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RIDR - Comité permanent

Droits de la personne

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 3 - Témoignages


OTTAWA, le lundi 31 octobre 2011

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui, à 16 h 3, pour étudier des questions de discrimination dans les pratiques d'embauche et de promotion de la Fonction publique fédérale, pour étudier la mesure dans laquelle les objectifs pour atteindre l'équité en matière d'emploi pour les groupes minoritaires sont réalisés et pour examiner l'évolution du marché du travail pour les groupes des minorités visibles dans le secteur privé.

Le sénateur Mobina S. B. Jaffer (présidente) occupe de fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Chers collègues, nous nous réunissons à nouveau aujourd'hui pour discuter de questions de discrimination dans les pratiques de recrutement et de promotion dans la fonction publique fédérale.

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a été autorisé à examiner ces questions. Jusqu'ici, nous avons étudié la mesure dans laquelle les objectifs de la Loi sur l'équité en matière d'emploi sont atteints au sein de la fonction publique fédérale.

Cette loi a pour objet de garantir que les organisations réglementées par le gouvernement fédéral offrent des chances égales d'emploi aux membres des quatre groupes désignés, soit les femmes, les Autochtones, les personnes handicapées et les membres des minorités visibles.

Elle impose aux employeurs d'évaluer dans quelle mesure les principes de l'équité en matière d'emploi sont réellement respectés dans leur milieu de travail et, suite à cette évaluation, de mettre en œuvre, s'il y a lieu, des politiques pour apporter les changements nécessaires.

La loi s'accompagne aussi de directives sur la façon de procéder à ces évaluations, par exemple en comparant la représentation des membres des quatre groupes désignés au sein d'un milieu de travail donné à la disponibilité des membres de ces quatre groupes dans l'ensemble de la population active canadienne.

Le comité permanent a déjà produit des rapports sur ces questions.

Il a commencé en 2004 par examiner les pratiques d'embauche et de promotion dans la fonction publique fédérale et par étudier dans quelle mesure les objectifs d'équité en matière d'emploi étaient atteints.

En 2007, il a poursuivi son analyse des pratiques d'embauche et de promotion de la fonction publique fédérale et a publié un rapport intitulé L'équité en matière d'emploi dans la fonction publique fédérale : Nous n'y sommes pas encore.

En 2010, il a publié son rapport le plus récent intitulé Refléter le nouveau visage du Canada : L'équité en matière d'emploi dans la fonction publique fédérale.

[Français]

La préoccupation majeure du comité est que l'équité en matière d'emploi au sein de la fonction publique fédérale n'est pas encore une réalité pour les quatre groupes désignés.

Les Autochtones travaillent principalement dans trois ministères seulement : Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, Service correctionnel du Canada et Ressources humaines et Développement des compétences Canada.

Les femmes continuent d'occuper généralement des postes de soutien administratif et moins bien rémunérés, et accusent toujours un retard par rapport aux hommes pour ce qui est des nominations à un poste de direction.

Le taux de recrutement des personnes handicapées est en deçà de leur représentation dans la population active.

Le comité trouve particulièrement préoccupant de constater que les personnes appartenant à une minorité visible ne soient pas encore représentées au sein de la fonction publique d'une manière qui reflète leur disponibilité dans la population active. Il s'inquiète également de la lenteur des changements.

La Commission de la fonction publique vient de publier ce mois-ci son rapport annuel de 2010-2011. Nous aimerions qu'elle nous parle de son rapport annuel et qu'elle nous donne son avis sur notre rapport intitulé Refléter le nouveau visage du Canada.

[Traduction]

Nous souhaitons maintenant la bienvenue à Mme Maria Barrados, présidente de la Commission de la fonction publique du Canada. Mme Barrados s'est toujours tenue à la disposition du Comité sénatorial permanent des droits de la personne et nous lui sommes reconnaissants d'avoir toujours collaboré avec nous. Elle est accompagnée aujourd'hui de deux de ses cadres supérieurs, Mme Hélène Laurendeau, vice-présidente principale, et de Mme Paula Green, directrice générale, Équité et diversité.

[Français]

Maria Barrados, présidente, Commission de la fonction publique du Canada : Merci, madame la présidente et honorables sénateurs. Je suis ici ce soir accompagnée de Mme Hélène Laurendeau, vice-présidente principale, Direction générale des politiques, et de Mme Paula Green, directrice générale, Équité et diversité, pour discuter du rapport annuel 2010-2011 de la Commission de la fonction publique et de ses rapports de vérification pour 2011, qui ont été déposés au Parlement la semaine dernière.

La CFP a aussi publié un document spécial sur l'historique de l'équité en matière d'emploi dans la fonction publique; des exemplaires vous ont été distribués.

Nous avons lu avec grand intérêt votre rapport de juin 2010 sur l'équité en matière d'emploi à la fonction publique fédérale, et nous sommes d'accord avec vos recommandations.

La CFP est un organisme indépendant qui a pour mandat de protéger l'intégrité de la dotation et l'impartialité politique de la fonction publique. La CFP n'est pas dirigée par un ministre dans l'exercice de ses pouvoirs exécutifs en matière de dotation et d'impartialité politique, mais elle rend compte au Parlement. Elle dépose un rapport annuel au Parlement sur ses activités et résultats. Nous sommes reconnaissants d'avoir l'occasion de discuter de ces activités et de ces résultats avec vous.

Le rapport annuel de 2010-2011 de la CFP fait état de la cinquième année de fonctionnement en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Vous pouvez obtenir de l'information détaillée sur les données démographiques dans le rapport, mais ce que nous avons constaté, essentiellement, est un ralentissement des activités d'embauche et de dotation, moins de recrutements et presque aucune croissance.

[Traduction]

D'après les activités de surveillance menées en 2010-2011, la Commission de la fonction publique a conclu que le mérite est généralement respecté dans les processus de dotation. En outre, nos vérifications montrent que les gestionnaires se sont améliorés en ce qui concerne l'évaluation du mérite. Le rendement des organisations sur le plan de la gestion de la dotation continue aussi de s'améliorer. Nous sommes cependant préoccupés par le contrôle de la qualité relativement aux processus de nomination, par les lacunes dans l'évaluation du mérite et la documentation connexe, ainsi que par les justifications inadéquates liées à l'utilisation de processus de nomination non annoncés.

Nous poursuivons nos activités de suivi en ce qui concerne la mise en application, par les organisations, des valeurs fondamentales, que sont le mérite et l'impartialité, ainsi que des valeurs directrices, dont la justice, l'accessibilité, la transparence et la représentativité, dans leurs activités de dotation. À une époque de restrictions budgétaires, ces valeurs conserveront toute leur importance. Nous continuons de voir beaucoup d'intérêt pour les emplois à la fonction publique, mais cet intérêt s'appliquera à un nombre réduit d'emplois.

Notre rapport annuel offre de l'information sur le recrutement externe visant quatre groupes désignés en vertu de la Loi sur l'équité en matière d'emploi, notamment les Autochtones, les femmes, les membres des minorités visibles et les personnes handicapées. Trois des quatre groupes sont bien représentés, mais nous avons constaté un déclin du taux de nominations externes pour les personnes handicapées, celui-ci ayant passé de 3,1 p. 100 l'an passé à 2,6 p. 100 en 2010- 2011.

Nous craignons que la tendance descendante du taux des nominations externes visant ces personnes ne nuise à leur représentation à long terme au sein de la fonction publique.

Le document spécial sur l'équité en matière d'emploi fournit un aperçu de la Commission de la fonction publique et des efforts du gouvernement, au cours des cinq dernières décennies, à assurer l'égalité des chances aux groupes défavorisés. La Commission de la fonction publique est chargée de cerner et d'éliminer les obstacles en matière de recrutement et de dotation, et d'élaborer des lignes directrices et des usages positifs, qui contribuent à la représentativité de la fonction publique. Des progrès importants ont été réalisés, mais le document met en lumière plusieurs domaines nécessitant une attention continue.

L'objectif de se doter d'une fonction publique représentative semble généralement accepté. Cependant, le concept du mérite et la manière dont celui-ci est appliqué pour atteindre la représentativité ne sont pas toujours compris, en particulier parmi les gestionnaires d'embauche, les fonctionnaires et les membres des groupes désignés. Nous continuerons de travailler de façon à nous assurer que les gestionnaires d'embauche comprennent bien le principe du mérite et comment celui-ci est appliqué pour atteindre la représentativité à la fonction publique.

Une méthodologie améliorée et des données fiables sont essentielles à l'obtention d'une idée précise de l'état de l'équité en matière d'emploi à la fonction publique et à la réduction des exigences en matière de rapports à l'égard des organisations. La Commission de la fonction publique et le Bureau du dirigeant principal des ressources humaines continueront à surveiller les résultats et travailler à l'élaboration d'une méthodologie commune à long terme permettant de calculer les taux de nominations et la représentation des groupes visés par l'équité en matière d'emploi, ainsi que d'en faire rapport.

Après de nombreuses consultations de groupes d'intervenants internes et externes, la Commission de la fonction publique lance, à l'échelle du gouvernement, le 1er janvier 2010, une nouvelle approche de confirmation d'affiliation autochtone. Les données recueillies à ce jour semblent indiquer que l'approche peut être efficace pour prévenir les fausses déclarations. La Commission de la fonction publique poursuivra son travail avec les organisations afin de déterminer si un soutien supplémentaire est nécessaire pour une mise en œuvre uniforme de l'approche.

En 2010-2011, la Commission de la fonction publique a analysé en détail les taux de candidatures et de recrutement des membres des groupes désignés au titre de l'équité en emploi par organisation et groupe professionnel. La Commission de la fonction publique effectuera également une analyse plus approfondie afin d'aider à déterminer et à mettre en place des stratégies plus efficaces visant à attirer des personnes handicapées et d'autres groupes défavorisés à la fonction publique. La Commission de la fonction publique entend communiquer les résultats de cette analyse aux ministères et aux organismes en 2011-2012 et compte les inviter à travailler avec elle à l'établissement d'une fonction publique représentative.

Comme vous le savez probablement, mon mandat à titre de présidente a été prolongé jusqu'à ce qu'une nouvelle personne soit nommée au poste. La Commission de la fonction publique s'est engagée à assurer une transition harmonieuse vers l'établissement de la nouvelle commission, au cours des prochains mois, et elle continuera de s'assurer que les Canadiens bénéficient d'une fonction publique professionnelle où le mérite et l'impartialité politique sont protégés de façon indépendante.

[Français]

Merci, madame la présidente. Je me ferai maintenant un plaisir de répondre à vos questions.

[Traduction]

La présidente : Merci beaucoup, madame Barrados. Je vais commencer par quelques questions. Lors de votre dernière comparution, vous avez pu constater que nous étions très préoccupés par l'embauche des membres des minorités visibles. J'aimerais que vous nous disiez si leurs taux de nomination et de représentation sont toujours inférieurs à leurs parts de la population canadienne? Le sénateur Oliver nous a appris la semaine dernière, au Sénat, que les membres des minorités visibles représentent presque 20 p. 100 de notre population. Leur représentation dans la fonction publique fédérale atteint-elle les 20 p. 100? A-t-on relevé des indices de l'amélioration de leur représentation depuis votre dernière comparution? Quelles sont les mesures qui sont prises pour améliorer leur taux de représentation, en supposant qu'il se situe toujours en deçà de leur disponibilité au sein de la population active?

