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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 15 - Témoignages du 29 octobre 2010


OTTAWA, le vendredi 29 octobre 2010

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 8 h 1 pour étudier la préparation du Canada en cas de pandémie.

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur la préparation et l'intervention en cas de pandémie, et nous avons le plaisir d'accueillir la ministre de la Santé, l'honorable Leona Aglukkaq, qui est à l'origine de l'examen que nous menons sur ce sujet. En effet, en juin dernier, elle nous a écrit une lettre pour nous demander de jeter un coup d'œil sur les questions qui ont été soulevées et sur l'expérience sur le terrain et de formuler des recommandations concernant les activités de planification futures en cas de pandémie.

Madame la ministre, il s'agit de notre dernière audience, après neuf autres au cours desquelles nous avons entendu quelque 60 témoins. Nous tiendrons ensuite une table ronde pour conclure nos discussions sur le sujet, puis nous nous appliquerons à préparer un rapport comportant des recommandations qui vous sera transmis d'ici la fin de l'année.

Je vous souhaite la bienvenue. Vous nous avez demandé de faire cette étude, et je vous remercie de la confiance que vous nous avez témoignée à cet égard. Nous sommes heureux que vous nous ayez confié cette mission. Le comité prend beaucoup de plaisir à se pencher sur les questions liées à l'élaboration des politiques, et il le fait depuis longtemps. La parole est à vous.

L'honorable Leona Aglukkaq, C.P., députée, ministre la Santé : D'abord, je tiens à remercier les membres du comité de m'avoir invitée à témoigner ce matin. Je suis très heureuse d'être ici. Au cours des dernières semaines, vous avez entendu beaucoup de témoins qui ont parlé d'un vaste éventail de sujets liés à la préparation et à l'intervention en cas de pandémie. Je sais que de nombreux témoins du portefeuille de la Santé ont traité de ces sujets en détail, et je crois comprendre qu'ils poursuivront les discussions plus tard aujourd'hui.

Votre intérêt pour ce sujet d'importance nous est utile, au moment où nous intégrons les leçons tirées de la pandémie de grippe H1N1 à notre planification continue en cas de pandémie. Pour cette raison, je suis contente d'avoir à mes côtés aujourd'hui Glenda Yeates, le Dr David Butler-Jones et le Dr Paul Gully à l'occasion de la dernière audience. D'autres collaborateurs assistent à la séance.

Le 17 avril 2009, l'Agence de la santé publique du Canada a pris connaissance d'une éclosion de maladie respiratoire grave au Mexique. Les autorités mexicaines ont communiqué avec l'agence pour demander des services de laboratoire de soutien. En quelques jours, des échantillons de laboratoire provenant du Mexique étaient parvenus au Laboratoire national de microbiologie de l'agence pour y subir des tests et être identifiés.

L'agence et le Laboratoire national de microbiologie ont été en mesure d'isoler et d'identifier rapidement le virus. Le 26 avril, l'agence avait confirmé la présence de six cas de grippe H1N1 au Canada. Nous avons immédiatement appliqué notre vaste Plan canadien de lutte contre la pandémie d'influenza.

Le 30 avril, nous avions atteint le niveau d'urgence 4 et adopté un horaire continu — 24 heures sur 24, sept jours sur sept —, et nous nous adaptions quotidiennement en temps réel, avançant à l'unisson avec tous nos partenaires. La force de nos partenariats existants avec le Mexique, l'Organisation mondiale de la santé et d'autres partenaires nous a permis d'intervenir rapidement et nous a aidés à nous adapter à des circonstances en évolution.

Le Canada a joué un rôle de chef de file dans les efforts mondiaux de préparation et d'intervention en cas de pandémie. Nous avons entretenu et échangé des renseignements provenant de Surveillance de l'influenza, notre système de classe mondiale pour la surveillance de la grippe. Nous avons offert de l'aide en matière de tests et d'analyse du virus, et nous avons été les premiers à présenter la séquence complète du génome du virus. Nous avons aussi fourni de manière continuelle de l'information et un soutien rapide à nos partenaires internationaux.

Les fabricants et les organismes de réglementation ont été en mesure de rapidement créer une souche semence, de la raffiner et de la soumettre à des tests d'innocuité, et le Canada a pu commander des vaccins au moyen d'un arrangement particulier avec un fournisseur.

Il y a un an, jour pour jour, mes collègues et moi nous préparions pour notre 35e conférence de presse sur le virus H1N1 et notre 30e séance d'information sur la pandémie devant le Comité de la santé. C'était le début de la saison de la grippe saisonnière et de la deuxième vague de grippe H1N1.

Le vaccin contre la grippe H1N1 venait d'être homologué, et le déploiement de la plus vaste campagne de vaccination de l'histoire du Canada commençait. Le Dr Butler-Jones et moi venions de terminer une consultation pancanadienne au cours de la semaine précédente. Le long et dur travail de préparation du Plan canadien de lutte contre la pandémie d'influenza a été essentiel à notre intervention contre la pandémie de grippe H1N1.

Le succès d'ensemble de l'intervention du Canada contre la pandémie de grippe H1N1 montre que le plan a fonctionné. Approuvé en 2006, le plan a été construit à partir des leçons tirées de la crise du SRAS de 2003 et de pandémies antérieures.

Il nous a permis d'être prêts, de nous assurer que les acteurs connaissaient leurs rôles et leurs responsabilités et de veiller à ce que nos efforts soient coordonnés. Il a prouvé la valeur des arrangements d'échange de renseignements que nous avions mis en place. Il a mis en lumière la valeur de nos partenariats, d'une sensibilisation coordonnée et d'une éducation du public à tous les niveaux.

Les gouvernements provinciaux et territoriaux sont responsables de la planification en cas de pandémie pour l'ensemble de leurs résidants, y compris les Inuits. C'est pour cette raison qu'à titre de ministre fédérale de la Santé, j'ai appuyé la décision de mes homologues provinciaux et territoriaux de ne pas élaborer un plan en cas de pandémie distinct pour les Inuits. J'attire votre attention sur cet aspect, car on m'a dit que cela avait fait l'objet un exposé.

Comme vous l'avez su, le vaccin a été offert au Canada plus tôt, en plus grande quantité et à un meilleur prix que dans presque tous les autres pays. Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont travaillé ensemble. Grâce à des années de planification avec des partenaires ainsi qu'à la réponse des Canadiens à l'appel, nous avons mené avec succès la plus vaste campagne de vaccination de l'histoire du Canada. Tout au long du processus, nous avons pris des décisions en fonction des meilleures données scientifiques connues et des avis de spécialistes de la santé publique du Canada et du monde.

Le Canada a collaboré avec ses partenaires pour échanger de l'information sur les tendances, la surveillance, l'innocuité des vaccins et leur efficacité. Les chefs autochtones nous ont aidés à répondre aux besoins particuliers des Premières nations, et, comme dans la population en général, leur taux de participation aux séances de vaccination de masse organisées dans leurs collectivités a été bon.

À l'échelle internationale, les scientifiques canadiens du Laboratoire national de microbiologie ont joué un rôle essentiel pour soutenir les efforts d'intervention du Mexique. De plus, les Canadiens ont contribué à leur propre protection en prenant de nombreuses mesures de prévention efficaces, comme se faire vacciner contre la grippe H1N1. Le plan nous a aidés à y parvenir.

Cependant, aucun plan ne permet de prévoir toutes les difficultés qui peuvent se présenter. Des difficultés, nous en avons surmonté beaucoup. Les données scientifiques évoluaient, des problèmes imprévus survenaient. Après tout, la nature est imprévisible. Mais nous nous sommes adaptés et nous avons relevé chaque nouveau défi.

Même si le niveau de planification, de coordination et de collaboration était sans précédent, il y a toujours place à l'amélioration. Les pandémies sont imprévisibles, et la pandémie de grippe H1N1 n'a pas fait exception.

Nous continuons d'appliquer les leçons tirées de cette expérience, y compris d'un examen complet du plan. Il est clair que nous devons trouver des façons de communiquer les connaissances scientifiques au grand public afin de fournir aux gens l'information et les outils dont ils ont besoin pour prendre des décisions personnelles éclairées en matière de santé.

Il est également clair que nous devons améliorer notre capacité de surveillance afin de mieux suivre et de mieux signaler la propagation des maladies au pays. Ces outils contribueront à améliorer les activités et l'intervention en santé publique dans l'ensemble des administrations, pas seulement en cas d'urgence.

Nous avons hâte de publier sous peu le rapport commun de Santé Canada et de l'Agence de la santé publique du Canada sur les leçons tirées de la grippe H1N1.

Voici trois recommandations principales tirées de cet examen : nous devons continuer de renforcer la capacité et la coordination fédérales, provinciales et territoriales pour intervenir en cas de grippe pandémique; nous devons continuer de clarifier, de faire connaître et de mettre en pratique les rôles, les responsabilités et les mécanismes fédéraux en matière de gestion des situations d'urgence; et nous devons améliorer la capacité du portefeuille de la Santé de communiquer l'information scientifique.

Nous cherchons toujours des moyens d'améliorer nos processus, notamment les évaluations, les rapports du vérificateur général et les vérifications internes. Ces outils de gestion contribuent à renforcer la capacité d'intervention du portefeuille de la Santé. Le rapport du comité jouera également un rôle important dans l'amélioration de notre capacité d'intervention future.

J'effectuerai un suivi auprès des fonctionnaires de mon ministère pour connaître les progrès de la mise en œuvre des améliorations décrites dans votre rapport. Je veux aussi profiter de l'occasion pour remercier tous les membres, ainsi que les témoins qui ont comparu devant le comité, d'avoir fait part de leur point de vue sur la préparation en cas de pandémie au Canada. Je tiens également à remercier tous les fonctionnaires qui ont travaillé à mes côtés et qui ont joué un rôle très important dans le plan d'intervention du Canada de leur dévouement et de leur travail acharné durant la pandémie.

Maintenant, je répondrai avec plaisir à vos questions.

Le président : Je vous remercie, madame la ministre.

Vous avez parlé dans votre allocution d'un examen conjoint de l'Agence de la santé publique du Canada et de Santé Canada. Des représentants nous ont dit, lorsqu'ils ont comparu devant nous, que le rapport de cet examen serait terminé d'ici la fin du mois, c'est-à-dire dans deux ou trois jours. Nous avons hâte de consulter ce rapport parce que nous voulons voir dans quelle mesure la direction que nous avons prise correspond à la leur. Nous étions d'avis que le rapport nous serait utile. Pouvons-nous toujours nous attendre à l'avoir d'ici la fin du mois?

Mme Aglukkaq : Dès qu'il sera terminé, je serai ravie de vous le faire parvenir.

Le président : Nous sommes sur le point de terminer nos discussions sur le sujet, alors le plus tôt sera le mieux.

Mme Aglukkaq : L'idée était que nous ferions une évaluation interne de notre rendement et que le comité se chargerait de l'évaluation externe, alors les rapports qui découleront de ces deux évaluations seront utiles, en effet.

Le président : Espérons que nous recevrons le rapport avant de terminer nos discussions.

Au cours des audiences, nous avons découvert que, en 2005, le gouvernement fédéral a réservé un budget pour la préparation en cas de pandémie qui devait être alloué au cours des cinq années suivantes. Cette période prendra fin en mars 2011. Ce budget sera-t-il renouvelé? Quelle sera la situation? Vous conviendrez sûrement qu'il reste encore beaucoup de travail à faire dans ce domaine. Qu'arrivera-t-il avec ce budget? Sera-t-il renouvelé?

Mme Aglukkaq : Lorsque nous avons approuvé, en 2006, le plan de lutte contre la pandémie — au cours d'une réunion fédérale-provinciale-territoriale qui s'est tenue au Nouveau-Brunswick —, nous avons prévu un budget central pour soutenir la mise en œuvre du plan, et nous continuerons de renouveler ce financement.

Il est important que notre gouvernement soit prêt à intervenir en cas de pandémie, et la préparation passe entre autres par la mobilisation des ressources. Il faudra déterminer quelles seront les ressources nécessaires pour refaire des provisions, si je peux utiliser ce terme; c'est l'une des mesures importantes que nous prendrons.

Le président : Le budget ne sera pas soudainement épuisé à la fin de mars 2011; il sera reconduit?

Mme Aglukkaq : C'est un processus qui suivra son cours. En 2006, nous avons mis de côté ces fonds en prévision d'une pandémie, alors les ressources étaient déjà disponibles lorsque nous avons lancé le plan de lutte contre la pandémie d'influenza. Nous avons pu accéder immédiatement à ces ressources. Nous recourrons à une approche semblable pour reconstituer les ressources nécessaires à la mise en œuvre d'un plan de lutte en cas de pandémie.

Le président : Au cours de nos audiences, nous avons accueilli les représentants de divers organismes nationaux, par exemple la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants et la Fédération canadienne des municipalités. Les représentants de ces organismes étaient d'avis que nous devrions mettre en place un plan national de lutte contre une pandémie d'influenza qui tiendrait compte non seulement du secteur des soins de santé, mais également des autres secteurs qui seraient grandement touchés par une pandémie, particulièrement si la pandémie était plus grave que celle que nous avons connue. À l'évidence, le milieu scolaire et les enseignants écoperaient. La Fédération canadienne des municipalités est responsable des premiers intervenants, comme les pompiers, les ambulanciers paramédicaux, et cetera. Les représentants de la fédération croyaient que le plan devait avoir une portée plus large, alors ils ont parlé d'un plan national. Avez-vous envisagé une telle possibilité? Comment pouvons-nous élargir la consultation de façon à tenir compte des divers secteurs qui contribuent grandement à la mise en œuvre d'un plan semblable?

Mme Aglukkaq : En ce qui a trait à l'exécution du plan, pour décrire en termes simples ce qui se passait en coulisse, je dirais qu'un certain nombre de roues tournaient en même temps, qu'il s'agisse des gouvernements provinciaux et territoriaux, du gouvernement fédéral, des équipes internationales responsables de la mise au point d'un vaccin, de l'Organisation mondiale de la santé, ou OMS, de l'Organisation panaméricaine de la santé, ou OPS, ou des municipalités. Tous ces acteurs lançaient des initiatives en même temps. Nous devions donc être capables de fournir chaque jour un aperçu de la façon dont toutes ces roues tournaient pour informer les Canadiens sur ce que nous faisions. Chaque organisme jouait un rôle, mais, en prévision d'une pandémie, il est important de continuer à renforcer les relations que nous avons établies avec ces organismes, qu'il s'agisse de transporteurs aériens, de postes frontaliers, d'établissements d'enseignement ou de collectivités.

Les municipalités ont participé au processus d'élaboration du plan de lutte contre la pandémie approuvé en 2006.

Cela dit, je conviens que nous pouvons en faire plus, et c'est en partie pour cette raison que nous vous avons demandé de produire ce rapport. J'ai vécu la crise du syndrome respiratoire aigu sévère, ou SRAS. J'étais alors ministre de la Santé du territoire. Mon expérience là-bas m'a permis de constater qu'il n'y avait aucune communication entre les ministres provinciaux de la Santé et leur homologue fédéral. C'était le jour et la nuit. Il y avait beaucoup de confusion et aucune information. C'était très inquiétant, car nous ne savions pas ce qui se passait avec le SRAS. Il n'y avait aucun plan. Enfin, s'il y en avait un, il n'a pas été bien communiqué.

Peu de temps après, les ministres de la Santé ont déclaré que nous avions besoin d'avoir un plan, et le plan de 2006 a été approuvé. Je connaissais très bien les aspects propres aux provinces et aux territoires, mais j'en savais peu au sujet des aspects de portée nationale, car, à l'époque, le ministre de la Santé était M. Clement. Si je peux comparer l'éclosion du SRAS avec la situation actuelle, je dirais que c'est le jour et la nuit.

Cela dit, il sera important d'intégrer dans le nouveau plan les leçons que nous avons tirées de la pandémie de H1N1 et les façons d'améliorer notre intervention. Je conviens que nous pouvons renforcer nos relations avec les municipalités. S'il existe des moyens de mieux collaborer avec les municipalités, alors nous les intégrerons aussi dans le plan; il faudra renforcer non seulement les relations avec les établissements d'enseignement, mais également avec d'autres organismes. Nous continuerons d'apporter des améliorations à cet égard.

Le président : Je vais maintenant laisser la parole à mes collègues. Vous disposez chacun de cinq à sept minutes. Nous allons commencer par le sénateur Seidman, du Québec.

Le sénateur Seidman : Je vous remercie, madame la ministre, d'être venue ici aujourd'hui à cette heure matinale. L'une des questions qui ont été maintes fois soulevées pendant nos audiences est l'importance de la surveillance pour recueillir des données presque en temps réel et l'utilité de systèmes électroniques normalisés et coordonnés qui permettront de recenser les nouveaux cas, les hospitalisations, les événements indésirables, les décès et d'autres variables. Ce matin, dans votre allocution, vous avez parlé de cet aspect. Vous avez dit qu'il était clair que nous devions améliorer notre capacité de surveillance afin de mieux suivre et de mieux signaler la propagation des maladies au pays. Vous avez aussi parlé de la coordination entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, ce qui est crucial si nous voulons tenter de recueillir quelque donnée que ce soit d'une façon uniforme dans l'ensemble du pays.

Pourriez-vous nous donner un aperçu du système que le pays a utilisé dans le passé et du système que nous utilisons actuellement au chapitre de la surveillance nationale, plus particulièrement de la surveillance électronique?

Mme Aglukkaq : En comparaison du système de surveillance en place dans d'autres pays, celui que nous utilisons au Canada est l'un des meilleurs modèles que j'ai vus au chapitre de la collecte des données. Chaque jour, on devait répondre à des questions, par exemple combien de doses de vaccins ont été administrées. Les données de surveillance proviennent de diverses sources, comme les bureaux des médecins, les stations éloignées, les hôpitaux, les laboratoires, les pharmacies et d'autres organismes. Pour réussir à recueillir chaque jour toutes ces données, nous devons exercer une surveillance 24 heures sur 24, sept jours sur sept pendant la pandémie.

Lorsque nous avons recueilli toutes les données, nous devons les analyser aux échelons local, provincial et territorial. Les ressources et les processus auxquels nous avons recours sont efficaces, et ils varient d'un endroit à l'autre au Canada, mais l'interprétation de l'information est une opération d'envergure.

Dans l'avenir, l'adoption d'une stratégie pancanadienne efficace nous permettrait de définir clairement les priorités et les rôles des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux dans la surveillance de la santé publique. Les provinces et les territoires s'appliquent également à évaluer ces rôles pour trouver des façons d'améliorer le processus de surveillance au Canada. Encore une fois, il s'agit d'activités qui suivent leur cours. Cela prend du temps. L'ensemble des provinces et des territoires travaillent à mettre à jour leur plan et à trouver des moyens de s'améliorer à cet égard. Le Laboratoire national de microbiologie et l'Agence de santé publique travaillent aussi avec des médecins de partout au pays à régler les questions relevant de ce domaine. Ce travail fait partie du processus. Nous pouvons établir l'infrastructure requise pour recenser certaines des lacunes et ainsi améliorer notre système de surveillance.

Le sénateur Seidman : Allons-nous, par exemple, nous inspirer des modèles adoptés par d'autres pays? Hier, nous avons rencontré M. Harper, du Royaume-Uni. Il a décrit les systèmes de surveillance et de déclaration électronique qu'on utilise là-bas, et le processus semble exhaustif et perfectionné. Toutefois, je ne suis pas certaine que ce soit le cas ici. Est-ce que nous examinons les modèles de ce genre qui sont utilisés dans d'autres pays?

Dr David Butler-Jones, administrateur en chef de la santé publique, Agence de la santé publique du Canada : Nous regardons toujours les autres systèmes. Le gouvernement fédéral a financé, en collaboration avec Inforoute Santé du Canada, la création d'un système appelé Panorama. Le système est en cours de mise en œuvre. Cet outil servira non seulement à la surveillance, mais aussi à la gestion des cas. Ce système permettra aux administrations qui ont choisi de l'adopter de recueillir rapidement de l'information et d'échanger cette information — du moins les données dont nous avons besoin dans le pays — de façon appropriée. Les administrations qui ont choisi de ne pas mettre en place Panorama ont d'autres systèmes, et elles doivent veiller à ce que ces systèmes communiquent avec Panorama. Nous disposons d'un certain nombre de systèmes, mais ils ne sont pas encore tous coordonnés et mis à profit. Nous espérons que, au cours des deux ou trois prochaines années, nous serons en mesure d'accroître notre capacité afin de recueillir rapidement ces données.

Cela dit, le Canada peut se targuer d'avoir l'un des meilleurs systèmes de surveillance hospitalière dans le monde. Toutefois, les activités de surveillance ne nous permettent pas de tout recenser. Lorsque nous regardons les données recueillies par les Instituts de recherche en santé et l'information relative au taux d'hospitalisation pour la grippe, nous constatons que les activités de surveillance n'ont probablement permis de recenser que moins du tiers des cas d'hospitalisation. Le nombre de personnes hospitalisées que nous avons utilisé était au moins trois fois supérieur à ce nombre. Les activités de surveillance ne nous permettent pas de tout relever, mais elles nous fournissent un aperçu des tendances et de la répartition des cas, ce qui est l'objectif premier de la surveillance. Ensuite, lorsque nous regardons les données liées au taux de mortalité, nous ne saurons pas combien de personnes ont succombé à cette maladie pandémique tant que nous n'obtiendrons pas le taux de mortalité calculé par Statistique Canada et comparé ce taux avec celui qui prévalait pendant les années normales.

La surveillance nous permet d'avoir les renseignements dont nous avons besoin pour comprendre ce qui se passe et pour cerner rapidement les problèmes, mais elle ne nous donne pas un portrait complet de la situation. Il est donc important de poursuivre la recherche dans ce domaine pour avoir une meilleure compréhension de ce qui s'est passé pendant la pandémie.

Le sénateur Seidman : Trouvez-vous qu'il y a une bonne coopération entre les provinces et les territoires? Évidemment, il est essentiel que les provinces et les territoires fassent preuve de coopération et veuillent contribuer à la création d'un système national.

Mme Aglukkaq : Au cours des 10 ou 11 derniers mois, la relation de travail avec les provinces et les territoires a été extraordinaire. Je communiquais quotidiennement avec les ministres pour les informer de ce que nous faisions, pour leur fournir des renseignements en temps réel. Tout le monde s'est entendu pour dire qu'il fallait rendre compte des faits en s'appuyant sur des données scientifiques et pas sur des hypothèses. La relation de travail était fantastique. La réussite de la mise en œuvre de ce plan reposait sur les administrations, car ce sont elles qui devaient assurer la prestation des soins de santé. Il importait que toutes les administrations et le gouvernement fédéral, y compris les médecins de l'Agence de la santé publique, travaillent de façon coordonnée dans le pays. À mes yeux, il était phénoménal de voir comment les administrations et le gouvernement fédéral parvenaient à communiquer de façon efficace. Il y a eu quelques ratés, certes, mais, dans l'ensemble, la relation de travail était excellente.

Le président : La parole est maintenant au sénateur Ogilvie de la Nouvelle-Écosse, qui assume également la vice- présidence du comité.

Le sénateur Ogilvie : Madame la ministre, je vous remercie d'être ici aujourd'hui. D'abord, à titre de membre du comité, je trouve que l'examen de la pandémie que nous avons entrepris à votre demande a été une expérience intéressante. Je vous remercie de nous avoir confié cette tâche, car elle nous a donné l'occasion de nous pencher sur une situation complexe. Je dois vous avouer franchement que j'ai été impressionné par la façon dont le Canada s'en est tiré comparativement au reste du monde. De fait, deux témoins de l'étranger — plus précisément du Royaume-Uni et du Mexique — ont louangé non seulement l'excellence de la recherche scientifique au Canada — qui a joué un rôle crucial dans la pandémie —, mais également l'empressement et la rapidité avec lesquels nous avons réagi, les mécanismes que nous avons mis en place pour communiquer avec ces pays et notre disposition à leur fournir notre excédent de doses de vaccin — nous en avions trop, finalement. À cet égard, l'expérience a été satisfaisante, et elle nous a permis de prendre conscience de la complexité de la situation.

La première question que je veux aborder est complémentaire à celles posées par le sénateur Seidman. Lorsque nous regardons les lois canadiennes, de la première loi constitutionnelle à aujourd'hui, le partage des compétences dans le domaine de la santé, par exemple, les responsabilités et tout le reste, est incroyablement complexe. Le survol que j'en ai fait me laisse croire que, dans certaines lois, la question des compétences peut être interprétée de deux façons complètement différentes.

L'aperçu que vous nous avez fourni — la crise du SRAS, puis la volonté des diverses administrations au Canada, qui ont des droits en vertu des lois, de faire des efforts concertés pendant cette période et d'élaborer ensemble un plan qui a pu être mis en œuvre sans trop de friction politique ou publique apparente pendant l'émergence et l'éclosion de la pandémie —, cette intervention montre un certain nombre de choses, y compris la capacité des diverses administrations de tirer des leçons d'une situation grave — en l'occurrence l'éclosion du SRAS — et d'apporter les améliorations nécessaires.

Ensuite, il est clair, lorsque nous faisons le bilan de cette situation, que nombre de personnes semblent oublier que cette situation s'est déroulée sur une très courte période et que, jusqu'à la dernière minute, nous nous demandions même si nous serions capables de trouver un vaccin qui serait efficace et si nous pourrions le produire, le distribuer et l'administrer. Lorsque les gens reviennent sur une situation, ils oublient que tout s'est passé très vite. Toutefois, nous avons tiré beaucoup de leçons de cet épisode.

Comme nous approchons de la saison de la grippe et que nous savons que le virus a subi des mutations dans certains pays et qu'il fait l'objet de mesures de préparation au même titre que le virus à l'origine de la saison de grippe normale, je veux aborder directement la question de la coopération entre les administrations.

Selon vous, la coopération entre les administrations — et, plus important encore, les attitudes qui influent sur cette coopération — a-t-elle continué de progresser cette année, au moment où nous tentons d'élaborer un plan encore plus solide pour l'avenir?

Mme Aglukkaq : Pour ce qui est de l'évolution de la situation depuis l'épisode du SRAS, étant donné que j'ai vécu cette expérience et travaillé au sein d'administrations provinciales et territoriales — parce que j'évolue dans le domaine de la santé depuis maintenant plus de cinq ans, ce qui correspond à une longue période dans ce pays —, j'ai pu faire part de mon expérience avec le SRAS aux autres ministres provinciaux et territoriaux qui n'avaient jamais fait face à des situations semblables. Ce qui m'a aussi aidée, c'est d'avoir participé à l'élaboration du plan de 2006 et d'avoir mis les administrations sur un pied d'égalité pour ce qui est de la communication d'une partie de l'information liée à la mise en œuvre d'un plan en cas de pandémie et de la conformité avec ce plan.

En outre, les discussions, qui ont eu lieu au cours de réunions avec les ministères provinciaux et territoriaux en septembre, à Winnipeg, visaient à conclure des ententes d'aide mutuelle. Advenant une épidémie dans une province, nous collaborerions pour aider cette province à lutter contre cette épidémie. Les ententes d'aide mutuelle sont importantes dans la mesure où, lorsque nous devons réagir à une crise de santé publique, nous n'avons pas le temps de construire une infrastructure, d'embaucher et de former des gens ou d'embaucher plus d'étudiants frais sortis de l'université. Conscients de cette situation, nous devions conclure une entente d'aide mutuelle avec les provinces et les territoires qui définiraient la façon dont nous nous soutiendrions.

De plus, nous avons constaté que chaque administration avait réagi à la pandémie de H1N1 à des moments différents. Ce qui s'est passé au Manitoba n'a eu lieu que plus tard dans le Nord. Les administrations exécutaient le plan en cas de pandémie à des moments différents. Nous avons pu combler une partie de cet écart. Il était essentiel de reconnaître les différences et les défis auxquels chacune des administrations était exposée et d'offrir un soutien tout au long de ce processus. Le gouvernement fédéral assumait son rôle au chapitre de la surveillance et de la mise au point d'un vaccin à mesure que nous tentions de fournir un soutien aux administrations et de régler en temps réel les problèmes.

