Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 21 - Témoignages du 2 mars 2011
OTTAWA, le mercredi 2 mars 2011
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 17, pour étudier les enjeux sociaux d'actualité pour les grandes villes canadiennes (sujet : cohésion et inclusion sociale).
Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.
Le président : Je déclare la séance ouverte. Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
Nous poursuivons donc notre étude concernant la situation des grandes villes canadiennes en matière de cohésion et d'inclusion sociale. Pour cette séance, nous nous intéresserons aux enjeux auxquels sont confrontés les Autochtones ainsi qu'à leur inclusion dans nos villes.
Pour notre premier groupe de ce matin, nous accueillons des initiés, si l'on peut s'exprimer ainsi. Du ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada, AINC, nous entendrons Allan MacDonald, directeur général, Bureau de l'interlocuteur fédéral, ainsi que Denis Carignan, directeur, Bureau de l'interlocuteur fédéral en Saskatchewan.
Quant à nos vieux amis de Statistique Canada, nous les accueillons souvent à nos réunions pour qu'ils nous communiquent toutes sortes d'informations très précieuses. Il arrive qu'elles soient déroutantes, mais elles sont très utiles. Aujourd'hui, nous accueillons Jane Badets, directrice générale, Direction des domaines spécialisés du recensement, de la statistique sociale et de la démographie, qui est accompagnée de Cathy Connors, directrice adjointe, Statistique sociale et autochtone.
Mme Badets ouvrira le bal et sera suivie de M. MacDonald, après quoi nous passerons à la période de questions.
Jane Badets, directrice générale, Direction des domaines spécialisés du recensement, de la statistique sociale et de la démographie, Statistique Canada : Merci beaucoup d'avoir invité Statistique Canada à vous faire cet exposé. Nous allons vous parler chiffres, comme nous le faisons systématiquement à Statistique Canada. Nous avons des imprimés de nos diapositives en français et en anglais.
Vous nous avez demandé de vous communiquer des données sur les conditions de vie des Autochtones dans les régions urbaines. Étant donné le temps qui m'est consacré, je vais me limiter à un survol de certains sujets, mais nous ne manquons pas d'informations. Je décrirai à grands traits certains des aspects clés de cette question et ferai état de quelques indicateurs clés au sujet de la situation démographique des Autochtones dans les régions urbaines, notamment en matière de santé, d'éducation, d'emploi et de logement. Je conclurai par la situation des familles et par la façon dont les Autochtones perçoivent leur collectivité.
La diapositive 3 donne quelques définitions, puisqu'il existe plusieurs façons de décrire la population autochtone ou les peuples autochtones. Nous avons posé une série de questions dans le formulaire de recensement et avons retenu la définition de l'autodéclaration. Les répondants devaient s'identifier membres des Premières nations, Amérindiens, Métis ou Inuits.
Pour cette réunion, j'emploierai le terme de « centres de population », puisque, compte tenu de la difficulté que nous avions, à Statistique Canada, de classifier les différentes parties du pays en tant que région urbaine ou région rurale, nous avons décidé de ne plus utiliser uniquement l'expression « région urbaine ». Nous parlons à présent de centre de population — et vous avez la définition sous les yeux — qui se veut une région ayant une concentration démographique d'au moins 1 000 habitants et une densité de population d'au moins 400 habitants au kilomètre carré. Dans toute la mesure du possible, j'emploierai le mot « ville » pour désigner en fait ce qui est pour nous une région métropolitaine de recensement ou une agglomération de recensement.
La diapositive 4 illustre la progression de la population autochtone dans le temps. Nous disposons de données remontant à 1901 grâce au principe de la filiation. C'est en 1996 que nous avons commencé à poser la question de l'autodéclaration dont je vous parlais au sujet des définitions.
Comme on peut le voir, la population ayant déclaré une identité autochtone a franchi la barre du million en 2006. Soixante pour cent de cette population est composée de Premières nations ou d'Amérindiens, un tiers de Métis et le reste d'Inuits.
La population autochtone augmente. Elle est jeune et diversifiée. La diapositive 5 est une ventilation de la diversité de la population autochtone, elle montre sa progression dans le temps et la compare à la population non autochtone en regard des facteurs affectant sa croissance.
Comme on peut le constater, la population autochtone croît beaucoup plus vite que la population non autochtone, mais le rythme n'est pas le même pour tous les groupes concernés. Par exemple, ce sont les Métis qui ont progressé le plus rapidement, soit d'un tiers durant cette période, contre 5 p. 100 pour la population non autochtone.
Tous les groupes autochtones ont connu une croissance démographique sous l'effet d'une augmentation naturelle, soit le taux de fertilité. Par exemple, les Inuits et les Premières nations ayant le statut d'Indiens inscrits ont affiché un taux de croissance d'environ 12 p. 100 chacun qui est essentiellement dû à un accroissement naturel.
La population métisse a bien sûr connu un accroissement naturel, mais d'autres facteurs sont intervenus, comme le montrent les parties en jaune. Nous avons constaté que de plus en plus de Canadiens se déclarent Métis et cela pour un certain nombre de raisons.
L'autre groupe qui a connu une progression démographique très rapide est celui des Indiens non inscrits. Cette progression est en partie attribuable à un accroissement naturel, mais il y a d'autres raisons associées aux critères d'inscription.
Voilà donc qui vous donne une idée de la croissance de cette population qui est jeune. En effet, l'âge médian de la population autochtone est de 27 ans, contre 39 ans pour la population non autochtone.
La diapositive 6 illustre les lieux de concentration des groupes autochtones. En 2006, plus de la moitié d'entre eux résidaient dans des centres de population. Quarante cinq pour cent des Premières nations vivaient dans des centres de population; de ce nombre 74 p. 100 étaient des d'Indiens non inscrits et 38 p. 100 des Indiens inscrits. Bien sûr, certains d'entre eux résident dans des réserves.
La majorité des Métis se retrouvaient également dans des centres de population. Un pourcentage de plus en plus important d'Inuits ne réside plus sur les terres traditionnelles, mais je reviendrai sur cet aspect un peu plus tard.
La diapositive 7 énumère les villes où l'on retrouve les membres de Premières nations. Il n'est pas surprenant que c'est à Winnipeg que leur concentration est la plus importante. D'ailleurs, Winnipeg compte la plus importante population autochtone au Canada. Un résidant sur dix de cette ville était Autochtone en 2006.
La diapositive 8 montre les lieux de résidence des Métis par ville. Là encore, c'est à Winnipeg, puis à Edmonton et à Vancouver qu'on trouve les concentrations les plus importantes.
La diapositive 9 montre là où les Inuits sont le plus susceptibles de résider, en dehors du Grand Nord. Bien qu'en nombres relativement faibles, on en trouve des communautés à Ottawa-Gatineau, à Yellowknife, à Edmonton, à Montréal et à Winnipeg.
Passons aux indicateurs clés. La diapositive 10 illustre la situation des trois groupes autochtones par rapport à la population non autochtone pour toute une série de caractéristiques de l'état de santé. Nous parlons ici de population vivant hors réserve et donc dans des régions rurales et dans des régions urbaines. On constate que chaque groupe autochtone vivant hors réserve est moins susceptible que la population non autochtone de déclarer qu'elle est en très bonne ou en excellente santé. Chaque groupe autochtone était moins susceptible que les non-Autochtones d'indiquer l'absence de limitations d'activités au quotidien et chaque groupe autochtone était plus susceptible de faire état de différents problèmes de santé chroniques diagnostiqués.
La diapositive 11 porte sur le niveau de scolarité. Il est question ici du groupe des 25 à 54 ans qui constitue l'essentiel de la population urbaine. La proportion de la population autochtone ayant étudié au niveau collégial est à peu près la même que celle de la population non autochtone résidant dans les centres urbains, soit environ 22 p. 100. Les Autochtones sont légèrement plus susceptibles que les non-Autochtones d'étudier dans un métier. En revanche, comme on peut le voir, les Autochtones sont moins susceptibles que les non-Autochtones d'avoir fait des études secondaires et encore moins d'avoir obtenu un diplôme universitaire.
La diapositive 12 nous renseigne sur les taux d'emploi des Autochtones résidant dans des centres urbains. Ces taux étaient inférieurs à ceux des non-Autochtones lors du recensement de 2006 et l'on constatait des différences d'un groupe autochtone à l'autre, le taux d'emploi étant supérieur chez les Métis avec 75,9 p. 100.
La diapositive 13 montre la situation de la même population, de 25 à 34 ans, possédant des diplômes universitaires. Dans ce cas, l'écart diminue par rapport à la population non autochtone, mais le taux d'emploi varie d'une ville à l'autre. Par exemple, il était de 81,7 p. 100 pour les Autochtones vivant à Montréal et de 78,5 p. 100 pour les Autochtones de Vancouver.
Les deux diapositives suivantes portent sur les conditions de logement qui sont un autre aspect très important. Nous utilisons en règle générale deux indicateurs clés, l'un qui est celui du surpeuplement et donc de la proportion de personnes résidant dans des logements surpeuplés; l'autre qui est celui de l'autodéclaration, par exemple, des grands travaux de réparation nécessaires dans un appartement.
Ici, il est question de surpeuplement. Comme on peut le voir, le pourcentage d'Autochtones résidant dans des appartements surpeuplés était supérieur dans les villes de l'Ouest, surtout à Prince Albert, à Regina, à Saskatoon et à Edmonton. En revanche, les Autochtones résidant à Montréal, à Ottawa, à Gatineau, à Toronto et à Vancouver étaient moins susceptibles que les non-Autochtones de se retrouver dans des logements surpeuplés.
La diapositive 15 présente la proportion de personnes vivant dans des logements qui nécessitaient des réparations majeures. On constate que, pour toutes les grandes villes mentionnées ici, les Autochtones étaient deux à trois fois plus susceptibles que les non-Autochtones de déclarer qu'ils vivaient dans des logements exigeant des réparations majeures. C'est là une autre façon d'examiner la situation du logement.
Je vais vous parler de la situation familiale et de la collectivité. La diapositive 16 illustre la situation familiale de jeunes enfants autochtones résidant dans les régions urbaines, comparativement à ceux qui vivent dans des régions rurales. Une majorité d'enfants vivaient avec leurs deux parents, mais la proportion de ceux faisant partie d'une famille monoparentale était supérieure dans les centres urbains. Nous n'avons pas un portrait exact de la situation, car l'autre parent pouvait se trouver ailleurs dans la ville pour étudier ou travailler. Cela nous donne tout de même une idée de la situation familiale de ces enfants.
La diapositive 17 donne la fréquence des unités à faible revenu pour les membres d'une famille vivant dans les centres de population. Pour tous les groupes d'âge, le taux des familles autochtones à faible revenu est supérieur à celui des familles non autochtones. On considère que les jeunes de moins de 15 ans sont des enfants. C'est parmi les enfants des Premières nations que la proportion de ceux qui font partie d'une unité à faible revenu est la plus forte avec 38 p. 100. Les proportions étaient de 25 p. 100 dans le cas des enfants métis et de 26 p. 100 dans celui des enfants inuits.
Je conclurai sur certaines données extraites de l'Enquête sur les enfants autochtones qui a permis de sonder le sentiment des parents et des enfants autochtones au sujet de leur collectivité de résidence, surtout dans le cas des centres de population. On leur a demandé de coter, sur une échelle allant de médiocre à excellente, la qualité des installations ou des activités de leur collectivité. On constate qu'un pourcentage relativement élevé de parents vivant dans des centres de population ont jugé que leur collectivité était excellente ou très bonne en ce qui concernait la qualité des écoles ainsi que l'adéquation des installations pour les enfants et des établissements de santé. Dans la partie droite de la diapositive, vous constaterez que le pourcentage de ceux ayant jugé que leur ville comportait des lieux offrant des activités traditionnelles des Premières nations, des Métis et des Inuits est le plus faible de tous.
Voilà un bref survol qui avait pour objet de vous présenter les grandes tendances. La diapositive 19 résume ce que nous savons de cette population : les Autochtones qui résident dans les villes ou centres de population constituent un segment démographique jeune, en pleine expansion et diversifié. C'est dans les villes de l'Ouest, comme Winnipeg, Edmonton, Saskatoon et Prince Albert, qu'on recense le plus grand nombre d'Autochtones. Ils sont moins susceptibles que les non-Autochtones d'avoir fait des études universitaires, mais une bonne partie d'entre eux a fait des études collégiales ou suivi une formation professionnelle. Les taux d'emploi sont faibles, mais l'écart se réduit dans le cas des titulaires de diplômes postsecondaires. Les conditions de logement varient d'une ville à l'autre. Évidemment, le sentiment par rapport à la collectivité est très important, tout comme la situation familiale.
Le président : Je voudrais une précision. Vous avez parlé de centres de populations et de régions rurales. Est-ce que, dans les « régions rurales », vous incluez les réserves des Premières nations?
Mme Badets : Oui, c'est ce que nous avons essayé de faire dans quelques graphiques. On ne trouverait pas ce genre de données pour les centres de population.
Cathy Connors, directrice adjointe, Statistique sociale et autochtone, Statistique Canada : L'Enquête sur les enfants autochtones n'a pas porté sur les résidants des réserves.
Mme Badets : Dans la plupart des cas, ces populations ne sont pas incluses.
Le président : Donc, les réserves ne sont pas ici. Il ne s'agit que des Autochtones vivant hors réserve.
Mme Badets : C'est vrai dans la plupart des cas, mais nous avons tenté de dénombrer ces populations chaque fois que c'était possible. Il faudrait que j'examine la diapositive en question, mais dans la plupart des cas, nous avons montré ces données à part.