Mme Barrados : Votre question comporte plusieurs volets. Au sujet du premier, sachez que je n'ai pas une grande confiance dans les données utilisées pour calculer le nombre de membres des minorités visibles qui travaillent actuellement au gouvernement fédéral. Ces données sont sous-évaluées. Je peux vous l'affirmer parce que cela fait cinq ans que nous mesurons leurs embauches. Ces personnes se joignent à la fonction publique dans des pourcentages très élevés, nettement supérieurs à leur représentation dans la fonction publique et à leur taux de disponibilité sur le marché du travail. Par contre, leur nombre total ne change pas beaucoup, ce qui m'amène à croire qu'il y a une erreur quelque part. Je sais que les gens ne partent pas, qu'ils restent. Nous avons suivi la situation de façon assez régulière. Nous devons trouver une meilleure méthode de calcul de ce chiffre. Je peux vous parler un peu de ce que nous faisons, mais sachez que nous ne disposons pas de chiffre plus fiable et que c'est donc celui-là que nous utilisons. Le sénateur Oliver a raison de l'utiliser lui aussi, parce que c'est le chiffre officiel, mais il faut savoir qu'il est sous-évalué.

Nous avons des mesures de la disponibilité au sein de la population active depuis 2006. Tout nous indique que l'immigration se poursuit et augmente. C'est là un chiffre qui remonte à cinq ans. En ce qui concerne les minorités visibles, nous constatons une disponibilité au sein de la population active de 12,4 p. 100. Pour les cinq dernières années, ou plutôt pour les quatre dernières, pour lesquelles je sais que j'ai les chiffres, notre taux d'embauche a été bien supérieur. Dans nos rapports, nous indiquons 18,8 p. 100 pour 2008-2009, 21,2 p. 100 pour 2009-2010 et 18,6 p. 100 pour le dernier exercice. Nous embauchons régulièrement à un taux supérieur à celui de la disponibilité au sein de la population active. Tout cela est très positif. Le défi auquel je suis confrontée avec les ministères et les agences du gouvernement est la réduction prévue des effectifs. Il faudra néanmoins continuer à recruter. Ce devra être un recrutement ciblé et nous ne devrons pas oublier nos objectifs de représentativité en réduisant la taille de la fonction publique.

La présidente : Sénateur Oliver, j'aimerais vous demander une précision. N'hésitez pas à me corriger si j'ai dit quelque chose d'erroné. Je crois que vous nous avez dit que la disponibilité au sein de la population active est supérieure à 20 p. 100, non pas la représentation dans la fonction publique fédérale. Est-ce exact?

Le sénateur Oliver : Oui.

La présidente : Madame Barrados, j'ai lu récemment un article dans la presse à ce sujet. Lors de votre conférence de presse, vous avez dit que les choses allaient être resserrées, ce que vous nous avez répété aujourd'hui. Selon vous, la commission devra veiller à ce que les emplois disponibles soient attribués de façon équitable. J'aimerais que vous nous disiez, comment, selon vous, cela se fera pour les quatre groupes cibles, soit les Autochtones, les femmes, les membres des minorités visibles et les personnes handicapées.

Mme Barrados : Pour nous, la difficulté est toujours, face à une situation donnée, de déterminer l'ampleur des efforts que nous devrons y consacrer et la portée des mesures spéciales justifiées par cette situation. Le document que nous vous avons remis rappelle ce que nous avons fait en ce sens au cours des ans. Notre système permet aux gestionnaires de prendre deux types de mesures pour gérer leurs besoins et s'assurer qu'ils maintiennent la représentativité des groupes d'équité en matière d'emploi. Ils peuvent tout d'abord limiter les zones de sélection et, ensuite, décrire sous la rubrique « Autres atouts » les caractéristiques précises qu'ils cherchent chez des postulants. Je pense qu'ils devraient utiliser les deux mesures. Les opinions diffèrent parfois sur le moment auquel elles devraient être utilisées. Je suis, moi, d'avis qu'ils devraient les utiliser puisque la loi les met à leur disposition. Toutefois, ils ne peuvent que s'en remettre aux gens qui procèdent aux analyses de leur main-d'œuvre. On peut espérer que ces derniers vont parvenir à des chiffres plus fiables et que les gestionnaires pourront travailler avec les vrais chiffres.

Que vous faut-il alors pour déterminer vos besoins spécifiques, qu'il s'agisse d'un atout particulier dans l'évaluation du mérite ou que vous ayez besoin de cibler une population particulière étant donné la nature de votre travail. Je dirais que cela justifie de restreindre la zone de sélection. Toutefois, peu importe ce que vous faites, l'évaluation du mérite du candidat doit être positive. Même si le processus de sélection que vous avez suivi est restreint, vous devrez quand même satisfaire aux exigences de mérite, de compétences linguistiques et d'éducation. Il ne s'agit en aucune façon d'abaisser une norme, mais de s'assurer que vous allez pouvoir embaucher quelqu'un du groupe visé.

Dans le cas des personnes handicapées, nous faisons réellement face à un défi parce que le nombre de candidatures reçues n'atteint même pas le taux de la disponibilité de ces personnes dans la population active. Nous devons en faire plus dans ce domaine.

La présidente : Avez-vous dit que la représentation des membres des minorités visibles dans la fonction publique fédérale est de 12,4 p. 100?

Mme Barrados : Non. Ce chiffre est celui de la disponibilité au sein de la population active en 2006, même s'il y a un autre chiffre. En vérité, des chiffres différents circulent. Il est probable que le sénateur Oliver et moi utilisions les mêmes sources de données, mais pour des périodes différentes. Il y a des chiffres et des projections du nombre de membres des minorités visibles qu'il y aura dans la population, et ces chiffres augmentent. Il y a d'autres projections de ce que sera la disponibilité au sein de la population active le temps passant. Lorsque le nombre de membres des minorités visibles augmente, leur disponibilité au sein de la population active fait de même.

Il est probable que le sénateur Oliver et moi utilisions les mêmes sources de données, mais je soupçonne que nous ayons retenu des périodes différentes. Le chiffre de la disponibilité au sein de la population active de 12,4 p. 100 que j'utilise est celui de 2006. Mon pourcentage de la population est légèrement supérieur à neuf. Je ne l'ai même pas inscrit dans mon rapport parce que je ne pense pas qu'il soit exact. Je ne crois pas que le vrai chiffre soit aussi faible. Le résultat est meilleur. Le chiffre devrait être plus élevé.

La présidente : Quel est le pourcentage de personnes des minorités visibles qui, à votre avis, appartiennent à la fonction publique fédérale?

Mme Barrados : Je sais que le pourcentage utilisé de neuf et des poussières est inférieur à la réalité. J'ai essayé d'amener mes collègues à s'entendre sur les modalités de calcul de ce chiffre parce que nous en avons besoin pour déterminer le nombre de candidats, pour chiffrer les nouvelles embauches et pour obtenir une meilleure évaluation.

J'en suis navrée, sénateur, mais nous ne l'avons pas encore fait.

Le sénateur Zimmer : Je vous remercie de votre exposé, madame Barrados.

Sénateurs, je dois vous avouer que Mme Barrados et moi avons eu l'occasion de discuter avant cette réunion. Nous avons tous deux fait nos études dans les années 1960 à l'Université de Saskatchewan, et nous avons comparé nos souvenirs de cette époque. Même si tout cela commence à être loin, nous avons au moins conclu que nous ne sommes pas sortis ensemble.

Le sénateur Andreychuk : J'en appelle au Règlement. Trois d'entre nous étaient là à la même époque.

Le sénateur Zimmer : C'est exact; je suis désolé. Je suis sorti avec vous.

Le sénateur Andreychuk : Vous le vouliez. C'est différent.

Le sénateur Zimmer : Vrai. Elle a raison. J'en resterai là, madame la présidente.

Par le passé, la Commission de la fonction publique a informé le comité qu'elle avait constitué un bassin de candidats préqualifiés à des postes de direction, ce qui avait permis de doter un grand nombre de postes de cadres.

Comment ce bassin a-t-il été créé? Sa création s'est-elle accompagnée d'inconvénients quelconques?

Mme Barrados : Nous avons constitué deux bassins. Le premier nous a permis de qualifier environ 41 candidats et d'en nommer 26 ou 27. Nous avons tiré les leçons de cette expérience en convenant que nous devions améliorer deux aspects de ce premier bassin. L'un était que nous devions intégrer les exigences linguistiques afin d'éviter d'avoir à prononcer la disqualification de candidats sur cette base. Nous devions également être explicites sur la mobilité, c'est-à- dire qu'il nous fallait savoir si les candidats étaient prêts à déménager.

Nous avons donc constitué un second bassin dans lequel nous avons qualifié 30 personnes, pour parvenir à 17 ou 18 nominations à des postes de cadres supérieurs. C'était un bon résultat. Les personnes qualifiées qui n'ont pas obtenu de nomination étaient déçues, bien évidemment, parce qu'elles s'attendaient à ce que leur carrière progresse. Au niveau des cadres supérieurs, les gens commencent à chercher des postes précis. Certaines organisations s'étaient engagées à réserver des postes, mais ou ces postes n'étaient plus disponibles, ou ces organisations cherchaient des candidats ayant des caractéristiques précises et non pas de nature générale.

Nous avons tenté de faire face à ce problème en restreignant la zone de sélection, c'est-à-dire en précisant que nous cherchions uniquement des membres des minorités visibles que nous jugions qualifiés pour occuper un poste de niveau EX. Nous leur avons alors fait passer toute une série d'examens rigoureux. C'est ainsi que tous ont subi une évaluation psychologique et passé les examens linguistiques. Leurs candidatures ont été analysées en profondeur.

Le sénateur Zimmer : À quelle vitesse la rémunération des femmes rattrape-t-elle celle des hommes et le nombre de celles-ci à des postes de cadre supérieur se rapproche-t-il de celui de leurs collègues masculins? Est-ce juste une question de temps avant de parvenir à une forme d'égalité?

Mme Barrados : Cinquante-cinq pour cent des fonctionnaires sont des femmes. Leur pourcentage se situe aux alentours de 43 p. 100 chez les cadres supérieurs, y compris dans la haute fonction publique. C'est un excellent résultat, mais nous ne devons pas relâcher notre vigilance. Nous avons obtenu très rapidement d'excellents résultats, et nous devons donc continuer sur la même voie.

Le sénateur Andreychuk : Je tiens, avant de vous interroger, à vous féliciter du travail que vous avez fait à la Commission de la fonction publique du Canada, non seulement dans le poste que vous occupez actuellement, mais dans ceux dont vous avez été titulaire auparavant. Vous y avez tout le temps fait preuve de cohérence et d'obstination pour nous approcher de l'équité en matière d'emploi. Le Canada a eu bien de la chance de pouvoir compter sur vous. Je sais que vous avez travaillé à l'étranger. Vos compétences et votre travail au Canada sont maintenant reconnus dans le monde entier. Je sais que, lorsque vous quitterez la Commission de la fonction publique, nous ne vous perdrons pas et que vous continuerez à nous faire bénéficier de vos autres compétences.

Le comité a étudié un certain nombre de questions liées à l'équité en matière d'emploi, sur lesquelles nous avons produit quelques rapports. Vous nous avez déjà parlé de certaines des solutions que vous avez essayées pour que nous parvenions à l'équité en matière d'emploi. L'un des sujets qui vous a toujours préoccupé est ce qu'il advient des emplois contractuels. Les gens commencent par relever de la Commission de la fonction publique avec un contrat à court terme, puis lorsque le poste qu'ils occupent est annoncé, surprise, le titulaire obtient de meilleurs résultats que les autres. Cela favorise le statu quo au lieu d'élargir le bassin de candidats possibles de toutes les régions du pays, ce qui permettrait de prendre en compte l'ensemble des quatre groupes cibles.