En ce qui a trait à la relation avec les administrations, nous mettions à l'essai pour la première fois la façon dont nous allions collaborer dans le cadre de la version actualisée du plan de lutte contre la pandémie de 2006. Nous devions mettre nos relations à l'épreuve, et la réaction a été phénoménale. Il y a eu un travail de coopération extraordinaire, non seulement de la part du ministère, mais également au sein de l'Agence de la santé publique, des collectivités des Premières nations, et cetera. Durant la crise du SRAS, ces relations n'étaient pas définies. Il sera important de renforcer ces relations lorsque nous mettrons ce plan à jour.

Par ailleurs, nous avons convenu qu'il faudrait peut-être que les administrations mettent encore à l'essai le plan en cas de pandémie pour clarifier davantage les rôles du secteur de la santé publique et des municipalités. Depuis 2006, nous aurions probablement dû faire plus d'essais du plan de lutte lui-même. Ces rôles ont évolué et ont donné lieu à une relation complètement différente. Les années de planification nous ont été grandement utiles.

Le sénateur Ogilvie : Madame la ministre, mon temps est presque écoulé. Je vais vous poser une brève question.

Nous reconnaissons les responsabilités du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et dans d'autres domaines de compétence. Certains ont du mal à comprendre comment on traite les questions liées aux Inuits, car, dans bien des cas, ces derniers présentent des caractéristiques et une structure organisationnelle différente de celles des Premières nations.

Pourriez-vous nous aider à comprendre comment on est intervenu auprès des Inuits et comment on les a informés durant la pandémie?

Mme Aglukkaq : Dans le plan de lutte contre la pandémie, il y a une annexe qui se rapporte aux Premières nations. Il y a aussi une annexe qui concerne l'ensemble des provinces et des territoires. Si, dans le plan en cas de pandémie, il y a une annexe qui traite des Premières nations, c'est parce que les Premières nations qui vivent dans des réserves relèvent du gouvernement fédéral. Chaque province et territoire dispose d'un plan, mais les Premières nations, de même que la prestation de soins de santé à ces dernières, sont des domaines de compétence strictement fédérale.

Il arrive souvent que les Inuits soient assimilés à ce groupe. Toutefois, les Inuits des Territoires du Nord-Ouest, du Nunavut, du Nord du Québec et de Terre-Neuve sont servis par le réseau de soins de santé publique. Étant donné que les Inuits ne vivent pas dans des réserves, ils sont considérés comme des membres de la population en général aux fins du plan de lutte contre la pandémie.

Ma bonne amie Mary Simon de l'organisme Inuit Tapirisat du Canada nous a demandé s'il était possible de créer une annexe spécialement pour les Inuits. Je lui ai expliqué que le modèle de prestation de soins de santé est différent dans le cas des Inuits. En effet, la prestation de soins de santé aux Inuits est du ressort des provinces et des territoires. En septembre, j'ai soumis sa demande aux programmes et territoires, et leur réponse a été la suivante : Non, nous ne pouvons pas créer une annexe distincte pour des personnes d'origine ethnique différente dans le plan d'intervention en cas de pandémie; lorsque nous devons traiter un patient, quel plan allons-nous appliquer?

Avec tout le respect que je dois à l'organisme, les provinces ont dit que cela ne ferait qu'ajouter à la confusion, que le plan provincial-territorial vise tout le monde et que nous adapterons ce plan. Les provinces sont responsables de la prestation des soins de santé aux Inuits, alors je dois travailler avec elles, et j'ai respecté leur décision.

Le sénateur Cordy : Madame la ministre, je vous remercie d'être ici aujourd'hui. Merci d'avoir demandé au comité de préparer un examen de ce qui s'est passé pendant la pandémie de grippe H1N1. Le comité s'était également penché sur la crise du SRAS, et certaines des leçons apprises à cette occasion ont été prises en compte dans le plan de lutte contre la grippe H1N1. C'est une excellente idée de se pencher sur ce dossier, car, dès qu'une pandémie se termine, nous devons effectivement nous préparer à la prochaine; il faut se demander non pas s'il y aura une autre pandémie, mais à quel moment celle-ci se déclarera.

Je voulais faire mention des commentaires de Mary Simon devant le comité, mais vous avez abordé cette question.

L'une des choses que nous avons entendues à répétition est l'importance de la communication. Nous vous avons vue, madame la ministre — de même que le Dr Butler-Jones — à la télévision, et nous vous avons entendue à la radio à diverses occasions. Les hauts fonctionnaires dans les provinces nous ont dit qu'ils recevaient souvent de l'information et qu'ils étaient très satisfaits de cette communication, mais il semble que l'information ne se rend jamais jusqu'au grand public. Les représentants d'associations qui ont comparu devant nous ont corroboré ce fait. Mais nous n'avions pas besoin de les entendre nous le dire. Nous savons ce qui se passe dans nos collectivités. Nous savons qu'il y avait des messages contradictoires et que la confusion régnait au sein de la population.

Par exemple, on se demandait s'il était préférable pour les femmes enceintes de recevoir le vaccin avec ou sans adjuvant. On a ensuite changé d'avis — on a fait « volte-face », pour reprendre l'expression que nous avons entendue — au sujet du type de vaccin qu'il était préférable d'administrer aux femmes enceintes.

Parmi les suggestions que nous avons entendues, M. Harper, du Royaume-Uni, nous a dit que son gouvernement avait mis sur pied un genre de centre d'appels où les personnes pouvaient téléphoner. Des témoins ont aussi proposé l'idée d'organiser les séances télévisées où l'assistance pourrait poser non pas des questions très pointues, mais des questions simples au sujet de ce qui inquiète M. et Mme Tout-le-monde.

Dans votre allocution, vous avez souligné l'importance d'accroître les connaissances scientifiques du grand public sur les aspects d'une pandémie. Des témoins ont fait remarquer que, durant la saison de grippe normale, par exemple à l'automne, ce serait probablement le bon moment de renseigner le public sur les avantages du vaccin contre la grippe saisonnière, sans même faire allusion à une éventuelle pandémie, car, lorsqu'une pandémie se déclare, les gens deviennent nerveux. Ils apprennent qu'un de leur collègue a contracté le virus H1N1 et se demandent ce qu'ils doivent faire.

Actuellement, prévoyez-vous de sensibiliser les gens au sujet de la vaccination, de leur transmettre maintenant, comme vous l'avez dit, des connaissances scientifiques à l'égard de la vaccination, sans susciter chez eux la peur d'une éventuelle pandémie? Envisagez-vous de faire ce genre de choses?

Mme Aglukkaq : D'abord, la communication de l'information était l'une des plus grandes difficultés associées à la gestion de la pandémie, et nous avons donc déployé beaucoup d'effort pour essayer de communiquer l'information à la population — ce à quoi nous devions faire face en temps réel — à mesure que la situation évoluait. La communication de l'information a été un défi énorme.

L'autre difficulté résidait dans la gestion des médias et de la désinformation. Je vais vous donner un exemple. Nous tentions de sensibiliser les Canadiens à l'importance de se laver les mains et de tousser dans sa manche, puis l'auteur d'un article disait qu'il ne fallait pas se laver les mains. C'est un exemple de messages contradictoires qu'on pouvait entendre. Lorsqu'on essaie de donner l'heure juste aux Canadiens pendant une crise de santé publique, la chose la plus frustrante est probablement la désinformation. Je crois que les médias ont un rôle très important à jouer dans la sensibilisation de la population au cours d'une crise de santé publique. La désinformation n'a certes pas aidé notre cause. Les Canadiens doivent se demander quel est le rôle du grand public et des médias lorsqu'il y a une crise de santé publique.

En ce qui a trait à la communication de l'information, cela se faisait toujours en temps réel. Nous communiquions les renseignements scientifiques que nous apprenions, et toute l'information était communiquée à mesure que nous en apprenions au sujet du virus H1N1, de son mode de transmission, des personnes les plus vulnérables et de toute la question de l'administration aux femmes enceintes d'un vaccin avec ou sans adjuvant, et cetera.

Nous devions réussir à communiquer toute l'information à la population canadienne, mais nous recevions aussi de l'information de l'OMS et de l'OPS pour ce qui est du type de personnes qui devaient recevoir un vaccin avec adjuvant ou sans adjuvant. Par la suite, nous avons constaté que nous aurions dû administrer aux femmes enceintes le vaccin avec adjuvant dès le départ et que l'utilisation du vaccin avec adjuvant nous aurait moins compliqué la vie; maintenant, nous le savons.

Pour ce qui est de la communication d'information aux Canadiens à des fins de prévention, il s'agit d'une initiative de santé publique continue que nous mettons en œuvre par l'intermédiaire des provinces et des territoires. Nous avons récemment produit une vidéo sur YouTube au sujet de la grippe saisonnière; cette vidéo décrit les mesures à prendre pour rester en bonne santé et explique que la meilleure façon de ne pas contracter le virus est de se faire vacciner. Cette vidéo est diffusée dans tout le pays.

Pour ce qui est des messages de santé publique, pendant la pandémie de H1N1, où l'on recommandait de se laver les mains et de tousser dans sa manche, les provinces et territoires m'ont dit que cela avait empêché l'apparition d'autres maladies que nous voyons habituellement; le simple fait de garder ses mains propres et de tousser dans sa manche a empêché la transmission d'autres virus. Je crois qu'il s'agit d'une réussite en soi.

Je ne sais pas si vous voulez que je donne plus de détails à ce sujet, mais des initiatives semblables sont en cours.

Le sénateur Cordy : Il y a un aspect qui m'inquiète. La bonne nouvelle, c'était que la pandémie de grippe H1N1 n'était pas aussi grave qu'on croyait qu'elle le serait, mais on peut alors craindre qu'une telle situation amène les gens à prendre la prochaine pandémie à la légère. Nous devons être conscients de cette possibilité. La bonne nouvelle, comme je l'ai dit, c'est que la pandémie n'a pas été aussi grave que prévu, mais j'entends des gens dire : « Ce n'était pas si grave, alors la prochaine fois je ne me ferai pas vacciner. » À cause de ce laisser-aller, nous serons presque doublement pénalisés lorsque viendra le moment de nous préparer à la prochaine pandémie. Comment faire pour éviter cet excès de confiance?

Mme Aglukkaq : Tous les efforts que nous avons déployés pour prévenir la transmission du virus H1N1 ont porté leurs fruits. Si nous n'avions rien fait, nous aurions fait face à une crise.

Le sénateur Cordy : Je suis d'accord avec vous.

Mme Aglukkaq : Par ailleurs, si on parle aux personnes qui ont été gravement malades, on voit que c'est une autre histoire. Nous avons perdu des Canadiens, et un décès, c'est un décès de trop. Des gens en parfaite santé sont décédés en quelques jours. C'est de cette façon que nous mesurons les répercussions. Chaque personne décidera elle-même si elle se fait vacciner ou non, mais je peux affirmer que, si nous n'avions rien fait, les choses auraient été bien pires. Tous les efforts que nous avons déployés dans le pays ont donné de bons résultats, dans la mesure où nous avons pu empêcher la propagation du virus de la grippe H1N1.

À mon avis, nous avons réussi la campagne de vaccination la plus importante dans l'histoire du pays : 40 p. 100 des Canadiens ont reçu le vaccin. À Terre-Neuve-et-Labrador, près de 80 p. 100 de la population a été vaccinée. Dans le Nord, le taux de vaccination a été de 65 à 70 p. 100.

Je crois que les gens ont reconnu la nécessité de se faire vacciner, et il y aura des personnes qui feront le choix de ne pas recevoir le vaccin. Nous devons respecter ce choix, mais nous continuerons de sensibiliser les Canadiens à l'importance de prévenir tout d'abord la maladie.

Le sénateur Merchant : Bonjour, madame la ministre, et merci d'être venue témoigner.

Je tiens à souligner que je suis moi aussi d'avis que le pays s'en est très bien sorti. Toutefois, je m'interroge au sujet des changements que nous avons apportés cette année. J'ai reçu le vaccin contre la grippe — la semaine dernière, à Regina — parce que j'aurai à me déplacer dans le pays. Ce vaccin m'immunise entre autres contre la souche de la grippe H1N1, mais les provinces ont-elles déjà commandé les doses de vaccin? Vous dites que 40 p. 100 des Canadiens ont reçu le vaccin, et je crois que cela correspond à 11 millions de doses.

Mme Aglukkaq : Il s'agissait plutôt de 16 millions de doses, soit 45 p. 100 de la population.

Le sénateur Merchant : Pour cette année, qu'est-ce qui a changé? Que font les provinces?

Vous avez travaillé si dur pour mettre en place un système, communiquer avec les provinces et les territoires et rendre les choses un peu plus faciles cette année. Dans la foulée de certaines des autres questions, quelles mesures concrètes ont été prises? Quelles sont les mesures que vous avez déjà prises cette année — la population commence déjà à se faire vacciner — pour communiquer l'information au public? Aussi, que font les provinces dans tout cela?

Mme Aglukkaq : Je vous remercie de votre question. Chaque année, chaque province ou territoire exécute son programme de vaccination contre la grippe saisonnière, et c'est ce qui se passe actuellement dans chaque administration, et c'est pourquoi vous avez reçu votre vaccin. Ce programme est une initiative habituelle menée par chaque administration.

La pandémie s'est déclarée avant la saison de grippe normale. Nous avons été frappés de plein fouet par une pandémie et nous devions prendre des décisions au sujet de la mise au point d'un vaccin contre la grippe H1N1 et contre la grippe saisonnière. Nous avons tiré des leçons de la façon dont nous avons géré la production du vaccin contre la grippe saisonnière et du nouveau vaccin contre la grippe H1N1. Il y avait une différence lorsque nous avons dû lutter contre cette pandémie pendant 10 mois.

Au chapitre de la communication, ces initiatives sont des initiatives de santé publique habituelles mises en place par les administrations. Au moment où nous travaillons à actualiser le plan de lutte contre la pandémie, le défi sera de trouver une façon d'améliorer la réaction à une pandémie qui se déclare pendant la saison de grippe normale et de comprendre les répercussions liées à la production de vaccins, par exemple.

Actuellement, nous évaluons l'ensemble de ce processus pour être mieux préparés la prochaine fois, car, au même moment l'an dernier, nous devions lutter contre deux virus de grippe saisonnière et le virus de la grippe pandémique.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose, Dr Butler-Jones?

Dr Butler-Jones : Je vais laisser la parole à la ministre pour l'instant, car je pourrai aborder cette question lorsque nous tiendrons la table ronde.

Le sénateur Merchant : Je crois que le concept d'épidémiologie émotionnelle, ou les réactions émotionnelles, se rapportaient au phénomène de la peur chez les gens. La population ne comprenait pas exactement ce qui se passait, et, à ce moment-là, il arrive que les gens prennent des décisions sous le coup de l'émotion plutôt qu'à la lumière des faits. Pourriez- vous nous expliquer en quoi cette réaction a nui à la mise en œuvre du plan? Comment changer la façon dont les gens réagissent à quelque chose comme une pandémie?

Mme Aglukkaq : Dès le début, lorsque nous avons découvert que nous faisions probablement face à une pandémie, nous étions au bureau un dimanche matin pour téléphoner à mes homologues des provinces et des territoires pour les informer de la situation. L'une des premières choses que j'ai dites, et non seulement aux ministres de la Santé des provinces et des territoires, c'est que l'information communiquée devait reposer sur des faits, pas sur des hypothèses. Lorsque survient une pandémie, dès que nous commençons à gérer des situations hypothétiques, nous perdons la maîtrise de la situation. Nous ne gérons plus des données scientifiques, nous ne gérons plus de l'information prouvée scientifiquement et nous n'avons plus la maîtrise de la situation. Il était important que l'on s'appuie sur des données factuelles dès le début.

Ensuite, j'ai communiqué avec tous mes détracteurs. Je leur ai dit que nous faisions face à une crise de santé publique, que cette affaire débordait le cadre de la politique et que nous devions travailler ensemble pour veiller à ce que l'information que nous avions soit communiquée, et je me suis engagée à faire des interventions sans parti pris politique. Je crois que — en tant que Canadienne — je m'attendrais à une telle chose de mes dirigeants.

J'ai entendu des propos alarmistes inutiles qui ont suscité beaucoup d'inquiétude, particulièrement chez les Premières nations. Des « dix-pour-cent » ont été envoyés aux Premières nations accompagnés de sacs à dépouilles, par exemple. C'est tout à fait inadmissible. J'ai été déçue que certains de mes collègues emploient ce genre de tactiques. Lorsqu'il faut réagir à une crise de santé publique, ce n'est pas le temps d'être alarmiste. Oui, ce genre de tactiques a semé la peur parmi la population. En ma qualité de ministre de la Santé du Canada et d'ancienne ministre territoriale, j'ai été très déçue de voir comment certaines personnes ont agi dans ce dossier.

Je ne pouvais pas intervenir dans ce genre de discussions et de débats, mais j'ai de nouveau essayé d'établir des contacts pour atténuer cette peur collective. J'avais une excellente relation de travail avec l'Assemblée des chefs du Manitoba. Je crois savoir que le grand chef Ron Evans a témoigné devant le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes et a déclaré qu'il fallait cesser d'utiliser les Autochtones comme souffre-douleur à des fins politiques et qu'on devait s'en tenir aux faits.

Je trouvais que son commentaire n'était pas nécessaire, mais il demeure que ces agissements n'ont fait qu'exacerber la peur collective et peut-être la réticence de la population à se faire vacciner, et, à mon avis, c'était l'une des choses les plus décevantes avec lesquelles nous avons dû composer au cours de notre intervention contre la pandémie.

Le président : Il ne reste que cinq minutes, et deux sénateurs souhaitent poser des questions à la ministre.

Le sénateur Champagne : Madame la ministre, je reviendrai sur les messages contradictoires qui ont circulé. Je sais que le Dr Butler-Jones et vous-même avez participé à de nombreuses conférences de presse. Nous vous avons vus de nombreuses fois à la télévision, à différentes chaînes françaises ou anglaises. Je vous ai vu tous les deux. Chaque fois que l'un de vous ou un médecin local nous parlait de l'importance de se faire vacciner, on avait l'impression que les médias traitaient la chose comme une campagne électorale. Ils se sentaient obligés de présenter quelqu'un qui déclarait : « La grippe H1N1 n'est pas si grave; vous pourriez être plus malade avec le vaccin. »

Il faut qu'il y ait une loi. Nous devrions en glisser un mot à nos collègues de l'autre comité pour éviter qu'une telle situation se reproduise. Je crois que c'est tout simplement révoltant.

Je voudrais aborder un autre sujet. Dernièrement, je me suis entretenue avec une infirmière qui travaillait dans la région de Toronto durant la crise du SRAS et qui enseigne maintenant les sciences infirmières à l'Université Ryerson. Elle s'inquiétait entre autres de la présence dans les hôpitaux d'infirmières recrutées par des agences. Ces infirmières peuvent travailler dans un hôpital un jour, et, le lendemain, elles travaillent dans un autre hôpital. Elles peuvent avoir été en contact avec une personne infectée. J'ignore de qui relève cette question, mais il devrait y avoir des règles qui interdisent aux infirmières de passer d'un hôpital à un autre dans le cas d'une pandémie pour éviter qu'elles ne propagent le virus. Elles pourraient être porteuses d'une infection tout en étant asymptomatiques et ainsi transmettre l'infection à d'autres personnes. Est-ce un aspect auquel votre ministère a pensé? Peu importe qui répond à cette question, je crois qu'il s'agit d'un point important.

Mme Aglukkaq : Merci. Il s'agit en effet d'un point intéressant. Je ne sais pas quelle est la nature des discussions que le Dr Butler-Jones a eues avec ses homologues provinciaux et territoriaux, mais le recours à des infirmières d'agences s'inscrit dans les pratiques d'embauche provinciales. C'est un aspect que nous pouvons probablement aborder au cours de discussions ultérieures, à moins que le Dr Butler-Jones s'y soit déjà attaqué.

Dr Butler-Jones : Cet aspect fait actuellement l'objet d'une discussion. Il y a des réalités pratiques comme ça, mais, bien souvent — et certainement durant l'incident du SRAS —, ce sont nous, les médecins et les infirmières, qui transmettons des infections aux patients, particulièrement si nous ne nous lavons pas les mains. Pendant la pandémie, la pratique du lavage des mains a pris une ampleur impressionnante, et nous avons constaté une réduction des cas de Clostridium difficile et d'autres infections dans les hôpitaux parce que les gens étaient plus attentifs aux mesures de prévention des infections. Au cours d'une crise comme le SRAS, le fait de limiter les déplacements des patients et du personnel diminue le risque de propager l'infection, alors cela fait partie des conventions générales touchant la lutte contre les infections. C'est l'une des leçons que nous avons tirées de cette crise, et nous continuerons d'y accorder encore plus d'importance, alors nous prenons bonne note de votre observation.

Le sénateur Lang : Je tiens à dire à la ministre que nous avons été chanceux d'avoir une personne comme elle à la tête du ministère lorsque cette pandémie s'est déclarée, principalement en raison de l'expérience qu'elle a acquise sur la scène politique provinciale et territoriale avant son arrivée sur la scène nationale. Je crois que vos antécédents ont facilité la collaboration entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, et vous devriez être félicitée pour cette réussite.

L'un des aspects qui me préoccupent, c'est que seulement 40 p. 100 des Canadiens ont été vaccinés. La préoccupation numéro un — ou l'une des principales préoccupations — que nous devrions avoir ici concerne les raisons pour lesquelles le taux de vaccination n'a pas été plus élevé. D'après ce que je peux voir, à la lumière de discussions avec les membres de certains groupes de la population, les gens semblent avoir peur des vaccins, peu importe le type de vaccins. Nous sommes chanceux, car les dernières générations n'ont pas connu les graves problèmes de santé qui ont accablé les populations du XVIIe siècle, par exemple la peste, comme on l'appelait, et diverses autres maladies. Par conséquent, nous n'avons pas peur de la situation, puis nous recevons — je crois que le sénateur Champagne a souligné cet aspect — des messages contradictoires qui induisent la population en erreur; les gens doivent alors prendre une décision personnelle et en viennent à se demander : « Quel choix dois-je faire? La dernière personne que j'ai entendue a dit que je ne devrais pas me faire vacciner, alors je ne le ferai pas. »

Chaque année, les gens peuvent se faire vacciner contre la grippe, alors il y a là une occasion que tous les gouvernements peuvent saisir. Pourquoi n'explorons-nous pas les possibilités d'utiliser davantage les médias sociaux, comme Facebook, Twitter, les blogues et tous ces autres moyens de communication qui nous permettraient d'expliquer à la population pourquoi elle doit se faire vacciner et quels sont les avantages de la vaccination? De cette façon, nous pourrions transmettre de l'information scientifique et rejoindre le plus de gens possible.

Quelles autres mesures avez-vous prises à cet égard pour que nous puissions améliorer la communication de l'information d'année en année et renseigner le plus de gens possible?

Mme Aglukkaq : Comme je l'ai dit plus tôt, l'une des plus grandes difficultés associées à la gestion d'une pandémie est la communication de l'information, particulièrement aujourd'hui, car il existe tellement de moyens de communication différents, par exemple les médias sociaux comme YouTube, Twitter, les courriels, et cetera. La gestion de l'information pertinente est une tâche en soi.

L'information que le Dr Butler-Jones et moi-même avons communiquée aux Canadiens était factuelle. Cette information a été diffusée, et nous avons géré cette diffusion. Parfois, l'information qui est transmise n'est plus fondée sur des faits, et c'est pourquoi nous devons la corriger en partie, non seulement à la télévision, mais aussi dans les médias sociaux, et même fournir des renseignements sur la façon dont nous produisons le vaccin. Cela fait partie de l'ensemble des renseignements que nous continuerons de transmettre aux Canadiens, et c'est un aspect important.

La communication de l'information concernant la façon d'améliorer l'exécution, selon l'expérience vécue pendant la pandémie, est probablement l'étape qui prendra le plus de temps. Il y a des leçons à tirer de l'épisode de la grippe H1N1

Pour ce qui est du nombre de personnes qui ont été vaccinées, cela varie selon l'administration. Au Yukon, je crois que le taux de vaccination s'élevait à 60 p. 100, alors qu'il atteignait 80 p. 100 à Terre-Neuve-et-Labrador. Dans l'ensemble du pays, le taux de vaccination était de 45 p. 100, alors certaines administrations ont mieux réussi que d'autres. Nous continuerons les efforts à ce chapitre.

Dr Butler-Jones : Nous avons la possibilité d'en apprendre beaucoup. Il y a des gens qui tiennent un discours contraire au nôtre, et nous en parlerons davantage au moment de la table ronde.

L'une des histoires que nous pouvions entendre était frappante. Certains d'entre vous ont peut-être vu la vidéo sur YouTube montrant une jeune femme qui disait qu'elle avait reçu le vaccin et qu'elle ne pouvait maintenant marcher qu'à reculons. Cette vidéo a circulé dans tous les campus. J'ai entendu des étudiants de partout au pays dire que cette vidéo circulait dans les campus et que les gens disaient : « Je ne me ferai pas vacciner, même s'il s'agit d'une complication rare. »

Dans les faits, je crois que des journalistes de CNN, ont été assez futés pour filmer cette personne qui était tout à fait normale. Il s'agissait d'un canular, mais cela n'a pas fait les manchettes. Je ne l'ai découvert que récemment. Nous croyions tous que cette situation était le fruit d'une malheureuse coïncidence, alors qu'il ne s'agissait même pas d'une coïncidence : c'était un canular. Cela a beaucoup miné la confiance des gens à l'égard du système. Nous devions constamment fournir des explications au sujet de toutes sortes d'affaires, comme cette vidéo.

Comme l'a dit la ministre, nous avons eu recours à Twitter et aux autres médias sociaux. Peu importe la quantité d'informations que nous transmettons, nous découvrons toujours que ce n'est pas assez. À l'ère de l'information, il y a toujours des personnes qui ont un point de vue différent, même si elles ne sont que quelques-unes à penser de cette façon.

Le président : Je dois mettre fin à la séance. Je vous remercie, madame la ministre, d'être venue ici et de nous avoir fait part de vos commentaires sur la question.

Pour la dernière séance portant sur l'état de préparation en cas de pandémie, nous tenons une table ronde. Je vais me dispenser de présenter chacun d'entre vous et vous laisser vous présenter vous-mêmes pour que chacun sache qui est ici aujourd'hui. Je vais d'abord me présenter. Je m'appelle Art Eggleton, je suis un sénateur de Toronto et je préside le comité.

Jessica Richardson, greffière du comité : Je me nomme Jessica Richardson, et je suis la greffière du comité.

Le sénateur Ogilvie : Je suis Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

Dr Perry Kendall, administrateur provincial des soins des santé, province de la Colombie-Britannique : Je m'appelle Perry Kendall et je suis administrateur provincial des soins santé de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Seidman : Je suis Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Dr Todd Hatchette, professeur agrégé, Département de pathologie, Université Dalhousie, à titre personnel : Je me nomme Todd Hatchette et je suis un microbiologiste médical de Halifax, en Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Merchant : Je suis Pana Merchant, sénateur de la Saskatchewan.

Meena Ballantyne, sous-ministre adjointe, Direction générale des produits de santé et des aliments, Santé Canada : Je m'appelle Meena Ballantyne et je travaille au sein de la Direction générale des produits de santé et des aliments de Santé Canada.

Dr Paul Gully, conseiller médical principal, Santé Canada : Je suis Paul Gully, de Santé Canada.

Glenda Yeates, sous-ministre, Santé Canada : Je suis Glenda Yeates, sous-ministre de Santé Canada.

Dr Butler-Jones : Je suis David Butler-Jones, administrateur en chef de la santé publique du Canada et administrateur général de l'Agence de la santé publique.

Dr Frank Plummer, directeur général scientifique, Laboratoire national de microbiologie, Agence de la santé publique du Canada : Je suis Frank Plummer, de l'Agence de la santé publique du Canada.

[Français]

Elaine Chatigny, directrice générale, Communications, Agence de la santé publique du Canada : Monsieur le président, je m'appelle Elaine Chatigny, directrice générale des communications à l'Agence de la santé publique du Canada.