Allan MacDonald, directeur général, Bureau de l'interlocuteur fédéral, Affaires indiennes et du Nord Canada : Monsieur le président, honorables sénateurs, je vous remercie de nous donner la possibilité de comparaître devant vous cet après-midi pour vous parler des questions touchant l'inclusion sociale et les villes dans le cas des Autochtones qui résident en région urbaine, comme nos homologues de Statistique Canada ont commencé à le faire. Dans la première partie de ma déclaration, je m'appuie essentiellement sur les données mentionnées par Mme Badets et je me propose de faire un survol des constats de haut niveau commentés par ma collègue.
La population autochtone est importante, elle est jeune et en plein essor et elle vit en milieu urbain, surtout, mais pas exclusivement, dans l'Ouest. On trouve en effet une importante population autochtone dans les villes de l'Est également. À l'heure actuelle, 54 p. 100 de l'ensemble de la population autochtone vit dans les villes. Ce pourcentage a connu une croissance au cours des 10 à 15 dernières années. Par exemple, à Winnipeg et à Edmonton, les populations autochtones ont connu une croissance de 50 et de 60 p. 100 respectivement depuis 1996, ce qui est incroyable. De plus, comme Mme Badets vous le disait, on recense une population très diversifiée composée de Premières nations, d'Inuits, de Métis et d'Indiens non inscrits dont beaucoup résident dans les villes depuis pas mal de temps déjà. Il ne s'agit pas de populations uniquement constituées de migrants récents. Depuis un certain temps déjà, les populations d'Autochtones en milieu urbain sont stables. D'après une étude d'Environics Research Group, la stabilisation des populations autochtones dans l'avenir aura un effet de plus en plus marqué sur le profil des villes.
Pour conclure ce passage sur la diversité démographique, je préciserai que le portrait change selon la ville où on se trouve. À Winnipeg, par exemple, les Métis forment la majorité de la population autochtone de la ville. À Vancouver et à Toronto, ce sont les membres de Premières nations qui occupent cette place. Ottawa est, de loin, la ville qui compte le plus grand nombre d'Inuits. La situation varie donc d'une ville à l'autre.
Pour ce qui est de la situation socioéconomique, les données citées par Mme Badets nous en disent long. Pour beaucoup, la promesse d'un accès à de meilleurs emplois, à de meilleures écoles et à de meilleurs services dans les villes ne se réalise pas.
Je vais vous parler d'une démarche différente après avoir un peu commenté la situation démographique. Je vais vous entretenir de la complexité de l'environnement des politiques et des programmes à laquelle se heurte l'Autochtone qui vit en milieu urbain. Dans cet environnement, trois ordres de gouvernement sont présents; tous offrent un large éventail de services à cette population, certains visant la population autochtone et d'autres étant d'application plus générale. Du côté du seul gouvernement fédéral, il existe plus de 30 ministères qui offrent des programmes dans ce domaine. Il existe une multiplicité de compétences et de points de service, outre qu'on a affaire à une population très mobile et très diversifiée, et l'on se retrouve avec un environnement de politiques et de programmes complexe dont pas un seul gouvernement ou ministère n'assume l'entière responsabilité. Cela peut se traduire par des lacunes dans les programmes ou des dédoublements et engendrer une certaine confusion quant au partage des compétences. Sans aller jusqu'à parler de chaos, force est de constater que tout ce qui touche aux politiques et aux programmes est très complexe.
En 1997, le gouvernement fédéral a examiné la situation des Autochtones vivant en milieu urbain et décidé d'exercer un rôle de leadership dans la résolution de certains de ces problèmes en instaurant la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain, SAMU, plutôt que de s'en approprier la responsabilité.
En 2007, le gouvernement du Canada a engagé une somme de 68,5 millions de dollars sur cinq ans dans la SAMU afin de collaborer à l'augmentation de la participation économique des Autochtones qui vivent dans les principaux centres urbains.
La SAMU est actuellement déployée dans 13 villes au Canada, en l'occurrence : Vancouver, Prince George, Lethbridge, Edmonton, Calgary, Regina, Prince Albert, Saskatoon, Thompson, Winnipeg, Thunder Bay, Ottawa et Toronto. Toutes ces villes comptent une population autochtone importante. En outre, la SAMU entreprend actuellement des travaux préliminaires avec les communautés urbaines de Montréal et de Halifax.
Dans ces villes, la SAMU fonctionne par l'intermédiaire de comités directeurs communautaires. Ces comités directeurs sont constitués de membres de la communauté autochtone de la ville et de représentants de tous les ordres de gouvernement. Dans certains cas, nous avons mis à profit des structures communautaires existantes et, dans d'autres cas, nous avons constitué des comités directeurs communautaires issus de la communauté. Dans tous les cas, notre approche s'est voulue inclusive et représentative de la diversité de l'environnement autochtone urbain.
Ces comités directeurs aident à cerner les priorités locales et travaillent en collaboration avec tous les ordres de gouvernement afin de relever les défis propres à la communauté. Bien que les villes soient uniques et aient établi leurs propres secteurs de priorités, toutes ciblent les trois mêmes domaines de priorité nationaux établis en vertu de la SAMU, à savoir : l'amélioration des aptitudes à la vie quotidienne, la promotion de la formation professionnelle et de l'entrepreneuriat, et le soutien aux femmes, aux enfants et aux familles autochtones.
Une fois les priorités locales établies, nous sommes en mesure de cibler et de coordonner les programmes fédéraux pour qu'ils répondent à ces besoins plutôt que de demander aux communautés d'adapter leurs besoins aux exigences de nos programmes. L'un des piliers fondamentaux de la SAMU consiste à mobiliser et à soutenir les communautés dans leurs efforts d'interaction avec le gouvernement, ce qui peut ne pas sembler évident.
Un autre des piliers réside dans la coordination horizontale, à l'échelle du gouvernement fédéral. L'une des innovations que nous avons mises en œuvre sous le régime de la SAMU en vue d'améliorer la coordination fédérale consiste à créer des modalités d'application horizontales. Il s'agit d'un mécanisme à l'aide duquel d'autres ministères fédéraux peuvent en fait se regrouper pour assurer un financement par le moyen d'une entente unique avec un bénéficiaire; ce mécanisme permet non seulement de coordonner les efforts fédéraux entourant un projet, mais il simplifie grandement la tâche des bénéficiaires. Cette mesure novatrice vise également à maximiser et à harmoniser les investissements financiers fédéraux afin qu'ils se renforcent mutuellement.
La SAMU a également permis de créer des possibilités de partenariat novatrices entre les différents ordres de gouvernement et les différents intervenants, élément qui constitue un autre aspect clé de notre stratégie. À ce jour, les projets menés dans le cadre de la SAMU ont mis à contribution plus d'une centaine de partenaires provenant de tous les ordres de gouvernement, d'organisations sans but lucratif et d'organismes du secteur privé. En conséquence, au cours des trois dernières années, le financement de 41 millions de dollars au titre de la SAMU a permis de recueillir 42 millions de dollars auprès d'autres partenaires financiers — 22,2 millions de dollars de la part des provinces et municipalités; 6,6 millions de dollars de la part d'organisations autochtones et 13,3 millions de dollars auprès d'organisations sans but lucratif et du secteur privé. De plus, d'autres ministères fédéraux ont versé des contributions aux mêmes projets de la SAMU.
Les projets de la SAMU que nous soutenons en partenariat avec d'autres intervenants produisent des retombées positives pour les communautés d'Autochtones en milieu urbain et pour les villes où nous menons notre stratégie. Par exemple, nous offrons une formation en dynamique de la vie à de jeunes mères autochtones désireuses d'accéder au marché du travail et de se soustraire à une situation domestique difficile; nous appuyons la formation et l'apprentissage pour les jeunes Autochtones et aidons de jeunes Autochtones des villes à sortir des gangs de rue. Nous avons aussi amené les municipalités à accorder plus d'attention à ces questions et avons officialisé nos relations avec les gouvernements de manière à harmoniser et à coordonner nos efforts pour régler les problèmes auxquels se heurtent les Autochtones vivant en milieu urbain. Ce sont là quelques-unes des réussites qu'a connues la SAMU.
Pour conclure sur une note plus générale, je tiens à préciser que les villes deviennent le milieu de vie d'un nombre croissant d'Autochtones et que ce phénomène est relativement majeur et récent. L'Étude sur les Autochtones vivant en milieu urbain, réalisée en 2010 par l'Institut Environics, nous révèle que des Autochtones font le choix de vivre dans les villes dans l'espoir d'un avenir prometteur pour eux-mêmes et leurs familles, qu'ils recherchent une vie meilleure et plus précisément de meilleures possibilités d'éducation, des emplois plus gratifiants et un avenir meilleur pour leurs enfants.
Je ne pense pas que nous ayons déjà saisi toutes les possibilités ni les retombées que cette initiative représente pour nos villes et c'est pourquoi je me réjouis de l'intérêt que votre comité porte à la question de l'inclusion sociale dans les villes.
Je vais m'arrêter ici et répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup.
On nous a parlé des allées et venues fréquentes que les membres de Premières nations font entre les réserves situées en région urbaine et les réserves situées en région rurale. Est-ce que Statistique Canada dispose de données sur la fréquence de ces déplacements et sur le nombre de personnes que cela concerne?
Madame Badets, quels défis particuliers ce phénomène soulève-t-il?
Mme Badets : Statistique Canada ne recueille pas de données à cet égard. Lors du recensement, nous avons demandé aux répondants où ils avaient résidé un an et cinq ans auparavant. En ce sens, nous avons une idée de ce qui se passe. Nous n'avons que des instantanés de la situation et nous n'avons pas d'idée de ce que sont ces vagues migratoires un peu difficiles à suivre.
Nous n'avons pas effectué énormément de recherches à cet égard. Je sais, cependant, que certains services d'AINC ont étudié la question d'un peu plus près. On constate une importante mobilité. Il faudrait la quantifier, mais on peut déjà constater qu'elle existe.
Le président : Monsieur MacDonald, est-ce que ces va-et-vient des membres de Premières nations soulèvent un problème particulier?
M. MacDonald : Je vais ajouter deux ou trois choses. Premièrement, ce phénomène n'est pas limité aux réserves, puisque les Indiens vivant hors réserve ou dans des collectivités éloignées se rendent aussi dans les villes. Nous avons effectué quelques recherches sur ce phénomène migratoire que nous avons quantifié dans une certaine mesure.
Les Autochtones résidant en milieu urbain sont aussi très mobiles, ce qui rend très difficile l'administration de nos politiques et de nos programmes. Il est en effet difficile de suivre la population autochtone dans ses déplacements; il lui est difficile, à elle, d'accéder aux services dont elle a besoin et on ne sait pas toujours quand ni comment les Autochtones viennent en ville, si bien que nous ne pouvons pas nous préparer en conséquence à ce genre de transition. Une migration de ce type entraîne, à elle seule, une complexité supplémentaire dans le milieu où nous évoluons.
Le président : Le Fonds de lutte contre les activités des gangs de jeunes, le FLAG, dont l'objet est d'empêcher les jeunes Autochtones d'intégrer les gangs de rue, est une bonne idée. Je crois savoir que le financement de ce fonds arrivera à échéance à la fin du mois. Savez-vous s'il va être renouvelé? Est-ce que vous vous y attendez?
M. MacDonald : Le Fonds de lutte contre les activités des gangs de jeunes ne relève pas de notre ministère. Je ne sais pas qui au juste s'en occupe. C'est sans doute la prévention du crime ou Sécurité publique Canada. Je ne sais pas où en est ce programme.
Le président : Je vais vous poser une question au sujet de la Stratégie pour les Autochtones en milieu urbain. Vous avez indiqué qu'il y a des comités dans chacune de ces 13 collectivités.
M. MacDonald : C'est exact.
Le président : De plus, vous envisagez de faire la même chose dans deux autres villes. Est-ce que tous les ordres de gouvernement et toutes les collectivités participent aux 13 comités en place?
M. MacDonald : Oui, dans la plupart des cas. C'est ainsi que la chose a été pensée au départ. Ces comités sont censés reposer sur une base large faisant appel à une participation de tous les Autochtones et des deux ordres de gouvernement.
Le président : Les municipalités participent-elles également?
M. MacDonald : Oui, dans certains cas.
Le président : Estimez-vous que c'est un bon véhicule? A-t-il dans l'ensemble donné de bons résultats?
M. MacDonald : Je pense que, dans l'ensemble, il a effectivement donné de bons résultats. Je ne crois pas que, par le passé, on ait déjà déployé le même genre d'effort ni eu recours au même type de coordination pour amener toutes les parties à travailler au niveau d'un guichet unique au sein de la collectivité.
Le président : Vous avez dit que ce mécanisme a pour objet d'assurer une formation en dynamique de la vie et de promouvoir la formation professionnelle, l'acquisition de compétences et le sens d'entrepreneuriat, de même que d'appuyer les femmes, les enfants et les familles autochtones. Qu'en est-il des questions qui touchent au logement des Autochtones? Ce sont des enjeux importants, comme nous l'a appris Statistique Canada. Un autre grand enjeu est celui de la scolarité, c'est-à-dire l'obtention des diplômes et la poursuite d'études au niveau postsecondaire, cela en opposition au décrochage. Est-ce que tous ces aspects sont traités dans la SAMU et est-ce que les comités directeurs peuvent se pencher sur ces questions?
M. MacDonald : Ils peuvent effectivement donner un coup de main. Dans certains cas, nous travaillons en partenariat avec d'autres ministères fédéraux, comme dans le cas de la Stratégie de partenariat de lutte contre l'itinérance, la SPLI, pour optimiser les fonds investis.
Cette stratégie est davantage axée sur les aspects dont j'ai parlé. D'autres programmes sont davantage concentrés sur le logement et l'itinérance. Il y a des programmes de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, la SCHL, en vertu de la SPLI.