Je sais que vous vous êtes exprimée sur ce sujet. Sommes-nous parvenus à limiter les emplois contractuels où cela était nécessaire? Comme vous l'avez dit, nous pourrions assister à une réduction de l'effectif de la Commission de la fonction publique, auquel cas cela deviendrait encore plus important.

Vous avez dit qu'il va vous falloir modifier la méthode utilisée pour faire connaître les offres d'emploi, que publier des annonces dans les grands journaux nationaux notamment n'est pas la solution. Vous nous avez dit qu'il faut publier ces annonces dans les journaux des minorités ethniques à travers le pays et faire appel aux nouvelles technologies. Vous avez aussi mis en évidence certaines des limites de ces solutions.

Par rapport à la situation antérieure, éprouvons-nous toujours de la difficulté à joindre les nouveaux Canadiens qui pourraient faire partie de ce bassin et le problème des emplois contractuels est-il toujours d'actualité?

Mme Barrados : La question des emplois contractuels comporte plusieurs volets. Je trouve vraiment préoccupant que des gens commencent par devenir des employés occasionnels, soient ensuite nommés pour une période déterminée et finissent par devenir des employés permanents. Ces gens apprennent à connaître le système et ses exigences, ce qui leur confère un avantage réel. Cela me préoccupe parce que cela va à l'encontre de l'objectif de la représentativité et que cela empêche de donner une chance équitable à tout un chacun.

Les choses se sont améliorées au cours des cinq ou six dernières années. Lorsque j'ai commencé à faire rapport sur cette question, 84 p. 100 des employés accédaient à la fonction publique de cette façon. Le pourcentage est maintenant d'environ 60 p. 100. Il est toujours trop élevé, mais il y a une nette amélioration.

Il y a toute une autre série de gens, à laquelle le sénateur Andreychuk a fait référence. Il s'agit des employés contractuels auxquels on demande une aide temporaire. En soi, il n'y a rien de mal à faire appel à des contractuels, à recourir à des services de travail temporaire ou à faire appel à des travailleurs occasionnels. Dans les faits, une bureaucratie gouvernementale, qui doit disposer d'une certaine marge de manœuvre, a probablement besoin de ces types de personnes, et même peut-être en plus grand nombre qu'actuellement. Toutefois, ce genre de modalités ne devrait pas être perçu comme une porte d'entrée dans la fonction publique, parce que cela reviendrait à instaurer un système injuste, laissant place au favoritisme, et vous ne parviendrez pas alors à la représentativité que nous obtenons actuellement. Nous y arrivons. Nous obtenons de bien meilleurs résultats.

Quant à la façon de faire connaître les offres d'emploi, nous ne publions pas tant d'annonces dans les grands journaux. Nous le faisons à l'occasion, mais nous essayons de l'éviter. Nous nous en remettons très largement à Internet et aux journaux spécialisés. Nous sommes parvenus à obtenir des taux très intéressants de candidatures des minorités visibles. Lorsque nous procédons à l'analyse de ces candidatures, nous constatons qu'il s'agit de personnes qui, en règle générale, ont eu une meilleure formation. C'est un bon bassin de personnes.

Par contre, nous avons constaté que nous devons faire plus d'efforts auprès des Autochtones. Nous avons mis sur pied à Winnipeg un centre d'excellence qui fait beaucoup de travail de vulgarisation auprès de divers groupes pour essayer de joindre les Autochtones et de leur faire connaître les emplois disponibles dans la fonction publique, et nous avons pu ainsi constituer de bons bassins de candidats à soumettre aux gestionnaires.

Nous n'obtenons pas d'aussi bons résultats avec les personnes handicapées. Dans leur cas, nous devrons tirer les enseignements de la façon dont nous avons procédé avec les autres groupes et les appliquer pour en toucher un plus grand nombre, parce que ces personnes ne font même pas acte de candidature dans les proportions que nous aimerions voir.

Le sénateur Andreychuk : C'est intéressant parce que vous avez indiqué auparavant que les personnes handicapées constituaient le meilleur groupe dans vos projections, mais cela ne s'est pas concrétisé.

L'expression « minorité visible » a fait l'objet de quelques discussions, pour utiliser un langage diplomatique. C'est une expression dont l'usage s'est développé au Canada, mais qui n'a pas trouvé preneur ailleurs. Il est certain qu'elle soulève des discussions dans notre pays, tout comme un éventuel conseil des droits de la personne, et d'autres sujets. Êtes-vous d'avis que nous devrions modifier notre terminologie? Est-il temps d'adopter une approche différente des quatre groupes cibles, ou pensez-vous que la méthode que nous avons adoptée il y a quelques années est encore la meilleure que nous puissions imaginer?

Mme Barrados : J'estime que le Parlement peut, en tout temps et à sa seule discrétion, examiner des lois pour s'assurer qu'elles ne sont pas devenues obsolètes. Cela ne me pose aucun problème.

J'utilise l'expression « minorité visible » parce qu'elle figure dans la loi. C'est aux parlementaires qu'il reviendrait de la modifier. Je ne parviens pas à savoir avec précision si les personnes membres de ce groupe la trouvent offensante ou non. Je fais partie des gens qui, lorsqu'ils adoptent une expression ou un terme, ont ensuite du mal à l'abandonner. Qu'on me pardonne si je ne me fais que lentement aux nouveautés. Il se peut que ce soit une question méritant que votre comité l'étudie. Est-ce que, dans notre pays, cette appellation offense certaines personnes? Si c'est le cas, il est temps d'envisager de la changer. Si ce n'est pas le cas, je suis pour le statu quo.

Le sénateur Andreychuk : En ce qui concerne les Autochtones, ce qui me préoccupait était que lorsque nous attirions des gens, c'était au ministère des Affaires indiennes. Il y a énormément de gens talentueux partout au Canada et nous devrions les utiliser dans tous nos ministères. Avez-vous réalisé des percées en parvenant à embaucher des candidats autochtones dans l'ensemble de la fonction publique fédérale?

Si je suis d'avis que les statistiques sur les femmes sont bonnes; c'est au niveau des échelons supérieurs, les postes EX, que nous avons fait des efforts pour augmenter leur nombre. La situation s'est-elle améliorée? Nous vous avions suggéré à l'époque d'accorder des primes ou des augmentations aux gestionnaires allant dans ce sens. S'ils veulent obtenir des promotions, ils doivent prendre en compte sérieusement cette volonté, sans se contenter de cocher une marque sur une feuille. Ils doivent obtenir des résultats tangibles.

Mme Barrados : Je vais demander à Mme Green de se procurer et de vous communiquer les chiffres sur les Autochtones. Quarante et un pour cent de ceux que nous avons recrutés sont affectés dans les cinq ministères les plus importants, ce qui revient à dire que 60 p. 100 vont dans les autres. Elle va vous trouver ces chiffres. Nous constatons une amélioration et nous observons que les Autochtones ne vont pas uniquement dans les plus grands ministères.

En ce qui concerne les femmes, 43 p. 100 d'entre elles appartiennent au groupe de la direction, y compris au niveau le plus élevé, celui des sous-ministres. C'est d'ailleurs à ce niveau que la situation des minorités visibles nous pose un défi. La diversification y est insuffisante. Si les femmes y sont bien représentées, il n'en va pas de même pour les autres groupes désignés d'équité en matière d'emploi. Une fois encore, nous avons pris des mesures pour y remédier, mais nous faisons face à quelques difficultés.

Quant aux primes que vous évoquez, sachez que mes collègues des ministères sont vraiment attentifs à la diversité. Ils ne font pas de résistance, ce qui me paraît une excellente chose. Les progrès que nous avons réalisés au cours des cinq dernières années l'ont été dans le cadre de ce modèle de délégation de pouvoirs, que nous favorisons, et nous avons constaté que les ministères y ont bien réagi. Je trouve que nous avons eu une bonne coopération. C'est l'un des éléments de notre évaluation des ministères qui s'inscrit aussi dans notre cadre global de responsabilisation. Ce n'est qu'un élément, mais ce n'est pas le seul dont les administrateurs généraux sont tenus responsables.

Paula Green, directrice générale, Équité et diversité, Commission de la fonction publique du Canada : Dans notre document sur l'équité en matière d'emploi, nous avons analysé cet aspect et relevé que 41,7 p. 100 des employés autochtones travaillent dans trois organisations qui sont Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, le Service correctionnel du Canada et Ressources humaines et Développement des compétences Canada. Cela tient en partie à la nature des activités ou aux mandats de ces ministères.

Toutefois, le dernier rapport publié par le Conseil du Trésor a indiqué que, maintenant, 50 p. 100 des employés autochtones travaillent dans quatre ministères, soit Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, le Service correctionnel du Canada et Ressources humaines et Développement des compétences Canada auxquels ils ont ajouté la Défense nationale. Ce rapport ajoute que, dans ces quatre ministères, ils représentent environ 36 p. 100 de l'administration publique centrale. En réalité, la situation n'a pas beaucoup évolué. On observe encore une concentration dans quelques ministères.

Mme Barrados : Je dirais que, selon le point de vue, le verre est à moitié plein ou à moitié vide. Lorsque vous avez 36 p. 100 de la population, et un ratio de 50 p. 100 sur 36 p. 100, la situation n'est pas si mauvaise. Les choses se sont améliorées.

Le sénateur Andreychuk : Je reconnais que les choses se sont améliorées, mais pour être pleinement satisfaite, je voudrais que ces statistiques commencent à montrer qu'il y a des Autochtones dans toute la fonction publique. Nos universités produisent des diplômés autochtones hautement qualifiés qui peuvent travailler dans les domaines de la santé et de la justice, et dans tous les autres. Il est encourageant de voir qu'il y en a au ministère de la Défense, mais il y a de nombreux autres ministères, y compris celui des Affaires étrangères, entre autres, sur lesquels nous devrions agir. Nous avons encore du travail à faire.

Mme Barrados : Sénateur Andreychuk, avec votre permission, vous avez rappelé qu'il y a quelques années, la situation des personnes handicapées était meilleure que celle des autres. Cela montre bien qu'on ne peut jamais se satisfaire de n'importe lequel de ces chiffres. Lorsque vous voyez des résultats qui paraissent assez encourageants, il vaut mieux être attentif, parce que les choses peuvent changer très rapidement.

La présidente : Madame Barrados, j'ai une question qui vient en complément de celle que vous a posée le sénateur Andreychuk. Elle vous a interrogée sur la représentation des femmes dans les postes de direction et vous avez indiqué, si je vous ai bien entendue, qu'elles occupent 43 p. 100 de ces postes. Êtes-vous en mesure de nous donner ce pourcentage pour les personnes handicapées, les Autochtones et les membres des minorités visibles occupant des postes de direction. Cela nous serait utile.

Mme Barrados : Nous pourrons revenir avec ces chiffres.

La présidente : Merci beaucoup.

Le sénateur Martin : Bonsoir. J'étais présente lorsque vous êtes venue faire un exposé devant ce comité il y a deux ans, et je trouve très utile d'être ici à nouveau pour constater les progrès réalisés depuis cette époque. Cela va me permettre de vous poser quelques questions visant essentiellement à faire un suivi dans les domaines auxquels je m'intéresse tout particulièrement. Je tiens d'ailleurs à reprendre à mon propre compte les félicitations que vous a adressées le sénateur Andreychuk à propos de l'excellent travail que vous faites.

