Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne
Fascicule 15 - Témoignages (séance de l'après-midi)
OTTAWA, le lundi 11 juin 2012
Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui, à 14 h 36, pour étudier la question de la cyberintimidation au Canada en ce qui concerne les obligations internationales du Canada en matière des droits de la personne aux termes de l'article 19 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.
Le sénateur Mobina S. B. Jaffer (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, nous allons commencer. Nous nous réunissons depuis 10 heures ce matin, et nous poursuivons notre étude sur la cyberintimidation.
Nous avons devant nous les représentants de deux organisations. Nous avons Jenna Burke, coordonnatrice, Politique nationale de la jeunesse, du Congrès des peuples autochtones. Nous avons aussi Jeremy Dias, directeur et fondateur, de Jer's Vision . Nous sommes heureux de vous accueillir. Nous espérons que le Congrès des peuples autochtones sera capable de répondre à nos questions sur les enfants autochtones et, puisque nous avons la coordonnatrice de la jeunesse, les jeunes, surtout au Canada, qui vivent de la cyberintimidation, et nos questions sur les autres défis liés aux médias sociaux et à l'utilisation sûre d'Internet. Nous avons hâte d'entendre ce que les deux organisations ont à dire.
Jenna Burke, coordonnatrice, Politique nationale de la jeunesse, Congrès des Peuples Autochtones : Bonjour, madame la présidente, et honorables sénateurs. Au nom du Congrès des peuples autochtones, j'ai l'honneur de m'adresser à vous aujourd'hui, en ce lieu situé sur les terres ancestrales des peuples algonquins.
Je suis une femme micmaque de l'Île-du-Prince-Édouard. Je travaille pour le Congrès des peuples autochtones en tant que coordonnatrice de la politique de la jeunesse. La chef Betty Ann Lavallée vous transmet ses salutations, puisqu'elle ne peut être ici aujourd'hui, et m'a demandé de comparaître en son nom. Je suis accompagnée aujourd'hui de notre directeur général.
Depuis 1971, le Congrès des peuples autochtones défend les droits et les intérêts des Indiens inscrits et non inscrits et des Métis qui vivent dans des villes ou dans des collectivités rurales isolées partout au Canada.
Aujourd'hui, j'aimerais parler de la cyberintimidation et de ses effets sur les jeunes Autochtones. J'aimerais tout d'abord vous faire part d'une expérience personnelle que j'ai eue avec la cyberintimidation quand j'avais 15 ans. À l'époque, quelqu'un a piraté mon compte MSN, s'est fait passer pour moi et a répandu des rumeurs malveillantes et cruelles. Je me souviens du sentiment de n'avoir aucun contrôle, d'être incapable de l'arrêter ou même de savoir qui me faisait cela ou pourquoi. J'ai demandé de l'aide à mes parents et, bien qu'ils aient fait preuve de soutien et de compassion, ils étaient aussi impuissants que moi.
J'ai fini par ravoir accès à mon compte et j'ai tenté de réparer les torts qui m'avaient été causés et qui avaient été causés à mes amis et à ma réputation. Avec l'aide de mes parents, j'ai appelé le détachement local de la GRC, mais en fin de compte, il n'y avait rien à faire.
À ce jour, je n'ai aucune idée de qui m'a fait ça ou de pourquoi j'ai été ciblée. J'étais chanceuse d'avoir le soutien de mes parents. L'anonymat dont profitent les cyberintimidateurs aggrave de beaucoup ce genre de harcèlement. Ils n'ont pas à physiquement regarder leurs victimes dans les yeux et constater la peine et la douleur causées par les attaques malveillantes. Ils n'ont pas à les attendre après l'école ou à les trouver au parc. Ils peuvent les suivre chez eux, jusque dans leur chambre à coucher, en utilisant les médias sociaux et la messagerie texte. Ça crée une tout autre dynamique puisque ce n'est plus important si vous êtes grand ou petit quand vous vous cachez derrière un ordinateur ou un téléphone cellulaire.
Quand j'ai reçu l'invitation de venir vous parler aujourd'hui, j'ai consulté les membres de notre Conseil national des jeunes pour obtenir leur perspective de la cyberintimidation. Ce qu'ils m'ont dit ressemblait à la façon dont l'intimidation touche tout autre groupe de jeunes, notamment que cela ébranle la confiance en soi, l'estime de soi et le sentiment de sécurité, nuit au rendement et à l'assiduité scolaires, porte atteinte à la réputation et, ultimement, nuit à la santé en général, et cela peut mener à des pensées suicidaires pour certains.
Quand vous pensez aux effets de la cyberintimidation sur les jeunes, ajoutez à cela une population autochtone qui est déjà à risque, et les incidences sont encore plus dévastatrices.
J'aimerais lire une citation de la Commission royale sur les peuples autochtones, qui s'applique à cette question à mon avis : les jeunes Autochtones
[...] forment la génération d'aujourd'hui, qui paie le prix d'un génocide culturel, du racisme, de la pauvreté, et qui supporte le poids de centaines d'années de politiques gouvernementales colonialistes. Les problèmes qui sévissent dans la plupart des collectivités autochtones sont d'une telle profondeur et d'une telle ampleur que tous les jeunes autochtones du pays semblent avoir connu la même situation. C'est comme si un séisme avait bouleversé leur monde, ouvrant une profonde faille qui les sépare du passé, de leur histoire, de leur culture. Ils ont vu leurs parents et leurs semblables s'y engouffrer, sombrer dans le désespoir, l'apathie et l'autodestruction. Au bord de cet abîme, ils se demandent ce que leur réserve l'avenir.
Le Congrès des peuples autochtones et notre Conseil national des jeunes sont contents que le gouvernement du Canada ait entamé cette conversation nationale sur cette question importante. Vous nous avez demandé de proposer des recommandations. Il est important de souligner que cette question ne peut être abordée à partir de seulement une perspective.
Nos recommandations sont les suivantes : premièrement, il faut établir un comité directeur national sur la cyberintimidation avec des membres de tous les secteurs pertinents, dont les organisations autochtones nationales.
Deuxièmement, il faut élaborer une campagne nationale de communication et de sensibilisation qui cible les jeunes et les parents autochtones. Cela comprendrait des programmes d'éducation et de prévention qui tiennent compte des cultures et des défis autochtones qui sont uniques, mais variés.
Troisièmement, il est essentiel que les parents soient sensibilisés et impliqués. Les parents doivent pouvoir déceler les signes quand leur enfant se fait intimider, déceler les signes avant-coureurs du suicide, et déceler aussi les signes quand leur enfant est un agresseur. En conséquence, nous croyons que le gouvernement doit soutenir le travail des organismes de services sociaux et des écoles puisqu'ils sont le lien direct avec les jeunes Autochtones et la jeunesse en général.
Finalement, le Congrès des peuples autochtones veut être un membre actif de toute initiative nationale fédérale. Ce problème ne va pas disparaître. En fait, nous croyons qu'il va continuer à s'aggraver. Nos pensées accompagnent ceux qui ont fait face ou font face à ce problème seul. Merci.
La présidente : Je tiens à vous féliciter. Vous êtes la première personne qui respecte si bien le temps alloué, et nous vous en sommes reconnaissants. Ça nous donnera l'occasion de poser davantage de questions et je vous en sais gré. Je suis certaine que M. Dias fera comme vous.
Jeremy Dias, directeur et fondateur, Jer's Vision : Je m'appelle Jeremy Dias. Je suis le directeur de Jer's Vision. Notre organisation travaille dans les écoles et les collectivités partout au Canada pour s'attaquer à l'intimidation homophobique et transphobique. Nous travaillons avec environ 80 000 jeunes chaque année et nous sommes très emballés de faire ce que nous faisons. Nous sommes la seule organisation contre l'intimidation dirigée par des jeunes au Canada. Merci de nous avoir invités.
Quand le comité nous a invités, nous avons sondé environ 500 jeunes membres qui avaient participé à nos programmes.
La présidente : Monsieur Dias, je vais vous interrompre, non pas parce qu'il y a un problème, mais parce que je constate que vous utilisez votre iPhone pour votre exposé. Cela ne pose aucun problème, mais puisque le public nous regarde, je tenais à préciser que vous n'êtes pas en train de jouer avec votre iPhone pendant que vous nous parlez, surtout à propos de cette étude.
M. Dias : Notre bureau fonctionne désormais sans papier, ce qui pose un défi pour la plupart d'entre nous.
Nous avons effectué une étude auprès d'environ 500 jeunes, leur demandant quel défi se pose pour eux vis-à-vis la cybertintimidation, et nous avons lu toutes vos notes et écouté les réunions précédentes de votre comité afin d'éviter de répéter ce qui a déjà été dit.
Nous souhaitons reprendre les préoccupations exprimées par les organisations représentant les enseignants qui vous ont parlé par le passé. D'après nous, la cyberintimidation, telle que l'a constaté Mme Burke, pose un problème énorme.
Cela étant dit, un des défis liés à la cyberintimidation que nous voulions souligner serait les dangers réels associés aux sites web pornographiques. Nous avons constaté que de nombreux jeunes, surtout les mineurs, créent et distribuent ce qui serait considéré comme de la pornographie juvénile. L'envoi de sextos et le téléchargement de matériel sur les sites web pornographiques montrant des jeunes en train de commettre des actes sexuels posent un problème énorme. D'après nous, il s'agit d'un problème croissant associé à la cyberintimidation que doit aborder le comité. Nous savons que vous avez eu des réunions à huis clos, donc il est possible que vous en ayez déjà discuté à ce moment-là, mais dans l'intérêt d'effectuer un examen complet, nous voulions nous assurer que vous en étiez conscients.
L'intimidation n'est pas un nouveau phénomène, mais il s'agit tout de même d'un nouveau phénomène culturel. Les jeunes de notre communauté tiennent à souligner, et je vous remercie d'ailleurs d'étudier cette question, le besoin d'une nouvelle forme de législation et d'une nouvelle façon de percevoir ce phénomène culturel. Les deux outils proposés par nos jeunes, et que nous croyons être les plus aptes à donner des résultats, seraient l'examen du Code criminel, surtout en ce qui concerne les lois sur le harcèlement. Nous savons que cela a été proposé par plusieurs organismes et nous l'appuyons fortement.
Nous sommes également d'accord avec plusieurs autres organismes au sujet d'une campagne publique, ainsi qu'un financement public des organismes jeunesse leur permettant de préparer des programmes de sensibilisation et d'éducation à ce sujet.
Même si nous croyons que l'application de la loi constitue un outil, nous croyons fermement que les programmes de prévention seraient l'outil le plus utile. D'après les jeunes, le plus grand défi qu'ils ont à relever, c'est qu'ils ne reçoivent aucune éducation sur l'utilisation de Facebook ou des outils qu'on leur présente. La plupart des jeunes découvrent Facebook de leurs propres initiatives, et leurs parents et enseignants ne leur montrent pas souvent comment tout cela fonctionne. Les fédérations d'enseignants partout au pays ont découragé les enseignants même d'avoir un profil en ligne, réduisant ainsi leurs connaissances du monde en ligne, de sorte que lorsque les défis se posent, ils ne sont pas en mesure de les aborder.
Nous avons désespérément besoin de financement pour les organisations communautaires afin qu'elles se chargent de ce travail d'éducation. Il faut instruire le public au sujet de ces enjeux, et nous sommes d'avis qu'une campagne d'aide publique, sous l'égide du ministère de la Justice, de la Santé ou de la Sécurité publique, réussirait probablement le mieux.
Je vais vous raconter une petite anecdote. Dans le Nord de l'Ontario, d'où je viens, un groupe d'élèves de l'école intermédiaire et de l'école secondaire se sont saoulés, comme nous le faisons souvent la fin de semaine puisqu'il n'y a pas grand-chose à faire dans la région. Comme d'habitude, les gens ont eu des rapports sexuels parce que, comme vous le savez, il n'y a pas grand-chose à faire dans ce coin-là, mais l'an dernier quelque chose de différent s'est produit, en dehors de l'ordinaire. Les jeunes ont sorti leurs téléphones cellulaires et ont commencé à se filmer les uns les autres pendant ces actes sexuels. Après que les vidéos ont été téléchargées sur des sites web pornographiques et qu'un parent a trouvé une vidéo de son enfant sur ces sites web, l'école a été avertie. Depuis, cette école a fermé ses portes et les élèves ont été envoyés dans des écoles situées à trois heures de route. Bon nombre de ces élèves ne peuvent plus se parler. Cela représente un tout nouveau degré d'intimidation. Il ne s'agit plus d'un enfant chez lui en train de pleurer parce que quelqu'un l'a traité d'homosexuel sur son profil Facebook. Ce sont des vies qui sont gâchées.
Nous applaudissons votre travail acharné et votre dévouement, mais il s'agit d'un enjeu si complexe. Les jeunes de cette communauté ont dit que les sites web devraient être responsabilisés — une recommandation qui n'a pas été formulée.
La dernière recommandation que nous avons à vous présenter, surtout à la suite de cette situation, qui se répète dans plusieurs collectivités au pays, serait qu'il nous faudrait un ombudsman gouvernemental quelconque, peut-être une personne rémunérée qui pourrait communiquer avec Facebook ou avec les sites web pornographiques pour surveiller la situation et supprimer ce genre d'information lorsqu'elle se présente, et lorsque c'est si grave.