Le président : La collaboration est idéale dans ce cas. On pourrait élargir le mandat de ces comités directeurs. S'ils sont représentatifs de tous les éléments mis en œuvre pour appuyer les Autochtones, j'ai l'impression qu'ils constituent un bon véhicule.
M. MacDonald : Je suis d'accord. Il nous arrive de travailler en partenariat avec certains groupes pour optimiser les fonds que nous investissons. À l'heure actuelle, nous nous concentrons sur les aspects que nous avons recensés. Comme je l'ai dit, il y a bien sûr des projets qui comportent des initiatives en matière de logement.
Le président : Le FLAG ne relève pas de votre compétence. Nous allons devoir vérifier la situation à cet égard et savoir qui l'administre.
M. MacDonald : Ce programme ne relève pas de notre compétence, mais nous conduisons d'autres projets qui visent des objectifs semblables.
Le président : Je pensais que vous l'aviez mentionné.
M. MacDonald : À Regina, nous avons entrepris, en collaboration avec Santé publique Canada, un projet appelé Regina Anti-Gang Services ou RAGS. C'est cependant un autre ministère qui l'administre.
Le sénateur Dyck : Merci pour votre exposé. Je connais bien une bonne partie des statistiques de 2006. C'est le genre de données qui fait monter ma pression. Je vais vous poser des questions sur la différence entre les hommes et les femmes et j'aimerais savoir si vous avez des données précises sur les femmes autochtones ayant des diplômes ou sur la ventilation entre hommes et femmes en ce qui concerne l'apprentissage d'un métier.
De plus, monsieur MacDonald, vous avez parlé de la SAMU. Vous avez mentionné qu'un des domaines de priorité nationale est l'appui à accorder aux femmes, aux enfants et aux familles autochtones et qu'un des projets financés consiste à aider les mères autochtones à se sortir de mauvaises situations familiales pour entrer sur le marché du travail. À partir des données que vous nous avez fournies, pouvez-vous conclure qu'une des raisons pour lesquelles les Autochtones déménagent des réserves vers les centres urbains tient au fait que ce sont les femmes qui partent dans l'espoir de trouver une vie meilleure ou d'échapper à la violence familiale, par exemple? Pouvez-vous nous dire si certaines d'entre elles perdent leur statut d'Indienne en se mariant? Je ne crois pas que vous ayez précisément parlé de ces aspects ni qu'il en ait été question dans les données recueillies.
Mme Badets : J'ai ici des données sur les proportions de femmes autochtones par groupe, par métier et par niveau universitaire. Nous pourrions très certainement vous obtenir ce genre d'information. Cependant, nous savons que les femmes autochtones, surtout les femmes de Premières nations, reprennent leurs études plus tard dans leur vie. Elles peuvent avoir eu une famille très tôt et n'aller chercher une éducation postsecondaire que plus tard dans leur vie. Nous devrions toutefois examiner la situation sous l'angle du parachèvement des études, surtout de l'obtention de diplômes universitaires.
Le sénateur Dyck : Je sais qu'il y a deux fois plus de femmes que d'hommes autochtones dans cette situation. J'ai lu dans un article intéressant qu'une femme autochtone titulaire d'un diplôme universitaire gagne autant qu'une femme non autochtone dans la même situation, même s'il y a encore un écart par rapport aux hommes non autochtones. Les diplômes aident beaucoup.
Pour ce qui est des Indiennes inscrites et des Indiennes non inscrites, à la diapositive 6, on peut lire que 74 p. 100 des Indiens non inscrits vivent dans des centres de population. C'est pour cela que je vous ai demandé si les femmes autochtones perdent leur statut après avoir déménagé dans une ville. Sans ce statut légal d'Indiennes, elles ne peuvent plus ensuite résider dans une réserve.
Mme Badets : C'est là tout ce que nous savons. Je ne crois pas que nous ayons posé ce genre de question dans une de nos enquêtes. Vous avez bien sûr raison; la diapositive indique que 74 p. 100 des membres de Premières nations qui résident dans les régions urbaines n'ont pas le statut d'Indiens inscrits.
Le sénateur Dyck : La diapositive 16 montre la proportion d'enfants autochtones vivant avec un seul parent. Avez- vous une idée de la répartition de ceux qui vivent avec la mère et de ceux qui vivent avec le père?
Mme Badets : Oui.
Le sénateur Dyck : Est-ce qu'ils vivent surtout avec la mère? Vous vous en souvenez?
Mme Badets : Oui, ils vivent principalement avec la mère.
M. MacDonald : Je n'ai ici pas de données précises à ce sujet, mais je sais que, dans le genre de programmes que nous administrons, la très grande majorité des parents seuls vivant en milieu urbain sont de jeunes mères avec des enfants. Les pères sont une minorité. Je ne veux pas laisser entendre que l'inverse n'est pas possible, mais il se trouve que la majorité de nos prestataires sont des mères en situation monoparentale.
Le sénateur Dyck : Est-ce que certains programmes financés en vertu de la SAMU ont pour objet d'enseigner aux femmes les principes d'autoprotection ainsi que les autres mesures de sécurité à prendre contre la violence? Administrez-vous de tels programmes?
Denis Carignan, directeur, Bureau de l'interlocuteur fédéral, Saskatchewan Affaires indiennes et du Nord Canada : Nous avons financé de tels projets qui diffèrent d'une collectivité à l'autre parce que chacune fixe ses propres priorités. À Regina, par exemple, les stratégies de sortie de situations violentes et de gangs de rue constituent l'une des priorités. Dans le passé, nous avons financé des projets portant sur de telles actions.
Le sénateur Dyck : À la diapositive 14, on apprend que le nombre d'Autochtones vivant dans des logements surpeuplés est supérieur dans l'Ouest du Canada. Avez-vous une idée de la raison pour laquelle c'est ainsi?
M. Carignan : Nous avons, mais de façon non scientifique, constaté la prévalence de ce genre de phénomène dans les périodes où l'économie et le marché du travail se portaient relativement bien, surtout en Saskatchewan. Dans ces trois centres, les taux de vacance sont inférieurs à 1 p. 100 et les loyers sont très élevés. Ceux qui ont de faibles revenus ont donc de la difficulté à se trouver un logement, d'où la prépondérance du surpeuplement.
Le sénateur Callbeck : Monsieur MacDonald, vous avez dit que la SAMU donne de bons résultats et permet de changer les choses. Il s'agit d'une stratégie quinquennale. A-t-il été question d'en renouveler le financement?
M. MacDonald : Oui. Cette stratégie arrive à terme en 2012. Le gouvernement devra décider ce qu'il veut en faire ensuite. Comme c'est habituellement le cas, le gouvernement aura la possibilité de renouveler cette stratégie, d'y mettre fin, de la modifier ou de l'étendre d'une façon ou d'une autre. J'imagine qu'il va envisager un certain nombre de scénarios, comme l'expansion, le resserrement des liens avec l'Association nationale des centres d'amitié, l'ANCA, et la prestation de programmes dans les réserves. Nous allons devoir répondre à un grand nombre de questions relativement à ce renouvellement possible.
Le sénateur Callbeck : Avez-vous eu des discussions à ce sujet jusqu'ici?
M. MacDonald : À l'interne, mais nous n'en avons pas encore parlé avec les collectivités où nous voulons appliquer la SAMU. Le gouvernement n'a pas encore décidé des emplacements où il souhaite appliquer le programme.
Le sénateur Callbeck : Dans la première partie de votre présentation, vous avez parlé de la complexité de la politique et des programmes. Nous avons ici affaire à trois ordres de gouvernement et à 30 ministères qui dispensent les programmes. Il est indéniable que tout cela porte à la confusion. Auriez-vous une recommandation à faire pour simplifier la situation?
M. MacDonald : Je ne prétendrai pas que la SAMU est la panacée universelle, mais pour réduire la complexité dans ce dossier, il conviendrait de faire trois choses. Premièrement, il faudrait améliorer la coordination horizontale à l'échelon fédéral; les ministères fédéraux devraient un peu mieux communiquer entre eux et se doter des outils nécessaires pour acheminer le financement.
Deuxièmement, les gouvernements devraient apprendre à mieux collaborer entre eux. Dans certains cas, cela pourrait prendre la forme d'une formalisation des relations entre les paliers de gouvernement provincial et municipal dans des domaines bien précis.
Troisièmement, il faudrait aider les groupes d'autochtones vivant en milieu urbain à établir leurs propres priorités et à faire leur propre planification. Nous devons répondre à leurs priorités. Voilà donc les trois recommandations que je ferais : améliorer les moyens dont disposent les communautés autochtones, coordonner l'action générale du gouvernement fédéral et collaborer plus étroitement avec les autres ordres de gouvernement qui, eux aussi, sont très engagés dans cette partie.
Le sénateur Callbeck : Vous avez dit qu'aucun ordre de gouvernement ni aucun groupe n'est en fin de compte responsable. Estimez-vous qu'il faille désigner un responsable? Serait-il utile qu'une personne soit responsable de coordonner le travail des ministères et des organismes concernés?
M. MacDonald : Le gouvernement fédéral fait preuve d'un certain leadership dans ce domaine. Il y a 10 ou 15 ans de cela, presque rien n'était coordonné à cet égard. Le gouvernement fait preuve de leadership; les communautés se dotent de moyens et les provinces se joignent au bal. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'un de ces acteurs devrait s'approprier tout le processus, mais il faut que quelqu'un fasse preuve de leadership. C'est ce que le gouvernement fédéral a fait.
Le sénateur Callbeck : La diapositive 11 montre les pourcentages d'Autochtones et de non-Autochtones âgés de 25 à 54 ans selon le niveau de scolarité. Du côté des études collégiales, on se rend compte que les deux groupes sont à peu près à égalité avec 21 p. 100 et 22 p. 100. En revanche, l'écart est énorme du côté des études universitaires, les Autochtones ne représentant que 10 p. 100 et les non-Autochtones se situant à 27 p. 100.
Avez-vous des données expliquant cet écart important?
Mme Badets : Le recensement donne un aperçu de la situation par les profils de scolarisation. Bien sûr, nous suivons cela dans le temps. Et puis, il y a l'Enquête auprès des peuples autochtones. Je ne crois pas que nous ayons demandé aux Autochtones pourquoi ils ne font pas d'études universitaires ou pourquoi ils décrochent du secondaire. Nous n'avons pas de réponse précise à ce sujet. Beaucoup, j'en suis sûr, ont une idée des raisons sous-jacentes, mais je n'ai personnellement pas de réponse à vous donner.
Le sénateur Callbeck : Il n'y a donc pas de données. La diapositive 14 montre la proportion d'Autochtones vivant dans des logements surpeuplés. À Calgary, les pourcentages entre Autochtones et non-Autochtones sont les mêmes. Comment la situation de Calgary se compare-t-elle à celle d'autres villes?
Mme Badets : Mon collègue vous a parlé de la situation en Saskatchewan, par exemple, et des types de logement disponibles, en particulier pour les personnes à faible revenu. Calgary est peut-être un bon exemple pour ce qui est de l'accès à des logements abordables.
M. MacDonald : Je ne peux pas vous répondre, mais ça semble sauter aux yeux.
Le sénateur Merchant : Nous avons affaire à des statistiques. Vous tenez vos informations de données de recensement et les Autochtones bougent beaucoup. Dans quelle mesure vos informations sont-elles exactes? Quel genre de retour avez-vous lors des recensements?
Mme Badets : Un recensement, c'est une vaste entreprise. Il est évident que Statistique Canada a recours à tous les moyens possibles pour assurer ce genre de suivi et disposer d'informations qui soient de la meilleure qualité possible. Il s'agit de la meilleure qualité d'information que nous ayons au Canada, mais cela ne revient pas à dire que certains ne passent pas au travers des mailles du filet. En règle générale, nous passons à côté de 2 p. 100 environ de la population totale. Nous savons que certains groupes sont plus mobiles que d'autres, comme les jeunes hommes, les immigrants récents et les Autochtones, ce qui complique d'autant la tâche. Nous nous efforçons de communiquer avec les organisations et les communautés autochtones. Partout au Canada, nous avons des agents autochtones qui gèrent un programme de liaison au sein des communautés autochtones afin de promouvoir le recensement et d'en expliquer l'importance.
Nous faisons bien sûr tout ce que nous pouvons et ce sont là les meilleures données dont nous disposons.
Le sénateur Merchant : Maintenant que la procédure de recensement a été modifiée et que le remplissage du formulaire est discrétionnaire, ne craignez-vous pas que la qualité ou la quantité des statistiques que vous recevez soit modifiée?
Mme Badets : Tout le monde nous pose cette question. Nous sommes sur le point d'entreprendre la nouvelle Enquête auprès des ménages qui est volontaire et nous ne saurons pas ce que cette nouvelle formule va produire avant d'avoir recueilli toutes les données. Nous avons lancé toutes sortes de projets en vue de promouvoir l'importance que constituent ces données pour les Canadiens. Le recensement se déroule actuellement dans le Nord et les choses vont bon train. Il est également très important que tous les Canadiens participent à l'Enquête auprès des ménages et qu'ils nous fournissent les données de qualité dont nous avons besoin. Nous espérons que cette information sera utile.
Le sénateur Merchant : Cela vous préoccupe-t-il?
Mme Badets : Nous sommes sûrs que ces données seront utilisables. Toutefois, tant que nous n'aurons pas recueilli, analysé et traité l'information, nous n'aurons aucune certitude.
Le sénateur Merchant : Ma question s'adresse à tous nos témoins. La situation des communautés autochtones s'améliore-t-elle par rapport à ce qu'elle était il y a 10, 20 ou 30 ans? Pouvez-vous nous dire dans quels domaines on a constaté l'absence, un peu ou beaucoup d'améliorations et les domaines qui vous préoccupent? Comment la population autochtone s'en sort-elle?