J'ai quelques questions à vous poser découlant de ce que vous nous avez dit dans le dernier de vos exposés que j'ai entendu. Je vois quelques tableaux dans ce rapport, et en particulier le no 47, consacré aux candidats qui se sont manifestés à la suite d'une campagne améliorée de recrutement au postsecondaire. Je me souviens que, à l'époque, nous nous interrogions sur les difficultés posées par le recrutement, qui faisait l'objet d'une vive concurrence. Les jeunes sont impliqués activement sur les campus. Il s'était alors avéré que, pour recruter ces personnes compétentes, en particulier dans ces domaines ciblés, il fallait accorder la priorité à l'organisation sur les campus de journées de l'emploi et s'impliquer sur les campus en question.

Je voulais vous demander quelles stratégies et quels processus de recrutement, élaborés au cours des dernières années, ont donné de bons résultats?

Une fois la personne embauchée, il faut la garder pendant quelques années. Des personnes hautement compétentes peuvent décider de partir parce que, par exemple, le milieu de travail n'est pas aussi inclusif qu'il pourrait l'être. Les nouveaux venus peuvent également se heurter à d'autres types d'entraves.

Une autre question dont je me souviens que nous avions parlé était le type de perfectionnement professionnel et de formation qu'il faudrait donner dans les ministères pour favoriser le travail d'équipe, l'inclusion et la sensibilisation aux réalités culturelles. À l'époque, si je me souviens bien, les ministères ne faisaient pas nécessairement tous la même chose. Chacun d'entre eux pouvait mettre en œuvre sa propre série d'activités. Les pratiques exemplaires ont-elles été partagées ou informe-t-on les ministères de quelques stratégies leur permettant réellement de développer ce type de travail d'équipe, de cohésion et d'inclusion qui aiderait à conserver ces employés?

Mme Barrados : En ce qui concerne les stratégies de recrutement, nous ne manquons pas de susciter l'intérêt. L'an dernier, nous avons reçu plus de 800 000 candidatures à la fonction publique après avoir affiché quelque 3 000 avis d'emplois vacants. Un tel avis couvre en moyenne non pas un, mais quatre postes à combler, même si cela varie.

Tout cela pour dire que l'intérêt continue à être soutenu. Cela n'empêche que, pour certains types d'emplois, nous faisons face à des pénuries. Nous réfléchissons activement à l'élaboration de stratégies permettant de recruter dans les groupes professionnels dans lesquels nous avons des pénuries. C'est ainsi que dans le cadre de notre Programme de recrutement postsecondaire, nous avons permis le dépôt de candidatures génériques, pour nous permettre de disposer d'un inventaire général. Nous ne le faisons plus. Dorénavant, nous constituons plutôt des familles d'emplois précises en indiquant que nous souhaitons combler ce genre de postes et nous cherchons à recueillir des candidatures pour ces types d'emplois. Cela réduit le nombre de candidatures et permet aux candidats d'avoir une idée beaucoup plus raisonnable et beaucoup plus juste de leurs chances d'obtenir un emploi. Nous avons ainsi pu réduire de façon importante le nombre de candidatures. C'est une stratégie un peu différente de celle consistant à dire : « Nous devons faire de la vulgarisation », mais nous faisons de la vulgarisation dans les domaines dans lesquels nous avons des pénuries. C'est le cas, par exemple, des soins de la santé où cette pénurie est continuelle.

Alors que nous savons fort bien que le nombre d'emplois offerts va diminuer, et que nous disposerons, les ministères et nous, de moins de ressources pour faire notre travail, la technologie nous apparaît comme un moyen d'obtenir le même résultat à un coût plus faible. Nous procédons à des expériences comme, par exemple, un salon virtuel des carrières sous forme de projet pilote. Cela veut dire qu'au lieu d'avoir de groupes de gens qui se rendent dans les universités et les divers campus, nous tenons ces salons sur Internet. Cela nécessite toutefois l'engagement des fonctionnaires parce qu'ils doivent être là pour répondre aux questions posées par les gens.

C'est ce que nous faisons maintenant en nous assurant que nous respectons toutes les exigences gouvernementales. C'est devenu un sujet de plaisanterie dans notre organisation parce que je veux que ce soit en place avant de prendre ma retraite. Fort heureusement, le gouvernement a prolongé quelque peu mon mandat. Ce projet est encore loin d'être finalisé, mais nous espérons le rendre opérationnel.

Quant à savoir si nous conservons notre personnel, nous allons examiner nos chiffres et revenir vous dire quels sont les taux de maintien en fonction au cours des deux ou trois premières années. Dans l'ensemble, ces taux sont relativement faibles au gouvernement du Canada par comparaison à ce qu'ils sont dans le secteur privé. Nous avons, en règle générale, un taux de départ d'environ 5 p. 100, dont plus de 3 p. 100 est dû aux départs en retraite. Le pourcentage de personnes partant pour d'autres motifs est inférieur à 2 p. 100. Vous avez cependant raison, car il y a une concentration de départs chez les gens qui viennent juste de commencer à travailler dans la fonction publique. Nous allons extraire ces chiffres pour vous de nos bases de données pour vous permettre d'avoir une idée de la situation. Si ces chiffres ne sont pas trop faibles, nous verrons si nous disposons de détails sur l'appartenance aux groupes d'équité en matière d'emploi. Il se peut que nous n'ayons pas ces données, mais nous allons faire notre possible pour vous fournir certains renseignements.

Le sénateur Martin : Qu'en est-il des activités de sensibilisation aux réalités culturelles, de la compréhension des diverses valeurs et approches culturelles pour interagir avec l'employeur ou avec le superviseur de la personne? En Colombie-Britannique, je connais un homme d'origine asiatique qui, de par sa culture, jugerait grossier de regarder son superviseur dans les yeux. Ce genre de différences culturelles existe. Dans un milieu de travail, il serait important que les superviseurs soient sensibilisés à ces réalités et les comprennent. C'est donc un sujet qui pourrait être discuté, ou qui pourrait faire l'objet d'une journée au cours de laquelle ce genre de choses serait expliqué de façon franche pour que tout le monde se trouve sur un pied d'égalité et dispose de la compréhension nécessaire pour faire avancer toute l'équipe. Ce ne sont là que quelques exemples, mais je peux imaginer sans peine que cela pourrait se produire dans divers ministères.

Mme Barrados : Je crois que c'est là un élément important des changements à apporter aux modalités de fonctionnement de nos milieux de travail. Le gouvernement du Canada désigne des sous-ministres comme champions des divers groupes d'équité en matière d'emploi. C'est une question qui les préoccupe beaucoup et des journées spéciales y sont consacrées, ainsi que des séances de formation. C'est un sujet que votre comité pourrait aborder avec le champion des minorités visibles ou avec l'École de la fonction publique du Canada. Cela ne relève pas de ma responsabilité, mais je sais que des choses sont en cours dans ce domaine.

Le sénateur Nancy Ruth : Madame Barrados, c'est toujours un plaisir de vous voir. Les femmes occupent donc 43 p. 100 des postes de la catégorie EX. Je suis curieuse de savoir s'il y a eu des discussions. Un projet de loi émanant du sénateur Hervieux-Payette est actuellement à l'étude au Sénat. Il s'inspire de décisions prises dans des pays comme la Norvège, la France, l'Australie et dans d'autres pays scandinaves, imposant qu'au moins 40 p. 100 d'hommes, ou de femmes, siègent aux conseils d'administration de certaines sociétés. Dans le cas du Canada, il s'agirait de sociétés assujetties à la réglementation fédérale comme des compagnies d'assurance, des banques, et cetera.

Dans des pays comme la France, l'Australie et la Norvège, il a fallu légiférer pour faire bouger les choses. Si nous avons 43 p. 100 de femmes dans la catégorie des EX, n'avez-vous jamais imaginé que ce serait bien d'en avoir 52 p. 100? Quel intérêt y aurait-il à adopter une loi en ce sens?

Mme Barrados : Nous avons obtenu de très bons résultats dans ce pays avec le type de législation que nous avons, qui attribue des responsabilités aux gens pour éliminer les entraves et leur impose, pour l'essentiel, des obligations sans que la loi n'impose d'objectifs précis. Je pense que c'est vraiment là notre façon de procéder. Si vous pouvez y parvenir de cette façon, cela me semble une meilleure solution. Nous avons accompli beaucoup de choses de cette façon.

Toutefois, si les parlementaires estiment que nous ne progressons pas assez rapidement, je pense qu'ils devraient étudier d'autres solutions.

J'ai déjà dit à plusieurs occasions combien je suis fière, ayant été une féministe un peu radicale par le passé, des progrès que les femmes ont réalisés dans la fonction publique. On m'a rappelé que ce n'est pas le cas dans tous les secteurs. La fierté que j'éprouve envers les réalisations dans la fonction publique ne signifie pas que tout est parfait partout pour les femmes, et en particulier pour les femmes immigrantes qui font face à un double défi. C'est une discussion très intéressante.

Les nominations à des conseils ne relèvent pas de ma responsabilité, je vais donc laisser cette discussion aux sénateurs.

Le sénateur Nancy Ruth : Je ne défends pas l'idée d'une telle loi et ne fais que jongler avec l'idée. Dans la catégorie EX, il y a un processus rigoureux d'examen qui comprend des tests psychologiques, des examens linguistiques, et cetera. Si les parlementaires devaient juger nécessaire d'adopter une telle loi, que faudrait-il faire pour conserver ces normes?

Mme Barrados : La question qui se pose réellement est de savoir si nous aurions alors un bassin suffisant de personnes, qu'il s'agisse de femmes ou de membres des minorités visibles, respectant les exigences. Dans les bassins plus importants d'hommes et de femmes, je suis sûre que vous pourriez trouver assez de gens pour respecter les exigences, qu'il s'agisse d'hommes, de femmes ou de membres des minorités visibles. Avec le type de population que nous avons, je suis convaincue que les exigences pourraient être respectées.

Le Centre de psychologie du personnel, qui conçoit les tests, est tenu de veiller à ce qu'ils ne traduisent aucune forme de parti pris. Ils sont conçus pour offrir à tous de justes possibilités et tiennent compte des différences culturelles. Il n'y a pas de parti pris envers les hommes ou envers les femmes et nos documents font l'objet d'un examen continuel pour nous assurer que c'est bien le cas.

Le sénateur Hubley : Ma question est liée au fait que les personnes handicapées ne sont pas embauchées dans la fonction publique en proportion de leur disponibilité au sein de la population active. Vous avez indiqué qu'il faut faire davantage d'efforts dans ce domaine. Vous avez également parlé du Centre d'excellence autochtone situé à Winnipeg. Pouvez-vous nous dire ce que fait ce centre? Pourquoi est-il situé à Winnipeg? Des centres comparables devraient-ils être mis sur pied dans d'autres parties du pays pour aider à résoudre cette question?

Mme Barrados : La Commission de la fonction publique a des bureaux régionaux partout à travers le pays. Nous essayons de répartir également la charge de travail entre eux. Comme la population autochtone est importante en Ontario et dans l'Ouest, il nous a semblé que Winnipeg convenait pour accueillir un centre d'excellence consacré au recrutement des Autochtones. Nous disposions également à Winnipeg d'un groupe d'employés autochtones activement impliqués dans ce domaine.

