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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 19 - Témoignages du 10 février 2011


OTTAWA, le jeudi 10 février 2011

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour étudier les enjeux sociaux d'actualité pour les grandes villes canadiennes (sujet : la cohésion et l'inclusion sociale).

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Honorables sénateurs, nous avons le quorum, et je déclare donc la séance ouverte.

[Français]

Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, de la science et de la technologie.

[Traduction]

Avant de demander aux honorables sénateurs de se présenter, j'aimerais passer en revue l'ordre du jour avec mes collègues et signaler que nous accueillons aujourd'hui deux groupes. Nous discuterons avec le premier groupe jusqu'à 11 h 30, et avec le deuxième jusqu'à 12 h 30. Est-ce que mes collègues acceptent l'ordre du jour et cette répartition du temps?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : J'aimerais maintenant que mes collègues se présentent, en commençant à ma gauche.

Le sénateur Merchant : Soyez les bienvenus. Je suis Pana Merchant, et je suis un sénateur de la Saskatchewan.

Le sénateur Callbeck : Catherine Callbeck, de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Demers : Merci d'être venus. Jacques Demers, du Québec.

Le sénateur Seidman : Bonjour. Judith Seidman, Montréal.

Le sénateur Eaton : Bonjour. Nicole Eaton, de l'Ontario.

Le vice-président : Je suis Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse. Je suis le vice-président du comité et je présiderai la séance.

Nous tenons aujourd'hui deux discussions, et la première traite de l'intégration économique en général. Trois groupes de témoins interviendront, et l'un partagera son temps.

Je commence à gauche. Nous accueillons MM. McLachlan et Garon. À gauche, nous avons M. Bissett, puis Mme Wilkinson qui comparaît à titre personnel. Monsieur Garon, vous avez la parole.

Randy Garon, gérant provincial, Programme d'emploi dans les métiers spécialisés, Association de la construction de la Colombie-Britannique : Nous voulons parler ce matin d'un programme d'immigration qui favorise l'intégration. Notre document présente le Programme d'emploi et de formation spécialisée pour les immigrants, surnommé ISTEP pour Immigrant Skilled Trades Employment Program et que nous administrons.

ISTEP a été créé en juin 2006 dans le cadre d'une entente de partenariat entre le Conseil sectoriel de la construction (le CSC) du Canada et la British Columbia Construction Association (la BCCA), à l'aide de fonds du Programme de reconnaissance des titres de compétences étrangers, le PRTCE, de Ressources humaines et Développement des compétences Canada. Le programme pilote a été lancé dans le contexte d'une pénurie de main-d'œuvre et de la profonde récession qui a suivi. Le programme s'adressait aux immigrants reçus spécialisés de la Colombie-Britannique qui n'arrivaient pas à intégrer le marché du travail. Les immigrants reçus étaient considérés comme un bassin de travailleurs sous-utilisés et sous-représentés pouvant contribuer à atténuer les pénuries de main-d'œuvre qui frappent le secteur de la construction.

ISTEP était une initiative provinciale, mais le CSC l'a fait connaître à l'échelle du pays. Ce programme faisait appel à ce que nous appelons le modèle connecteur, exécuté par un représentant de la demande, par exemple la BCCA, et offrait des avantages considérables pour l'employé potentiel.

Il recourrait aux services de quatre formateurs en milieu de travail, aujourd'hui appelés spécialistes en métiers, qui connaissent bien les divers métiers. Le fait de venir du côté de la demande et d'être mobiles leur donnait l'avantage d'avoir des connexions avec les employeurs. Ils pouvaient établir une relation de confiance parce qu'ils comprenaient les besoins particuliers de l'employeur et aller le rencontrer en personne dans son environnement. Les formateurs en milieu de travail arrivaient à se faire une bonne idée de ce que les employeurs recherchaient, puis ils localisaient, présélectionnaient et évaluaient les compétences spécialisées d'employés potentiels. Certains candidats étaient dirigés vers d'autres organismes pour suivre une formation avant d'obtenir un emploi, tandis que d'autres étaient aptes à travailler et présentés à un employeur.

Après la présentation de l'employé à l'employeur, le formateur en milieu de travail participait parfois à l'entrevue pour contribuer à une seconde évaluation du demandeur afin de s'assurer que ce dernier possédait bien les qualités requises. Après l'embauche du travailleur, le formateur en milieu de travail continuait à assurer la liaison entre l'employeur et l'employé suivant le modèle du connecteur. Il devait donc souvent tenir des réunions individuelles sur les lieux du travail ou à l'extérieur et, à certaines occasions, des réunions conjointes.

Sa capacité de servir d'intermédiaire entre les deux parties a été très précieuse pour assurer le succès de la relation. S'il y avait des problèmes en cours de route, ils étaient réglés sur le champ. Le résultat de ce programme, c'est un employé compétent et productif engagé dans une carrière valorisante dans le secteur de la construction et un employeur satisfait.

Le programme ISTEP a connu un grand succès durant toute son existence, de juin 2006 à août 2010. Avec quatre formateurs en milieu de travail, nous avons réussi à établir 4 962 contacts avec des employeurs aux fins d'entretenir des relations, nous avons évalué 2 402 immigrants et nous avons placé 1 051 travailleurs dans des métiers de la construction.

Le programme ISTEP a servi de base à l'actuel programme STEP — acronyme de Skilled Trades Employment Program. Son excellent modèle de mise en œuvre a donné des résultats en termes d'emploi et défini l'infrastructure nécessaire à la mise en place d'une version élargie du programme.

Le programme ISTEP nous a également appris que l'un des nombreux obstacles à l'emploi est, dans bien des cas, l'absence de soutien à court terme. Il arrivait parfois qu'une personne soit incapable de se trouver un emploi parce qu'elle n'avait pas les moyens de se payer des bottes de travail ou son transport ou, dans certains cas, une formation spécialisée de courte durée. C'est pourquoi STEP a créé un Fonds pour l'innovation qui a été intégré au contrat. Sur demande, les formateurs en milieu de travail pouvaient avoir accès à ce fonds pour supprimer ces obstacles qui auraient normalement empêché un travailleur de saisir une occasion d'emploi. Grâce à ce fonds, de nombreux travailleurs ont pu se trouver un emploi.

Notre projet STEP emploie actuellement 30 personnes disséminées dans 11 bureaux en Colombie-Britannique. STEP gère actuellement un programme provincial dans le cadre d'une entente relative au marché du travail, une EMT. Ce programme s'adresse à tous les Canadiens admissibles désireux de travailler dans les métiers de la construction. Jusqu'à maintenant, nous avons établi 3 789 contacts avec des employeurs, fait 1 322 évaluations et placé 788 travailleurs.

Nous gérons aussi une agence de formation industrielle, une ITA — pour Industry Training Authority, également dans le cadre d'une EMT, à l'intention des immigrants spécialisés dans 140 métiers et nous avons établi 1 591 points de contact avec les employeurs, fait 336 évaluations et placé 185 travailleurs. Enfin, nous gérons une ITA pour femmes, toujours dans le cadre d'une EMT, à l'intention des travailleuses spécialisées dans 140 métiers, et nous avons établi 1 079 points de contact avec des employeurs, fait 297 évaluations et placé 128 travailleuses.

Nous venons tout juste de signer un contrat avec go2, la ressource pour le tourisme en Colombie-Britannique, en vue de la mise en oeuvre d'un programme pilote de 18 mois visant à accélérer l'inclusion de travailleurs handicapés dans le secteur du tourisme et de l'accueil de la province. STEP a été choisi pour piloter ce programme et évaluer l'utilisation du modèle connecteur dans d'autres secteurs pour voir si nous pouvons répéter le succès remporté par le secteur des métiers en ce qui concerne le nombre de travailleurs placés.

Manley McLachlan, président, Association de la construction de la Colombie-Britannique : STEP est un programme pleinement évolutif pouvant s'adapter à l'infrastructure déjà en place sans qu'il soit constamment nécessaire d'engager des frais indirects. L'ouverture de bureaux dotés de personnel est un excellent atout de promotion du programme non seulement dans les régions urbaines, mais aussi dans les régions rurales éloignées où l'on trouve parfois de forts contingents d'immigrants qui n'ont pas accès aux services offerts et n'ont pas de connexion sur le marché du travail.

L'un des principaux problèmes rencontrés par STEP, ce sont les groupes démographiques restreints que les ententes relatives au marché du travail nous permettent actuellement de rejoindre. Notre bassin de clients se limite aux personnes qui ne touchent pas de prestations d'assurance-emploi et cela restreint le nombre de personnes qui peuvent créer des emplois. Sans ces critères de financement, nous aurions accès à tous les immigrants reçus et nous serions en mesure de recruter un plus grand nombre de personnes possédant déjà une expérience des métiers ou qui veulent apprendre un métier pour mieux faire face aux pénuries de main-d'œuvre qui s'annoncent en Colombie-Britannique

ISTEP a démontré l'avantage de faire participer les employeurs à la planification des ressources humaines, et les initiatives que nous avons lancées dans le cadre de STEP ont fait croître cet avantage. En confiant à la BCCA, une organisation représentant les employeurs, la direction du projet pilote ISTEP, nous avons réussi à rallier des employeurs à ce programme dès ses débuts. Ils ont vite réalisé que c'était une source incroyable de travailleurs qualifiés pour lesquels la demande ne cesse d'augmenter.

ISTEP a servi de pont entre l'offre et la demande dans l'équation du programme d'emploi. À notre humble avis, ce pont est un chaînon manquant dans la vaste majorité des programmes de ressources humaines partout au pays.

Il est impératif de maintenir ce genre de programme. Ces programmes aident les employeurs à faire face à la pénurie imminente de travailleurs spécialisés au Canada, ils servent l'intérêt supérieur du public. Il a été clairement démontré qu'ISTEP avait favorisé l'intégration de travailleurs immigrants dans le secteur de la construction. On nous a souvent rappelé que grâce à ce programme unique, le secteur de la construction avait donné l'exemple.

Les travailleurs et leurs familles ont grandement profité du succès d'ISTEP — nous en présentons quelques exemples à l'annexe B —, tandis que les employeurs ont également retiré des bénéfices en ayant accès à ce segment très compétent de notre population. Compte tenu du besoin imminent de nouveaux travailleurs pour remplacer les quelque 30 000 qui prendront leur retraite dans le secteur de la construction de la Colombie-Britannique, et compte tenu également de la nécessité de recruter près de 28 000 nouveaux travailleurs pour répondre à la demande de grands projets prévus pour les prochaines années, d'une valeur de près de 190 milliards de dollars, la Colombie-Britannique et le Canada auraient tout intérêt à ce que le gouvernement fédéral continue de financer ce genre de programme.

Pour conclure, n'est-il pas étrange que l'actuel système de points utilisé pour l'immigration soit discriminatoire à l'endroit de tous les travailleurs immigrants ayant une formation dans les métiers de la construction ou en gestion, alors qu'ISTEP a réussi à aider des professionnels à se trouver des emplois bien rémunérés dans le secteur de la construction?

James Bissett, membre du conseil consultatif, Centre pour la réforme stratégique de l'immigration : Mon exposé portera sur trois préoccupations. La première est celle de nos niveaux d'immigration trop élevés; la seconde a trait aux raisons pour lesquelles les immigrants qui arrivent au Canada aujourd'hui, et ce, depuis 1990, ne réussissent pas aussi bien que par le passé; la troisième concerne les raisons pour lesquelles je crois qu'une réforme urgente de notre politique d'immigration s'impose.

Nous avons le taux d'immigration par habitant le plus élevé de tous les pays du monde. L'Australie nous dépasse parfois, mais elle limite maintenant le flux des immigrants. Nous accueillons environ un quart de million d'immigrants chaque année. En outre, depuis près de 10 ans, nous accueillons un grand nombre de travailleurs temporaires étrangers. En 2009, nous avons accepté 178 000 travailleurs temporaires qui sont venus s'ajouter aux 226 000 qui étaient déjà ici. C'est un total d'environ 400 000 travailleurs temporaires et d'un quart de million d'immigrants. Par ailleurs, 30 000 ou 40 000 demandeurs d'asile arrivent au pays chaque année.

Il est fort peu probable qu'un grand nombre de ces travailleurs temporaires retournent chez eux. Il n'y a aucune forme de contrôle fédéral à leur sujet. Nombre d'entre eux sont autorisés à venir pour quatre ans. S'ils quittent leur emploi, l'employeur n'est pas tenu de le déclarer. Ils arrivent à Winnipeg aujourd'hui, mais ils peuvent très bien être à Montréal demain. Il n'y a aucun contrôle.

En outre, un grand nombre n'ont aucune compétence et occupent des emplois précoces chez McDonald's, Tim Horton, et cetera. Je crois que le programme devrait être surveillé et mieux contrôlé par le fédéral.

Nous avons toujours réussi à réglementer le nombre de travailleurs étrangers qui venaient au Canada par le passé. Nous avons vu ce qui est arrivé en Europe au début des années 1960 et 1970 avec les Gastarbeiter, quand des milliers de travailleurs temporaires ont envahi l'Allemagne, la France et d'autres pays européens. Quand les emplois ont disparu, les travailleurs sont restés. Ils sont toujours là-bas aujourd'hui, et ils créent de graves problèmes dans les villes européennes où ils forment une vaste classe marginale.