M. MacDonald : Je vais essayer de répondre à cette question. Je me suis surtout intéressé au milieu urbain. J'ai constaté des améliorations pour certains indicateurs socioéconomiques, mais l'écart persiste. À cet égard, la situation des populations autochtones s'améliore, tout comme celle des populations non autochtones. L'enjeu sera maintenant de combler l'écart.
Dans l'Ouest, nous risquons de nous heurter à un problème du côté du marché du travail à cause de l'afflux de jeunes Autochtones qui intégreront la population active en réponse à l'énorme demande. Cette situation pourrait permettre de combler l'écart entre Autochtones et non-Autochtones ou, au contraire, pourrait continuer de creuser le fossé entre les deux groupes. Il faudra cibler cette jeune population pour l'orienter vers des programmes d'apprentissage et de formation professionnelle. Il s'agit sans doute là d'une question de politique publique notoire à laquelle il conviendra de s'intéresser dans l'avenir, surtout dans le cas de l'Ouest du Canada.
Le sénateur Merchant : A-t-on constaté une amélioration de l'état de santé des membres de Premières nations dans les villes?
M. MacDonald : Je ne peux vous répondre et je ne sais pas si de telles données existent.
Mme Badets : Je n'en suis pas sûre non plus. Nous allons vérifier, mais a priori je ne sais pas.
Le sénateur Merchant : Une partie de ces données sont autodéclarées. Les Autochtones se plaignent-ils autant que les non-Autochtones? Nous utilisons des outils différents et nous travaillons de façon différente. Dans quelle mesure ce portrait est-il exact? Je sais que vous essayez de nous donner les meilleures informations possible, mais je me demande dans quelle mesure elles sont précises.
Le sénateur Cordy : C'est très intéressant. Nous étudions la question de l'inclusion. Il est triste de constater qu'il nous faille faire venir un groupe de témoins spécialisés dans les questions autochtones pour parler de l'inclusion de ce groupe au sein de la population canadienne.
À la diapositive 18, il est question du degré de satisfaction des parents de jeunes enfants autochtones âgés de moins de six ans, à l'exclusion des réserves, relativement à un certain nombre d'aspects. S'agit-il de données autodéclarées? Quelle était la méthodologie de l'enquête?
Pour en revenir aux questions du sénateur Merchant, à quoi s'attendent les Autochtones qui déménagent en région urbaine? Je me suis laissée dire qu'ils ne s'attendent peut-être pas à autant qu'ils le devraient. Vous pourriez peut-être nous indiquer comment vous avez obtenu cette information.
Mme Connors : Dans le cas de l'Enquête sur les enfants autochtones, nous nous sommes adressés aux parents d'enfants âgés de moins de six ans. Nous leur avons demandé de noter leur agglomération sur une échelle allant de médiocre à excellente. Ils devaient se prononcer sur différents secteurs d'activités. Il s'agissait de sonder la perception que les parents ont de leur collectivité dans le cas, par exemple, de la qualité des écoles et de l'adéquation des établissements de santé.
Le sénateur Cordy : Avez-vous recueilli des données sur les Autochtones résidant en région urbaine ou dans les centres de population sous l'angle de leur attachement à ces régions urbaines?
Mme Connors : Nous n'avons pas posé ce genre de questions. Nous voulions plutôt recueillir des données sur les installations et les activités. Nous n'avons pas posé de questions particulières sur l'attachement des Autochtones à leur ville.
M. MacDonald : Environics a récemment effectué un sondage intéressant, comme je le disais, soit l'Enquête auprès des Autochtones en milieu urbain. Cette firme s'est précisément penchée sur le genre de questions que vous soulevez : quelles sont les attitudes et aspirations des Autochtones résidant dans les villes? Et les constats sont intéressants.
J'invite le comité à examiner de près les résultats de l'enquête. En règle générale, on s'aperçoit que les villes sont particulièrement accueillantes pour les Autochtones et que ceux-ci jugent qu'ils peuvent apporter une véritable contribution à leurs villes sans renoncer à leur bagage culturel, à leur patrimoine ou à leurs aspirations. Cette enquête n'a pas été effectuée selon la meilleure méthodologie possible, mais elle nous éclaire à partir d'une source de données différente de celle de Statistique Canada.
M. Carignan : En Saskatchewan, chacun de nos comités directeurs a déterminé que l'identité culturelle est une priorité. Dans les trois villes, nous administrons des projets qui portent sur le transfert de l'identité culturelle des membres de Premières nations et des Métis dans nos villes, surtout dans les écoles. À Regina, nous finançons un programme qui s'adresse aux aînés et aux résidants, en collaboration avec la province et la division scolaire. Il est question de faire venir dans les écoles des personnes qui représentent des modèles de comportement. Dans les 30 écoles fréquentées par de telles personnes, l'assiduité des élèves s'est améliorée de même que leurs résultats scolaires.
Le sénateur Cordy : Si de tels programmes étaient administrés dans toutes les écoles, on constaterait une amélioration des pourcentages de la diapositive 18. Les pourcentages sont particulièrement faibles en ce qui concerne l'évaluation des lieux offrant des activités traditionnelles des Premières nations, des Métis et des Inuits. Si vous appliquez ce programme partout, je pense que les pourcentages augmenteraient.
M. Carignan : Effectivement.
Le sénateur Seidman : Merci beaucoup pour votre exposé. Monsieur MacDonald, vous avez dit qu'en 2007, le gouvernement du Canada a consacré 68,5 millions de dollars à la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain afin de créer des partenariats. Vous avez aussi déclaré que vous êtes présents dans les villes, par le truchement des comités directeurs communautaires et que, dans tous le cas, vous avez adopté une approche inclusive face à la nature diversifiée du milieu urbain dans lequel vivent les Autochtones. Pouvez-vous nous dire ce que vous entendez par approche inclusive et nous expliquer comment vous êtes parvenu à vos fins?
M. MacDonald : Comme je vous l'ai dit, nous collaborons avec les comités directeurs communautaires. Dans certains cas, nous avons dû en implanter dans les villes où il n'existait aucune structure avec laquelle nous pouvions travailler. Nous avons veillé à ce que des représentants de Premières nations, d'Inuits — quand il y avait une population inuite — et de Métis siègent à ces comités et que ces comités offrent une composante de prestation de services. Nous avons également compté sur la participation des provinces et des municipalités. C'est en cela que nous avons été inclusifs.
En outre, nous sommes le partenaire qui représente le gouvernement fédéral et nous mettons non seulement à disposition les services de notre bureau, mais également ceux d'autres ministères fédéraux, selon la nature des projets. Il s'agit d'un partenariat très vaste, inclusif, qui tient compte de toutes les communautés, mais aussi des différents ordres de gouvernement et des différents intervenants qui s'intéressent à la communauté des Autochtones vivant en milieu urbain.
Le sénateur Seidman : Je m'intéresse particulièrement à la situation des Autochtones. Est-ce que des groupes comme le Congrès des Peuples Autochtones, le Ralliement national des Métis et l'Assemblée des Premières Nations interviennent dans la SAMU?
M. MacDonald : Il y a des organisations locales, des gens qui représentent les organisations nationales ou encore d'autres qui ne sont pas affiliés à des organisations nationales mais il s'agit tout de même d'Autochtones, d'Inuits et de Métis. Nous appliquons une démarche très large, inclusive.
Le sénateur Seidman : Il est intéressant de constater que le gouvernement fédéral s'intéresse aux questions autochtones hors réserve. J'aurais pensé que ce genre de questions relevait des provinces. Pouvez-vous nous expliquer ce qui se passe?
M. MacDonald : Dans le passé, on estimait que le gouvernement fédéral devait s'occuper de tout ce qui se passait dans les réserves et que les gouvernements provinciaux s'intéresseraient aux questions hors réserve, mais au bout d'un moment, le débat a tourné à l'ésotérisme. Le gouvernement fédéral s'intéresse beaucoup au milieu urbain dans lequel vivent les Autochtones. Nous dépensons énormément à cet égard, pas uniquement par le truchement de notre bureau, mais aussi par le biais de bien d'autres programmes. Il est important de suivre tous ces investissements et d'en tirer le meilleur parti.
Dans le passé, j'ai constaté que si l'on commence à polémiquer sur qui a compétence ou pas, plutôt que de se concentrer sur les aspects pratiques, de collaborer avec les provinces et les territoires, on finit par ne rien faire. Je ne vais pas rentrer dans les querelles de clocher. Le gouvernement fédéral est intéressé par cette question. Je crois que nous avons un rôle à jouer et que nous pouvons jouer un rôle sans nous empêtrer dans ce genre de débat.
Le sénateur Seidman : Vous avez dit que le gouvernement fédéral fait preuve de leadership, mais qu'il ne s'est pas approprié le processus. C'est particulièrement intéressant comme déclaration.
M. MacDonald : Oui.
M. Carignan : Je suis membre d'une Première nation de la Saskatchewan. J'ai été fonctionnaire fédéral pendant 17 ans environ et j'ai surtout travaillé dans le dossier des Autochtones vivant dans les réserves à Statistique Canada et à AINC. C'est principalement à cause de cette stratégie que j'ai décidé de travailler pour le gouvernement fédéral. Celle- ci nous a permis de nous brancher sur les collectivités, d'adopter une culture de gestion qui a consisté à nous mettre d'abord à l'écoute des communautés, puis à trouver des partenaires disposés à collaborer avec nous. C'est là que réside l'avenir de l'action gouvernementale.
Le président : Excellent. Voilà un message très fort qui permet de conclure avec ce groupe de témoins. Merci à vous quatre de vous être déplacés.
Nous allons maintenant passer à notre second groupe, toujours sur le thème de l'inclusion sociale et de la cohésion sociale en regard des questions autochtones.
J'accueille donc nos prochains témoins. David Chartrand est vice-président du Ralliement national des Métis et il est également président de la Manitoba Metis Federation, la MMF. Le Ralliement national des Métis, le RNM, est la voix officielle des Métis sur la scène nationale et internationale. Il est investi d'un mandat et reçoit ses orientations de dirigeants démocratiquement élus des gouvernements de la nation métisse, en Ontario et dans les provinces de l'Ouest.
Nous accueillons aussi Betty Ann Lavallée du Congrès des Peuples Autochtones. Elle a été chef du Conseil des peuples autochtones du Nouveau-Brunswick et est ex-militaire des Forces canadiennes. Elle est accompagnée de Randy Martin, conseiller en affaire politique. Le Congrès des Peuples Autochtones, ou CPA, est un organisme-cadre national constitué en personne morale. Il représente, sur la scène nationale, les intérêts des organisations provinciales et territoriales qui y sont affiliées.
Nous entendrons aussi Rick Simon, chef régional de l'Assemblée des Premières Nations de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve. L'Assemblée des Premières Nations, l'APN, est l'organisation nationale qui représente toutes les Premières nations au Canada, soit plus de 630 communautés. Le secrétariat de l'APN a pour mission de présenter le point de vue des différentes Premières nations par la voie de leurs responsables.
Bienvenue à vous tous. Nous allons débuter dans l'ordre selon lequel je vous ai présentés, à moins que vous ne préfériez procéder autrement.
David Chartrand, vice-président, Ralliement national des Métis : Merci pour votre invitation. Nous sommes ravis de nous trouver ici afin de vous donner un bref aperçu de la situation des Métis de l'Ontario et de l'Ouest, telle que nous la percevons. Pour ceux qui ne connaîtraient pas le Ralliement national des Métis, sachez qu'il s'agit de l'organisme national représentant tous les gouvernements métis de l'Ontario jusqu'à la Colombie-Britannique. Nous comptons cinq gouvernements provinciaux, chacun étant élu par scrutin secret à l'échelle de chaque province. Il s'agit de la seule structure gouvernementale autochtone à obéir à ce genre de procédure au Canada. Nous en sommes fiers. Elle nous est très chère et nous la protégeons avec conviction pour nous assurer que chaque membre ait le droit d'élire ses dirigeants.
Le président : J'ai oublié de mentionner une chose. Pourriez-vous, chacun, limiter vos remarques liminaires à sept minutes?
M. Chartrand : C'est ce que j'envisageais de faire. Je voulais simplement m'assurer que les gens savent qui nous sommes.
Statistique Canada définit les régions « urbaines » comme étant des agglomérations de 1 000 habitants ou plus. Si l'on applique cette seule définition, les Métis devraient se retrouver dans une catégorie plutôt large, parce qu'ils résident dans les petits centres urbains. Par exemple, nous sommes dominants au sein de la population autochtone de Winnipeg, puisque nous en constituons les 53 p. 100. Nous considérons ce segment de population dans l'établissement de notre terroir. J'ai entendu les sénateurs poser des questions sur la mobilité. Dans les villes, nous ne sommes pas aussi mobiles. Nous y vivons depuis longtemps déjà, en fait depuis deux ou trois générations.
En entendant les échanges précédents, je me suis dit qu'il fallait que je précise la méthode de documentation statistique que nous avons appliquée. Je suis désolé de ne pas avoir pu faire traduire ce texte en français. Je me suis efforcé de le préparer rapidement. Je sais que vous n'avez pas eu assez de temps pour le lire, mais j'espère que vous pourrez lire tout le document que nous vous avons soumis.
Je suis en complet désaccord avec les intervenants précédents. Les choses ne fonctionnent pas. En fait, la situation est pire que jamais. Il est malheureux que nous nous retrouvions dans ce genre de situation. Par exemple, on vous a dit que le gouvernement déclare avoir dépensé 65 millions de dollars sur les Autochtones résidant en milieu urbain dans la SAMU. En réalité, les Métis n'ont reçu que 6 p. 100 de cette somme, même si, sur le plan démographique, nous dominons dans les centres urbains les plus peuplés de l'Ouest du Canada. Nous ne sommes pas intervenants dans ce processus. Nous avons tenté d'être un des partenaires dès le début et avons essayé de travailler sur ce plan. Cela ne nous a conduits nulle part et je dirais même que nous n'apprécions pas particulièrement la SAMU.