Nous nous sommes demandé si nous devrions ouvrir d'autres centres d'excellence, et nous avons répondu que cela dépend des besoins des ministères. Un certain nombre de ministères et d'organisations, comme la Commission de vérité et de réconciliation relative aux pensionnats indiens, se sont adressés à nous. Ils étaient très désireux d'obtenir très rapidement un nombre important de gens. C'est ce que nous avons fait en réponse à leurs besoins.

Dans le cas des personnes handicapées, nous devons faire des progrès. J'espère que les membres de la nouvelle commission discuteront avec le gouvernement de la meilleure façon pour nous d'y contribuer. Les discussions que j'ai eues avec de hauts fonctionnaires m'ont montré qu'ils sont également impliqués dans ce domaine et qu'ils estiment qu'il faut y apporter des améliorations.

Le sénateur Hubley : Vous avez précisé que vous utilisez des statistiques de 2006. Quelle répercussion cela a-t-il sur votre travail?

Mme Barrados : Nous utilisons les chiffres sur la disponibilité au sein de la population active que nous donnent Statistique Canada et Ressources humaines et Développement des compétences Canada. C'est une évaluation technique parce que nous disposons d'une évaluation du nombre de membres des minorités visibles. Nous voulons vraiment savoir combien d'entre eux pourraient être employés dans la fonction publique fédérale et sont disponibles pour occuper les types d'emplois dont nous disposons. C'est notre évaluation.

Une fois encore, lorsque nous connaîtrons le taux d'immigration et le taux auquel les immigrants deviennent citoyens canadiens, puisque nous accordons la préférence aux citoyens canadiens, ce chiffre augmentera. Je dirais que ce chiffre est un peu faible. Je pense que l'on pourrait retenir un chiffre un peu plus élevé.

Le sénateur Oliver : Comme la présidente l'a dit dans son introduction, nous sommes ici parce que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a été autorisé à étudier les questions de discrimination dans les pratiques d'embauche et de promotion dans la fonction publique fédérale. Le sujet à l'ordre du jour est donc la discrimination. Très peu de questions vous ont été posées sur ce sujet, et je vais donc le faire.

Cela fait plus de 20 ans que je siège au Sénat et j'ai eu souvent l'occasion de traiter avec des niveaux très variés de la fonction publique. Pour avoir vu notre fonction publique et celle d'autres pays du monde, je suis d'avis que la nôtre est la meilleure dans le monde. Nos fonctionnaires ont été sélectionnés au mérite et ils font un travail superbe. Je tiens également à reprendre à mon compte les commentaires des sénateurs Andreychuk et Martin vous concernant, madame Barrados. Vous avez vraiment été une championne des quatre groupes cibles et c'est vraiment dommage que vous partiez parce que vous allez nous manquer.

J'ai quelques questions précises à vous poser. Il se peut que vous n'ayez pas les réponses à toutes, et dans ce cas vous pourrez nous les adresser plus tard. Un certain nombre de membres des minorités visibles que je connais, en particulier des quatre groupes cibles, sont dans la fonction publique depuis de nombreuses années, mais ont toujours le même emploi. Les Blancs qui travaillaient avec eux ont été promus à des niveaux supérieurs et les ont dépassés dans la hiérarchie alors qu'eux font du surplace. Il me semble que c'est probablement le résultat d'une discrimination. De quels programmes disposez-vous pour que l'attribution des promotions et des avancements ne soit plus discriminatoire? Pourquoi y a-t-il si peu de membres des minorités visibles dans les catégories de direction, et en particulier chez les sous-ministres?

J'aimerais savoir combien nous avons de sous-ministres au Canada, et combien de ceux-ci sont des membres des minorités visibles, combien sont autochtones, combien sont handicapés et combien sont des femmes.

Dans votre exposé, vous nous avez dit que la fonction publique est chargée de cerner et d'éliminer les obstacles en matière de recrutement et de dotation, et d'élaborer des lignes directrices et des usages positifs, qui contribuent à la représentativité de la fonction publique. Pourriez-vous énumérer certaines de ces politiques et de ces pratiques et nous en dire un peu plus à leur sujet? Comment sont-elles structurées, comment fonctionnent-elles et que font-elles précisément pour les minorités visibles, les Autochtones et les personnes handicapées, en particulier, pour rendre la fonction publique plus représentative de la société canadienne?

À ce que j'ai lu sur la discrimination dans la fonction publique fédérale, il semble qu'il y ait un problème lié au système, soit que l'embauche d'un membre d'un des groupes cibles ne fasse pas la promotion de ce groupe, en particulier dans le cas des personnes handicapées, des minorités visibles et des Autochtones, parce ces gens ne nous ressemblent pas, ne s'habillent pas et ne parlent pas comme nous. Mis à part ceux évoqués par le sénateur Martin au sujet de la sensibilisation aux réalités culturelles, de quels programmes disposez-vous pour lutter contre ces entraves discriminatoires et systémiques à l'avancement dans la fonction publique?

Mme Barrados : Je vous remercie, sénateur Oliver. Je suis d'accord avec vos commentaires sur notre fonction publique. En qualité de présidente de la Commission de la fonction publique, il m'incombe de la représenter et, ce faisant, de mettre de l'avant tout ce que nous pouvons faire pour améliorer la situation. Parfois, lorsqu'une personne a un rôle de critique, elle peut oublier de louanger notre fonction publique qui le mérite pourtant. Il est certain que mes déplacements à l'étranger m'ont permis de réaliser l'envie et l'émulation que nous suscitons à travers le monde, mais cela ne veut pas dire que nous sommes parfaits. Il y a encore des domaines dans lesquels il nous reste du travail à faire. Je sais que mon personnel va un peu grincer des dents parce que je vais m'engager à vous fournir de l'information, même s'il se peut qu'une partie de celle-ci prenne plus de temps à se procurer du fait de la complexité de la tâche.

Votre première série de questions portait sur ce que nous faisons pour nous assurer que chacun a des chances égales de promotion. Vous vouliez aussi savoir pourquoi les membres des minorités visibles se languissent encore dans les mêmes emplois alors que les Blancs progressent. Cela laisse entendre que les taux des changements de poste sont très différents entre les deux collectivités, et je ne suis pas sûre que ce soit vraiment le cas. Nous avons eu beaucoup de mutations, mais surtout dans certains groupes professionnels.

Le sénateur Oliver : S'agit-il de mutations latérales?

Mme Barrados : Des changements d'emploi. Les déploiements sont beaucoup plus difficiles à mesurer pour moi. Je parle à beaucoup de gens qui sont frustrés par le poste qu'ils occupent dans la bureaucratie, et ils viennent de tous les horizons. Ce n'est donc pas une situation propre aux minorités visibles.

Si vous entendez par mutations latérales des déploiements, ce sont des chiffres que je n'ai pas, mais nous pouvons certainement chercher à déterminer si les taux de promotion sont différents pour les membres des minorités visibles et pour les personnes qui n'appartiennent pas à ces minorités visibles.

En vérité, dans le prolongement d'une de vos questions, nous avons cherché à savoir si l'obligation de bilinguisme constituait une entrave plus importante aux promotions pour les membres des minorités visibles que pour les autres personnes qui n'appartiennent pas à ces minorités visibles, et ce n'était pas le cas. En pratique, les membres des minorités visibles bénéficiaient d'un léger avantage. La langue n'était pas une entrave. Cela signifiait que tous ces gens avaient une série de problèmes en commun, qu'une personne qui ne maîtrise pas les deux langues a de la difficulté à apprendre l'autre langue une fois adulte.

Je m'engage à ce que mon personnel trouve ces taux de promotion et nous dise s'il y a des différences de quelque nature que ce soit. Nous allons faire tout en notre possible pour relever les corrélations, s'il y en a, comme le type de groupe professionnel ou l'appartenance à de grands ministères. Ils reviendront vous voir sur cette question. Je vais demander à mon personnel d'évaluer assez rapidement combien cela prendra de temps parce qu'il est souvent compliqué d'utiliser simultanément plusieurs bases de données, mais nous devrions être en mesure de vous fournir certains renseignements.

Cela nous amène à nous demander s'il y a des pratiques qui sont réellement injustes. J'aimerais croire que toutes nos promotions sont basées sur le mérite, doivent respecter l'évaluation du mérite et que nous n'avons pas nommé à un poste quelqu'un qui travaille au profit de quelques-uns et aux dépens des autres. Nous allons poursuivre à partir de la première série.

La présidente : Madame Barrados, quand vous allez chercher ces chiffres, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire également combien de sous-ministres adjoints et de directeurs généraux appartiennent à ces quatre catégories?

Mme Barrados : Nous pouvons essayer de trouver ces chiffres. La difficulté est qu'il s'agit de petits nombres, mais nous allons essayer de les décomposer dans toute la mesure du possible. Dans le cas des minorités visibles, nous savons que nous n'en avons pas assez. Les nombres sont très faibles dans ces groupes.

Votre seconde question demandait pourquoi il y a si peu de sous-ministres appartenant à ces groupes désignés. Ce n'est pas moi qui les nomme. J'ai déjà suggéré que la Commission de la fonction publique ou la Commission des nominations publiques procède à un examen plus minutieux de ces nominations, mais ce n'est pas ainsi que les choses se passent. Nous pouvons certainement vous trouver les nombres. Je peux d'ores et déjà vous dire, même si je n'ai pas les chiffres exacts, qu'ils sont faibles.

Le sénateur Oliver : Y a-t-il aujourd'hui, au Canada, des sous-ministres qui soient handicapés, autochtones ou qui appartiennent à une minorité visible?

Mme Barrados : J'en connais personnellement deux qui sont Autochtones et deux qui appartiennent aux minorités visibles.

Le sénateur Oliver : Ma question porte sur les sous-ministres, pas sur les sous-ministres adjoints.

Mme Barrados : Je vous parle de sous-ministres et de sous-ministres délégués.

Le sénateur Oliver : Des sous-ministres

Mme Barrados : Le système comporte quatre niveaux de sous-ministres. Le niveau 1 est celui des sous-ministres délégués. Ce sont ceux qui sont appelés à devenir sous-ministres qui sont, eux, aux niveaux 2 et 3, le niveau 4 est réservé à quelques-uns d'entre eux au niveau le plus élevé, comme le sous-ministre des Finances.

Parmi les sous-ministres de niveaux 2 et supérieurs, je connais un Autochtone et un membre des minorités visibles.

La présidente : Sur combien?

Mme Barrados : Il y a au total 76 sous-ministres, y compris les sous-ministres délégués. Ce sont des chiffres approximatifs.

Quant aux politiques et aux pratiques mises en œuvre par la commission pour améliorer la promotion des membres des minorités visibles, nous avons fait beaucoup dans ce domaine. Mme Green, qui va prendre sa retraite sous peu, a assumé la direction de nombre de ces initiatives. Peut-être pourra-t-elle vous parler de quelques-unes.

Le sénateur Oliver : J'espère que nous aurons la réponse avant qu'elle ne prenne sa retraite.

Mme Barrados : Nous avons préparé quantité de guides et organisé beaucoup d'ateliers. Nous avons adopté des positions très fermes.

Mme Green : Je veux vous dire brièvement comment l'approche à l'équité en matière d'emploi a évolué. Lorsque j'ai débuté dans ce domaine, il y a une dizaine d'années, nous avions quantité de mesures spéciales et de programmes spéciaux dotés d'un financement additionnel. Vous verrez, à la lecture de notre document sur l'équité en matière d'emploi, que toutes ces dispositions ont eu des effets sur les quatre groupes, mais ces programmes ne s'appliquaient qu'à court terme. Ils ont répondu à un besoin. Nous voulions que toutes ces dispositions soient intégrées à l'ensemble des modalités d'embauche dans un système régulier de dotation.