Le sénateur Champagne : Bonjour, Andrée Champagne, sénateur de la province de Québec.

[Traduction]

Le sénateur Cordy : Je me nomme Jane Cordy et je suis un sénateur de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Fairbairn : Je suis Joyce Fairbairn, sénateur du Sud de l'Alberta.

Suzanne Kiraly, vice-présidente exécutive, Relations gouvernementales, Association canadienne de normalisation : Je suis Suzanne Kiraly et je représente l'Association canadienne de normalisation.

Le sénateur Martin : Je m'appelle Yonah Martin, sénateur de la Colombie-Britannique.

Dre Maura Ricketts, directrice, Bureau de la santé publique, Association médicale canadienne : Je me nomme Maura Ricketts et je suis conseillère principale en santé publique à l'Association médicale canadienne.

[Français]

Odette Madore, recherchiste, Bibliothèque du Parlement : Je suis Odette Madore de la Bibliothèque du Parlement.

[Traduction]

Le président : Au cours de l'étude du comité sur l'état de préparation et l'intervention du Canada en cas de pandémie, nous avons tenu neuf audiences, dix si nous comptons celle de ce matin. Nous avons entendu quelque 60 témoins qui ont décrit leur rôle ou celui de leur organisme pendant la pandémie. Ces témoins ont souligné les forces et les lacunes de l'intervention du Canada et ont formulé des recommandations visant à améliorer l'état de préparation du Canada en cas de pandémie.

Le but de la table ronde d'aujourd'hui est d'aborder certaines des préoccupations et des inquiétudes qui ont été soulevées devant le comité au cours de ces audiences et de discuter de façon ouverte et honnête de la façon d'améliorer l'état de préparation du pays en vue de la prochaine situation d'urgence en santé publique.

Comment pourrons-nous faire tout cela alors qu'il y a environ 20 personnes à cette table? D'abord, nous devrons nous limiter à des interventions brèves et précises. Ensuite, si vous voulez prendre la parole, veuillez le faire savoir à la greffière. Faites-lui un signe de la main et elle inscrira votre nom sur la liste. Enfin, je propose que la discussion se déroule selon l'ordre des sujets mentionnés dans le document qui a déjà été distribué. J'espère que vous l'avez tous reçu. Il y a sept sujets de discussion : d'abord la communication et les messages, ensuite les vaccins et les antiviraux, et ainsi de suite. Ce sera l'ordre du jour que nous allons suivre. Nous aborderons chacun de ces sujets.

Après que ce document a été préparé par les attachés de recherche, nous avons tenu une audience le mercredi sur la question de la recherche et de l'éthique, alors nous pouvons également nous pencher sur cet aspect aujourd'hui. Nous devrons peut-être organiser une autre séance si nous n'avons pas le temps d'aborder les huit premiers sujets aujourd'hui.

Il y a vraiment beaucoup de choses à faire, et notre temps est limité, alors je vais cesser de parler pour que nous puissions commencer. Je crois que nous pourrons consacrer de 20 à 30 minutes à chacun des sujets. Certains sujets seront abordés longuement, d'autres, brièvement. Lançons-nous et voyons ce qu'il en est.

Commençons par la communication et les messages. Il s'agit d'une question qui a été très souvent mentionnée par les témoins. Ils ont souligné l'importance de diffuser des messages cohérents et d'éviter les déclarations contradictoires, particulièrement à mesure que les messages font leur chemin d'un ordre de gouvernement à l'autre pour finalement se rendre au public. Des témoins ont fait remarquer au comité que l'organisation de campagnes de sensibilisation pendant la période interpandémique — c'est-à-dire la période située entre deux vagues de la pandémie de grippe H1N1 — aurait contribué à accroître la confiance de la population à l'égard du système de santé publique et de l'innocuité du vaccin. Plusieurs témoins ont demandé instamment que les professionnels de la santé soient consultés et invités à participer à la stratégie de communication de l'information. On nous a également suggéré l'idée de créer un programme de sensibilisation à la vaccination. J'ignore si cette suggestion se rapporte au premier sujet ou au deuxième.

En ce qui a trait à la communication et aux messages, nous allons d'abord laisser la parole aux représentants assis à l'autre bout de la table, car, en plus de donner des suggestions concernant la voie à suivre, ils voudront peut-être fournir des réponses aux questions qui nous ont été posées au cours des audiences.

Vous avez la parole, Dr Butler-Jones.

Dr Butler-Jones : Le premier point que je veux souligner, c'est que la communication de l'information a été le fruit d'un travail de coordination sans précédent : une collaboration étroite, la diffusion de messages, la mise en commun de l'information, l'excellente transparence aux échelons provincial et territorial, et ce, à un degré jamais vu auparavant. Le défi était de faire passer les messages jusqu'aux intervenants de première ligne et au grand public. Comme nous l'avons dit précédemment, il y avait tellement de messages différents qui circulaient parmi la population, et certaines personnes prenaient plaisir à émettre des hypothèses, des commentaires ou des critiques. Les médias étaient à l'affût de toute opinion dissidente. Les messages devaient être transmis sur le terrain à l'intention des travailleurs locaux. À mon avis, le plus difficile était de préparer la population à toute éventualité. Pendant la pandémie, je demandais sans cesse aux professionnels de la santé et à d'autres d'écouter les directives de leur responsable local de la santé publique, car ils sont au courant de la situation locale et sont en liaison avec les échelons supérieurs du système. Le message que nous transmettions était le suivant : certaines personnes peuvent avoir exprimé une ou deux opinions contraires à ce qui se dit dans le monde, alors prenez cela en considération si vous entendez un point de vue qui contredit tout le reste. Il faut faire preuve de jugement.

Les médecins doivent toujours composer avec des messages contradictoires concernant la façon de gérer les patients. Même les lignes directrices peuvent se contredire. Il ne faut pas oublier que, durant la pandémie, des médecins doués — parce qu'il s'agissait d'une pandémie de grippe H1N1 — s'adressaient à l'administrateur provincial de la santé publique et lui demandaient : « Comment dois-je gérer cela? » La réponse était la suivante : « Il s'agit de l'influenza. Comment traitez- vous habituellement une personne atteinte de l'influenza? Voici ce que nous savons, et vous devez procéder de cette façon. » Il est important d'aider les médecins à ne pas oublier tout ce qu'ils ont appris au cours de leurs 20 dernières années de pratique et de renforcer les relations à l'échelon local pour qu'ils puissent obtenir l'information la plus précise et la plus pertinente dans leur situation. Nous pouvons renforcer les relations en misant sur le travail des associations professionnelles, ce que nous avons fait, mais le fait d'induire cet état d'esprit chez les gens et d'axer nos efforts sur cet aspect améliorera l'efficacité du processus.

Le sénateur Merchant : J'ai lu dans le journal, hier, qu'un médecin du Manitoba a publié une brochure sur le lavage des mains. Il a rédigé un court texte dans le style du Dr Seuss. Il a ajouté des photos et a payé de sa propre poche pour faire imprimer la brochure, car il est impossible de réaliser rapidement un projet semblable s'il faut présenter une demande de financement au gouvernement.

Avez-vous envisagé de faire quelque chose d'accrocheur? Peut-être que ce serait une bonne idée de sensibiliser d'abord les enfants.

Dr Butler-Jones : Des documents ont été publiés au début de la pandémie; par exemple, du matériel pédagogique sur le lavage des mains a été distribué dans les écoles. Le ministre manitobain et moi-même nous sommes rendus dans une école pour voir comment ce matériel était utilisé. Des documents existent à cette fin.

Le sénateur Merchant : J'ai déjà été enseignante et je connais les enfants.

Dr Butler-Jones : Nous avons vu comment les enfants montraient à leurs parents comment se laver les mains, et ce genre de choses incite les gens à prendre cette habitude.

Dr Kendall : À ce sujet, madame le sénateur, en Colombie-Britannique et en Alberta, un programme appelé « Des pilules contre tous les microbes? » est en place depuis plusieurs années. Il vise à réduire l'utilisation d'antibiotiques pour traiter des maladies virales. Le programme a pour but de sensibiliser les pharmaciens et les médecins, mais aussi d'informer les enfants de la maternelle et de la première et de la deuxième années au sujet du lavage des mains, de l'étiquette de la toux et d'autres renseignements de base. Les brochures d'information ont été soumises à un comité de lecture avant d'être publiées. Ce programme est assez efficace.

Il y a des outils à notre disposition. Le défi est d'amener les gens à cliquer sur le lien électronique qui mène jusqu'au programme.

Le sénateur Martin : Au cours de l'une des dernières audiences, des témoins ont recommandé d'intégrer les organisations et les associations professionnelles de la santé au plan de communication. Les pharmaciens, par exemple, sont en contact direct avec le public, tout comme les physiothérapeutes et d'autres groupes de professionnels de la santé. De cette façon, on pourrait accroître le nombre de professionnels qui communiquent la même information. C'est une chose que vous devrez améliorer en vue de la prochaine pandémie.

Dr Butler-Jones : Cela faisait certainement partie de la stratégie. Nous avons collaboré avec les associations professionnelles à l'échelle nationale, mais également avec les distributeurs et les grandes chaînes de pharmacie, pour veiller à ce qu'ils disposent du matériel adéquat. Vous avez raison : il y a encore place à l'amélioration.

L'une des choses que nous avons apprises, c'est que les professionnels sont très disposés à coopérer et à collaborer avec nous. Tout au long du processus, nous avons amélioré les mécanismes, et je crois que, maintenant, tout le monde est déterminé à faire en sorte d'être mieux préparé pour la prochaine fois.

Mme Kiraly : Sur le plan de la communication, des travailleurs de première ligne nous ont fait des commentaires semblables : ils souhaiteraient participer davantage aux activités de sensibilisation. Nous avons parlé de YouTube et d'autres outils de communications, mais nous devons aussi nous adresser aux personnes en qui nous avons confiance dans la collectivité, qu'il s'agisse des enseignants, des pompiers ou des infirmières. Lorsqu'une personne se rend dans une clinique sans rendez-vous, nous devons veiller à ce qu'elle reçoive la même information en temps réel qu'elle aurait reçue ailleurs.

Dre Ricketts : Au sujet de la communication, il y a bien sûr énormément d'initiatives qui ont donné d'excellents résultats. Toutefois, nous avons actuellement la possibilité d'améliorer de façon considérable notre plan d'intervention en cas de pandémie si nous réfléchissons à un moyen de communiquer efficacement l'information aux cliniciens de première ligne.

Je représente l'Association médicale canadienne, alors je parlerai des médecins. Je ne connais pas très bien la réalité des autres professionnels de la santé, mais je sais que d'autres groupes importants de cliniciens sont concernés.

D'après ce que nous avons vu, l'information a été recueillie, analysée, examinée, résumée et publiée sous la forme de grands documents qui ne sont pas du tout appropriés pour une utilisation en clinique. Il ne faut pas oublier que, pendant la pandémie, quelque 75 000 médecins attendaient d'être informés sur ce qui se passait, et ils n'ont pas reçu l'information pertinente en temps opportun.

J'ai ici les résultats d'un sondage que nous avons mené auprès des membres de l'Association médicale canadienne. Dans la section des commentaires, l'expression « beaucoup trop » est répétée sur plus d'une demi-page. C'est effectivement une excellente idée d'obtenir de l'information auprès des services de santé locaux, mais on ne peut attendre que l'information se propage jusqu'en bas après avoir été filtrée à différents échelons. Il faut reconnaître à l'échelon national que les médecins sont une cible de communication précise. Il n'est pas suffisant pour nous d'être uniquement informés par André Picard; c'est d'ailleurs auprès de lui que j'ai obtenu la plupart des renseignements dont j'ai eu besoin au cours de la pandémie.

Je ne crois pas que ce soit une chose si difficile à faire, car nous avons pu constater que cela a très bien fonctionné dans certaines provinces. L'agence a obtenu de très bons résultats et a pris d'excellentes mesures à l'égard de deux ou trois aspects; par exemple, elle a mis au point, conjointement avec les responsables le Canadian Collaborative Antiviral Task Group, un algorithme.

Nous avons aussi d'autres conseils à vous donner, et je dois vous rappeler que l'information dont les médecins ont besoin est très différente de celle qui est transmise au grand public.

Je dois également vous rappeler que l'un des messages publics mentionnait qu'il ne s'agissait pas d'une grippe saisonnière. Lorsque le message public insiste sur le fait que ce n'est pas une grippe saisonnière, on ne peut s'attendre à ce que les médecins en fassent fi. C'est le message qu'ils ont entendu.

Voici des extraits des commentaires que nous avons reçus : « Des questions cliniques simples et directes auxquelles nous n'avions pas de réponse »; « On ne sait pas si le vaccin contre la grippe H1N1 et celui contre la grippe saisonnière peuvent être administrés en même temps. » Il s'agit de simples aspects pratiques. Il est important d'informer les cliniciens, pas les professionnels des soins tertiaires, les spécialistes des maladies infectieuses qui cumulent des milliards d'années d'expérience dans ce domaine et qui savent comment tout faire. La situation est complètement différente dans le cas du médecin de famille moyen, profession le plus souvent exercée par une femme, mère d'enfants d'âge préscolaire, qui possède un petit cabinet, mais qui ne travaille pas à temps plein. Cette personne a besoin de renseignements différents. C'est l'un des endroits où nous aurions le plus intérêt à améliorer la communication.

Je voudrais faire remarquer que la Dre Pat Huston est assise derrière nous. Elle a fait un travail extraordinaire pendant la pandémie; elle communiquait directement avec nous et nous transmettait une grande quantité d'information. Nous devons peaufiner ces mécanismes et les mettre en place à l'échelle nationale, car un médecin ne peut rester dans l'ignorance en attendant que l'information soit filtrée et modifiée à l'échelon provincial.

Veuillez m'excuser de monopoliser la discussion, mais c'est une question qui me tient à cœur. Rien n'explique pourquoi un traitement clinique donné serait différent à l'Île-du-Prince-Édouard ou en Colombie-Britannique. Cela est indéfendable. Si vous êtes un clinicien et que quelque chose ne se déroule pas comme prévu et que vous devez expliquer à votre assureur pourquoi vous avez administré un traitement différent de celui utilisé avec succès par un clinicien dans une autre province, vous êtes tenu responsable de votre acte. Il doit y avoir des lignes directrices nationales, et ces lignes directrices doivent être communiquées dès le début pour que les cliniciens puissent les appliquer.

J'espère que le comité formulera des recommandations fermes relativement à cette question, à savoir comment communiquer l'information aux cliniciens. Par exemple, la Dre Vyta Senikas de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada s'est adressée directement à l'agence. L'agence lui a versé des fonds pour qu'elle puisse mettre en place des directives dans son milieu de travail.

Dr Butler-Jones : Nous en avons fait beaucoup à cet égard. Je crois que nous pourrons en faire plus la prochaine fois, et agir plus rapidement, et nous préparer plus à l'avance que nous ne l'avons fait. Encore une fois, au cours des dernières années, nous avons pris un certain nombre de mesures. Puis, la pandémie s'est déclarée, et nous nous sommes rendus compte que nous n'avions pas tout prévu. Je crois que nous serons mieux préparés la prochaine fois.

En ce qui a trait aux commentaires sur l'importance de faire participer tous les intervenants, nous partageons tout à fait votre point de vue, mais nous devons faire cela ensemble.

Pour faire une parenthèse, l'une des choses qui ont été soulevées par l'association médicale et le Collège des médecins de famille, c'est la nécessité de mieux intégrer les questions de santé publique à la pratique clinique à l'échelon local dans le pays. Dans certaines collectivités, on réussit très bien à le faire, dans d'autres, non. Lorsque les choses ne se passent pas bien, il y a des problèmes. Nous avons tous intérêt à trouver des façons d'améliorer cet aspect.

Le sénateur Seidman : Étant donné que vous avez tous souligné l'importance de transmettre un message cohérent au public, y a-t-il une façon de solliciter l'aide des médias?

Je crois que c'est M. Harper, du Royaume-Uni, qui a déclaré hier que l'administrateur en chef de la santé publique est la personne qui s'est chargée de diffuser le même message d'intérêt public jour après jour, par l'intermédiaire des médias. D'une manière ou d'une autre, l'administrateur en chef a réussi à mettre les médias de son bord, et il s'est servi d'eux pour transmettre le bon message au public. L'un des problèmes que nous avons eus ici, c'est que les médias décortiquent sans cesse notre message pour tenter d'y trouver des failles. Ils interrogeaient des personnes qui n'étaient pas des spécialistes du domaine et qui n'avaient que des opinions contraires à offrir. Y a-t-il un moyen de travailler de façon proactive à cet égard?

Dr Butler-Jones : Je vais y aller en premier, puis je laisserai la parole à Elaine Chatigny, qui joue un rôle central dans la stratégie de communication du risque.

Par exemple, certains médias nous ont donné plus de fil à retordre. Comme nous l'avions fait pendant l'épisode de la grippe aviaire, nous avons sillonné tout le pays pour rencontrer les comités de rédaction et les médias, essentiellement pour leur donner le cours « Pandémie 101 ». Nous avons constaté que les journalistes faisaient preuve d'une plus grande rigueur dans leurs reportages, mais, même si nous avons rencontré les comités de rédaction pour signaler les erreurs qui avaient été commises, les choses ne se sont améliorées que pour un bref moment, puis les journalistes ont recommencé à chercher des opinions divergentes.

J'ignore quelle est au juste la différence, en démocratie, mais, après l'épisode du SRAS, tous les médias nationaux avaient assigné expressément le dossier à un journaliste particulier, et tous cherchaient à mettre la main sur de l'information exclusive qui allait faire sensation. Pour faire cela, il faut trouver quelque chose de différent.

Le président : Peut-être que Mme Chatigny sait comment mettre les médias dans sa poche.

Mme Chatigny : Comme j'ai été journaliste pendant de nombreuses années, je peux vous dire que cela n'est pas possible, car les journalistes se font un point d'honneur de rester indépendants, du moins en principe.

Vous avez soulevé d'importantes questions. Le Dr Butler-Jones a mentionné le fait que, avant la pandémie, des années de planification ont mené à la tenue, dans tout le pays, d'une série d'ateliers animés par des médecins hygiénistes en chef. Ces ateliers ont été organisés conjointement par l'Agence de la santé publique du Canada et les provinces et territoires à l'intention des médias. Nous avons trié les invités sur le volet. Nous ne voulions pas nous adresser aux journalistes spécialisés dans les questions de santé, car nous savions qu'ils avaient de bonnes connaissances de base dans ce domaine. Nous voulions informer les rédacteurs en chef qui auraient à réviser les textes. Ils ne connaissent pas à fond le sujet et commettent des erreurs lorsqu'ils révisent les textes. Nous voulions nous adresser aux agents des affectations et aux seconds violons qui seraient inévitablement chargés de couvrir la pandémie parce que tout le monde allait devoir mettre l'épaule à la roue. Nous savions qu'ils manqueraient de connaissances scientifiques, qu'ils ignoreraient ce qu'est l'influenza, ce qu'est un vaccin, et cetera.

Nous avons fait cela. Notre intervention auprès des médias avant la pandémie était très délibérée, car nous savions que les médias joueraient un rôle clé. Toutefois, ce sont les mauvaises nouvelles qui font les manchettes, et les histoires qui font vendre doivent être inédites. Tant que la grippe aviaire faisait des morts en Asie du Sud-Est, les médias au Canada avaient quelque chose à se mettre sous la dent parce qu'ils savaient qu'il y avait un risque pour la population canadienne. Nous pouvions discuter avec eux, et ils étaient intéressés à participer à nos ateliers pour en apprendre davantage sur le sujet, mais, dès que la grippe aviaire s'est mise à battre de l'aile en Asie du Sud-Est, les médias ont perdu l'envie de nous consulter à l'égard de questions touchant la pandémie de grippe aviaire. C'était difficile de les convaincre. Les chefs de pupitre nous disaient : « Nous sommes trop occupés; nous n'avons pas assez de personnel, et ces détails ne feront pas les nouvelles. »

Cela dit, nous avons pris cette initiative. Pendant la pandémie, nous avons mis en place un système appelé « détecter et corriger ». Je parlerais des « relations médiatiques proactives », mais, pour ce qui est de réagir à une couverture médiatique inappropriée et à la diffusion d'information erronée, nous avions une équipe d'agents des relations avec les médias qui s'occupaient de faire des appels ou d'envoyer des courriels aux fautifs, et, lorsque nous devions signaler les erreurs directement au chef de pupitre parce qu'elles étaient récurrentes, nous exercions une pression accrue, et nous déclenchions une offensive musclée pour les amener à produire des reportages adéquats sur le terrain.

Par principe, la rédaction journalistique met toujours en scène un antagoniste et un protagoniste. Il ne peut y avoir seulement le point de vue de l'administrateur en chef de la santé publique, quelque crédible qu'il soit aux yeux des médias et des Canadiens. Les journalistes ont l'impression qu'ils ne font pas bien leur travail s'ils n'obtiennent pas une opinion contraire. Or, cette opinion contraire peut être mal avisée, et nous avons vu ce genre de choses, mais que pouvons-nous faire? Lorsque nous avons déterminé à quels tiers indépendants les médias avaient tendance à s'adresser, nous les avons regroupés; nous avons commencé à les inviter à participer à des séances d'information technique avant de faire des annonces importantes. De cette façon, lorsque les médias s'adressaient à eux en leur qualité de tiers indépendants, ils étaient mieux informés sur les décisions que nous avions prises et sur les raisons qui nous avaient amenés à prendre ces décisions.

Nous avons organisé un certain nombre d'activités semblables, pendant la pandémie, pour essayer de corriger l'information qui était diffusée par les médias.

Le sénateur Seidman : C'est là où je veux en venir. Il est question non pas d'avoir la mainmise sur les médias, mais de produire des données probantes et de l'information scientifique, ce qui, bien sûr, nous ramène à l'importance d'exercer une surveillance et un suivi pour que nous ayons cette information, et si vous présentiez des bulletins quotidiens brossant le portrait de la situation dans le pays, province par province, et fournissant le nombre de cas, vous communiqueriez des faits.

Mme Chatigny : C'est ce que nous avons fait.

Le sénateur Seidman : Les faits parlent d'eux-mêmes, point à la ligne.

Mme Chatigny : Nous mettions à jour nos sites web chaque jour, ce que faisaient également nos collègues des provinces et des territoires. Nous avons mis à la disposition des Canadiens un guichet unique appelé Combattezlagrippe.ca, qui comporte des sections propres à chaque province et territoire. Nous nous sommes aussi appliqués à diffuser régulièrement toute l'information pertinente découlant des activités de surveillance. Nous avons dirigé les médias vers ces sites web et vers le guichet Combattezlagrippe.ca, chaque jour et à chaque occasion.

Nous avons déployé les efforts nécessaires. Les activités que nous avons réalisées ont donné de bons résultats. Avons-nous tout pris en compte? Avons-nous interagi avec les journalistes clés autant de fois que nous aurions souhaité le faire? Probablement pas, mais ils étaient beaucoup plus nombreux que nous pour ce qui est du nombre de journalistes qui couvraient la situation, de sorte que nous n'avions pas la capacité de nouer des relations étroites avec ces journalistes, ce qui nous aurait peut-être permis de façonner les histoires qu'ils racontaient.

Si on regarde notre analyse médiatique et les tendances en matière de communication de l'information, on remarque que, somme toute, l'information qui a été diffusée était objective. Nous avons dû corriger certains faits erronés, mais, dans l'ensemble, l'information était appropriée. Je crois que ce qui a donné l'impression qu'il y avait de la confusion et de la désinformation, c'était l'exagération par les médias de certains problèmes qui sont survenus pendant la distribution du vaccin. L'information était très précise au sujet des mesures de prévention contre l'infection, des caractéristiques du virus et, par la suite, de la composition du vaccin lui-même, lorsqu'ils ont commencé à comprendre ce qu'était un adjuvant et quelle était la différence entre un vaccin avec adjuvant et un vaccin sans adjuvant. Les Canadiens ont eu l'impression que c'était le chaos parce qu'ils ont vu des images de files d'attente et ont entendu l'histoire du jeune de 14 ans qui jouait au hockey un jour et mourait le lendemain. Cette exagération a amené la population à se demander « Qu'est-ce qui se passe ici? » Bien sûr, le Dr Butler-Jones, la ministre, le Dr Kendall et d'autres personnalités respectées dans le domaine de la santé publique s'adressaient aux Canadiens pour essayer de raviver leur confiance et pour veiller à ce qu'ils reçoivent l'information exacte, de sorte que la réaction émotionnelle que suscite la mort chez les gens et leurs inquiétudes à l'égard de la situation ont été contrebalancées par la transmission de cette information appropriée.

Le sénateur Martin : Je souhaiterais faire un commentaire au sujet de la communication de l'information. On dirait que vous avez fait beaucoup de travail pour créer le site Web centralisé Combattezlagrippe.ca. Il est très difficile d'attirer l'attention des Canadiens sur cet outil. Les gens ne savent pas nécessairement qu'il s'agit d'un guichet unique, alors nous devons organiser une campagne publique pour leur faire connaître l'existence de ce site web.

J'ai déjà été enseignante, alors je sais que les élèves forment l'un des auditoires les plus captifs, et si les enfants sont bien informés et que l'information circule dans les écoles, les parents recevront cette information parce qu'ils reçoivent régulièrement des avis, comme les alertes Amber. Il y a beaucoup d'activités de préparation aux situations d'urgence qui sont effectuées dans les écoles. Nous pourrions entre autres intervenir dans les écoles pour faire en sorte que l'information soit communiquée au public.

Dr Hatchette : Je voudrais faire des observations au sujet des commentaires de la Dre Ricketts sur les lignes directrices cliniques. J'ai été membre du Groupe de travail sur les antiviraux et les soins cliniques. Les lignes directrices relatives aux soins cliniques sont tirées du document portant sur la préparation en cas de pandémie d'influenza. Ces lignes directrices ont été essentiellement élaborées par des spécialistes de la grippe, comme vous l'avez mentionné. Or, nous n'avons pas fait appel aux autres groupes cliniques assez rapidement pour que les lignes directrices soient élaborées de façon plus expéditive. Cela était attribuable en partie à la confusion au sujet de l'autorité de l'ASPC en ce qui concerne la prestation des soins cliniques. Nous avons eu nombre de discussions, et j'ai clamé haut et fort que les cliniciens s'attendaient à ce que le gouvernement fédéral fasse preuve d'un certain leadership pour qu'on obtienne des lignes directrices uniformes à l'égard des soins cliniques. Comme l'a déclaré le Dr Butler-Jones, l'influenza est l'influenza, mais les gens comprennent bel et bien qu'il s'agit de quelque chose de différent.

On nous a dit que l'Agence de la santé publique n'était pas légalement autorisée à commenter les lignes directrices relatives aux soins cliniques, de telle sorte que nous avons eu un débat sur la question de savoir si nous pouvions considérer l'algorithme comme un algorithme. Une fois ce rôle défini, à savoir que l'ASPC pourrait faciliter l'élaboration de lignes directrices par l'intermédiaire des groupes appropriés, comme le groupe des obstétriciens et le groupe des médecins de famille, les choses se sont déroulées de façon beaucoup plus harmonieuse. Le problème, c'est que cette histoire s'est réglée beaucoup trop tard. À ce moment-là, à certains endroits, les responsables avaient élaboré leurs propres lignes directrices relatives aux soins cliniques et les avaient transmises aux médecins de première ligne. J'ai retenu de cette expérience qu'il faut définir le rôle de chacun dès le début et mobiliser les bonnes personnes pour que tout se fasse plus rapidement.

Le sénateur Cordy : J'aimerais revenir sur les commentaires du sénateur Seidman et de la Dre Ricketts. Nous nous adressons à des auditoires différents. Ils doivent recevoir le même message, mais pas forcément de la même façon.

