une pandémie plus grave, sachant bien sûr qu'il nous faut tenir compte de la situation financière actuelle.

Qu'est-ce qui a bien marché en ce qui a trait aux mesures prises pour lutter contre la grippe H1N1? Durant cette pandémie, le Royaume-Uni a collaboré étroitement avec nos collègues du monde entier, et en particulier avec les responsables de l'Initiative de sécurité sanitaire mondiale. Nous avons aussi travaillé avec les responsables de l'Organisation mondiale de la santé et agi en étroite collaboration avec nos collègues de l'Union européenne.

Je considère que la collaboration internationale nous a été très utile en nous permettant de communiquer l'information au sein d'un environnement protégé et en facilitant les discussions. Pendant que je suis sur le sujet, me permettrez-vous de rendre hommage au secrétariat canadien de l'Initiative de sécurité sanitaire mondiale? Il est en grande partie responsable de l'étroite collaboration qui s'est instaurée à l'intérieur de ce réseau.

Les mesures prises au Royaume-Uni ont été facilitées par une planification détaillée de notre état de préparation avant la pandémie, notamment par le stockage de remèdes cliniques. Dès le début de la pandémie, nous disposions déjà de suffisamment d'antiviraux pour traiter 50 p. 100 de la population. Nous sommes passés ensuite à une capacité de traitement de 70 à 80 p. 100 de la population.

Nous avons pris par ailleurs des dispositions pour distribuer les antiviraux par Internet ou par téléphone. Il s'agissait du Service national de la pandémie de grippe, qui avait trois objectifs : premièrement, mettre le plus rapidement possible les antiviraux à la disposition de ceux qui en avaient besoin; deuxièmement, réduire dans toute la mesure du possible la charge de travail du personnel de soins situé en première ligne, en fournissant un deuxième moyen d'accès et de distribution des antiviraux; troisièmement, ce qui est très important, permettre aux malades de rester chez eux, ce qui devait, dans notre esprit, empêcher la maladie de s'étendre.

Ce service a été lancé en Angleterre le 23 juillet 2009. Pour vous donner une idée de l'ampleur des opérations, du 23 juillet 2009 au 11 février 2010, date de l'arrêt des opérations, plus de 2,7 millions de consultations ont été effectuées dans le cadre de ce service par téléphone et par Internet; plus de 1,8 million de traitements ont été autorisés, ce qui correspond à 66 p. 100 des consultations; enfin, 1,2 million de traitements ont été dispensés aux malades, ce qui correspond à 64 p. 100 des autorisations.

En plus de mettre des antiviraux à la disposition de la population, nous avons mis en place un programme de vaccination. Les personnes qui couraient le plus de risques ont été ciblées selon des critères médicaux : celles qui présentaient un état pathologique, les femmes enceintes et l'entourage en contact avec des personnes frappées d'immunodéficience. On a aussi vacciné les enfants de moins de cinq ans ainsi que les travailleurs sociaux et le personnel de santé situé en première ligne parce qu'ils risquaient davantage de contracter la maladie et de la transmettre.

Au total, quelque 6,8 millions de vaccins ont été dispensés durant la pandémie, le pourcentage de personnes vaccinées dans les principaux groupes présentant des risques cliniques se situant entre 35 et 40 p. 100.

Bien évidemment, comme vous vous y attendez certainement, nous avons passé beaucoup de temps à penser notre stratégie de communication. Tout au long de la pandémie, nous avons cherché à adopter une démarche de communications publiques exhaustive et, dans toute la mesure du possible, transparente, notre responsable médical en chef se chargeant de faire des conférences de presse hebdomadaires.

Enfin, nous avons participé à maints égards à l'effort international. Nous avons donné plus de 24 millions de livres pour aider les pays à lutter contre la grippe porcine. Nous avons par ailleurs mis 3,8 millions de doses de vaccins à la disposition de l'Organisation mondiale de la santé en plus des 37 millions de livres que nous avons donnés pour améliorer la préparation à l'échelle internationale contre la pandémie et la grippe aviaire.

Qu'est-ce qui n'a pas si bien marché? Il y a toujours des choses à améliorer lorsqu'on lutte contre une pandémie et il faut avec soin tirer les leçons qui s'imposent et perfectionner ensemble nos pratiques.

De manière générale, nous voulons tout d'abord adopter une démarche plus souple faisant appel à des moyens plus locaux — soit au niveau local à l'intérieur du Royaume-Uni. Ce sera très important la prochaine fois que nous aurons à faire face à une pandémie.

En second lieu, il faut que la population comprenne et accepte que la science et les modèles d'intervention ont leurs limites. Certaines décisions clés en ont été rendues difficiles — ainsi, lorsque nous sommes passés de la phase du ralentissement de la dissémination à ce que l'on a appelé la phase d'atténuation lors de la prise en charge de la pandémie.

Troisièmement, nous aurons toujours des difficultés à communiquer efficacement lorsqu'il s'agit de bien faire comprendre toute cette notion de scénario du pire conçu dans des limites raisonnables. Cela renvoie en fait aux hypothèses de planification faites par notre Service national de la santé et par d'autres intervenants. Je pense toutefois que dans le cadre de cette communication nous avons appris d'importantes leçons.

En conclusion, je tiens à nouveau à vous remercier, monsieur le président et mesdames et messieurs les sénateurs. Je suis tout disposé à répondre aux questions que vous voudrez bien me poser.

Le président : Je vous remercie. Je vais commencer par examiner d'un peu plus près la question de la communication de l'information sur la sécurité du vaccin permettant de lutter contre la pandémie ainsi que l'établissement des priorités correspondant aux différentes catégories. Vous avez évoqué brièvement la chose. C'est une question dont nous avons discuté en ces lieux. Vous pourriez peut-être nous en dire un peu plus concernant les leçons tirées des efforts qui ont été faits pour essayer de convaincre le public de son innocuité. Au Canada, certaines personnes ont eu l'impression que l'on s'était précipité pour mettre au point un vaccin, sans faire éventuellement suffisamment d'essais cliniques, ce qui n'a pas manqué d'inquiéter l'opinion publique. Au bout du compte, 41 p. 100 environ de la population a été vaccinée. Vous pourriez peut-être aussi me dire quel a été ce pourcentage chez vous.

En plus, il y a la question de l'établissement des priorités. De nombreux groupements locaux — les pompiers, par exemple — nous ont déclaré qu'ils auraient dû être prioritaires. Il y a donc eu de nombreuses catégories qui se jugeaient prioritaires et qui voulaient que l'on établisse un ordre de priorités. Vous pourriez peut-être nous en dire davantage à ce sujet.

M. Harper : Mais certainement, monsieur le président. Vous me posez ici un certain nombre de questions. La question de la communication a eu par-dessus tout une grande importance, mais je ne crois pas que chez nous l'opinion publique se soit préoccupée de l'innocuité du vaccin. Nous avons eu un certain nombre de garanties professionnelles qui nous ont donné l'assurance que toutes les mesures de précaution avaient été respectées.

Vous savez peut-être que dans le cadre européen, nous nous sommes préparés en établissant un nouveau mécanisme de délivrance des permis et d'autorisations de mise en marché des vaccins visant à lutter contre la pandémie de grippe. En Europe, nous avons mis sur pied un vaccin d'essai permettant d'étudier différents paramètres, notamment d'un point de vue préclinique. Ce vaccin était avant tout conçu pour nous permettre d'accélérer la procédure d'autorisation de mise en marché une fois que l'on aurait répertorié le virus responsable de la pandémie et que l'on serait en mesure d'élaborer un vaccin se rapportant précisément à la pandémie.

On a longuement étudié à l'avance les procédures de sécurité, sachant que ce serait un vaccin de type nouveau. Il n'en reste pas moins que ce vaccin correspondait à un produit déjà employé à maintes reprises par le passé — même s'il s'agissait d'un vaccin relativement nouveau de lutte contre la grippe comportant un adjuvant bien précis et certains ingrédients ajoutés. L'adjuvant lui-même avait cependant été employé de nombreuses fois auparavant. Nous avons pris bien soin de fournir un maximum d'information à notre comité consultatif d'experts indépendants, qui était chargé au Royaume-Uni de conseiller le gouvernement sur les mesures à prendre.

Pour ce qui est de l'établissement des priorités, nous n'avons pas manqué de prendre l'avis du Comité mixte sur la vaccination et l'immunisation, mais nous avons tenu compte du fait qu'il y avait différents types de priorités. Vous venez justement d'évoquer ce problème.

Il y avait les groupes à risques dont j'ai parlé dans mon exposé, pour lesquels les consignes du comité d'experts indépendants étaient claires. Nous étions toutefois placés en face du problème, que vous avez évoqué je crois, de l'identification des catégories d'intervenants et de la façon d'établir les priorités les concernant.

Nous nous étions beaucoup penchés jusqu'alors sur la question des urgences, non pas simplement dans le cadre d'une maladie infectieuse, mais dans celui d'une crise à grande échelle — qu'il s'agisse d'une pénurie de carburants ou d'une inondation — lorsqu'il faut définir le personnel d'intervention jugé prioritaire.

Très rapidement, nous avons constaté que le défi était impossible à relever. On n'en finit pas quand on veut répertorier toutes les catégories prioritaires. Tous les employés des services essentiels, et tous les travailleurs dans bien des cas, peuvent faire valoir à quel point leur participation à la lutte contre l'épidémie de grippe revêt une grande importance.