Nous y sommes parvenus grâce à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et à la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Comme vous l'a expliqué Mme Barrados, nous pouvons maintenant recourir à la possibilité que nous confère la loi de restreindre les zones de sélection, de permettre à un processus particulier de cibler précisément les membres des minorités visibles, les Autochtones ou les personnes handicapées.

Nous pouvons également utiliser ce que nous appelons les critères de mérite comme des qualifications constituant un atout ou comme répondant à un besoin organisationnel. Tout cela est lié aux plans d'équité en matière d'emploi des ministères, que tous les ministères et organismes sont tenus par la Loi sur l'équité en matière d'emploi de préparer, et qui font également partie de la planification des ressources humaines. Nous avons enregistré certaines réussites avec les efforts de renouvellement de la fonction publique dans le cadre desquels le greffier a, par le passé, défini certains points de référence.

Pour en venir à ce que la Commission de la fonction publique a fait de façon précise, sachez que nous avons étudié les besoins de la collectivité. Nous avons constaté que, en expliquant les principes du mérite et de la représentativité, nous devions faire quelque chose de concret avec chaque niveau de gestion. C'est ainsi que nous avons préparé un outil pratique qui présente les types de questions à poser et énumère les considérations que tous, les sous-ministres, les SMA et les gestionnaires de l'embauche, devraient prendre en compte en matière de représentativité de leur ministère. Il explique également comment les ministères peuvent s'y prendre pour garder les employés des groupes visés par l'équité en matière d'emploi lorsqu'ils les ont amenés à travailler pour eux.

Les ministères estiment que les outils que nous avons mis à leur disposition sont bons. Sachez aussi que nous venons de terminer un examen de la littérature sur les personnes handicapées. Celui-ci nous a appris que les efforts de divulgation destinés à cette collectivité doivent être organisés de façon un peu différente. Il se peut que nous devions cibler les groupes à partir du collège communautaire ou du niveau universitaire. Certains ministères, avec lesquels nous avons mis sur pied des partenariats, commencent à procéder de cette façon, en offrant des services précis d'emploi aux personnes handicapées. Nous serons probablement en mesure de faire rapport sur cette nouvelle approche dans le rapport annuel de l'an prochain.

Mme Barrados : Sénateur Oliver, votre dernière question portait sur les problèmes systémiques. Les personnes qui estiment ne pas avoir été traitées de façon équitable ou juste dans le cours du processus de promotion et de dotation peuvent se plaindre, et elles devraient le faire si elles estiment que ce fut effectivement le cas. Elles disposent pour cela d'un certain nombre de mécanismes.

La Commission de la fonction publique vient de réaliser un sondage auprès des employés. Nous avons obtenu un très bon taux de réponses puisque, si je me souviens bien, il est d'environ 70 p. 100. Cela devrait nous donner une bonne approximation du nombre de personnes avec lesquelles nous traitons qui estiment être vraiment mal traitées.

Je sais que, dans nos enquêtes sur la dotation, environ 25 p. 100 des employés estiment ne pas avoir été traités de façon juste. Cela me préoccupe. C'est un pourcentage très élevé. Nous nous sommes penchés sur les motifs avancés par ces personnes. Nous comprenons que les personnes qui se sont présentées à un concours et qui ont échoué aient tendance à estimer qu'elles ont été mal traitées. Est-ce uniquement parce qu'elles n'ont pas remporté le concours ou parce qu'elles estiment que l'ensemble du processus n'était pas juste? C'est une préoccupation pour moi.

Nous apprenons aussi d'autres choses avec ces sondages. Si un processus est trop long, les gens estiment ne pas avoir été bien traités. C'est une question différente. Les gens ne sont pas aussi à l'aise avec les processus collectifs, que nous utilisons de plus en plus. Cela tient dans une large mesure à l'information dont nous disposons et à la meilleure utilisation que nous faisons de nos outils pour nous permettre de communiquer davantage avec les gens, afin de leur permettre de savoir où ils se situent dans le processus et qu'ils sachent comment celui-ci fonctionne. Nous espérons parvenir à automatiser complètement l'utilisation de ce système et à permettre de l'utiliser intégralement. Ce processus a été lancé et sa mise en œuvre est en cours. Je suis d'avis que c'est quelque chose à surveiller avec les résultats du sondage.

Le sénateur Oliver : Quel était le nom de ce sondage? Comment l'appeliez-vous? Un sondage pour faire quoi?

Mme Barrados : C'est un sondage auprès des employés de la fonction publique, réalisé par Statistique Canada, qui porte sur l'implication des employés. C'est exactement ce dont vous parliez. La littérature montre hors de tout doute qu'un employé satisfait et plus impliqué est un employé plus productif. C'était l'objectif de ce sondage.

Le sénateur Oliver : Pourrais-je vous demander une autre série de statistiques? Pourriez-vous me donner le nombre total d'employés au sein de la Commission de la fonction publique, et la répartition des quatre groupes cibles, soit les nombres de femmes, de membres des minorités visibles, de personnes handicapées et d'Autochtones, et leurs nombres parmi les cadres supérieurs de la commission?

Mme Barrados : Nous avons environ 968 employés. Notre représentativité est bonne. Nous vous ferons parvenir les détails. Je vais vous devancer, sénateur Oliver, nous n'avons pas à la commission un seul membre des minorités visibles.

Le sénateur Oliver : Oh mon Dieu!

Le sénateur Martin : Je tenais simplement à vous demander, pour que cela figure au procès-verbal, si vous avez déjà collaboré d'une façon quelconque avec les organismes sans but lucratif pour accéder à la collectivité des personnes souffrant d'un handicap physique et pour communiquer avec ces gens. Par exemple, la Neil Squire Society est un organisme sans but lucratif basé en Colombie-Britannique, mais travaillant au niveau national, qui se consacre précisément aux personnes souffrant de handicaps physiques et qui les aide à trouver des emplois et à suivre des formations. Ils font de la recherche et du développement. C'est une organisation extraordinaire. Vous avez dit qu'il est nécessaire d'accroître ce bassin. Peut-être que des organismes sans but lucratif comme la Neil Squire Society pourraient vous être très utiles.

Mme Barrados : Je vous en remercie.

Le sénateur Ataullahjan : Je vous remercie de votre exposé. Je n'ai été nommée au Comité sénatorial permanent des droits de la personne que l'an dernier et je suis donc relativement nouvelle. Permettez-moi de revenir au rapport que le comité a reçu l'an dernier, en juin 2010, qui indiquait que les minorités visibles étaient sous-représentées. Votre rapport du 25 octobre indique que la situation des personnes handicapées accuse du retard. En quoi les choses ont-elles changé en juste un an? Votre conclusion tient-elle au fait qu'un plus grand nombre de membres des minorités visibles ont été embauchés? J'ignore si vous aurez la réponse à cette question, mais quel est le pourcentage des membres des minorités visibles embauchés qui sont des femmes?

Mme Barrados : Il faut savoir, au sujet du chiffre sur la représentativité, qu'il y en a deux en vérité et que c'est une source de confusion. Le premier donne le pourcentage actuel de personnes appartenant aux minorités visibles dans la fonction publique. Il se situe entre 9,3 et 9,8 p. 100. C'est un instantané au moment présent, comme si, dans une assemblée de tous les membres de la fonction publique, vous demandiez aux membres des minorités visibles de lever la main. Les nombres que j'ai sont les taux auxquels ils arrivent. Je sais fort bien, avec les taux élevés d'arrivées au cours des cinq dernières années, que ce nombre devrait augmenter et qu'il ne le fait pas. Il y a donc un problème de calcul.

Pour clarifier les choses, nous avons décidé de nous livrer à un exercice avec certains ministères. Nous en avons retenu sept et nous avons utilisé les deux nombres, soit le nombre des nouveaux venus dans la fonction publique et le nombre déclaré par chaque ministère dans sa propre population. Nous voulions voir s'ils correspondaient. Certains des chiffres ainsi obtenus étaient très bons. Dans certains cas, les nombres d'arrivées et le nombre de personnes dans leur population actuelle étaient très proches.

C'était le cas au ministère de la Justice. Nous leur avons demandé comment ils s'y étaient pris pour obtenir un résultat si proche du nôtre. Cela tenait à la qualité des données qu'ils ont utilisées et au soin apporté par le ministère à ce travail. Mon chiffre provient de toutes les annonces faites dans la fonction publique. Nous demandons aux gens, quand ils déposent leur candidature, s'ils sont membres d'un groupe désigné. Ils sont tenus de répondre à cette question. Ils peuvent répondre non, mais ils doivent répondre. Quand il s'agit de déterminer l'apparence de la fonction publique, le compte de la population provient d'un questionnaire remis aux employés lorsqu'ils entrent dans la fonction publique. Personne n'en fait le suivi. C'est simplement un autre document à remplir. Vous êtes payé, vous obtenez votre ordinateur et tout le reste et, si vous ne remplissez pas le questionnaire, personne ne va insister pour que vous le fassiez. Le ministère de la Justice, lui, insiste pour que les gens remplissent leur questionnaire, ce qui explique la qualité de leurs chiffres.

L'une des organisations qui n'avaient pas de bons résultats, à ma grande surprise, était la Commission de la fonction publique. J'ai voulu savoir pourquoi il en était ainsi. J'ai appelé les responsables en leur demandant à quoi cela tenait. Ils m'ont répondu qu'ils ne peuvent obliger les gens à remplir ce questionnaire. Ils le remettent aux nouveaux venus, mais si les gens ne le remplissent pas, ils ne seront pas comptabilisés.

Nous avons un problème de chiffre. Nous avons un bon nombre de nouveaux venus et, pourtant, le chiffre de la population ne varie pas. Ce n'est pas logique. Ce chiffre doit augmenter. Nous ne sommes pas parvenus à faire un bon travail en vous remettant un chiffre de meilleure qualité. Nous nous sommes efforcés d'obtenir l'accord de tout le monde pour utiliser mon chiffre des nouveaux venus comme nombre de personnes dans la population. Je dois savoir pour toutes les personnes qui font acte de candidature, quand elles entrent dans la fonction publique, si elles font partie d'un groupe désigné. Nous allons joindre un feuillet d'information pour que les gens sachent comment l'information sera utilisée et qu'elle peut maintenant être utilisée. Nous n'avons cependant pas encore corrigé les chiffres. C'est un problème lié aux chiffres et c'est de là que vient la confusion. Je crois que le nombre que nous avons est inférieur à la réalité. Je ne pense pas qu'il soit suffisamment précis pour que nous puissions l'utiliser.

En ce qui concerne l'embauche des membres des minorités visibles, si ma mémoire est bonne, et nous vous ferons parvenir les chiffres, il y a plus de femmes que d'hommes, puisque les femmes accaparent 54 p. 100 de ces nominations et les hommes 45,3 p. 100.

La présidente : Veuillez me corriger si je vous cite mal. Si j'ai bonne mémoire, la dernière fois que vous avez comparu devant nous, vous avez déclaré que les gens ont tendance à embaucher des gens comme eux. Je sais très bien que vous travaillez fort pour changer ce comportement. Que faites-vous pour amener les gestionnaires à embaucher des gens qui soient représentatifs de la société canadienne?