Ces sites web doivent être responsabilisés. S'il s'agit véritablement de sites web destinés à l'utilisation exclusive des adultes, il leur faudrait développer des politiques ou procédures qui ne permettent qu'aux adultes de les utiliser. C'est une question qu'il faut aborder.
Un des jeunes a proposé une idée mignonne, que nous souhaitions aussi mentionner, soit celle d'appuyer la Commission des droits de la personne. D'après nous, la Commission des droits de la personne pourrait faire beaucoup de travail sur cet enjeu si elle était autorisée à le faire et elle était financée.
C'est à peu près tout. Merci.
La présidente : Nous vous remercions d'avoir respecté les délais. Cela nous permet de vous poser des questions aux deux, et particulièrement à vous, monsieur Dias.
Vous avez mentionné la possibilité d'un ombudsman national. Vous devez sans doute savoir que l'une des recommandations formulées par notre comité depuis plusieurs années concerne la création d'un commissaire à l'enfance. D'après vous, un commissaire à l'enfance remplirait-il ce rôle, en particulier de protéger les jeunes?
M. Dias : Absolument. Si vous regardez les défenseurs des enfants et de la jeunesse dans d'autres provinces, comme en Ontario, ils ont fait du travail incroyable. Ce qui est intéressant, c'est qu'ils arrivent à travailler non seulement sur le plan législatif et politique, mais aussi sur le terrain, en mobilisant les jeunes. Nous avons témoigné des réussites à ce chapitre, surtout du côté des défenseurs de la jeunesse en Ontario et en Colombie-Britannique. Il s'agit certainement d'un modèle de réussite ayant fait ses preuves.
La présidente : Madame Burke, vous n'avez pas mentionné l'ombudsman, mais si je me souviens bien, vous avez parlé d'un organisme consultatif. D'après vous, un commissaire à l'enfance pourrait-il remplir ce rôle consultatif?
Mme Burke : Oui, je trouve que c'est une très bonne idée. Je crois aussi qu'il serait bien de réunir autour de la table des gens et des organismes qui travaillent déjà pour les enfants et défendent leurs intérêts, qu'il s'agisse d'organismes autochtones ou d'organismes de service social. Je pense qu'il faut mettre en marche un processus de mobilisation communautaire.
Le sénateur Ataullahjan : Merci de vos exposés.
Madame Burke, quelle serait la prévalence d'utilisation d'Internet parmi les jeunes Autochtones, et quels sites de médias sociaux sont généralement utilisés? Y a-t-il des formes particulières de cyberintimidation auxquelles doivent faire face les jeunes Autochtones, par exemple, par l'entremise des textos, du courriel et d'autres médias? Comment les tendances diffèrent-elles sur les réserves et hors réserve?
Mme Burke : Je ne puis vous parler que de la situation hors réserve. Je n'ai pas les données sur l'utilisation que font les jeunes Autochtones des médias sociaux, mais je sais qu'elle est élevée. Si un jeune Autochtone déménage à la ville ou quitte la réserve, les médias sociaux lui offrent une façon très abordable de garder le contact avec sa famille et sa collectivité, et la famille et la collectivité sont très importantes dans la culture autochtone.
Lorsque j'ai consulté notre Conseil national des jeunes, les enjeux qu'ils ont discutés avec moi n'étaient pas différents de ceux associés aux jeunes non-Autochtones. Ils utilisent YouTube, les médias sociaux, les messages textos, et tous les autres sites de médias sociaux.
Le sénateur Ataullahjan : Savez-vous s'il y a eu des suicides parmi les jeunes Autochtones qui étaient associés à l'intimidation ou la cyberintimidation?
Mme Burke : Pas personnellement. Je suis au courant de nombreux suicides, mais je ne sais pas s'il s'agissait particulièrement de cyberintimidation. Je ne crois pas que la cyberintimidation en serait la cause, mais elle pourrait être l'une parmi plusieurs causes. Si un jeune se suicide, il y a probablement d'autres facteurs qui entrent en ligne de jeu, mais la cyberintimidation n'aidera certainement pas, et elle a un effet dramatique sur les jeunes.
Le sénateur Ataullahjan : Monsieur Dias, vous avez entendu parler de cet effort pour mobiliser les jeunes afin qu'ils participent à l'élaboration et la mise en œuvre de politiques et de programmes liés à la cyberintimidation. Seriez-vous d'accord avec cela? Pourriez-vous décrire certaines des initiatives visant les jeunes que vous avez appuyées, quels programmes se sont avérés des réussites, et pourquoi?
M. Dias : Le programme que nous avons conçu dont la croissance est la plus rapide serait un atelier intitulé Introduction à Facebook. Il s'agit d'un atelier d'une durée de quatre heures, dans le cadre duquel nous enseignons aux jeunes ce qu'est Facebook, comment il fonctionne et ce qu'il est conçu pour faire. Bon nombre de jeunes ne savent pas que Facebook est en vérité un outil pour leur vendre des produits, et qu'ils sont bombardés par des milliers d'annonces publicitaires pendant une seule heure en ligne, ce qui est intéressant. Bon nombre des jeunes ne s'en rendaient pas compte.
Si vous regardez les autres plateformes de médias sociaux, qui sont aussi comprises dans l'atelier, des plateformes telles que Twitter, Tumblr, Foursquare, et ainsi de suite, vous constaterez une véritable ressemblance entre ces sites web, soit qu'ils sont continuellement en train de vous faire de la publicité et que cela fait partie d'un marché financier axé sur le consommateur, qui est continuellement à la recherche de données sur les jeunes, afin de recueillir des renseignements personnels sur eux et puis d'en profiter financièrement. C'est beaucoup plus compliqué.
En plus de cela, il s'agit d'un outil mal utilisé puisque les jeunes n'en ont pas une bonne connaissance. Nous constatons que lorsque nous éduquons nos jeunes là-dessus, ils apprennent des choses bien simples. Par exemple, si vous tapez sur mon profil Facebook « Hé, Jerry, t'es tellement fifi », je pourrais en fait le prendre comme un compliment puisque je suis homosexuel; et si je vous connais vraiment, vous pourriez être en train de m'appeler « fifibuleux », ce qui serait un autre mot pour « fabuleux ». C'est parce que je vous connais et je vous comprends. Si je ne vous connaissais pas, nous n'aurions pas ce degré de compréhension. Peut-être que vous essayez de communiquer avec moi de cette façon, mais que vous n'y arrivez pas forcément.
En donnant aux jeunes les outils qu'il leur faut pour comprendre même les aspects de base sur la façon de s'exprimer en ligne, vous avez tout à coup dans les mains cette occasion pédagogique de vous comprendre au même niveau. Ce qui est le plus épatant dans cet atelier, c'est le nombre de parents qui se mettent debout en arrière et participent. Ç'a été fantastique. Vous voyez des parents littéralement debout au fond de la salle, ou juste de l'autre côté de la porte, et qui écoute l'utilisation faite de ce moyen d'expression. D'après moi, il s'agit de notre atelier le plus réussi au sujet de ces questions. L'expérience a été formidable et nous souhaitons que cela se poursuive davantage. La seule limite qui s'impose est le financement.
Le sénateur Ataullahjan : C'est intéressant que vous le disiez, parce que si nous avons appris quoi que ce soit de cette étude, le message récurrent a été la participation des parents. Nous nous demandons souvent pourquoi certains parents ne sont pas conscients de l'utilisation acceptable des médias sociaux. Au Royaume-Uni, un tribunal a ordonné à Facebook de remettre les données sur les cyberintimidateurs dans le cas d'une femme à Brighton, alors il se peut que les choses changent bientôt.
M. Dias : Nous avons parlé au directeur de Facebook au Canada avant cette consultation. Au bas de chaque page Web de Facebook, on voit « Communiquez avec nous », « Règlement », et ainsi de suite. Nous lui avons demandé de rajouter un lien qui dit « Cyberintimidation. Qu'est-ce que la cyberintimidation? Comment est-ce que cela fonctionne? Comment peut-on y remédier? Comment peut-on en être conscient? Que peut-on faire? »
On nous a répondu : « Ce n'est pas la responsabilité de Facebook. Facebook n'a pas été conçu pour faire cela. » Nous étions choqués qu'un organisme de jeunes prenne contact avec un cadre supérieur pour demander quelque chose de si minimal, et qu'il réponde qu'il n'est même pas intéressé. Sur le plan législatif, nous avons le pouvoir de dire, « Écoutez, vous utilisez les services de télécommunication canadiens pour faire passer votre message. » Il n'y a aucune raison pour laquelle ça ne devrait pas être ordonné ou réglementé, comme nous faisons pour l'usage du tabac ou l'utilisation d'une ceinture de sécurité. C'est une question de sécurité publique.
Le sénateur Ataullahjan : Je pense que nous avons reçu un appel de la part de Facebook juste avant de venir à la réunion ici.
La présidente : Pour votre gouverne, vous n'êtes pas les seuls dont on ne tient pas compte. Le greffier a beau essayer de les inviter à comparaître, ils ont toujours refusé.
Le sénateur Attaulahjan : Ils nous ont envoyé un mémoire écrit. C'est pourquoi nous sommes arrivés un peu en retard.
La présidente : Ils ont décliné notre invitation. Nous avons fait des efforts, ainsi que le sénateur Attaulahjan, et nous sommes tous dans le même bateau.
M. Dias : Nous étions surpris, en tant qu'organismes de services pour la jeunesse. En principe, nous sommes une des plus grandes bases d'utilisateurs de leurs services. Nous ne verrons pas des efforts faits par les jeunes pour censurer Facebook dans un avenir prévisible. Des nouvelles versions de Facebook, telles que Tumblr et Foursquare, entament un peu ce marché. Il faudra créer un programme d'alphabétisation pour ce genre de choses. Si vous regardez l'usage du tabac, la télévision ou le cinéma, nous élaborons des règlements et nous contrôlons cela. Je pense que c'est la façon la plus efficace. Prenons Disney. Ils vont bientôt se débarrasser des aliments vides. Si ce n'était pas du travail de Michelle Obama sur cette question, ça ne se produirait pas. Les organes législatifs peuvent avoir une incidence; il faut seulement qu'on essaie de travailler ensemble.
Le sénateur Hubley : Merci, et bienvenue. Il est bon d'entendre que vous aussi vous êtes originaire de l'Île-du-Prince- Édouard. Quelle chance pouvons-nous avoir? Merci beaucoup de votre exposé aujourd'hui.
Mmes Craig et Pepler ont dit au comité que beaucoup de programmes anti-intimidation peuvent en fait empirer la situation, et elles ont souligné l'importance de recenser les principes essentiels et les méthodes fondées sur l'expérience pour ce qui est des répercussions de tels programmes.
Madame Burke, de votre perspective et de celle de la communauté autochtone, pensez-vous qu'il existe des questions qu'il faut aborder précisément pour les personnes autochtones?
Mme Burke : Oui. Je crois que si vous voulez lancer un programme de prévention ou anti-intimidation, il faudra d'abord faire un travail sur l'établissement de l'estime de soi, améliorer l'opinion qu'ils ont d'eux-mêmes pour ce qui est d'être une personne autochtone. Si une personne autochtone ne connaît pas sa culture ou son patrimoine ou d'où elle vient, elle peut difficilement se sentir fière. Il y a beaucoup de bonnes choses chez les Autochtones. Nous avons fait beaucoup de chemin et nous avons vécu beaucoup de turbulence, mais nous sommes toujours ici. C'est le message qu'il faut passer. Il faut qu'ils soient fiers d'eux-mêmes. De cette façon, si ils sont victimes de cyberintimidation sous forme de racisme, au moins ils sauront qui ils sont et qu'ils ont le droit d'être respectés. Je pense qu'il faut travailler auprès des jeunes et des enfants pour améliorer leur estime de soi.
Le sénateur Hubley : Puisque vous-même vous avez été victime de cyberintimidation, est-ce que vous avez vu une amélioration dans les ressources qui seraient offertes à la jeunesse autochtone?
Mme Burke : Je pense que quand j'ai commencé à utiliser les médias sociaux, c'était sous forme de MSN. Je pense que ma génération est un peu différente parce que j'ai grandi sans être en contact avec Internet. Je n'avais pas d'Internet pendant la première moitié de ma jeunesse, et je me suis plus ou moins adaptée. Quand j'ai vécu l'expérience de la cyberintimidation, l'Internet, c'était du tout nouveau pour mes parents, et en fait, c'était le cas même pour les ordinateurs.
Nous n'avions aucun autre recours à l'époque. Je n'aurais pas su où chercher; c'était pareil pour mes parents. Actuellement, il y a beaucoup de bonnes organisations qui font du bon travail. Il nous faut une base de données ou bien il faudrait avoir accès aux outils. Il y a beaucoup de choses qui fonctionnent. C'est la première fois que j'entends parler de Jer's Vision. On dirait que c'est un merveilleux programme. J'ai noté l'atelier « Introduction à Facebook » parce que c'est quelque chose que je ne connaissais pas auparavant. Je serais certainement heureuse de travailler de concert avec lui pour faire quelque chose de semblable pour les jeunes Autochtones.