Nous avons donc adopté une démarche différente, en nous efforçant de définir quels étaient les travailleurs les plus susceptibles d'être dans une situation les amenant à côtoyer le virus et, dans certains cas, à contribuer à la dissémination éventuelle du virus, notamment auprès des groupes vulnérables. Dans ce cadre, nous avons estimé que le personnel de santé et les travailleurs sociaux constituaient un bon point de départ puisque, par définition, ils étaient étroitement en contact avec les personnes susceptibles d'être infectées et qu'en effectuant leur travail ils risquaient en outre de transmettre le virus à des personnes vulnérables. Ce fut là la base de notre sélection de l'élément qui ne comportait pas risque à l'intérieur de nos catégories prioritaires.

Le sénateur Eaton : Vous nous avez parlé de la distribution de vos médicaments antiviraux. Était-elle gratuite ou est- ce qu'il fallait que la population les achète?

M. Harper : Les antiviraux étaient distribués gratuitement. De la façon dont opère notre Service national de la santé, ce type de médicament est essentiellement gratuit. La difficulté était de faire en sorte que la population en ait suffisamment et assez vite pour que cela ait un impact sur la maladie.

Le sénateur Eaton : Vous avez parlé des différents moyens de contact et d'information. En juillet, où en étiez-vous?

M. Harper : Nous avons beaucoup réfléchi à la mise en place, dans le cadre de notre préparation, du Service national de lutte contre la pandémie de grippe. Nous avons organisé à l'avance l'intervention de centres d'appels, notamment d'un centre d'appels ayant les outils informatiques lui permettant de dispenser de bons conseils cliniques et de superviser l'information donnée par les autres centres. Les gens pouvaient téléphoner et, après avoir répondu à une série de questions, se voir attribuer, en fonction des réponses données, un numéro d'identification qu'eux-mêmes, ou une personne chargée de le faire à leur place, pouvaient alors présenter aux différents points de distribution des antiviraux. De la même manière ils pouvaient, en passant par Internet, remplir un questionnaire et, en fonction des réponses données, se voir attribuer un numéro d'identification pour aller chercher leurs antiviraux ou demander à quelqu'un de le faire à leur place.

Le sénateur Eaton : C'était bien pensé. Évidemment, vous aviez fait savoir auparavant à la population : « Si vous avez des doutes » et cetera. Êtes-vous aussi passés par la télévision et la radio?

M. Harper : Nous avons organisé des campagnes. Nous ne l'avons pas fait avant le déclenchement de la pandémie, mais lorsque nous l'avons jugé nécessaire. Pour éviter au maximum toute confusion, nous avons coordonné notre campagne dans les différents médias, y compris par voie d'affiches et par d'autres moyens pour faire connaître le numéro de téléphone ainsi que les services auxquels pouvait s'adresser la population.

Le sénateur Eaton : Vous savez qu'au Canada la responsabilité en matière de santé est partagée entre les provinces et le gouvernement fédéral. Les services de santé sont administrés en grande partie par les provinces. En écoutant nos témoins, nous constatons que notre système est largement cloisonné et que nous ne parlons pas souvent d'une seule voix, ce qui est dommage. Autrement dit, une province va faire une chose alors qu'une autre va agir différemment.

En Angleterre, dans le cadre de votre préparation nationale pour lutter contre cette pandémie de grippe, vous avez parlé d'une seule voix. Y a-t-il eu chez vous une seule voix qui s'est élevée chaque jour ou chaque semaine ou avez-vous enregistré plusieurs voix selon la région du pays dans laquelle vous vous trouviez?

M. Harper : Pour répondre à votre question, nous avions en Angleterre, autant que je puisse en juger, une seule voix, celle du responsable médical en chef, qui est intervenu personnellement de nombreuses fois à la télévision et à la radio et qui a accordé de nombreuses entrevues. Il s'est chargé d'organiser des conférences de presse hebdomadaires en présence de tous les correspondants de la santé ou de tous ceux qui pouvaient y assister. C'était là la seule source d'information faisant autorité. Il y avait une parfaite cohérence et l'information était donnée à la suite des discussions ministérielles qui avaient eu lieu juste avant la conférence de presse. Nous avons jugé important d'avoir une source d'information professionnelle, jugée très qualifiée et faisant autorité.

Je vous fais cette réponse parce que vous m'avez interrogé au sujet de l'Angleterre. Il y a d'autres pays au sein du Royaume-Uni, qui ont adopté le même genre de mesures, mais je vous réponds pour ce qui est de l'Angleterre.

Le sénateur Eaton : L'Écosse a-t-elle pris d'autres dispositions, ou encore l'Irlande du Nord?

M. Harper : Cela se pourrait, mais en ce qui a trait à l'information dispensée et aux discussions ministérielles, les quatre ministères ainsi que les quatre ministres de la santé ont en fait étroitement collaboré pour s'assurer de la cohérence de leurs messages.

Le sénateur Eaton : Je vous remercie.

Le sénateur Ogilvie : Monsieur Harper, j'aimerais que vous nous en disiez davantage au sujet des antiviraux. Ici, nous nous référons au Tamiflu, un précurseur qui se transforme en médicament actif une fois ingéré.

Les études ne disent pas toutes la même chose concernant l'efficacité du Tamiflu. La plupart des données dont nous disposons sont tirées évidemment des études de la grippe qualifiée de normale ou d'annuelle. Vous nous avez dit que les antiviraux avaient joué éventuellement un rôle important dans votre lutte contre cette pandémie. Pouvez-vous me donner une idée de l'efficacité du Tamiflu, aussi bien en général que dans le cadre de votre intervention?

M. Harper : Je vais répondre à votre question dans toute la mesure de mes moyens et il vous faudra peut-être y revenir par la suite. Je ne peux pas donner une réponse précise à la question que vous posez parce que nous n'avons pas toute l'information, et je pense d'ailleurs que vous y avez vous-même fait allusion. Je peux vous indiquer les raisons qui nous ont amené à employer le Tamiflu pour vous donner une idée de notre façon de penser.

Comme vous le dites très justement, le plus gros de l'information nous est parvenue de pays comme le Japon, qui ont tendance à se servir du Tamiflu, ou du moins des antiviraux, pour lutter contre la grippe saisonnière. Bien entendu, nous avons dû faire certaines hypothèses parce que nous nous sommes préparés pour un virus dont nous ignorions l'origine, dont nous ne connaissions pas les spécificités et dont nous ne savions même pas en fait s'il réagirait aux antiviraux. Compte tenu des moyens de lutte à notre disposition, ou plutôt de leur absence, je pense qu'il était prudent, et c'est ce que je conseillerais encore aujourd'hui, de nous appuyer sur ce qui existe déjà en partant du principe que ce sera efficace. Il n'en reste pas moins que nous avons prévu d'autres mesures dans le cadre de notre préparation, que nous avons qualifiées au Royaume-Uni de moyens de défense en profondeur, pour éviter de ne pas nous fier uniquement à un seul moyen de lutte. Parmi les moyens de lutte, j'englobe les mesures de type médical ou clinique, tel que le recours aux antiviraux et, le moment voulu, à un vaccin, sachant que de toute façon nous ne disposerions pas d'un vaccin lors du déclenchement de la pandémie, ainsi que les moyens d'intervention publics et sanitaires, tels que le cloisonnement social, la fermeture des écoles et, de manière générale, tout ce qui doit être fait dans un tel cas, hygiène personnelle des mains et autres mesures avec lesquelles je sais que vous êtes familiarisés.

En termes d'efficacité, nous avons envisagé le recours aux antiviraux de différentes manières, aussi bien dans le cadre d'un traitement postérieur à l'infection, une fois que la plupart des données ont été recueillies, mais aussi, lorsque c'était possible, d'un point de vue prophylactique. Nous n'avons pas manqué d'envisager la possibilité de dispenser rapidement, dès les débuts de la pandémie au Royaume-Uni, du Tamiflu à toutes les personnes ayant pu être en contact avec un malade répertorié dans le registre de la pandémie.

Le sénateur Ogilvie : Votre réponse concorde parfaitement avec ce que j'ai pu apprendre par d'autres sources et avec mon propre sentiment de la situation. Comme vous nous le dites, le déclenchement d'une pandémie nous place dans une situation très difficile, parce que nous n'avons pas de moyens connus à l'avance de lutter contre un agent précis. Je comprends bien toutes les difficultés qu'ont les autorités sanitaires pour essayer de calmer l'opinion publique et de faire en sorte que la situation soit plus ou moins sous contrôle.

À cet égard, j'imagine que même un produit qui semble bien n'avoir qu'un effet placebo, car nous savons que cela donne de véritables résultats, aura des effets positifs. Même dans ce cas, cela peut être utile.

Je ne vous interrogerai pas davantage sur cette question parce que vous m'avez donné une réponse très exhaustive et tout à fait conforme à ce que j'ai pu voir par ailleurs. Je pense que les autorités sanitaires ont eu raison de se résoudre à recourir à un produit susceptible de n'avoir qu'un effet limité; un effet placebo n'en reste pas moins positif. Je vous remercie de votre réponse.

Le président : À moins que vous ayez d'autres commentaires à faire, monsieur Harper, je vais donner la parole à un autre sénateur.

M. Harper : Non, je suis prêt à répondre à une autre question.

Le sénateur Martin : Je veux revenir sur la stratégie de communication qui, selon vous, a bien été exécutée au Royaume-Uni. Pouvez-vous nous en dire davantage sur vos stratégies d'élaboration de votre plan de communications? Nous avons entendu dire par différents témoins qu'il y avait eu là des difficultés à différents niveaux.