Je ne crois pas que nous devrions suivre ce modèle. Je crois que c'est un problème. Il n'y a ni coordination ni contrôle de ces arrivants au Canada. Songez en outre qu'il y a 950 000 immigrants dans le système qui attendent une autorisation, et que nous sommes tenus de les accepter parce qu'ils ont satisfait à tous les critères. Ce sont des chiffres démesurés. En effet, nous acceptons environ un demi-million d'immigrants chaque année, et trois villes en accueillent la majorité. Nous pourrions parler toute la journée des problèmes d'infrastructure et d'environnement que cela entraîne. C'est une sérieuse préoccupation.

Par ailleurs, rien ne justifie d'accepter autant de personnes. Toutes les études économiques — et j'ai joint une liste de ces études à mon exposé — montrent que l'immigration ne contribue pas sensiblement à l'économie. Des études récentes — et ces études sont mentionnées — ont démontré qu'avec une population de 34 millions de personnes nous ne devrions pas avoir à compter sur une main-d'œuvre étrangère. Très peu de pays dans le monde le font. C'est mon principal argument; nous acceptons trop d'immigrants trop rapidement. Cela a d'immenses conséquences démographiques au Canada, et personne ne s'en soucie.

Le gouvernement nous dit que nous avons besoin d'immigrants pour l'économie et la main-d'œuvre et parce que la population vieillit — ce dernier motif est un mythe. Aucun démographe au monde ne vous dira que l'immigration peut atténuer un problème de vieillissement. Si vous amenez un demi-million de personnes qui forment un groupe dont la structure démographique est identique à celle de votre population, vous ne soulagez pas le problème du vieillissement. Or, un grand nombre de nos immigrants sont des parents et des grands-parents. Récemment, l'Institut C.D. Howe a réalisé une étude à ce sujet et il a conclu qu'il faudrait attirer plusieurs millions de personnes chaque année pour influer sur le problème du vieillissement, mais les médias et, effectivement, le gouvernement continuent de perpétuer ce mythe.

Les gens supposent que les immigrants que nous choisissons ont des compétences, des métiers et des professions qui sont en demande au Canada. Cela n'est plus vrai. Dans les années 1990, nous avons cessé de choisir des professions en demande au Canada et commencé à sélectionner les immigrants en fonction de leur niveau d'instruction. Nous savons maintenant qu'un grand nombre de ces immigrants instruits ne trouvent pas d'emploi au Canada. Leurs titres et qualités ne sont pas reconnus.

Parmi ce quart de millions d'immigrants qui arrivent chaque année, 17 p. 100, soit environ 40 000, sont choisis parce qu'ils satisfont à nos critères de sélection. C'est le plus grave problème.

Comment se fait-il que nos immigrants n'arrivent pas à s'établir? C'est parce qu'ils ne sont pas bien choisis. Croyez- le ou non, nous ne rencontrons plus les demandeurs en entrevue. Ils sont si nombreux et le retard accumulé est si important que la demande d'un demandeur du Bangladesh est envoyée à London, où un agent subalterne procède à un examen des documents et prend une décision. Très peu de gens sont interviewés. Pouvez-vous imaginer un employeur canadien qui embaucherait quelqu'un sans l'avoir interviewé au préalable? À quoi cela sert-il? Ce sont là des personnes qui, selon nous, devraient pouvoir devenir des citoyens et s'intégrer à la vie canadienne, mais nous ne les rencontrons même pas. Cela est scandaleux.

À une certaine époque, tous les immigrants devaient subir une entrevue. Non seulement ils étaient interviewés, mais encore ils étaient conseillés; on leur parlait des perspectives d'emploi, de la région au Canada où ils pourraient s'installer et de ce qu'ils devraient faire de leurs familles. Ce processus a aujourd'hui disparu. On n'a pas le temps de les conseiller ni de les interviewer. C'est une question de nombre. C'est une véritable chaîne de montage.

Pourquoi? J'ai honte de le dire, mais c'est parce que tous les partis politiques appuient une migration de masse : ils y voient une source d'électeurs éventuels, des gens qui, une fois ici, peuvent être manipulés. Ils les considèrent comme des pions sur un échiquier. Cette attitude n'est pas bonne pour les immigrants ni pour le Canada.

Je suis très heureux que le Sénat ait décidé d'examiner cette question, parce que la Chambre des communes n'interviendra jamais. Pour un politicien, parler d'immigration c'est mortel. Ils ne veulent pas traiter de la question de l'immigration. Le Sénat sera peut-être en mesure de faire quelque chose, et c'est pour cette raison que je me réjouis des projets du comité.

En 2008, qui a exposé à la population britannique le scandale de l'immigration? C'est la Chambre des lords, et non pas la Chambre des communes. La Chambre des lords a réalisé une étude qui montrait que la Grande-Bretagne, qui a une population deux fois plus importante que la nôtre, acceptait 190 000 personnes, que cela était trop et que le gouvernement induisait les Britanniques en erreur au sujet de la nécessité de l'immigration pour des raisons liées à l'économie ou à la main-d'œuvre. Je crois que c'est l'une des questions les plus sérieuses auxquelles le Canada est actuellement confronté.

C'est un problème international. Il y a dans le monde trois milliards de personnes qui gagnent moins de 2 $ par jour. Ces personnes sont mobiles. Si nous ne contrôlons pas l'immigration, si nous la gérons mal, nous serons envahis, comme les États-Unis, qui comptent 12 millions d'immigrants illégaux.

Nous ne gérons pas efficacement l'immigration. Le gouvernement fédéral a renoncé à gérer l'immigration et il a délégué cette responsabilité à ses fonctionnaires, aux provinces et à d'autres intervenants. Il est temps que le fédéral fasse quelque chose. Il est temps de régler cette question, et j'aimerais que le Sénat agisse, car vous êtes la seule institution canadienne à pouvoir le faire.

Lori Wilkinson, professeure agrégée, Département de sociologie, Université du Manitoba, à titre personnel : Je remercie le comité de m'avoir invitée aujourd'hui.

Je tiens à signaler que mon exposé sera un peu plus optimiste que celui de mon collègue. Je vais d'abord parler des difficultés auxquelles les jeunes qui arrivent au Canada se heurtent à court terme, mais aussi de leurs taux de réussite à long terme.

Auparavant, je crois important de rappeler quelques faits avant d'entrer dans le vif du sujet. Premièrement, la population de migrants est jeune. À l'échelle internationale, pour plus de la moitié, les migrants franchissent les frontières avant leur 30e anniversaire. Au Canada, 57 p. 100 de tous les nouveaux arrivants entrent ici avant l'âge de 29 ans. Voilà pourquoi la connaissance des expériences d'entrée sur le marché du travail des membres de ce groupe a des répercussions importantes pour ce qui est de déterminer l'intégration économique de tous les immigrants.

Le second aspect est que les expériences initiales d'établissement sont le fondement de liens sains et à long terme, non seulement en ce qui a trait à l'économie, mais aussi aux autres facettes de la vie sociale et communautaire au Canada. Ceux qui ont une expérience d'établissement positive à l'arrivée sont plus satisfaits de leur nouvelle vie. Je traiterai aujourd'hui brièvement de quelques tendances observées chez les jeunes immigrants d'arrivée récente, dans les premières années d'intégration au marché du travail, de façon à obtenir une image de la santé globale des immigrants à long terme.

Dans les travaux de recherche que j'ai menés récemment avec mes collègues, nous nous sommes penchés sur les expériences d'intégration à court terme de plus de 2 500 immigrants de 15 à 29 ans sur une période de quatre ans. C'est ce qu'on appelle la période d'intégration à court terme, qui s'entend de l'adaptation socioéconomique et culturelle qui intervient au cours des trois à quatre premières années de l'établissement. C'est une période où une nouvelle langue est acquise, où des pratiques sociales sont apprises, où l'on trouve de l'emploi et que se forme un sentiment général d'établissement. Pour nombre d'entre eux, cette période se termine par l'acquisition de la citoyenneté canadienne.

Examinons d'abord la progression des jeunes immigrants dans le système scolaire canadien. Le niveau de scolarité est un bon prédicteur du succès futur sur le marché du travail, car, d'après la recherche, ceux qui ont obtenu un diplôme au Canada ont un taux d'emploi beaucoup plus élevé et sont plus susceptibles de travailler dans le domaine dans lequel ils ont été formés.

J'aimerais attirer votre attention sur le Tableau 1, à la page 2, qui montre leur transition dans le système scolaire quatre ans après leur arrivée au Canada. À remarquer que ceux qui sont arrivés entre 15 et 19 ans ont maintenant entre 19 et 23 ans.

S'ils progressent dans le système scolaire au même rythme que les Canadiens de naissance, plus de 80 p. 100 devraient avoir un diplôme d'études secondaires à cet âge. D'après nos calculs, 18 p. 100 seulement de ces nouveaux arrivants ont terminé leurs études secondaires et 19 p. 100 seulement suivent actuellement une formation postsecondaire

Parmi les groupes des plus âgés, qui ont maintenant de 24 à 34 ans, on s'attendrait à ce qu'ils aient à ce moment terminé leur formation postsecondaire. Au lieu de cela, nous constatons que quatre ans plus tard, 14 p. 100 seulement des 24 à 28 ans et 17 p. 100 des 29 à 34 ans ont un diplôme collégial ou un certificat d'études professionnelles, mais un tiers ont terminé un diplôme universitaire. Les autres, pour la plupart, ont décroché sans diplôme.

En quoi ces tendances concernant le niveau de scolarité influent-elles sur les perspectives d'emploi? D'après nos résultats, illustrés au Tableau 2, page 2, à peine six mois après leur arrivée, 54 p. 100 des jeunes travaillaient, mais que quatre ans après leur arrivée, 84 p. 100 des personnes de l'échantillon travaillaient, et cela, indépendamment des problèmes qu'ils pouvaient rencontrer en matière d'établissement, y compris les difficultés d'ordre linguistique.

Quelles sont leurs perspectives d'emploi quatre ans après l'arrivée? J'attire votre attention sur le Tableau 3, au haut de la page 3. On constate certains changements d'emploi, les jeunes ayant occupé en moyenne 2,4 emplois différents en quatre ans. Le nombre moyen de jours sans travail est d'à peine plus de trois mois pour les trois groupes, tandis que l'emploi à plein temps augmente avec l'âge, car 75 p. 100 des 25 à 29 ans, qui sont maintenant les 29 à 34 ans, ont un emploi à plein temps. Il y a toutefois une certaine insatisfaction à l'égard des conditions de travail : près du tiers de tous les jeunes étaient insatisfaits ou à la recherche d'un travail au moment de l'entrevue.

Passons maintenant aux expériences en matière de chômage. Les jeunes — qu'ils soient ou non nés au Canada, car j'englobe maintenant les jeunes nés ici — représentent près du tiers des personnes actuellement en chômage au pays. C'est un taux qui est 3,5 fois plus élevé que pour les adultes.

Aux États-Unis et au Royaume-Uni, d'après les données recueillies, les jeunes immigrants sont parmi les plus affectés par la récession. Les données récentes laissent entendre qu'être un immigrant ou un réfugié a un effet négatif important en matière de chômage; le taux de chômage chez les jeunes immigrants et réfugiés est approximativement deux fois plus élevé, et l'effet des récessions sur les jeunes est également important. Le travailleur qui arrive sur le marché du travail pendant une récession gagnera au cours de sa vie de 8 à 10 p. 100 de moins qu'une personne qui entre sur le marché pendant une période où l'économie est saine.

J'aimerais parler un moment de ce qui se passe à long terme, car il se produit une chose étonnante. Malgré les difficultés initiales, au cours des quatre premières années au Canada, les données réunies indiquent qu'à long terme la réussite sur le marché du travail est substantielle.

Pour ce qui est de l'intégration à moyen terme, c'est-à-dire de trois à 10 ans après l'arrivée, et à long terme, soit 10 ans après l'arrivée, nombre de ces jeunes migrants connaissent un niveau élevé de succès sur le marché du travail, comme en témoignait devant le comité M. Garnet Picot, la semaine dernière. Je crois fermement que, dans l'ensemble, d'après les données réunies, les jeunes immigrants réussissent leur intégration à long terme sur le marché du travail. Lorsqu'ils sont satisfaits de leur niveau d'instruction et de leur emploi, cela tend à déteindre sur d'autres aspects de leur vie sociale, communautaire, politique et familiale. Ceux qui ont un emploi intéressant et qui reconnaît leurs compétences et leur expérience tendent à être plus heureux et mieux adaptés et deviendront à long terme des citoyens plus mobilisés que ceux qui éprouvent des problèmes, à court terme.

D'après les données réunies, un petit nombre de jeunes immigrants éprouvent d'extrêmes difficultés à réussir à s'établir dans la société canadienne. Si nous examinons attentivement leur profil, nous constatons que ceux qui ont de la difficulté à l'école ou pour trouver du travail sont ceux qui sont les plus insatisfaits de leur vie au Canada.

Si ces problèmes sont dégagés et corrigés rapidement, surtout pendant les premières années de l'établissement, ces personnes sont plus susceptibles de se sentir engagées envers leur nouveau pays. Voilà pourquoi j'appuie ardemment nos politiques en matière de multiculturalisme et d'établissement. Elles ne sont pas parfaites, évidemment, et elles ont certainement besoin de certains ajustements.