Je suis très fier de dire que deux premiers ministres ont admis que, malheureusement, les Métis continuent d'être laissés pour compte. Paul Martin l'a officiellement et ouvertement reconnu et Stephen Harper a récemment déclaré, lors d'une réunion, que les Métis sont de grands oubliés et qu'il faut corriger la situation. La Manitoba Metis Federation, qui est l'un des gouvernements provinciaux, compte 52 000 électeurs de plus de 18 ans. Nous devons administrer et représenter une importante population de commettants.
Nous sommes très préoccupés par le fait que l'orientation adoptée pour ce programme ne nous profite absolument pas. À cause du seuil de 1 000 habitants établi pour l'application de l'Initiative des centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones, les CUPJA — le nom a depuis été changé — les villages métis de 700, 800 ou 900 habitants ne pouvaient pas se prévaloir des programmes pour jeunes. Même deux villages de populations identiques situés à cinq milles l'un de l'autre ne pouvaient pas se rassembler pour être admissibles au programme.
Selon nous, il s'agit là d'un programme mal ficelé. Je sais que les fonctionnaires sont convaincus des vertus de ce programme. Je ne les critique pas pour leurs convictions, mais je connais les faits. Je suis en politique depuis 1988. J'ai été réélu trop de fois, puisque je crois avoir rempli cinq mandats. À la dernière élection, j'ai été élu par 85 p. 100 des électeurs. C'est très difficile quand on se retrouve dans une situation où les gouvernements autour de vous parlent d'inclusion et de démarches inclusives, de partenariats, mais qu'ils ne tiennent pas compte du gouvernement qui représente la population.
J'espère qu'à la lecture de notre document vous constaterez qu'il existe de nombreux groupes. Un des intervenants précédents vous a parlé de sous-comités représentant 20 ou 30 groupes qui sont très disparates. Ils font de leur mieux pour se doter d'un service. D'ailleurs, c'est la seule source de financement dont certains disposent et elle n'est pas coordonnée. On ne sait pas qui fait quoi ni quelle porte est ouverte ou fermée. Il n'y a aucune coordination.
Les statistiques prouvent que, dans des centres urbains comme Winnipeg, la situation ne s'améliore pas, qu'elle empire. Ressources humaines et Développement des compétences Canada, RHDCC, finance un programme qui a été rebaptisé Stratégie pour les compétences et l'emploi des Autochtones ou SCEA. Avant, il s'agissait de l'Entente sur le développement des ressources humaines autochtones, l'EDRHA. La MMF s'est systématiquement classée en tête de liste sur les 81 EDRHA signées au Canada au cours des 10 dernières années. C'est l'un des meilleurs programmes au pays. Il a fait des merveilles. Il nous a permis d'employer des Autochtones et de dépasser toutes les cibles qui nous avaient été imposées par le gouvernement.
Plutôt que de se regrouper autour de ce type de programme, la bureaucratie, le gouvernement en a lancé un autre qui vient lui faire concurrence et ils ne collaborent plus avec nous. Si, au football, toute l'équipe ne fait pas bloc et que le quart arrière se retrouve seul, en l'absence de défenseurs, elle ne fera pas des miracles. Si vous n'avez pas un bon entraîneur, comme les Canadiens de Montréal, vous ne risquez pas de gagner. Il est impossible de gagner quand on a un seul joueur au hockey. C'est la même chose avec le processus qui nous concerne. Il n'y a pas de coordination, on n'inclut pas les gouvernements métis. Comme je le disais, les statistiques ne contredisent pas le fait que nos cinq gouvernements ont reçu 6 p. 100 des 65 millions de dollars, soit 4 millions de dollars.
En fin de compte, personne ne gagne. C'est malheureux. Cet investissement n'a pas été suffisamment coordonné. Quitte à investir, il faut envisager le court et le long terme. On ne doit pas simplement investir parce que ça paraît bien un jour dans les médias pour ne plus ensuite se poser de questions au sujet des résultats. Les Métis ont toujours payé leurs taxes et impôts et ils continuent de le faire aujourd'hui. Nous versons annuellement des centaines de millions de dollars en impôts et nous ne récupérons pas notre juste part.
En résumé, monsieur le président, comme je le disais plus tôt, les Métis sont profondément convaincus que la SAMU est un programme qui, à l'heure actuelle, ne donne rien. Nous avons à notre disposition toute une série de structures, comme le gouvernement provincial. Au Manitoba, nous gérons le programme de protection de l'enfance dans sa totalité. Nous en avons reçu le mandat et il existe une loi qui encadre la protection de l'enfance. Plutôt que de coordonner tout cela, de regrouper toutes les ressources existantes et de travailler en partenariat avec les différents intervenants, le gouvernement central nous exclut. C'est malheureux, mais c'est la direction qu'ont adoptée le ministère et les fonctionnaires et nous sommes vraiment restés en arrière.
J'ai essayé de me limiter aux sept minutes.
Le président : Vous vous en êtes très bien sorti. J'ai examiné votre document et constaté que vous formulez des recommandations en page 9, à la dernière page. Les membres du comité voudront peut-être y jeter un coup d'œil.
Betty Ann Lavallée, chef nationale, Congrès des Peuples Autochtones : Bonsoir, monsieur le président, membres du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Je suis honorée de vous entretenir des enjeux sociaux constatés dans les plus grandes villes du Canada et cela sur le territoire traditionnel et non cédé du peuple algonquin.
Je suis Micmaque de plein droit et j'ai passé toute ma vie hors réserve. Je viens de Geary, au Nouveau-Brunswick, et je suis l'ancienne chef et la présidente du New Brunswick Aboriginal Peoples Council, le NBAPC. Le 12 septembre 2009, j'ai été élue chef nationale du Congrès des Peuples Autochtones. Depuis 40 ans, le CPA représente les droits et les intérêts des Indiens inscrits et non inscrits qui vivent hors réserve, de même que des Métis résidant dans les régions rurales, urbaines, éloignées et isolées partout au Canada.
J'applaudis le travail que votre comité a entrepris pour examiner les questions de cohésion et d'inclusion sociale dans les plus grandes villes du Canada. On a pu lire dans le rapport du sous-comité sur les villes intitulé Pauvreté, logement, itinérance : les trois fronts de la lutte contre l'exclusion, « en dépit d'une vaste gamme de programmes [...] les résultats recherchés ne sont pas atteints ».
Depuis le dépôt du rapport du sénateur Croll, La pauvreté au Canada, en 1971, le comité a régulièrement entendu dire que peu de choses ont changé ou ont été améliorées. Les deux rapports du Sénat, qui ont principalement porté sur certaines populations, dont les Autochtones et les familles monoparentales, renferment des recommandations en matière de logement, d'apprentissage précoce, d'éducation, d'emploi, de soins de santé et de pauvreté.
Bien que certaines choses aient changé depuis 1971, les enjeux sociaux continuent de tourmenter nos villes, nos sociétés et nos gens. Nous sommes par ailleurs confrontés à de nouveaux défis, comme les questions d'accessibilité aux technologies et à l'Internet, autant de problèmes qui risquent de creuser l'écart entre nantis et démunis.
Dans son article Measuring Progress, Strengthening Governance and Promoting Positive Change : Developing sustainability indicators with Winnipeg's urban First Nations community, Christa Rust traite des défis auxquels sont confrontés les Autochtones résidant en milieu urbain. La plupart des politiques visant à corriger la situation sont inefficaces parce qu'on comprend mal la dynamique particulière de ces défis. Le défi qui attend le comité à l'heure où il se penche sur les enjeux sociaux dans les villes est de taille et j'espère que les points de vue que nous allons exprimer contribueront au débat.
Le CPA appuie les recommandations contenues dans le rapport du sous-comité sénatorial : lutte contre la pauvreté; formulation d'une stratégie nationale en matière de logement et d'itinérance; éducation préscolaire et enseignement primaire; formation; scolarisation; santé et constitution d'un groupe de travail autochtone destiné à dégager un ensemble de priorités pour les Autochtones résidant en région urbaine. Nous souhaiterions collaborer avec vous à la formation de ce groupe de travail. Petite précision au passage, quand je parle d'éducation préscolaire et d'enseignement primaire, j'envisage un apprentissage continu qui va du berceau au tombeau. Cette forme d'enseignement commence par des mères en santé qui donnent naissance à des bébés sains, à de futurs apprenants sains.
Nous appuyons également la recommandation qui vise à maintenir et à étendre l'appui accordé à Statistique Canada en matière de collecte, d'analyse et de diffusion des données qui sont importantes pour évaluer et améliorer les programmes sociaux. Nous avons besoin de ces données et de cette information pour être en mesure de prendre des décisions factuelles au sujet des politiques et des programmes concernant les Autochtones qui vivent dans les régions urbaines. Sans de telles données, il est impossible de planifier en vue d'obtenir les ressources appropriées.
Grâce à des années de recherche ayant porté sur l'apparition de différentes maladies et sur un ensemble de problèmes sociaux, nous savons que la maladie et la pauvreté sont liées. La recherche nous apprend également que, dès que la maladie est présente dans une collectivité, les problèmes sociaux ne sont pas loin et vice versa. Quand on se trouve en présence de ces deux phénomènes dans une collectivité, la recherche nous apprend aussi qu'il y a de fortes chances qu'on découvre de nombreux exemples d'exclusion sociale et de manque de cohésion. Nous devons donc continuer d'effectuer des recherches et d'utiliser les données de recherche pour élaborer des modèles de résolution de problèmes.
Les femmes autochtones ont un rôle à jouer dans la préparation et la mise en œuvre de ces modèles. Leur rôle traditionnel a toujours été de s'occuper des membres de leur famille, mais aussi de leur communauté. C'est à leur sagesse traditionnelle et inhérente qu'il faut attribuer la façon dont elles s'occupent des aînés, des jeunes, des nouveaux arrivants et des visiteurs. Depuis toujours, on confie aux femmes autochtones la responsabilité de prendre des décisions à cet égard. Elles sont généralement acceptées comme étant sages et ayant un sens pratico-pratique. Les dirigeants des communautés urbaines, les dirigeants d'entreprises et tous les ordres de gouvernement peuvent s'appuyer sur ces qualités quand ils prennent des décisions concernant la communauté dans leurs salles de réunion, leurs salles communautaires ou autour des tables où l'on parle de politiques.
La plus grande partie de la recherche porte sur les indicateurs et les impacts de la participation des jeunes Autochtones à des activités criminelles. Les criminologues nous disent la même chose que les chercheurs en santé et les sociologues : la criminalité est liée à la pauvreté, à l'exclusion et à l'oppression.
À la faveur du travail réalisé par le CPA auprès de jeunes membres de gangs ayant pris part à des activités de gangs de rue, nous avons constaté que leur participation à de telles activités obéit rarement à des motifs délibérés, mais qu'il s'agit plutôt d'un choix que certains qualifient d'« habitude ». La majorité de ces jeunes résident dans de grandes villes canadiennes comme Vancouver, Edmonton et Winnipeg et ils vivent au seuil de faible revenu, voire en dessous.
Leurs parents, d'autres membres de la famille et leur cercle d'amis connaissent des conditions de vie semblables dans les mêmes quartiers ou non loin de là. Ces points communs de la « vie dans la pauvreté » et de la « vie dans des régions urbaines » se combinent avec un passé familial qui remonte relativement loin dans le temps, un passé fait d'exclusion sociale, d'oppression, de discrimination et de sentiment de honte, autant d'indicateurs d'apparition de cette habitude.
Nous savons que la fierté et l'identité culturelle contribuent au bien-être. Privés de cela, les jeunes sont plus susceptibles de se livrer à des activités criminelles, de consommer des substances illicites et de se joindre à des gangs de rue. Il faut réinculquer aux jeunes Autochtones le sens de la fierté et de l'identité culturelle.
Les jeunes Autochtones passent par les mailles du filet du système scolaire. Beaucoup progressent dans le cursus sans avoir reçu une formation appropriée, quand ils ne décrochent pas carrément ou qu'ils obtiennent leur diplôme en sachant à peine lire et écrire. On en revient dès lors à la question de savoir s'il faut faire d'autres études pour prouver ce que nous savons déjà ou s'il ne serait pas temps de se servir des travaux de recherche déjà réalisés pour élaborer et appliquer de nouveaux modèles de lutte contre la pauvreté, d'amélioration de la scolarisation et de l'emploi dans le cas des communautés autochtones en milieu urbain.
Le CPA appuie la recommandation du comité sénatorial visant à élaborer une stratégie nationale en matière de logement et d'itinérance. Nos organisations provinciales affiliées au Québec, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle- Écosse, à l'Île-du-Prince-Édouard ainsi qu'à Terre-Neuve-et-Labrador exploitent toutes des sociétés d'habitation ou des maisons d'accueil pour femmes, pour enfants et pour sans-abri. La plupart de ces sociétés sont nées il y a plus de 40 ans.
La semaine prochaine, le CPA tiendra un atelier national sur le thème du logement grâce à des fonds du Bureau de l'interlocuteur fédéral. Celui-ci nous permettra de rassembler les représentants de nos affiliés provinciaux en matière de logement afin de parler de cette question sous un angle national. Ce projet vise principalement à élaborer une stratégie nationale sur le logement au niveau du Congrès des Peuples Autochtones. Bien que le logement relève des provinces, le CPA est très préoccupé par cette question dans le cas des Autochtones qui résident hors réserve un peu partout au Canada.