Nous vivons à l'ère de l'information, l'opinion comme les pouvoirs publics recevant toutes sortes d'informations en provenance de différentes sources. Du fait des médias et des complications qu'entraîne au Canada le partage de nos compétences entre les provinces, le gouvernement fédéral et ensuite les autorités internationales, l'information est présente en abondance.

Vous avez dit que tout le monde avait parlé d'une seule voix, et pourtant il y a certainement eu d'autres sources d'information ayant risqué d'entraîner une certaine confusion. Des renseignements contradictoires ont pu être donnés. Quelle stratégie avez-vous mis en place? Quel est le plan qui vous a permis d'obtenir de bons résultats lors de cette dernière pandémie?

M. Harper : Vous mettez parfaitement le doigt sur les difficultés dans votre question : dans une situation comme celle de la pandémie de grippe, il y a de nombreux experts, au niveau national et international, et j'irai même jusqu'à dire des experts autoproclamés, qui se font un plaisir de dire tout ce qu'ils pensent de la question.

Lors des crises précédentes en matière de santé publique, tout dépendait en particulier de la question considérée. Ces dernières années, nous avons eu un problème de santé publique avec le polonium-210. C'était un domaine de connaissances assez spécialisé. En fait, il n'y avait pas d'expert en la matière. Il était remarquable de constater que les experts se trouvaient en fait au gouvernement ou au sein des organisations proches du gouvernement. L'expérience a été très instructive en ce qui me concerne, parce que tout était en fait très contrôlé. J'emploie ici le terme « contrôlé » en toute connaissance de cause. L'information qui était dispensée était claire et provenait d'une seule source. Tous ceux qui étaient contactés avaient tendance à se rapporter à la même information et on ne savait pas grand-chose au sujet de cet élément en particulier.

Le problème est tout à fait différent dans une situation comme celle de la pandémie de grippe puisqu'il y a, comme je vous l'ai dit, de nombreuses personnes disposées à donner leur opinion mais que, d'autre part, et nous le savons, certains spécialistes compétents vont être contactés par les médias et donner un avis tout à fait légitime. Notre stratégie a consisté, dans toute la mesure du possible, à faire en sorte que ces spécialistes, s'ils étaient contactés, auraient accès aux mécanismes de communication et en feraient partie intégrante. C'est assez facile à dire et difficile à faire. L'information ne peut jamais être complète et exhaustive.

Quoi qu'il en soit, les spécialistes ont été contactés dans un premier temps par les médias, qui leur ont demandé quel était l'état de préparation du gouvernement, du Royaume-Uni, et les mesures qui étaient prises. J'ai estimé que nous étions en bonne posture, c'est certainement vrai rétrospectivement, pour que les avis à notre égard soient très favorables, notamment au tout début, alors que c'est essentiel et qu'on peut perdre ou gagner entièrement la confiance du public sur le plan des communications. Nous avons pu tirer parti des très bonnes relations que nous avions parfois su établir bien avant le déclenchement de la pandémie. Dans une certaine mesure, ce n'est pas quelque chose qui dépendait exclusivement de notre capacité d'intervention, mais ce fut très important pour notre préparation.

J'ai déjà indiqué que nous avions décidé à l'avance de tirer les leçons des crises précédentes, non pas du polonium-210 en l'espèce, mais du SRAS, que le président a mentionné tout à l'heure, je crois. L'une des difficultés provenait bien évidemment du fait qu'il y avait différentes sources d'information et que les gens donnaient des conseils apparemment ou en réalité contradictoires.

La décision ayant été prise, la coordination de notre action a été rendue possible, entre autres, par notre infrastructure — et je pense que vous avez bien évoqué les difficultés susceptibles de se présenter lorsqu'il y a, comme dans votre cas, différentes provinces, ou dans les pays qui ont une organisation fédérale. Notre principale difficulté de ce point de vue était celle que vous avez évoquée, soit faire en sorte que nos quatre pays soient tous en mesure d'assurer la même communication, même lorsque les mesures prises localement allaient être différentes en raison de la prévalence différente du virus, des pressions exercées sur les systèmes de santé, ou de l'administration éventuellement différente de ceux-ci dans les quatre pays. C'est après tout une responsabilité qui est déléguée par Westminster.

Là où le défi a été difficile à relever, et je pense que c'est un problème général, je sais que mes homologues dans d'autres pays ont dû y faire face, c'est sur la façon de rendre compte de l'incertitude, notamment aux premiers stades de la pandémie. L'incertitude est inévitable, comme nous l'avons déjà indiqué. Je ne sais pas encore comment nous pourrions faire mieux, mais voici ce que nous avons entrepris.

Il était particulièrement important d'essayer de transmettre des chiffres qui nous paraissaient devoir être versés dans le domaine public, mais il s'agissait surtout de statistiques recueillies de manière à permettre aux différentes catégories professionnelles, au personnel du service de santé et aux autres responsables, de planifier tous les scénarios possibles face à une situation inconnue. Je me souviens d'une conférence de presse pour laquelle nous disposions d'un chiffre précis concernant le nombre de morts éventuels en prenant le scénario du pire dans des limites raisonnables. Le responsable en chef des services médicaux a déclaré aux correspondants : « Je vous donne ce chiffre. Je sais qu'il y a un risque. Puis-je vous demander, s'il vous plaît, de ne pas en abuser. Ce n'est qu'un chiffre, il correspond à un objectif, il y a des réserves à faire, il y a une incertitude. » Il a ajouté : « J'ai déjà fait cela auparavant et je sais qu'il y a le risque qu'on donne ce chiffre sans le replacer dans son contexte. »

D'ailleurs, la plupart des correspondants ont rendu compte de la chose de manière très responsable mais, une fois que le chiffre a été donné, on peut en abuser. La communication des risques sera l'un des grands défis à relever à l'avenir.

Le sénateur Seidman : Merci, monsieur Harper. L'une des questions qui est revenue à maintes reprises lors de nos audiences a trait à l'importance des mécanismes de contrôle et de surveillance des données en temps réel et à l'intérêt de bien coordonner et d'uniformiser les systèmes informatiques. Notre comité aimerait que vous nous expliquiez ce que fait le Royaume-Uni en la matière.

M. Harper : Bien volontiers. Pour ce qui est du contrôle, il faut bien voir que nous nous penchons sur différentes choses. Je peux vous donner des réponses différentes selon les différents secteurs contrôlés. Si vous vous intéressez avant tout à la dissémination du virus, je vais vous répondre d'une certaine manière. Si vous vous préoccupez davantage des moyens éventuels d'améliorer l'information en temps réel, ainsi pour les cas d'infections susceptibles d'entraîner ou non une hospitalisation et, en cas d'hospitalisation, s'il faut recourir ou non aux soins intensifs, j'ai une autre réponse à vous donner.

Le sénateur Seidman : Je comprends bien qu'il y a de nombreuses formes de contrôle, notamment en cas d'incidents néfastes.

M. Harper : Oui.

Le sénateur Seidman : Pouvez-vous nous en donner rapidement un aperçu? Pouvez-vous nous dire ce que vous suivez dans le cadre de votre système de contrôle et nous indiquer les mesures d'uniformisation que vous prenez éventuellement dans le domaine de la gestion informatique?

M. Harper : Je vais prendre les deux secteurs où les choses sont probablement les plus simples. Le premier que vous venez d'évoquer, soit celui du contrôle et du compte rendu des incidents néfastes. Notre agence de réglementation des médicaments et des produits de santé est chargée de recueillir les données sur les incidents néfastes. Elle a mis sur pied un système spécial de comptes rendus perfectionnés à guichet unique et, ce qui répond à mon avis à votre question, avec des éléments de contrôle informatique relevant d'une seule compétence, à utilisation exclusive, mais s'appuyant sur les données fournies par un système bien en place et ayant fait ses preuves au Royaume-Uni, soit le réseau des cartes jaunes qui fait qu'en cas d'incident néfaste, on remplit une carte pour qu'elle soit prise en charge par le système. Nous sommes partis de là et nous avons ensuite apporté des améliorations.

Nous avons aussi exercé un contrôle, pour ainsi dire, de l'agent microbien, du virus, par l'intermédiaire de l'Agence de protection de la santé et d'autres intervenants, et cela dans le cadre du système de contrôle international. À l'échelle de notre pays, l'Agence de protection de la santé est l'organisme compétent chargé de recueillir, de rassembler et d'analyser l'information, et c'est sur ces données que nous nous sommes fondés pour fournir notre information lors des conférences de presse données par le responsable en chef des services médicaux.

Il était courant, je pense, que le responsable en chef de l'Agence de protection de la santé ou son délégué s'assoit aux côtés du responsable en chef des services médicaux presque chaque fois que celui-ci donnait une conférence de presse. S'il se posait une question relevant de ses compétences, l'Agence de protection de la santé prenait alors la relève.

La troisième question est celle que j'ai évoquée au départ. Il faut dire qu'à mesure que les données nous parviennent, sont rassemblées puis analysées, et cetera, nous répertorions bien entendu les personnes qui présentent des symptômes, mais nous devons envisager au minimum ce qui peut arriver pour les personnes susceptibles d'avoir le virus sans présenter de symptômes, qu'il s'agisse d'infections asymptomatiques ou de malades n'ayant pas encore développé de symptômes. C'était particulièrement important dans le cas d'une maladie moins grave comme celle qui était liée au virus de la grippe porcine H1N1.