Le simple fait qu'un petit nombre de nouveaux arrivants sont insatisfaits de leur vie au Canada ne signifie pas que nous devrions jeter tout simplement aux rebuts nos stratégies et programmes d'établissement. Ces politiques ont bien servi le Canada. Nous n'avons pas observé ici le mécontentement généralisé exprimé par les jeunes migrants désenchantés en Grande-Bretagne, en France, en Allemagne et ailleurs, précisément parce que nous avons au Canada un mode de vie considérablement plus ouvert aux différences culturelles, linguistiques, religieuses et ethniques que les autres sociétés. Cela ne nous met pas à l'abri des problèmes concernant la cohésion sociale, mais le fait de laisser entendre que ce que nous faisons actuellement est fondamentalement mauvais est signe de courte vue et n'est certainement pas appuyé par les preuves. Le Canada demeure un endroit de cohésion et d'accueil pour les migrants, et tout changement fondamental dans notre politique d'établissement et de multiculturalisme peut menacer notre coexistence pacifique.

Le vice-président : Merci beaucoup. Je vais maintenant donner la parole à mes collègues. La liste est longue, et je vais demander aux sénateurs de poser des questions claires et aux témoins, de donner des réponses directes.

Le sénateur Merchant : Soyez les bienvenus. J'aimerais essayer de voir ce que nous pouvons faire pour favoriser l'intégration de nos immigrants dans la vie économique et sociale du Canada. Nous savons que le système n'est pas parfait. J'aimerais essayer de cerner quelques-uns des problèmes.

Nos deux premiers témoins ont parlé du programme ISTEP. J'aimerais savoir s'il y a des différences dans la reconnaissance des titres de compétences entre les provinces et le gouvernement fédéral. Est-ce que les provinces suivent strictement les critères utilisés par le gouvernement fédéral pour accepter des immigrants? Est-ce qu'il y a une rupture à cet égard?

Deuxièmement, vous claironnez le succès du programme, mais est-ce que les immigrants ont des revenus comparables à ceux des travailleurs canadiens? Quelle est la situation? Nous savons que, souvent, les immigrants gagnent moins que les Canadiens.

M. McLachlan : La reconnaissance des titres de compétences est une question épineuse. Je ne dirais pas que c'est un problème entre les provinces et le fédéral. Je crois que la question tient surtout à l'accréditation des personnes qui ont été formées à l'étranger et à la reconnaissance des titres, que ce soit au niveau provincial ou fédéral. C'est un problème important. Permettez-moi de vous en donner un exemple et de décrire l'une des façons dont nous avons contourné le problème.

Un grand nombre d'ingénieurs arrivent au Canada, et nombre d'entre eux ont de la difficulté à faire reconnaître leurs titres de compétences. Au sein du programme, nous avons conseillé aux intéressés d'éliminer le mot « ingénieur » de leur curriculum vitae. Si vous êtes entrepreneur en installations mécaniques en Colombie-Britannique ou au Canada, vous embauchez rarement des ingénieurs.

Nous avons examiné les compétences que ces personnes apportent au Canada. Dans certains cas, par exemple, nous avons constaté qu'elles avaient des compétences en conception assistée par ordinateur. Ce sont des compétences très utilisées par les entrepreneurs. Nous avons pu placer ces personnes qui avaient le titre d'ingénieur dans des postes qui reconnaissent leurs compétences, mais elles n'ont pas été embauchées parce qu'elles étaient ingénieurs. La reconnaissance des titres étrangers continue de présenter un défi important, selon nous, et qui n'a pas été réglé.

Quant aux salaires, nous savons qu'ils sont équivalents à ceux des Canadiens. Dans mon exemple de l'ingénieur, notamment, cette personne touchait exactement le même salaire que la personne qu'elle remplaçait ou que ses collègues. Concrètement, nous ne voyons personne qui touche 10 $ de l'heure alors que les Canadiens gagnent beaucoup plus que cela.

M. Garon : C'est vrai, je le confirme.

Le sénateur Merchant : Est-ce que les employeurs reconnaissent les titres de compétences de leurs employés et est-ce qu'ils sont équitables lorsqu'ils placent leurs employés?

M. McLachlan : Oui. Nous essayons de proposer les compétences qui correspondent aux besoins du poste et de séparer cela de la reconnaissance des compétences. J'en reviens à mon exemple. Les employeurs sont à la recherche de compétences précises, et c'est l'essence même de notre programme. Grâce au processus d'évaluation qu'a décrit M. Garon, nous examinons les compétences que vous offrez.

À bien des égards, je crois qu'il est juste de dire que les titres sont mis de côté et que nous faisons plutôt valoir le demandeur et ses compétences. Les employeurs reconnaissent cela, et le succès de notre programme reflète l'appui des employeurs.

Le sénateur Merchant : Diriez-vous que parce que la majorité des immigrants viennent de pays où l'on ne parle ni l'anglais ni le français, les connaissances linguistiques constituent un problème? Si oui, que faites-vous pour les aider?

M. Garon : Nous le constatons. Nous essayons de leur faire suivre des cours d'anglais langue seconde. Pour pouvoir exercer un métier, ils doivent comprendre l'anglais et aussi le vocabulaire du métier, alors nous leur faisons suivre au besoin une formation avant de les présenter et de les intégrer au marché du travail. C'est souvent un problème.

Le sénateur Eaton : Monsieur Bissett, nous avons trop d'immigrants, d'après vous. Nous ne leur faisons pas passer d'entrevue. La majorité sont acceptés non pas parce qu'ils ont des compétences, mais parce qu'ils ont de la famille.

Politiquement, pensez-vous que le Canada pourrait annoncer que, disons à compter de 2017, il acceptera 50 000 immigrants par année et qu'il a l'intention de les rencontrer tous un à un? Est-ce que vous pensez que nous devons rencontrer toute la famille, ou le conjoint, pour voir s'ils sont prêts à adopter les valeurs canadiennes, c'est-à-dire l'égalité entre les sexes, la primauté du droit, les impôts, le droit de vote, et cetera? Que pensez-vous de cela?

M. Bissett : Je ne mettrais pas de chiffres précis. Par le passé, nous avons toujours géré l'immigration avec soin, je crois, et c'est une des raisons pour lesquelles les immigrants qui sont venus au Canada ont fait une telle contribution.

Toutefois, dans les années 1990, nous nous sommes écartés de cette voie et nous avons cessé de contrôler les chiffres. La Loi sur l'immigration adoptée en 2002 prévoit que quiconque répond aux critères de sélection sera accepté. Cela signifie que toutes les personnes qui présentent une demande et qui répondent aux critères doivent être acceptées. C'est pourquoi nous avons rapidement accumulé un retard de 900 000 demandes. La situation a été corrigée par le gouvernement en 2008.

Par le passé, nous contrôlions les chiffres grâce à la demande professionnelle. Si votre métier était en demande, vous étiez accepté. Si votre métier n'était pas en demande, même si vous répondiez bien aux critères, vous aviez un zéro pour la demande professionnelle et vous étiez refusé. Cela servait de thermostat pour ajuster l'immigration aux conditions du marché du travail.

Ce système a été abandonné et il a été remplacé par la philosophie du capital humain, qui veut qu'on accepte les immigrants même si la première génération doit éprouver des difficultés. La deuxième ou la troisième génération sera utile.

Je ne crois pas que ce système donne de bons résultats, et c'est la raison pour laquelle seulement quelques-uns des immigrants qui arrivent ici passent une entrevue et doivent satisfaire à des critères de sélection. Ils viennent ici parce qu'ils y ont déjà des parents, qu'ils sont parrainés par les provinces et les groupes de réfugiés. C'est une partie du problème.

Le vrai problème, c'est le contrôle des chiffres. Un ouvrier n'a aucun espoir d'être accepté en fonction des critères de sélection. Un bon menuisier ou un mécanicien ne passera pas : il n'a pas d'instruction. Donc, l'employeur n'a pas le choix, il doit le faire venir comme travailleur temporaire. C'est ce qui se passe, et il n'y a pas de contrôle.

C'est vrai que nous accueillons 500 000 nouveaux immigrants chaque année. Les programmes provinciaux de mise en candidature commencent à donner des résultats pour ce qui est d'extraire les immigrants de Montréal, de Toronto et de Vancouver. Le Manitoba accueille maintenant de 10 à 12 000 immigrants par année, et c'est très bien. Toutefois, le principal problème c'est que s'ils vont à Winnipeg, ils peuvent prendre l'avion pour Vancouver le lendemain. Il n'y a aucun contrôle. Au Québec, nous avons constaté que sur dix investisseurs qui entrent au Canada dans le cadre du programme d'investissement parce qu'ils répondent aux exigences du Québec, sept ne se rendent même pas au Québec. Ils s'installent ailleurs, surtout à Vancouver.

Je crois que nous devons revenir à la raison d'être de l'immigration. Nous avons un pays formidable. Des millions de personnes veulent venir ici. Choisissons les meilleures.

L'Australie, par exemple, n'a aucun problème de reconnaissance professionnelle provinciale. Vous ne pouvez pas entrer en Australie si vous ne répondez pas aux exigences des États. Si vous le faites, vous pouvez entrer.

Nous laissons entrer des milliers de professionnels du Pakistan et du Bangladesh. Ils reçoivent une excellente note pour l'instruction dans les critères de sélection. Ils ont 12 années de scolarité, alors ils ont droit à 12 points. Un diplômé d'Oxford qui a fréquenté l'école pendant 12 ans a droit à la même cote. Pourtant, les normes d'instruction au Pakistan et dans le monde en développement en général ne correspondent pas aux normes canadiennes. Le principal problème, c'est qu'ils ne répondent pas aux normes.

L'institut de l'éducation de Shanghai évalue les universités. Parmi les 500 meilleures au monde, le Canada affiche 22 universités à ce palmarès, alors qu'il n'y en a que 23 pour l'ensemble du monde en développement. C'est le fond du problème en matière de reconnaissance professionnelle dans les provinces. En 2028, s'il nous faut 50 000 immigrants, nous en accepterons 50 000, et s'il nous en faut 150 000 ou 200 000, pas de problème. L'essentiel, c'est d'accepter des immigrants qui sont en mesure de réussir dès la première année.

En 1985, j'avais un budget d'environ 18 millions de dollars pour aider les immigrants qui éprouvaient des difficultés au cours de la première année. Ils pensaient y arriver dès la première année. En 2010-2011, le ministère a un budget de 700 millions de dollars pour aider les nouveaux immigrants. Pourquoi mettons-nous de côté près d'un milliard de dollars? C'est à eux de nous aider. C'est la raison pour laquelle nous les accueillons.

Le sénateur Demers : Les chiffres sont exacts, du moins il faut l'espérer. Nous parlons d'environ 428 000 personnes. Si le Canada est ce qu'il est aujourd'hui, c'est dans une large mesure grâce aux immigrants. Ils ont amélioré notre pays et ils nous ont aidés à bâtir le pays que nous avons d'aujourd'hui. J'en suis convaincu.

Toutefois, si nous perdons la trace de 428 000 personnes par année — parce que vous avez dit que 178 000 travailleurs temporaires restent généralement ici —, c'est plus de quatre millions de personnes en 10 ans. Dix années, c'est vite passé. Nous perdons le contrôle. Je n'ai rien contre les immigrants, comme je l'ai dit, mais il faut savoir ce qui se passe. Aujourd'hui, ça va, mais nous le regretterons dans 10 ans. Nous devons réfléchir à la priorité que nous voulons accorder aux emplois pour les Canadiens. J'espère que c'est ainsi que nous pensons.

Je vis au Québec, où la criminalité est élevée. Ces jeunes n'ont pas pu trouver d'emplois. Certains fréquentent l'université, ils vont à McGill, et ils obtiennent de bons emplois. Nous devrions être très fiers d'eux. Il y en a aussi qui ne veulent pas travailler, qui veulent se la couler douce dans notre pays et qui ne respectent pas nos lois. Si la situation nous échappe et que ne faisons rien à ce sujet, nous allons avoir de gros ennuis. Je ne serai peut-être plus là, mais j'ai quatre enfants et je pense à eux.

Je ne veux pas manquer de respect aux immigrants; j'ai des amis qui ont immigré il y a 25 ans et ce sont des gens merveilleux. Mais si nous ne contrôlons pas la situation, nous aurons de sérieux ennuis.

M. Bissett : C'est ce que je voulais dire; nous ne la contrôlons pas. Nous commettons la même erreur que les Européens. Aucun pays européen n'avait de programme d'immigration. Ils disaient toujours « Nous ne sommes pas des pays d'immigration. » Ils ont refusé de reconnaître qu'ils accueillaient des milliers d'immigrants, surtout de Turquie et d'Afrique du Nord, surtout des musulmans qui sont venus en Allemagne, en France, en Suisse et au Danemark pour une raison quelconque, sans aucun contrôle, et ils se sont réveillés avec le problème qu'ils ont aujourd'hui.

Ce n'est pas par accident qu'Angela Merkel, la chancelière allemande, a déclaré l'échec du multiculturalisme en Allemagne. Ce n'est pas par erreur que David Cameron, le premier ministre britannique, a dit que le multiculturalisme en Angleterre ne fonctionnait pas. Il ne fonctionne pas parce qu'ils ont des milliers et des milliers de personnes qui sont entrées dans le pays et qui n'ont pas de travail, qui ont formé des ghettos et qui ne veulent pas s'intégrer à la société en général.