Il existe toutes sortes d'initiatives. Il faudra les mettre en commun afin qu'on ait une ressource en ligne pour ces genres de sujets.
Le sénateur Hubley : Merci. Je me demande si je pourrais poser la même question à M. Dias. Croyez-vous qu'il existe des besoins spéciaux au sein de la communauté gaie qu'il faudrait aborder précisément?
M. Dias : Oui. J'aimerais inverser la question. Il faut parler des questions gaies et lesbiennes dans la société en général; au sein de la communauté des hommes, il faut parler des questions concernant les femmes; il faut discuter des questions autochtones dans les communautés non autochtones. À Montréal, nous devons parler d'antisémitisme à nouveau, puisque cela revient en force. Nous sommes très préoccupés en tant que jeunes de voir un swastika dans les toilettes d'une école à Montréal. C'est effroyable de voir que cela revient. Nous avons remarqué que beaucoup de compétences de vie sont retirées du programme scolaire. Nous nous éloignons de l'idée de former les jeunes sur les façons dont on traite les autres, quelque chose avec lequel mes parents ont grandi, mais ça n'a pas été mon cas.
En tant que personne gaie qui a grandi dans le Nord de l'Ontario, quand quelqu'un me traitait de tapette, mes enseignants me disaient de souffrir en silence parce que c'est le cheminement que les garçons doivent faire. Quand le père de mon meilleur ami est décédé, sa mère lui a dit : « Ne pleure pas; tu es le chef de famille. » Ce sont les genres de préjugés sociaux avec lesquels nous avons grandi.
Ma meilleure amie dans le Nord de l'Ontario a été agressée sexuellement et a fini par se suicider à cause de cette histoire. Quand elle a signalé l'agression à la police, l'agent a répondu « Eh bien, vous savez, vous ne devriez pas porter ce que vous portez. » Ça, c'était au secondaire il n'y a pas si longtemps. C'était sidérant. Il s'agit d'incidents isolés. C'était peut-être un mauvais policier, un mauvais enseignant, peut-être un incident négatif, mais cela fait partie de ce système global dont nous ne discutons pas.
Les dialogues sur les questions controversées ont en fait diminué au Canada. Quand nos parents étaient au secondaire, ils discutaient de questions telles que l'avortement. Les personnes d'un côté et de l'autre de la classe avaient un débat, contestaient les arguments et mettaient la question aux voix et ensuite ils apprenaient à être respectueusement en désaccord. Ma mère m'a dit que quand elle était à l'école, on discutait du droit des homosexuels et du mariage homosexuel. Quand il y avait un débat, le but n'était pas de démontrer qui avait tort ou qui avait raison, mais d'apprendre comment être respectueusement en désaccord avec l'opinion des autres. Ce sont des compétences que nous n'enseignons pas à nos jeunes. Je suis d'accord sur le fait que la recherche fondée sur des preuves doit être effectuée. Il y a tant d'organisations de lutte contre l'intimidation qui se multiplient, en raison de ce nouveau phénomène surtout. Il y a un certain nombre de nouveaux experts qui ajoutent quelques lettres à leurs noms et facturent des montants exorbitants à des écoles et des collectivités pour le travail qu'ils font.
Le plus grand défi pour ce qui est des programmes anti-intimidation, c'est le manque de financement dans notre pays. Il n'y a aucun ministère dans ce pays, que ce soit au niveau municipal, fédéral ou provincial, qui finance ce travail. Des organismes tels que le nôtre, qui sont relativement nouveaux et entièrement menés par les jeunes, ne savent pas trop quoi faire, et nous pouvons faire uniquement ce que nos donateurs nous permettent. Ce n'est pas facile.
Le sénateur Hubley : Vous nous avez parlé d'un incident qui s'est passé dans une école, pendant une nuit de fête et de la cyberintimidation qui en a résulté. La solution me paraissait assez sévère. Qu'est-ce que vous auriez recommandé?
M. Dias : J'aurais recommandé que les enseignants soient au courant des sites web qui existent sur Internet. Un chiffre de la Fédération canadienne des enseignants et enseignantes nous dit que presque 90 p. 100 de l'Internet est de la pornographie. Si c'est le cas, pourquoi est-ce que nous ne sommes pas au courant? Pourquoi est-ce que nous ne sommes pas au courant des sites web consultés par les jeunes, et de leur contenu? S'ils ont accès à ces sites, est-ce qu'on ne devrait pas leur fournir des connaissances sur la pornographie de la même façon qu'on leur apprend que les films de Disney sont mauvais? La Belle et la Bête est l'histoire d'une relation abusive et violente. Il crie après elle et la frappe au milieu du film et elle tombe amoureuse de lui. La Petite Sirène est l'histoire d'une jeune femme qui doit être belle et qui doit se taire pendant tout le film. À l'intérieur de trois jours, il tombe amoureux d'elle, l'embrasse et, là, elle peut commencer à parler à nouveau. Voilà les messages négatifs avec lesquels nos enfants grandissent. Quand ils passent à Jersey Shore et à la pornographie, ils se comportent en rebelles et se conduisent mal, et nous sommes surpris.
Je ne sais pas d'où vient la surprise de notre part en tant que communauté. Il va falloir qu'on soit moins pris au dépourvu et plus proactif. Il faudra contrer les messages auxquels les jeunes font face et leur donner les outils que mes parents m'ont donnés à moi, c'est-à-dire l'analyse critique, le désaccord respectueux et le respect de la personne. Il faut rétablir les valeurs canadiennes.
Le sénateur Hubley : Merci beaucoup.
Le sénateur Boisvenu : Bienvenue au Sénat du Canada. Je vous demanderais de vérifier votre écouteur pour vous assurer que vous allez me comprendre dans ma langue maternelle.
[Français]
Merci de votre témoignage et pour votre occupation professionnelle dans ce domaine. Ce n'est pas évident.
Tout le discours autour des médias sociaux et de l'intimidation me rappelle un peu toutes les discussions qui ont eu lieu, il y a 20 ou 30 ans, sur l'introduction de la violence à la télévision. J'ai l'impression que, quelque part, Internet a remplacé la télévision. Les enfants regardent de moins en moins la télévision et sont de plus en plus sur Internet, sauf que là, ils peuvent être en interrelation avec des inconnus. Et pire encore, cet outil peut effectivement être utilisé pour entrer en communication avec des jeunes et toute sorte de messages peuvent arriver.
Je suis un peu pessimiste parce qu'on n'est jamais sortie du débat de la violence à la télévision. On en a encore beaucoup trop. Cette violence s'est transportée dans les jeux vidéo. Je regarde les jeunes de sept, huit ans qui passent 12, 13, 14, 15 heures par semaine à jouer à la guerre, à mourir et à ressusciter des dizaines de fois. On leur enlève toute réalité de la vie. Les jeunes qui utilisent l'intimidation vivent dans une autre réalité. Une réalité où on s'enferme dans un monde psychologique où on pense avoir de la puissance et du pouvoir sur les autres par l'intimidation.
Il est évident que dans le rapport qu'on aura à émettre un jour, on aura à se situer entre l'éducation et la responsabilité parentale parce qu'un jeune de cinq, six, sept ans qui fait de l'intimidation à l'école, quelque part, il faudra responsabiliser les parents. On ne mettra pas cet enfant en prison. Où devrait-on tirer la ligne entre la responsabilité parentale, l'éducation et la criminalisation?
On a entendu ce matin le témoignage d'une dame victime d'intimidation et il s'agissait de gestes criminels. Lorsqu'on menace la personne de sa vie, de lui voler des biens, il s'agit de gestes criminels. Pour le jeune de cinq, six ans qui commet de l'intimidation auprès de ses camarades, s'agit-il d'un geste criminel ou d'un manque de responsabilité parentale? Où tire-t-on la ligne entre des gestes criminels, donc punissables plus sévèrement par rapport à la responsabilité de l'école et la responsabilité parentale, d'encadrer et de contrôler Internet chez leurs enfants?
[Traduction]
Mme Burke : Ce sont de très bonnes questions, auxquelles je vais répondre.
Le sénateur Boisvenu : Allez-y.
Mme Burke : Je pense que le même outil qui nous a conduits dans cette situation nous permettra d'en sortir. Il faut aller rejoindre les jeunes où ils sont. S'ils utilisent les médias sociaux, eh bien, il faudra les utiliser pour s'attaquer au problème.
Pour ce qui est d'établir la limite, l'intimidation est un comportement acquis. Au tout premier signe d'intimidation dans les écoles, il devrait y avoir un moyen par lequel le jeune accepte la responsabilité de ses actions, peut-être en passant par la justice réparatrice. Il n'est pas productif de mettre un jeune entre les mains du système de justice pénale. Cela a été démontré à maintes reprises qu'on en fait uniquement de meilleurs criminels. Il faut qu'il assume pleinement ses responsabilités, faire face à sa victime, et vraiment comprendre ce qu'il a fait à cette personne et ressentir l'angoisse qu'il a causée.
Pour ce qui est de la loi, je ne suis pas avocate, mais je crois qu'il faut examiner les lois. La cyberintimidation a évolué si rapidement, et je ne crois pas que les lois ont évolué au même rythme. Il faut examiner cette question.
[Français]
M. Dias : C'est une bonne question. Notre organisation est d'accord avec Mme Burke. Nous avons certainement besoin d'un système qui permet d'éduquer plutôt que de punir.
Jer's Vision appuie les victimes mais considère également que les agresseurs et les intimidateurs sont parfois des victimes, soit à la maison, à l'école ou ailleurs. La majorité des agresseurs que j'ai rencontrés sont des jeunes issus de milieux pauvres, qui ont des difficultés, qui sont gais eux-mêmes et qui ne sont pas reconnus en tant que tels par leurs parents. Alors comment moi, en tant que gai, renié par mes parents, puis-je changer la donne? En devenant agresseur, j'attaque les gais de l'école et j'arrête d'être gai, et ainsi je ne suis plus la victime.
On doit certainement regarder la complexité du problème et l'étudier d'un oeil critique. Il n'y a pas de solutions simples. On peut comparer cela à la violence faite aux femmes. Ce n'est pas simple non plus. Cela a pris beaucoup d'années avant qu'il y ait des changements sur ce plan. Par exemple, quand mon père était jeune, à l'école, on giflait les filles au visage. Maintenant, ce serait tout à fait inacceptable de le faire, mais la violence envers les prostituées, est-ce correct ou non? Contre les filles autochtones, est-ce correct? Non, peut-être ou des fois? Il y a certainement des problèmes, et on doit prendre le temps de les étudier.
Il y a une multitude d'éléments à considérer, de couches, et cela varie d'un endroit à l'autre au Canada. Dans le Nord, il n'y a pas de travail, à Toronto, une grande diversité culturelle, en Alberta, beaucoup d'argent mais l'homophobie et le machisme sont présents. Tout cela exacerbe les difficultés. Il faut être souple quand on apporte des changements.
Une policière m'a dit quelque chose de vraiment fantastique, à savoir que le texto, s'il est mal employé, peut servir à faire de la pornographie infantile. Lorsqu'elle informe les jeunes sur les conséquences parfois néfastes de l'utilisation des textos, ils changent leur comportement immédiatement, parce qu'ils voient les problèmes qu'ils pourraient rencontrer vers 13, 14 ou 15 ans. La solution? Ce n'est pas seulement la loi mais aussi l'éducation.
Il faut trouver comment utiliser tous ces outils ensemble.
Le sénateur Boisvenu : Madame Burke, vous provenez d'une communauté autochtone pour qui la famille est très importante. Ce sont des milieux un peu plus fermés, particulièrement sur les réserves.
Je vous pose la question bien égoïstement pour satisfaire ma curiosité et parfaire mon éducation : comment se manifeste l'intimidation dans une réserve autochtone et comment en gérez-vous les conséquences?
[Traduction]
Mme Burke : Je viens d'une communauté autochtone hors réserve de l'Île-du-Prince-Édouard. Je fais partie du Congrès des peuples autochtones de l'Île-du-Prince-Édouard. Cette île est très petite et deux réserves s'y trouvent. Les deux communautés sont très proches et j'ai des membres de ma famille qui habitent de part et d'autre. Les liens sont très étroits entre ces deux communautés.
Il y a beaucoup d'intimidation, surtout de l'intimidation et de la violence latérale. Si vous ne correspondez pas au stéréotype typique autochtone, par exemple si votre peau n'est pas assez foncée ou trop pâle, vous serez l'une des nombreuses victimes de l'intimidation. Cette question est l'une des priorités de notre Conseil national des jeunes. Ce problème est présent partout au pays, car on ne se sent pas assez Autochtone lorsqu'on a grandi en zone urbaine. Notre Conseil national des jeunes s'attaque à cette question prioritaire dans la stratégie nationale de la jeunesse.
Dans une plus petite communauté, je ne sais pas comment les choses se déroulent. Je n'ai pas vécu dans ce type de milieu, et donc je ne peux vous expliquer comment on réagit au problème. Il me semble que c'est tout simplement accepté.
Le sénateur White : On a répondu à ma question, merci beaucoup. Je voulais savoir si l'on envisageait le tribunal pénal comme étant une solution au problème. Les deux témoins ont répondu à la question. Je vous en remercie.