Il est bien difficile d'obtenir de l'information en temps réel et, même si ce n'est pas en temps réel, très rapidement pour ce qui est des admissions hospitalières, et de s'efforcer d'ébaucher le profil de l'attaque, l'évolution de la maladie étudiée, en examinant les différents secteurs de la population susceptibles d'être les plus touchés par le virus, tout en ayant par ailleurs une bonne idée du nombre de décès. C'est bien difficile, même avec les systèmes dont nous disposons au Royaume-Uni, qui sont peut-être mieux adaptés au recueil de ce genre de données. Nous ne devons pas oublier que dans des cas comme celui de la grippe saisonnière, nous recueillons l'information, mais elle n'est alors analysée et rendue disponible que de nombreux mois suivant la saison du déclenchement de l'épidémie. Il était donc particulièrement difficile de recueillir ce genre d'information.

Nous avons cependant mis au point différentes méthodes pour y parvenir. Le responsable médical en chef a lancé lui-même une opération de recueil spéciale et confidentielle de l'information dans certains domaines que je viens d'évoquer mais, de manière générale, je crois que nous avons abordé le problème de la façon dont nous le permettait notre système. Nous sommes allés beaucoup plus loin dans certains domaines, en nous penchant par exemple sur le nombre de décès et les soins intensifs, mais ce fut probablement l'un des problèmes les plus difficiles.

Le sénateur Seidman : J'aimerais savoir si vos systèmes informatiques étaient suffisamment uniformisés au Royaume-Uni pour vous permettre de recueillir ces données et d'en faire une analyse centralisée.

M. Harper : Ce n'est pas tout à fait vrai. Les quatre pays n'ont pas tous pris les mêmes dispositions. Je ne vais pas entrer dans les détails parce que dans certains cas l'Agence de protection de la santé ne se préoccupe pas uniquement de l'Angleterre, mais je me référais en fait à l'Angleterre. Dans toute la mesure de nos moyens, nous faisions en sorte que l'information passe par une seule organisation, mais nous avions différents systèmes de contrôle. Nous pouvions compter sur le système de surveillance de notre Collège royal des médecins, qui s'efforce généralement de repérer les différentes sortes de maladies. C'est un réseau largement répandu dans tout le pays et nous devions nous assurer que toute divergence éventuelle entre les différentes sources d'information étaient bien prises en compte et faisaient l'objet d'un rapprochement et d'une explication. Toutefois, les chiffres que nous utilisions nous étaient essentiellement fournis par l'Agence de protection de la santé.

Le sénateur Cordy : Merci d'être venu nous aider à tirer les leçons de notre action afin que nous soyons éventuellement mieux préparés à l'avenir en cas de nouvelle pandémie, ce qui est toujours utile.

J'aimerais évoquer la situation du Royaume-Uni dans le cadre de l'Union européenne. Je sais qu'au sein de l'Union européenne vous avez organisé en 2001 une conférence sur la préparation en cas de pandémie. Qui prend effectivement l'initiative pour ce qui est de la préparation en cas de pandémie? Est-ce l'UE ou chaque pays à l'intérieur de l'Union?

Au Canada, nous avons quelques problèmes concernant la mobilité des travailleurs de la santé, même d'une province à l'autre à l'intérieur du pays. Je me demande quelle est la mobilité de votre personnel de soins de santé. Je sais que la mobilité des travailleurs au sein de l'UE est bonne. Qu'en est-il de la mobilité des travailleurs de la santé au sein de l'UE si l'un de ses membres devait faire face à une pandémie éventuellement plus grave qu'au Royaume-Uni ou que dans d'autres pays? Est-ce que les travailleurs de la santé seraient en mesure de circuler d'un pays à l'autre pour lutter contre la pandémie?

M. Harper : Je vous remercie de cette question très intéressante.

Il faut dire tout d'abord qu'il y a une libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union européenne. C'est l'un des principes de base des traités qui ont été élaborés au fil des années par l'Union européenne et qui déterminent son fonctionnement. Ce n'est pas aussi simple — ça ne sera jamais aussi simple — et je crois qu'en cas de pandémie, un grand déplacement du personnel médical qualifié d'un pays à un autre pour offrir de l'aide poserait des problèmes, même si le principe est très clair et peut être mis en œuvre.

Bien évidemment, tous les pays ne manqueront pas de revoir leurs plans et leur propre état de préparation pour s'assurer que dans les circonstances leur population est protégée dans toute la mesure du possible. Même s'il y avait une libre circulation au sens le plus strict, si tant est que cela existe, je ne peux pas vous dire vraiment ce qui se passerait en cas de pandémie.

Quant à savoir qui doit prendre l'initiative, j'ai bien peur là encore de devoir vous faire une réponse de Normand, même si ce n'est pas du tout mon intention. Ce sont les différents pays qui forment l'Union européenne. La Commission européenne, en tant que responsable de l'administration de l'Union européenne, si vous voulez, a certaines responsabilités. Dans le cas d'une pandémie, l'initiative pourrait être prise par notre Centre européen pour la prévention et le contrôle des maladies, qui a joué un rôle très actif et contribué à diffuser l'information, par exemple. Toutefois, la gestion des risques et l'administration des soins de santé relèvent de la compétence des différents pays.

Le sénateur Cordy : Je vous remercie. Nous voyons bien maintenant comment les choses peuvent se passer, en théorie comme en pratique. Merci de votre réponse.

J'aimerais enchaîner sur la question posée par le président concernant l'élaboration d'un vaccin et les catégories prioritaires. Un certain nombre de témoins nous ont indiqué précisément quelles étaient les personnes qui devaient faire partie des catégories prioritaires — bien entendu, tout le monde veut faire partie de la première catégorie — et comment le sujet devait être abordé. Je ne voudrais certainement pas être la personne chargée d'établir la liste des priorités, parce que tous les groupes qui ont comparu devant notre comité estimaient avoir de bonnes raisons d'être jugés prioritaires.

Avez-vous établi des catégories prioritaires au Royaume-Uni et, dans l'affirmative, qui s'est chargé d'en dresser la liste? Vous nous avez dit par ailleurs que face à la pandémie, vous auriez aimé pouvoir agir avec plus de souplesse en confiant davantage de responsabilités au niveau local. Les catégories prioritaires sont-elles établies au niveau national ou chaque région à l'intérieur du Royaume-Uni a-t-elle la possibilité de modifier les catégories prioritaires?

M. Harper : L'établissement des priorités que j'ai indiqué tout à l'heure s'est fait avant tout au niveau national. C'était vrai à deux égards. En premier lieu, il y avait l'établissement des catégories à risques, pour lesquelles nous avons pris l'avis de notre comité consultatif composé d'experts indépendants, conformément à la procédure normalement établie, et ce dernier nous a conseillé dans toute la mesure du possible en fonction des profils de risque.

Je ne vais pas vous redonner les différents exemples qui s'imposent à l'évidence, parce que je les ai cités dans mon exposé, mais je pense que tout s'est passé comme on pouvait le prévoir. Il y a eu un certain consensus sur ce point au niveau international, même lorsqu'on a fait l'analyse de la situation un peu après la fin de la pandémie.

La deuxième catégorie était en fait celle des travailleurs que nous étions susceptibles de faire vacciner, et nous avons privilégié dans ce cadre, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, le personnel de santé et les travailleurs sociaux qui risquaient, premièrement d'être contaminés en étant exposés au virus du fait de leur travail et, deuxièmement, une fois contaminés, de transmettre le virus à des personnes particulièrement vulnérables. Nous avons estimé que c'était ainsi qu'il fallait établir les priorités.

Bien entendu, aux premiers stades de la vaccination, il fallait aussi se demander si nous étions en mesure d'avoir jusqu'à un certain point suffisamment de vaccins, et dans un délai suffisamment court, pour que le personnel responsable localement puisse rapidement prendre des décisions en ce qui a trait à la campagne de vaccination, et cela conformément aux directives prises au niveau national.

Le sénateur Braley : Vous avez évoqué dans votre exposé des solutions locales. J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus à ce sujet. Quelles sont les personnes qui ont pris part à la planification au niveau local? Pouvez-vous nous parler des correctifs qui ont été apportés, de la stratégie de communication, du manque de personnel, des livraisons en retard et de tous les problèmes qui s'y rapportent. Est-ce qu'il existe un plan permettant de faire face à une crise 10 fois plus grave que celle que nous avons vécue? Ce plan existe-t-il, ou existait-il à l'époque?

Vous avez parlé d'apporter certaines améliorations et certains problèmes se sont posés au niveau local. C'est là que se trouvent les clients, la population en général, et c'est à ce niveau-là que l'on s'adresse à un service pour repartir ensuite content ou mal en point.

M. Harper : Je vous remercie de cette question. Pour ce qui est de la gravité de la crise, nous nous étions préparés, et je crois que de nombreux pays ont fait comme nous, pour faire face à une situation plus proche du H5N1, qui bien entendu aurait causé une pandémie bien plus grave. Nous avions planifié en fonction d'une situation bien plus grave. Jusqu'à un certain point, l'une des leçons que nous en avons tirées, c'est que nous avions besoin d'avoir une plus grande marge de manœuvre pour faire face à une épidémie moins grave, et c'est ce que je vous ai indiqué tout à l'heure.

Le nouveau plan — la nouvelle stratégie que j'ai indiquée — prendra certainement en compte tout un éventail de pandémies selon leur degré de gravité, y compris les plus graves que je viens d'évoquer.

Pour ce qui est de la participation et des décisions locales, nous avons mis à contribution, lors de la préparation, les autorités locales en instituant différents cadres d'intervention faisant appel à la collaboration des planificateurs des services d'urgence et des responsables de la santé publique chargés de mettre au point notre stratégie. Je pense que c'est probablement à quoi on peut s'attendre. Cela fait partie de la préparation. On le fait lorsque tout va bien, lorsqu'on a le temps devant soi et la possibilité de faire intervenir toutes sortes de responsables notamment, pour revenir à votre question, au niveau local.