Pour en revenir à la question des partenariats avec les médias, madame Chatigny, vous nous avez fourni de très bonnes explications, et je vous en remercie. Est-il possible de renforcer ces partenariats lorsqu'il n'y a pas de crise de santé publique qui fait les manchettes, comme c'est le cas actuellement? C'est toujours un défi à relever. Ce ne sont pas tous les médias qui cherchaient la petite bête. Certains essayaient de transmettre l'information de façon appropriée. Il y a beaucoup de partenariats intéressants que vous pourriez établir.

Par ailleurs, pour revenir à ce que disait la Dre Ricketts, nous avons entendu parler de médecins qui avaient reçu des quantités énormes d'information. Vous devez composer avec une pandémie, alors vous travaillez déjà de très longues heures. Vous allumez votre ordinateur et vous constatez que vous avez reçu 75 messages des administrations fédérale, provinciale et municipale, sans compter ceux envoyés par d'autres organismes. L'un des témoins que nous avons accueillis a dit que nous aurions dû recourir davantage aux associations professionnelles pour communiquer l'information aux autres professionnels de la santé.

Le sénateur Champagne : Je voudrais faire un bref commentaire sur ce que j'ai dit plus tôt aujourd'hui. J'aurais souhaité que les réseaux de télévision ne traitent pas la pandémie de H1N1 comme une campagne électorale. S'ils interrogeaient le tenant d'une opinion donnée, la liberté d'expression les obligeait à interroger un membre de l'autre camp. Cela a donné lieu à des messages contradictoires.

Qu'avez-vous fait pour inciter les pharmaciens à contribuer? Je me rends à la pharmacie presque aussi souvent qu'à l'épicerie. Certaines pharmacies ressemblent maintenant à des magasins à rayons, alors on s'y rend souvent. J'ai eu une conversation avec le pharmacien à côté de chez moi. Je lui ai dit : « Vous annoncez : ``Faites vos achats dans ma pharmacie, et vous pourriez gagner un voyage à Hawaï.'' J'aurais préféré vous entendre dire : ``Mais si vous contractez la grippe H1N1, vous ne serez peut-être pas en vie assez longtemps pour aller à Hawaï.'' » Les pharmacies dépensent une fortune pour acheter une pleine page dans les journaux ou faire des annonces à la radio ou à la télévision pour me faire miroiter des prix, alors qu'ils pourraient utiliser ces médias pour dire aux gens qu'ils doivent se faire vacciner, car c'est important. J'aimerais avoir le point de vue du Dr Butler-Jones et de la Dre Chatigny sur cette question.

[Français]

Madame Chatigny, avez-vous demandé la collaboration des pharmaciens dans le but de promouvoir l'importance de la vaccination?

Mme Chatigny : De façon très succincte : non, aucune campagne de promotion n'a été élaborée avec les pharmaciens en ce qui a trait à l'importance de la vaccination pour la grippe A (H1N1). Dans d'autres cas, oui, des campagnes ont été lancées par rapport aux vaccins pour les enfants, par exemple, mais pas pour le vaccin H1N1.

Comme le Dr Butler-Jones l'a dit plus tôt, notre programme était très chargé et notre agence était relativement jeune. Beaucoup de choses ont été accomplies dont des campagnes de marketing social, à hauteur de 30 millions de dollars, et de publicité à la télé, à la radio et dans les abribus, entre autres, mais pas chez les pharmaciens.

Je suis contente que vous souleviez cet argument. Les gens sont portés à consulter les pharmaciens afin d'éviter les longues attentes chez les médecins qui sont débordés ou parce qu'ils n'en ont tout simplement pas. C'est une bonne idée.

Le sénateur Champagne : Mon but n'était pas de vous faire des reproches, rassurez-vous, je voulais simplement vous faire remarquer que les pharmaciens sont des gens respectés par la population en général. On les croit et on les écoute.

Mme Chatigny : Ils sont crédibles.

Le sénateur Champagne : Ils sont crédibles et s'ils disent qu'il est important de se faire vacciner, c'est un atout. C'était cela l'objectif de ma remarque.

Mme Chatigny : Je suis d'accord avec vous. D'ailleurs, cela vaudrait la peine de réfléchir à d'autres véhicules non traditionnels. En y réfléchissant bien, l'on pourrait fort probablement découvrir d'autres intervenants aussi crédibles que les pharmaciens auprès de la population. Cela mérite une analyse.

Le sénateur Champagne : Pour en revenir aux pharmaciens, je crois qu'ils peuvent nous aider davantage en collaborant à ce type de campagne publicitaire qu'en nous donnant la chance de gagner un voyage à Hawaï.

[Traduction]

Mme Kiraly : L'Association canadienne de normalisation, la CSA, établit des normes en matière de préparation en cas de situations d'urgence et de gestion de la continuité des opérations. Dans le cadre de nos activités, nous avons organisé une table ronde à laquelle ont participé des travailleurs de première ligne. Tout le monde peut analyser la stratégie de communication et discuter des façons de l'améliorer, mais les pompiers, les infirmières et les urgentologues ont fait remarquer qu'ils avaient besoin non seulement d'accéder à l'information provenant des gouvernements fédéral et provinciaux, mais également de transmettre leurs commentaires en vue de favoriser la communication bidirectionnelle. Les participants à la table ronde ont recommandé qu'on mette en place un réseau de communications spécial qui permettrait aux travailleurs de première ligne d'accéder à l'information nécessaire de la façon qui leur convient et de transmettre leurs questions, préoccupations et remarques, ce qui, en retour, contribuerait à accroître la pertinence de l'information provenant des diverses sources. Encore une fois, les participants ont fait des commentaires élogieux sur les efforts de communication. Ces observations visent à assurer l'amélioration constante des mécanismes de communication.

Le président : Il est intéressant d'obtenir le point de vue des responsables.

Dr Kendall : En ce qui a trait à la communication, il y a des limites à ce que le gouvernement fédéral peut faire. Si les gouvernements provinciaux et territoriaux ne participent pas pleinement au processus, alors la communication ne sera pas efficace. En effet, ce sont les provinces et les territoires qui entretiennent des relations suivies sur les plans de la délivrance des permis d'exercice, des négociations, du financement, et cetera, avec les médecins, les pharmaciens, les infirmières, les services ambulanciers, les services de police, les commissions et les conseils scolaires et les associations municipales. En Colombie-Britannique, nous tentons de miser sur ces relations existantes pour faciliter la transmission de l'information, tant pendant la période interpandémique, où nous communiquons des renseignements et présentons des exposés, qu'au cours de la période pandémique, où nous travaillons avec les associations professionnelles à la création d'un site web centralisé. Nous avions par exemple conçu un site web, et, dès que nous élaborerions des lignes directrices, elles étaient mises en ligne à l'intention des pharmaciens, des infirmières et des médecins. On peut en faire beaucoup à l'échelon fédéral, mais, si les provinces et les territoires ne sont pas pleinement engagés dans le processus, le message n'atteindra pas le public visé.

Le président : Certaines personnes ont fait observer que le gouvernement fédéral — plus que tout autre — devrait avoir un droit de regard sur la nature de l'information qui est communiquée. Certaines personnes ont affirmé qu'il était aussi très utile de pouvoir se fier à une seule source.

Dr Kendall : Il est important de ne diffuser qu'un seul message. J'ai toujours pensé qu'il était plus pratique d'avoir de nombreuses voix qui ne diffusent qu'un seul message.

Le président : De nombreuses voix, un seul message; d'accord.

Le sénateur Fairbairn : Notre discussion sur la communication et sur son utilisation efficace est extrêmement importante. Il ne fait aucun doute que, au cours de la dernière période, d'excellentes mesures ont été prises. Toutefois, je tiens à rappeler quelque chose à tout le monde. Lorsqu'on parle de communication, je ne saurais trop insister sur le fait que, dans notre pays, un très grand nombre de personnes sont analphabètes. Elles ne savent pas lire et ne s'en préoccupent pas. Je crois qu'il est impossible pour nombre de personnes d'être sensibilisées s'il n'existe pas un intervenant ou un groupe dynamique qui peut communiquer l'information pertinente aux personnes qui ne savent pas lire. C'est un aspect particulièrement important pour les personnes qui ont des enfants. Si leurs parents ne peuvent leur fournir l'aide nécessaire, alors, d'une manière ou d'une autre, ces personnes doivent pouvoir compter sur un groupe dans ce pays qui se mobilisera et s'attellera à la tâche, s'il le faut, pour régler ce problème lié à l'analphabétisme. Bon nombre de personnes ne savent pas lire. Dans une situation comme celle-là, le défi est immense. Je crois que c'est dans des situations semblables que la télévision peut servir à aider les gens, particulièrement les parents et leurs enfants.

Le président : Vous avez soulevé un bon point. Je vais maintenant laisser les représentants fédéraux avoir le dernier mot sur le sujet.

Dr Butler-Jones : Vos commentaires sont tous très intéressants. À cet égard, la prochaine pandémie pourrait survenir dans cinq ans ou dans 40 ans. Si c'est dans 40 ans, aucun d'entre nous n'occupera encore un poste de décideur. Par conséquent, il est important et très utile de tirer des leçons de notre expérience, tant les bons coups que les points à améliorer, à la lumière des différents examens qui sont menés. Pour ce qui est du réseau de communication, nous devons trouver des façons de favoriser les échanges entre les gens.

En ce qui concerne la question des compétences et le commentaire du Dr Kendall selon lequel de nombreuses voix devraient transmettre un seul et même message sur lequel nous nous entendons tous, je crois que c'est un aspect important. Les liens se nouent à l'échelon local. La ministre a parlé des cercles d'intervenants, du renforcement des liens locaux et d'une source d'information que nous partageons tous. Il existe une tension entre le fait de vouloir qu'une personne transmette des messages clairs et le fait de vouloir participer soi-même. Ces deux souhaits sont souvent en conflit. Cela prend du temps d'inciter tout le monde à s'engager, et on se retrouve alors avec différents messages qui circulent. Grâce au réseau de la santé publique, et à l'aide de l'engagement de Mme Yeates, de la Dre Ricketts et du mien, en ma qualité d'administrateur en chef, nous pouvons atteindre un meilleur équilibre. Assurément, c'est quelque chose que nous n'avons jamais vu par le passé.

Nous avions demandé à Postes Canada de préparer le matériel à envoyer, alors nous avons pu rejoindre tous les ménages dans le pays. Bien évidemment, cette initiative ne s'adressait pas aux personnes analphabètes, mais nous avons installé des affiches et utilisé d'autres moyens de diffusion, comme la radio et la télévision, qui peuvent rejoindre les personnes qui ne savent pas lire. Tous ces moyens de communication sont importants, et je ne veux pas minimiser leur importance.

Un problème plus important, et qui ne se rapporte pas seulement aux pandémies, c'est la question des lignes directrices cliniques à l'échelle nationale. On s'en remet souvent à l'Agence de la santé publique pour ce qui est de la coordination et de la facilitation du travail à cet égard. Nous avons collaboré avec un certain nombre de groupes pour élaborer, par exemple, des lignes directrices relativement au traitement des AVC, des maladies cardiovasculaires ou du diabète ou à la lutte contre les infections. Le Dr Hatchette a raison : il n'existe à l'échelle nationale aucune structure qui nous permette d'élaborer des lignes directrices uniformes et cohérentes dans diverses disciplines. Nous avons tendance à colmater les brèches.

Auparavant, comme l'a dit le Dr Hatchette, le mot d'ordre sur le plan juridique était « ne vous en mêlez pas », vous entrez essentiellement dans le domaine de la pratique médicale et vous n'avez aucun droit de faire cela, car ce n'est pas de votre ressort, et, si vous faites cela, vous mettez le gouvernement fédéral dans une position compromettante. J'ai répondu que nous devions trouver une façon de le faire, car il n'y a aucun autre organisme dans le pays qui peut s'en charger. C'est à ce moment que nous avons conclu un arrangement avec les associations professionnelles qui nous permettrait de soutenir cet effort, d'y participer et, sans faire fi du conseil juridique, de le faire quand même.

À mesure que nous allons de l'avant, nous devons trouver de meilleures façons de régler ce problème, qui touche non seulement la question des pandémies, mais également des situations plus générales. Il s'agit encore une fois d'une leçon que nous avons apprise. Nous avons atteint notre but, mais, la prochaine fois, de grâce, atteignons-le plus rapidement.

Mme Yeates : J'aimerais faire un commentaire au sujet de la communication d'informations destinées à des groupes précis. S'il existe un domaine où nous en avons appris pas mal sur la façon de faire les choses différemment, c'est dans le domaine de la communication avec les Premières nations. Dès le début, nous avons mis sur pied des campagnes virales ciblées.

Je me souviens d'avoir rencontré des chefs dans le Nord de l'Ontario. Ils m'ont demandé si nous allions avoir bientôt le vaccin. Nous avions entendu ce genre d'histoires au sujet du vaccin, de sorte que nous pouvions fournir des renseignements précis. Cela a fait ressortir toute la difficulté de rejoindre ces collectivités à l'aide de partenariats avec l'Assemblée des Premières Nations — par exemple le sommet virtuel — et de trouver des moyens judicieux de communiquer l'information à un groupe de personnes qui se sentaient très vulnérables, étant donné que nombre de leurs collectivités sont éloignées et isolées.

Le fait d'établir des relations avec les dirigeants de ces collectivités a facilité la communication de l'information. Par exemple, le taux de vaccination chez les Premières nations était supérieur à celui de la population en général. Il y a des leçons à tirer de cette expérience pour ce qui est de cibler une population vulnérable en particulier.

Le président : Cette discussion sur la communication et les messages a été très productive. Je vous en remercie.

Nous allons passer à la question des vaccins et des antiviraux. Au cours des audiences, plusieurs témoins ont fait part de leurs préoccupations à l'égard de l'approvisionnement en vaccin, des problèmes de production, de l'emballage, de la distribution et des listes de priorités. D'autres témoins ont fait ressortir la nécessité d'établir des lignes directrices nationales claires qui s'appliqueraient à l'échelle nationale, y compris dans les cliniques de vaccination de masse, et de mettre au point de nouvelles technologies de vaccination. Hier, des témoins ont évoqué la possibilité de concevoir un vaccin à large spectre qui pourrait être administré avant l'apparition d'un virus pandémique.

Pour ce qui est des vaccins et des antiviraux, peut-être que nous pourrions laisser les représentants fédéraux amorcer et conclure la discussion dans chacun des cas. Vous semblez être à l'écart; vous ne vous êtes pas mêlés aux autres.

Dr Butler-Jones : On nous avait dit que nous serions mêlés aux autres, puis nous nous sommes retrouvés dans la situation présente. J'espère que cela n'est pas le reflet des relations que nous entretenons.

En fait, nous n'avons jamais pu suivre en temps réel la mise au point d'un vaccin pendant une pandémie ou être témoins des difficultés liées à la production d'un vaccin. Même si nous avions pris un certain nombre de mesures — comme le travail de préparation exhaustif effectué par l'organisme de réglementation, ce qui a permis aux responsables d'accomplir leur travail de façon efficace pour assurer l'innocuité du produit —, nous avons également dû prendre des décisions au printemps relativement à la production d'un vaccin à l'automne — nous devions décider, par exemple, si nous allions suivre le conseil de l'OMS, à savoir terminer la production du vaccin contre la grippe saisonnière —, et nous avons constaté que des souches de la grippe saisonnière et d'autres virus se propageaient en même temps, et, de plus, au printemps, nous avons appris qu'une jeune femme de Winnipeg était hospitalisée aux soins intensifs, alors qu'elle avait contracté la grippe saisonnière, pas la grippe pandémique.

À ce moment-là, il nous semblait logique de terminer d'abord la production du vaccin contre la grippe saisonnière, puis d'enchaîner avec celle du vaccin contre la grippe pandémique. La prochaine fois, nous ferons preuve de plus de scepticisme et peut-être que nous essaierons de trouver d'autres moyens de réduire le risque saisonnier à l'approche d'une pandémie, et peut-être que nous déciderons plutôt de ne pas terminer la production saisonnière et de mettre en place des lignes directrices plus strictes à l'égard de l'utilisation du vaccin contre la grippe saisonnière. Nous sommes conscients que cela nous mettrait dans une situation difficile à l'automne — si cela se savait — si nous constations qu'il y a encore des souches de grippe saisonnière qui circulent et que nous devions dire à certaines personnes : « Vous recevez habituellement le vaccin, mais, cette fois-ci, vous présentez un risque moindre, alors il n'y a pas de vaccin pour vous. »

Encore une fois, ce ne seront pas des décisions faciles à prendre. Nous avons maintenant de l'expérience en ce qui concerne l'administration du vaccin avec adjuvant aux femmes enceintes, alors cela ne sera pas un problème la prochaine fois. Ces situations contribueront à intensifier et à accélérer la production. Quant à l'approvisionnement futur en vaccin, nous travaillons d'une façon qui nous permettra d'obtenir plus de doses de vaccin, d'une manière plus efficiente. Toutes ces mesures nous aideront.

Nous avons tiré des leçons à l'échelon local, et les administrations se sont inspirées des pratiques exemplaires de chacune. Comme l'a mentionné Mme Chatigny, au début, il y a eu le problème des files d'attente. Deux semaines auparavant, nous nous disions que nous serions chanceux si 30 p. 100 de la population se faisaient vacciner, et, tout à coup, il y a eu des décès malheureux qui ont été très médiatisés, et tout le monde s'est rué vers les centres de vaccination. Lorsque les médias ont commenté ce phénomène, ils n'ont pas dit « Vous faites bien d'attendre en file », comme lorsqu'il y a des soldes chez Future Shop. Ils ont plutôt déclaré : « Cette situation est terrible et malheureuse. » Toutefois, en quelques jours, nous nous sommes rajustés et nous avons pu gérer les files d'attente. La vaccination se faisait de façon plus ordonnée et planifiée, et, essentiellement, les gens n'ont plus eu besoin de faire la file. Toutefois, ce qui a attiré l'attention des médias, ce sont les longues files d'attente.

Dans l'avenir, à supposer que nous disposions d'un médecin efficace, il y aura de nouvelles technologies, et nous pourrons accéder à ces nouvelles technologies à mesure qu'elles seront mises au point au cours des cinq à dix prochaines années. Toutefois, il ne faut pas croire qu'un tout nouveau vaccin constituera une solution miracle. Par exemple, les vaccins cellulaires ont connu des ratés. Dans le cas de la société Baxter, c'est la production du vaccin même qui a occasionné des problèmes. Nous ne pouvons fonder tous nos espoirs dans un seul et unique vaccin, et c'est en partie pour cette raison que nous continuons de diversifier nos options et notre réserve d'antiviraux et d'examiner les différentes questions qui peuvent surgir, et nous procédons de la même façon pour ce qui est des vaccins. L'important, c'est de ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier.

Je ne crois pas que je l'ai mentionné la dernière fois, mais de nombreux pays se sont procurés le vaccin contre la souche H5, car ils ont supposé que cette souche serait à l'origine de la prochaine pandémie et que, même si le vaccin n'était pas efficace, peut-être que le fait de l'administrer induirait une certaine action immunitaire.

Le gouvernement du Canada a négocié avec la société pharmaceutique pour obtenir séparément l'adjuvant et l'antigène de façon à ce qu'on puisse utiliser l'adjuvant avec l'antigène qui se révélerait approprié, ce qui nous permettait d'assurer nos arrières et de ne pas miser sur une seule solution ou d'essayer de prévoir ce que la nature nous réserve, étant donné que cette voie est parsemée d'embûches.

Je vais m'arrêter ici, car je sais que vous voulez prendre part à la discussion.

Mme Ballantyne : J'aimerais parler de l'innocuité du vaccin et de la question de savoir si nous avons agi trop rapidement ou trop lentement. J'ai mentionné plus tôt que la production d'un vaccin est un processus à grande échelle très complexe. D'abord, les laboratoires agréés par l'OMS doivent isoler le virus. Il faut d'ailleurs attendre qu'il y ait une pandémie ou des cas de grippe saisonnière pour pouvoir extraire le virus, l'isoler dans les laboratoires agréés par l'OMS et l'envoyer aux fabricants. À ce moment-là, tous les fabricants de vaccins dans le monde reçoivent le virus, ils élaborent les souches et les réactifs, puis la production débute.

Dans ce cas-ci, comme l'a expliqué le Dr Butler-Jones, en 2006, dans le cadre de la préparation en cas de pandémie, la communauté internationale croyait qu'il s'agirait d'une pandémie de grippe H5N1, alors tout le monde s'était mis au travail. Nous avions inspecté les installations, des installations de fabrication conformes, et nous nous étions assurés que les fabricants de vaccins avaient tout le matériel nécessaire à leur disposition. Nous avons examiné des essais cliniques menés sur le vaccin prototype, comme nous l'appelions.

En 2006, nous avons mis à l'essai le même adjuvant utilisé l'année précédente; cet adjuvant avait déjà fait l'objet d'essais cliniques. L'organisme de réglementation ne peut commencer à évaluer l'innocuité, la qualité et l'efficacité du vaccin qu'au moment où le produit commence à sortir de la chaîne de fabrication.

Nous avons fait appel à GlaxoSmithKline dans ce cas en particulier, et nous avons évalué la qualité des agents chimiques qui entraient dans la composition du vaccin. Nous avons examiné des données découlant d'essais sur des animaux, à savoir des furets, qui sont habituellement utilisés lorsqu'on fait l'essai de vaccins contre la grippe. Ensuite, nous avons examiné les données tirées d'essais cliniques.

Au Canada, nous exigeons que les vaccins aient fait l'objet d'essais cliniques à petite échelle au Canada et en Amérique du Nord. Nous avons été chanceux, car nous avons eu la possibilité d'utiliser les données d'essais cliniques menés dans des pays comme l'Australie, qui avait déjà connu la pandémie de grippe.

Avant d'homologuer le vaccin, nous devions déterminer — comme nous le faisons pour tout type de médicament — si les avantages du vaccin l'emportaient sur les risques associés à la grippe H1N1 et sur ceux liés au vaccin lui-même. Puis, nous avons homologué le vaccin, mais nous avions prévu des conditions à remplir après la mise sur le marché, par exemple l'obligation pour les fabricants de surveiller la déclaration de réactions indésirables et de nous fournir régulièrement des données se rapportant à l'utilisation du vaccin.

Le sénateur Ogilvie : Je voudrais aborder tant la question des vaccins que celle des antiviraux. D'abord, docteur Butler-Jones, je crois que les laboratoires se sont montrés dignes des plus grandes réalisations dans le domaine des sciences médicales au Canada, vu la rapidité avec laquelle ils ont été capables d'isoler les caractéristiques génétiques du virus, leur capacité à fournir cette information à d'autres pays et l'ampleur de leur volonté de coopérer avec les autres pays.

Je ne doute pas de l'immense succès que nous avons eu, mais je suis un peu préoccupé par la façon dont cette réussite est parfois présentée. Voici un exemple : nous parvenons un jour à isoler le gène responsable de la fibrose kystique et nous annonçons au public, le lendemain, que cette découverte nous permettra de mettre au point un test diagnostique, puis, le jour d'après, que nous trouverons un traitement et, le surlendemain, que nous trouverons un remède. Ceux d'entre nous qui ont entendu cette nouvelle à ce moment-là et qui ont pu en comprendre la portée savaient que nous étions probablement à des années-lumières de la découverte d'un remède et assez loin de la mise au point d'un test diagnostique.

Ce qui arrive, c'est que même des personnes très informées semblent penser que, la minute que nous en savons un peu sur les causes génétiques d'une maladie, nous sommes en mesure de la guérir complètement. En réaction à une observation que j'ai faite au cours de l'une de nos audiences, un témoin a déclaré que, si nous avions seulement utilisé l'ADN pour concevoir le vaccin, nous aurions probablement pu l'avoir trois mois plus tôt. Il laissait entendre que nous pourrions pratiquement aller chercher ce produit sur les étagères.

Ce n'est pas ce que je croyais comprendre au sujet du potentiel de cette méthode, bien qu'il soit énormément utile de connaître l'ADN d'un organisme. Cette semaine, des experts scientifiques nous ont expliqué clairement quelle est réellement la situation et ont déclaré officiellement que les choses ne se passaient pas forcément comme cela.

Je trouve qu'il est réellement préoccupant que des responsables possédant une certaine expertise croient que le décodage de l'ADN nous permettra d'obtenir un vaccin plus rapidement. Comme dans le cas de la question de la communication, que nous avons abordée plus tôt, nous entendrons des gens parler de ce genre de possibilité et peut- être formuler d'autres critiques concernant la façon dont nous avons réglé ces aspects et la manière dont nous sommes intervenus à l'égard du vaccin. C'était simplement une observation.

J'ajouterais, entre parenthèses, que, pendant une grande partie de ma carrière, je me suis intéressé à la façon dont nous avons lutté contre les infections par le passé et comment notre compréhension a évolué, jusqu'à la découverte des vaccins. Même aujourd'hui, comme vous l'avez mentionné tout à l'heure, je crois qu'il est remarquable que nous ayons pu obtenir le vaccin aussi rapidement. Je tiens à le souligner.

Je voudrais faire un commentaire relativement aux antiviraux. Encore une fois, après qu'un témoin a répondu à l'une de mes questions, je me suis beaucoup renseigné sur le sujet, et je ne vais pas exposer les raisons qui m'ont poussé à faire cela. En cherchant des renseignements sur un antiviral en particulier, j'ai découvert qu'il y a beaucoup d'inventeurs qui aimeraient qu'on homologue 50 millions de doses de l'antiviral qu'ils ont mis au point sans fournir beaucoup de preuves de son efficacité, d'après ce que j'ai pu comprendre.

Je dirai toutefois que je crois que cela constitue un élément essentiel de votre arsenal thérapeutique pour de nombreuses raisons. Je ne m'oppose aucunement à l'idée que cet élément fasse partie de notre arsenal, mais je crois que cela tient en partie au fait que nous sommes généralement capables de traiter les maladies, à l'attitude du public, à la confiance qu'il accorde au système, et cetera. En outre, il serait peut-être très difficile, vu la nature du virus de l'influenza, de pouvoir se procurer des antiviraux sur les étagères. Il s'agit simplement d'observations.

Le président : J'aimerais bien entendre votre réponse à cela, mais retenez-la pour plus tard.

Dre Ricketts : On a déjà dit que le processus de production d'un vaccin est beaucoup plus compliqué que la plupart des gens ne le pensent. Je le disais toujours au sujet de la surveillance, mais cela s'applique aussi à la production de vaccins. Si vous croyez qu'il est facile de produire un vaccin, vous pensez probablement aussi qu'il est facile de jouer de la flûte; il ne suffit que de souffler à l'un des deux bouts et de remuer les doigts au-dessus des trous. C'est extrêmement difficile, et je tire mon chapeau à l'Agence, car elle est reconnue à l'échelle internationale pour son travail dans ce domaine.

Il y a eu des problèmes ici, et cela a suscité certains commentaires. L'Association médicale canadienne, entre autres, a formulé des commentaires concernant ce qui se passait sur le terrain. Dans certaines provinces, on a trouvé de nouveaux moyens de distribuer le vaccin pendant cette éclosion. Par conséquent, elles n'ont pas pu agir aussi rapidement. On peut commenter le changement de cap en cours de route ou prétendre que les ressources auraient dû être mises à l'essai sur le terrain plutôt qu'à l'échelon gouvernemental ou dans le cadre d'exercices de simulation.

Je voulais faire un commentaire plus pointu sur le signalement des effets indésirables et la nécessité de mettre en place des systèmes médicaux électroniques à l'appui de ce processus. En effet, l'absence d'un tel système a posé problème aux cliniciens, car ils ne pouvaient pas déterminer s'il y avait des effets indésirables. De fait, j'ai moi-même essayé de chercher ces données en ligne, et je n'ai pas réussi à les trouver. J'ai eu l'occasion de travailler avec des gens du secteur des produits biologiques du gouvernement fédéral pendant un certain temps, et je pensais que je serais capable d'obtenir cette information facilement.

De plus, les directives sur les soins cliniques comprenaient des formulaires complexes que les cliniciens devaient remplir. Je ne connais pas la solution à ce problème. C'est une question difficile et complexe.