Le sénateur Zimmer : Dernièrement, j'ai vu beaucoup de jeunes qui se promènent dans les rues avec leur BlackBerrys ou qui ont des écouteurs dans les oreilles, et cela m'inquiète. Ils n'arrivent pas à écrire ou à s'exprimer oralement de façon adéquate. Ils se fient trop à ce type d'appareils électroniques. Par conséquent, lorsque j'entends des gens comme vous qui font des analyses intelligentes et brillantes, cela me redonne espoir. Je vous remercie de vos excellentes déclarations.
Monsieur Dias, je crois que vous nous avez amené jusqu'à l'autre bout du spectre. Il s'agit de voir les choses sous un autre angle. Oui, nous sommes confrontés à tous ces problèmes, mais nous oublions ceux qui ont créé ces outils, les Zuckerbergs de ce monde qui empochent 100 milliards de dollars en 10 ans? Il me semble qu'ils ne se soucient pas de ce qui se passe vraiment, de la façon dont on utilise ou abuse de leurs produits. Car abus, il y a. Beaucoup de jeunes ne comprennent pas les problèmes sous-jacents. Beaucoup de gens sont victimes d'intimidation et ne comprennent pas ce qui se passe. Vous avez absolument raison. Quelqu'un doit être tenu responsable. Des règles sont en place lorsqu'il s'agit de régir le tabac, l'alcool, et cetera. Or, dans cet espace, il n'y a aucune règle. Je crois que vous avez absolument raison.
J'aimerais savoir ce que vous proposeriez que notre comité fasse pour demander des comptes?
M. Dias : Avec tout le respect que je vous dois, je vous dirais que la solution passe par la taxation. Je soumets respectueusement que la taxation a été le meilleur moyen d'imposer une réglementation et la meilleure façon d'établir un équilibre en ce qui a trait aux entreprises qui brassent des affaires au Canada. Si le tabac est une mauvaise chose, nous n'avons qu'à taxer les fabricants de produits de tabac jusqu'à la moelle. Si cette société refuse de nous obéir, on n'a qu'à prendre l'argent perçu grâce aux taxes et à mettre sur pied des campagnes qui vont à l'encontre de leurs produits. Il en va de même du secteur automobile et des produits de l'alcool. Voilà comment le pays fonctionne. La taxation ne devrait pas faire peur aux Canadiens. Le principe est simple : vous prenez mon argent pour payer pour les routes, les écoles et les immeubles. Nous investissons dans un service. Je ne sais pas pourquoi les Canadiens sont devenus si effrayés à l'idée de payer des taxes.
Je ne veux pas ajouter une note trop personnelle, mais je tiens à vous dire que ma mère a appris l'année dernière qu'elle souffre du cancer du sein. Le ministère de la Santé de l'Ontario refuse de payer pour le médicament plus coûteux. Nous avons donc payé ce médicament de notre propre poche. Cela pose problème lorsque les Canadiens doivent faire un choix. Nous avons été assez chanceux, car nous pouvions nous permettre d'acheter ce meilleur médicament, mais ce ne sont pas tous les Canadiens qui ont cette chance. Nous devons réorienter le dialogue à cet égard.
Si l'on ne peut contrôler leurs activités ni adopter des lois qui changent la façon dont leurs entreprises sont dirigées, et en réalité nous ne pouvons pas le faire, alors nous devons prendre des mesures fiscales et taxer ces activités. Nous ne devrions pas avoir peur d'agir de la sorte.
Le sénateur Zimmer : C'est une bonne réponse. Il s'agirait de les frapper dans le portefeuille, et d'ailleurs, d'autres l'ont fait. Au sujet de votre mère, je prierai pour elle et pour que tout aille pour le mieux, car le sénateur White et moi-même avons également souffert du cancer.
M. Dias : Merci.
Le sénateur Meredith : Je vous remercie tous deux d'être venus vous faire entendre aujourd'hui. Madame Burke, vous avez parlé d'une stratégie nationale qui viserait à éduquer le public et à accroître la sensibilisation. D'après vous, comment s'effectuerait la mise en œuvre au sein du conseil national que vous représentez, et plus précisément auprès des peuples autochtones? Je siège également au Comité des peuples autochtones, et les questions se rattachant aux Autochtones me tiennent beaucoup à cœur. Rappelons-nous les suicides qui ont eu lieu et le fait qu'il y a eu presque un manque d'attention porté à bien des questions se rattachant aux jeunes Autochtones, notamment en matière d'emploi, d'éducation et de santé. Nous travaillons à s'attaquer à ces questions.
D'après vous, comment cette stratégie nationale devrait-elle être mise en œuvre pour vraiment s'attaquer au problème de l'intimidation et de la cyberintimidation partout au pays? J'invite tous les témoins à répondre.
Mme Burke : Il faut que ça vienne de la base. Il faut que l'intervention parte de la base. Il faut également qu'il y ait de véritables consultations. Je sais que l'éducation est de ressort provincial, mais je crois que nous devrions collaborer étroitement avec les ministères de l'Éducation provinciaux.
Il faut que la stratégie soit mise en œuvre dans les écoles. Si possible, le programme pourrait changer en fonction des besoins précis du groupe ciblé. Cette approche serait importante à mon avis. Il faudrait mobiliser les gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi que les organismes sociaux.
Il faut que la mobilisation soit plus forte pour recenser les problèmes précis auxquels sont confrontés les Autochtones hors réserve. Le conseil serait certainement d'accord pour travailler dans le cadre de n'importe quel type de campagne nationale ou de stratégie de communication ou de sensibilisation. De plus, notre Conseil national des jeunes voudrait certainement prendre part à cette démarche.
M. Dias : Mon message serait le même que celui de Mme Burke. La réussite de cette entreprise, qu'elle qu'en soit la forme — peut-être un conseil des jeunes — reposerait sur le fait qu'on ne s'attaque pas simplement à la cyberintimidation, mais aux causes sous-jacentes à l'intimidation. Il faudrait également circonscrire les principaux problèmes que l'on retrouve au Canada : l'homophobie, la transphobie, les taux élevés de violence contre les femmes, et cetera. Je crois que nous devons nous montrer transparents et voir ces problèmes tels qu'ils sont.
Il serait utile de déployer un effort global et qu'un comité des jeunes soit composé de membres d'un peu partout au pays. Ce comité pourrait concevoir des stratégies jeunesse et pourrait être responsable du financement d'un portefeuille qui appuierait les initiatives locales de lutte contre l'intimidation qui seront axées sur les jeunes. Je crois que ce serait la solution la plus efficace. De cette façon, on n'aurait pas à payer de fonctionnaires, car ils ont droit à des pensions dorées qui coûtent cher. Bon, c'était une plaisanterie.
Mme Burke : J'ajouterais qu'il faut joindre le geste à la parole, et que la démarche doit être réalisée rapidement et dans une période définie. J'estime que les grandes discussions ne font que nuire aux enfants autochtones à long terme. S'engager c'est une bonne chose, mais il est également important d'agir, parce que ce problème prend rapidement de l'ampleur et il est ici pour rester. Je suis d'accord avec votre proposition selon laquelle les ressources devraient provenir du gouvernement fédéral, de sorte que le travail puisse être réalisé immédiatement.
Le sénateur Meredith : J'aimerais que vous m'expliquiez quels sont les mécanismes en place pour accorder du soutien et pour s'en sortir. Nous avons entendu des victimes ainsi que des agresseurs qui se sont adonnés à l'intimidation. Pouvez-vous m'expliquer quels sont les mécanismes en place qui permettent de composer avec cette réalité et comment nous pourrions les intégrer dans les recommandations de notre rapport. Vous avez tous deux été victimes d'intimidation. Pouvez-vous nous dire comment nous pourrions aider les autres, pour qu'ils puissent surmonter cette situation traumatisante? Parfois, ils sont assaillis parce qu'ils ne peuvent se détourner de cette technologie. J'aimerais savoir quels ont été vos mécanismes de défense.
Mme Burke : Dans mon cas, j'ai eu de la chance, car j'étais bien entourée par une famille solide. Même si la technologie, ce n'est pas leur fort, ils ont été en mesure de sympathiser avec moi et de m'accompagner dans mon cheminement.
Oui, il faut éduquer les jeunes, mais s'ils sont assaillis par une avalanche de messages textes et qu'ils passent tout leur temps sur Facebook et Twitter, même l'estime de soi la plus forte ne saura y résister. En fin de compte, les coups porteront et il y aura des conséquences.
Il faut collaborer étroitement avec les parents pour les sensibiliser, de sorte qu'ils puissent reconnaître les signes avant-coureurs, intervenir et appuyer leur enfant. Les enseignants doivent également être sensibilisés, parce que souvent, ce sont eux qui constatent qu'un jeune ou qu'un groupe de jeunes sont victimes d'intimidation.
Nous devons créer un réseau de soutien dans l'entourage de ces jeunes pour qu'ils n'aient pas à affronter ce problème tout seul.
M. Dias : Ces organisations reçoivent du financement annuel ou mensuel. Nous devons nous détourner des subventions axées sur des projets précis, tant au niveau fédéral que provincial. Nous devons envisager des subventions à long terme sur cinq ou dix ans pour investir dans une solution et donc financer des causes.
J'ai eu le privilège de visiter les installations de Jeunesse, J'écoute il y a quelques années et j'ai été atterré de découvrir qu'ils ne recevaient presque pas de financement du gouvernement fédéral. Ce service national est utilisé par des milliers de jeunes, et pourtant il ne reçoit pas d'argent. Que le jeune se trouve en milieu rural ou urbain, qu'il habite un territoire ou une province, c'est la ligne d'écoute qui est annoncée à l'échelle du pays. Pourtant, aucun soutien n'est accordé à ce service? Lorsque Bell Canada s'est retiré à titre de commanditaire, Jeunesse, J'écoute a presque fermé ses portes. C'est honteux. Nous devons investir dans les services aux Canadiens et effectuer un investissement réel et à long terme.
Nous devons également faire la promotion de la prévention. Notre intervention ne doit pas simplement porter sur l'appui aux victimes. Nos investissements doivent également servir à empêcher que les situations d'intimidation aient lieu dès le départ.
Le sénateur Meredith : Vous avez parlé de la participation des parents. Je sais que certains parents interviennent, alors que d'autres ne le font pas. Comment pourrions-nous faire en sorte que davantage de parents s'intéressent à la situation vécue par leurs enfants? Ce sont les parents qui leur achètent ces technologies, mais pourtant ils ne sont pas présents lorsque la technologie les blesse et les pousse à bout, à un point tel qu'ils se suicident. Comment pouvons-nous rallier davantage de parents à cette cause pour que les jeunes puissent bénéficier d'un réseau de soutien solide?
M. Dias : Nous appuyons les parents. Nous essayons d'établir un programme national de garderie pour que les parents puissent passer davantage de temps avec leurs enfants et qu'ils n'aient pas à occuper deux à trois emplois rien que pour payer l'ordinateur familial. Ils doivent continuellement faire le choix difficile entre l'éducation des enfants et le travail.
Nous devons donner aux parents l'occasion d'être à la maison et de passer du temps en famille pour appuyer leurs proches d'une façon qui n'avait pas été envisagée auparavant. Nous devons revoir la société canadienne que nous nous sommes donnée et étudier les possibilités d'investissement dans des initiatives et programmes qui appuient les familles. Cette démarche n'a pas été faite. Pourtant, elle fait partie d'un problème plus complexe et difficile à gérer qui démontre bien le manque d'éducation et de soutien apportés aux familles canadiennes.
L'une des familles que j'ai connues dont l'un des enfants s'est suicidé fait partie de ce type de cellules où les deux parents travaillent et ont de la difficulté à joindre les deux bouts. Ils ont perdu leur enfant pendant qu'ils étaient occupés ailleurs. Pourquoi? Ils essayaient de payer le loyer et les factures d'électricité. C'est la simple réalité. Les parents ne peuvent pas surveiller en permanence leurs enfants.
Mes parents n'étaient pas à la maison lorsque j'ai été victime d'intimidation et étaient au travail lorsque je rentrais de l'école en pleurant.
Mme Burke : Je crois que beaucoup de parents veulent intervenir, mais ils ne disposent peut-être pas des outils nécessaires. Beaucoup d'adultes apprennent aujourd'hui à utiliser Internet et ne connaissent pas aussi bien cette technologie que leurs enfants. Nous devons être en mesure de leur transmettre des outils ou de collaborer avec les associations de parents-maîtres pour mettre au point des ressources éducatives destinées précisément aux parents. Parallèlement, cela permet d'entamer un dialogue d'une certaine façon dans les cas où le jeune enseigne aux parents comment utiliser ce type d'outil.
Il faut d'abord parler du problème pour pouvoir le régler. Si un enfant enseigne à son parent comment utiliser un média social et qu'un chapitre porte sur la cyberintimidation, cela permet au moins de lancer le dialogue qui mènera à un plus grand engagement.
Le sénateur White : Cela fait quelques jours que j'écoute les témoins, et j'essaie de bien comprendre comment nous pouvons lutter contre un phénomène si grand. Les parents peuvent contrôler ce que leurs enfants écoutent à la télé à la maison en changeant un code dans le téléviseur. Ensuite, 10 minutes plus tard, ils quittent la maison et, en quelques secondes, ils regardent du matériel pornographique sur leur iPhone.