Le Danemark a finalement pris son programme en mains parce qu'un jour, au cabinet, le ministre des Finances a dit au ministre de l'Immigration : « Écoutez, 90 p. 100 du budget de l'aide sociale est consacré à 2 p. 100 de la population. Tous ces musulmans sont venus comme demandeurs d'asile et travailleurs temporaires et ils vivent très confortablement de l'aide sociale au Danemark, et nous ne pouvons pas continuer ainsi sans couper dans d'autres programmes essentiels. »

Le président : Nous devons passer à un autre point, mais je crois que nous avons bien compris, monsieur Bissett.

Mme Wilkinson : Le multiculturalisme est un échec dans des pays comme l'Allemagne et le Royaume-Uni parce qu'ils ont un système d'intégration qui ne donne pas de bons résultats. Cela ne reflète pas ce que nous faisons au Canada. En Allemagne, par exemple, jusqu'à tout récemment, vous ne pouviez pas devenir citoyen avant la troisième génération, celle des petits-fils et des petites-filles d'immigrants. Vous parlez de groupe s de gens qui sont marginalisés pendant toute leur vie. Nous n'avons pas cela ici. C'est pourquoi les taux de criminalité des jeunes immigrants sont sensiblement plus faibles que ceux des jeunes nés au Canada.

Certains jeunes ont des problèmes, et cela trouve un écho dans les journaux, mais l'ampleur de ces problèmes est largement exagérée.

Le sénateur Callbeck : Bienvenue à tous. Monsieur Garon, monsieur McLachlan, vous avez parlé d'ISTEP, le premier programme, et il semble profiter à tous. Si j'ai bien compris, il a commencé en juin 2006 et il s'est terminé en 2008. Puis je crois que vous avez parlé de projets futurs. Est-ce que le programme existe encore? Le financement a disparu, n'est-ce pas?

M. McLachlan : Je précise. ISTEP était un projet pilote qui était financé par le Programme de reconnaissance des titres de compétences étrangers, à RHDCC. Le financement initial était de trois ans et il a été prolongé de 18 mois, compte tenu de difficultés au sujet de la viabilité.

Nous avons pu maintenir le concept, l'idée, en trouvant un financement auprès de la Colombie-Britannique, qui gère les fonds de l'EMT transférés à la province. C'est toutefois devenu un volet d'une initiative plus vaste que nous appelons simplement STEP.

Une partie de ce programme vise en quelque sorte l'intégration des immigrants. C'est une initiative de formation professionnelle des immigrants appelée ITTI, un acronyme pour Immigrant Trades Training Initiative. Nous avons pu maintenir le concept, mais le programme ne cible plus les immigrants. Comme l'a dit M. Garon dans ses commentaires, nos chiffres sont encore solides, mais ils sont inférieurs à ceux que le projet initial a obtenus.

Le sénateur Callbeck : Cela me semble être un excellent programme. Combien est-ce qu'il en coûterait par personne pour aider quelqu'un à s'intégrer à l'industrie du bâtiment? En avez-vous une idée?

M. Garon : Je peux vous répondre. Il y a deux volets à ma réponse : le coût et le rendement de l'investissement. Le coût moyen pour une personne inscrite au programme est d'environ 5 000 $. Cela comprend l'évaluation initiale, la formation préliminaire, la sélection et le recyclage nécessaires pour trouver un emploi.

Le rendement de l'investissement, sur le plan financier, est que nous prenons quelqu'un dans le marché actuel qui n'a pas droit à l'assurance-emploi, qui ne travaille pas et qui est sans emploi depuis trois ans. Avec un investissement de 5 000 $, nous lançons cette personne dans une carrière dans le secteur du bâtiment, et nous la suivons.

Le sénateur Callbeck : Merci.

Monsieur Bissett, vous avez dit que l'un des problèmes était l'éducation, parce qu'au Pakistan, par exemple, elle ne répond pas à nos normes. Que pouvons-nous faire à ce sujet?

M. Bissett : Je dirais qu'il faut imiter l'Australie et simplement dire : « Si vous venez ici à titre d'ingénieur, d'architecte ou de comptable, comme ce domaine ne relève pas vraiment du gouvernement fédéral, quand vous arriverez dans la province vous constaterez que vous ne pouvez pas exercer. Vérifiez si vos compétences répondent aux exigences provinciales en matière d'agrément avant de venir, sinon vous serez refusé. »

En passant, les agents disent cela à tous les professionnels qui arrivent ici, ou du moins ils le leur disaient. Je ne sais pas si on continue de les avertir, mais ils viennent toujours.

C'est un grave problème. Je salue les efforts déployés pour améliorer les compétences des immigrants qui arrivent ici, mais cela coûte cher. Il y a une foule d'immigrants en Chine et en Inde qui répondent à toutes nos exigences, mais ce ne sont pas nécessairement ceux qui viennent ici. Il faut savoir si nous avons vraiment besoin d'eux.

L'industrie du bâtiment dit qu'elle a besoin de menuisiers, de plombiers et d'électriciens, mais ces travailleurs ne peuvent pas venir ici parce que nous sélectionnons des immigrants très instruits dans les pays en développement, des immigrants qui n'ont aucun moyen de faire reconnaître leurs titres de compétences ici ni de trouver du travail.

M. McLachlan : Je voulais en revenir à cela. Je crois qu'une solution serait notamment d'examiner et de réaménager tout le système de points. Nous avons pris quelques conseillers en emploi, notre personnel, et nous avons utilisé ce filtre, si vous voulez, et aucun d'entre eux n'aurait réussi à venir au Canada. C'est un changement important qui aurait une incidence sur l'ensemble du régime d'accréditation; ce serait une solution.

M. Bissett : Dans l'ancien système, nous acceptions un grand nombre de travailleurs qualifiés, et ils trouvaient immédiatement du travail. Les professions, c'est différent; c'est beaucoup plus compliqué parce que les exigences en matière d'agrément relèvent des provinces.

Le sénateur Callbeck : Ils trouvaient immédiatement du travail.

On nous a dit, il y a quelques jours, que dans les années 1960 et 1970, quand les immigrants arrivaient on les payait en fonction de leur expérience. Dans le projet dont vous avez parlé, je le sais, vous avez dit qu'ils touchaient la même chose que les Canadiens. Toutefois, un témoin nous a dit que ce n'était pas le cas. C'était vrai dans les années 1960 et 1970, mais plus maintenant.

M. Bissett : Je n'ai pas entendu ce témoignage. Le témoin parlait peut-être des immigrants en général. Toutes les études récentes montrent que depuis 1990, les nouveaux arrivants n'ont pas le même niveau de revenu que les immigrants d'autrefois, et certainement pas que les Canadiens. Une étude récente de Patrick Grady, de Global Economics, montre que cette situation se perpétue pour la deuxième génération d'immigrants; ils ne sont pas rémunérés comme ils le devraient.

C'est en partie parce que, dans les années 1960 et 1970, nous choisissions des immigrants qui avaient été interviewés à l'étranger par des agents expérimentés, qui connaissaient bien l'économie canadienne et qui venaient souvent ici pour rencontrer des représentants des entreprises canadiennes et des industries du bâtiment, qui savaient quels types de travailleurs étaient en demande. Ils les conseillaient. Si c'était un rembourreur, par exemple, il lui indiquait une région où il y avait une pénurie. Cela ne se fait plus. Tout se ramène à une question de chiffres aujourd'hui. C'est une chaîne de montage; il faut atteindre les cibles.

Le sénateur Callbeck : Les entrevues individuelles ne se font plus. C'est bien cela?

M. Bissett : Il y en a très peu. Comme je l'ai dit, si vous êtes un immigrant du Bangladesh, vos documents sont envoyés à London, où ils sont examinés. Vous voyez les conséquences que cette absence d'entrevue peut avoir sur le plan de la sécurité. Vous voyez les problèmes d'assimilation. À une certaine époque, nos agents avaient l'autorité voulue pour accepter quelqu'un même si cette personne ne répondait pas aux critères. En entrevue, l'agent pouvait voir que le candidat s'en tirerait bien à Toronto et qu'il trouverait du travail en quelques jours, par exemple, parce qu'il avait l'esprit d'initiative et de la détermination et que c'était le genre de personne que les employeurs recherchaient.

Cet agent avait aussi le pouvoir de dire : « Cette personne, malgré toutes ces qualifications, ne trouvera pas de travail. Aucun employeur au Canada n'en voudra. » Il avait le pouvoir de refuser quelqu'un. Cette discrétion lui a été retirée. Les qualités personnelles qui comptaient tant dans le processus de sélection ne sont plus considérées, et l'accent porte maintenant sur le niveau d'instruction.

[Français]

Le sénateur Champagne : Je voudrais revenir sur le sujet de la reconnaissance des diplômes que vous avez touché tous les quatre. C'est une décision qui, souvent, relève du gouvernement provincial. Je pense que c'est un des points qu'il nous faudra essayer de faciliter. Une des choses qui m'attristent et me mettent en colère, c'est lorsque je suis dans un taxi et que je m'aperçois que le chauffeur est un ingénieur, un médecin, mais qui doit, pour réussir à nourrir sa famille, conduire un taxi.

On sait qu'au Québec, particulièrement, nous avons une pénurie de médecins et d'infirmières, et plus particulièrement de médecins de famille. Pourquoi? Parce que le nombre d'étudiants admis dans les facultés de médecine chaque année a été diminué et que, très souvent, ceux qui sont admis vont vers des spécialisations et snobent un peu la médecine familiale. De nos jours, environ quatre ou cinq Québécois sur dix essaient désespérément de se trouver un médecin de famille.

Un autre problème c'est qu'il n'y a que très peu de ce qu'on appelle les MDE — médecin diplômé à l'étranger — qui sont acceptés chaque année dans les différents hôpitaux universitaires. Nous avons des gens qui seraient sans doute très heureux de devenir des médecins de famille avec une certaine expérience, mais ces gens doivent conduire un taxi pour nourrir leur famille. Je pense que c'est un problème énorme. Si le problème de la reconnaissance des diplômes existe dans le domaine de la construction, il existe tout autant dans le domaine de notre système de santé.

Monsieur Bissett, madame Wilkinson, vous faites probablement partie des gens les plus aptes à nous faire des suggestions; comment pouvons-nous inciter nos gouvernements provinciaux, et particulièrement celui du Québec — puisqu'il a la mainmise sur une partie de son immigration —, à être un peu plus généreux face à ces médecins diplômés à l'étranger pour leur permettre de combler les besoins criants de nos hôpitaux et cliniques?

[Traduction]

Mme Wilkinson : C'est un excellent point. J'ignore si le comité a entendu le point de vue du Bureau d'orientation relatif aux titres de compétences étrangers. Il y a 12 professions, cette année, et je pense que neuf autres s'ajouteront l'an prochain. Le bureau travaille avec les organisations professionnelles pour essayer de reconnaître les titres de compétences étrangers; il s'agit notamment de la médecine.

La première étape consiste à collaborer avec les associations professionnelles, mais de façon à ce que les nouveaux arrivants ne présentent pas une menace pour les professionnels formés au Canada, compte tenu de la disponibilité des emplois et des barèmes de traitement. On craint toujours de former trop de professionnels, ce qui ferait baisser la rémunération. Cela pourrait signifier un certain investissement de la part des provinces également.

Au niveau fédéral, au niveau des provinces et, certainement, au niveau des organisations communautaires, on reconnaît qu'il s'agit d'un problème.

Je veux dire aussi que nous n'en faisons peut-être pas assez pour sensibiliser les gens au fait que le recyclage est plus économique. Quelqu'un qui arrive du Pakistan n'a peut-être pas le niveau de compétences que nous exigeons ici dans une profession donnée, mais il est plus facile de le recycler que de former un Canadien né ici. Nous savons que l'éducation est subventionnée à hauteur d'environ 55 p. 100. Autrement dit, les étudiants à l'université paient 45 p. 100 de ce qu'il en coûte vraiment pour les former, quelle que soit la discipline. Nous ferions des économies si nous mettions ces compétences à niveau. Par ailleurs, nous aurions aussi l'avantage d'avoir des immigrants mieux intégrés et plus heureux au Canada, parce qu'ils ne conduiraient pas un taxi.

[Français]

Le sénateur Champagne : Les Canadiens n'auraient alors pas à inscrire leur nom sur une liste d'attente et attendre qu'un médecin de famille les appelle pour leur dire qu'il pourra les prendre comme patients; il prendra telle personne, mais non telle ou telle autre. On s'inscrit sur une liste d'attente pour avoir un médecin de famille comme on le fait pour inscrire son enfant à une garderie.

[Traduction]

Le sénateur Martin : Merci de cette discussion très stimulante.

Février est le Mois de l'histoire des Noirs, et on nous rappelle les contributions que les Canadiens de race noire ont apportées au Canada, les contributions des Canadiens d'origine chinoise, qui ont collaboré à la construction du chemin de fer, et même le fait que les descendants de ces Chinois qui sont nés au Canada n'ont eu droit à la citoyenneté qu'après avoir servi à la guerre et prouvé leur loyauté envers le Canada. Je songe aux nombreuses contributions des immigrants et au succès du multiculturalisme canadien, relativement à la situation des autres pays dont vous avez parlé.

C'est vrai, il faut mettre en œuvre des réformes qui renforceront notre système et qui nous donneront le contrôle nécessaire.

Est-ce que c'est une question de principe? Est-ce que nous devons réfléchir à la raison d'être de l'immigration? Est-ce que l'immigration présente des avantages uniquement pour le Canada, ou est-ce une relation, un échange, comme dans une salle de classe — j'ai enseigné pendant 21 ans — où les élèves qui ont une déficience ou qui sont autistes sont intégrés à la classe. Oui, c'était parfois difficile pour moi, comme enseignante, mais les élèves ont bénéficié de la diversité dans la classe. C'était une relation, avec des hauts et des bas.