J'aimerais aussi mentionner les antiviraux, et je rappellerais au comité que nous avons été chanceux, d'une certaine manière, que la pandémie ait commencé au printemps. Cela nous a donné le temps de comprendre le virus et de profiter de l'été, qui est une période calme où les gens sont dispersés et se contaminent beaucoup moins les uns les autres. Ainsi, nous avons pu mieux affronter la résurgence automnale, la deuxième vague, plus importante, de la maladie.

Il ne faut pas oublier que, dans le cas d'une épidémie automnale, le rôle d'un vaccin peut être beaucoup moins important. En effet, l'établissement de modèles montre que les antiviraux contribueraient davantage à prévenir les décès et à limiter la propagation de la maladie. Cela dit, je pense qu'il serait difficile de communiquer ce message à la population. Je suis toujours impressionnée par le nombre et la diversité des compétences nécessaires à la réussite ces programmes de vaccination et d'antiviraux.

Le sénateur Merchant : Avez-vous réussi à comprendre pourquoi il y avait une telle disparité et pourquoi certaines provinces ont si bien réussi? Nous avons entendu ce matin que, dans certaines régions, 90 p. 100 de la population avaient reçu le vaccin. Comme 45 p. 100 de la population canadienne a été vaccinée, il y a évidemment des endroits, davantage dans les régions urbaines, je crois, où on a eu de la difficulté à convaincre les gens de se faire vacciner.

Qu'avez-vous appris, et comment allons-nous faire les choses la prochaine fois? Y a-t-il des groupes ethniques plus réticents à se faire vacciner? Dans les grands centres, comme Toronto, il y a beaucoup de gens de partout dans le monde — beaucoup plus qu'en Saskatchewan. La population est plus homogène en Saskatchewan. Je me demande si certaines populations craignent de se faire vacciner ou n'y croient tout simplement pas.

Le président : C'est une bonne question, mais attendez avant d'y répondre.

Le sénateur Merchant : Ce n'est peut-être pas le bon moment.

Le président : C'est le bon moment. Ça va. Les représentants du gouvernement fédéral commenceront, et c'est aussi eux qui termineront. Ils devront répondre à beaucoup de questions, y compris la vôtre. Y a-t-il quelqu'un d'autre? Le sénateur Ogilvie a une autre question. Il y a Mme Kiraly qui veut parler.

Mme Kiraly : Je vais me faire l'écho du Dr Butler-Jones : ce que nos intervenants nous ont dit, particulièrement en ce qui concerne les vaccins et les antiviraux, c'est qu'il faut une approche cohérente. Par exemple, pourquoi les travailleurs de la santé de première ligne ne sont-ils pas une priorité? Nous devons décider, de manière cohérente, de ce que chacun recevra et du moment propice à l'utilisation de chaque outil. Nous devrions discuter de ces lignes directrices et de ces normes avant la prochaine fois.

Le sénateur Martin : Je voulais ajouter à ce qu'a dit le sénateur Merchant. À Vancouver, là d'où je viens, beaucoup de membres des communautés culturelles ne regardent peut-être pas les mêmes nouvelles que nous. Ils s'informent grâce aux journaux et aux médias de leur communauté alors la langue est aussi un problème.

Le sénateur Ogilvie : À ce sujet, je voudrais dire, brièvement, que je ne suis pas préoccupé par le fait que des gens ne se soient pas fait vacciner durant la pandémie. Il ne faut pas oublier que nous vivons dans une société démocratique où se côtoient une diversité de points de vue — liés à des traits personnels ou aux origines ethniques — sur toute une panoplie de sujets. Je serais préoccupé si nous n'avions pas le pouvoir, dans ce genre de situations d'urgence où il y a un besoin avéré, de prendre les mesures qui s'imposent. Il ne faut pas oublier qu'il y a des personnes très instruites et très renseignées qui ne se sont pas fait vacciner pendant la pandémie.

Je ne crois pas qu'il est juste de dire 40 p. 100 de la population, ce n'est pas beaucoup. Dans les circonstances, je trouve que nous avons réussi à faire vacciner beaucoup de gens, une fois le choc initial passé à l'égard des répercussions sur les jeunes. La situation s'est réglée très rapidement grâce au leadership de la communauté médicale dans son ensemble. Les collectivités n'étaient pas prises de panique, après le problème initial lié aux enfants, et mis à part quelques incidents de panique isolés.

Je voudrais donner un point de vue un peu différent au sujet de ces 40 p. 100. De fait, nous avons vu que, dans les collectivités où il y avait clairement un risque plus élevé, une proportion plus importante de la population a elle-même pris la décision de se faire vacciner. J'aime à croire que cela sera toujours le cas et que, lorsqu'une population donnée est convaincue de la nécessité de se faire vacciner, elle le fera. Il nous incombe de veiller à ce que l'information appropriée soit diffusée. C'est une observation supplémentaire à l'égard de l'intervention.

Le président : Je vais seulement laisser parler deux autres personnes, le Dr Kendall et le sénateur Cordy.

Dr Kendall : Je vais vous parler de la distribution d'antiviraux et de vaccins selon une perspective provinciale. À moins qu'il y ait un moyen de rendre les vaccins rapidement disponibles, et je pense être d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il n'y en a pas, les antiviraux demeureront essentiels aussi longtemps qu'ils seront efficaces. Durant la période interpandémique, nous avons beaucoup travaillé avec les parties intéressées et nous avons réalisé des examens éthiques pour déterminer s'ils devraient être utilisés pour la prophylaxie, pour le traitement ou pour les deux. Nous avons finalement recommandé qu'ils soient utilisés pour le traitement. Cela a bien fonctionné dans le système de santé d'un bout à l'autre du Canada.

Notre système provincial de distribution des vaccins n'a pas fonctionné aussi bien, car nous n'étions pas aussi organisés que nous aurions dû l'être. Nous avons eu toutes sortes de problèmes que nous n'avions pas anticipés. L'un de ces problèmes était que le vaccin n'était pas disponible en temps opportun. Comme on l'a reçu bien après le début de la deuxième vague et après que les gens ont vu que la maladie ne se propageait pas autant que prévu, ils n'étaient pas aussi empressés de se faire vacciner.

Toutefois, cela dit, même si, en moyenne, 40 p. 100 de la population de la Colombie-Britannique s'est fait vacciner, nous avons très bien réussi à cibler les femmes enceintes, les travailleurs de la santé et les personnes atteintes de maladies chroniques, groupes où de 66 à 75 p. 100 des gens, selon le groupe, se sont fait vacciner.

Le ciblage des risques a permis de gérer les stocks limités de manière très efficace. Grâce aux ententes dont nous avons parlé, de 75 à 130 p. 100 des membres des Premières nations ont été vaccinés. En étudiant ce qui s'est passé, nous allons en apprendre beaucoup plus sur la distribution de vaccins à l'échelon local.

Le sénateur Cordy : J'aimerais poursuivre en abordant les listes de priorités. Je ne voudrais pas être responsable de dresser ces listes, car un grand nombre de témoins qui ont comparu ont présenté des arguments convaincants pour expliquer pourquoi ils devraient être sur la liste de priorités, mais tout le monde ne peut pas être sur cette liste. Quelqu'un doit prendre une décision.

L'un des problèmes qui découlent d'une liste de priorités qui comprend des personnes de 60 ans et moins, différents groupes d'âge et des femmes enceintes, c'est que, dans les régions éloignées et rurales, les familles doivent faire de 20 à 40 milles de route pour faire vacciner un ou deux enfants, puis retourner la semaine suivante pour se faire vacciner et, parfois, retourner une troisième fois — disons, quatre semaines plus tard — pour faire vacciner leurs parents. Sur le plan logistique, cela n'a aucun sens. Il me semble que, si un membre de la famille doit se faire vacciner, toute la famille devrait se faire vacciner en même temps pour simplifier les choses.

Pour en revenir aux leçons apprises à Terre-Neuve-et-Labrador, il faut se demander ce qu'ils ont fait là-bas pour que 80 p. 100 de la population se fasse vacciner. Les taux de vaccination des Autochtones et des Premières nations étaient de 75 p. 100, ce qui est bien. On a pris des mesures qui ont très bien fonctionné, comme d'amener des gens dans les collectivités pour vacciner la population. Peut-être pourrions-nous également faire cela dans les régions rurales, compte tenu des leçons apprises.

Lorsque nous avons tenu notre table ronde avec des témoins autochtones et inuits et des représentants des Premières nations, nous avons appris qu'il n'y avait aucun moyen de déterminer combien d'Autochtones et de membres des Premières nations avaient été vaccinés, puisque, apparemment, le formulaire ne comprenait aucune partie sur l'appartenance à ces groupes. Bien sûr, il y a actuellement énormément d'Autochtones dans les zones urbaines, mais il n'existe aucun moyen de déterminer dans quelles proportions ils se sont fait vacciner.

Le président : Je vais laisser le sénateur Seidman poser une question rapide, puis je ferai l'exposé au jury, comme on dit, et je lui demanderai de répondre à quelques autres questions.

Le sénateur Seidman : Je voulais poser une question de la priorité et des personnes qui devraient être vaccinées immédiatement afin qu'elles puissent assurer le bon déroulement des activités qui sont essentielles pour nous au quotidien. Nous avons parlé de vacciner les fournisseurs de soins de santé et peut-être même leur famille, les autres employés des hôpitaux, la police et certains membres clés du secteur agroalimentaire afin de maintenir l'approvisionnement en aliments entre autres choses. Au départ, cela semblait évident, mais plus nous y pensons, plus la liste s'allonge. Y a-t-il une autre manière d'aborder le problème?

Le président : Nous irons au bout de la table. J'aimerais mentionner quelques autres choses. À certaines de nos audiences, on a mentionné l'emballage. Il semblerait que des médecins locaux ont été exclus, dans de nombreux cas, en raison de la taille de l'emballage. Pourriez-vous commenter cela?

La Dre Ricketts a parlé des effets indésirables. Nous n'avons pas eu tous les détails, alors nous aimerions en savoir plus.

Cette nouvelle technologie axée sur l'ADN ou sur les cellules est-elle une véritable possibilité, ou s'agit-il simplement d'un rêve pour l'avenir? Qu'en est-il pour la fabrication de futurs vaccins?

Je vais de nouveau soulever la question d'une formation de base sur les vaccins parce qu'il est possible qu'une grande part de la réticence à recevoir le vaccin contre le H1N1 soit due à une conviction bien ancrée chez une personne ou au sein d'une famille. Si nous venons à bout de ces croyances, la prochaine fois qu'il y a une pandémie, il sera peut- être plus facile de faire vacciner un plus grand pourcentage de la population.

Enfin — pour revenir sur ce que le sénateur Ogilvie a dit au sujet des 40 p. 100 — j'ai tout d'abord cru que cela n'était pas très bon, puis vous êtes venu nous dire que c'était plus que partout ailleurs. Comment allons-nous faire pour améliorer le taux de vaccination? Il est difficile d'affirmer que nous avons réussi avec nos 40 p. 100 lorsque nous entendons dire que 80 p. 100 des habitants de Terre-Neuve-et-Labrador ont reçu le vaccin. Les taux ont été très inégaux d'un bout à l'autre du pays. Que pouvons-nous faire pour égaliser tout ça? Je suis désolé d'ajouter d'autres questions à celles qu'on vous a déjà posées, mais la parole est à vous.

Dr Butler-Jones : Je vais aborder chaque question l'une après l'autre et je demanderai à mes voisins de compléter mes réponses. Je sais que le Dr Plummer a des commentaires à formuler au sujet de certains des aspects scientifiques et concernant les antiviraux.

Je commencerai par vos questions, sénateur Eggleton. Nous avons déjà abordé la question des emballages. On a reconnu que 500 doses par emballage, c'est trop. Cela cause des problèmes pour les gens qui veulent remballer les doses. Personne n'y a pensé à l'avance, mais la prochaine fois il y aura de plus petits emballages.

En ce qui concerne les effets indésirables, nous avons beaucoup réfléchi aux moyens par lesquels Santé Canada et nous- mêmes pourrions assurer une surveillance continue. Encore une fois, l'utilisation de dossiers électroniques nous aidera et facilitera la chose, à l'avenir. L'endolorissement du bras n'était pas le seul effet indésirable du vaccin avec adjuvant, mais il s'agit d'effets généraux typiques des vaccins qui, dans l'ensemble, n'étaient pas graves.

La sensibilisation aux vaccins est un défi énorme. Nous pourrions passer beaucoup de temps là-dessus, et il vaudrait peut-être la peine d'en discuter plus longuement. Lorsque j'étais petit, les hôpitaux étaient remplis d'enfants atteints de maladies que l'on aurait pu prévenir grâce à des vaccins, de la polio jusqu'aux complications découlant de la rougeole. Aujourd'hui, nous voyons rarement ce genre de choses dans cette région du monde.

L'émergence de points de vue différents — « on ne peut pas faire confiance aux médecins ou aux grosses compagnies pharmaceutiques, à toutes ces personnes, mais j'ai un produit qui te sauvera la vie » — perpétue un mythe. Les vaccins, pour la plupart, sont donnés pendant la petite enfance, au moment même où d'autres choses commencent à se faire sentir, comme le traumatisme de la naissance. C'est un peu comme dire que les parapluies causent la pluie, mais la cause d'un problème peut aussi bien être les céréales pour bébé ou la crème glacée que l'on donne à un enfant par temps chaud.

La communication du savoir scientifique est un défi de taille, et il s'agit d'un projet à long terme, que l'on passe par les écoles ou que l'on adopte d'autres moyens.

En ce qui concerne les possibilités que représentent les nouveaux vaccins, la vaccination connaît un renouveau énorme, puisque nous commençons à utiliser les vaccins non seulement pour traiter les maladies infectieuses et les problèmes de santé publique, mais également pour des problèmes cliniques, comme les traitements contre le cancer, et cetera. Au cours des prochaines décennies, on verra des progrès énormes à cet égard. Il est difficile de dire ce que cela suppose dans l'immédiat, mais, même dans l'immédiat, nous devrons toujours nous assurer que le nouveau vaccin est sécuritaire. Ce genre de recherche prend du temps. Nous avons bon espoir et nous continuons de chercher de meilleures solutions. L'avenir nous le dira.

Les différences dans les taux de vaccination s'expliquent par toutes sortes de raisons. Nous faisons des recherches pour essayer de comprendre pourquoi les gens ont décidé de se faire vacciner ou de ne pas se faire vacciner. C'est presque comme l'abandon du tabac — tout le monde a ses raisons. Certains n'avaient pas choisi le bon moment pour y aller et n'ont pas pu recevoir le vaccin. Dans le Sud de la Colombie-Britannique, les cas ont été plus nombreux au début de l'automne. Lorsque le vaccin était enfin accessible pour la plupart des gens, ces derniers se disaient qu'ils n'avaient plus besoin de s'inquiéter. Il y a aussi tous les mythes entourant les vaccins. Les raisons sont si nombreuses, et nous pourrions en parler pendant longtemps, mais nous essayons de tout comprendre cela et de déterminer comment cela nous aidera à l'avenir.

En ce qui concerne la priorité, une grande part du travail a été fait à l'avance, et cela se poursuivra, y compris l'examen des considérations éthiques. Le plan comprend une section sur l'éthique qui vise à réduire les répercussions de la maladie en ce qui concerne les cas graves et les décès, ainsi que les perturbations sociales. C'est pourquoi on a mis l'accent sur les personnes qui étaient le plus à risque de tomber gravement malades ou de succomber à la maladie, ainsi qu'à ceux qui s'occupent d'elles.

Au printemps, nous avons constaté que les structures publiques, comme l'eau et les services de police et d'incendie, n'avaient pas été perturbées. Les antiviraux ont fonctionné en tant que traitement précoce, et les gens qui ont été atteints de la maladie ont pu retourner travailler rapidement. On a donc accordé la priorité à ceux qui risquaient davantage de succomber à la maladie. Un pompier qui souffre d'asthme sous-jacent ferait donc partie du groupe prioritaire. Toutefois, un pompier en parfaite santé qui tomberait malade serait traité, puis retournerait travailler.

Le point de Dr Kendall est bon, tout comme l'est celui du sénateur Ogilvie. Le plan a fonctionné. Nous ne savions pas, à l'avance, combien de personnes devaient être immunisées pour protéger l'ensemble de la population. Essentiellement, nous avons vu que la pandémie au Canada était terminée après quelques mois, et nous avons eu la saison de la grippe la plus courte de notre histoire. Grâce aux 15 à 20 p. 100 qui étaient tombés malades et qui étaient donc immunisés par la suite et aux plus ou moins 45 p. 100 — et beaucoup plus dans les groupes à risque — qui ont reçu le vaccin, nous avons pu stopper la propagation de la maladie. De fait, la campagne a été très réussie, et nous savons maintenant que ce taux d'immunisation était suffisant, à tout le moins pour ce qui est de ce virus, pour juguler la pandémie.

Je m'arrêterai ici. Nous ne prenons pas de risque. En ce qui concerne les réserves nationales, nous avons acheté proportionnellement plus de Relenza, un autre antiviral, au cas où le Tamiflu ne fonctionnerait pas. Nous avons eu de la chance, car le Tamiflu a fonctionné, tout comme l'Amantadine, et à mesure que de nouveaux antiviraux sont devenus disponibles, nous avons été impressionnés par leur efficacité. Ils se sont révélés beaucoup plus efficaces à l'égard des cas graves que ce à quoi nous nous attendions, et c'est une bonne chose, car les milliers de jeunes qui étaient aux soins intensifs qui risquaient fort de ne pas survivre, et nous aurions eu des milliers de morts, plutôt que des centaines.

Dr Plummer : Je vais répondre aux questions que vous avez posées au sujet de l'ADN. Nous pouvons maintenant rapidement déterminer la séquence génétique de n'importe quel organisme, ce qui nous permet de diagnostiquer cet organisme rapidement; dans les quelques jours suivant la détermination d'une séquence génétique, les laboratoires provinciaux d'un bout à l'autre du pays étaient en mesure de le diagnostiquer. Cela ne nous donne pas de traitement immédiatement, mais cela nous dit que le traitement fonctionnera parce que nous savons, grâce à la séquence, que le Tamiflu, par exemple, permettra d'enrayer le virus.

Partout dans le monde, on réalise des recherches sur les nouvelles technologies de vaccination, y compris l'utilisation d'ADN dans la fabrication des vaccins. Ce qui est intéressant, c'est que l'ADN nu provoque une réaction immunitaire dans les cellules des souris et, parfois, des humains. L'ADN est mis à l'essai en tant que stratégie de vaccination pour un grand nombre d'organismes différents. Nous sommes encore très loin de pouvoir commercialiser de tels vaccins en tant que produits approuvés, et nous ne le pourrons pas avant plusieurs décennies.

En même temps, il y a beaucoup de recherches en cours dans le monde sur les différentes technologies de vaccination. Celle que nous utilisons est plutôt vieille. Elle remonte aux années 1950. Celle qui est axée sur les cellules en est une. Il se peut bien que nous puissions utiliser l'ADN. Il se peut bien que nous découvrions comment fabriquer un vaccin plus universel contre la grippe. À l'Agence, nous faisons beaucoup de recherches sur ces types d'approches et nous avons mis au point environ cinq ou six types de vaccins différents. Nous avons terminé cela quelques mois avant l'émergence de la pandémie, mais le processus menant à leur utilisation clinique prend de nombreuses années.

Mme Yeates : J'ai pensé revenir sur quatre des points qui ont été soulevés dans les questions.

Le premier concernait les collectivités rurales et éloignées et la pertinence de la méthode des groupes prioritaires dans le contexte des collectivités rurales. Exactement comme on l'a mentionné, nous étions d'avis qu'il était insensé pour des familles de parcourir de longues distances en voiture à plusieurs reprises ou pour des travailleurs de la santé d'envoyer des équipes d'immunisation à diverses occasions dans les mêmes collectivités. Dès le début, on a pris la décision d'adopter une approche pour que tous les membres de ces collectivités rurales et éloignées puissent se faire vacciner en même temps.

C'est certainement l'approche que nous avons adoptée pour les collectivités des Premières nations dans des régions éloignées. C'est l'une des raisons pour laquelle les trois territoires ont eu tous les vaccins nécessaires pour immuniser leur population, plutôt que seulement les groupes prioritaires, et tout le monde était d'accord. On a reconnu qu'il fallait concilier les détails pratiques et l'établissement des priorités.

En tant que représentants des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, nous avons discuté de ce que nous avons appris des divergences entre les provinces et les territoires. Au moment où chaque gouvernement tire ses propres leçons sur ce qui a bien fonctionné, il y a une volonté d'effectuer un suivi et d'apprendre. En tant que délégués, nous avons parlé de la nécessité d'échanger à ce sujet et de comprendre tout cela par le truchement du réseau de santé publique et au sein du groupe de délégués. Il est reconnu que nous devons apprendre de cette expérience.

En ce qui concerne nos connaissances, nous avons un peu parlé des défis reliés aux vaccins en général. Je sais que l'ASPC a fait du travail à cet égard. En tant qu'organisme de réglementation, nous avons essayé d'aider les gens à comprendre comment nous devons mettre à l'essai les vaccins, car il y a beaucoup de préoccupations reliées à l'innocuité de ce que nous approuvons, particulièrement lorsqu'il y a une pandémie. La population croit comprendre que le vaccin a été approuvé rapidement. Elle se pose donc des questions sur son innocuité. Le dépliant qui a été distribué aborde le sujet de la grippe saisonnière, mais il vise à renseigner le public à ce sujet durant une période moins mouvementée et non dans une situation d'urgence.

Enfin, en ce qui concerne ce que nous avons appris pour l'avenir, sur le plan réglementaire, nous avons appris que nous pouvons travailler de manière très différente avec d'autres organismes de réglementation à l'échelle internationale. Ce type d'échanges internationaux était sans précédent. C'était la première fois que nous parlions quotidiennement — ou, à tout le moins, fréquemment — au téléphone avec des représentants d'organismes de réglementation de partout dans le monde, que nous leur disions ce que nous découvrions et nous échangions des données avec eux. Cela était possible parce que nous avions établi des relations et effectué une planification à l'avance, et nous pourrons prendre appui sur cette expérience à l'avenir.

Dr Gully : J'aimerais ajouter une ou deux choses. Au sujet de la séquence de la vaccination et des groupes prioritaires, il semble y avoir eu des critiques relatives au fait que certaines provinces se soient écartées légèrement des lignes directrices nationales convenues. Cela ne me pose pas problème. Nous devons reconnaître que certaines administrations sont soumises à des impératifs logistiques particuliers, compte tenu de leur population, de leur situation actuelle et peut-être même de l'épidémiologie de la maladie à un moment donné. Ces variations étaient légères. En particulier, les Premières nations étaient un groupe prioritaire dans certaines administrations et ne l'étaient pas dans d'autres, mais ce choix tenait probablement à des considérations pratiques.

Nous avons parlé des communications, et nous nous rendons compte du fait que nous n'avons pas une très bonne idée des endroits où les gens obtiennent leur information à l'échelon local. Cela s'applique peut-être aux Premières nations, aux collectivités rurales et éloignées, ainsi qu'aux collectivités urbaines. Il s'agit de déterminer non seulement ce que nous diffusons, mais également où vont les gens, et cela s'applique à tout le monde. Allons-nous chercher notre information sur le Web? Allons-nous chercher notre information ainsi que divers points de vue dans le Globe and Mail ou dans les journaux nationaux? Encore une fois, c'est plutôt local. Les autorités locales en matière de santé publique doivent adapter leurs messages selon l'endroit où leur population obtient son information.

Nous avons parlé à des représentants de collectivités des Premières nations, et dans ces collectivités, le chef, le conseil de bande et les comités de la santé ont essentiellement dit : « Voilà ce que nous croyons être approprié pour la collectivité. » Dans certaines collectivités où certaines personnes diffusaient un message antivaccination, la collectivité a renvoyé ces personnes parce qu'elles croyaient qu'elles faisaient ce qu'il fallait. Tout cela se joue à l'échelon de la collectivité. C'est de là que vient l'information.

La population autochtone urbaine constitue un défi. Toutefois, on a encouragé les autorités locales en matière de santé à recourir à des cliniques d'immunisation dans les centres d'amitié autochtones. Encore une fois, c'était pratique parce que les gens qui fréquentent ces centres sont des membres des Premières nations. De plus, en ce qui concerne la séquence de vaccination, nous croyons que la majorité des membres des Premières nations dans les centres urbains présenteraient probablement d'autres facteurs de risque, comme des maladies chroniques, et qu'ils seraient donc inclus.

Le président : Notre prochain sujet est la surveillance ainsi que la collecte et l'analyse de données. Le comité a souvent entendu, dans le cadre de ses séances, que la surveillance doit être améliorée et uniforme dans tout le pays. On nous a dit que le Canada a besoin d'un système plus solide pour la collecte et l'analyse des données, la conversion de ces données en politiques et la communication de ces politiques à tous les niveaux, en temps réel. Un tel système exige plus d'expertise, comme du personnel de laboratoire et des spécialistes de l'épidémiologie et de la méthodologie. De plus, certains témoins ont demandé instamment que des systèmes de suivi électroniques soient conçus et mis sur pied dans tout le pays, comme celui, par exemple, qui est déjà utilisé pour les médicaments contre la grippe prescrits et en vente libre.

Voudriez-vous commencer par nous faire part de vos réflexions à ce sujet?

Dr Butler-Jones : À l'égard de cette question en particulier, je serai très bref et je dirai tout simplement oui. Même si ces éléments étaient de beaucoup supérieurs à ce que nous avions auparavant, si nous avions eu quelques années de plus, ils auraient été encore mieux. Les raisons pratiques de cet état de choses, qui ont concrétisé nos projets pour l'avenir et les moyens que nous adopterons pour perfectionner ce projet, sont importantes.

Dr Hatchette : Je me suis montré critique à l'égard des lacunes du système de surveillance. Il a bien sûr fonctionné sur de nombreux plans, et nous avons le système Surveillance de l'influenza, qui est en place depuis longtemps. Nous pourrions dire que la grippe a touché telle ou telle région et nous pourrions déceler des tendances, mais le système n'a pas la capacité nécessaire à l'évaluation des risques en temps réel, et tout tourne autour de cela de nos jours.

Une partie du problème est l'infrastructure, ou plutôt le manque d'infrastructure. C'est mon point de vue, mais je ne suis pas épidémiologiste et je ne travaille pas pour le gouvernement. Toutefois, j'ai été coprésident du groupe de travail de la surveillance, de l'épidémiologie et des analyses en laboratoire.

Il semblait y avoir un manque d'infrastructure pour la surveillance des virus respiratoires, en particulier. Je sais que le réseau de santé publique subit actuellement une restructuration complète. Le Comité de surveillance de l'état de préparation en cas de pandémie avait recommandé la tenue d'un forum de discussion sur l'amélioration de la surveillance des virus respiratoires, et il a eu lieu en août. Il avait recommandé que la surveillance de la santé publique soit dirigée de manière efficace par le réseau de santé publique. Il s'agit d'une recommandation très importante qui ne s'applique pas seulement à la grippe, mais à tout type de maladie, infectieuse ou non. Il faut un groupe de surveillance solide qui peut non seulement définir et surveiller ce qui se passe, mais également effectuer l'évaluation des risques et utiliser son expertise pour réaliser les études spéciales et mettre en œuvre les initiatives qui fourniront les réponses nécessaires à l'établissement de politiques.

Comment utilisons-nous nos antiviraux? Si nous n'en avons qu'une quantité limitée, nous devrons cibler ceux qui sont malades. Et comment sait-on qui est malade? Grâce à la surveillance. Un principe semblable s'applique aux vaccins. Il faut savoir qui est à risque de contracter une maladie grave et avoir des listes de priorités. Cette information est nécessaire.

Je vais également faire la promotion des laboratoires parce que l'épidémiologie n'est pas la seule chose qui compte. La surveillance en laboratoire est également importante. Ce sont les deux aspects essentiels de la surveillance. Souvent, les données de laboratoire sont disponibles en premier parce que, très souvent, les cas symptomatiques sont non spécifiques, et c'est la caractérisation d'un agent pathogène qui soulève des inquiétudes. Il peut également arriver que des grappes de cas inhabituels attirent l'attention et que le laboratoire doive enquêter davantage pour essayer d'identifier l'agent pathogène, comme on l'a fait avec le SRAS.