Ottawa nie aux Métis et aux Indiens non inscrits la reconnaissance que leur accorde l'article 91.24 de la Loi constitutionnelle. La plupart des provinces jugent que les Indiens non inscrits et les Métis relèvent du fédéral. En conséquence, 600 000 Métis et Indiens non inscrits se sont retrouvés piégés dans un vide juridique, dans un espace où il n'y a presque pas de programmes gouvernementaux destinés aux Autochtones. C'est la principale raison pour laquelle nous ne sommes pas parvenus à réaliser notre plein potentiel au sein de la société canadienne.
Dans son rapport vieux de 14 ans, la Commission royale sur les peuples autochtones faisait remarquer que cette question de compétence « est la forme la plus fondamentale de discrimination gouvernementale ». La commission avait recommandé de s'adresser aux tribunaux pour faire débloquer la situation et avait fait remarquer qu'à moins de mettre fin à cette pratique discriminatoire, aucune mesure corrective ne donnerait les résultats escomptés.
Le CPA poursuit son action dans la cause Daniels c. Canada. Cela fait déjà 15 ans que les procédures ont été entreprises et l'affaire sera entendue au mois de mai. Nous la porterons jusqu'en Cour suprême. Cette cause va permettre de déterminer si les Métis et les Indiens non inscrits sont effectivement des Indiens au sens de l'article 91.24.
Après avoir défendu et représenté les intérêts des Indiens non inscrits et des Indiens inscrits vivant hors réserve, de même que des Métis résidant dans les régions urbaines, rurales, éloignées et isolées du Canada, nous en sommes venus à conclure que les principaux moyens d'améliorer les conditions socioéconomiques de ceux que nous représentons sont l'éducation, le développement économique et la promotion des lois en matière de droits de la personne, comme la Loi sur les biens immobiliers matrimoniaux. Nous devons nous fonder sur la recherche déjà réalisée et continuer à étudier ces questions en vue d'élaborer et d'appliquer de nouveaux modèles qui nous permettront de nous attaquer aux problèmes de la pauvreté, de l'éducation et de l'emploi chez les communautés autochtones vivant en région urbaine.
Nous devons établir un lien très étroit entre la recherche, la politique et la formulation de programmes. Le CPA est en train d'élaborer des stratégies en collaboration avec le gouvernement fédéral au sujet de l'approche pangouvernementale adoptée par le gouvernement pour régler ce genre de questions.
Le président : Merci beaucoup d'appuyer le rapport que notre comité a produit sur les trois fronts de la lutte contre l'exclusion.
Nous accueillons maintenant Rick Simon qui représente l'Assemblée des Premières Nations.
Rick Simon, chef régional, Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve, Assemblée des Premières Nations : Je vous remercie de me donner l'occasion de mettre en exergue certains défis auxquels se heurtent les membres des Premières nations vivant dans des régions urbaines et de tenter de contribuer à votre étude sur la cohésion et l'inclusion sociale dans les grandes villes canadiennes. Je vais m'efforcer de vous expliquer le point de vue de l'Assemblée des Premières Nations qui représente l'ensemble des membres de Premières nations.
Je tiens à remercier mes collègues David Chartrand, du Ralliement national des Métis, de même que Betty Ann Lavallée, compatriote micmaque, qui représente le Congrès des Peuples Autochtones. Je siège depuis longtemps à l'Assemblée des Premières Nations, l'APN, et suis chef régional depuis 17 ans. Au fil des ans, j'ai touché à tous les volets dont s'occupe l'organisation et j'ai mis la main dans presque tous les dossiers. J'ai également rempli deux mandats de chef national adjoint de l'APN. Cela fait très longtemps que je m'occupe des questions concernant les Premières nations. J'espère vous aider à comprendre ce que l'Assemblée des Premières Nations tente de faire dans tout ce dossier de l'intervention dans les régions urbaines.
Je me propose surtout d'attirer votre attention sur les trois grands enjeux dont il faut tenir compte pour répondre aux besoins fondamentaux des membres de Premières nations résidant dans des villes : la sécurité, le rôle des gouvernements des Premières nations et la transférabilité de nos droits.
Le fait de répondre aux besoins fondamentaux des membres de Premières nations en milieu urbain, notamment en matière d'accès à un logement sûr et abordable, de sécurité alimentaire, d'éducation et d'emploi, aura d'importants effets sur les plans de la sécurité des communautés, de la cohésion sociale, des économies locales et de la prospérité du Canada. Les Premières nations constituent un segment en pleine expansion de la population canadienne, surtout dans des villes de l'Ouest. Les membres de Premières nations représentent une partie importante de cette population.
Malgré des différences de taille et de composition des populations urbaines des Premières nations un peu partout au Canada, les membres que nous représentons et qui vivent dans des villes accusent un retard du côté des indicateurs socioéconomiques par rapport aux résidants urbains non autochtones. Ils sont plus nombreux à être au chômage, leurs revenus sont inférieurs, leur état de santé est moindre, leurs conditions de logement sont moins bonnes, ils sont plus nombreux à être sans-abri, ils sont généralement moins instruits et ils dépendent davantage de l'appui gouvernemental.
Nous savons que les femmes des Premières nations, souvent chefs de familles monoparentales, sont surreprésentées dans les populations urbaines. Ce phénomène est le résultat direct des politiques gouvernementales. Il arrive trop souvent que nos semblables ne se sentent pas en sécurité. Beaucoup de nos sœurs autochtones, victimes d'enlèvements ou de meurtres, résidaient dans des régions urbaines.
Il faut que les leaders de tous les gouvernements fassent davantage pour améliorer la sécurité dans les communautés, en particulier celle de nos jeunes. La vie des gangs de rue et la violence sont une réalité pour un trop grand nombre de jeunes de Premières nations et de jeunes adultes. D'ailleurs, Mme Lavallée vous en a parlé. Nous travaillons dans ce domaine depuis des années et sommes en train d'élaborer une stratégie pour lutter contre la violence des gangs. Comme pour le reste, il n'y a pas d'argent au gouvernement pour faire ce travail. Ce n'est qu'un exemple illustrant les enjeux en présence, mais dans tous les cas, il est mieux que nous effectuions le travail plutôt que de vous le laisser faire.
La protection et la sécurité des femmes et des enfants des Premières nations sont un droit humain fondamental aux termes de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Il faut mettre la priorité sur la sécurité et la sûreté, par le truchement de la scolarisation et du financement d'éléments essentiels, comme les installations récréatives, tout autant que par l'instauration de réseaux de soutien. Il faut que notre peuple se sente à l'aise en ces endroits. Il est facile de dire qu'il y a des YMCA ou d'autres installations du genre dans les villes, mais à moins que nos semblables se sentent à l'aise pour fréquenter ce genre d'établissements, ils n'y vont pas. C'est évident.
Nous avons fait de l'enseignement une priorité parce que la connaissance est essentielle pour que les membres des Premières nations réalisent leur plein potentiel. Nous voyons dans l'éducation la fondation de tout changement durable et positif. Les statistiques parlent d'elles-mêmes à cet égard. Comme vous avez pu le voir avec le temps, l'éducation des Premières nations s'améliore et c'est un facteur fondamental pour progresser.
Il nous faut travailler ensemble pour déterminer quel doit être le rôle approprié des gouvernements de Premières nations au sein des administrations de Premières nations en milieu urbain. L'année dernière, j'ai présidé un groupe de discussion dans le cadre d'un forum organisé par les centres d'amitié à Toronto. La façon dont les choses se sont déroulées est intéressante. Nous avons commencé dans une petite pièce comme pour tout autre forum. Cependant, notre tribune était tellement importante que nous avons dû passer en plénière et nous avons quasiment fait salle comble. Voilà qui en dit long de l'intérêt suscité par ces questions. Nous avons discuté pendant près d'une heure et les réactions ont été incroyables. Nous avons parlé de l'APN et de la façon dont nous tentons d'élaborer une stratégie urbaine. Toutes les personnes présentes dans la salle, quel que soit leur niveau au sein de l'APN, ont réagi positivement. On nous a laissé entendre qu'il était temps d'agir et on nous a demandé pourquoi nous avions attendu aussi longtemps.
Le renouvellement de la politique découlant de la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain est l'occasion, pour le gouvernement fédéral, de revoir son approche et de s'éloigner du cadre pan-Autochtones qui pose problème. Comme nous l'avons dit plus tôt, l'APN veut assumer la responsabilité de tous ceux et de toutes celles qu'elle représente, peu importe leur lieu de vie. Jusqu'ici, les politiques en vigueur ne nous ont pas vraiment permis de tenir compte des réalités des Premières nations vivant en milieu urbain ni de faire en sorte que les programmes et les services leur soient offerts sans égard au lieu de résidence. Le manque persistant de coordination et de collaboration a donné lieu à une prestation de services fragmentée, à un sous-financement chronique et à des écueils sur le plan du service, ce qui a eu des répercussions négatives sur la qualité de vie des membres des Premières nations vivant dans les villes. Il convient d'assurer la fluidité du service par-delà les limites de compétence et les incertitudes.
Tout à l'heure, quelqu'un a dit qu'il ne voulait pas assister aux chamailles fédérales-provinciales. Nous non plus nous ne le voulons pas. Toutefois, ce ne sont pas les Premières nations qui participent à ces querelles, puisqu'elles sont plutôt sur la touche à observer les gouvernements en train de se tirailler pour déterminer ce qui est le mieux pour nous, et cela c'est inacceptable.
La meilleure façon de parvenir à une prestation de service sans hiatus consiste à investir dans les liens qui unissent les gouvernements des Premières nations à ceux et celles qu'ils représentent et à renforcer ces liens. D'ailleurs, toute restriction de nos droits de Premières nations fondée sur la notion de résidence hors réserve va à l'encontre de nos droits issus de traités et de nos droits inhérents protégés par l'article 35 de la Loi constitutionnelle et par la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. C'est ce que la Cour suprême du Canada a reconnu en 1999 dans son arrêt Corbière c. Canada. Nous savons ce qui a découlé de cet arrêt. Certains de nos gens veulent réintégrer nos communautés. Il y en a qui votent dans nos communautés. Ils veulent y avoir un logement et pouvoir participer à la vie communautaire. Les budgets n'ont pas suivi le jugement de la Cour suprême.
Nos droits ne s'éteignent pas aux limites de nos réserves que le Canada nous a imposées. La Déclaration des Nations Unies reconnaît notre droit à l'autodétermination et à l'autonomie gouvernementale et elle nous invite à travailler dans un respect mutuel et en partenariat.
La recherche longitudinale du Harvard Project on American Indian Economic Development a établi très clairement que l'autodétermination des Autochtones donne lieu à une amélioration de leurs conditions socioéconomiques. Les gouvernements et les organisations de Premières nations, les fournisseurs de services, comme les centres d'amitié, et les autres ordres de gouvernement doivent collaborer afin de modifier le paysage politique. L'inclusion sociale des membres des Premières nations revient à dire que ceux-ci doivent pouvoir agir en tant que citoyens de plein titre de leurs nations tout autant que de citoyens canadiens.
Par-dessus tout, cela revient à dire que nous devons renforcer nos droits inhérents et nos droits issus de traités et affirmer notre compétence. Les Premières nations doivent bénéficier d'investissements plus importants. Les investissements dans les Premières nations sont des investissements dans l'avenir du Canada et dans le bien-être collectif de notre pays, surtout dans les grandes villes où réside la majorité de la population canadienne.
Le président : Merci. Nous allons passer aux questions.
Je me propose d'explorer deux questions : les gangs de jeunes et la SAMU. Pour combattre les gangs de jeunes, le gouvernement fédéral a adopté un fonds de prévention. Celui-ci a-t-il donné des résultats probants? Que devrait-on en faire de ce fonds qui va arriver à expiration à la fin du mois? Savez-vous s'il va être reconduit? Estimez-vous qu'il a permis de réaliser ce pourquoi il a été mis sur pied? Il semble qu'un grand nombre de jeunes Autochtones deviennent membres de gangs de rue et on peut en comprendre la raison. Que faire pour empêcher que cela se produise? Ce programme est-il bon? Qu'en pensez-vous?
Mme Lavallée : Nous connaissons ce programme. Après la conférence sur les gangs, qui s'est déroulée à Saskatoon au début de l'année, nous avons préparé une proposition pour nous attaquer à ce problème. Nous sommes en train de chercher un emplacement pour lancer un projet pilote dans le cadre duquel nous collaborerons avec certaines personnes. Il s'agit d'une entreprise conjointe réalisée en collaboration avec d'anciens membres de gangs de rue qui étaient présents lors de la conférence. La Gendarmerie royale du Canada, la police de Saskatoon et des fonctionnaires municipaux de Saskatoon ont également participé à cet exercice. Nous cherchons un emplacement pour mener le projet pilote.
Le président : Recevez-vous des fonds de la SAMU pour cela?
Mme Lavallée : Non, mais nous espérons en recevoir.
Le président : Qui est financé par ce fonds?
Mme Lavallée : Je ne peux vous répondre.
M. Chartrand : Il est indéniable que l'initiative lancée par le gouvernement pour s'attaquer au phénomène des gangs de rue ne fonctionne pas. D'ailleurs, on constate plutôt une augmentation du nombre de jeunes qui adhèrent à des gangs, surtout à Winnipeg. On dénombre beaucoup de gangs de rue. Notre gouvernement métis nous a exhortés à trouver des solutions dans les limites de nos ressources, puisque nous ne pouvons rien obtenir au titre de ce programme.
C'est ainsi que nous avons mis sur pied un programme appelé Standing Tall que nous vous invitons à consulter sur notre site Internet à l'adresse www.mmf.mb.ca. Nous l'appliquons dans les écoles et il permet de changer les choses. Ce programme, qui nous vient des Maoris de Nouvelle-Zélande, consiste à envoyer des membres des familles dans les écoles. Il a été adopté par la province. C'est un bon exemple d'un système qui permet de s'attaquer au fond du problème, soit d'éviter que les jeunes n'entrent dans des gangs de rue.