Pour élaborer notre stratégie de communication, je pense que l'on a fait appel aux types de communication auxquels on pouvait s'attendre face à la pandémie elle-même. Nous avions un slogan qui invitait la population à se protéger en respectant les règles d'hygiène personnelle des mains, mais on en avait déjà fait l'essai auparavant. Les gens étaient au courant et j'espère qu'ils ont su réagir en conséquence.

Nous avons pu compter aussi sur un très haut responsable du Service national de la santé, qui a incité tous ses collègues à s'efforcer en commun, une fois l'alerte déclenchée, d'assurer dans toute la mesure du possible la bonne marche des communications tout au long de la chaîne, compte tenu de la vitesse à laquelle nous devions réagir à l'occasion.

Je parlais tout à l'heure de souplesse, et j'évoquais en particulier les leçons que nous avons tirées de la dissémination du virus qui, je dois le dire, n'était pas uniforme. L'ensemble du pays n'a pas été touché en même temps de la même manière. Nous avons eu de toute évidence des foyers d'infection entraînant des pressions considérables au niveau local. Elles étaient considérables pour les populations locales, pour les professionnels de la santé et pour le Service national de la santé. La souplesse à laquelle je faisais allusion aurai dû en fait permettre aux responsables de prendre des décisions dans le cadre national prioritaire sur lequel s'étaient entendus les ministres et les professionnels de la santé publique du Centre afin qu'ils puissent réagir en fonction des situations locales, dictées plus ou moins par la dissémination du virus et l'étendue de la maladie dans ces localités.

J'estime que nous étions en mesure de réagir globalement, ce qui était la bonne façon de faire au départ, mais il me semble qu'il nous faut envisager très soigneusement, notamment si nous devons faire face à une autre pandémie ou à une forme plus grave de celle-ci, de tenir compte des différentes situations qui peuvent se présenter dans les différentes régions de l'Angleterre, mais aussi dans les différents pays du Royaume-Uni. Ainsi, certaines régions du pays pourront faire appel au Service national de lutte contre les pandémies de grippe sans que l'on ait à distribuer des antiviraux partout alors qu'on n'en a éventuellement pas besoin. C'est ce genre de chose qui doit nous préoccuper en particulier alors que nous devons nous efforcer, dans le cadre de notre préparation, de faire preuve de souplesse, dans des limites raisonnables, pour tenir compte des situations locales.

Le président : Monsieur Harper, je vais terminer cette séance en vous posant une dernière question, qui porte sur l'accès aux vaccins au niveau mondial. Quatre-vingt-dix pour cent des capacités de production se trouvent en Europe ou en Amérique du Nord. L'Organisation mondiale de la santé a proposé que 10 p. 100 au moins des vaccins produits par les sociétés pharmaceutiques soient distribués aux pays en développement.

Il est important que nous examinions la chose d'un point de vue international, notamment si nous sommes un jour en présence d'une pandémie bien plus grave. Que nous faut-il faire de ce point de vue? Comment augmenter l'approvisionnement en vaccins des populations des pays en développement et mieux approvisionner le monde entier?

M. Harper : J'aimerais pouvoir vous donner une réponse. Je vous donnerai tout à l'heure mon point de vue en quelque sorte définitif sur la question dans le cadre de ces auditions.

Nous avons besoin de collaborer étroitement avec l'Organisation mondiale de la santé. Bien avant la pandémie, nous savions qu'il y avait une pénurie mondiale au niveau de la production des vaccins. La plupart des entretiens qui ont eu lieu pour organiser des conférences au cours desquelles on s'engagerait à essayer de trouver des ressources, notamment pour aider les pays en développement à se doter d'infrastructures et de moyens de contrôle dans d'autres domaines, mais surtout pour tenir compte de cette pénurie de vaccins au niveau mondial, portaient précisément sur cette question. Comme dans d'autres domaines, nous n'avons pas pour l'instant de réponse; cela ne se limite pas à ce vaccin en particulier. Il y a un problème, vous ne l'ignorez pas, d'accès dans des conditions équitables de l'ensemble des médicaments. L'Organisation mondiale de la santé et l'assemblée en parlent depuis de nombreuses années. Si les réponses étaient simples, nous aurions fait plus rapidement des progrès. Nous avons besoin de nous atteler à la tâche.

Avec votre permission, monsieur le président, j'aimerais évoquer avant que nous nous quittions un certain nombre de champs de recherche prometteurs qui devraient nous permettre d'élaborer un vaccin offrant une protection large, un vaccin pratiquement universel contre la grippe, et certaines recherches qui sont en cours donnent des résultats très encourageants sur ce plan. Jusqu'à un certain point, ce serait le moyen évident de remédier non seulement à la question de la préparation — parce que si nous pouvions vacciner la population contre la grippe et si c'était un vaccin offrant une protection large, la plupart des autres mesures que nous venons d'évoquer tomberaient d'elles-mêmes — mais en outre cela contribuerait dans une large mesure à remédier à la pénurie de vaccins au niveau mondial parce qu'en ayant la possibilité de faire des campagnes de vaccination pendant que tout est calme nous pourrions effectivement mettre le vaccin à la disposition des gens qui en ont besoin dans le monde entier.

Le président : Monsieur Harper, merci d'avoir accepté de nous rencontrer. Compte tenu du décalage horaire, je vous souhaite une bonne soirée et je vous remercie de la contribution que vous avez apportée à notre étude. Ce fut très instructif.

M. Harper : Je vous remercie.

Le président : La deuxième partie de la séance d'aujourd'hui prendra la forme d'une vidéoconférence. Nous allons entendre deux responsables du ministère de la Santé du Mexique. Je vais souhaiter la bienvenue à ces deux personnes. Merci de prendre le temps de converser avec nous. Laissez-moi tout d'abord vous présenter.

Nous avons tout d'abord le Dr Mauricio Hernandez-Avila, qui est sous-ministre de la Prévention et de la Promotion des soins de santé. Dr Hernandez-Avila est diplômé en médecine de l'Université nationale autonome de Mexico. En 1980, il a obtenu une maîtrise puis un doctorat à l'École de santé publique de Harvard. C'est un chercheur de renommée nationale et internationale et il travaille dans les domaines de la santé environnementale, du cancer, de l'épidémiologie et des politiques de santé publique.

À ses côtés se trouve le Dr Hugo Lopez Gatell Ramirez, qui est spécialiste en médecine interne. Il occupe actuellement les fonctions de directeur général de la Direction nationale mexicaine d'épidémiologie. Il est aussi professeur assistant à l'école de médecine de l'Université nationale autonome de Mexico.

Je ne sais pas si vous voulez faire un exposé pour commencer, mais si vous avez quelques minutes à y consacrer, les membres du comité se feront ensuite un plaisir de vous poser des questions si vous le voulez bien.

Dr Mauricio Hernandez-Avila, sous-ministre, Prévention et de la promotion des soins de santé, ministère de la Santé, Mexique : Bonjour tout le monde. Nous sommes heureux de prendre part à cette conférence pour vous informer et répondre aux questions que vous pouvez vous poser au sujet de la réaction du Mexique face à l'épidémie H1N1.

Nous avons préparé une série de diapositives. Je ne sais pas s'il sera possible de vous les montrer. C'est une présentation de 20 minutes en PowerPoint qui vous donnera un compte rendu de la situation, si ça vous convient.

Le président : Je ne sais pas ce que ça donnera pour les diapositives en PowerPoint, mais vous pouvez toujours essayer. Toutefois, si vous pouviez aller un peu plus vite, nous vous en serions très reconnaissants parce que nous disposons de moins d'une heure et que j'aimerais entendre votre exposé pour ensuite permettre à nos sénateurs de vous poser des questions.

Dr Hernandez-Avila : Je ne suis pas sûr dans ce cas qu'il nous faille présenter un exposé. Vous pourriez peut-être nous donner davantage de précisions sur le protocole à suivre au cours de cette séance et nous passerions ensuite directement aux questions que vous voulez nous poser. Ce serait peut-être plus efficace compte tenu de l'emploi du temps de chacun.

Nous étions tous deux chargés de notre programme d'action. Il était placé au niveau national sous la responsabilité du ministre Córdoba. Je devais superviser toutes les questions touchant le vaccin ainsi que notre action en ce qui concerne principalement les soins médicaux et l'épidémiologie. Le Dr Lopez Gatell Ramirez était surtout chargé du contrôle ainsi que des contacts avec les conseillers internationaux venant au Mexique.

Il est difficile pour moi de présenter un exposé parce que je ne comprends pas très bien la nature de cette séance.

Le président : Nous pourrions peut-être passer directement aux questions.

À la demande du ministre de la Santé de notre pays, nous examinons la façon dont a réagi le Canada face à la grippe H1N1 et avant cela au SRAS, et nous étudions la possibilité de mettre en œuvre un plan contre les pandémies à l'avenir — les changements devant être apportés au plan actuel, la façon dont les choses ont marché, les leçons qu'on peut en tirer et les secteurs dans lesquels des améliorations s'imposent.

Par ailleurs, nous nous intéressons aujourd'hui plus particulièrement au cadre international en nous efforçant de comprendre ce qui s'est fait dans d'autres pays. Nous venons d'entendre au cours de la première heure un responsable du Royaume-Uni. Nous nous adressons maintenant à vous deux. Nous connaissons l'importance du Mexique dans le cadre nord-américain, c'est par ailleurs dans ce pays que certains problèmes ont commencé à se poser si nous sommes bien informés, et nous sommes bien entendu au courant de la collaboration qui s'est instaurée entre les trois pays de l'Amérique du Nord : le Canada, les États-Unis et le Mexique.