Si je peux me permettre de faire une recommandation, je dirais qu'il faut une meilleure capacité de surveillance à l'échelle nationale et une intégration efficace du travail en laboratoire et de l'épidémiologie dans un modèle de direction conjointe. Dans le cadre de la restructuration du réseau de santé publique, il faut s'assurer de faire cela parce que les laboratoires et les épidémiologistes doivent se parler afin de mieux se comprendre et de mieux interpréter les données.

Si l'on veut prendre un autre exemple que celui de la grippe, on peut parler des infections transmissibles sexuellement. Les épidémiologistes étudient les taux et constatent que nos taux de chlamydia augmentent d'année en année, mais ce qu'ils ne comprennent pas, c'est que nos tests sont de plus en plus sensibles; nous avons mis au point de meilleures méthodes d'échantillonnage; nous testons plus de gens parce que l'échantillonnage est plus facile. Cette nuance est importante et, sans elle, le travail des épidémiologistes est difficile. Il faut que les deux systèmes soient reliés, non seulement à l'échelon national, mais également à l'échelon provincial.

En Nouvelle-Écosse, j'étais chanceux d'avoir de bonnes relations de travail avec nos épidémiologistes provinciaux. Il y a d'autres bons exemples. Le Centre d'épidémiologie de la Colombie-Britannique en est un. Les travailleurs de laboratoire et les épidémiologistes s'y côtoient, puisqu'ils travaillent dans le même immeuble et entretiennent des relations. Ces relations préexistantes facilitent la capacité d'intervention en cas d'urgence.

Cela n'a pas toujours été le cas dans certaines autres provinces; les laboratoires et les épidémiologistes travaillaient en vase clos, ce qui rendait plus difficile même l'échange de renseignements simples. Sans ces liens et sans cette intégration, nous ne pourrons pas fournir les réponses nécessaires à l'établissement de politiques.

Dre Ricketts : Je suis entièrement d'accord avec le Dr Hatchette. Ce qu'il a dit est tout à fait pertinent en ce qui concerne la surveillance de la santé publique. Je ferai donc un seul commentaire pour attirer votre attention sur le fait que la surveillance ne touche pas seulement la santé publique. Comme le Dr Butler-Jones l'a dit, on se sert de l'information pour déterminer ce qui se passe aux échelons national, provincial et local, mais, dans les faits, les systèmes de surveillance nécessaires à l'échelon des cliniques n'existent pas. L'intégration d'une surveillance clinique pertinente est également une lacune importante.

Il ne sera pas facile de mettre en place toutes ces choses. Les systèmes de surveillance sont extrêmement complexes. Néanmoins, c'est pourquoi l'Association médicale canadienne fait valoir avec autant d'insistance la nécessité des dossiers médicaux électroniques. Par exemple, à l'échelon local, nous connaissons une grande clinique de soins de santé primaires qui avait des dossiers électroniques pour tous ses patients. Le personnel a pu recenser toutes les femmes enceintes suivies dans la clinique et leur téléphoner pour leur dire qu'elles devaient recevoir le vaccin. Si les cabinets de médecins se mettaient à appeler leurs patients pour leur dire qu'ils devaient recevoir un vaccin, les taux de vaccination monteraient en flèche. Comme le Dr Kendall l'a souligné plus tôt, il est plus important de déterminer dans quelle mesure les populations à risque ont été vaccinées que de prêter attention aux taux de vaccination généraux.

Je devrais peut-être mentionner que j'ai passé la plus grande partie de ma carrière à élaborer des systèmes de surveillance, que j'ai conçu et dirigé le Système de surveillance de la déclaration des cas de sida ainsi qu'un système de surveillance de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. C'était vraiment comme chercher une aiguille dans une botte de foin.

La surveillance est vraiment traitée comme le parent pauvre de l'épidémiologie, et souvent, on ne lui prête pas autant attention qu'on le devrait. À tous les niveaux, il faut plus d'investissements dans ce domaine, mais je crois fermement que les meilleurs systèmes de surveillance sont ceux dont l'information qui est recueillie est utile à celui qui la fournit. Encore une fois, concernant la nécessité de s'intéresser aussi aux échelons inférieurs ou à d'autres aspects — ne nous attardons pas à la hiérarchie — touchent l'information pertinente en matière de santé publique, il ne faut surtout pas oublier l'importance de données cliniques pertinentes. Cela est relié à l'intervention, alors on peut voir, à l'échelon local, la réaction à toutes les étapes du passage de la vague épidémique.

C'est à l'échelon local qu'on constate les effets indésirables et tout problème découlant des antiviraux ou de la résistance. Certaines données cliniques recueillies — mais pas toutes — seront toujours pertinentes à un échelon supérieur. C'est très compliqué, mais je voulais attirer votre attention sur ce point.

Le sénateur Seidman : Dans la séance précédente, j'ai probablement déjà fait valoir mon intérêt pour les questions de surveillance et pour l'établissement d'un système électronique qui faciliterait ce type d'activités.

Les témoins que nous avons entendus ont beaucoup parlé du manque d'épidémiologistes. De mon point de vue, ce qui est le plus intéressant lorsque l'on aborde ce problème, c'est qu'il ne manque probablement pas d'épidémiologistes en général, mais que nous cherchons des épidémiologistes des maladies infectieuses, car l'un des plus gros problèmes à cet égard, c'est qu'il n'était plus à la mode d'être épidémiologiste des maladies infectieuses après que nous avons éliminé celles de ces maladies qui étaient les plus graves. Tout le monde s'est tourné vers l'épidémiologie des maladies chroniques. Nous avions le sida, et maintenant il y a d'autres problèmes qui s'en viennent. Nous devons envisager cela dans une perspective plus large. C'est une question qui touche l'éducation.

Le troisième point que je voulais souligner concerne une nouvelle pratique intéressante qui a été entreprise dans les Pays-Bas il y a 10 ans. Les médecins de premier recours ont été regroupés en équipes pour l'utilisation de dossiers électroniques dans leur pratique. Cela se fait à l'échelle nationale pour que l'on puisse consulter les pratiques privées en cas de problèmes de santé graves. Il s'agit en quelque sorte d'un outil de recherche ou de surveillance clé en main. Je ne sais pas si vous êtes au courant de cette initiative, mais c'est vraiment assez impressionnant.

Le président : Permettez-moi de répéter que j'aimerais, en plus de répondre aux commentaires ou aux questions que vous avez entendus, que vous nous parliez des mesures prises pour améliorer la capacité de surveillance du Canada en prévision de la prochaine pandémie. Encore une fois, je voudrais soulever la question des effets indésirables. Comment les effets indésirables déclarés à l'égard du vaccin contre le H1N1 se comparent-ils aux effets indésirables habituellement déclarés relativement au vaccin contre la grippe saisonnière?

Dr Butler-Jones : Mis à part l'endolorissement du bras, les effets indésirables sont très comparables à ceux des vaccins contre la grippe saisonnière. L'une des composantes intéressantes de la recherche qui s'est faite durant la pandémie concernait la préoccupation soulevée relativement à 1976. Certaines personnes y ont fait allusion. En 1976, les États-Unis ont mis sur pied une campagne d'immunisation contre une grippe porcine qui n'est jamais venue. Le taux du syndrome de Guillain-Barré, qui était supérieur à celui dans la population générale, mais inférieur à celui que l'on constate durant une épidémie de grippe, a créé des problèmes au chapitre de l'immunisation. Cette étude a donc mené à deux conclusions majeures. L'une est qu'il faut prendre des décisions distinctes relatives à la production d'un vaccin et à la distribution de ce dernier; autrement dit, il faut s'assurer d'avoir quelque chose à combattre. La deuxième, c'est qu'il ne faut pas accepter aveuglément tous les conseils techniques : à ce moment-là, essentiellement, ceux qui travaillaient dans le domaine de la grippe étaient préoccupés par la prochaine pandémie et ils ont dit qu'il fallait immuniser tout le monde pour éviter une crise semblable à celle de 1918, au lieu d'adopter une approche de la santé publique plus tempérée qui tient compte de tous les risques et qui permet un équilibre.

Je crois que nous avons appris des choses de cette situation et que nous avons compris toute l'importance de cerner les risques, et cetera. Panorama est à la fois un système de surveillance et un outil de gestion des cas. Il nous aidera à l'avenir, aussi bien dans les pratiques de santé publique que pour l'obtention plus rapide de renseignements. Il est relié au réseau des laboratoires, aux laboratoires de santé publique, mais, encore une fois, nous devons nous assurer que les laboratoires des hôpitaux et d'autres laboratoires sont reliés à ce système afin que les autorités en matière de santé publique soient au courant de ce qui se passe. Comme je l'ai dit tout à l'heure, quand la ministre était ici, il semble maintenant que nous ayons constaté seulement une fraction des cas de H1N1 au moyen de la surveillance globale des hospitalisations, parce que les hôpitaux effectuaient un test et déclaraient qu'il s'agissait de l'influenza. Nous savons maintenant que tous les cas recensés à cette époque étaient des cas de H1N1. Cela n'était peut-être même pas déclaré. Nous avons besoin de meilleurs liens avec ces systèmes.

Par ailleurs, nous utilisons effectivement des médecins sentinelles, comme ceux que vous avez décrits, et des hôpitaux sentinelles, alors, encore une fois, nous pouvons obtenir de l'information et des données pharmacologiques plus détaillées sur ce qui est demandé aux pharmaciens afin que nous puissions déterminer s'il s'agit de médicaments contre la diarrhée ou d'autre chose.

Je voudrais faire une distinction entre la surveillance et la recherche parce qu'il y a parfois de la confusion à cet égard. La surveillance nous donnera des signaux indiquant des problèmes; elle nous donnera des indices sur les questions à poser, mais elle ne nous permettra pas nécessairement de confirmer une relation entre deux phénomènes. Par exemple, si la surveillance révèle que les femmes enceintes sont plus à risque que les autres femmes, nous devrons comprendre pourquoi. Nous leur dirions quand même, en cas de crise, de s'inscrire sur la liste de vaccination, mais il faudrait étudier la question, ce qui exige des recherches ciblées. C'est dans ces cas que l'on tire profit des réseaux de recherche établis à l'avance. Les chercheurs de tout le pays peuvent ainsi entreprendre de répondre à des questions très pratiques. Par exemple, les masques N95 sont-ils plus efficaces que les masques réguliers pour protéger les infirmières et les autres travailleurs de la santé? Il s'avère que, dans la plupart des milieux, il n'y a aucune différence. Il est important et pratique de faire ces recherches.

Il y a une longue liste de questions qui exigent des recherches, mais la surveillance pour le dépistage précoce, la détermination des tendances, la reconnaissance de phénomènes bizarres, et cetera, sont absolument essentiels. Nous souscrivons entièrement aux commentaires formulés et reconnaissons les moyens que nous devons adopter pour aller de l'avant.

Pour renforcer l'argument de la Dre Ricketts selon lequel on pourra recueillir des données de surveillance ou de recherche de qualité si cette information est pertinente pour la personne qui les fournit, nous devons trouver des moyens de combler ces lacunes pour que les cliniciens, les infirmières et les autres travailleurs de la santé voient qu'en contribuant cette information au nom de leurs patients, ils sont capables de mieux les aider. Il s'agit d'un élément essentiel du processus, et nous n'avons pas toujours réussi à mettre cela en place. Nous pouvons et devons faire mieux.

Dr Gully : Au sujet du point du Dr Butler-Jones concernant les événements de 1976, il y a un rapport fascinant de l'Institute of Medicine — intitulé The Swine Flu Affair — où l'on analyse la manière dont le gouvernement prend des décisions concernant des problèmes comme celui-là.

En ce qui concerne la surveillance, puis les recherches cliniques, l'information qui est ressortie du Manitoba concernant les Premières nations, qui a été recueillie et analysée rapidement grâce à une collaboration très étroite entre le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial, les cliniciens et le laboratoire au Manitoba, a permis de faire connaître la situation de la province en lien avec les Premières nations et de communiquer des leçons utiles à d'autres collectivités d'un bout à l'autre du pays. On a ensuite pris conscience des événements malheureux survenus dans le Nord du Manitoba. L'analyse rapide, en particulier concernant l'utilité du traitement antiviral, a été rendue disponible relativement rapidement. Je crois qu'il s'agit de quelque chose de positif.

L'autre point que je voulais soulever au sujet de la recherche, c'est que nous nous demandons pourquoi certaines collectivités ont des taux plus élevés d'immunisation que d'autres. Ce n'est pas une question de surveillance, mais, si nous parlons des Premières nations, d'autres collectivités autochtones et peut-être d'autres collectivités, nous devons les faire participer aux recherches. Il n'est pas question de recherche ici. Ce type de recherches que je décrirais comme étant axées sur la participation et qui permettraient de poser ces questions assez rapidement exigeraient la participation des membres de la collectivité et une planification préalable.

Mme Ballantyne : Pour ajouter à ce qu'on a déjà dit au sujet de la surveillance des effets indésirables, je dirais qu'en plus des mécanismes de surveillance intenses au Canada, sous la direction du Dr Butler-Jones et de l'ASPC, il y avait une surveillance à l'échelle mondiale. Par exemple, après l'autorisation du vaccin, nous avons poursuivi nos conversations téléphoniques hebdomadaires avec nos partenaires en matière de réglementation pour leur demander s'ils avaient constaté des effets indésirables dans leur pays respectif. Même cette information était communiquée en temps réel. C'est cette collaboration internationale sans précédent dont Mme Yeates a parlé.

GlaxoSmithKline Inc., GSK, le fabricant, est tenu de nous envoyer des données. S'il remarque des effets indésirables, il envoie l'information à l'ASPC et à Santé Canada, qui agissent en tant qu'organismes de réglementation. Il y avait donc une surveillance soutenue à l'échelle internationale, et elle se poursuit aujourd'hui.

Dr Kendall : La seule chose que le Dr Butler-Jones n'a pas mentionnée au sujet de l'amélioration de notre capacité, c'est le travail que l'ASPC a fait pour mobiliser les organismes existants, comme le Centre d'épidémiologie de la Colombie-Britannique, l'Institut national de santé publique du Québec et l'Agence ontarienne de protection et de promotion de la santé, afin d'officialiser certains de ces liens futurs qui peuvent être mis en place de manière à ce qu'il y ait un mécanisme pour mobiliser ces organismes lorsque nous ne serons plus là, lui et moi.

Dre Ricketts : J'ai un commentaire au sujet du système de surveillance des effets indésirables, que je connais un peu, mais pas beaucoup. Il s'agit d'un système de surveillance passif, c'est-à-dire qu'une personne peut déclarer une chose qui s'est passée si elle le souhaite. C'est probablement l'une des raisons pour laquelle nous ne sommes pas certains du nombre exact de cas d'effets indésirables et de la nature de ces effets. On suppose évidemment que les effets les plus graves seront déclarés, mais peut-être pas ceux qui sont moins graves.

Ce serait bien de pouvoir passer à une surveillance active. Encore une fois, s'il y avait des dossiers médicaux électroniques que l'on pourrait interroger pour obtenir cette information, on pourrait envoyer des messages aux bases de données électroniques en vue de recueillir toute information sur des effets indésirables.

Ce n'est pas simple. Il y a toutes sortes de règlements reliés à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, ainsi qu'à l'informatique. Le Dr Plummer est au courant de tout cela. Je voulais toutefois m'assurer que nous comprenons la différence entre les systèmes de surveillance « active » et « passive ». Nous aimerions voir une plus grande promotion des systèmes de surveillance active et des systèmes d'échange d'information — que Mme Kiraly a aussi mentionnés —, c'est-à-dire ces systèmes qui permettraient aux organismes de réglementation non seulement de transmettre des communications, mais également d'en recevoir. C'est très bien d'avoir ces conversations — et je suis chanceuse d'avoir pu participer, avec Santé Canada, à la communication de renseignements —, mais cette information doit se rendre jusqu'à nos cliniciens afin qu'ils sachent qu'il ne s'agit pas vraiment d'un problème.

Dr Butler-Jones : Au sujet de la surveillance active par rapport à la surveillance passive, tout cela est beaucoup plus efficace lorsque l'on a l'attention des gens. Par exemple, dans une situation où un grand nombre de personnes se font immuniser et où cela est dans les médias, il est beaucoup plus facile d'obtenir un signal parce que les gens sont beaucoup plus attentifs.

L'autre point concerne les liens avec la recherche. Qu'on assure une surveillance active ou passive, on recevra des signaux. Ces derniers ne nous fourniront pas de confirmation. Durant la pandémie, nous avons fait des recherches actives en suivant des personnes qui avaient été immunisées, par exemple, au sein des Premières nations. Autrement dit, nous voulions savoir si, compte tenu de leur profil de risque et de leurs variables génétiques, ils seraient plus susceptibles de subir des effets indésirables ou de développer une immunité. Il y a eu des recherches actives durant la pandémie. Un grand nombre de personnes ont participé à cette étude volontairement. Les signaux que nous recevions d'ailleurs sont venus compléter cela. Cette combinaison est importante. Une seule stratégie ne nous fournira pas toute l'information dont nous avons besoin.

Le président : Je passerai à la prochaine question, à savoir la capacité.

On a souvent affirmé au comité que la pandémie de H1N1 avait mis les ressources du Canada à rude épreuve. Je crois que vous avez été l'un des premiers à nous le dire, docteur Butler-Jones. De nombreux témoins ont demandé une meilleure capacité d'appoint. Certains ont fait valoir que le champ d'activités de certains professionnels de la santé devrait être élargi à cet égard. D'autres ont indiqué que la création de liens entre le système de soins de santé, à commencer par les soins actifs et le système de santé publique, serait bénéfique. Un témoin en particulier a indiqué que ce serait de cinq à dix fois pire. Ce serait tout un défi à surmonter.

Peut-être pourrions-nous parler de ces problèmes de capacité maintenant. Souhaitez-vous commencer, docteur Butler-Jones?

Dr Butler-Jones : D'accord. Premièrement — et la ministre a fait allusion à cela —, la situation aurait été beaucoup plus grave si nous n'avions pas déjà mis beaucoup de choses en place. Si les gens n'avaient pas rapidement appris la leçon sur le recours au traitement antiviral à tout moment et la mise en place précoce d'antiviraux dans les collectivités — à la lumière de l'expérience de St. Theresa Point, où il a fallu procéder à 18 ou 20 évacuations sanitaires en peu de temps —, on aurait répété l'erreur dans un grand nombre de collectivités du pays. L'application des leçons apprises a adouci l'épreuve.

Cela dit, le plus grand avantage a été le fait que la première vague a eu lieu au printemps, ce qui nous a donné l'été pour nous préparer. Les hôpitaux ont pu peaufiner leurs plans et déterminer combien de places étaient disponibles. Nous avons pu acheter des respirateurs supplémentaires, et cetera, pour veiller à ce que, en moment de crise, nous soyons mieux positionnés pour constituer des réserves de médicaments additionnelles. Encore une fois, en raison de la manière dont nous devions aider ces gens à respirer, en un mois, Winnipeg avait utilisé, dans ses unités de soins intensifs, une quantité de médicaments qu'elle aurait normalement utilisée en un an. Ces genres de choses ont pu être mis en place.

La planification en vue des périodes d'intensification est importante. Par contre, on ne peut pas une foule de gens qui se tournent les pouces en attendant. Dans l'ensemble du système, nous avons étudié les moyens de mieux mobiliser nos ressources. Par exemple, la Colombie-Britannique a donné à ses pharmaciens le pouvoir de distribuer des antiviraux. Nous devons réfléchir à ces questions en prévision d'une autre crise et imaginer comment nous pouvons mieux mobiliser les gens qui sont à la retraite et qui ont de l'expertise utile. Par exemple, dans le domaine de la santé publique, il y a beaucoup de gens qui ont des connaissances de base sur l'épidémiologie et la santé publique. Plus on a de gens qui connaissent la base, mieux ils seront placés pour contribuer directement ou, à tout le moins, être au fait de ce qui doit se passer. Je crois que nous pouvons en faire beaucoup plus pour utiliser nos professionnels de manière plus large.

Un autre défi réside dans la gêne ressentie. Même si on a dit à de nombreuses administrations qu'elles pouvaient embaucher des retraités possédant la formation requise, elles ne se sont pas senties à l'aise de le faire. Nous devons réfléchir à cela. Pourquoi ne l'ont-elles pas fait? Y a-t-il des endroits où cela s'est fait? Nous devons nous assurer que tout est en place pour que cela se fasse.

On a soulevé un point au sujet des liens à l'échelon local. L'un des aspects positifs de la planification de la lutte contre la pandémie est qu'elle a permis la création de nouvelles relations et que les gens ont commencé à voir qu'ils pouvaient travailler ensemble à d'autres projets. Les médecins en chef locaux, les chefs de police, les chefs des services d'incendie et les administrateurs des hôpitaux ne devraient pas se rencontrer pour la première fois au milieu d'une pandémie ou d'une autre situation d'urgence.

J'ai été médecin en chef au nord de Toronto, dans le comté de Simcoe. Dans les années 1980, j'ai mis sur pied des comités de prévention des infections dans tous les hôpitaux, dans toutes les maisons de repos et dans tous les foyers pour personnes âgées. Tous ces comités comprenaient des représentants des autorités en matière de santé publique. Chaque établissement avait ses protocoles, et, si on constatait deux cas de diarrhée auxquels on ne s'attendait pas, ou autre chose, on savait quoi faire. Il y avait des liens étroits entre les représentants des autorités en matière de santé publique et les établissements. Si l'on compare cela à ce qui s'est passé une décennie plus tard au moment de l'éclosion de SRAS à Toronto, on constate qu'il n'y avait pas de lien entre les hôpitaux et les autorités en matière de santé publique. Là où cette lacune existe, nous devons rapprocher ces deux composantes afin de mieux pouvoir intervenir en tant que système, non seulement en tant qu'hôpitaux et en tant qu'organismes de santé publique ou de soins primaires.

Je limiterai mes commentaires à ceux-là pour le moment. J'aurai l'occasion d'en faire d'autres plus tard.

Mme Yeates : La seule chose que j'ajouterais, c'est la conclusion à laquelle nous en sommes venus au sein du groupe de sous-ministres FPT. Je crois que d'autres témoins vous ont parlé de la fréquence de nos discussions et de nos rencontres. Nous sommes passés à une structure de commandement pour coordonner la préparation et l'approbation de tous ces documents d'orientation et autres mécanismes qui se mettaient en place à un rythme effréné. Ce processus était déjà bien entamé lorsque nous en sommes venus à la conclusion que nous avions besoin d'un organisme qui examinerait les services de santé et la logistique. Nous savions que nous devions avoir un moyen de coordonner le déplacement de la capacité d'unités de soins intensifs ou d'appareils respiratoires, par exemple. Au bout du compte, nous n'avons pas été obligés de le faire, mais nous avons créé cette capacité.

L'une des leçons apprises à l'échelle FPT, c'est que nous avons besoin de ce mécanisme d'échange, de la possibilité d'échanger des renseignements sur la capacité de services de santé, dès le début. Cela est essentiel.

Dre Ricketts : J'appuie tout à fait les commentaires du Dr Butler-Jones et de Mme Yeates. Les questions dont ils ont parlé sont très importantes. Il est toujours difficile de traiter des services de santé en raison de la division des rôles fédéraux et provinciaux dans notre système de santé. Néanmoins, il faut le faire. Nous ne devons pas oublier que nous essayons de protéger la population canadienne d'un problème, même si cela perturbe les processus bureaucratiques et que nous n'y sommes pas habitués au début. Il est important d'établir ces processus à l'avance. Comme le Dr Butler-Jones l'a dit, selon sa vaste expérience, une fois que ces processus sont en place, on ne fait rien de différent; on fait tout simplement les choses plus rapidement.

L'une des questions qui a été soulevée concerne particulièrement les cliniciens. Je me rends compte maintenant que je suis la seule personne ici qui représente les cliniciens et les médecins. Je vais donc parler un peu des pharmacies. Je n'ose pas parler des infirmières parce que je n'ai pas travaillé avec elles de la manière dont j'ai travaillé avec les pharmaciens.

On a parlé très peu de la rémunération des propriétaires de petites entreprises qui contribuent au processus de lutte contre la pandémie. Il en est ressorti une sorte de conflit, plutôt qu'un partenariat, ce qui est malheureux. Les médecins de famille qui ont de petites pratiques sont de petites entreprises. Ils doivent payer de l'assurance pour leurs installations ainsi qu'une assurance personnelle. Ils doivent payer leur secrétaire et toute autre personne qui travaille dans leur cabinet, leur loyer, et cetera. S'ils s'absentent de leur cabinet, cela leur coûte de l'argent. Je ne pense pas qu'on demanderait à Shoppers Drug Mart de nous prêter leurs pharmaciens gratuitement, même si la compagnie a certainement les moyens de le faire. Toutefois, les petites pratiques de médecine familiale n'ont pas ces moyens.

Malheureusement, il y a eu un conflit évident. J'aimerais rappeler à tout le monde la manière dont le Dr Turnbull a abordé une question reliée à ce problème. Il a dit que les médecins ont à cœur de faire ce travail et que l'on devrait se préoccuper non pas de la facturation dans des moments comme ceux-là, mais plutôt de la manière la plus pertinente de fournir ces services. Il est merveilleux qu'au moins une partie de ce travail ait été fait dans de nombreuses provinces. Je me réjouis de pouvoir le mentionner encore une fois.

J'ai une seule suggestion à cet égard. Il m'est venu à l'idée que ces exercices sur la capacité se font pour des situations comme des accidents d'avion. Les gens s'habillent et font une simulation. Tout cela se fait en temps réel, et c'est très physique. J'ai eu l'occasion de participer à des exercices sur table. Je recommande que ces exercices de mise à l'essai de la capacité soient effectués à l'échelon des cliniciens.

Par ailleurs, si l'on décide d'embaucher des travailleurs de la santé à la retraite, la formation exigée pour faire ce travail est considérable. Je vous prie de ne pas sous-estimer l'importance de permettre à ces gens d'apprendre ce que sera leur nouvel emploi, surtout s'ils n'ont pas été actifs depuis un certain temps, même s'il s'agit seulement d'un pharmacien qui distribuera un vaccin.

Je suis allé aux États-Unis récemment. J'étais à l'aéroport, et il y avait une infirmière à un kiosque, juste à côté de la dame qui vendait des cartes Visa. Il y avait une affiche qui disait : « Vaccins, 35 $ ». Peut-être qu'il ne faut pas trop compliquer les choses, mais je suis heureux de ne pas vivre aux États-Unis, où ce genre de choses se passent. C'est tout pour mes commentaires.

Mme Kiraly : Lorsque nous parlons de la capacité et de la planification, nos intervenants ont dit que le fait d'avoir un plan fédéral de lutte contre l'influenza était merveilleux. Ils auraient toutefois aimé avoir un peu plus d'aide pour l'établissement de leur propre plan d'urgence, pour la formation et la planification, particulièrement dans les hôpitaux. Ils cherchaient des approches normalisées. Cinq hôpitaux dans la même région avaient tous le même cadre de base, mais chacun a adopté une approche différente.

Maintenant que la pandémie est passée, nous parlons de l'avenir et des moyens de capter l'attention des gens. Nous devons nous assurer que les établissements de soins de santé — qui sont tous tenus d'avoir, dans le cadre de leur agrément, un plan de mesures d'urgence qui comprend une section sur la planification en cas de pandémie — ont une approche cohérente afin qu'ils puissent apprendre et absorber l'information, y réfléchir, mettre à jour leur plan, examiner la formation et la capacité et mettre en place un nouveau plan. Certains le feront.

Il est important de tirer profit de toutes les connaissances de l'ASPC, de Santé Canada et des provinces pour être capable d'aider. À l'ACN, nous avons parlé avec le Conseil des gestionnaires des mesures d'urgence de la santé, et il appuyait l'idée d'améliorer la planification relative aux pandémies dans le cadre des plans d'urgence et d'intégrer cela dans l'agrément des hôpitaux. Encore une fois, nous préconisons une approche normalisée qui incorpore les leçons apprises dans les plans d'urgence existants et qui permet de faire face à l'avenir.