Ceux qui offrent ce type de service devraient tout de même assumer une certaine responsabilité. C'est ce que nous ferions si notre câblodistributeur local donnait accès à du matériel pornographique sans que le parent ne puisse en limiter l'accès.
J'imagine qu'on s'attend à ce que je pose une question durant mon intervention. Alors, d'après vous, comment devrions-nous nous y prendre? Je ne crois pas que bon nombre de jeunes qui ont ce comportement sont à blâmer. Beaucoup d'entre eux n'ont rien connu d'autre. Ils ont grandi avec la technologie. Je ne crois pas que personne ici n'ait une solution pour les arrêter. J'y réfléchis en ce moment même.
Mme Burke : J'y réfléchis également, parce que si une photo est affichée sur Internet, elle ne disparaîtra jamais. Je ne crois pas qu'il soit possible de la retirer. Dès qu'une vidéo ou une photo est affichée, le mal est fait. Ce phénomène est unique à cette génération. Quand on commet une erreur de ce type dans sa jeunesse, il n'y a pas moyen de la réparer. Vous en ressentirez les effets pendant le restant de votre vie.
Ce phénomène ne touche pas seulement les jeunes et les enfants, mais aussi les adultes, ou même quiconque assis à cette table aujourd'hui, et quel que soit l'âge. Quand on met en ligne du contenu embarrassant, on ne peut plus le retirer. Je ne sais pas s'il existe une façon de supprimer du matériel sur Internet. Je ne suis pas une spécialiste du domaine, mais je crois qu'il serait utile de se pencher sur la question. Ne pourrait-on pas bloquer une image ou une vidéo ou les supprimer après les avoir affichées? Peut-être devrions-nous collaborer plus étroitement avec les sites de médias sociaux et les programmeurs de sites web pour arriver à ajouter ces fonctions.
M. Dias : J'abonderais dans un autre sens. Je dirais : pourquoi ne sensibilisons-nous pas nos enfants à ce qu'est la pornographie? Pourquoi ne nous leur donnons pas les outils et les ressources pour qu'ils puissent choisir de ne pas regarder de la pornographie? Pourquoi ne nous les sensibilisons pas au sujet de la violence? C'est vraiment très curieux. Un de nos ateliers portait sur un jeu vidéo intitulé « Grand Theft Auto ». Il s'agit d'un jeu vidéo violent, dans lequel les enfants conduisent des voitures et foncent sur des mamans avec leurs poussettes, agressent sexuellement des prostitués et volent leur argent. On a parlé avec les jeunes et on leur a demandé pourquoi ils jouaient à un tel jeu. Les enfants ont répondu : « Parce que c'est amusant ». L'on a ensuite parlé de comment une femme se sentait lorsqu'on la violentait et de comment une mère se sentait lorsqu'elle perdait son fils. Tout d'un coup, l'on avait démystifié le jeu vidéo. L'expérience devenait différente et revêtait un sens différent. Lorsqu'on parle des films de Disney et qu'on explique qu'Ariel n'est qu'une jolie fille qui a besoin d'utiliser sa beauté pour séduire un homme, l'on s'aperçoit que, tout d'un coup, le film n'est plus magique. Pourquoi ne pouvons-nous pas tout simplement avoir un dialogue sain au sujet de ces choses?
Je ne suis pas convaincu que la censure soit la seule solution. Il faudrait peut-être créer des règlements ou encore s'assurer que les fournisseurs de services qui produisent de tels matériaux sont réglementés. En même temps, il faut savoir que la puce anti-violence n'a jamais fonctionné sur une télévision.
Le sénateur White : J'aimerais vous poser une question de suivi. Je suis d'accord avec ce que vous avez dit au sujet de la pornographie. En revanche, comme l'a dit Mme Burke, lorsqu'il s'agit d'un adolescent de 15 ans qui a commis une erreur et que cela restera à tout jamais dans le cyberespace — en effet le « .ca » ou quiconque le contrôle, car cela varie d'un pays à un autre : il s'agit de « .com » aux États-Unis et de « .co.uk » au Royaume-Uni — il faut savoir qu'ils ne sont pas obligés d'enlever un matériel qui n'est pas seulement blessant, mais qui peut aussi même mettre en péril la vie d'une personne pour le restant de ses jours. Nous savons qu'il y a des gens qui se suicident ou qui se trouvent dans un état de détresse mentale extrême suite à ces événements. Je comprends pourquoi vous voulez censurer ces choses et je pense qu'il faudrait débattre de cela à un autre moment. En revanche, quand il s'agit de protéger les jeunes, je ne suis pas convaincu que nous n'ayons pas d'obligation dans le domaine et qu'il ne faudrait pas obliger les autres à respecter l'obligation en question.
M. Dias : Je suis d'accord avec vous. Comme je l'ai dit au sénateur Zimmer, il faut élaborer des initiatives politiques pour ces sociétés afin de régir ce qu'elles font et comment elles agissent. Un défenseur des droits, comme l'a dit la présidente, pourrait jouer le rôle de défenseur des jeunes. Cette personne-là pourrait endosser ce rôle.
Vous avez raison. Nous devrions trouver une façon de détruire certaines photos. Par exemple, il n'y a personne qui voudrait revoir la photo de M. Harper déguisé en cowboy. Non mais soyons sérieux. Il faut trouver une façon de protéger les jeunes et leur donner la possibilité d'effacer sur Internet certaines données. Il faut avoir sur le terrain une personne chargée des politiques et qui dispose d'une telle autorité. C'est cette personne qui s'en occuperait.
La présidente : Votre organisation, Jer's Vision Canada, est une initiative qui promeut la diversité des jeunes et lutte contre l'intimidation, la discrimination, l'homophobie et la transphobie.
J'aimerais vous poser une question à tous les deux. Nous arrivons à la fin de notre étude et nous avons entendu à quel point la situation est difficile pour la communauté GLBT. C'est difficile de poser des questions aux jeunes qui ne sont pas appuyés ou qui n'ont pas une famille ou une collectivité qui les soutient. Comment est-ce que votre organisation arrive à les rejoindre? Comment les aidez-vous à composer avec des messages haineux, par exemple?
M. Dias : Une bonne partie de notre travail vise à sensibiliser les hétérosexuels. C'est là que nous avons constaté le plus de changement. Je viens de revenir d'une région rurale à Terre-Neuve où, pour la toute première fois, une collectivité de gens ont parlé, en public, de l'homosexualité. C'était la toute première fois que certaines personnes avaient vu en personne le drapeau arc-en-ciel ou avaient entendu parler de la fierté gaie. C'était la première fois qu'ils ont appris qu'au Canada, il y a 42 ans, il était illégal d'être homosexuel. Des faits fondamentaux de l'histoire du Canada, faits qui devraient être connus de tous, étaient tout simplement inconnus de toute cette collectivité.
Cela ne se passe pas seulement dans les régions rurales de Terre-Neuve. Ça se produit parfois au centre-ville d'Ottawa, lorsque le journaliste de l'Ottawa Citizen vous appelle et vous pose des questions ridicules. Nous essayons de faire la lumière sur l'histoire du Canada et sur la réalité internationale avec laquelle nous composons. Il faut savoir que certains athlètes canadiens ne se rendront pas aux Olympiques de 2014 qui se tiendront à Sochi parce que, à ce moment-là, il sera illégal de parler d'homosexualité en public partout en Russie.
Nous sommes en train de mettre à jour toutes ces questions. C'est incroyable de voir à quel point les hétérosexuels sont alors remplis d'empathie. Tout d'un coup, quand vous dites « c'est tellement gai » et « tu es tellement un fif », cela prend tout un autre sens lorsque l'équipe de hockey féminine du Canada ne va plus jouer à cet endroit.
Ça été vraiment incroyable. Nous avons eu la chance d'avoir ce genre d'entretiens avec les gens. Notre organisation travaille sur le terrain. M. White le sait. Il nous a aidés à former un bon nombre de policiers à Ottawa et à les sensibiliser à nos enjeux. C'était formidable, parce que maintenant les agents de police agissent autrement et font preuve de plus de compassion.
La présidente : Vous avez parlé tout à l'heure de l'antisémitisme à Montréal. Cette situation n'est pas acceptable. Est-ce que vous pensez que la haine à l'endroit de certaines communautés augmente au Canada?
M. Dias : Nous avons vu une augmentation des crimes haineux commis contre la communauté GLBTQ. La communauté juive dit voir également plus de crimes haineux commis à leur endroit. Statistique Canada a indiqué, l'année dernière, que la violence à l'endroit des femmes augmentait également.
Il s'agit d'un problème qui s'aggrave. Mais l'on parle de moins en moins de tout cela. Nous voyons que les gens sont sensibilisés à ces questions. Une étude effectuée à New York indique que 90 p. 100 de la pornographie qui se trouvait sur Internet en Amérique du Nord représentait de la violence à l'endroit des femmes. Si des enfants reçoivent cinq heures d'éducation sexuelle à l'école au cours de toute leur vie et regardent ensuite de la pornographie, cela ne pourra pas contrecarrer les effets de la pornographie. Au cours de ces cinq heures, la pornographie n'est pas mentionnée, expliquée ou mise en contexte. Comment est-ce qu'on peut s'attendre alors à ce qu'une personne de 18 ans comprenne la sexualité si ses parents ne veulent pas lui en parler et que ses professeurs ne le lui expliquent pas? Si l'on voit pendant des heures et des heures des choses violentes sur Internet, alors les hommes et les femmes pensent que c'est ça la sexualité.
Ces dialogues sont difficiles, mais ils ont d'énormes conséquences. Notre pays s'est transformé en un pays de censure et de mutisme. Nous avons fait des films qui sont classés comme étant pornographiques ou encore qui sont réservés aux adultes. Au lieu de parler à nos enfants de l'avortement, du sexe et des homosexuels, nous leur avons dit qu'il s'agissait de choses qui n'étaient pas appropriées. On ne peut pas en parler jusqu'en secondaire IV, V ou jusqu'au Cégep. Et à ce moment-là, on ne fait que toucher la pointe de l'iceberg en disant « ne le traite pas de fif ». Mais on n'explique pas le mot « fif » et comment ce mot est arrivé au Canada, étant donné que, à une certaine époque, c'était illégal d'être homosexuel dans ce pays.
La présidente : Madame Burke, je suis certaine que les jeunes Autochtones font face aux mêmes genres de messages haineux. Pouvez-vous nous dire comment votre organisation compose avec cela?
Mme Burke : Nous avons fait une stratégie nationale sur les jeunes l'année dernière. Nous y avons notamment examiné l'intimidation et le racisme. Nous aimerions appuyer toute campagne fédérale nationale qui sera proposée par ce comité. Je suis tout à fait d'accord avec M. Dias. Nous avons besoin de défenseurs des droits. Nous devons sensibiliser les gens. Nous ne pouvons pas avoir peur d'entamer ce dialogue. Nous avons un bon réseau d'affiliés dans les provinces. Nous pourrons donc partager tous ces renseignements avec eux et ensuite faire des campagnes de sensibilisation dans les provinces auprès des jeunes Autochtones et de leurs parents.
La présidente : Merci. Vous nous avez appris beaucoup de choses. Nous avons trouvé cette séance fort utile. Si vous souhaitez rajouter quelque chose veuillez s'il vous plaît contacter le greffier. Vous nous avez donné amplement matière à réflexion et bon nombre d'outils. Merci beaucoup.
Honorables sénateurs, nous allons maintenant entendre un panel qui comparaîtra via vidéoconférence. Du ministère de l'Éducation de la Nouvelle-Écosse, comparaîtra Don Glover, directeur, Division des services aux élèves, direction des écoles publiques. Nous entendrons également du ministère Mme Rola AbiHanna, conseillère en orientation, Division des services aux élèves. Nous vous prions de nous excuser de vous avoir fait attendre, mais nous allons tenter de rattraper le temps perdu.
Si j'ai bien compris, vous avez des déclarations préliminaires. Qui souhaite commencer?
Rola AbiHanna, conseillère en orientation, Division des services aux élèves, ministère de l'éducation de la Nouvelle- Écosse : Je vais commencer.
J'espère que vous avez reçu l'exposé en format PowerPoint que nous vous avions envoyé. Je m'y rapporterai. J'aimerais vous fournir un bref historique de ce qui se passe en Nouvelle-Écosse depuis l'année dernière.
Au printemps 2011, plusieurs jeunes sont morts de manière tragique en Nouvelle-Écosse. Des problèmes de santé mentale ont contribué à la mort de tous les jeunes en question, mais l'intimidation semble également parfois avoir été à l'origine de ces événements. Suite à des préoccupations croissantes suscitées par l'intimidation, en avril 2 011, le ministre a décidé de mettre sur pied une commission d'étude chargée de se pencher sur ce problème.
La commission d'étude avait pour mandat de formuler des recommandations pratiques à court et à long terme ayant pour but d'éliminer l'intimidation et la cyberintimidation. La commission d'étude était composée de moi-même et du professeur Wayne MacKay, qui présidait la commission. Vous avez déjà entendu à plusieurs reprises le professeur MacKay. La commission était également composée d'une représentante des jeunes, Breanna Fitzgerald. Il y avait une représentante des parents, Wendy MacGregor et un secrétariat de la jeunesse auprès du ministre, Mat Whynott.