Le gouvernement métis ne bénéficie absolument pas de la SAMU. Comme je le disais, même si nous sommes un ordre de gouvernement important au Manitoba, nous ne bénéficions pas du tout de la SAMU.
Le président : Je reviendrai sur la question de la SAMU. Pour l'instant, je vais demander à M. Simon de nous parler de la question des gangs.
M. Simon : J'allais justement demander de quel fonds il s'agissait et qui était derrière. C'est la première fois que j'en entends parler. Je sais que, par le passé, l'APN a tenté de coordonner l'adoption d'une stratégie en matière de violence par les gangs de rue. Les chefs nous ont demandé de le faire à plusieurs reprises. Je peux parler des deux ou trois occasions où j'ai été mis au courant de ce qui se faisait.
Nous avons profité de la collaboration d'un ancien gendarme autochtone spécialisé dans les gangs. Il a travaillé avec l'APN pendant un certain temps pour élaborer une stratégie concernant les gangs. En fin de compte, nous avons fait un bout de chemin avec la GRC qui a étudié la façon de financer une stratégie d'envergure, mais cela n'a rien donné. C'est toujours bien d'échanger des idées, mais dès qu'on parle argent, les gens décrochent. Nous avons même examiné le concept dont Mme Lavallée a parlé. À un moment donné, nous avons fait venir un ancien membre de gang de Winnipeg que nous avons retenu à titre d'expert de la question pour nous aider à créer une stratégie destinée à faire en sorte que les jeunes des Premières nations ne se joignent pas aux gangs de rue. Eh bien, la même chose s'est produite : nous avons entamé le travail et commencé à voir des résultats, puis le robinet s'est fermé. Il va vraiment falloir faire des efforts sur ce plan.
Le président : Préféreriez-vous que vos organisations soient financées séparément plutôt que dans le cadre d'un fonds pan-Autochtones de lutte contre le phénomène des gangs? Pouvez-vous commencer par faire quelque chose de votre côté pour obtenir des fonds du fédéral? Est-ce la formule que vous préféreriez?
M. Chartrand : Tout mon exposé s'articulait autour de ce principe. Beaucoup trop de groupes courent après un budget trop limité. Nous disposons d'un des systèmes les plus démocratiques sur le territoire canadien et nous en sommes fiers. L'un des problèmes, c'est qu'il existe beaucoup trop d'outils. Au Manitoba, la MMF et l'Assemblée des chefs du Manitoba travaillent ensemble pour regrouper leurs ressources expertes et leurs ressources de programmes. Nous avons reçu un mandat en matière de protection de l'enfance. Les Premières nations et les Métis ont leur propre mandat à l'échelle de la province. Nous assurons des services dans les différents secteurs. Nous sommes d'accord, comme le gouvernement des Premières nations et le gouvernement métis, pour réunir toutes les ressources, en plus des fonds disponibles au titre de la SAMU, afin d'améliorer la prestation des programmes et de faire en sorte qu'ils donnent des résultats probants. Cette idée a été rejetée par le gouvernement, ce que nous trouvons tout à fait ahurissant.
L'approche pan-Autochtones ne fonctionnera jamais. Rien n'est mesurable. Tous ceux qui veulent dépenser de l'argent dans ce domaine, comme les entreprises du secteur privé, devraient se poser la question de la destination des fonds et travailler en fonction d'objectifs mesurables. Je vous invite à examiner l'un des meilleurs programmes que nous n'ayons jamais eus au Canada, la SCEA, qui obéit à une approche sélective.
L'Assemblée des Premières nations et le Rassemblement national des Métis souhaitent une telle approche parce qu'elle correspond à un processus mesurable. Il est possible de mesurer ce qui est dépensé, ce qui a été fait et ce qui a été réalisé. Il n'est pas possible de mesurer tout cela par le biais de l'approche pan-Autochtones de la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain. Au cours des dernières années, nous avons dépensé des centaines de millions de dollars. Demandez-moi si nous sommes en mesure de prouver qu'il y a eu des résultats.
Le président : Je vais maintenant passer à la SAMU. Si je ne me trompe pas, M. Chartrand a dit que cette stratégie ne sert pas les Métis et qu'il préférerait que ceux-ci soient appelés à participer directement. Peut-être est-ce là ce que vous préférez tous les trois. Il a été question de la création de comités directeurs communautaires qui permettent de mettre sur un pied d'égalité le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et les administrations municipales en même temps que les résidants des collectivités.
Pouvez-vous nous dire si vous estimez qu'il faudrait financer séparément les Premières nations, les Inuits et les Métis? Si tel est le cas, dites-le. Par ailleurs, si le financement doit se faire dans le cadre de la SAMU, comment pourrait-on en améliorer le fonctionnement?
M. Chartrand : Il est indéniable que nous rêvons d'instaurer une relation directe avec le gouvernement métis. Nous estimons qu'il est fondamental d'appliquer le principe de la responsabilisation. Quitte à dépenser de telles sommes, nous voulons être certains que l'argent aboutit là où il pourra être géré et où son effet pourra être mesuré. Nous savons que toutes les sommes qui ont été dépensées — des centaines de millions de dollars au cours des 15 dernières années ou à peu près — n'ont pas donné les résultats voulus. D'ailleurs, le pire scénario qui soit s'est produit à Winnipeg. Nous sommes vigoureusement intervenus auprès de Patrimoine canadien et des autres ministères qui administrent ce projet.
À un moment donné, le gouvernement Chrétien avait annoncé l'injection de 100 millions de dollars dans le programme CUPJA, mais nous avons dû faire des pieds et des mains pour obtenir 12 p. 100 de cette somme parce que les Métis avaient été laissés de côté. Patrimoine canadien a prélevé au passage 10 p. 100 des 100 millions de dollars au titre des coûts d'administration du fonds et saupoudré les 90 millions restants un peu partout au pays. Quand on nous a versé la partie des fonds réclamée, on nous a dit que nous ne serions pas dédommagés au titre des frais administratifs.
Dans le cas de la SAMU, on veut nous donner un demi-million de dollars, mais le gouvernement veut que nous administrions ce programme sans nous verser de budget additionnel. Il veut que j'assume la responsabilité juridique et administrative sans me fournir les outils nécessaires. J'ai demandé aux fonctionnaires s'ils n'étaient pas un peu fous et les ai invités à s'en occuper eux-mêmes.
Ce programme est beaucoup trop dispersé; il est impossible d'en faire le tour et d'en mesurer la réussite. Il est impossible de savoir s'il y a dédoublement ou triplement des services. Je crois que la somme dépensée est suffisante, mais elle l'est tous azimuts. Si, avec la même somme, vous collaborez avec les gouvernements autochtones, vous verrez tout un changement, parce que nous avons d'autres ressources à déposer dans la corbeille. Si vous nous laissez de côté, jamais rien ne changera.
Mme Lavallée : Permettez-moi de parler un peu de la question des gangs de rue. Après avoir organisé la conférence sur la violence des gangs de rue, mes instances dirigeantes se sont rendu compte qu'une seule organisation autochtone ne peut, à elle seule, parvenir à régler le problème. Pour ce genre de problème, il faut que toutes les organisations nationales travaillent ensemble. La violence des gangs de rue ne se limite pas aux régions urbaines. Elle va bien au-delà pour atteindre les réserves et elle est le produit de certaines situations familiales.
Ce n'est que récemment que j'ai entendu parler de la SAMU. J'occupe cette fonction de puis un an et demi environ et j'essaie de me mettre à jour dans tous les dossiers. J'ai bénéficié d'une séance d'information du Bureau de l'interlocuteur fédéral qui m'a parlé de la SAMU. J'ai cru comprendre que ce programme a pour objet de rassembler les ressources locales, les administrations municipales — tous les partenaires, y compris ceux de la santé si besoin est — pour amener tout le monde à travailler ensemble afin de répondre aux besoins constatés. Je me suis entretenue avec certains de mes membres qui siègent au comité chargé d'administrer certaines de ces stratégies urbaines. Ce sont eux qui décident des questions auxquelles il faut s'attaquer à tel ou tel moment. Ce n'est pas le gouvernement qui décide, ce sont les personnes qui se réunissent dans cette pièce. Ce sont elles qui décident. Ce sont des gens de la base. Cela me paraît bien.
Le président : Monsieur Simon, comment pourrait-on améliorer la SAMU? Est-ce que la stratégie fonctionne? M. Chartrand aimerait bénéficier d'une stratégie distincte dans le cas des Métis.
M. Simon : Je suis d'accord avec ça. À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral, les provinces et les municipalités sont les moteurs, les chefs d'orchestre, ceux qui travaillent ensemble sans faire participer les Premières nations. Il leur est assez difficile de concevoir une stratégie s'ils nous laissent sur la touche. Si nous faisions partie du jeu, ce que nous souhaitons, nous aurions beaucoup à apporter.
Le président : Vous dites que vous ne participez pas à l'administration de la SAMU?
M. Simon : Pas autant que je sache.
Le président : Alors, qui y participe? Nous allons poursuivre
Le sénateur Dyck : Je vais poser le même genre de questions et je vais brièvement revenir sur la question des gangs de jeunes Autochtones.
Il y a un ou deux ans de cela, j'ai reçu un rapport de la Fondation nationale des réalisations autochtones qui avait effectué une enquête auprès des décrocheurs du secondaire à Winnipeg. La consommation de drogue et l'adhésion à des gangs de rue venaient en tête de liste des problèmes constatés. Vous avez dit que le seul moyen de s'en sortir, c'est d'améliorer l'éducation. Est-ce que vous constatez ce genre de lien chez ceux que vous représentez, quels que soient les programmes en question, entre la drogue ou la participation à des gangs et l'échec scolaire? Quel genre de programmes ou de politiques devrait-on adopter pour combattre ce phénomène?
Mme Lavallée : En parlant avec les membres de gangs lors de notre conférence à Saskatoon, j'ai eu l'impression que nous avons maintenant affaire à une activité intergénérationnelle qui se transmet de père et mère à fils et fille. Malheureusement, tous ces gens-là se retrouvent en prison où il n'existe aucun système de soutien pour éviter qu'ils renouent avec les activités auxquelles ils ont été exposés.
Quelqu'un m'a dit qu'il avait dû quitter sa communauté, s'expatrier, parce qu'il savait fort bien que, dès l'instant où il y remettrait les pieds, il replongerait dans le cycle de la criminalité. On pourrait recourir aux services d'un psychologue, travailler auprès des membres de gangs dans le système carcéral. Comme je le disais, beaucoup d'ajustements sont nécessaires pour ces gens-là. Ils ne sont pas particulièrement ouverts et il en faut beaucoup pour arriver à percer leur carapace. La personne à laquelle je pense m'a dit très clairement qu'il fallait offrir des programmes au sein du système correctionnel pour appuyer les gens dans leur cheminement. Il faut à la fois faire participer les individus et les responsabiliser.
M. Chartrand : Merci pour cette question, sénateur Dyck. Je crois que vous venez de mettre le doigt dessus. L'éducation est la lampe qui va éclairer l'avenir. Si nous pouvions insister davantage sur l'instruction, nous constaterions d'importants changements. Nous avons vu ce que ça a donné avec Standing Tall qui est un petit programme de ce genre-là. Nous sommes parvenus à le mettre en place dans quatre ou cinq écoles et bientôt il s'étendra à la province tout entière.
En Nouvelle-Zélande, les Maoris avaient constaté que les leurs étaient particulièrement désespérés et ils voulaient que des parents viennent s'asseoir en salle de classe pour travailler auprès des enfants. Nous avons repris ce mode de fonctionnement, il y a déjà cinq ans, et les écoles réclament l'application de ce programme, pas uniquement pour les enfants métis. Elles le veulent pour tous les enfants. Grâce à la présence des parents, les enseignants peuvent consacrer davantage de temps à leur tâche, c'est-à-dire l'enseignement. Le point fort de ce programme, c'est que les parents se rencontrent. Par exemple, si le petit Nicolas ne se montre pas à l'école, on ne se contente pas de le déclarer absent. L'aide-enseignant ou plutôt l'auxiliaire parental, comme nous l'appelons, se rend chez les parents pour savoir ce qui se passe et pourquoi le petit Nicolas n'est pas en classe. Ainsi, les parents se parlent et établissent des liens.
Les statistiques établies par les Maoris montrent une augmentation marquée du nombre d'élèves ayant obtenu leur diplôme et ayant eu de meilleures notes aux examens. Nous assistons à la même chose au Manitoba. Ce programme qui mise sur la scolarité est en fin de compte excellent.
Il faut voir comment ces programmes ont été mis sur pied. Je vais faire l'analogie avec l'initiative CUPJA. Quand ce programme a été introduit, il était destiné à améliorer la scolarité, à ramener les enfants dans le rang et à agir de façon proactive dans les écoles. Nous nous sommes associés à de nombreuses écoles. L'an dernier, le programme a été complètement annulé et Patrimoine canadien l'a transformé en un programme de connexions culturelles pour la jeunesse autochtone, le CCJA, qui devait créer plus d'emplois. Il n'y a rien de mal à créer des emplois. Cependant, quand on ne mise pas sur la scolarisation, on en vient à adopter des processus à courte vue uniquement pour offrir des emplois temporaires. Personne ne peut retirer à qui que ce soit l'investissement qu'il a réalisé dans ses études. Celui qui va se chercher un diplôme peut ensuite avancer et espérer avoir une vie meilleure.