Je me demande, compte tenu de la conversation que nous avons aujourd'hui, sur les avantages et les défis liés à l'immigration, s'il importe d'envisager sérieusement une réforme ciblée.

N'hésitez pas à parler de mesures précises, et vous en avez mentionné quelques-unes déjà, que nous devons examiner ensemble. Les avantages et les défis sont nombreux. En tant que pays, nous devons examiner la responsabilité que nous avons quand nous invitons des immigrants et que nous profitons de leur argent — s'ils viennent comme investisseurs — et de leur dur labeur. Nous devons aussi examiner ce que nous pouvons faire, collectivement, pour améliorer notre système.

Si vous avez des recommandations précises à nous faire, n'hésitez pas.

M. McLachlan : D'après notre expérience, je suis parfaitement d'accord avec vous. Les avantages ne se limitent pas à la personne. Nous reconnaissons que quand nous aidons une personne, toute sa famille en profite aussi.

Pour que notre mosaïque fonctionne, ici, nous devons régler ces questions, et je suis certain qu'il existe des solutions.

M. Bissett : Je suis d'accord avec le sénateur Demers; nous entrons dans le XXIe siècle les yeux fermés. Nous avons près d'un million d'immigrants que nous avons acceptés pour éliminer le retard accumulé; nous en laissons entrer 500 000 par année. Il n'y a aucune coordination avec les provinces, aucune sélection des candidats à l'immigration.

La structure démographique du Canada se modifie presque instantanément, et cela se produit sans aucune discussion avec la population ni au Parlement. Dans les médias, les reportages sur l'immigration sont toujours présentés comme s'il fallait être pour ou contre les immigrants, et cela ne nous aide vraiment pas.

Le groupe que nous avons créé n'est pas opposé à l'immigration; nous disons simplement que le système s'est emballé et que nous devons mieux le contrôler avant qu'il ne soit trop tard.

Le vice-président : Je remercie infiniment tous nos témoins. La discussion a été très dynamique, et vous avez abordé de nombreuses questions importantes.

J'attire votre attention sur les dossiers que le gouvernement gère relativement à plusieurs des points que vous avez soulevés. Je crois qu'au moins cinq des projets de loi qui ont été déposés à la Chambre traitent de certains des aspects que vous avez mentionnés. J'espère que nous réaliserons des progrès dans ce domaine.

Je remercie encore une fois nos témoins : M. Bissett, du Centre pour la réforme stratégique de l'immigration, M. McLachlan et M. Garon, de l'Association de la construction de la Colombie-Britannique, et Mme Wilkinson, à titre personnel.

J'aurais voulu pouvoir examiner avec vous certaines questions d'ordre syndical ou autre auxquelles vous vous heurtez dans l'administration de votre intéressant programme, mais, malheureusement, nous n'avons plus le temps. Merci d'être venus.

Chers collègues, nous allons commencer la deuxième partie de notre séance avec nos prochains témoins. De Citoyenneté et Immigration Canada, nous accueillons Mme Corinne Prince-St-Amand, directrice générale, Bureau d'orientation relatif aux titres de compétences étrangers, et de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, RHDCC, M. Jean-François LaRue, directeur général, Intégration au marché du travail.

La séance se terminera à 12 h 30. Je demande à Mme Prince-St-Amand de bien vouloir commencer.

[Français]

Corinne Prince-St-Amand, directrice générale, Bureau d'orientation relatif aux titres de compétences étrangères, Citoyenneté et Immigration Canada : Je tiens à remercier le comité pour cette occasion de vous donner un aperçu du Bureau d'orientation relatif aux titres de compétences étrangères, et des initiatives que nous menons présentement qui aident les travailleurs formés à l'étranger à mieux s'intégrer au marché de travail canadien.

[Traduction]

Vous reconnaissez tous que l'immigration a été et demeure essentielle pour la croissance et la vitalité économique du Canada. En 2009, le Canada a accepté 95 000 travailleurs qualifiés au volet fédéral. En outre, nous avons accueilli plus de 30 000 demandeurs provinciaux, par l'entremise des divers programmes provinciaux de mise en candidature.

Le Bureau d'orientation relatif aux titres de compétences étrangers que je dirige, le BORTCE, a été créé en mai 2007. Il a pour mandat de fournir aux travailleurs étrangers qualifiés des services d'information, d'orientation et de renvoi, pour qu'ils puissent faire reconnaître leurs titres de compétences le plus rapidement possible et trouver un emploi dans leur domaine. Les services du BORTCE sont offerts au Canada, mais aussi à l'étranger, avant l'arrivée. Nous travaillons de concert avec nos partenaires fédéraux, avec les provinces et territoires, les organismes de réglementation, les agences d'évaluation des titres de compétences et les associations industrielles ainsi qu'avec les employeurs pour que les efforts de reconnaissance des titres et qualités étrangers soient complémentaires, se chevauchent aussi peu que possible et s'appuient sur les services existants offerts aux travailleurs formés à l'étranger.

Lors de séances antérieures, vous avez entendu le témoignage de Ratna Omidvar, de la Maytree Foundation. C'est une de nos partenaires actuelles.

De nombreux intervenants participent à la reconnaissance des titres de compétences étrangers, et vous avez pu constater ce matin à quel point notre domaine est complexe. Au Canada, vous le savez, ce sont les provinces et les territoires qui sont chargés, par l'entremise des organismes de réglementation, d'évaluer et de reconnaître les titres de compétences.

Au Canada, plus de 440 organismes de réglementation régissent plus de 55 professions. On compte également plus de 200 établissements d'enseignement postsecondaire accrédités qui évaluent les diplômes en vue d'une inscription dans un établissement d'enseignement et cinq organismes d'évaluation mandatés par les provinces qui évaluent les diplômes en vue d'une inscription dans un établissement d'enseignement ou de l'entrée sur le marché du travail. Les intervenants sont donc nombreux. Si l'on tient aussi compte des employeurs, il y a des milliers d'intervenants.

Le BORTCE s'efforce de régler certaines de ces complexités par diverses initiatives, au Canada et à l'étranger, notamment la création d'un site web, la transmission d'information aux intéressés avant leur arrivée au Canada, l'appui à des projets novateurs et à des partenariats ainsi que des programmes de mentorat.

J'aimerais mentionner quelques-unes de ces initiatives pour vous donner une idée de notre mandat.

[Français]

Nous collaborons avec nos partenaires fédéraux de RHDCC et de Santé Canada ainsi qu'avec nos collègues provinciaux afin de mettre en œuvre le Cadre pancanadien d'évaluation de la reconnaissance des qualifications professionnelles acquises à l'étranger.

Mon collègue de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, M. Jean-François LaRue, vous fournira plus de détails au sujet du cadre et de sa mise en œuvre.

[Traduction]

Sénateur Martin, vous avez participé au lancement du cadre, en novembre 2009, à Vancouver. Vous connaissez sans doute bien le cadre dont M. LaRue va bientôt nous parler.

Tandis que nous travaillons avec nos collègues fédéraux, provinciaux et territoriaux ainsi qu'avec de nombreux intervenants à la mise en oeuvre du cadre, le BORTCE joue un rôle de leadership en ce qui a trait à toutes les questions liées aux initiatives précédant l'immigration et se déroulant à l'étranger. À l'étranger, le BORTCE offre une plateforme aux gouvernements, aux employeurs et aux organismes d'accréditation pour accélérer le processus d'accréditation et ainsi favoriser la réussite plus rapide des travailleurs formés à l'étranger qui entrent sur le marché du travail.

M. Bissett a dit que les nouveaux arrivants ne recevaient aucun counselling. Je tiens à vous parler des services outre- mer financés par le BORTCE. Nous offrons des services de counselling et d'information. Nous mettons les intéressés en contact avec les employeurs, et ils trouvent des emplois avant de quitter leur pays d'origine.

Ce programme est exécuté par l'entremise du Programme canadien d'intégration des immigrants, le PCII. Il est géré dans le cadre d'une entente de contribution avec l'Association des collèges communautaires du Canada, l'ACCC. Le PCII fournit aux travailleurs qualifiés fédéraux et aux candidats provinciaux ainsi qu'à leurs époux ou conjoints de fait et aux adultes à leur charge des séances d'orientation en groupe auxquelles la participation est volontaire. Les demandeurs peuvent aussi assister à des séances de planification offrant des conseils personnalisés et de l'aide relativement à l'évaluation des titres de compétences, au perfectionnement professionnel et linguistique et à la recherche d'emploi.

Grâce à ce projet, nous avons pu tester au cours de la dernière année quelques examens de réglementation en Inde pour les professions juridiques. Il est très innovateur d'aller réaliser l'évaluation préalable outre-mer pour que les intéressés puissent commencer à travailler le plus rapidement possible après leur arrivée au Canada.

Nous avons actuellement des bureaux en Chine, en Inde et aux Philippines, et un bureau devrait ouvrir sous peu au Royaume-Uni. Le bureau de Londres offrira des services itinérants dans les îles britanniques, au Moyen-Orient et en Scandinavie. Le PCII a une portée considérable. En raison de l'emplacement des quatre pivots et du fait que les services sont offerts aux pays voisins, les services pourraient être offerts dans 25 pays. En fait, avec ce modèle, le PCII a la possibilité d'atteindre 44 p. 100 de tous les candidats des provinces et 70 p. 100 des travailleurs qualifiés au volet fédéral à l'échelle mondiale.

Les statistiques de ce programme sont très encourageantes; 93 p. 100 des personnes qui ont suivi cette session de deux jours dans leur pays d'origine ont trouvé du travail au Canada dans les six mois suivant leur arrivée. Mieux encore, 73 p. 100 de ces 93 p. 100 ont trouvé du travail au cours des trois premiers mois. Je pourrai vous exposer les cas de certaines de ces personnes un peu plus tard. Cela montre que les interventions avant l'arrivée sont efficaces.

Au Canada, le BORTCE offre d'importants services aux travailleurs formés à l'étranger afin de les aider à naviguer à travers les processus canadiens de reconnaissance des titres de compétences et à intégrer rapidement le marché du travail. Ces services sont offerts en personne aux clients partout au pays, dans les 329 guichets de Service Canada et 245 points d'information, ainsi que par téléphone, par l'intermédiaire de la ligne sans frais de Service Canada. Au 31 octobre 2010, Service Canada avait reçu plus de 84 000 visites et 11 000 appels, la plupart de ces appels provenant de l'étranger.

Les renseignements sur la reconnaissance des titres de compétences étrangers sont également affichés sur notre site web. Nous vous avons remis des copies de la Feuille de route de l'employeur : Pour l'embauche et le maintien en poste de travailleurs formés à l'étranger, qui se trouve également sur le site. Cette feuille de route aide les employeurs à comprendre le système pour décider si un travailleur temporaire ou permanent est la meilleure solution pour eux et déterminer comment les aider à faire reconnaître leurs titres de compétences et comment les retenir dans leur entreprise.

Nous avons aussi distribué notre guide intitulé Vous voulez travailler au Canada? Un guide essentiel pour les nouveaux arrivants, qui a été réalisé pour aider les immigrants à s'orienter dans le système. Le guide s'adresse aux particuliers, et la feuille de route, aux employeurs. La feuille de route a été produite en collaboration avec l'Alliance des conseils sectoriels, l'ACS.

Que fait le gouvernement fédéral pour allier le geste à la parole? En octobre dernier, le ministre Kenney a lancé le Programme fédéral de stages pour les nouveaux arrivants. Ce programme, mis sur pied avec RHDCC et Citoyenneté et Immigration Canada, a été élargi et englobe maintenant 11 ministères fédéraux. Il permet aux nouveaux arrivants d'acquérir jusqu'à huit mois d'expérience de travail dans un ministère fédéral et il comporte un volet mentorat. L'an dernier, nous avons reçu 1 200 candidatures — une énorme demande — pour les 11 ministères participants et nous avons été en mesure d'offrir 65 occasions de travail à ces stagiaires.

Le programme est régi par la demande. Un ministère doit signaler son intention d'accepter un stagiaire, puis nous évaluons les candidatures et nous trouvons le stagiaire qui convient.

Le gouvernement ne peut pas relever seul le défi de la reconnaissance des titres de compétences étrangers. Il nous faut collaborer pour progresser, élaborer des initiatives qui joueront un rôle essentiel à l'appui de la reprise économique et pour favoriser la croissance future du pays ainsi que pour donner aux immigrants les outils et les services nécessaires pour commencer le processus d'évaluation et d'accréditation alors qu'ils sont encore dans leur pays d'origine.

[Français]

Jean-François LaRue, directeur général, Intégration au marché du travail, Ressources humaines et Développement des compétences Canada : Monsieur le président, je m'appelle Jean-François Larue, je suis le directeur général de l'intégration au marché du travail à Ressources humaines et Développement des compétences Canada.

[Traduction]

J'aimerais remercier les membres du comité de me donner l'occasion de participer à leur étude sur l'intégration des immigrants, plus particulièrement en ce qui a trait à la reconnaissance des titres de compétences et les programmes de formation de transition. Ma direction est chargée de réduire les obstacles à la mobilité de la main-d'oeuvre auxquels doivent faire face les Canadiens qui exercent une profession réglementée lorsqu'ils passent d'une province à une autre, ainsi que les travailleurs formés à l'étranger qui tentent de s'intégrer à l'économie canadienne.