La commission d'étude était dotée d'un groupe de travail qui appuyait son travail. Je présidais ce groupe de travail et il était composé de bons nombres de nos partenaires dans la collectivité. Il comprenait des gens qui provenaient d'autres ministères, des groupes et organisations d'appui aux jeunes, des organisations communautaires, des organisations de parents, des éducateurs, des syndicats, des services de police, et cetera. J'ai inclus une liste détaillée dans mon exposé. Le groupe de travail était important et a contribué de manière importante au travail que nous avons fait au cours des huit mois du mandat.
La commission d'étude mettait notamment l'accent sur les défis qui surviennent de l'intimidation et de la cyberintimidation. Nous voulions entendre ce que le public avait à nous dire. Cela était fort important pour nous. Nous avons créé beaucoup d'occasions pour permettre aux jeunes de participer. Nous avons eu des groupes de discussion avec les jeunes et des sondages en ligne pour le public, les membres de la collectivité, les éducateurs, les parents et les étudiants. Plusieurs de nos réunions étaient ouvertes au public afin qu'il puisse venir et entendre, en même temps que nous, ce que les spécialistes nous racontent.
Nous avons examiné les programmes, les initiatives et les ressources actuellement utilisés ainsi que l'efficacité des politiques et pratiques. Cet aspect est très primordial pour nous. Nous voulions définir les pratiques exemplaires et les approches fondées sur des faits. Nous ne voulions pas procéder à l'aveuglette sans avoir vraiment examiné ce qui était efficace et pouvait changer le problème.
Nous avons examiné les recherches actuelles. Malheureusement, il n'y a pas beaucoup de recherches qui proviennent de la Nouvelle-Écosse ni ailleurs au Canada ou dans le monde. Il est difficile de faire de la recherche sur ce sujet. Bon nombre des faits ne sont pas rapportés. Ainsi, par exemple, si l'on songe aux incidents, la définition qu'on en fait peut varier. Cela mène à des statistiques divergentes quant à la présence et à l'ampleur de l'intimidation. Nous avons constaté plusieurs choses.
Nous avons également souhaité examiner l'incidence à long terme de la cyberintimidation sur les enfants et les jeunes afin d'avoir les préjudices causés par rapport à l'engagement et au rendement scolaire, aux développements socioaffectifs et à la santé mentale. Nous voulions examiner la compréhension de base qu'avaient les gens de cet enjeu. Nous voulions donc savoir si les gens comprenaient vraiment ce qu'étaient l'intimidation et la cyberintimidation. Nous voulions jauger quelle éducation serait nécessaire pour sensibiliser tous nos partenaires.
Nous avons eu plusieurs réunions. Chaque mois, nous mettions l'accent sur un thème différent. Nous avons invité des spécialistes et des conférenciers à partager des renseignements avec nous. Notre objectif était d'en apprendre le plus possible au cours des prochains mois afin de pouvoir en faire un rapport.
Je ne veux pas rentrer dans tous ces détails, mais vous pouvez les trouver dans mon exposé. Je ne vais pas passer en revue la liste de tous les présentateurs, mais je voulais tout simplement que vous puissiez voir, grâce à cette liste, le genre de spécialistes auxquels on a fait appel et qui ont partagé des renseignements essentiels avec nous. On a entendu des chercheurs de premier ordre de partout au pays. Des avocats sont venus nous faire des exposés. Des gens sont venus nous dire comment les situations les avaient touchés personnellement. Ainsi, par exemple, une mère est venue nous parler du suicide de sa fille. Nous avons également examiné les choses comme l'incidence du système de justice criminelle sur les jeunes, les expériences éducatives et les enjeux relatifs aux femmes. M. Dias vous en parlait notamment. Vous pouvez vous reporter à la liste exhaustive que nous avons dressée des présentateurs.
Passons maintenant à la diapositive sur les principaux acteurs et partenaires. Nous avons examiné cet enjeu comme étant un problème communautaire qui nécessitait une approche communautaire. Nous avons reconnu qu'un groupe ou un intervenant ne pourrait pas régler ce problème tout seul. Il faudrait que tout le monde y mette du sien, y compris les écoles, les familles, les parents et les organisations sportives. Bon nombre d'intimidation a lieu à l'extérieur de l'école et dans les activités extrascolaires. Nous avons jugé que cela nécessitait une approche communautaire. Il fallait expliquer aux enfants et aux jeunes que l'intimidation n'était pas acceptable. Ils devaient comprendre que non seulement elle n'était pas acceptable à l'école, mais aussi à la maison, dans les activités sportives ou encore lors d'activités extrascolaires.
Nous avons reconnu que bon nombre d'enfants utilisaient des adultes comme modèles. Il était essentiel que les adultes adoptent un comportement acceptable.
Nous voulions également nous assurer que les gens qui avaient besoin de plus de sensibilisation par rapport à cette question sachent que l'on pouvait la leur fournir.
Nous avons également examiné les influences médiatiques ainsi que les fournisseurs Internet. Nous avons examiné leurs limites quand il s'agissait de faire face à cet enjeu.
Nous avons fait un site web dans lequel nous partageons tous nos renseignements avec le public. Il s'agit de cyberbullying.novascotia.ca. L'on peut y trouver notre rapport. Sur le site web, nous avons mené un sondage en ligne, qui était ouvert de juin à septembre de l'année dernière. Plus de 5 000 personnes y ont participé, dont 60 p. 100 étaient des jeunes. Cela était fort important pour nous. Les résultats du sondage se trouvent également sur le site web.
Les jeunes nous ont dit qu'il y avait plusieurs raisons qui semblaient expliquer pourquoi on les intimidait. Notamment, et cela ne surprendra personne, ils faisaient face à de l'intimidation en raison de leur apparence physique ou encore de leur orientation ou identité sexuelle.
Une autre information fort intéressante qu'ils nous ont livrée était que bon nombre de ces incidents n'étaient pas rapportés parce que les jeunes avaient peur de perdre leur matériel technologique ou encore que leurs parents ferment leur compte Facebook. Bien que cela puisse mettre un terme au harcèlement auquel ils faisaient face, ils seraient isolés socialement et donc beaucoup de jeunes hésitaient à signaler de tels incidents, notamment dans le cas de la cyberintimidation.
Nous avons également eu des groupes de consultation des jeunes dans les provinces. Nous avons tenu plus de 35 groupes de consultation dans lesquels plus de 1 000 enfants et jeunes ont participé. Des élèves de la quatrième à la sixième année, de la septième à la neuvième année et de la dixième à la douzième année ont été consultés. Nous voulions parler avec les jeunes âgés de 10 ans, car nous avions l'impression que bon nombre d'entre eux, même s'ils étaient très jeunes, utilisaient énormément les appareils électroniques et avaient des activités en ligne. Certains d'entre eux avaient des téléphones. Nous leur avons posé plusieurs questions et leur avons également demandé leur point de vue pour résoudre ce problème. Vous pouvez trouver ces résultats en ligne également.
Vous pouvez voir certains des thèmes des recommandations que nous avons émises dans notre rapport. Nous voulions examiner les occasions de partenariat. Le concept de définition était intéressant pour nous, car il a marqué le début et la fin de notre étude. A priori, nous pensions que nous pourrions rapidement établir une définition de l'intimidation. Cela a fini par être une tâche titanesque. La définition de l'intimidation est cruciale. De la définir d'un point de vue différent est devenu problématique. Faut-il créer une définition qui émane du point de vue de la personne ciblée? Faut-il l'élaborer du point de vue de la personne qui doit en établir les conséquences et les limites? Ou faut-il plutôt la créer en vertu du point de vue de la personne qui adopte un tel comportement? Cette tâche était fort intéressante.
Nous avons donc examiné toutes les approches éducatives et les interventions distinctes que l'on pourrait adopter.
Je conclurais en vous disant que le rapport a été produit par le professeur Wayne MacKay, qui était le président de la commission. Le rapport s'intitule Respect et responsabilités dans les relations : il n'y a pas d'App pour ça. Il se trouve sur notre site web, cyberbullying.novascotia.ca. Le rapport présente 85 recommandations regroupées sous sept thèmes ainsi que les principaux acteurs ou partenaires, car nous voulions qu'il continue à revêtir les caractéristiques communautaires. Le rapport a été envoyé à la ministre en février de cette année et a été révisé et publié en mars.
Don Glover, directeur, Division des services aux élèves, Direction des écoles publiques, ministère de l'éducation de la Nouvelle-Écosse : Il est important de comprendre comment ce rapport fonctionnera dans le contexte actuel.
Il y a environ 10 ans, nous avons commencé à étudier la création d'écoles plus sécuritaires et qui se soucient davantage des jeunes. Nous étions très préoccupés du fait que l'initiative politique disciplinaire en place était basée sur les principes de la tolérance zéro. Or, nous avions rapidement découvert, que les prémisses d'une telle tolérance n'étaient pas conformes à notre stratégie d'intervention progressive pour aider les enfants et les jeunes. De plus, cette prémisse ne tenait pas compte de certains facteurs notamment l'état de préparation sur le plan du développement.
Nous avons examiné ce que la recherche de l'époque nous disait. C'est alors que nous avons trouvé les recherches de George Sugai et Rob Horner et nous avons commencé à nous former dans le domaine des Positive and Effective Behavioural Supports, qui permettaient de renforcer positivement les comportements attendus. Nous voulions aider les écoles afin qu'elles puissent mettre sur pied des comportements qui seraient attendus dans l'école et qu'elles puissent enseigner et mettre en valeur ces comportements attendus. Cela leur permettrait de voir comment elles pourraient répondre aux comportements qui nuisaient à l'environnement d'apprentissage ou encore aux comportements qui posaient encore plus problème et qui avaient besoin d'une vaste gamme d'interventions et de soutien.
Nous avons commencé à obtenir une formation dans le domaine des PEBS et avons également changé notre politique de discipline pour qu'elle s'aligne davantage avec le travail que nous faisions avec George Sugain et son équipe. Puis nous avons élaboré un code provincial de conduite qui établissait un cadre et une philosophie afin d'aider les écoles et les conseils scolaires à créer des milieux scolaires sûrs et positifs.
Quelques années plus tard, le premier ministre a établi la Journée de la lutte contre l'intimidation, qui avait lieu au mois de septembre. Elle permettait de démarrer l'année scolaire en faisant la promotion du respect et en examinant les comportements attendus, ce qui s'alignait avec notre PEBS et notre code de conduite.
La province estimait également qu'il était essentiel de reconnaître le bon travail accompli par les enfants et les jeunes. En 2008, nous avons créé le Prix du changement positif de la Nouvelle-Écosse. Les prix de l'an 2000 ont en fait été attribués la semaine dernière. Dix des quatre-vingt-dix candidats ont été choisis grâce au leadership exemplaire dont ils faisaient preuve lorsqu'il s'agissait d'appuyer leurs collectivités et leurs écoles. Il est intéressant de voir le nombre d'étudiants qui appuient des gens qui ont été marginalisés ou qui sont victimes d'intimidation ou d'intimidation cybernétique.
Mme AbiHanna est notre conseillère en orientation. Elle a travaillé de près avec nos huit commissions scolaires pour appuyer un modèle d'orientation scolaire plus exhaustif. Nos programmes de counselling et d'orientation scolaire sont exhaustifs et l'on y accepte que, comme l'a souligné la commission, les conseillers d'orientation scolaire jouent un rôle essentiel dans la promotion des milieux scolaires positifs et efficaces.
Nous avons travaillé de près avec des partenaires dans la collectivité. Nous voulons souligner l'apport du Dr Stan Kutcher, qui détient la chaire de Sun Life en matière de santé mentale des adolescents. Il a collaboré étroitement avec nous pour former les équipes scolaires et les enseignants à reconnaître et à régler les problèmes de santé mentale dans notre système scolaire. Il nous a aidés à coopérer avec le milieu de la santé mentale.
Nous avons mis en œuvre les ressources en santé mentale de P à 12...
La présidente : Monsieur Glover, veuillez m'excuser de vous interrompre. Nous avons une bonne connaissance de ce qui se passe en Nouvelle-Écosse, car nous avons déjà entendu le témoignage de M. MacKay ainsi que celui d'autres témoins. M. MacKay comparaîtra de nouveau au comité. Une des raisons pour lesquelles nous avions très hâte d'entendre votre témoignage se trouve notamment à la page 14 de votre diapositive qui s'intitule Et à partir de maintenant? Je sais que les sénateurs ont bon nombre de questions à vous poser à tous les deux. Est-ce que vous me permettez de vous interrompre et de vous demander de vous reporter à cette page? Veuillez s'il vous plaît poursuivre à partir de là. Nous connaissons l'excellent travail que vous avez fait et nous sommes au courant de certains des programmes qui existent en Nouvelle-Écosse. Vous êtes devenu notre province modèle. Nous voulons savoir ce qu'il faut faire à partir de maintenant. Il nous serait très utile que vous vous reportiez à cette diapositive s'il vous plaît.
M. Glover : Nous disposons du groupe de travail et de ses 85 recommandations, et nous avons tenté d'examiner les thèmes principaux de ces 85 recommandations et de déterminer le travail que nous ferons en relation avec ces thèmes.