Nous cherchons à savoir comment vous avez réglé les différents problèmes qui sont aussi les nôtres. Pour ce qui est, par exemple, de l'immunisation, de la question du vaccin, comment avez-vous réglé le problème des communications avec le public en la matière? Comment avez-vous réussi à convaincre l'opinion publique qu'il offrait toutes les garanties de sécurité? Comment avez-vous établi les priorités en matière de vaccination? C'est là un certain nombre des questions que nous avons étudiées.

Nous avons aussi abordé la question du contrôle de la pandémie, du recueil de statistiques et de la possibilité d'améliorer l'information, éventuellement en recourant à une meilleure technologie.

Il y a aussi la question de la fabrication du vaccin. La plupart des vaccins sont produits en Amérique du Nord ou en Europe, et nombre de pays dans le monde n'en ont pas la possibilité. La prochaine pandémie pourrait être plus grave et nous pourrions avoir besoin de plus de vaccins, ce qui fait que la possibilité d'accéder aux vaccins dans le monde entier revêt une grande importance.

Vous pourriez peut-être aborder ces différents sujets et mes collègues vous poseront éventuellement d'autres questions.

Dr Hernandez-Avila : Je vous remercie d'énoncer au départ ces différents éléments de discussion. Je vais les prendre dans l'ordre où vous les avez évoqués en commençant par la question des vaccins.

Pour ce qui est de notre préparation sur la question des vaccins, étant donné que nous avions déterminé à l'avance que la production de vaccins dans le monde ne serait pas suffisante en cas de pandémie, le Mexique a pris tout de suite ses dispositions pour en produire. Nous avions déjà lancé une entreprise en coparticipation avec les laboratoires Sanofi Pasteur en vue de produire des vaccins au Mexique. Nous avions déjà réalisé la moitié des travaux pour la construction de deux usines; l'une pour la production d'antigène, qui devait être placée sous la responsabilité de Sanofi Pasteur, et l'autre pour le dosage et le conditionnement des vaccins, relevant du gouvernement du Mexique.

Cet accord prévoyait qu'en cas de pandémie, le Mexique aurait accès aux vaccins et bénéficierait d'un traitement privilégié. Il s'agissait d'une entreprise en coparticipation visant expressément à protéger la population mexicaine. Voilà plus ou moins la situation dans laquelle nous nous trouvions au moment où la pandémie a frappé le Mexique et, à dire vrai, nous n'avions donc pas encore de capacité de production de vaccins.

Cela étant établi, lorsque la pandémie s'est installée, le Mexique a immédiatement décidé de communiquer sans restriction les données concernant le virus, qui ont été transmises aux laboratoires internationaux du Canada et des États-Unis, aux centres pour la prévention et le contrôle des maladies ainsi qu'au quartier général de l'OMS. Nous avons instauré une collaboration illimitée de ce point de vue. Nous avons immédiatement entamé des discussions avec notre partenaire, Sanofi Pasteur, pour avoir accès aux vaccins.

Nous avons appris immédiatement une grande leçon en constatant que nous n'avions pas d'entente commerciale concernant la livraison et l'établissement du prix des vaccins. Ce n'était pas prévu. C'était une grande leçon car je suis sûr que tous les pays se sont retrouvés exactement dans la même situation. Nous n'avions pas de contrat écrit régissant ou encadrant les relations commerciales entre le gouvernement et la société privée. Cela nous a affaiblis dans nos négociations avec les entreprises.

Nous nous sommes rendu compte par ailleurs que les vaccins fournis au Mexique par Sanofi Pasteur ne seraient pas suffisants pour protéger la population visée, de sorte que nous avons entrepris des négociations avec d'autres entreprises, plus précisément avec GlaxoSmithKline. Les négociations ont donc eu lieu avec deux de ces entreprises.

Finalement, nous avons obtenu un prix concurrentiel. Nous savons que nous avons payé moins cher que d'autres pays, mais quand le vaccin est finalement arrivé, il était trop tard. Le pic de l'épidémie était finalement passé et nous n'avons donc pas pu profiter de toutes les possibilités de vaccination. Ce ne fut pas une grosse surprise car nous l'avions prévu, de même que le gouvernement. C'est la raison pour laquelle nous cherchions à nous doter de nos propres installations pour assurer notre production.

Finalement, les pays producteurs de vaccins ont eu des excédents qu'ils se sont mis à revendre. Je tiens à signaler ici que le Canada a fait un beau geste envers le Mexique en nous laissant l'usage d'une partie de la production que nous avions déjà achetée à GlaxoSmithKline pour qu'elle soit livrée au Mexique. Nous vous en remercions. Nous sommes très reconnaissants de ce geste provenant du Canada. Le vaccin est arrivé en retard.

Ce sont les deux grandes leçons que nous avons tirées : nous devons avoir nos propres capacités de production et il nous faut passer des contrats écrits avec les entreprises pour pouvoir négocier les prix et assurer la livraison.

Votre deuxième question portait sur l'établissement des priorités de vaccination de notre population. Nous avions un comité national. Nous avons invité des experts spécialisés dans les domaines de l'éthique, de l'immunologie et de la santé publique. Nous avons défini les populations cibles en fonction des profils établis au Mexique. Les premiers à être vaccinés ont été les femmes enceintes, où nous avons relevé une forte mortalité, et les jeunes adultes souffrant en même temps d'une maladie chronique, d'obésité ou du VIH. Ensuite, nous avons vacciné les enfants âgés de six mois à quatre ans ainsi que le personnel de santé chargé de dispenser les soins. Cela devait nous amener à vacciner quelque 27 millions de personnes.

Notre programme national d'immunisation permet de dispenser la vaccination au Mexique dans le cadre du régime d'assurance universelle. Nous nous sommes servis de ce réseau pour livrer le vaccin aux États mexicains et, de là, à la population concernée.

Je m'arrêterai ici pour pouvoir répondre à des questions éventuelles touchant la vaccination, et j'enchaînerai ensuite sur les sujets que vous avez évoqués.

Le président : Le seul autre problème qui s'est posé chez nous au sujet du vaccin, c'est celui de son innocuité et de la nécessité d'en convaincre l'opinion publique. Nous avons eu un taux de participation de 41 p. 100. Nous avons mis le vaccin à la disposition de tous les Canadiens qui le voulaient, et la participation a été de 41 p. 100, ce qui est généralement considéré comme bon. Il a fallu se montrer convaincant et nous avons constaté que la communication était un facteur essentiel.

Avez-vous eu des problèmes touchant l'innocuité du vaccin? Il a bien entendu été produit dans un délai très court et n'a pas passé par tous les essais cliniques habituels. Il a fallu faire un certain effort de communication. Avez-vous éprouvé des difficultés à ce sujet ou concernant l'établissement des priorités de vaccination?

Dr Hernandez-Avila : Sur les points que vous venez d'évoquer, nous avons appris notre leçon. Une guerre contre le vaccin a été déclenchée sur Internet. Comme tout le monde, nous avons dû subir des critiques erronées selon lesquelles le vaccin allait tuer des gens et n'avait pas été produit en respectant les règles de sécurité habituelles. Nous étions sûrs que le vaccin offrait toutes les garanties de sécurité parce qu'il avait été produit chaque année plus ou moins dans les mêmes circonstances. C'était un vaccin que nous connaissions très bien.

Nous avons eu un gros obstacle à surmonter au sein de notre population. Nous avons vacciné pendant un mois la population cible et, comme chez vous, nous y avons enregistré un taux de réponse de 50 p. 100. Nous avons ensuite étendu la vaccination à d'autres catégories, après quoi le problème du vaccin s'est posé puisque nous n'en avions pas suffisamment pour les 100 millions de Mexicains. Nous n'en avions que pour 30 millions de personnes. Toutes les doses de vaccins ont été distribuées, mais nous avons quand même étendu la vaccination à d'autres catégories que celles qui étaient jugées prioritaires.

Généralement, les sociétés de production des vaccins effectuent un suivi des effets indésirables du vaccin. Elles combattent les rumeurs qui apparaissent dans la population au sujet du vaccin. Au sujet du H1N1, elles n'ont pas fait grand-chose et c'est nous qui avons dû nous efforcer de convaincre la population de l'innocuité du vaccin. Nous aurions dû nous atteler à la tâche dès le départ en fournissant une bonne information avec des arguments convaincants. Nous n'y avons pas bien réussi.

Le président : Ma question porte sur l'approvisionnement mondial en vaccins. Comment améliorer l'approvisionnement mondial? Vous l'avez signalé, un certain nombre de vaccins ont été fournis par le Canada. Si nous faisons face à l'avenir à une pandémie plus grave, comment allons-nous régler le problème de l'approvisionnement mondial en vaccins? La plupart des vaccins — 90 p. 100 d'entre eux — sont fabriqués en Amérique du Nord ou en Europe, mais nous devons aussi les acheminer vers les autres pays. Que pensez-vous de ce problème?

À la suite des leçons tirées de vos approvisionnements lors de la pandémie de grippe H1N1, avez-vous pris des mesures pour garantir à l'avenir un approvisionnement suffisant de la population du Mexique?

Dr Hernandez-Avila : Vous évoquez une question importante. Nous n'avions pas cette fois-ci un approvisionnement suffisant à l'échelle mondiale pour pouvoir lutter contre une pandémie plus grave. C'est bien évident.