Aujourd'hui, j'aimerais faire le point avec les membres du comité sur l'important travail qu'accomplit RHDCC pour surmonter les obstacles systémiques — et je souligne qu'il s'agit d'obstacles systémiques, parce que notre rôle est différent de celui de Citoyenneté et Immigration Canada, qui travaille avec les particuliers tandis que nous travaillons au niveau des systèmes — à l'intégration au marché du travail des immigrants ainsi que montrer que ce travail est distinct, mais complémentaire, du rôle que jouent Citoyenneté et Immigration Canada, par l'intermédiaire du Bureau d'orientation relatif aux titres de compétences étrangers, et Santé Canada, par l'intermédiaire de l'Initiative relative aux professionnels de la santé formés à l'étranger.

Ma collègue, Mme Prince-St-Amand, vous a expliqué le travail du BORTCE, et je vais parler du Programme de reconnaissance des titres de compétences étrangers, le PRTCE.

Le PRTCE de RHDCC fait la promotion des changements systémiques liés aux processus de reconnaissance des titres de compétences étrangers, ce qui comprend notamment les initiatives de formation de transition. Ce programme accorde du financement aux partenaires et aux intervenants comme les provinces, les territoires, les associations d'organisme de réglementation, les groupes d'employeurs et autres, et travaille en collaboration avec eux pour qu'ils élaborent des pratiques justes, transparentes, uniformes et opportunes en matière de reconnaissance des titres de compétences étrangers partout au Canada.

Le flux d'immigration est une source essentielle de main-d'œuvre qualifiée au Canada, car les immigrants possèdent les compétences essentielles dont le Canada a besoin pour conserver un avantage concurrentiel sur la scène internationale. Toutefois, dans les faits, bon nombre d'immigrants se heurtent, à leur arrivée, à plusieurs obstacles les empêchant de trouver un emploi à la hauteur de leurs compétences et de leur niveau de scolarité.

[Français]

Nous avons tous entendu l'histoire cliché du chauffeur de taxi qui est médecin ou ingénieur et qui ne peut pas exploiter tous ses talents.

[Traduction]

Les obstacles qui freinent l'intégration peuvent être des compétences linguistiques et un niveau d'alphabétisation limité — il importe de signaler que la langue technique constitue souvent un obstacle également —, la non- reconnaissance des titres de compétences étrangers, le manque d'expérience sur le marché du travail canadien et des obstacles financiers. C'est un cercle vicieux; je n'ai pas les titres de compétences, je ne peux pas obtenir de travail; je ne peux pas obtenir de travail parce que je n'ai pas d'expérience de travail, personne ne veut m'embaucher.

En conséquence, de nombreux nouveaux arrivants sont sous-employés. On vous a transmis une foule de renseignements sur les taux d'emploi. Lorsque nous parlons de sous-emploi, ce sont des personnes qui occupent des postes pour lesquels elles sont surqualifiées.

Comme je l'ai dit l'an dernier au Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, à la Chambre des communes, la situation précaire des immigrants qualifiés sur le marché du travail engendre pour l'économie canadienne des coûts qui vont de 2 à 5 milliards de dollars annuellement. C'est une estimation. La sous-utilisation des compétences et du potentiel d'emploi des immigrants se traduit par une augmentation inutile du coût des services sociaux, une réduction des sources où les employeurs peuvent puiser pour trouver les employés possédant les habiletés requises et la perte de recettes fiscales potentielles. En outre, elle réduit les chances d'une intégration sociale réussie des nouveaux arrivants et de leurs familles.

Pour ces raisons, le gouvernement est déterminé à faire en sorte que les immigrants soient en mesure de mettre pleinement à profit leurs compétences et leurs connaissances en milieu de travail. Il ne s'agit pas seulement d'une bonne politique sociale et économique : c'est la bonne chose à faire. L'une des conditions pour remplir cet engagement consiste à créer un environnement qui reconnaît les acquis et qui encourage la formation supplémentaire au besoin. Demander à un immigrant de recommencer sa formation à zéro ne constitue pas une solution. Ainsi, un déroulement rapide et efficace des procédures d'évaluation et de reconnaissance de diplômes étrangers et des programmes de formation de transition accessibles sont essentiels pour faciliter l'intégration efficace des immigrants.

Pour résoudre les problèmes auxquels doivent faire face les immigrants lorsqu'ils arrivent au Canada, les premiers ministres, comme le sait bien le sénateur Martin, se sont entendus pour prendre des mesures concertées en vue de favoriser l'évaluation et la reconnaissance rapide des titres de compétences étrangers en chargeant les ministres du Travail d'élaborer le Cadre pancanadien d'évaluation et de reconnaissance des qualifications professionnelles acquises à l'étranger. Lancé à l'automne 2009, le cadre énonce une nouvelle vision pancanadienne commune visant à améliorer l'évaluation et la reconnaissance des titres de compétences étrangers basée sur les principes de l'équité, de la transparence, de la rapidité et de la cohérence.

Pour mettre en œuvre le cadre, le gouvernement fédéral travaille en étroite collaboration avec ses homologues provinciaux et territoriaux, qui sont principalement responsables de la réglementation des professions dans les provinces et les territoires. Pour faciliter sa mise en œuvre, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont travaillé avec un groupe de huit professions ciblées pour simplifier les pratiques de celles-ci en matière de reconnaissance des titres de compétences étrangers pour que les professionnels formés à l'étranger puissent voir leurs qualifications évaluées dans un délai d'un an, et ce, partout au Canada. Ces professions sont les suivantes : architectes, ingénieurs, vérificateurs et comptables, technologistes médicaux, ergothérapeutes, pharmaciens, physiothérapeutes et infirmiers et infirmières. Comme vous le voyez, nombre de ces occupations touchent la santé. C'est pourquoi nous collaborons étroitement avec Santé Canada. Cette année, nous commencerons à améliorer la reconnaissance des titres de compétences étrangers pour six autres professions cibles : dentistes, techniciens en génie, infirmiers et infirmières auxiliaires, technologues en radiation médicale, médecins et enseignants de la maternelle à la 12e année.

Dans le cadre du Plan d'action économique du Canada annoncé dans le budget de 2009, un montant de 50 millions de dollars a été prévu pour aider les gouvernements à soutenir la mise en œuvre du cadre. Au 31 décembre 2010, grâce à ce financement, le PRTCE avait conclu 66 ententes, dont 36 se rapportent à des professions réglementées; 23 se rapportent à des professions non réglementées et sept visent des provinces et des territoires. RHDCC soutient les 14 professions ciblées dans le cadre.

Je peux affirmer fièrement que nos investissements ont mené à la création de nombreux partenariats durables — et je ne saurais trop insister sur l'importance de ces partenariats —, ils ont fait connaître davantage les enjeux liés à la reconnaissance des titres de compétences étrangers et au changement d'attitude, ils ont entraîné des changements systémiques dans les processus de reconnaissance des titres de compétences étrangers et, enfin, ils ont favorisé la mobilité de la main-d'œuvre au pays.

Depuis sa création en 2003, RHDCC a investi dans plus de 20 professions réglementées, ce qui touche une part importante des immigrants qualifiés qui arrivent au Canada. De plus, nous avons fait des investissements importants dans le secteur des professions non réglementées, qui représente près de 85 p. 100 des emplois dans l'économie canadienne. C'est pourquoi les employeurs ont tant d'importance. Par exemple, RHDCC a soutenu des projets de reconnaissance des titres de compétences étrangers auprès de 13 conseils sectoriels, car ces intervenants offrent une tribune efficace à partir de laquelle les employeurs peuvent accéder aux outils dont ils ont besoin pour faciliter l'évaluation des titres de compétences. En outre, RHDCC appuie les provinces et les territoires dans leur travail respectif en vue de combler leurs lacunes.

En général, notre financement a notamment permis aux organisations d'élaborer des ressources en ligne pour la préparation et l'arrivée, de réaliser des études diagnostiques sur la reconnaissance des titres de compétences étrangers liés à une profession précise, de mettre au point des outils d'évaluation, de créer des possibilités de stage, de lancer des projets de formation de transition et de créer des outils visant à favoriser l'adaptation au marché du travail canadien.

[Français]

Aujourd'hui, tel que l'a indiqué ma collègue de Citoyenneté et Immigration Canada, Mme Prince-St-Amand, j'aimerais aussi souligner la contribution formidable du portail Travailler au Canada, outil qui a été développé à RHDCC.

[Traduction]

Il facilite la préparation et le soutien à l'arrivée des nouveaux arrivants en diffusant de l'information à jour et pertinente sur le marché du travail, pour permettre aux personnes de prendre des décisions éclairées sur la vie et le travail au Canada. Les rapports personnalisés contiennent des renseignements sur les endroits et les professions, les descriptions de travail, les exigences liées à la reconnaissance professionnelle, les salaires, les compétences, la formation linguistique et les perspectives d'emploi.

De plus, nous appuyons plusieurs projets qui visent l'intégration des immigrants au marché du travail, par exemple, des projets de formation de transition ayant pour but de préparer les immigrants et de les aider à trouver un emploi correspondant à leur niveau professionnel. Ainsi, actuellement, RHDCC verse 500 000 $ à Bio Talent Canada pour un projet de formation de transition d'une durée de deux ans qui permettra de mettre au point un mécanisme grâce auquel les médecins spécialistes formés à l'étranger, qui tentent d'obtenir une reconnaissance professionnelle ou une autorisation d'exercer auprès d'un organisme de réglementation ou qui ont essuyé un refus à cet égard, de transférer leurs compétences dans une autre profession du domaine de la médecine ou de la santé appartenant au secteur canadien de la biologie.

En outre, RHDCC a fourni des fonds pour l'élaboration d'outils qui accélèrent le processus d'évaluation et d'autorisation d'exercer pour les travailleurs formés à l'étranger dans certaines professions réglementées. Par exemple, l'Institut royal d'architecture du Canada a reçu 1,6 million de dollars pour simplifier le processus d'inscription des architectes afin que les demandeurs ne subissent qu'une seule évaluation de leur formation et de leur expérience de travail par une organisation centrale.

Les investissements de RHDCC visent également l'élaboration d'outils pour favoriser l'adaptation des professionnels formés à l'étranger. Par exemple, en 2007, RHDCC a versé des fonds à l'organisme Bio Talent Canada pour qu'il élabore un programme visant à aider les employeurs à encadrer les professionnels formés à l'étranger qui désirent s'intégrer au milieu du travail canadien.

En conclusion, aujourd'hui, je n'ai fait mention que de quelques-unes de nos activités de projets. Toutefois, je suis persuadé qu'en plus des travaux qu'effectuent Santé Canada et Citoyenneté et Immigration Canada, RHDCC continuera de jouer un rôle clé dans le soutien du gouvernement à l'égard de l'intégration réussie des immigrants au marché du travail et de la mise en œuvre du cadre pancanadien.

[Français]

J'aimerais également remercier tous les partenaires qui ont contribué à ce travail, incluant, entre autres, les provinces et les ministères de Citoyenneté et Immigration et de Santé Canada. C'est véritablement un travail avec beaucoup de partenaires et cette collaboration est vitale pour le succès de cette initiative.

[Traduction]

Le vice-président : Merci beaucoup à vous deux. Il est clair, dans les deux parties de notre séance d'aujourd'hui, que votre participation aux discussions sur des questions et des intérêts soulevés par les sénateurs et le groupe précédent est très opportune. Nous allons maintenant passer aux questions.

Le sénateur Eaton : Madame Prince-St-Amand, est-ce que vous êtes en faveur d'élargir à tous les immigrants votre mandat en matière de titres de compétences? Autrement dit, pensez-vous que c'est une bonne idée? J'imagine qu'une partie de vos consultations ou de vos activités auprès des travailleurs qualifiés se fait dans le cadre d'entrevues. Vous les rencontrez; ils sont évalués, ils sont aidés.

Pensez-vous qu'il serait bon d'élargir ce processus à toutes les personnes qui veulent immigrer au Canada?

Mme Prince-St-Amand : C'est une très bonne question, sénateur Eaton. Je vais vous expliquer un peu mieux notre fonctionnement.

Je crois que les statistiques que j'ai mentionnées précédemment sont éloquentes. Lorsqu'une personne demande à immigrer au Canada, elle reçoit une approbation initiale. Dans cette lettre expédiée par nos missions outre-mer, on leur demande de subir un examen médical avant de venir. On leur donne aussi de l'information sur le PCII et on leur offre la possibilité d'assister à des séances gratuites de deux jours ou de téléphoner à nos bureaux pour obtenir de l'information ainsi que de visiter les divers sites Web que M. LaRue et moi-même avons mentionnés.

Pour les personnes qui assistent à ces séances avec leurs familles, c'est révélateur. Nous avons parlé avec nombre d'entre elles, et c'est incroyable. Je vous donne un exemple qui devrait vous aider à comprendre; il se passe de commentaire.

Aux Philippines, l'an dernier, Glen Mendoza travaillait dans l'industrie bancaire. Il est titulaire d'un MBA. Il a assisté à la séance de deux jours, et à cette occasion, son curriculum vitae a été transmis à cinq grandes banques qui sont partenaires du projet. Moins de trois semaines après son arrivée au Canada, il était convoqué en entrevue par la Banque de Montréal. Après l'entrevue initiale, il a passé une seconde entrevue et six semaines plus tard, il travaillait. Neuf mois après avoir commencé à la Banque de Montréal, il a été promu à un poste qui est de deux échelons au- dessus de son poste initial. Il a trouvé un emploi dont il avait grand besoin, il a acquis la confiance et les connaissances nécessaires.