Il faut examiner ces programmes. Si nos gouvernements étaient appelés à participer, s'ils avaient voix au chapitre, plutôt que de laisser le soin aux fonctionnaires municipaux, provinciaux et fédéraux de décider de ce qui est bon pour nous, nous pourrions faire en sorte que le secteur de l'enseignement soit une priorité en matière d'investissement. Malheureusement, nous n'avons pas voix au chapitre. On nous dit qu'ils vont rassembler 20 personnes dans une salle, qu'ils vont aller chercher 20 personnes au niveau local. Moi, j'ai été élu par les gens de la base, par des électeurs de partout au Manitoba, de la pointe sud de la province jusqu'à Churchill. J'ai dû faire campagne et pas dans une seule région, mais à l'échelle de la province tout entière. C'est un défi, mais quand ce sont nos commettants eux-mêmes qui nous le disent, on sait qu'on ne fait pas cas de leurs besoins. Les bureaucrates ne nous écoutent pas.
Oui, la scolarisation est la véritable réponse.
M. Simon : Voilà une excellente question, sénateur Dyck. Je dirais que tout est lié. En réalité, absolument tout est lié. Comme Mme Lavallée vous l'a dit, nos jeunes quittent les communautés de Premières nations. Nous savons qu'ils le font pour des raisons socioéconomiques. C'est évident. Ils vont dans les villes sans aucune expérience et que pensez- vous qui se produit ensuite?
Quand je dis que tout est lié, je vais vous donner un exemple de ce qui nous arrive actuellement quand nous essayons de nous en sortir nous-mêmes. Les Micmacs de Nouvelle-Écosse sont le seul groupe de Premières nations au pays à avoir été reconnu par le gouvernement. Nous avons signé une entente sur l'autonomie gouvernementale en matière d'éducation. Celle-ci est déjà vieille de 10 ans. En travaillant ensemble, les 13 communautés sont parvenues à construire deux écoles qui n'auraient jamais été érigées si nous avions dû compter sur le gouvernement fédéral. Actuellement, l'entente est menacée. Pourquoi? Eh bien, pour une raison quelconque, le gouvernement estime que nous avons trop bien réussi et il nous dit que nous devrions, notamment, utiliser nos propres ressources. Il nous dit que nous nous en sortons très bien et que nous devons payer pour nos propres écoles. C'est évident.
De plus, certaines communautés paient pour avoir leur propre corps policier, en plus de la police provinciale. La même chose se reproduit dans le cas des ententes de maintien de l'ordre. Le gouvernement nous dit que nous devons puiser dans nos propres recettes pour nous payer notre corps policier. C'est insensé.
L'un des chefs de notre région depuis une trentaine d'années n'a cessé de répéter que la formation scolaire et le développement économique sont les deux marches qui permettent de se sortir de la pauvreté. Ce n'est pas parce que nous commençons à obtenir des résultats après 10 ans qu'il faut se ruer sur nous pour essayer de récupérer quelque chose en retour. Après 100 ans de recul, ce n'est pas en 10 ans qu'on va changer tout ça. Il faudra plus longtemps, comme 30 ou 40 ans avant de pouvoir dire que nos rentrées d'argent sont importantes. Pour l'instant, nous réinvestissons tout dans les communautés. Voilà deux exemples qui illustrent la façon dont les choses se retournent contre nous.
Le sénateur Cordy : Parlons de scolarisation. Ceux d'entre vous qui ont lu notre rapport savent que nous sommes conscients du lien qui existe entre la pauvreté, d'une part, et l'exclusion des sociétés ainsi que le niveau de criminalité, d'autre part. L'instruction se pose évidemment en outil permettant de rompre ce lien. Moi qui suis Néo-Écossaise, je suis déçue d'entendre que l'autoéducation risque de disparaître chez les Micmacs de la Nouvelle-Écosse. Je me rappelle le combat que nous avons mené dans cette province pour simplement obtenir nos propres écoles. Ce serait honteux de mettre un terme à une formule qui a réussi. Quant à moi, ce n'est pas une bonne stratégie.
Monsieur Simon, vous avez mentionné la transférabilité des droits et je crois vous avoir entendu dire qu'il faut vous accorder une place de participants de plein titre dans la vie de votre nation et de votre pays. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? À quels problèmes vous heurtez-vous et comment pourrions-nous les résoudre?
M. Simon : Merci, sénateur Cordy. Les Premières nations sont intimement convaincues que leurs droits ne sont pas restreints aux limites d'une réserve. Nous avons toujours soutenu auprès des gouvernements qu'il faut adopter des mécanismes permettant aux Autochtones d'exercer leurs droits ancestraux et leurs droits issus des traités, où qu'ils soient. Il est ridicule qu'un gouvernement vienne prétendre que les droits à l'enseignement ou au logement, droits issus de traités, disparaissent une fois franchies les limites d'une réserve.
Mes collègues vous ont fait la même remarque. Ils vous ont dit qu'il s'agit de droits appartenant à chaque Autochtone. M. Chartrand vous a parlé de la situation des Métis et, dans mon cas, je vous ai entretenus de celle des membres de Premières nations résidant dans les villes et qui relèvent dès lors de la compétence des provinces. On se querelle pour savoir qui doit assumer la responsabilité des Premières nations. Pour les réserves, c'est le gouvernement fédéral. Il va falloir vous pencher là-dessus pour trouver une solution, parce que ce problème ne va pas disparaitre.
Il est évident que la jeune génération s'assume davantage, qu'elle comprend mieux ses droits et qu'elle est plus impatiente. Il lui faut trouver une façon d'exercer ses droits, qu'elle décide de demeurer dans sa communauté de Premières nations ou de partir pour rejoindre la société blanche afin d'avoir les mêmes chances que les autres Canadiens.
M. Chartrand : Il faut comprendre une chose à propos de ce phénomène canadien où les Métis apparaissent comme des nouveaux venus sur la scène des droits de la personne. Nous parviendrons à acquérir de plus en plus de droits. Récemment, la Cour d'appel du Manitoba a rendu une décision au sujet de la position du Canada et des provinces selon laquelle les gouvernements n'ont aucune responsabilité fiduciaire ou constitutionnelle envers les Métis. La Cour a renversé ce point de vue et affirmé que l'État est clairement investi d'une responsabilité envers le peuple métis. Nous avons remporté la bataille devant la Cour suprême du Canada et celle-ci est loin d'être la dernière que nous allons mener.
Comme l'a dit M. Simon, toute cette question de droits sera de plus en plus respectée, surtout le droit d'être consultés, puisque cela a fait l'objet d'un jugement de la Cour suprême. Ce faisant, le secteur privé sera contraint de composer avec nous plutôt que de passer par les gouvernements fédéral et provinciaux. Il faut dire que le secteur privé agit en toute impunité. Je ne veux pas les critiquer, mais les entrepreneurs poursuivent des objectifs bien à eux. Il demeure que, selon nous, dès l'instant où les gouvernements reconnaîtront que nous avons des droits issus de traités et qu'à ce titre nous devons être inclus, pour travailler en partenariat avec nous, le secteur privé devra investir de l'argent ou mobiliser des ressources. Cela, dans les faits, modifiera considérablement la façon dont les choses se déroulent dans nos communautés.
Le sénateur Merchant : Merci de vous être déplacés. Vous travaillez auprès des communautés et depuis longtemps pour beaucoup d'entre vous. Selon Benjamin Disraeli, il y aurait trois genres de mensonges : les petits, les gros et les statistiques. Le témoin précédent nous a, je n'en doute pas, dressé un état fidèle de la situation sous l'angle statistique. Cependant, vous apportez des informations différentes parce que vous êtes au contact des gens, sur le terrain.
Beaucoup d'Autochtones se retrouvent dans nos pénitenciers. Pensez-vous que les politiques actuelles du gouvernement vont dans le bon sens? Les Autochtones que vous représentez et le système de justice ont-ils des problèmes à régler? Comment peut-on aider les gens à mieux se défendre, dans les délais prévus? De quels outils devez- vous les doter? Jeter les gens dans les prisons n'est pas une solution.
Mme Lavallée : Une façon d'éviter que ces gens-là se retrouvent incarcérés consisterait à leur permettre d'accéder à des logements abordables, d'aller chercher une instruction et d'obtenir un emploi.
M. Chartrand : Avant de quitter la fonction publique pour assumer la présidence, en 1997, j'avais travaillé 10 ans pour Justice Canada. À l'époque, on incarcérait les nôtres en trop grand nombre, avant même le resserrement des dispositions de la loi. Le gros problème, c'est qu'on enferme nos citoyens dans des établissements où ils ne retrouvent pas les mécanismes de soutien qu'ils ont chez eux et où ils n'ont pas la possibilité de montrer qu'ils peuvent trouver un emploi ou un débouché. Il n'existe aucune autre option que la prison après une amende et la probation. Trois dérapages et c'en est fait de vous.
L'une des raisons pour lesquelles les taux d'incarcération des non-Autochtones sont nettement inférieurs, c'est que les membres de leurs familles peuvent dire, par exemple, « j'ai un emploi pour mon fils », ou que l'accusé lui-même peut affirmer qu'il a un emploi. Cela contraint le juge à jeter un regard différent sur le dossier et à considérer qu'il existe une chance de réinsertion pour la personne. Dans le cas des Autochtones, ces possibilités n'existent pas. C'est pour cela que les taux d'incarcération sont aussi élevés.
Je ne crois pas que c'est en durcissant le ton qu'on obtiendra des résultats. Je suis franchement convaincu qu'en fin de compte, de plus en plus de jeunes iront faire l'école du crime parce qu'en prison ils fréquenteront des criminels aguerris incarcérés pour d'autres motifs. Ces jeunes-là apprendront plus vite et sauront mieux comment commettre des crimes de plus en plus lucratifs. Ils y verront un mode de vie. Les Métis constatent que de plus en plus des leurs sont incarcérés, ce qui les inquiète. Il faut investir dans l'enseignement et dans l'emploi.
J'ai fait une proposition aux autorités fédérales et provinciales et cette proposition est encore sur la table, mais personne ne s'en est prévalu. J'ai recommandé de lancer un programme destiné aux détenus fédéraux. À leur sortie du pénitencier, les délinquants sont laissés à eux-mêmes et ils commencent par s'inscrire à l'aide sociale qui leur verse 198 $ par mois. La meilleure solution consisterait à leur trouver un emploi avant leur libération. Trouvons-leur un emploi potentiel dans leurs six derniers mois de détention. Travaillons en partenariat avec le secteur privé.
Prenons l'exemple de Willmar Windows Ltd. de Winnipeg. Nous payons le salaire du détenu que la société emploie à condition que l'embauche soit permanente. Je paie le salaire pendant six mois et, pendant six mois, la personne travaille et dépose son argent à la banque. Investissons 50 000 $ chacun histoire de tester cette idée. Eh bien, jamais personne ne m'a dit qu'il serait prêt à investir 50 000 $ comme moi. C'est une offre permanente que je fais au Canada et aux provinces. S'agissant de compétence, Ottawa et les provinces se renvoient la balle et personne ne veut assumer la responsabilité. Après sa sortie de prison, le détenu relève de la responsabilité de la province.
M. Simon : Merci, sénateur Merchant. Je désire faire deux remarques. Tout le monde autour de cette table connaît l'affaire Donald Marshall Jr., qui est maintenant décédé. Une enquête a permis d'établir qu'il avait passé 11 ans en prison pour un crime dont il n'était pas l'auteur. En Nouvelle-Écosse, nous avons formulé un certain nombre de recommandations dans la foulée de l'enquête Marshall. Nous avons donné suite à ces recommandations.
L'une d'elles consistait à mettre sur pied un forum où les gouvernements fédéral, provincial et micmac siégeraient côte à côte. Nous avons actuellement dans la province un forum tripartite dont je suis président exécutif. C'est moi qui le supervise. Nous avons notamment réussi à mettre sur pied le réseau d'aide juridique micmac qui traite directement avec les communautés pour toutes les questions dont nous parlons ici. L'interprétation judiciaire en est un exemple. Nous faisons tout cela pour que les justiciables ne se retrouvent pas dans une situation où, ne comprenant pas ce qui se passe, ils plaident coupables juste pour gagner du temps. Ça, c'est un exemple. Nous avons des travailleurs sociaux auprès des tribunaux qui accompagnent les justiciables afin de leur permettre de comprendre les options s'offrant à eux plutôt que d'aller faire de la prison.
Cela touche même aux services à l'enfance et aux familles. Nous nous heurtons actuellement à des difficultés dans nos communautés avec les enfants problèmes. Nous devons les envoyer dans des établissements en mesure de les accueillir, mais ils se trouvent aux États-Unis. Quand ils reviennent chez nous, ces jeunes, qui sont censés avoir reçu une aide dans ces établissements, agissent comme des membres de gangs des quartiers défavorisés. Nous nous sommes attaqués au problème. Nous avons relevé le défi et affirmé au gouvernement que nous sommes en mesure de concevoir des établissements culturellement adaptés aux jeunes des Premières nations. Il est inutile de les envoyer aux États-Unis ou ailleurs au Canada si c'est pour les récupérer avec la mentalité caractéristique des membres de gangs. Mais voilà, on ne nous trouve pas assez futés pour concevoir de tels établissements. Le gouvernement ne nous a pas écoutés. Peut-être que vous, vous allez retenir une partie de ces idées.
Le président : Merci à vous tous d'avoir participé à cette séance et de nous avoir fait part de vos réflexions. Il y a matière à digestion et à réflexion dans tout ce que vous nous avez dit.
Merci aux membres du comité. Voilà qui met un terme à cette réunion.
Nous nous retrouverons demain matin à 10 h 30 pour entamer notre étude du projet de loi C-35, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Notre séance de demain et celle de mercredi prochain porteront sur ce thème. J'espère que, jeudi, nous serons en mesure de reprendre notre étude du rapport sur l'accessibilité à l'éducation postsecondaire.
M. Chartrand : Merci de nous avoir écoutés.
Le président : Merci beaucoup. La séance est levée.
(La séance est levée.)