Mme Barrados : C'est l'une des raisons pour lesquelles je m'inquiète et rabâche sans cesse de ne pas utiliser le bassin de gens que vous connaissez, comme vos agents contractuels ou vos employés occasionnels, pour combler des postes dans la fonction publique. Ce n'est pas ainsi qu'il faut recruter. Je le répète sans cesse. L'autre élément est que je tiens réellement à voir des processus annoncés et non pas des processus non annoncés, parce que les premiers permettent d'ouvrir le recrutement et d'accorder à chacun une chance de faire acte de candidature.

Nous sommes passablement exigeants sur la façon dont les gens doivent appliquer l'évaluation du mérite. Nous procédons à des vérifications. Nous vérifions les ministères et nous prenons des échantillons statistiques pour voir comment les gens se comportent. Nous cherchons à vérifier si les critères de mérite ont été respectés, si la preuve de ce mérite a ou non été fournie et si ce critère du mérite n'a pas été respecté.

Nous constatons des améliorations. Une fois encore, je suis heureuse de voir que le système se met à fonctionner comme il se doit. Toutefois, je trouve que, en moyenne, dans 38 p. 100 des cas l'application de ce critère du mérite n'a pas été démontrée correctement. C'est un pourcentage très élevé. Que signifie-t-il? Pour une bonne part, il s'agit simplement de négligence. Cela signifie que les gens ne font pas très bien ce travail. Cela pourrait également signifier que quelqu'un n'a pas l'intention de nous dire ce qu'il a fait réellement. Nous insistons fortement sur cela.

Nos vérificateurs s'efforcent également de détecter si les valeurs n'ont pas été vraiment respectées. Les gens ont-ils réellement mis de côté les principes d'équité? Ont-ils été insensibles à la représentativité? Lorsque les vérificateurs ont l'impression qu'il y a un problème, nous transmettons le dossier au service des enquêtes, qui utilise une approche du type d'un tribunal quasi administratif et qui veille au respect de l'impartialité. Nous procédons de cette façon lorsque le respect des critères de mérite n'a pas été prouvé. Nous pouvons imposer des mesures correctrices, ce qui signifie que nous pouvons refaire un processus. Nous pouvons aussi faire perdre son poste à quelqu'un. Nous le faisons également. Nous exerçons beaucoup de pressions sur le système pour que les décisions soient prises dans les règles.

La présidente : Vous essayez donc dorénavant de chiffrer la diversité en utilisant les entrées dans la fonction publique, les recrutements. Un certain nombre de personnes m'ont téléphoné pour me dire que c'est très bien, mais que, comme vous l'avez signalé vous-même à plusieurs occasions aujourd'hui, cela ne tient pas compte des emplois non annoncés et occasionnels. Le fait que les taux de recrutement soient élevés peut sembler un bon résultat, mais cela ne donne pas une vision complète de la situation parce que les emplois occasionnels et non annoncés ne sont pas comptabilisés.

Une personne s'est adressée à moi pour m'expliquer avoir eu du mal à accepter qu'un processus de recrutement qui avait débuté normalement soit annulé à un moment quelconque, sans aucune forme d'avis et sans fournir aucune raison. Les décideurs ont sûrement leurs raisons. Ils ne veulent pas expliquer en public, pourquoi, tout d'un coup, le processus a été annulé. Je vous fais simplement part du sentiment d'injustice que cela donne.

Cette personne m'a expliqué que, lorsqu'il faut embaucher une personne, on trouve un poste, on attribue un budget à celui-ci et on procède ensuite à la première sélection. Si la personne respecte les critères, on examine l'ensemble de ses qualifications, y compris ses compétences linguistiques. Il y a ensuite une autre sélection. Il peut y avoir un examen, une entrevue ou un exercice de rédaction. Vient ensuite une autre entrevue subjective. Les candidats sont alors inscrits dans un bassin dans lequel le gestionnaire fera son choix. Le sentiment d'injustice vient du fait qu'il était habituel, et corrigez-moi si je me trompe, que la personne qui obtenait les cotes les plus élevées dans ce bassin était la première à être embauchée. Je réalise fort bien que les règles ont changé maintenant, ce qui fait que toute personne inscrite dans le bassin peut être embauchée. Le gestionnaire a le pouvoir de dire que la huitième personne inscrite dans ce bassin convient mieux dans son contexte que la personne qui a obtenu les cotes les plus élevées.

J'aimerais que vous nous fassiez part de vos commentaires sur la façon dont la sélection se fait à même le bassin. J'ai entendu un certain nombre de gens me dire qu'il est tout à fait injuste que la personne qui obtient la note la plus élevée ne soit pas la première à obtenir un emploi.

Mme Barrados : L'une des questions auxquelles nous sommes confrontés est qu'il y a davantage de gens qui veulent travailler dans la fonction publique qu'il n'y a de postes. Nous avons effectivement un problème de gestion de volume, et nous avons cette obligation additionnelle de procéder en toute équité.

Au sujet des postes non annoncés, sachez qu'environ 28 p. 100 des postes faisant l'objet d'un recrutement externe ne sont pas annoncés. Lorsque nous faisons nos vérifications, nous demandons de justifier le fait qu'ils n'aient pas été annoncés. Dans certains cas, cette modalité est acceptable. Dans d'autres, elle ne l'est pas. Nous insistons beaucoup pour nous assurer qu'elle ne soit utilisée que dans des conditions acceptables. Nous entendons par là, par exemple, que vous pouvez avoir lancé un processus pour chercher un type précis de spécialiste et que vous n'avez trouvé personne. Si vous en trouvez un un peu plus tard, il est inutile de lancer un autre processus.

Maintenant, en ce qui concerne l'annulation d'un processus, et le fait que certains doutent de sa justification, il se peut qu'elle soit parfaitement justifiée. Il se peut par exemple que vous n'ayez pas de budget. Même si quelqu'un a été le lauréat du concours, vous n'aurez pas alors d'emploi à lui offrir. L'annulation dans un tel cas pourrait être tout à fait justifiée. Il se pourrait aussi que vous ayez commis une erreur en affichant le poste. Dans un tel cas, en regardant plus tard, il se peut que vous voyiez ce poste à nouveau affiché avec certaines modifications. Par contre, vous ne pouvez pas modifier les exigences pendant le processus; nous sommes inflexibles à ce sujet. S'il est indispensable de modifier les exigences, vous devez recommencer à zéro. Cela peut se produire.

Toutefois, si des gens estiment qu'il y a un élément injuste dans n'importe lequel de ces processus externes, ils peuvent se plaindre à nous. Nous allons étudier le cas et voir si la plainte est justifiée. Nous pouvons très certainement faire enquête sur ces questions.

Il est exact que lorsque nous avons procédé à la modernisation de la fonction publique, la vocation de l'évaluation du mérite a changé. Auparavant, elle permettait de sélectionner le candidat ayant obtenu le meilleur classement alors que, dorénavant, elle permet de vérifier le respect des exigences essentielles du poste et le respect d'autres exigences constituant des atouts. On laisse ainsi une marge de manœuvre aux gestionnaires. Si vous avez une définition de poste générique, comme AS, CR ou PM, qui existent en grand nombre, vous pouvez utiliser ces exigences d'atouts pour obtenir ce que vous voulez. Vous pouvez tenir à quelqu'un ayant une certaine expérience, par exemple, une fonction réglementaire, maîtrisant des types particuliers de traitement de texte ou ayant un autre genre précis d'expérience. Si quelqu'un estime que c'est injuste et que cela est destiné à permettre de recruter une personne en particulier qui est un ami, ou quelqu'un de connu, il y a matière à plainte. Il faut déposer une plainte dans de tels cas. J'incite les gens à le faire. Nous examinons ces plaintes. Comme je l'ai dit, nous offrons d'excellents emplois et des lieux de travail intéressants, ce qui fait qu'il y a beaucoup plus de gens voulant des emplois que nous n'avons de postes à offrir.

La présidente : Vous avez effectivement de très bons emplois, mais ce qui me préoccupe est que les taux de membres des minorités visibles soient aussi faibles à la Commission de la fonction publique par rapport à ce qu'ils sont dans le secteur privé. Je sais que vous essayez de déterminer pourquoi cette situation dure, mais cela nous laisse aussi perplexes.

Le sénateur Andreychuk : Permettez-moi de vous poser une question de nature générale. Il se peut que vous comme moi ayons passé trop de temps à cette table. Lorsque je vous ai entendue pour la première fois présenter vos rapports ici, vous disiez que les gens cherchaient à travailler dans un milieu acceptable, un milieu qui leur permettait de progresser et d'avoir un chèque de paie. La sécurité d'emploi avait son importance quand on se joignait à la fonction publique. Toutefois, les gens voulaient également un milieu de travail dans lequel ils pouvaient faire preuve de créativité et utiliser leurs compétences.

Peu de temps après, vous nous avez dit subir la concurrence du secteur privé à l'embauche, ce qui n'était pas le cas depuis un certain temps. Je ne sais plus depuis combien d'années vous et moi nous asseyons à cette table. Il semble maintenant y avoir une certaine insécurité dans le pays et la sécurité des emplois dans la fonction publique, par opposition à la situation dans une entreprise, est encore un élément attrayant, même lorsqu'on procède à une réduction de l'effectif. En d'autres termes, certaines des options ont disparu.

Savez-vous pourquoi, aujourd'hui, les gens veulent entrer dans la fonction publique au lieu de profiter de toutes les autres possibilités qui s'offrent à eux dans un univers mondialisé? Les gens peuvent ouvrir une entreprise à partir de chez eux, aller n'importe où. Des cabinets d'avocats ont des succursales partout dans le monde. On ne parlait pas de toutes ces choses il y a 20 ans. Quelle est la raison impérieuse que vous donnent les gens pour vouloir se joindre à la Commission de la fonction publique et travailler dans des ministères?

Mme Barrados : Ils nous donnent deux types de raisons. Certains viennent pour occuper un poste précis. C'est une occasion spécifique pour eux de travailler dans le domaine des pensions ou dans un autre domaine technique. On peut penser par exemple à la recherche et au sauvetage. Certains veulent devenir ambassadeurs. D'autres veulent être militaires. Certaines personnes ont toujours voulu mener un genre précis de carrière. La raison qu'ils nous donnent le plus souvent pour venir travailler dans la fonction publique est le désir de servir l'intérêt public. C'est le genre de réponse que nous donnent les étudiants du postsecondaire lors de nos activités de recrutement. Ils ont examiné diverses possibilités et souhaitent intégrer la fonction publique pour travailler dans l'intérêt du public, pour son bien. Il y a d'autres motifs et je ne sais pas avec certitude si les gens visent la fonction publique, cherchent un emploi, qu'il s'agisse d'un emploi manuel ou non professionnel. La plupart des professionnels de la fonction publique se consacrent à la défense de l'intérêt public. Pour les autres types d'emplois, les raisons sont variées.

Le sénateur Andreychuk : Au sujet des quatre groupes cibles qui ont retenu notre attention dans vos rapports, les établissements d'enseignement postsecondaires participent-ils à des réunions avec vous? Lorsque les gens déposent leur candidature, y a-t-il un processus continu dans le cadre duquel les universités parlent à des groupes cibles et les incitent à entrer dans la fonction publique fédérale? Cette voie de recrutement donne-t-elle de bons résultats?