Il y a deux semaines, le président Felipe Calderón a négocié un projet de production d'antigène. Dès la fin de l'année 2011, nous produirons l'antigène au Mexique et, à la fin de l'année 2012, nous assurerons la production intégrale du vaccin au Mexique. Nous nous engageons dans cette voie.

Que nous faudrait-il faire pour augmenter l'approvisionnement mondial? Lorsque nous avons fait l'essai du vaccin, nous n'avons pas étudié suffisamment les possibilités d'améliorer les livraisons. Aujourd'hui, compte tenu de tous les renseignements dont nous pouvons tirer parti touchant la puissance des doses administrées, nous pourrions doubler la quantité de vaccins disponibles. Pour augmenter la disponibilité des vaccins, il nous faudrait nous efforcer de tester différents types de dosage et d'améliorer les capacités de production des vaccins.

Vous nous demandez par ailleurs ce que peuvent faire des pays comme le Canada, les États-Unis, les nations européennes ou le Mexique pour s'assurer que l'ensemble de la population va être vaccinée. Comme les États-Unis, vous avez offert le vaccin à l'ensemble de votre population. On peut se poser un problème d'éthique en la matière et se demander si la vaccination des catégories prioritaires doit s'arrêter à la frontière. Imaginez que des enfants au Chili, au Honduras et au Mexique soient laissés de côté alors que vous choisissez de vacciner votre population adulte, qui ne court pas de grands risques. C'est un problème d'éthique que tous les pays doivent prendre en compte lorsqu'ils décident des moyens de vacciner les catégories les plus vulnérables de leur population.

Je peux vous en donner un exemple. Au début de la pandémie, nous avons constaté qu'au Mexique le risque de mortalité des femmes enceintes était très grand. Nous avons enregistré en effet de nombreux décès de femmes enceintes. Nous avons cherché dans le monde entier un million de doses devant nous permettre de vacciner nos femmes enceintes, qui ont pratiquement été impossibles à obtenir.

Il faudra tenir compte des questions d'éthique au niveau de chaque pays et de chaque région avant la prochaine pandémie.

Le président : Je vous remercie de votre réponse.

Le sénateur Seidman : Ma question porte sur les procédures de contrôle, qui ont largement été évoquées par nos témoins. Nous en avons discuté souvent lors de ces auditions.

Quels sont les mécanismes de contrôle que vous avez employés pour pouvoir disposer des données pratiquement en temps réel dont vous avez éventuellement besoin afin d'assurer le suivi des nouveaux cas, des hospitalisations, des décès et des événements indésirables? Disposiez-vous par ailleurs d'un système informatique centralisé?

Dr Hugo Lopez Gatell Ramirez, directeur général, Epidémiologie, ministèreded la santé, Mexique : Je vous remercie de votre question. Les procédures de contrôle ont elles aussi posé des problèmes lors de la pandémie. Depuis 1995, nous avons un système national de contrôle des maladies transmissibles, des procédures, des délais de notification, et cetera, à l'échelle du pays. En 2006, dans le cadre de sa préparation concernant la grippe aviaire et la pandémie de grippe, le Mexique a changé de stratégie, notamment en ce qui concerne la grippe, passant d'un contrôle général à un système de veille; nous avons établi une centaine de postes de veille dans le pays, comparativement à 19 000 services de soins de santé, qui rendent compte en permanence de tous les cas de maladies transmissibles. Nous avions besoin d'une stratégie plus efficace pour évaluer les cas de grippe.

Toutefois, entre l'année 2006 et le début de la pandémie, et tout au long de celle-ci, nous avons eu bien du mal à interpréter les données fournies dans ce cadre par notre système de contrôle. Il nous apparaît que les solutions adoptées par les États-Unis et le Canada faisaient un meilleur usage de ces postes de veille et des contrôles effectués en laboratoire.

Ici, au Mexique, les responsables comme l'opinion publique s'attendaient à ce que l'on comptabilise tous les cas survenus dans le pays. Il a été bien difficile d'interpréter les messages provenant du système de contrôle.

Ce fut une bonne leçon, cependant, puisqu'à la suite de la pandémie, nous avons mis sur pied notre système insistant sur l'importance d'une entière collaboration des cliniciens ainsi que des 32 États du Mexique. Il en est résulté une amélioration.

Le contrôle effectué en laboratoire représentait un gros défi. On a bien vite progressé grâce à une excellente collaboration du Canada, qui nous a aidés à étendre très rapidement notre réseau de laboratoires. Lorsque la pandémie a débuté, les dossiers de notre laboratoire national étaient tenus en temps réel en fonction de la RCP — la réaction en chaîne de la polymérase — qui est une procédure d'essai plus précise et plus perfectionnée, mais nous n'avions aucun laboratoire qui le faisait au niveau des États. Dans un délai de six semaines, nous avons réussi à mettre sur pied dans chaque État du Mexique un laboratoire en mesure de le faire. Ce fut très important.

Au niveau international, ces cinq dernières années et surtout au cours des deux dernières, nous avons œuvré en collaboration avec l'Agence de santé publique du Canada et le Laboratoire national de microbiologie, de même qu'avec le Centre de contrôle des maladies des États-Unis, pour nous doter d'un cadre permettant d'échanger des informations entre les trois pays. Lorsque la pandémie est survenue, les trois pays communiquaient très bien entre eux et étaient très au courant de ce qui se passait chez leurs voisins.

Lors de la première réunion du comité consultatif institué au plus haut niveau, qui a décidé de prendre des mesures de santé publique extrêmes, telle que la fermeture des écoles dans toute la communauté urbaine de Mexico, nous avons eu la chance de pouvoir prendre l'avis d'experts autorisés du Canada et des États-Unis, qui nous ont été très utiles, et aussi de pouvoir compter sur la collaboration du Laboratoire national de microbiologie du Canada, qui s'est chargé de tester les échantillons.

Enfin, nous avons la charge de nous doter d'un système national de contrôle en temps réel sur Internet. Nous l'avons depuis sept ans pour d'autres maladies, mais nous n'étions pas tout à fait prêts dans ce cas. Poussés par la pandémie, nous avons aussi institué, dans un délai de huit semaines, une plate-forme Internet d'information et de notification en temps réel à laquelle tous les états peuvent aujourd'hui participer.

Il convient aussi de signaler que les travaux effectués par le Canada au sein du Laboratoire national de microbiologie pour mettre sur pied un réseau canadien d'information en santé publique nous ont servi de modèle et nous en remercions le gouvernement du Canada.

Dr Hernandez-Avila : Par ailleurs, nous avons lancé l'alerte 10 jours après avoir décelé les premiers cas graves de grippe. Nous avons œuvré en étroite collaboration avec l'Agence de sécurité canadienne et avec le CDC, parce que nous n'étions pas en mesure à l'époque, nous le sommes maintenant, de procéder à l'analyse des empreintes génétiques du virus. Nous savions que c'était un virus de la grippe, mais nous n'arrivions pas à trouver le type précis. Il nous a fallu 10 jours dans le cadre de notre système pour alerter le reste du monde et instaurer une communication franche et transparente.

Au lendemain de l'épidémie survenue au Mexique, nous continuons à éprouver des difficultés, parce que nous n'avons toujours pas de registre médical informatisé, ce qui nous permet difficilement de consigner toutes les statistiques hospitalières. Il nous a été difficile de recueillir des statistiques journalières sur le nombre d'hospitalisations et sur le pourcentage d'admissions dans les services de soins intensifs. Nous nous efforçons aujourd'hui d'accélérer la mise en place de registres médicaux informatisés.

Le sénateur Seidman : J'apprécie vos réponses et je dois vous avouer que les progrès que vous avez réalisés en si peu de temps sont très impressionnants. Je vous remercie.

Le sénateur Martin : Merci, docteurs, de nous avoir fait profiter de l'expérience du Mexique. Nous avons beaucoup parlé de tout ce qui s'est très bien passé lors de la dernière pandémie, au niveau local et international, et du rôle joué par le Canada. Il est très encourageant de savoir que nous disposons d'une bonne base qui nous permettra de progresser.

C'est le secteur des communications qui laisse à désirer et dans lequel on a relevé des insuffisances. Quelle est l'efficacité des communications dans le cadre du plan nord-américain auquel participent le Canada, les États-Unis et le Mexique? Quelles sont les difficultés que vous avez relevées au sein de ce partenariat international? Compte tenu des décalages horaires, on comprend tout de suite qu'il y a des obstacles naturels à une bonne coopération internationale. Pouvez-vous nous parler des défis à relever en matière de communications en Amérique du Nord ainsi que dans le monde entier et nous proposer éventuellement des mesures utiles en prévision de la prochaine crise?

Dr Hernandez-Avila : Les communications étaient déjà en place. Les responsables de la santé du Mexique ainsi que ceux du Canada et des États-Unis se réunissaient déjà depuis au moins cinq ans afin d'élaborer notre plan. Nous procédions aussi à des simulations pour voir quelles étaient les évolutions possibles. Je pense que nous étions prêts.

Nous nous connaissions. Les communications ont été enclenchées immédiatement. Nous savions que le virus était aux États-Unis et nous avons pu déterminer en quelques jours qu'il s'agissait du même virus. Les études nous ont révélé que le virus qui se trouvait en Californie était le même que celui que nous retrouvions ici au Mexique.