Dr Butler-Jones : Malgré les côtés sombres du SRAS, à quelque chose malheur est bon. Le Canada a reconnu que nous négligions la santé publique depuis un longtemps, qu'il y avait de graves problèmes de capacité et qu'on devait travailler autrement. Que ce soit grâce à l'établissement des diverses agences, aux ressources qui ont été investies, à la planification en cas de pandémie ou au Réseau pancanadien de santé publique, le Canada s'est mieux positionné pour lutter contre les pandémies en tirant des leçons du SRAS et en les appliquant.

Durant la crise de la grippe aviaire, les gens me demandaient si nous étions prêts. Chaque mois, nous étions plus près que le mois précédent, et nous sommes plus prêts aujourd'hui que nous l'étions il y a un an et demi. Nous devons continuer de renforcer nos capacités et de déterminer celles dont nous avons besoin pour faire ce travail.

Il est gratifiant de voir les progrès qui ont été accomplis à l'échelon ministériel, grâce aux sous-ministres de partout dans le pays. La santé publique a pris une place importante dans l'ordre du jour de la dernière rencontre des ministres et des rencontres des sous-ministres FPT. Les ministres de tout le pays ont signé une déclaration sur la prévention et ont avalisé un cadre de travail pour combattre l'obésité infantile. Il y a cinq ans, nous n'aurions pas imaginé une telle mobilisation de tous les gouvernements. C'est de bon augure pour l'avenir, mais il ne faut pas perdre de vue les capacités appropriées qui nous permettront de parvenir à nos fins.

Je voudrais revenir sur le commentaire du sénateur Seidman concernant l'épidémiologie des maladies infectieuses et l'épidémiologie en général. Il y a clairement une pénurie de bons épidémiologistes, mais ce n'est pas une simple question d'épidémiologistes : nous manquons de personnes qui ont l'expérience de ce type d'événements et d'éclosions. Nous essayons — non seulement au sein de l'agence — mais plus largement, de trouver des moyens de permettre à ces gens d'acquérir de l'expérience. Comme le Dr Kendall l'a dit, maintenant qu'il y a trois agences provinciales de santé publique, en plus de nous-mêmes, nous devons travailler collectivement et prendre appui sur cette capacité.

Vous le savez peut-être, mais nous avons une formation sur le terrain en épidémiologie et un certain nombre d'autres outils en place, mais cela ne constitue qu'une fraction de ce dont nous avons besoin. Nous pourrions améliorer le système pour que plus de personnes puissent faire des stages et acquérir de l'expérience, et, lorsque nous envoyons des équipes canadiennes à l'étranger, peut-être pourrions-nous envoyer d'autres personnes avec elles afin qu'elles puissent mettre cette expérience à profit dans leur milieu local. Nous examinons un certain nombre de possibilités, et il est crucial d'avoir des gens en réserve, ainsi que de la souplesse.

L'un de vos témoins a parlé des compétences uniques des personnes qui travaillent dans le domaine de l'influenza, en particulier, mais il nous faut également de bonnes compétences générales. Durant la pandémie, des épidémiologistes des maladies chroniques et d'autres intervenants ont travaillé à nos côtés. Ils n'ont peut-être pas cette expertise particulière, mais ils savent comment analyser et comprendre les données et comment les expliquer de manière logique et rationnelle.

Encore une fois, il sera important de trouver des moyens d'aider les gens à participer à ce processus, à l'avenir.

Mme Yeates : On a parlé du protocole d'entente sur l'aide mutuelle. J'étais sous-ministre provinciale de la Santé de la Saskatchewan durant la crise du SRAS. Comme les cas étaient concentrés en Ontario, je me souviens des appels que nous recevions à l'époque. Il n'existait même pas un simple mécanisme permettant d'envoyer des effectifs du secteur en renfort. Nous aurions pu envoyer des épidémiologistes et d'autres professionnels, mais, comme vous le savez, les accords d'octroi de licences visant les professionnels de la santé sont complexes.

La capacité d'avoir un accord liant non seulement les provinces et les territoires, mais aussi les organismes de réglementation professionnelle de chaque administration est importante. Encore une fois, nous n'avions pas eu à recourir à de telles ententes lors de cette pandémie, mais, compte tenu des commentaires des gens, les pandémies tendent à frapper différentes régions à différents moments. Des leçons peuvent être tirées des différentes expériences. Il est essentiel que nous nous assurions d'avoir à l'avance les cadres nécessaires au mieux de nos capacités — non seulement entre les ordres du gouvernement, mais aussi entre les organismes professionnels — pour déplacer les gens qui sont disposés à aider en cas d'urgence.

Le président : Permettez-moi de passer à la question de collaboration et de consultation. Des témoins ont félicité l'Agence pour sa collaboration et sa coopération avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et d'autres administrations dans le monde, comme le Mexique.

Toutefois, à des fins d'amélioration, on a dit au comité qu'il devrait y avoir une intégration accrue des ressources disponibles dans les agences de santé publique de l'Ontario, du Québec et de la Colombie-Britannique. Le comité a également été informé du fait qu'il devrait y avoir une meilleure sensibilisation à la mesure dans laquelle les décisions stratégiques prises à l'échelon fédéral présentent des difficultés logistiques pour le personnel de première ligne.

Concernant la collaboration et la consultation, avez-vous des remarques à faire?

Dr Butler-Jones : Deux ou trois remarques, et je reviendrai un peu sur certains commentaires antérieurs.

Ayant été exposé à ces problèmes depuis un bon bout de temps, je suis d'avis que le niveau de collaboration et de coopération était sans précédent. Je n'ai jamais rien vu de tel : les gens étaient prêts à se mobiliser et à laisser tomber leurs barrières habituelles pour faciliter la réalisation d'un objectif commun. Cette partie était gratifiante.

Avant cela, nous avions plusieurs choses en place. Nous avions, par exemple, créé un groupe de travail sur le secteur privé. Le comité de sous-ministres fédéraux que je coprésidais comptait plusieurs groupes de travail, y compris ceux portant sur le secteur privé, les infrastructures majeures et des groupes industriels des quatre coins du pays.

L'une des choses qu'on retient de tout cela était que, malgré les groupes en place, que ce soit la Fédération canadienne des municipalités ou autre chose, il faut aller encore plus loin et, plus particulièrement, mobiliser directement la fédération, du moins à l'échelon fédéral, pour certaines choses. Lorsque vous avez, par exemple, 30 groupes industriels, vous pouvez intervenir à ce niveau. Toutefois, lorsque d'autres questions entrent en jeu, vous devez vous entretenir avec, par exemple, l'association des camionneurs qui s'occupent du transport des biens, de même qu'avec les municipalités en ce qui a trait aux services d'urgence en général, et cetera. Nous réalisons actuellement des progrès à l'égard de la façon dont nous élaborons les meilleures relations possibles et continuons à préciser les plans pour l'avenir.

Cela revient à ce que le Dr Kendall disait sur les associations provinciales, mais cela ne s'applique pas qu'aux organismes provinciaux existants. Il y a aussi cette capacité en Nouvelle-Écosse, le groupe du Dr Hatchette et d'autres et la collaboration avec les universitaires.

Encore une fois, cela n'a jamais aussi bien fonctionné, mais nous estimons pouvoir continuer à l'améliorer. Je vais m'en tenir à cela pour l'instant.

Le président : Est-ce que quelqu'un a des commentaires sur la collaboration et la consultation?

Dr Gully : Je viens de me rappeler que, lorsque je travaillais à l'OMS et à l'ONU, je participais régulièrement à des appels auxquels participaient des organismes de réglementation financière des quatre coins du monde, y compris le Canada. Il y a d'autres réseaux et groupes qui s'intéressent aux activités liées à la pandémie, à la préparation et à l'intervention avec lesquels nous n'entretenons peut-être pas normalement des relations, mais ils existent. Comme je l'ai dit, le secteur financier en est un exemple.

Dr Butler-Jones : Avant cela, nous travaillions en partenariat avec la Banque du Canada et d'autres organismes.

Dr Hatchette : Je veux faire un commentaire, et celui-ci portera sur l'expérience que j'ai eue avec les épidémiologistes. Je crois que les collaborations sont essentielles, et un grand nombre de personnes au pays possèdent une expertise particulière qui ne peut qu'améliorer notre travail.

Toutefois, vous ne pouvez pas vous appuyer uniquement sur la collaboration, car ces personnes sont déjà soumises à des obligations équivalant à ce que leur demanderaient leurs partenaires fédéraux. Nous l'avons constaté dans notre groupe.

Nous avons invité des représentants provinciaux qui ont une expérience et un intérêt particuliers au chapitre de l'influenza, ainsi que des épidémiologistes chevronnés, à prendre part au groupe, mais la participation était très limitée parce qu'ils étaient dépassés par les activités qu'ils devaient accomplir dans leur province. Les participants n'avaient simplement pas le temps de s'engager à l'échelon fédéral.

Même si les collaborations sont importantes, il y a beaucoup plus que ça; vous devez renforcer les ressources et la capacité des centres locaux pour que la collaboration ait lieu.

Dre Ricketts : Je voudrais apporter des commentaires sur les professionnels de la santé qui travaillent actuellement sur le terrain parce que je sais que nous avons entendu parler d'autres organismes professionnels. Je vais répéter quelque chose que j'ai déjà mentionné sur les quelque 75 000 médecins oeuvrant dans la pratique clinique active qui tentaient de faire leur travail durant cette période. Je ne suis pas certaine du nombre, mais je crois que c'est aux alentours de 50 000 médecins de famille — le nombre pourrait être moins élevé. J'aimerais mettre l'accent sur leur rôle particulièrement important. Je remercie le Dr Butler-Jones d'avoir appelé, il n'y a pas très longtemps, ce qui nous a permis d'avoir une conversation à ce sujet.

Ayant travaillé à l'échelon fédéral et à l'OMS durant longtemps, j'estime que nous devons garder à l'esprit que le travail n'est pas terminé seulement parce que le processus FPT fonctionne. C'est très contraignant au Canada — vu les relations FPT et la façon dont les cliniciens participent —, mais il est essentiel que nous concevions des systèmes. Le Dr Hatchette a parlé de la conception de systèmes qui peuvent être mis en place.

J'ai déjà mentionné à quel point une collaboration avec, par exemple, la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada — SOGC — peut se révéler fructueuse. Nous avons peut-être besoin, à l'avance, d'établir un système permettant, d'une part, de rallier les organismes professionnels pertinents, pour veiller à ce qu'ils soient en mesure de mobiliser leurs gens, et, d'autre part, de leur offrir le modeste financement nécessaire. La plupart du temps, ces médecins participent bénévolement à ces groupes, mais ce serait bien si les coûts liés aux déplacements et à la location de salles de conférence soient couverts — on pourrait peut-être offrir aussi des services de secrétariat. Certains organismes médicaux professionnels sont très prospères, et d'autres ne le sont pas. Il y en a qui auraient besoin d'un soutien au chapitre de la recherche. Le fait d'établir cela à l'avance serait très utile.

Pour revenir à un commentaire formulé plus tôt, les cliniciens canadiens, en particulier les médecins, cherchent une solution nationale lorsqu'il est question d'enjeux cliniques. À mon avis, il importe de mettre l'accent sur le fait que cela suppose non pas simplement de faciliter le soutien qu'offrent les organismes professionnels, mais aussi de contourner certains des processus FPT. On doit se pencher sur cela. Cela signifie non pas d'exclure les processus FPT, mais plutôt de les contourner afin de ne pas se retrouver avec des lignes directrices qui seront présentées en septembre et en octobre, alors que les gens pensent à autre chose.

Les médecins sont tout à fait capables de travailler directement avec des experts de la santé publique, et le Canada compte une grande expertise à ce chapitre. Toutefois, l'obtention de renseignements nécessaires dans un climat de confiance et de respect, pour que les médecins puissent concevoir les lignes directrices, marquerait une étape très importante et donnerait lieu à des résultats très précieux qui pourraient avoir des répercussions dans d'autres secteurs.

J'espère que l'Agence et les organismes de santé publique des provinces et des territoires obtiendront les fonds d'infrastructure nécessaires pour accomplir ce genre d'activités.

Le sénateur Cordy : La Dre Ricketts a certainement beaucoup parlé des organismes professionnels; j'aimerais donc discuter de la consultation avec le secteur privé parce que je crois que les organismes de grande taille en particulier peuvent se montrer très efficaces en ce qui concerne les communications avec leur personnel.

Un événement malheureux survenu dans le secteur privé — cela se rattache en quelque sorte à la question des groupes prioritaires et à la communication — était la frustration ressentie par les gens lorsqu'ils voyaient que des équipes sportives professionnelles — ou même l'équipe de la Ligue de hockey junior majeur du Québec à Halifax — étaient vaccinées bien avant de nombreux groupes prioritaires de la province. Les gens se demandaient pourquoi cela arrivait. Je crois qu'on pourrait assimiler ces gens au secteur privé.

Comment peut-on composer avec cela? Les gens étaient mécontents, mais il est extrêmement important de poursuivre la collaboration avec le secteur privé, surtout au chapitre de la transmission de messages, et il s'agit d'une façon très efficace de tenir les gens au courant de ce qui se passe.

Le président : Je veux répéter une question posée à la ministre plus tôt. La Fédération canadienne des municipalités et la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants ont indiqué que nous devrions avoir un plan national de lutte contre la pandémie d'influenza, et elles parlaient non pas d'un plan visant seulement le système de soins de santé, mais plutôt d'un plan qui englobe les premiers intervenants et toutes les autres entités. Doit-on accorder du mérite à cette suggestion?

Dr Butler-Jones : Je me souviens à l'époque où je travaillais à la planification locale en cas de pandémie; une chose que j'ai retenue et qui s'applique toujours aujourd'hui, c'est que la planification en cas de pandémie fait partie de la planification de mesures d'urgence. Il ne s'agit pas que des pandémies. C'est un peu différent des mesures à prendre lorsqu'il y a un séisme ou un tsunami parce que la pandémie est continue; elle ne disparaît pas. Elle dure des semaines et des mois et pourrait revenir.

Elle doit s'inscrire dans la planification municipale, provinciale et territoriale et dans la planification nationale des mesures d'urgence; un volet axé sur la pandémie doit y être intégré parce qu'elle est liée aux antiviraux, aux établissements de soins de santé, et cetera, et ne peut être effectuée de façon isolée.

J'appuie l'idée de veiller à ce que cela s'inscrive dans la planification continue. À ce chapitre, avant la pandémie, la création d'un groupe de travail du secteur privé — où étaient représentées la Chambre de commerce du Canada et d'autres organisations — et la recherche d'outils nous a amenés à financer le Centre international pour les maladies infectieuses — le CIMI — pour qu'il élabore des outils destinés aux petites entreprises, et cetera. Nous avons constaté que les grandes entreprises — Canadian Tire, les banques —, dans le sillage du 11 septembre, avaient d'excellents plans de mesures d'urgence en place, mais ce n'était pas le cas des petites entreprises, des petites exploitations familiales. Maintenant que ces outils sont élaborés, les choses seront plus faciles la prochaine fois.

De plus, j'étais surpris par la vitesse à laquelle certaines mesures ont été adoptées, comme les distributeurs de désinfectant pour les mains et les renseignements sur le lavage des mains et l'application qui figuraient dans les toilettes. Même pour les groupes ayant des plans en place, nous nous sommes aperçus qu'un grand nombre de plans étaient précis au point que les gens disaient : « Nous ne faisons rien, mais, lorsque le niveau de pandémie atteint le niveau six, il faut soudainement faire ça, ça et ça ». On a fait remarquer que ces plans devaient être beaucoup plus souples, et nous avons été en mesure, par l'intermédiaire des syndicats et d'autres organisations, de fournir des conseils sur la façon d'interpréter les plans. Toutefois, au fur et à mesure que la planification avance, je crois que tout le monde devra intégrer une plus grande souplesse dans leur plan afin d'insister d'emblée sur la nécessité de s'adapter à la situation et de ne pas simplement tenir pour acquis que tout cela fait sens parce qu'il s'agit du niveau cinq ou six.

Cela nous ramène à la communication et à la planification et à leur importance pour aller de l'avant. En fin de compte, même si c'est une question locale et que cela pourrait concerner 1 000 localités en même temps, si nous arrivons à établir de bonnes relations locales, tous les autres échelons contribueront au renforcement et offriront un soutien, et nous pourrons mettre l'accent sur l'échange des connaissances nécessaires et prendre des mesures localement.

Je ne saurais trop insister sur l'importance de ces relations et de ces plans, que ce soit les cliniciens avec les médecins hygiénistes, les entreprises locales avec la municipalité ou toute relation possible. Cela nous aidera grandement à faire face à un éventail de problèmes et non seulement aux pandémies.

Mme Yeates : Concernant la question de la coordination, j'aimerais ajouter que le gouvernement du Canada a déployé des efforts de coordination sans précédent en ce qui concerne les mesures que nous avons prises. Au départ, c'était le Bureau du Conseil privé, puis on a chargé Santé Canada de mettre au point la réponse du gouvernement du Canada de façon à ce que, si des questions étaient posées aux autorités frontalières — des questions concernant le transport — ou si, par exemple, le ministère du Travail recevait des questions des entreprises, nous puissions veiller à ce que les mêmes renseignements soient diffusés partout.

Nous avons effectivement tenté de recourir à ce mécanisme pour répondre aux gens qui communiqueraient normalement avec les ministères du Travail ou du Transport, par exemple, s'ils oeuvrent dans ces secteurs, afin de nous assurer que les mêmes directives et projets sur lesquels nous travaillions avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et d'autres intervenants de la santé soient réunis sous ce mécanisme. C'est un mécanisme qui peut sans aucun doute être amélioré, mais c'était une tentative d'englober un large éventail d'intervenants.

Dr Butler-Jones : À titre d'exemple, au ministère du Travail, nous — en tant que sous-ministres fédéraux — tenions régulièrement des réunions et devions coordonner d'autres comités, comme l'a indiqué Mme Yeates. Toutefois, le ministère entretenait aussi des relations avec ses homologues provinciaux et territoriaux afin que ces derniers puissent fournir des renseignements et obtenir une interprétation uniforme partout au pays à l'égard de contestations touchant, par exemple, le droit ou le refus de travailler. Une énorme coopération a rendu cela possible. Au lieu de dire « Oh, cela relève de ma compétence », les gens se demandaient quel était le problème, comment ils pouvaient le régler ensemble et comment ils pouvaient recourir à la science pour le faire.

Le président : Croyez-vous avoir besoin d'un nouveau mécanisme pour établir des processus de consultation dans les différents groupes que vous avez mentionnés?

Dr Butler-Jones : Le Réseau pancanadien de santé publique et le réseau des sous-ministres, entre autres, ont certainement prouvé leur utilité. En ce moment-même, on se penche sur la façon dont les structures peuvent être améliorées. L'accent est vraiment mis sur des relations plus étroites avez les municipalités, et cetera.

À l'échelon fédéral — on doit être conscient du respect des compétences de chacun, et pour une bonne raison —, chaque ordre du gouvernement peut établir ces relations, et nous pouvons les renforcer à l'échelle nationale. Toutefois, nous ne pouvons pas le faire pour tout le monde — et nous ne devrions pas —, car ils connaissent mieux que nous leur situation.

À mesure que les administrations dégagent des leçons de leur expérience, elles arrivent à des conclusions très semblables. Nous avons appris de notre expérience et nous appliquons ces leçons. Nous avons tiré beaucoup plus de leçons de cette crise, et, si nous les appliquons, nous serons encore meilleurs dans l'avenir.

Je ne crois pas qu'il y ait une autre solution structurale. Cela fonctionne vraiment bien avec les structures en place, encore mieux qu'avant.

Le président : Je vais passer aux questions concernant les collectivités autochtones ou, comme il est indiqué dans l'ordre du jour, les Premières nations et les Inuits. Durant la séance sur les questions liées aux Autochtones, on a dit au comité — en plus des nombreuses questions que nous avons déjà abordées — qu'il devrait y avoir une représentation autochtone permanente dans le Réseau pancanadien de santé publique, que les déterminants sociaux de la santé doivent également être pris en compte afin de réduire la vulnérabilité en cas de pandémie et que certains aspects de l'intervention relative à la grippe H1N1 n'étaient pas appropriés sur le plan culturel.

Dr Butler-Jones : Je conviendrais certainement que tout n'était pas culturellement adapté à toutes les cultures. C'était une difficulté. Un des avantages — et en même temps une difficulté — de la santé publique, c'est qu'on peut intervenir localement et, donc, de réagir et de s'adapter aux besoins de leurs diverses communautés, en reconnaissance du fait, comme la ministre l'a dit, que le gouvernement fédéral, à notre époque, doit tenter de tenir compte de la diversité de la population du Canada et de la diversité des interventions nécessaires. On ne sera jamais — bien franchement — complètement adéquat à cet égard. Cependant, pour la première fois — je n'ai, encore une fois, jamais rien vu de tel —, nous avons été témoins d'un désir et d'un effort sincère pour offrir des ressources, des renseignements et des documents qui respectent la langue et qui mobilisent et respectent les gens issus de cultures diverses. Si vous regardez, par exemple, les affiches qui ont été élaborées, les documents distribués au Nunavut ont été élaborés localement avec notre soutien, ce qui a permis aux collectivités de s'exprimer. Ce n'était pas parfait, et nous pouvons toujours nous améliorer.

Le Réseau de santé publique en soi est une relation administrative entre les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral en ce qui a trait à la façon dont nous composons avec la gestion de la santé publique au pays, là où cela est pertinent sur le plan collectif. On retrouve sous cela, un éventail de comités d'experts et autres qui reflètent non seulement le point de vue des Autochtones, mais aussi celui d'autres communautés. Il importe que nous soyons sensibles aux questions de compétence et aux différences dans les relations. Comme la ministre l'a indiqué, au Nunavut, 85 p. 100 des gens sont de descendance inuite, situation très différente de celle du Yukon et de l'Ontario. Il y a un aspect lié à la compétence de même qu'un aspect lié à la façon de rassembler et de mobiliser les diverses communautés du pays — surtout si on tient compte des difficultés et des relations que des Canadiens d'origine européenne et les autres ont avec les peuples autochtones du pays — ainsi que la meilleure façon de mobiliser les gens pour qu'il y ait réellement une discussion active sur la façon d'améliorer cela.

Nous avons, par exemple, les centres nationaux de collaboration. L'Agence finance plusieurs centres nationaux de collaboration, dont un qui est axé sur la santé des Autochtones, et cela reflète un éventail d'opinions. Comment peut- on mieux les intégrer dans les discussions afin d'établir un dialogue sur les politiques et les programmes et sur d'autres éléments? Nous cherchons très activement à savoir comment procéder et nous nous concentrons sur ce que nous tentons d'accomplir grâce à cela — c'est-à-dire veiller à ce que nous ayons, entre autres choses, les bonnes données et les bons processus —, mais aussi à respecter le besoin d'établir un dialogue sur les sphères de compétence. Nous n'y sommes pas encore, mais nous tenons à ce que des progrès soient réalisés à cet égard.

D'autres personnes voudraient peut-être ajouter quelque chose sur les services, car la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits — ou DGSPNI — fournit actuellement des services, entre autres choses, dans les réserves.

Dr Kendall : Je suis d'accord. En tant que membre du réseau et de coprésident au cours des cinq premières années, je peux vous dire que nous déployons beaucoup d'efforts pour trouver une façon de faire participer les Autochtones et les Inuits. Comme nous sommes un organe multipartite — une création des sous-ministres de la Santé —, nos structures dépendent quelque peu des réalités politiques du pays et de leur incidence sur les Premières nations et les Inuits. C'est tout un défi. Tout le monde convient que nous avons besoin du point de vue des Premières nations ou des Inuits, mais nous nous démenons toujours pour trouver une façon de l'obtenir. Cela dit, je ne suis pas sûr que cela aurait fait une grande différence en ce qui concerne les interventions sur le terrain visant les Premières nations ou les Inuits.

Je peux uniquement parler au nom de la Colombie-Britannique, où j'estime que nous entretenons de bonnes relations depuis plusieurs années, puisque, dans le cadre d'une table ronde tripartite, la DGSPNI s'assoit avec des représentants du gouvernement provincial et des représentants de cinq organismes politiques des Premières nations pour arriver à un accord transformateur en matière de santé. Nous collaborons avec eux sur des objectifs liés à la santé. C'était au cours d'une table ronde où nous avons réussi à nous entendre et à créer un plan détaillé visant non seulement les collectivités des Premières nations, mais aussi les collectivités rurales et éloignées. Cela ne règle pas tout à fait la question de savoir qui offre les services ou comment on assure la planification pour les membres des Premières nations qui vivent hors des réserves ou pour les membres de la nation métisse de la Colombie-Britannique. Ces tables rondes ont été tenues séparément.

Je ne vois pas comment le Réseau de santé publique ou la mobilisation de ses intervenants nous aurait aidés à régler les problèmes sur le terrain. C'est une question importante, mais les résultats de la planification future nécessitent vraiment une participation locale. Nous avons la participation du gouvernement fédéral, mais c'est une participation fédérale locale en Colombie-Britannique, et cela n'a rien à voir avec ce qui se passe actuellement dans les autres administrations.

Dr Gully : J'ai effectivement pris connaissance de ce dossier assez récemment, mais je me suis rendu compte à quel point les arrangements communautaires visant les Premières nations vivant sur les réserves sont complexes. Certains ne font pas l'objet d'une délégation, et, pour ceux dont c'est le cas, le niveau de délégation — et la relation avec le gouvernement provincial — varie. En conséquence, j'estime que le fait de les systématiser d'une manière quelconque aux fins de la planification ne fonctionnera pas. Encore une fois, comme le Dr Kendall l'a dit, nous avons le Plan canadien de lutte contre la pandémie d'influenza dans le secteur de la santé et une annexe qui porte sur les Premières nations vivant sur les réserves. Cependant, l'application, la planification et les mesures d'urgence dépendent en fait de la collectivité, du leadership au sein de la collectivité et de la relation avec la province et les autorités sanitaires locales.

Nous pouvons régler cela, et je crois que nous l'avons fait. Je me souviens de m'être entretenu avec un leader du Nord du Manitoba qui a dit : « Je n'ai pas pu susciter l'intérêt de ma collectivité en ce qui a trait à la préparation pandémique. J'ai essayé, mais il y a beaucoup d'autres enjeux actuels. » Certaines collectivités étaient mieux que d'autres, et elles étaient bien conscientes du besoin de le faire, mais elles continuent également à faire face à d'autres difficultés. Il a été souligné que nous devons continuer à appuyer ces collectivités et à communiquer et collaborer avec elles à ce chapitre afin de renforcer leurs interventions et leur capacité de recourir à des choses comme les vaccins, les antiviraux et d'autres services et d'en tirer profit.

Le président : Vous estimez que l'idée d'avoir un représentant autochtone permanent dans le Réseau de santé publique n'est pas la solution; c'est bien ce que vous dites? Toutefois, il reste que vous devez toujours améliorer la communication et la collaboration avec les collectivités autochtones. Avez-vous d'autres mécanismes à suggérer? Croyez-vous que vous avez maintenant la situation en main?

Dr Gully : Je suis certain que nous pouvons continuer à l'améliorer. Durant la pandémie, il y a avait une communication continue avec les groupes autochtones du pays. Encore une fois, il faut aussi reconnaître que les Premières nations, les Métis et les Inuits sont des communautés différentes — elles sont différentes partout au pays — et qu'il s'agit donc d'un enjeu très local, car les relations au Manitoba diffèrent de celles en Colombie-Britannique, et cetera. Nous pouvons le faire à l'échelle nationale, mais il faut aussi le faire à l'échelon local.