Mme Barrados : J'ai l'impression, étant donné le nombre de candidats, que cela fonctionne bien. En toute franchise, ce qui me préoccupe le plus lorsque nous traitons avec les universités est que, l'an dernier, nous avons embauché environ 1 200 étudiants du postsecondaire dans le cadre du Programme de recrutement postsecondaire, ce qui est un nombre élevé en soi. Toutefois, le nombre d'étudiants qui aimeraient venir travailler dans la fonction publique est encore plus élevé. Nombre d'entre eux sont très brillants et talentueux, mais tous ne peuvent pas obtenir un emploi au gouvernement fédéral.

La proportion de candidatures que nous recevons de membres des minorités visibles est très élevée. Ce sont des candidats de bonne qualité. Nous suscitons ce genre d'intérêt. Je crois savoir, à ce que me disent beaucoup d'établissements d'enseignement postsecondaire, et le sénateur Oliver connaît probablement ces chiffres mieux que moi, qu'on constate une évolution de la population des minorités visibles. Il y a maintenant un groupe de jeunes membres des minorités visibles qui veulent obtenir une éducation supérieure et qui fréquentent des établissements d'enseignement supérieur.

Le sénateur Martin : Vous avez parlé des établissements d'enseignement postsecondaire. Dans quelle mesure l'obligation de parler français constitue-t-elle une entrave réelle pour tous ces groupes cibles, par exemple pour les minorités visibles, dans certaines parties du pays? Pour parvenir au plus haut niveau de la fonction publique, il faut être bilingue. En Colombie-Britannique, être bilingue pourrait signifier parler l'anglais et une autre langue que le français. C'est ainsi que je suis bilingue puisque je parle anglais et coréen. Il faut également savoir que le ministère de l'Éducation de la Colombie-Britannique a approuvé sept langues ancestrales. Est-ce là une des entraves manifestes? Les parents doivent être désireux d'inscrire leurs enfants dans des écoles d'immersion en français à un jeune âge, mais dans mon cas, ma fille a refusé. Lorsque je suis à Ottawa et qu'on me demande si je suis bilingue, je réponds non. Par contre, lorsque je suis en Colombie-Britannique, je réponds oui. Est-ce là une entrave réelle pour certaines personnes? Dans le cas de certaines personnes fort capables et qualifiées de certaines régions du pays, le bilinguisme pourrait constituer une entrave réelle à l'accession à des emplois dans la fonction publique à des postes de niveau intermédiaire à supérieur.

Mme Barrados : Nos lois font que notre pays est bilingue et que les deux langues officielles sont le français et l'anglais. Nos politiques veulent que, dans le respect des exigences prévues par la loi, le service au public soit fourni dans les deux langues et que la supervision des employés se fasse également dans les deux langues. Environ 70 p. 100 des gens qui sont recrutés dans la fonction publique sont unilingues. Il ne fait aucun doute qu'ils souhaitent parvenir à des niveaux de cadres supérieurs et qu'ils s'attendent pour cela à pouvoir apprendre le français.

La fonction publique offre quantité d'occasions de suivre une formation linguistique et d'être exposé à l'autre langue. Ma langue maternelle n'est ni l'anglais ni le français. J'ai eu des cours de français à l'école, comme mes autres collègues de Saskatchewan. Je l'ai vraiment appris dans la fonction publique.

Le sénateur Martin : D'après votre expérience, il y a suffisamment de possibilités d'apprendre le français pour que cette exigence ne constitue pas une entrave. Certaines des personnes les plus compétentes que je connais ont de la difficulté à apprendre une langue. Peu importe l'énergie qu'ils y consacrent, elles ont de la difficulté à apprendre l'anglais comme langue seconde, ou l'autre langue officielle, le français. J'ai énormément de respect pour la dualité linguistique qui caractérise notre pays, mais je fais référence à ce que j'ai vu dans notre système scolaire. J'ai été enseignant dans les écoles publiques. J'ai enseigné le français langue seconde et je ne le parle pas couramment. J'apprends, mais c'est un défi énorme pour l'adulte que je suis. Dans quelle mesure ces exigences linguistiques continuent à être une entrave pour des personnes hautement compétentes, si ce n'est de la maîtrise du français, et qui ne peuvent donc servir leur pays dans la fonction publique? Est-ce la situation actuelle? C'est bien de savoir que 70 p. 100 des gens qui sont recrutés sont unilingues, ce qui nous amène à conclure que ces possibilités sont bien présentes.

Mme Barrados : J'aimerais ajouter deux choses. Nous accordons une dispense aux personnes qui, pour des raisons médicales, ne peuvent apprendre l'autre langue. Ces dispenses sont accordées par la Commission de la fonction publique. C'est un service que nous facturons aux ministères pour couvrir nos coûts.

Comme je l'ai indiqué précédemment, nous avons étudié la situation des promotions en nous demandant si l'exigence du bilinguisme était une entrave importante pour les membres des minorités visibles, et il s'est avéré que ce n'était pas le cas. En réalité, cela nous a permis de constater que les membres des minorités visibles sont promus un peu plus rapidement que les personnes qui n'appartiennent pas à ces minorités visibles.

Le sénateur Oliver : Je veux être sûr d'avoir noté le bon chiffre quand vous parliez de l'absence de preuves du respect des critères de mérite. Je crois que vous avez parlé de 38 p. 100.

Mme Barrados : C'est bien cela.

Le sénateur Oliver : Si vous aviez parlé de 8 p. 100, j'aurais dit que le résultat n'était pas très bon, mais que nous nous en approchions. Par contre, 38 p. 100 est un pourcentage très élevé. J'aimerais savoir si des pratiques discriminatoires contribuent à expliquer les 38 p. 100 de cas dans lesquels le respect des critères du mérite n'a pas été prouvé.

Mme Barrados : C'est l'une des questions que j'ai posées à nos vérificateurs lorsque nous avons examiné les chiffres. Le bon côté des choses est que les résultats s'améliorent en ce qui concerne le respect manifeste des critères du mérite. Nous obtenons de meilleurs résultats qu'auparavant. Je crois que nous étions avant à 56 p. 100, ou à peu près. La situation s'améliore. Dans les cas où le respect des critères du mérite n'a pas été prouvé, l'une des difficultés pour ces vérificateurs est d'approfondir la cause réelle de ce non-respect. Nous savons que nos systèmes ne sont pas très bons et que nous avons eu un taux de roulement élevé. Toutefois, comme je l'ai laissé entendre, ainsi que vous sénateur Oliver, cela pourrait cacher des comportements tout à fait inadaptés. C'est un domaine dans lequel il nous reste encore beaucoup de travail à faire.

Le sénateur Oliver : Vous nous avez expliqué que ces cas sont transmis au service des enquêtes et que vous pouvez imposer l'application de mesures correctrices, et cetera. J'aimerais savoir ce que vous révèlent vos données lorsque vous transmettez à ce service ces 38 p. 100 de cas dans lesquels la démonstration du mérite n'a pas été faite. Quelles ont été les conclusions de ces enquêtes dans les cas d'allégations de discrimination?

Mme Barrados : Elles ne concluent pas à la discrimination. Elles peuvent conclure qu'il y a eu erreur, omission ou comportement inadapté lors de l'évaluation du mérite. Les détails du dossier permettront d'apprendre quelle a été la nature du comportement inadapté.

Le sénateur Oliver : Lorsque vos enquêteurs, dont le mandat s'approche de celui d'un tribunal, sont allés faire leurs vérifications sur le terrain, ils n'ont pas trouvé de cas de discrimination dans ces 38 p. 100 de dossiers non conformes. La discrimination n'a-t-elle joué aucun rôle?

Mme Barrados : Nous trouvons des éléments de preuve montrant une combinaison d'erreurs, d'omissions et de comportements inadaptés.

Le sénateur Oliver : Les comportements inadaptés en question pourraient-ils être des pratiques discriminatoires?

Mme Barrados : C'est possible. Je devrais les passer en revue. Aucun cas ne me vient à l'esprit qui pourrait être classé comme tel. Nous allons vérifier s'il y en a.

La présidente : La dernière fois que vous avez comparu devant nous, vous nous avez parlé des taux de déclin, un sujet que nous n'avons pas beaucoup abordé aujourd'hui. Quels efforts la Commission de la fonction publique et le gouvernement du Canada ont-ils faits pour régler le problème que pose le « déclin » parmi les membres des minorités visibles éliminés entre le moment où ils se présentent à un concours externe et celui où quelqu'un est embauché pour combler le poste?

Mme Barrados : Nous avons deux séries de chiffres. Le premier nous dit que ce taux de déclin est très élevé et il en est ainsi parce que nous faisons nos calculs à partir des candidatures. Nous savons que des groupes de minorités visibles font acte de candidature en plus grand nombre et plus souvent. Nous examinons ensuite les nominations et constatons un taux de déclin de 2 ou 3 p. 100. Nous n'avons pas de chiffres plus récents.

Mme Green : Nous pouvons faire la soustraction entre les taux de candidature et les taux de nomination. En 2010- 2011, le taux de candidature des membres des minorités visites était de 22,8 p. 100, et leur taux de nomination de 18,6 p. 100, ce qui donne un léger déclin de 4,2 p. 100.

La présidente : C'est beaucoup mieux que la dernière fois.

Mme Barrados : Oui.

La présidente : Vous vous êtes engagée à nous communiquer les taux à jour d'avancement au niveau de la direction et de conservation de l'effectif pour les quatre groupes désignés au sein de la fonction publique fédérale. Vous nous avez déjà parlé de l'effet de l'attrition sur le taux de déclin.

Ma dernière question porte sur des statistiques. Je suis très préoccupée que nous en soyons encore à utiliser les données de 2006. Le monde et le Canada ont changé depuis 2006 et cela m'ennuie vraiment. Il se peut que vous ne soyez pas en mesure de répondre à ces questions aujourd'hui, mais de quelles statistiques dispose actuellement la Commission de la fonction publique sur la disponibilité au sein de la population active pour les quatre groupes désignés? Est-ce encore les chiffres de 2006?

Mme Barrados : Oui. Nous dépendons encore des calculs de Statistique Canada et de RHDSC, et nous n'avons rien de plus récent.

La présidente : Les données provenant du dernier recensement vous fourniront-elles des renseignements précis au point de permettre à la fonction publique de préparer de nouvelles statistiques sur la disponibilité au sein de la population active?

Mme Barrados : Elles le devraient, mais cela fait longtemps que nous attendons ce chiffre qui est en retard.

La présidente : Quelle est la durée du retard?

Mme Barrados : Deux ou trois ans.

La présidente : Il n'y a pas d'autres façons de le calculer? vous devez attendre ces statistiques?

Mme Barrados : C'est ce que je crois.

La présidente : Je vous remercie, madame Barrados. Vous avez toujours été très obligeante lorsque nous avons présenté des demandes. Nous avons toujours l'impression que nous travaillons à l'atteinte des mêmes objectifs. Nous espérons que votre mandat sera prolongé pour nous permettre d'organiser une autre réunion avec vous.

Sénateurs, je me suis entretenue plus tôt avec Mme Barrados. Lui demander de répondre à toutes nos questions sur le rapport ne me paraissait pas une bonne solution, c'est pourquoi je lui ai remis une série de questions. Nous espérons être en mesure de l'inviter à nouveau parmi nous pour répondre à nos questions sur le rapport. Je vais vous communiquer les questions que je lui ai remises.

Merci beaucoup, madame Barrados, madame Laurendeau et madame Green, d'être venues nous rencontrer. Nous vous sommes reconnaissants d'être venues avec un préavis si bref.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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