Ce processus coûte très cher. Le projet que nous menons à l'étranger, avec toute la portée que j'ai expliquée, coûte 15 millions de dollars sur trois ans.

Le sénateur Eaton : Je ne m'inquiète pas des Glen Mendoza de ce monde, parce qu'évidemment, ce sont des personnes très motivées. Elles ont de l'instruction, elles réussiront. Elles vont essayer de s'améliorer et se prévaloir de tous les programmes offerts.

Mme Prince-St-Amand : C'est vrai.

Le sénateur Eaton : Ce sont les autres qui, peut-être, n'ont pas les connaissances linguistiques ni la confiance nécessaires. C'est pourquoi je vous demande si nous ne devrions pas pratiquement obliger les gens à participer à une forme quelconque de consultations préalables, à recevoir de l'aide avant de venir ici.

Mme Prince-St-Amand : Nous constatons que les personnes qui participent à ces séances sont mieux équipées pour entrer sur le marché du travail, qu'elles soient ou non membres de professions réglementées. Elles ont une assez bonne idée de l'économie canadienne.

Le sénateur Eaton : Je ne dis pas le contraire. Je suis tout à fait d'accord avec vous, mais est-ce qu'il y a des gens à qui vous écrivez qui ne vous téléphonent pas, qui ne prennent pas contact avec vous?

Mme Prince-St-Amand : Certainement.

Le sénateur Eaton : Ce sont d'eux qu'il faut s'inquiéter.

Mme Prince-St-Amand : C'est vrai.

Le sénateur Eaton : Est-ce que l'on pourrait rendre votre programme quasi obligatoire, avant que les gens n'arrivent ici? Si vous voulez venir au Canada, vous devez non seulement subir un examen médical, mais aussi nous rencontrer et suivre deux ou trois jours de formation.

Mme Prince-St-Amand : Il existe des leviers politiques que nous pourrions utiliser dans ce but. Nous pourrions établir un lien avec le système de points et encourager les candidats à l'immigration à obtenir des points supplémentaires pour avoir participé à ces programmes. Le ministre pourrait décréter que la séance d'information préalable est obligatoire.

Oui, le ministère dispose de leviers politiques qu'il peut utiliser pour rendre cela obligatoire.

Le sénateur Martin : Ma question est du même ordre. Vous avez mentionné le PCII et ces interventions préalables qui sont très efficaces. Je serais parfaitement en faveur d'une décision stratégique qui rendrait cela obligatoire, avec des mesures incitatives.

Je m'interroge au sujet du Projet d'intégration et d'engagement actifs, le PIEA que l'organisme S.U.C.C.E.S.S. a mené à titre de projet pilote. Je connais bien ce projet parce que je suis de la région de Vancouver. Il y a un bureau à Séoul, en Corée, non loin de l'ambassade canadienne, et le programme donne lieu à de nombreuses présentations. C'est lié.

Il offre des séances d'orientation, des cours de langue, des séminaires sur le système d'éducation au Canada, et cetera, et même des séances de counselling individuel. J'ai l'impression que nous devrions y investir. Quoi de mieux pour préparer les gens à venir au Canada que de le faire dans leur pays, là où ils ont du soutien et des ressources? Cela me semble logique.

Vous n'avez pas parlé du PIEA. Est-ce que c'est un programme semblable au PCII?

Mme Prince-St-Amand : Sénateur Martin, vous avez raison. S.U.C.C.E.S.S., une organisation de Vancouver, offre des séances semblables, mais uniquement à Taïwan et en Corée. Je n'ai pas apporté les statistiques sur le taux de réussite en matière d'intégration au marché du travail.

À ce que je sache, S.U.C.C.E.S.S., contrairement au PCII, n'entretient pas de lien systémique avec les employeurs au Canada, mais vous avez absolument raison. Outre-mer, les candidats à l'immigration à Taïwan et en Corée ont droit à des séances de counselling et d'information qui sont essentielles à leur intégration rapide au marché du travail quand elles arrivent au Canada.

Le sénateur Martin : Au sujet du Cadre pancanadien pour l'évaluation et de la reconnaissance des titres de compétences étrangers, vous avez parlé du processus mis en œuvre jusqu'à maintenant. J'aimerais savoir quels progrès ont été réalisés auprès de ces organismes professionnels. Parlez-nous-en, depuis le lancement jusqu'à maintenant. Vous avez donné quelques exemples. Selon vous, est-ce que les progrès dépassent les attentes? Pourriez-vous nous dire où nous en sommes maintenant?

M. LaRue : La reconnaissance des titres de compétences étrangers est une question complexe. Les intervenants sont nombreux, et les organismes de réglementation relèvent des provinces. C'est un travail qui s'apparente aux efforts de partenariat que nous déployons.

Quand nous avons commencé les travaux relatifs au premier groupe de professions prioritaires, nous avons procédé à des consultations nationales auprès de tous les intervenants, y compris les provinces et les organismes de réglementation. Nous avons examiné en détail leurs processus d'accréditation. Nous avons dégagé les difficultés et les problèmes. Nous avons dressé des plans d'action et nous avons pu déterminer que la norme de service d'une année était satisfaite pour toutes les professions.

Si nous regardons en arrière, nous constatons que nous avons fait d'excellents progrès. Toutefois, nous avons encore du travail à faire. Je dirais que dans ce domaine la réussite ne se mesure pas aux améliorations apportées à certains aspects du processus de reconnaissance professionnelle, mais plutôt à l'établissement de partenariats à long terme.

Il est important de dire que les emplois évoluent plus rapidement qu'on ne peut l'imaginer, sous l'effet de la technologie et des changements qui se produisent dans l'économie. Les gens ont vu à quel point Internet avait modifié le marché du travail en moins de 10 ans. Le défi, pour chaque règlement, sera de suivre cette évolution.

Nous parlons d'entreprises réglementées. Tous les jours, de nouvelles entreprises sont créées et réglementées. Il faudra absolument se tenir au courant.

Pour l'instant, nous avons atteint l'objectif que nous nous étions fixé et nous passons maintenant au deuxième groupe de professions prioritaires.

M. McLachlan : Le cadre est très important.

Le sénateur Cordy : Monsieur LaRue, je suis d'accord avec vous. Les emplois ont changé. Au Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse, les immigrants qui sont venus dans les années 1950 et 1960 ont pu trouver du travail dans les mines de charbon et les aciéries et ils étaient relativement bien rémunérés. Toutefois, à notre époque, il faut être instruit.

Madame Prince-St-Amand, j'aimerais parler du programme d'intervention préalable à l'arrivée. Je crois que vous avez dit que 93 p. 100 des gens trouvaient des emplois dans les six mois, et un fort pourcentage dans les trois mois.

Je reviens à ce que disait le sénateur Eaton. Quel pourcentage d'immigrants se prévaut effectivement de l'intervention préalable à l'arrivée? Ceux qui en profitent sont probablement ceux qui possèdent des compétences linguistiques et de nombreux autres atouts.

Quel est le pourcentage des immigrants qui suivent le programme préalable?

Mme Prince-St-Amand : C'est une bonne question. Ces séances sont volontaires, elles ne sont pas obligatoires à l'heure actuelle. L'information est envoyée dans une première lettre qui concerne l'examen médical. Si la personne décide de suivre ces séances ou de se prévaloir de cette occasion, c'est une décision personnelle.

Le projet était autrefois financé par RHDCC. Depuis novembre, mon bureau a pris le relais.

Ces dernières années, 9 000 personnes ont suivi avec succès le programme. Je n'ai pas de statistiques. Le programme n'était offert qu'aux travailleurs qualifiés du volet fédéral, au départ, puis nous avons repris le flambeau et nous avons élargi le programme pour accepter les candidats des provinces, qui sont de plus en plus nombreux comme vous le savez. Les provinces sont très satisfaites.

Je devrais consulter les chiffres des dernières années pour pouvoir vous donner le pourcentage de demandeurs qui ont utilisé le programme. Je sais que 9 000 personnes ont réussi, c'est-à-dire qu'elles ont entièrement suivi le programme de deux jours.

Le sénateur Cordy : Le pourcentage des personnes qui utilisent effectivement le programme serait très faible, compte tenu du nombre d'immigrants qui viennent ici.

Le programme des nouveaux arrivants dont vous parlez est une excellente idée : donnez-moi une chance; ouvrez-moi la porte; laissez-moi m'intégrer à la population active et je me débrouillerai avec mes compétences.

Monsieur LaRue, j'aimerais parler du programme lancé en 2009 par les ministres du Travail fédéral, provinciaux et territoriaux. Est-ce que c'est le ministre fédéral du Travail? Je comprends que ce sont tous des partenaires égaux, mais qui est à l'origine de ce groupe? Est-ce le ministre du Travail?

M. LaRue : Est-ce que nous parlons du cadre pancanadien?

Le sénateur Cordy : Oui.

M. LaRue : Pour le cadre pancanadien, RHDCC est responsable, par l'entremise du Forum des ministres du marché du travail, le FMMT, et du représentant au sein du comité de mise en œuvre du cadre. Dans les provinces, les responsabilités sont parfois partagées entre les portefeuilles du travail et de l'immigration, selon la taille de la province. Dans certains cas, c'est plutôt l'Immigration et dans d'autres, le ministère du Travail.

Cela varie selon les provinces. Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question.

Le sénateur Cordy : Cela se fait sous les auspices de RHDCC.

M. LaRue : Cela relève du FMMT, qui en a reçu le mandat des premiers ministres lors de la Conférence des premiers ministres.

Le sénateur Cordy : Ils se réunissent souvent?

M. LaRue : Nous nous rencontrons régulièrement. Nous nous rencontrons au niveau de travail tous les trois mois, pour la mise en œuvre. Les hauts fonctionnaires et les sous-ministres tiennent des téléconférences. La ministre Finley a participé à une conférence des ministres du Travail en juin dernier, je crois, et le ministre Kenney avait convoqué une table de l'immigration un peu avant cela, en mai, pour discuter de la question.

Le sénateur Cordy : Quand vous regardez le dossier des titres de compétences, c'est un dédale où interviennent les établissements postsecondaires, les organismes de réglementation, les provinces et territoires, le gouvernement fédéral, RHDCC, Santé Canada, Service Canada et Citoyenneté et Immigration Canada — et je suis certaine qu'il y en a d'autres.

Comment restent-ils en contact? Nous voyons le cloisonnement administratif du gouvernement à notre comité; nous en entendons constamment parler, nous en connaissons les effets.

Comment peut-on s'y retrouver, dans ce labyrinthe?

M. LaRue : C'est une excellente question. L'environnement est très complexe en raison du nombre des intervenants; il y a de nombreux organismes de réglementation, des établissements d'enseignement et des représentants.

Quand j'ai dit que nous avions procédé à une consultation nationale auprès de tous les intervenants, c'était précisément pour cette raison, pour que tous entendent les mêmes arguments et conviennent du processus nécessaire, et aussi pour que tous soient au courant des plans d'action qui étaient mis en place en collaboration avec les organismes de réglementation pour instaurer un plan renouvelable et ainsi régler durablement les questions. Nous ne nous intéressons pas uniquement au court terme, nous avons aussi une perspective à long terme.

Mme Prince-St-Amand : Je crois que le cadre que M. LaRue a expliqué réunit pour la première fois tous les ministères clés — fédéraux et provinciaux — de façon structurée, à notre niveau ainsi qu'au niveau du SMA, des sous- ministres et des ministres. Chaque semaine, nous participons à des téléconférences, en plus de nos rencontres trimestrielles en personne avec les provinces, Santé Canada, Citoyenneté et Immigration Canada et RHDCC. C'est nécessaire dans ce domaine, pour que tous ces intervenants collaborent à la définition d'une solution de façon similaire, transparente et ouverte.

Le sénateur Cordy : Je voulais mentionner que je sais que des gens ont composé le numéro 1-800 à trois ou quatre reprises et qu'ils ont chaque fois obtenu une réponse différente. Je ne parle pas ici de la reconnaissance professionnelle, mais plutôt de tout le dossier de l'immigration.

Le sénateur Seidman : Nous avons entendu dire qu'il était de plus en plus courant que les immigrants que nous acceptons soient des parents des soi-disant demandeurs principaux.

Madame Prince-St-Amand, à la page 3 de votre exposé, vous présentez les chiffres pour 2009. Il y a probablement un tiers de plus des immigrants acceptés qui sont des parents plutôt que des demandeurs principaux.

Ces personnes — les demandeurs principaux, j'imagine — se sont établies dans les six mois, et souvent même dans les trois mois. Je me demandais si vous aviez des données au sujet de la rapidité avec laquelle les membres des familles se trouvent eux aussi des emplois.

Mme Prince-St-Amand : Les données que je vous ai fournies n'établissent pas de distinction entre les membres des familles et les demandeurs principaux. Dans le cadre du programme que j'ai mentionné, les personnes à charge sont elles aussi admissibles aux services. Parmi les 9 000 demandeurs qui ont réussi le programme, certains sont des conjoints et certains sont des demandeurs principaux.

Je n'ai pas la ventilation ici aujourd'hui. Je devrai vérifier si nous avons compilé ces statistiques.

Le sénateur Seidman : Je vous en serais reconnaissante. Si vous avez les données, veuillez nous les faire parvenir.