Nous étions aussi en relation assez étroite avec les laboratoires canadiens et les responsables de la santé publique. J'ai parlé à maintes reprises avec le directeur CDC, le Dr Frieden, ainsi qu'avec le Dr Butler-Jones. Je dirai par conséquent que les communications, officielles ou non, ont été très bonnes. Les communications non officielles se faisaient par téléphone et lors des conférences. Les communications très officielles étaient celles qui avaient besoin d'être mises en place dans le cadre de la réglementation internationale de la santé, qui imposait des comptes rendus. On a aussi fait parvenir dans ce cadre des rapports officiels à nos collègues du Canada et de l'Amérique du Nord.

Les communications avec les autres pays du monde ont été un peu plus difficiles. Nous avons fait appel au réseau panaméricain de l'Organisation mondiale de la santé pour rencontrer dès le départ les responsables de la santé de l'Amérique latine. Nous avons pu les avertir, leur dire ce que nous faisions et rendre compte des mesures prises par le Mexique. Ce fut très apprécié par les pays de l'Amérique latine, notamment par le Chili et l'Argentine. Nous avons envoyé des spécialistes au Chili et en Argentine pour les aider dans leur action.

Pour ce qui est des autres pays du monde, nos communications sont passées par l'OMS. Nous avons eu, je pense, un problème de communication avec la France et l'Angleterre. Les vols ont été annulés immédiatement et les touristes n'ont pas été bien informés. Cela s'est mieux passé avec l'Espagne. L'Espagne a joué un rôle majeur en rétablissant les vols vers le Mexique.

Je dois dire toutefois que les communications au sein de l'Amérique du Nord ont offert toutes les garanties et que nous avons bien travaillé ensemble. Vous savez que lors de nos séances d'information organisées par notre ministre et par les responsables de la santé, le Dr Butler-Jones et d'autres responsables du CDC étaient au téléphone pour prendre part dès le tout début à ces réunions importantes.

Dr Ramirez : Je suis d'accord avec ce qu'a dit le Dr Hernandez-Avila. Vous savez que nous allons nous réunir la semaine prochaine à Washington avec les responsables de la santé et de la protection du Canada, des États-Unis et du Mexique. Nous allons revoir à cette occasion le plan nord-américain de préparation en cas de pandémie de grippe. Ce document a été rédigé en 2007 dans le cadre du Partenariat nord-américain pour la sécurité et la prospérité, qui est aujourd'hui le Sommet des leaders nord-américains.

Nos trois pays veulent conserver ce plan et le mettre à jour en tirant parti des leçons apprises lors de la pandémie. L'évolution de nos communications, l'entraide, l'esprit d'ouverture et la transparence qu'on retrouve dans le cadre de cette collaboration des trois pays de l'Amérique du Nord, sont des choses très positives.

Le sénateur Martin : Il est intéressant de relever qu'il semblait y avoir une plus grande confiance entre les experts au niveau international et même à l'échelle de l'Amérique du Nord que ce qu'on a pu voir parfois au niveau local. Ce pourrait être le cas au Canada compte tenu des différentes juridictions.

Le Dr Harper a évoqué précédemment les spécialistes autoproclamés qui veulent avoir leur mot à dire et qui donnent parfois des informations contestables lorsqu'ils ne sont pas d'accord avec l'avis des experts. En insistant sur la nécessité d'avoir des objectifs très clairs en matière de communication et de se faire confiance en travaillant ensemble pour que le message soit cohérent et la communication efficace, vous nous donnez une leçon que doivent retenir les différentes juridictions.

Avez-vous eu au Mexique des difficultés de communication dues aux messages contradictoires ou à l'avis de soi- disant experts cherchant à intervenir alors qu'ils n'ont pas participé aux discussions et qu'ils ne sont pas d'accord avec le plan fédéral? Avez-vous éprouvé des difficultés de communication de ce genre?

Dr Hernandez-Avila : Nous avons bien sûr éprouvé des problèmes de communication de ce genre. Nous y avons remédié, cependant, en confiant la communication à un seul intervenant. Ce porte-parole était le ministre de la Santé, M. Córdova. C'est lui qui a pris la parole dès le début de la pandémie et il a accordé des centaines d'entrevues. Nous avions tous les matins et tous les soirs des comptes rendus officiels.

Comme tout le monde, nous avons eu des difficultés à comptabiliser le nombre de malades. C'est ainsi chaque fois qu'il y a une épidémie de ce genre, que l'on relève 500 ou 600 cas.

Nous avons eu aussi des difficultés avec les chercheurs mexicains qui se sont sentis exclus. Les règles internationales exigent que nous communiquions nos échantillons à notre laboratoire de référence. Notre laboratoire de référence est le CDC. Ces chercheurs comprenaient mal, toutefois, qu'au mépris de notre souveraineté nationale nous fassions parvenir les échantillons au CDC avant de les envoyer à d'autres laboratoires. Ils ont diffusé des renseignements erronés sur les risques de mutation du virus et sur l'état de préparation du gouvernement. Toutes les mises au point nécessaires ont cependant été faites avec brio par le Dr Córdova, qui est un excellent communicateur et qui avait la confiance de la population.

Nous avons ouvert un centre d'appels de très grande envergure, qui a répondu à plus de six millions d'appels. Nous avons pu y parvenir parce que notre société téléphonique a accepté de fournir gratuitement ce service. Telmex a mis en place un énorme centre d'appels qui nous a permis de prendre en charge la plupart des appels téléphoniques. Nous nous sommes servis par ailleurs de la messagerie instantanée des téléphones mobiles pour envoyer des messages à la population et l'informer comme il se doit.

Il y a eu de bons et de mauvais jours. Toutes sortes de rumeurs ont couru. Il y a eu une rumeur selon laquelle le virus avait pris naissance dans une petite exploitation porcine de Veracruz, ce qui a fortement attiré l'attention des journalistes du monde entier. Finalement, il a été prouvé que cette rumeur était fausse, mais sur le moment nous avons éprouvé toutes sortes de problèmes de communication.

Ce qui nous a beaucoup aidé aussi, c'est que dans le cadre des mesures de préparation déjà évoquées par le Dr Lopez Gatell Ramirez, nous avons œuvré en collaboration avec nos collègues des États-Unis et du Canada à l'élaboration de notre propre campagne de communication sur les risques. Nous avions déjà testé des messages sur la population, nous avions une petite bande dessinée en espagnol pour communiquer l'information. Nous étions pour l'essentiel déjà tout prêts à fournir l'information à toutes sortes d'auditoires.

Quels sont les défis qu'il nous a fallu relever? Nous étions très proches de la période des élections. Nous ne l'avions pas prévu dans notre plan de lutte contre la pandémie — que se passe-t-il si l'on est en période électorale? Nous avons appris désormais, nous avons tiré les leçons de la situation et nous avons un plan. Voilà les choses que nous n'avions pas prévues lorsque nous avons élaboré le plan.

Le président : Avant de terminer la séance, j'ai une dernière question à vous poser. Vous nous avez dit que le vaccin avait été long à arriver. Qu'avez-vous fait dans l'intervalle, notamment en ce qui a trait à l'utilisation des antiviraux, pour opérer un cloisonnement social — autrement dit, en recourant à l'isolation ou en faisant en sorte que les gens restent à l'écart pour éviter la dissémination — ou encore sur le plan de l'hygiène personnelle? Qu'avez-vous fait en attendant dans ces différents domaines?

Dr Hernandez-Avila : Dès le départ, nous avons pris des mesures très strictes de cloisonnement social. Nous avons fermé les écoles, soit le principal réseau susceptible de transmettre la maladie au Mexique. Nous avons tiré parti du fait qu'en mai il y a plusieurs jours de congé pendant lesquels les enfants ne vont pas à l'école. Cela nous a permis de fermer les écoles sans perdre trop de cours.

Nous avons lancé une grande campagne d'hygiène dans les médias. Nous avons distribué d'énormes quantités d'alcool pour la désinfection des mains. Nous avons aussi équipé les écoles qui n'avaient pas d'installations sanitaires pour qu'à leur retour les élèves aient de l'alcool pour se désinfecter les mains. Nous avons établi des points de contrôle à l'entrée des écoles. Cela nous a aidés à bien préparer leur retour.

Nous avions des antiviraux en réserve et nous avons entrepris de les distribuer gratuitement à tous ceux qui présentaient des symptômes proches de la grippe. Ils ont été distribués dans tous les États. Nous avions un million de doses en réserve et nous avons reçu immédiatement des dons des États-Unis, de l'OMS et d'autres pays. Nous avons lancé notre action avec les antiviraux et le cloisonnement social, et nous avons aussi fait des communications au sujet de l'hygiène personnelle.

De plus, nous avons lancé une très grande campagne d'information dans les médias touchant les facteurs de risques liés à la transmission de la maladie, en montrant à la population comment il fallait tousser, en disant aux gens de ne pas mettre leurs doigts dans les yeux et la bouche et en prenant différentes mesures de santé publique de cet ordre.

Le président : Je vous remercie de vos réponses et merci d'avoir pris part à notre étude de la préparation du Canada en cas de pandémie. Votre contribution nous a été très utile.

Dr Hernandez-Avila : Nous tenons aussi à vous remercier en votre qualité de représentants du gouvernement canadien. Je pense que vous pouvez être fiers; vous pouvez compter sur des institutions très solides qui ont fait preuve d'initiative et qui nous ont fait profiter de leur expérience lorsque nous en avions besoin. Nous avons énormément apprécié tous les professionnels canadiens qui sont venus nous aider dès le début de la pandémie. Ils ont été d'un grand secours; merci beaucoup.

Le président : C'est nous qui vous remercions. Je suis sûr que cette collaboration se poursuivra.

(Le comité lève la séance.)


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