Nous avons été très occupés ce printemps. Nous avons présenté le projet de loi 30 à la Chambre. Il a été adopté et fait maintenant force de loi. Nous avons fait des changements à la Loi sur l'éducation, ce qui nous permettra de commencer à recueillir des données. Nous ne sommes pas certains de pouvoir parler de portée et de prévalence. Nous devons réellement commencer à comprendre ces données, les incidents connexes — par exemple, notre incidence d'intimidation et de cyberintimidation liées à l'homophobie, au racisme, aux préjugés sexistes et aux handicaps.
Comme l'a mentionné Mme AbiHanna, nous avions un groupe de travail composé de 20 membres, et ce comité était très influent. S'il est important de comprendre la portée et la prévalence de l'intimidation, il est également important de comprendre les facteurs qui incitent à l'intimidation et à la cyberintimidation, et de connaître ces facteurs connexes.
Nous avons déposé des lois préliminaires. En même temps, nous mettons en place un système de renseignements sur les étudiants; nous sommes en train de mettre une touche finale à notre suivi des incidents comportementaux, de sorte que nous serons en mesure de recueillir des données. Nous serons prêts en 2012-2013. C'est pendant cette année que nous allons recueillir certaines des données de référence. Nous espérons pouvoir nous pencher sur les facteurs connexes et l'endroit où les incidents se produisent. Nous disposerons de bonnes données sur lesquelles fonder nos décisions.
Nous examinons également le soutien nécessaire pour coordonner un plan d'action en vue de faire avancer les recommandations du groupe de travail. Nous avons entamé un processus en vue d'afficher un poste de coordonnateur de la lutte contre l'intimidation, qui travaillera au ministère et qui collaborera avec les autres ministères et nos huit commissions scolaires.
Nous avons participé à des séances partout dans la province et travaillé avec des conseillers en orientation et le personnel des écoles pour régler des questions de compétence culturelle. Nous examinerons attentivement nos politiques en matière de relations interraciales pour veiller à ce que nos relations interraciales, notre compréhension interculturelle ainsi que les politiques et les conseils du droit de la personne reflètent la voix des jeunes tout en encourageant et en respectant la participation des jeunes à la création d'environnements scolaires sûrs et respectueux.
Nous tenons également des discussions préliminaires au sujet des lois subséquentes que nous déposerons probablement à l'automne. Nous allons parler des questions de l'intimidation et de la cyberintimidation, et surtout de la cyberintimidation qui se produit à l'extérieur de l'école, mais qui se répercute sur l'environnement scolaire. Nous souhaitons discuter du potentiel législatif existant et de l'obligation de faire rapport et de revenir sur les incidents rapportés.
Le sénateur Harb : Merci beaucoup pour votre exposé. J'aimerais revenir à ce qui a été mentionné par la présidence : Et à partir de maintenant? J'ai lu vos six paragraphes. Au premier, vous parlez d'examiner d'autres changements à apporter aux lois; de poursuivre la mise au point; d'utiliser les données repères; d'examiner d'autres possibilités, d'accroître la compétence culturelle; et d'appuyer les conseils scolaires. Toutes ces activités semblent axées sur le contexte provincial — je présume qu'il s'agit de la province de la Nouvelle-Écosse.
Dans le cadre de toutes vos audiences et de toutes vos discussions, et vous avez beaucoup discuté et tenu d'audiences, quelqu'un a-t-il soutenu, par exemple, que le gouvernement fédéral devrait faire ceci ou cela? Cette question a-t-elle été soulevée? Si oui, que nous recommandez-vous de faire?
Mme AbiHanna : Je peux vous en parler. Vous avez raison : la plupart des activités de suivi ou des mesures s'adressent à notre province. L'un des principaux éléments soulevés pendant les séances avec le groupe de travail et tous les spécialistes était les discussions entourant la possibilité de modifier le Code criminel; plus particulièrement, comment nous définissons ce comportement et s'il s'agit vraiment de harcèlement — quel est le seuil? L'une des recommandations du rapport consistait à tenir une discussion entre notre ministre de la Justice provincial et le ministre de la Justice fédéral afin de discuter des options possibles.
De nombreuses personnes estiment ne pouvoir fournir qu'un appui très limité aux victimes de ce type de comportement si le Code criminel n'est pas modifié pour pouvoir mener différents types d'enquêtes et si les questions entourant la protection des renseignements personnels et l'information ne sont pas modifiées pour autoriser ces enquêtes.
En fait, les étudiants nous ont dit qu'ils ne voulaient pas qualifier ce comportement d'intimidation. Ils voulaient lui donner un nom. S'il s'agissait de commentaires homophobes, c'est ainsi qu'ils voulaient nommer ce comportement. Ils veulent parler de discrimination. Ils veulent parler de harcèlement. Ils veulent des termes très forts qui démontrent l'incidence de ces comportements sur eux, à leur avis. Selon eux, le terme « intimidation » n'est pas suffisamment fort.
La différence c'est que, lorsqu'on commence à utiliser ce type de termes, on s'embarque dans des questions touchant le Code criminel, de sorte qu'il y aurait des responsabilités législatives au niveau fédéral.
Le sénateur Harb : Quand on parle de cyberintimidation, de nombreux témoins nous ont dit qu'il s'agissait d'élèves de septième, de huitième et neuvième année — des enfants, essentiellement. Je suis certain que vous conviendrez avec moi qu'on ne veut pas les transformer en criminels. Très souvent, ils ne sont même pas conscients de ce qu'ils font.
Mme AbiHanna : Je suis d'accord. Je répondais à votre première question sur les conversations au niveau fédéral.
Je pense que chaque possibilité est une possibilité d'apprentissage pour les enfants et les jeunes. Ce qui est essentiel pour moi, c'est de prévoir des conséquences pour un enfant ou un jeune, et selon moi, cela n'a rien de mal. Toutefois, en plus de cela, je pense qu'on doit profiter au maximum de chaque possibilité pour permettre à la personne en question de s'épanouir. Comprendre qu'il s'agit d'une question concernant les relations, comprendre que cette relation a été compromise et comprendre qu'il va falloir réagir et rétablir les torts devient tout aussi important que la conséquence qui est mise en place.
J'imagine que c'est l'approche que nous tentons d'adopter dans notre code de conduite. Il ne s'agit pas de prévoir des sanctions ou des mesures de discipline, mais plutôt de leur rendre plus utiles et de prévoir une possibilité de croissance sociale et émotive tout en rétablissant les torts causés à la relation.
M. Glover : Pour revenir à votre commentaire sur les enfants et les jeunes, non, nous ne voulons pas les transformer en criminels. Toutefois, le comportement de certains adultes nous préoccupe; cela pourrait nous permettre de comprendre la culture de l'intimidation.
Par exemple, on souligne souvent que les jeunes sont fréquemment exposés, de par les médias, à des incidents de racisme, d'homophobie, de préjugés sexistes et d'attaques sur des personnes en raison de leur apparence ou de leurs handicaps. Nous nous inquiétons certainement d'une culture qui célèbre ou encourage ce type de comportement chez sa population adulte.
Le sénateur Harb : Ma dernière question porte sur les points de mire. Vous avez parlé de ne pas définir les pratiques exemplaires et les approches fondées sur des preuves pour favoriser les bons comportements et les relations saines. Pendant vos audiences et vos discussions, avez-vous examiné ce que font les autres provinces? Par exemple, l'Ontario vient de déposer une loi portant sur la lutte contre l'intimidation. Des 85 pratiques exemplaires ou recommandations, quelles sont les trois plus importantes pour notre société afin de réduire l'incidence de la cyberintimidation?
Mme AbiHanna : Nous avons examiné ce que font les autres provinces. Nous avons aussi parlé avec de nombreux chercheurs qui nous ont transmis des renseignements.
Si je devais isoler trois facteurs précis, je reviendrais exactement à ce que j'ai dit plus tôt : les possibilités d'apprentissage sont essentielles. Par exemple, nous avons examiné des approches réparatrices, qui ont comme modèle la justice réparatrice mais que nous avons mises en œuvre dans les écoles. Ces approches se fondent sur la philosophie autochtone des cercles de guérison. Il s'agit de réunir toutes les parties autour de la table et discuter de ce qui s'est passé, de la façon dont on peut résoudre le problème et de la voie à suivre. Offrir cette possibilité d'apprentissage est une composante essentielle.
M. Glover : Nous avons examiné des modèles d'approche réparatrice qui se sont avérés être plus que de simples approches réparatrices dans les écoles. Hull, en Angleterre, est un bon exemple de collectivité qui met l'accent sur les pratiques réparatrices.
Mme AbiHanna : Les chercheurs indiquent très clairement que les pratiques mises en œuvre, quelles qu'elles soient dépendent de leur environnement. Il faut des environnements scolaires sains, sûrs et inclusifs, ce qui nécessite beaucoup de travail, même sans tenir compte de la portée de l'intimidation. Il faut des écoles accueillantes où l'orientation sexuelle et l'identité de genre sont acceptées et célébrées, plutôt que de marginaliser les gens pour ces raisons. C'est très important.
L'autre élément critique dont nous avons entendu parler est l'éducation de tous nos partenaires clés, qui est très importante. De nombreux parents ne savent tout simplement pas vraiment de quoi il s'agit et des incidences sur leurs enfants et, certainement, leur famille, une fois qu'un enfant se retrouve dans une situation d'intimidation, peu importe qu'il soit l'agresseur ou la victime. Cela devient très important.
Nous avons aussi des éducateurs qui ont besoin d'être éduqués. Bon nombre d'entre eux ne savent pas bien reconnaître l'acte d'intimidation, ce qu'il signifie, comment faire face à une situation lorsqu'un étudiant leur signale quelque chose, quel est le bon langage à utiliser et le type de conversation qu'il faut tenir. L'éducation de tous ces partenaires clés est très importante.
Comme l'a dit M. Glover, il est important de créer une culture où de tels comportements sont inacceptables et ne sont pas célébrés, même s'il s'agit de bagarres entre joueurs de hockey. Tous ces comportements créent une culture qui accepte la violence comme un acte normal. Nous devons commencer à nous détourner d'une telle culture et faire des campagnes de sensibilisation du public pour parler des torts que ces comportements créent et de la façon dont les enfants prennent quelque chose dans un contexte et l'appliquent dans un autre. Lorsqu'ils pratiquent un sport et pensent que c'est acceptable dans ce contexte, il est difficile pour les enfants de faire une transition du point de vue du développement et de comprendre que ce n'est pas acceptable partout : je peux faire ceci pendant des activités parascolaires, mais je ne peux pas le faire pendant la récréation, à l'école.
Du point de vue du développement, les enfants ont beaucoup de difficulté à faire la transition ou à appliquer ce changement. Les gens doivent mesurer l'état de préparation des enfants et les éduquer de façon appropriée pendant leur développement.
M. Glover : Nous avons beaucoup entendu parler de la responsabilité des entreprises de marketing, de la communauté entrepreneuriale, de la responsabilité d'éduquer les consommateurs au sujet des produits qu'ils achètent. Il y a des enfants qui ont accès à des technologies sans avoir été initiés ni avoir obtenu d'orientation au sujet de l'utilisation de cette technologie.
Des lois ne sont pas respectées. Par exemple, nous ne savions pas que les enfants devaient avoir au moins 13 ans pour créer un compte Facebook. Combien d'enfants de moins de 13 ans ont un compte Facebook?
La présidente : Je dois interrompre votre réponse parce que de nombreux sénateurs ont encore des questions.
Le sénateur Ataullahjan : Merci pour votre exposé.
J'ai l'impression que les écoles sont le foyer de la prévention contre l'intimidation et la cyberintimidation; c'est là que nous tentons d'enrayer ce comportement avant qu'il ne se manifeste. Toutefois, les personnes extérieures peuvent jouer un rôle, comme les parents, les fournisseurs de service Internet, les médias sociaux, les entreprises et ainsi de suite. Votre école entretient-elle des liens étroits avec la communauté globale? Existe-t-il des politiques ou des programmes en place pour éduquer et informer les parents?
Mme AbiHanna : Il existe un lien assez étroit. Le groupe de travail a eu certains avantages : il a entre autres permis aux gens d'établir des réseaux et de créer certaines de ces relations. Par exemple, un représentant de notre association scolaire, de chez nous, avait des liens avec Jeunesse, J'écoute et Bell Aliant. Ces partenariats commencent à se former. Sont-ils en place, tous autant qu'ils doivent et devraient l'être? Non, probablement pas. Le processus commence.
Le plus important pour les parents est de participer à l'éducation de leurs enfants. Les deux principaux éléments ici consistent à éduquer les parents et à favoriser la communication entre les écoles et la maison. Nous constatons que c'est essentiel.
C'est très difficile, parce qu'on ne réussit pas toujours à joindre les parents. Une fois que leurs enfants sont inscrits à l'école, on ne voit que quelques parents qui vont et viennent, pendant les rencontres avec les enseignants par exemple, les concerts, les soirées d'information, ou autres. L'un des meilleurs moments où nous pourrions donner de l'information aux parents et les éduquer au sujet de l'intimidation et de la cyberintimidation serait la période d'inscription, parce que tous les étudiants doivent être inscrits à l'école. L'intimidation et l'engagement social sont très importants pour les parents à ce moment-là. Ils veulent savoir que leurs enfants quittent la maison, entrent dans le système d'éducation et qu'ils peuvent se sentir en sécurité et savoir qu'on prend soin d'eux. Pendant nos discussions, nous pensions que ce serait le bon moment pour présenter ce type de séance d'information ou d'éducation aux parents.