Le président : Avant de donner la parole au sénateur Callbeck, j'aimerais revenir à la réponse que vous avez faite au sénateur Cordy et aux chiffres que vous avez cités. Vous avez parlé de 9 000 personnes qui ont suivi le programme au fil des ans. Je pense que le sénateur voulait savoir quel est ce pourcentage relativement à l'ensemble des immigrants. Veuillez nous communiquer ce chiffre, si vous le pouvez.

Le sénateur Callbeck : Monsieur LaRue, vous avez parlé dans votre exposé des obstacles que rencontrent les immigrants qui cherchent du travail. Vous avez notamment mentionné les difficultés linguistiques. Nous avons entendu un témoin qui nous a signalé que les ressources pour les services d'établissement — et je n'utilise peut-être pas le bon terme — étaient inadéquates. Les immigrants ne suivent pas de formation assez longue pour pouvoir bien connaître la langue.

Je sais que le programme de formation linguistique de Citoyenneté et Immigration a fait l'objet d'une évaluation en 2009. Est-ce que vous en connaissez les résultats?

M. LaRue : Je vais laisser Mme Prince-St-Amand répondre à cette question.

Auparavant, toutefois, je dois dire que dans le cadre pancanadien l'essentiel des efforts ont porté sur la question des compétences linguistiques et des obstacles que nous avons cernés dans nos divers plans d'action. Dans le cas des professions de la santé, par exemple, l'un des obstacles est le niveau de la langue technique. Les gens peuvent fort bien parler couramment, mais dans la salle d'opération, le vocabulaire technique peut leur échapper. Il existe divers obstacles, et nous tentons de les éliminer.

Mme Prince-St-Amand : Au BORTCE, nous nous intéressons aux titres de compétences. Je n'ai pas les détails de l'étude sur les compétences linguistiques, mais nous pouvons vous les trouver.

Je me souviens que l'étude concluait qu'environ 25 p. 100 des nouveaux arrivants qui étaient admissibles à la formation linguistique et à une aide se prévalaient des programmes de langue.

Le sénateur Callbeck : Seulement 25 p. 100 des personnes admissibles.

Mme Prince-St-Amand : Le ministre Kenney a pris cela au sérieux et il tente actuellement de faire changer les choses. L'an dernier, suivant les instructions ministérielles, un changement stratégique a été apporté et dans certaines catégories nous exigeons maintenant que des tests linguistiques soient réalisés avant l'évaluation des candidats. Tous les travailleurs qualifiés du volet fédéral et les demandeurs de la catégorie de l'expérience canadienne sont tenus de présenter les résultats d'un test linguistique indépendant avant que leur demande puisse être envisagée.

C'est une des réponses stratégiques à ces données.

Le sénateur Callbeck : Il serait bon que vous puissiez nous obtenir l'évaluation de ce qui a été fait, les recommandations formulées en 2009 et le suivi de ces recommandations.

Comme je l'ai dit, un témoin nous a signalé cette situation, mais nous en avons entendu parler à diverses reprises. J'aimerais aller au fond de la question.

Mme Prince-St-Amand : Nous le ferons. Ma collègue, Deborah Tunis, a comparu devant le comité il y a quelques jours. Elle est spécialiste du domaine, alors nous pourrons certainement vous faire parvenir les résultats de l'évaluation.

Le sénateur Callbeck : Merci, et veuillez nous fournir aussi de l'information sur ce qui a été fait depuis.

[Français]

Le sénateur Champagne : Je voudrais revenir sur ce problème auquel je faisais allusion précédemment et auquel M. LaRue a aussi fait référence. Nous savons tous que la politique d'immigration du Québec diffère de celle des autres provinces.

Est-ce que cela fait en sorte qu'il est plus difficile au Québec d'obtenir une équivalence de diplôme qu'ailleurs au Canada?

M. LaRue : Il m'est très difficile de répondre à cette question. Je pense que le Québec conduit ses affaires à sa manière.

Le sénateur Champagne : On ne fait jamais rien comme les autres, on en a l'habitude.

M. LaRue : Je ne suis pas bien très placé pour évaluer s'ils font moins bien ou mieux qu'ailleurs. Je dirais plutôt que chacun gère de façon très attentive leurs professions. À travers le cadre pancanadien, le Québec intervient régulièrement sur la plupart des sujets et des occupations.

Il faut savoir aussi que les organismes réglementaires du Québec fonctionnent de façon différente de celles du reste du Canada et que ces choix sont opérés par ces agences réglementaires. Est-ce que c'est plus difficile? Je remarque, entre autres, qu'il y a eu des développements très intéressants du côté du Québec. On s'est doté, entre autres, d'un commissaire à l'équité qui va évaluer la rigueur de chacune des institutions réglementaires, voir comment le processus est adéquat, et qui vont en faire rapport au Parlement. Et je dirais que le Québec est innovateur en ce sens que le commissaire dispose de beaucoup d'autorité, il a le bras long.

Le sénateur Champagne : J'en reviens à cela. Avec la pénurie de médecins de famille que nous connaissons partout au Québec, que ce soit dans les grands centres ou même dans les petites régions, je me dis que dans la quantité de MDE qui arrivent, il y en a sûrement plusieurs qui seraient ravis de devenir un médecin de famille et qui pourraient faire le travail. Vous dites que ce n'est pas nécessairement plus difficile mais ce n'est pas plus facile non plus?

M. LaRue : La profession médicale a ses caractéristiques particulières. Vous savez, je dirais que dans les discussions qu'on a sur une base régulière avec les différents intervenants, des exemples nous frappent. Certains représentants de la profession médicale — par exemple, les dentistes — nous donnaient des exemples de gens qui arrivent au Canada avec une certaine formation de base en dentisterie et qui est très bien. Par contre, dans certains pays, leur culture fera en sorte que tout ce qu'ils vont pratiquer ce sont des extractions de dents, alors qu'au niveau de l'entretien dentaire, ils ne sont pas très bien formés.

Et quand ils arrivent au Canada, ils voient qu'ils ne peuvent pas devenir dentiste et seulement extraire des dents. Ils doivent aussi pratiquer d'autres aspects. C'est un peu la même chose pour la médecine. Il y a certains éléments et il faut s'assurer que la protection du public soit faite et cela en fait partie.

Ceci étant dit, dans les limites du cadre pancanadien, nous avons dans le deuxième groupe d'occupations prioritaires, les dentistes et les médecins de famille. Ce sont des travaux qu'on fait conjointement avec Santé Canada, qui ont un programme spécifique afin de mieux intégrer des gens formés dans le domaine de la santé, dont les médecins.

[Traduction]

Le sénateur Merchant : Pour ce qui est de la reconnaissance professionnelle, et compte tenu du fait que les professions sont autoréglementées, pensez-vous que l'intégration des immigrants se heurte à une certaine résistance au sein des associations professionnelles?

M. LaRue : Tous les organismes de réglementation que j'ai rencontrés sont extrêmement soucieux de protéger l'intérêt public. Ce que vous appelez résistance correspond parfois, selon moi, à une éthique professionnelle, pour veiller à ce que le public canadien soit bien protégé.

Il faut comprendre que les professions n'en sont pas toutes au même point de leur histoire. Certaines d'entre elles disposent de fonds importants et il leur est facile de mettre en place des processus efficaces. Si vous recevez 1 000 ou 2 000 demandes par année, vous pouvez facilement percevoir des droits et instaurer ce genre de choses. D'autres professions, par contre, viennent de naître et sont de taille modeste. Sur le plan économique, il leur est difficile de mettre un processus en place. Elles n'en sont pas encore là. Elles n'ont pas toutes commencé leurs activités au niveau national. Vous pouvez avoir des processus différents dans cinq, six ou dix provinces.

Nous avons beaucoup fait ces dernières années. Le PRTCE a tenté d'appuyer les professions qui sont assez avancées afin d'harmoniser les normes au pays. Nous sommes une nation. Si vous êtes agréé dans une région du pays, vous aimeriez évidemment pouvoir l'être également ailleurs. Nous tentons de nous rapprocher de cet objectif grâce à nos projets et au financement que nous offrons.

Il y a effectivement de la résistance institutionnelle, mais j'ai été témoin du processus de consultation mené l'an dernier auprès de ces professions réglementées, et je peux dire que leur collaboration a été exemplaire. Je pense à Ingénieurs Canada, notamment. Lorsque je les ai rencontrés, j'ai été surpris de constater qu'ils comprenaient très bien le problème. Ils n'avaient pas beaucoup d'exemples, mais ces exemples étaient précis. Ils ont été extrêmement proactifs. Nous avons commencé à travailler avec eux en 2003, dès la création du programme. Plus vous travaillez avec eux, et plus la culture évolue.

Maintenant qu'ils constatent qu'il y a plus d'ingénieurs de l'étranger que de diplômés des universités canadiennes, ils tiennent à veiller à ce que ces personnes puissent être dûment reconnues. Par ailleurs, ils ont la responsabilité de protéger l'intérêt public contre les erreurs professionnelles.

C'est souvent très difficile pour eux, et pour nous aussi. C'est pourquoi la question est si complexe. Il y a de nombreux intervenants, et c'est pour cette raison que le cadre pancanadien a été instauré.

Nous avons tous une vision commune de l'avenir, un avenir viable. Je le répète, le succès se mesure en fonction non pas de l'application d'un principe ou d'un autre, mais bien de l'établissement de partenariats solides entre tous les intervenants pour s'informer régulièrement de l'évolution au sein d'une profession, par exemple l'adoption d'un plan de mise à jour continu. Nous voulons entretenir des contacts avec eux. Lorsqu'un problème survient, il doit être immédiatement corrigé. Je crois que nous y parvenons grâce au cadre pancanadien, et c'est un véritable exploit.

Le sénateur Merchant : Vous avez mentionné les professions ciblées. Je me demande, Madame Prince-St-Amand, si les projets pilotes dont vous avez parlé, ceux que vous menez dans plusieurs pays, sont adaptés à ces professions ciblées.

Mme Prince-St-Amand : Notre projet s'intéresse à toutes les professions. Toutefois, en raison des efforts et des projets qui s'inscrivent dans le cadre pancanadien ainsi que de certaines activités visant à accélérer le traitement des demandes d'immigration, ces professions ciblées ont servi dans l'élaboration d'instructions ministérielles qui portent sur l'accélération du traitement et la réduction d'une liste d'attente de six ans. Les professions visées par le cadre de RTCE sont prises en compte dans la liste des instructions ministérielles. Alors, oui, nous assurons une étroite coordination pour que les réponses stratégiques soient cohérentes et uniformes pour tous les demandeurs.

M. LaRue : Outre tout ce que nous faisons, ce cadre s'applique aux professions partiellement réglementées et également au secteur non réglementé, qui représente 85 p. 100 des emplois. Pour les nouveaux arrivants qui ont une formation médicale, il existe de nombreuses occasions ailleurs que dans le secteur réglementé, notamment dans le secteur de la biotechnologie.

Nous essayons de couvrir tous les groupes grâce à notre cadre. Nous ciblons certaines professions, c'est vrai, mais le cadre va plus loin; il vise l'ensemble du marché du travail et des liens que nous pouvons établir entre divers cheminements de reconnaissance professionnelle pour d'autres types d'emplois. Par exemple, quelqu'un peut arriver au Canada avec une formation technique. Comment pouvons-nous l'orienter vers le poste approprié, pour qu'il trouve rapidement un emploi et s'intègre bien à la vie sociale et économique du Canada?

Le vice-président : Notre discussion nous a permis de traiter des aspects essentiels de l'identification et de l'intégration des immigrants à la vie et à l'économie du Canada.

J'aurais plusieurs questions à poser, mais c'est impossible. Vous avez cependant mentionné tous les deux la question de la formation linguistique — l'idée de faire passer des tests pour vérifier s'ils ont les compétences linguistiques voulues. J'imagine que les tests linguistiques sont des tests généraux, administrés à tous les demandeurs.

Je crois que parfois, quelqu'un peut être en mesure de dire : « Ouvrez la porte et fermez la fenêtre », mais n'a pas les connaissances linguistiques exigées pour le poste. Je me trompe peut-être, mais j'espère que si nous parvenons à évaluer les titres de compétences d'une plus forte proportion de candidats en fonction de l'endroit où ils veulent immigrer, nous pourrions aussi régler la question des compétences linguistiques. Est-ce que leurs connaissances sont suffisantes dans leur domaine professionnel, ou sont-ils simplement capables d'aller s'acheter un café?

Mme Prince-St-Amand : C'est une excellente question, sénateur. De fait, notre ministère offre divers cours de langue, y compris le type dont vous parlez. Nous l'appelons le Programme de cours de langue de niveau avancé, et il a été lancé en janvier 1994. Il offre une formation linguistique propre à la profession, combinée à un volet en milieu de travail pour les nouveaux arrivants qui entrent sur le marché du travail, en fonction de leurs compétences.

Vous avez raison : Que ce soit dans le domaine des soins de santé ou dans celui du bâtiment, les immigrants doivent savoir utiliser la terminologie propre à leur métier dans ces secteurs. Le volet des cours de langue de niveau avancé de CIC répond à cette situation.

Le vice-président : Merci beaucoup d'être venus. Comme je l'ai dit, c'était une discussion très importante. Je remercie mes collègues, de leur collaboration, cela nous permet de terminer à l'heure prévue. Je déclare la séance levée.

(La séance est levée.)


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