Dr Butler-Jones : Pour faire suite à cela, c'est encore une fois l'importance de la relation établie à tous les échelons — au niveau intergouvernemental — qui permet de s'assurer que tous les points de vue sont intégrés. Il y a plusieurs façons de faire cela — dans nos comités, au moyen de consultations directes, dans le cadre du travail que nous, Santé Canada et d'autres effectuons avec les organismes autochtones nationaux — pour maintenir une circulation de renseignements et des consultations continues. Il est structurellement difficile de faire cela dans le contexte du Réseau de santé publique, mais cela ne change rien au fait qu'il y a des problèmes de mobilisation. Il y avait de nombreux exemples partout au pays, et la leçon que je retiens est qu'il faut s'assurer que cela fonctionne à l'échelon local, car, en me penchant sur ce qui a bien fonctionné et sur ce qui a échoué, je constate que la solution diffère selon l'administration.

En Saskatchewan, bien avant tout cela, je l'avais déjà fait grâce à la nomination conjointe de médecins hygiénistes. En conséquence, qu'ils travaillaient pour l'Organisation nationale de la santé autochtone, la DGSPNI ou une autorité régionale de la santé, ils étaient tous nommés conjointement de façon à pouvoir se remplacer les uns les autres. Ils se réunissaient régulièrement. Ils pouvaient travailler dans les réserves ou à l'extérieur de celles-ci et échanger des renseignements. La planification entourant les pandémies et les situations d'urgence faisait appel aux conseils de bande locaux et aux municipalités. Lorsqu'il a été question de la pandémie, ils ont été en mesure de se pencher sur la question avec aisance. Au Comité permanent de la santé de la Chambre des communes — ou HESA —, certains chefs du Nord ont indiqué qu'ils considéraient les gens comme des êtres humains, qu'ils soient dans la réserve ou non. Ils avaient prévu de prendre en charge toute personne vivant dans leur collectivité, de fournir les vaccins ou les antiviraux et de s'assurer que les gens recevaient les soins appropriés, et ils s'étaient préparés en conséquence. À mon avis, en fin de compte, c'est ce que vous devez voir; ensuite, cela peut être renforcé et appuyé par le gouvernement fédéral et la province ou le territoire.

Le sénateur Fairbairn : J'entretiens une relation étroite avec la nation Kainai, et ils procèdent maintenant de cette façon. Cela a une incidence énorme, non seulement pour les dirigeants, mais pour chaque partie de l'organisation et pour la base. Ils font bien ça. Ce serait formidable si cela pouvait arriver au Canada parce que toutes sortes de choses ont changé. Outre l'incidence sur l'état de santé, cela a beaucoup aidé ce groupe. Je ne sais pas si vous êtes en relation avec eux.

Dr Butler-Jones : Je n'ai pas de contact avec cette collectivité en particulier, mais cela se voit dans un grand nombre de collectivités au pays, et, dans les cas où il n'y avait aucune relation, c'était beaucoup plus difficile pour les collectivités et celles aux alentours.

Le sénateur Fairbairn : Auparavant, toute personne ayant des difficultés devait se rendre à Lethbridge ou au village le plus proche, et, à présent, ils ont l'occasion de le faire eux-mêmes, et c'est tant mieux.

Le président : Je vais maintenant passer aux rôles et responsabilités liés à la santé publique. Nous savons que c'est une responsabilité partagée des ordres de gouvernement FPT. Par contre, on a dit au comité que certaines personnes estimaient que le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle accru et que la présence du Dr Butler-Jones, en tant que figure paternelle ou de médecin en chef qui a été en mesure de convaincre la population de ce qui était nécessaire et de la rassurer, était appréciée. Le Dr Kendall a pour sa part employé l'expression « plusieurs voix, un seul message ».

Un transfert quelconque de ces responsabilités est-il nécessaire? Je présume que la communication avec le public devient une des parties clés, mais que pensez-vous de cela?

Dr Butler-Jones : C'est une question sur laquelle nous revenons périodiquement, que ce soit dans le contexte de la listériose ou de la formation de l'Agence, de la loi menant à la création de l'Agence ou de l'examen postérieur à la crise du SRAS; c'est l'aspect où nous devons exercer une autorité plus forte afin de dire aux gens ce qu'ils doivent faire et pour inciter les provinces à faire ce qu'elles doivent faire, et cetera.

D'un autre côté, nous avons une fédération, et, malgré ses lacunes, elle fonctionne bien, en général. À mon avis, elle fonctionne mieux parce que nous pouvons trouver un intérêt commun et respecter les rôles de chacun; nous pouvons en venir à concrétiser la notion de « plusieurs voix avec un seul message » mise de l'avant par le Dr Kendall. Même si les approches pourraient varier, elles varient pour une raison, et, plus nous communiquons et établissons des relations, plus nous serons en mesure d'expliquer cette raison. Toutefois, cela ne tiendra malheureusement pas dans un clip de 10 secondes aux informations.

Ayant siégé aux deux côtés de la table, je reviens toujours sur le fait que la santé publique est une question locale. Les gens tombent malades dans les localités; ils demeurent en santé dans les localités; et ils font face à des situations d'urgence dans les localités, même si c'est dans 1 000 localités en même temps. Je continue de poser la question tant à notre organisme qu'à chaque échelon : « Quelle est notre valeur ajoutée? » Que pouvons-nous faire pour réunir tout ça pour que, peu importe où on se trouve dans le pays, la capacité permettant de régler tout problème lié à la santé publique soit disponible, au besoin?

Le Réseau de santé publique constitue un mécanisme très utile, puisqu'il a permis au Dr Kendall et à moi-même — en tant que premiers coprésidents — d'avoir des discussions sur un éventail complet de problèmes pour que nous puissions — dans la mesure où nous pouvons le faire dans cette fédération diversifiée — travailler de concert sur des éléments qui méritent d'être pris en compte. Je vous avoue très franchement que, lorsque je me trouvais de l'autre côté — et même de ce côté —, je n'aurais pas voulu que quelqu'un d'Ottawa tente de gérer tous les problèmes au pays. Nous pouvons simplifier la coordination, réunir des ressources et faire des choses pour que cela fonctionne mieux.

Je me souviens des débats concernant l'eau. Je me trouvais alors de l'autre côté, et, avant cela, une agence était en place. Des préoccupations avaient été soulevées concernant l'eau en Saskatchewan et dans les collectivités, entre autres, et il était évident que le gouvernement fédéral devait s'en charger. À l'époque, je ne pouvais que signaler que le gouvernement fédéral avait une certaine responsabilité liée à l'approvisionnement en eau dans les réserves. Je ne suis pas certain que ce soit le scénario souhaité par tous. De fait, la réalité est que plus nous sommes éloignés du problème, plus il est difficile de le régler. Il est toujours difficile d'obtenir un équilibre entre les autorités locales, les obligations, la responsabilité envers ces collectivités, les connaissances de celles-ci et la valeur que nous pouvons ajouter à chaque niveau.

Au sein de la fédération, il y a des discussions continues sur la façon dont nous pouvons contribuer en tant qu'entité fédérale, la façon dont on peut contribuer à l'échelon provincial et ce qui peut être fait localement. Je vais laisser la parole au Dr Kendall et aux autres à ce sujet. J'ai constaté d'énormes progrès à ce chapitre au cours des six dernières années, comparativement à ce que nous avons vu pendant la crise du SRAS et avant cela. C'est une autre occasion de tirer des leçons — non seulement le travail du Sénat, mais aussi l'ensemble de l'exercice qui visait à faire avancer tout un éventail de questions — et ce n'est pas seulement une question de composer avec les pandémies.

Mme Chatigny : Si votre commentaire — qui faisait peut-être suite à la formule « une voix » suggérée par les témoins — visait à proposer un seul porte-parole pour tout un pays dans le cadre d'un événement donné, je m'y opposerais fortement pour la simple raison que le Dr Butler-Jones — il y a fait allusion — a, en huit mois, donné 50 conférences de presse et 100 entrevues et paraissait sur les ondes et à la télévision plusieurs fois par soir pour des interventions de 30 secondes. Tout cela exige du temps et de l'énergie. Tout ce qu'il a réussi à faire en tant qu'administrateur en chef de la santé publique durant cette période était presque surhumain, bien qu'il n'ait certainement pas fait cela au risque de miner sa santé et sa capacité de fonctionner.

Si vous avancez que la présence d'une seule voix, d'un seul porte-parole, ait permis d'éviter toutes les préoccupations et tous les messages contradictoires et que c'est en quelque sorte une solution, je serais d'avis que la présence d'administrateurs en chef des soins de santé — comme le Dr Kendall — dans les provinces pour renforcer le message du Dr Butler-Jones était puissante. Vous devez répéter le message de nombreuses fois à différentes occasions. Si vous ne regardez pas le bulletin de nouvelles de 18 h et que vous avez manqué l'intervention du Dr Butler-Jones, est-ce que ça s'arrête ici? Si vous manquez l'occasion propice, vous n'obtiendrez pas l'information? Il faut répéter, il faut être partout, de façon coordonnée.

Si on revient aux messages que les responsables de la santé publique de tous les échelons — fédéral, provincial, territorial et local — ont diffusés concernant les comportements liés à la prévention des infections, il n'y avait aucune contradiction. Nous ne sommes jamais tombés sur des messages contradictoires.

Lorsque nous nous penchons sur l'analyse des messages concernant les vaccins avec ou sans adjuvant, tout le monde disait la même chose en ce qui concerne les personnes qui devaient les recevoir, dans les messages généraux. Évidemment, à l'échelon local, si tout le monde convient du fait que les interventions réelles ont lieu dans les localités, il faut forcément que des gens de la localité, comme le maire, l'administrateur de la santé publique, le directeur de l'école secondaire et le pasteur, — des personnes que vous connaissez et respectez et auxquelles vous faites confiance — abordent le problème.

La stratégie nationale était une stratégie cohérente et coordonnée de diffusion en cascade de renseignements. Toutefois, quelqu'un a dit que l'information ne remontait pas et que cette communication à sens unique a peut-être eu lieu une fois de trop. C'est compris. Toutefois, j'estime que le fait de proposer une approche stratégique totalement différente au chapitre de la communication des risques durant un tel événement n'est pas viable.

Dr Kendall : Pour revenir aux commentaires du Dr Butler-Jones, je souscris essentiellement à son analyse de la situation. Je sais, par exemple, que certaines organisations comme l'Association médicale canadienne — l'AMC — ont proposé qu'on octroie d'autres pouvoirs au gouvernement fédéral si on atteint un certain niveau critique dans le cadre d'une pandémie ou d'une situation d'urgence nationale.

Je ne suis pas certain que le gouvernement fédéral voie la chose de cette façon, et, ayant longtemps siégé à leurs comités, je suis convaincu que les provinces et les territoires ne sont pas de cet avis non plus.

Un financement fédéral supplémentaire est toujours le bienvenu aux yeux des dirigeants. Ayant participé à des comités provinciaux et territoriaux, je me sens à l'aise de dire cela. Toutefois, lorsque, au bout du compte, vous vous retrouvez avec des lignes directrices — le processus mené par l'intermédiaire du Réseau de santé publique choppait : il y avait un désaccord continu, et les lignes directrices ne pouvaient être considérées comme des lignes directrices du Réseau de santé publique, car nous n'arrivions pas à obtenir l'approbation de toutes les administrations. Nous avons finalement conclu une entente selon laquelle ce serait des lignes directrices de l'Agence de la santé publique du Canada, proposées par le Dr David Butler-Jones, et laissé aux provinces ou territoires la décision de les adopter ou de les adapter comme bon leur semblait. Cela semblait faire l'affaire de tous.

Dre Ricketts : Je ne suis pas au courant des autres pouvoirs fédéraux demandés dans le sillage de la crise du SRAS. Je crois savoir que nous rédigions ces lignes directrices dans le contexte de l'après-SRAS et que nous étions très enthousiastes à l'idée que l'Agence de la santé publique du Canada soit créée. À l'époque, l'AMC voulait que l'administrateur en chef de la santé publique du Canada soit investi de pouvoirs comparables à ceux de son homologue des États-Unis. C'est vrai. Je n'y comprenais rien.

Lorsque j'entends les réponses des témoins ici présents, tout est clair. Je comprends leur point de vue. J'aimerais que le comité fasse des commentaires directs sur le rôle du personnel de première ligne en ce qui concerne les situations d'urgence liées à la santé publique et sur une initiative quelconque pour renforcer la capacité des professionnels de première ligne de faire leur travail.

J'ai l'impression de me répéter à ce sujet et je m'excuse de dire la même chose autant de fois, mais c'est important. Nous sommes très heureux de travailler avec l'Agence et, bien évidemment, avec les provinces — parce que nous avons aussi des associations médicales provinciales et territoriales — et avec nos organisations sœurs pour obtenir des outils raisonnables et pratiques qui peuvent être utilisés en cas de situations d'urgence liées à la santé publique. Ces travaux devraient commencer maintenant. Il y aura des répercussions avantageuses à plusieurs niveaux.

Comme le Dr Butler-Jones l'a mentionné plus tôt, le renforcement de l'interface des soins primaires et de la santé publique est quelque chose qui doit vraiment avoir lieu. Il est encourageant d'avoir des nouvelles — fournies par le Dr Butler-Jones, plus tôt — sur les ententes fédérales-provinciales-territoriales concernant la promotion de la santé et la prévention des maladies. Ces choses sont très inspirantes. Si nous voulons avoir un système de soins de santé durable, nous devons réfléchir à la façon d'établir des partenariats qui vont au-delà de toutes ces limites.

J'applaudirai toute recommandation de soutien à ces mesures.

Le président : Aux fins d'éclaircissement, lorsque nous parlons du personnel de première ligne, nous parlons bien des professionnels de la santé et non des premiers intervenants, comme les pompiers?

Dre Ricketts : Ils sont aussi très importants. La première règle de l'intervention en cas d'éclosion est de s'occuper des malades. C'est la règle numéro un de l'intervention en cas d'éclosion. Elle s'inscrit dans les règles relatives à la santé publique. C'est la formation que j'ai reçue. Il s'agit d'un programme de deuxième cycle spécialisé en santé publique qui dure cinq ans. L'intervention en cas d'épidémie exige que vous vous veilliez sur les malades. Les intervenants sont pour la plupart le personnel infirmier praticien et les médecins. Évidemment, le personnel infirmier et technique et toutes les autres personnes jouent un rôle, mais, lorsqu'il est question de prendre une décision sur la façon de fournir des soins, le personnel doit être informé adéquatement. Il serait difficile de trouver une façon de les faire participer à nos travaux, mais nous devrions continuer à essayer de les mobiliser et en arriver à un plan d'intervention systématique pour que nous puissions avoir des lignes directrices cliniques nationales.

Je dois insister sur le fait que je parle de lignes directrices cliniques et non d'autres types d'interventions qui doivent être localisées. C'est le secteur de la pratique clinique.

Dr Gully : Le Dr Harper, du Royaume-Uni, a parlé de l'administrateur en chef des soins de santé de l'Angleterre dans son témoignage d'hier. Il y en a également un en Écosse et un autre au pays de Galles. Comme il n'y a pas qu'une voix pour l'Angleterre, l'Écosse, le pays de Galles et l'Irlande du Nord, alors, d'une certaine façon, la façon dont nous travaillons en tant que fédération fonctionne bien.

Le sénateur Seidman : Puis-je clarifier un point? Je ne veux pas qu'il y ait de malentendu. Le Dr Gully a effectivement dit l'Angleterre, et il y avait des portes-paroles distincts pour le pays de Galles, l'Écosse et l'Irlande du Nord.

Le président : Comme notre temps est déjà écoulé, nous devons bientôt conclure. Nous allons maintenant procéder à la récapitulation.

Deux autres questions ont été soulevées mercredi après-midi. Nous avons tenu une table ronde sur la recherche, puis une autre sur l'éthique. Au cours de la table ronde sur la recherche, nous avons entendu le président des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et le Dr Singh, qui travaillait auparavant pour les IRSC. Il a dit que le Canada devrait créer une équipe d'intervention rapide en matière de recherche dotée d'un budget particulier. En fait, il a comparé cette équipe à l'Équipe d'intervention en cas de catastrophe, ou EICC. Selon lui, elle permettrait de gérer la recherche en cas d'urgence.

Le président des IRSC était préoccupé par le financement qui prend fin à la fin de mars. Nous avons ensuite abordé le sujet de l'éthique au chapitre des fiducies d'intérêt public, des listes de priorités liées à la vaccination, des communications et du rôle de leadership du gouvernement fédéral. En conséquence, certains de ces aspects ont déjà fait l'objet d'une discussion, mais on les a aussi envisagés sous l'angle de l'éthique.

Voilà donc ce que nous avons abordé. De plus, s'il y a un sujet qui n'a pas encore été abordé, c'est le temps d'en faire part. Voulez-vous au moins commenter les points liés à la recherche et à l'éthique? Si quelqu'un d'autre veut débattre ces questions ou d'autres sujets, cela ne pose aucun problème.

Dr Butler-Jones : J'inviterais également le Dr Plummer à commenter.

Au chapitre de la recherche et de l'éthique, nous avons été très chanceux, car, à la suite de la crise du SRAS, on a reconnu le besoin de créer un groupe qui pourrait réellement effectuer des recherches rapidement. Nous étions en train d'établir ce réseau de recherche lorsque la pandémie en question est survenue, avec nos ressources et celles des IRSC, entre autres. Cela était important pour répondre à plusieurs questions soulevées durant la pandémie. Nous espérons que cela va se poursuivre.

Concernant les propos du Dr Singh en ce qui a trait à l'importance de pouvoir mener des recherches rapidement, cela pourrait changer selon les situations auxquelles nous faisons face. Les mécanismes grâce auxquels nous pouvons effectuer des recherches rapidement, fournir un financement et élaborer des protocoles appropriés exigent toujours du travail. Cela représente beaucoup pour Santé Canada, les IRSC et d'autres organismes. Si vous y réfléchissez, cela concerne non seulement les IRSC et le financement en matière de santé, mais aussi, entre autres, le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada — ou CRSH —, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada — le CRSNG — et Environnement Canada ainsi que la capacité de mener rapidement des recherches et de diffuser les résultats en peu de temps. Il y a encore du chemin à faire. Il s'agit d'un travail important, et j'apprécie les commentaires formulés à ce sujet.

Il y a une section sur l'éthique et sur les considérations morales dans le plan de lutte contre la pandémie. Les principes ont fait l'objet d'une longue réflexion et d'un débat entre les éthiciens, les praticiens et d'autres intervenants. Nous devons continuer à nous pencher sur cette question. Comme société, il est intéressant que nous arrivions à un consensus sur l'éthique en examinant et en débattant ces principes. C'est important.

Un aspect qui a été utile au chapitre des antiviraux — le Dr Kendall en a brièvement parlé — était qu'avant la pandémie, nous avons activement consulté le public à l'égard, entre autres choses, de l'établissement des priorités — en cas de pandémie — concernant les groupes qui devraient recevoir des antiviraux et de l'opportunité d'adopter des mesures de prophylaxie. Encore une fois, cela a été informatif et utile. Dans le cadre de ce processus axé sur un dialogue délibérant — et, à la lumière de mon expérience, dans d'autres situations —, lorsque le public est bien renseigné, il tire des conclusions semblables à celles des experts. Cela montre à quel point il est mieux d'intégrer tout le monde dans les discussions que d'avoir simplement des experts qui tentent de défendre un point après les faits. Encore une fois, ce sont des leçons très précieuses.

Dr Plummer : Je conviens tout à fait que la recherche est essentielle à l'intervention dans le cadre de ces événements, et vous avez certainement besoin d'une capacité solide en matière de recherche. D'une certaine façon, le Laboratoire national de microbiologie, qui fait partie de l'ASPC, est établi de cette façon. Nous avons des scientifiques qui travaillent habituellement sur des maladies qui ne sont pas particulièrement importantes au Canada et qui peuvent interrompre leur travail pour intervenir dans des situations comme la pandémie de grippe H1N1 et la crise du SRAS. C'est essentiellement la façon dont nous procédons. Nous sommes à la fois une équipe d'intervention et une équipe de recherche rapide.

Concernant la partie clinique et épidémiologique, la présence d'une équipe permanente est un peu plus difficile parce que nous devons avoir des gens sur le terrain et dans les localités, et ils doivent détenir les bons permis et entretenir des liens avec les organismes. Vous pourriez avoir des ressources supplémentaires au chapitre de la capacité fédérale, mais je ne crois pas qu'il soit possible d'avoir une équipe qui pourrait se rendre sur place et être en mesure d'accomplir toutes les tâches.

Dr Hatchette : Je suis tout à fait d'accord avec le Dr Plummer pour dire que le déploiement d'une équipe de recherche rapide dans tout le pays est presque impossible. Vous devez d'abord avoir les infrastructures en place. Le réseau de recherche visait à effectuer des essais cliniques rapides grâce à une structure dotée de chercheurs qui s'intéressent à la question. C'est certainement le chemin à suivre. De plus, il importe d'établir une capacité de surveillance solide à partir de la base et de mobiliser le personnel de première ligne — qu'il s'agisse des urgentologues ou des médecins de famille — comme ressources éventuelles qui pourront répondre à des questions directes et participer à la base.

Pour les IRSC, un financement rapide est important parce que cela revient à avoir les fonds nécessaires pour mener ces activités, en plus de mettre en place des infrastructures.

Une fois les recherches terminées, vous avez besoin d'établir un transfert de connaissances, aspect qui est également lacunaire. Les États-Unis ont le Morbidity and Mortality Weekly Report — ou MMWR —, qui permet de publier rapidement des données de recherche. Cela ne mine pas la capacité de l'auteur de publier des données dans une revue à comité de lecture, mais le rapport permet aux renseignements de se rendre jusqu'au public et de devenir des dossiers publics beaucoup plus rapidement. Nous n'avions pas cela durant la pandémie. On a créé La Note mauve, qui offrait un aperçu des sujets d'actualité, mais nous n'avions pas un MMWR, ce qui aurait permis de faciliter certaines discussions concernant, par exemple, la nécessité de tenir une campagne de vaccination contre la grippe saisonnière. Il y avait des données qui auraient pu influer sur cette décision et qui n'ont pas pu être diffusées à l'intention d'un public plus large.

Je crois qu'il reste aussi du chemin à faire au chapitre du transfert de connaissances. Le Relevé des maladies transmissibles au Canada — ou RMTC — existe effectivement, mais j'estime que sa capacité est limitée. Durant la pandémie, le contenu du RMTC portait sur le taux de prévalence de la gonorrhée. Le sujet n'intéressait personne durant la pandémie. Les gens voulaient avoir des renseignements précis sur, par exemple, la transmissibilité. Il y avait des données qu'on ne pouvait obtenir.

Il ne faut pas oublier que, pour que cela ait lieu, vous devez avoir non seulement un financement rapide, mais aussi une approbation éthique. Si vous avez un processus d'approbation éthique simplifié qui permet de mener ces études à bien, c'est un autre obstacle de surmonté. Si vous menez une étude multilatérale et coopérative où vous devez souvent répondre à certaines grandes questions, chaque administration est tenue de se soumettre à un examen éthique. Vous vous retrouvez ensuite avec une série d'examens éthiques qui deviennent un fardeau. Si vous pouvez rationaliser le processus d'examen éthique, cela serait utile.

Les processus de recherche concertée deviennent difficiles lorsqu'il est question du titre de propriété sur les données. Pour amener les chercheurs à prendre part à la diffusion de renseignements ou de données qu'ils réunissent, il faut s'assurer qu'ils gardent leur exclusivité. Cette préoccupation a été soulevée auparavant par nos chercheurs. C'est important. Et l'importance de la propriété à l'égard des données ne se limite pas qu'à la recherche, du moins c'est ce que je pense. En raison de problèmes à ce chapitre, notre groupe de surveillance a éprouvé des difficultés au moment d'analyser les données des Premières nations. Les données appartenaient aux Premières nations, et l'organisation n'était pas très enthousiaste à l'idée de les fournir à un groupe fédéral de surveillance aux fins d'analyse. Ce processus de collaboration doit également tenir compte de cet aspect.

Le président : Y a-t-il d'autres sujets qui n'ont pas été abordés et que vous voulez présenter? Docteur Butler-Jones, je vous laisse le mot de la fin, et vous pouvez ensuite réagir à certains commentaires.

Dr Butler-Jones : J'estime que les commentaires sont tous très appropriés. Nous avons eu un calendrier plutôt chargé au chapitre de la planification pandémique avant même que la pandémie ait lieu. De fait, une grande partie des travaux de la liste ont été menés à bien, mais des éléments y ont été ajoutés. J'ai hâte que les travaux commencent. J'espère que je ne serai pas à la tête de ceux-ci. En réalité, j'ai des sentiments partagés à cet égard. Nous ne souhaitons certainement pas une autre pandémie, mais j'aimerais être en mesure d'appliquer les leçons tirées pour voir si nous pouvons faire mieux.

Tout d'abord, j'aimerais vous adresser mes sincères remerciements. La diligence avec laquelle vous menez votre processus contribuera à l'ensemble des éléments probants et à la compréhension de la pandémie. Merci pour le respect dont vous avez fait preuve envers les témoins et pour la qualité des questions et des problèmes abordés. Je crois que cela nous sera tous utile. Je ne dis pas cela pour vous flatter; c'est une déclaration sincère. C'est toujours un plaisir de témoigner devant vous, même si vous me posez des questions difficiles.

C'était pour moi — et probablement pour nous tous — un énorme privilège d'avoir contribué — ne serait-ce qu'un petit peu — à l'étude portant sur la préparation en cas de pandémie. Je veux souligner que les Canadiens ont fait un travail remarquable. Cela ne concernait pas une personne en particulier; c'était le fait que les gens ont collectivement pris des responsabilités, laissé tomber leur armure — si c'était ce qu'il fallait — et fait en sorte que les choses se fassent.

La dernière chose que je voudrais ajouter a été mentionnée lorsque nous avons parlé de la capacité. L'une des principales leçons tirées à ce chapitre porte sur le besoin de s'assurer que nous veillons sur les gens — je parle non seulement du public, mais aussi des personnes qui contribuent aux interventions et qui sont en mesure de se mobiliser, que ce soit des fournisseurs de services de première ligne ou des premiers intervenants ou d'autres encore — de façon honnête et intelligente afin de composer avec les préoccupations. Tout le monde est très dévoué. Les gens travaillent jusqu'aux petites heures du matin. Nous le voyons. Comme nous travaillons dans les services d'urgence, nous savons que la combinaison la plus toxique est la fatigue et l'adrénaline. Les gens veulent faire leur part, ils veulent être présents et ils veulent continuer à aider. Toutefois, on atteint un point où on est épuisé au point où on a de la difficulté à réfléchir clairement. Nous devons nous assurer de veiller sur nos gens. Il faut s'assurer qu'ils aient le repos nécessaire et que nous ayons du renfort et des systèmes en place pour qu'ils ne se sentent pas obligés de rester, alors qu'ils ont besoin de se reposer et de reprendre des forces.

Pour ce qui est du commentaire formulé plus tôt sur la durée prolongée de la pandémie, je voulais dire qu'en décembre, les gens étaient exténués par la gestion, entre autres choses, de la campagne de vaccination, de tous les autres problèmes et des médias. Si cela avait duré plus longtemps, les gens auraient fini par flancher. Je veux insister sur l'importance de veiller sur les gens et de s'assurer que nous avons les moyens de les appuyer et d'appuyer leur famille. Durant la crise du SRAS, un des problèmes critiques concernait non pas le personnel des hôpitaux, mais plutôt leurs préoccupations à savoir si leur famille serait prise en charge si quelque chose arrivait. Encore une fois, c'est un aspect que nous ne voulons pas perdre de vue au fur et à mesure que nous avançons. C'est le dernier point que je voulais soulever.

Le président : La réunion tire à sa fin. Un grand merci à tous. Vous nous avez accompagnés durant diverses séances antérieures sur cette question, alors nous avons pu inviter les meilleurs à revenir et à nous aider dans le cadre de cette table ronde. Je vous remercie de votre présence, en particulier les personnes qui viennent de loin. Tout cela a été très utile, et c'est une bonne façon de clore notre examen de la question. Nous procéderons à la formulation de recommandations et à la production d'un rapport, et tout cela devrait être prêt d'ici la fin de l'année.

Encore une fois, merci. Bonne fin de semaine.

(La séance est levée.)


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