M. Glover : Nous travaillons également à rendre nos écoles plus accessibles. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais nous avons mis en œuvre un modèle de prestation de service intégré, ÉcolesPlus, dont la philosophie est que les écoles devraient offrir plus de services que le seul système d'éducation publique que l'on y retrouve. Nous tentons de collaborer avec d'autres ministères ou des fournisseurs de services. Nous avons réussi à créer de nombreux excellents programmes et des séances pour les parents et les élèves animées par des membres de la communauté. Le fait d'ouvrir nos écoles afin d'améliorer la participation des parents a eu des avantages immenses.
Le sénateur White : Merci pour votre exposé. J'ai été ravi de vous entendre parler des pratiques réparatrices, mais j'ai été un peu surpris d'apprendre qu'aucun des documents que nous avons reçus ne parle de NSRJ-CURA, de Jennifer Llewellyn et de ce groupe pour savoir s'ils aident à trouver des solutions, étant donné que la Nouvelle-Écosse a, de loin, le meilleur niveau de pratiques réparatrices au pays à l'heure actuelle, et probablement les pratiques les mieux développées. Je ne l'ai vu nulle part dans les documents. Si je l'ai manqué, corrigez-moi.
Selon moi, n'auraient-ils pas une meilleure contribution à apporter, alors que vous tentez de trouver des solutions à ces problèmes?
Mme AbiHanna : Oui. Jennifer Llewellyn a travaillé en étroite collaboration avec nous, grâce à ÉcolesPlus et pendant le processus. Elle a fait un exposé. Vous verrez son nom dans la liste des présentateurs.
De plus, nous travaillons à la création d'un cadre pour la mise en œuvre d'approches réparatrices, et cela s'est fait dans un comité où Jennifer Llewellyn et d'autres ont examiné certaines des meilleures pratiques et la façon de les inclure dans certaines autres initiatives déjà en place, et dans de tels cadres de travail. Elle a été très active, nous connaît tous très bien, et a participé aux discussions. Vous avez raison; elle est vraiment un chef de file dans ce domaine. Nous faisons toujours appel à autant de gens que possible pour les rôles de leadership et de connaissance pour ce qui est de la mise en œuvre.
M. Glover : Aussi, nous collaborons étroitement avec le ministère de la Justice qui joue un rôle de premier plan pour nous aider à avancer sur cette question.
Le sénateur Meredith : Pour revenir à la question de la justice réparatrice, où doit-on tracer la limite? Nous voyons des responsables et des brutes qui poussent à bout une personne, jusqu'au point où elle se suicide, comme nous l'avons vu dans votre province. Devons-nous accuser la personne responsable ou simplement lui faire suivre le programme de justice réparatrice? J'aimerais savoir ce que vous pensez au sujet de ce que nous devons faire ici, puisque nous examinons les différentes solutions.
Mon collègue, le sénateur Boisvenu, a parlé un peu plus tôt aux autres témoins du fait qu'il doit finir par y avoir des conséquences lorsqu'on parle de cyberintimidation et d'intimidation afin de veiller à ce que les victimes et leur famille sachent que justice a été rendue pour ce qui a été fait à leurs proches.
M. Glover : La justice prend plusieurs formes. On nous demande souvent pourquoi nous ne pratiquons pas la politique de tolérance zéro ou pourquoi nous n'agissons pas de façon plus punitive. Ce que nous tentons de faire, c'est créer un environnement qui rétablit l'ordre et avantage toutes les parties. Notre principale préoccupation est d'abord et avant tout de veiller à ce que l'environnement d'apprentissage soit sûr et sécuritaire. Nous n'hésitons pas du tout à laisser entendre que nous allons retirer un élève de l'environnement si son comportement affecte la sûreté ou la sécurité des autres. Nous devons constamment trouver des façons de rétablir l'ordre afin que tous puissent réussir. C'est un défi; je l'admets. Nous mettons l'accent sur la sûreté et la sécurité de tous les élèves.
Mme AbiHanna : Il est important de se rappeler que ce sont des enfants, alors où les envoyer? Pour nous, l'un des enjeux principaux est la participation scolaire et la possibilité de grandir et de tirer un enseignement de ce type d'expériences. Si on expulse ou qu'on suspend des enfants et des jeunes, bon nombre d'entre eux ne se retrouvent pas dans des environnements où, après avoir été suspendu, ils ont quelqu'un qui s'assoit avec eux et qui leur enseigne ces possibilités de s'épanouir grâce à ces expériences. De nombreux enfants et des jeunes se retrouvent dans la rue, participent à des activités criminelles et ont des problèmes de toxicomanie. J'aimerais que la société fonctionne de façon un peu différente, mais malheureusement, ce n'est pas le cas. Nous savons que ces jeunes finissent par se retrouver dans d'autres systèmes.
Je pense que notre approche est importante et inébranlable; nous croyons que tous les enfants doivent être soutenus dans de telles situations, que ce sont de jeunes enfants, et qu'ils ont la possibilité d'apprendre et de s'épanouir. Tant que ce que dit M. Glover est vrai, c'est-à-dire que nous allons créer un environnement d'apprentissage sûr et sécuritaire, nous tenterons autant que possible d'offrir cette possibilité d'apprentissage aux élèves et de maintenir leur participation à l'école.
La recherche indique également que les suspensions ne fonctionnent pas. Lorsque les enfants sont suspendus, ils se désintéressent davantage. Cela crée une situation où les enfants sont en colère et désintéressés lorsqu'ils reviennent. Nous voyons une aggravation de leur comportement plutôt qu'une amélioration.
La présidente : Vous le savez peut-être, ou non : en Angleterre, une femme a remporté un procès afin de forcer Facebook à révéler les noms des cyberintimidateurs. Dans les recommandations du rapport du groupe de travail, les parties 42 et 43 parlent du travail avec la police afin d'élaborer un protocole et de mener une enquête. On peut y lire ce qui suit :
Nous recommandons que le ministère de la Justice de la Nouvelle-Écosse, l'Association des chefs de police de la Nouvelle-Écosse et les fournisseurs d'accès à Internet collaborent en vue d'élaborer un protocole destiné à faciliter l'accès pour la police aux informations lors de ses enquêtes sur les cas d'intimidation et de cyberintimidation.
Quel rôle le gouvernement fédéral doit-il ou devrait-il jouer en collaboration avec les fournisseurs d'accès à Internet et les gouvernements provinciaux en vue d'élaborer des protocoles, des lignes directrices ou des lois pour s'attaquer à la cyberintimidation?
Mme AbiHanna : L'un des éléments qui est ressorti portait sur la responsabilité des fournisseurs d'accès à Internet et des technologies d'éduquer les gens à qui ils vendent leurs produits. Il faut comprendre que lorsqu'on est un fournisseur d'accès à Internet et qu'on fournit un accès à Internet à quelqu'un, on a la responsabilité d'éduquer cette personne sur ce que serait un comportement inapproprié, les conséquences de ce comportement, et ainsi de suite. Je pense qu'ils ont un rôle d'éducation à jouer.
Selon mon expérience, ils ont offert un important soutien lorsqu'ils ont travaillé avec les organismes d'application de la loi, mais ils sont également régis par les lois sur la protection des renseignements et l'information qui leur interdisent de transmettre certains des renseignements. Selon moi, il s'agit d'un aspect que le gouvernement fédéral pourrait examiner dans les cas extrêmes ou les cas où une enquête est en cours et où il pourrait y avoir une meilleure possibilité ou lorsque l'information serait plus accessible pour que l'enquête progresse plus facilement.
M. Glover : Selon moi, le groupe de travail a souligné que nos avancées technologiques excèdent beaucoup nos capacités ou notre préparation à l'égard de ces avancées à mesure qu'elles se produisent. Nous devons peut-être être un peu plus prudents lorsque le gouvernement fédéral surveille les implications des avancées technologiques.
Je crains que ce dont nous parlons aujourd'hui soit désuet dans un an. Nous devons vraiment faire preuve d'une plus grande vigilance à l'égard des implications de la technologie et en particulier sur les vies de nos jeunes et de nos enfants.
La présidente : Un peu plus tôt, vous avez parlé des éducateurs; je ne voulais pas vous interrompre. Comme vous le savez, nous avons entendu les témoignages de jeunes aujourd'hui et la semaine dernière. L'un des arguments qui est revenu à de nombreuses reprises est le suivant : « Nous nous sommes adressés au directeur et il a dit que ça ne se passait pas sur le terrain de l'école; c'est arrivé à l'extérieur, de sorte qu'il n'allait pas intervenir. »
Le grand défi consiste à déterminer la limite entre l'école et le monde extérieur. Au pays, il y a un cercle vicieux perpétuel. Quand l'école doit-elle intervenir et quand doit-elle dire : « Non, cela ne relève pas de nos compétences »?
M. Glover : À titre d'éducateurs, nous avons une idée de la réponse à cette question. Nous vous parlerions des incidences de l'événement qui se produit à l'extérieur de l'école sur la culture, le climat et les activités de l'école. Le défi auquel nous faisons face est notre capacité à traduire cette réalité dans le langage juridique. Ça semble si clair, mais je soutiens que la plupart des éducateurs en Nouvelle-Écosse appuieraient grandement leur capacité de s'attaquer à des enjeux qui se produisent à l'extérieur de l'école mais qui ont des incidences sur les activités quotidiennes de l'école.
Mme AbiHanna : Lorsque j'ai discuté avec des gens de l'Ontario, ils m'ont dit que l'un des autres facteurs qu'ils examinaient est la probabilité qu'un acte réciproque se produise. C'est-à-dire, à quel point est-il probable que quelqu'un revienne à l'école pour réagir, commettre une infraction ou récidiver en raison de cette réaction initiale? C'est un facteur dont ils tiennent compte pour déterminer si un problème est survenu à l'école ou à l'extérieur.
La présidente : Dans des rapports antécédents, le comité a recommandé que le Canada crée un bureau national du commissaire pour les enfants qui défendrait leurs droits et se pencherait sur des questions comme la cyberintimidation. Vous avez parlé d'un coordonnateur. C'est à peu près la même chose, mais un coordonnateur se situerait au niveau provincial, tandis qu'ici on parle du niveau national. À votre avis, est-ce qu'un commissaire national pour les enfants se pencherait sur ce genre de questions?
M. Glover : Cela aurait certainement rendu notre tâche plus facile lorsque nous nous penchions sur cette question en tant que groupe de travail au sein du comité qui incluait le groupe de travail. Cela nous aiderait certainement à aborder des questions complexes, y compris ce qui se fait dans d'autres juridictions. Ce serait une initiative qui nous aiderait énormément, oui.
La présidente : Comment un commissaire national travaillerait-il de concert avec les commissaires provinciaux, les défendeurs de droits des jeunes ou avec les coordonnateurs? Est-ce que vous avez pensé à comment tout cela fonctionnerait?
Mme AbiHanna : D'abord, il faudrait établir une base de référence à travers le Canada pour nous assurer d'utiliser une définition normalisée, et pour savoir combien de cas d'intimidation ou de cyberintimidation se produisent, et quelles en sont les causes. Si nous pouvions comparer les données à travers le pays, cela nous faciliterait énormément le travail.
Une autre chose qu'il faudrait faire est d'étudier les initiatives qui ont été mises en place dans d'autres juridictions afin de mesurer leur efficacité. Nous ne voulons pas réinventer la roue. Si un programme en Ontario ou dans l'Ouest produit de bons résultats, on pourrait coordonner nos efforts à travers le pays, ce qui serait très important et utile. Par exemple, beaucoup de familles déménagent d'un endroit à un autre au Canada, et ça se passe souvent différemment dans différentes provinces. Conséquemment, il serait bien de pouvoir offrir aux familles et aux étudiants les mêmes approches lorsqu'ils changent de juridiction.
Donc, je crois que ces éléments seraient utiles.
M. Glover : Chacun parle du jour quand l'intimidation ou la cyberintimidation seront aussi inacceptables au niveau culturel et social que le fait de conduire sans ceinture de sécurité, de tenir des propos racistes ou de fumer dans un restaurant. Il serait bien que l'identité nationale du Canada soit en partie basée sur le fait que cette activité soit culturellement inacceptable et contraire au mode de vie canadien.
Je pense aussi que la meilleure approche serait de créer un modèle basé sur un point central et qui nous aiderait à apprécier ce changement de culture. J'ai peur que, si nous ne faisons pas attention, les gens vont investir dans des programmes qui ne sont pas basés sur la recherche ou sur les preuves, ou qu'ils achèteront ces programmes. Nous ne voulons pas de solutions rapides si nous pouvons avoir des solutions bien réfléchies et élaborées avec prudence.
La présidente : Merci. Votre témoignage nous a été utile. Nous allons réfléchir à l'exposé en format PowerPoint que vous nous avez présenté et également à vos propos. Vous nous avez donné beaucoup de matière à réflexion. Merci beaucoup.
Nous allons maintenant siéger à huis clos.
(La séance se poursuit à huis clos.)