Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne
Fascicule 15 - Témoignages (séance du soir)
OTTAWA, le lundi 11 juin 2012
Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui, à 18 h 30, pour étudier la question de la cyberintimidation au Canada en ce qui concerne les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne aux termes de l'article 19 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.
Le sénateur Mobina S. B. Jaffer (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Mesdames et messieurs les sénateurs, nous en sommes à la dernière partie de notre étude. Il s'agit de la dernière séance sur la cyberintimidation. Je suis heureuse de dire que cette réunion est la cerise sur le gâteau puisque nous recevons ce soir deux témoins exceptionnels. Ils ont tous deux gentiment accepté de revenir nous voir. Ce sont des gens parmi les plus occupés du monde, mais on voit bien à quel point ce dossier leur tient à cœur.
Je vais commencer par souhaiter la bienvenue à M. Patchin, des États-Unis. Il est un des directeurs du Centre de recherche sur la cyberintimidation et l'auteur de nombreux articles sur le comportement en ligne des adolescents. Coauteur du livre intitulé Bullying Beyond the Schoolyard : Preventing and Responding to Cyberbullying, M. Patchin s'intéresse aux mesures à prendre pour prévenir et contrer la cyberintimidation. Bien entendu, il est très connu au Canada. Je pourrais parler de lui encore longtemps, mais nous sommes ici pour l'écouter. Nous accueillons également M. Wayne MacKay, un autre visage familier. La ministre de l'Éducation de la Nouvelle-Écosse l'a nommé président du groupe de travail sur l'intimidation et la cyberintimidation et l'a chargé de produire un rapport. Dans celui-ci, M. MacKay affirme que l'intimidation est un grave enjeu social partout dans le monde qui dénote des problèmes plus profonds dans notre société : la détérioration des relations humaines respectueuses et responsables. Il fait également remarquer que le problème est d'une ampleur considérable et qu'il n'y a pas de solutions simples à l'horizon, d'où la nécessité d'avoir des stratégies efficaces.
C'est justement la raison pour laquelle nous avons besoin de l'aide de nos deux témoins : ils sont là pour nous aider à déterminer en quoi consistent ces stratégies efficaces. Comme vous le savez tous deux, nous avons entendu les témoignages de jeunes qui nous ont dit que la punition ne constitue pas la solution. Alors, quelles sont-elles, ces stratégies efficaces?
M. Patchin ne fera pas de déclaration, mais il répondra aux questions des sénateurs. Est-ce exact?
Justin W. Patchin, codirecteur, Centre de recherche sur la cyberintimidation, University of Wisconsin-Eau Clair : Oui, c'est ça. Je serai heureux, une fois de plus, de répondre aux questions des sénateurs.
La présidente : Merci. Nous allons commencer par M. MacKay.
A. Wayne MacKay, professeur et doyen associé de recherche, École de droit Schulich, Université Dalhousie : Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité de nouveau, et merci de l'intérêt que vous portez à ce sujet important. Je suis convaincu que vous pourrez améliorer les choses.
Je me rends compte que vous avez eu une très longue journée, alors je vais faire de mon mieux pour m'en tenir à un bref exposé et consacrer l'essentiel de mon temps à répondre à vos questions. Je sais que vous devez maintenant songer à ce qu'il faut inclure dans votre rapport et j'en déduis que vous avez probablement des questions précises à poser là-dessus. Je vais donc essayer d'être bref.
Vous devriez avoir reçu quatre documents d'information sous forme numérique. L'un d'entre eux, soit le rapport sur les relations respectueuses et responsables, a été présenté la dernière fois et a été remis à la présidente. Il y a trois autres documents que j'ai transmis sous forme numérique, par l'entremise de M. Charbonneau, en prévision de la réunion d'aujourd'hui : d'abord, une brève présentation PowerPoint sur certains des aspects juridiques; ensuite, un aperçu de la législation au Canada, ainsi que dans les provinces pour examiner les mesures prises relativement aux questions de l'intimidation et de la cyberintimidation; et, enfin, une annexe d'un rapport que j'ai rédigé avec un collègue sur les dimensions juridiques de l'intimidation et de la cyberintimidation. Je vais essayer de les résumer, mais je les ai mis à votre disposition au cas où vous les jugeriez utiles pour votre rapport.
Dans le très peu de temps que nous avons, je vais me contenter de soulever quelques points importants, après quoi je répondrai aux questions des sénateurs. Premièrement, et je sais que ce point a déjà été clairement établi, nous sommes aux prises avec un très grand problème mondial auquel il faut nous attaquer. Ce problème a pris une ampleur énorme puisque la cyberintimidation et la technologie ont changé l'intimidation ou l'ont amplifiée au point d'en rendre l'impact beaucoup plus insidieux. C'est là un point évident, et je suis sûr que vous en avez beaucoup entendu parler.
Les points essentiels, comme l'a dit la présidente, se résument aux questions suivantes : quelles sont les mesures à prendre? Que doit-on faire à ce sujet? Qui devrait intervenir? Une des choses dont je parle dans la présentation PowerPoint, c'est le besoin de prendre des mesures à différents niveaux : les collectivités, les parents, les deux paliers de gouvernement, les organisations privées, la police, et cetera. Le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer, notamment la possibilité d'élaborer une stratégie nationale, et nous pourrons en parler également. Votre comité sénatorial pourrait peut-être jouer un rôle à cet égard; ce point mérite qu'on s'y attarde.
Un autre thème auquel nous pourrons revenir durant la période des questions, c'est le rôle de chacun des trois principaux composants : l'éducation, la prévention et les lois. Quel est le rôle des lois? Quel est le rôle de l'éducation? Quel est le rôle des interventions préventives? La question est vaste. L'annexe dont j'ai parlé porte justement sur le rôle possible des lois. En tant que professeur de droit, je ne nie pas l'importance des lois, mais celles-ci ne sont qu'une des solutions. Elles doivent s'accompagner de prévention, d'éducation et d'efforts pour changer les valeurs et les attitudes. Ainsi, les lois peuvent constituer un élément crucial.
Mentionnons également le rôle des approches basées sur la justice réparatrice, et nous y reviendrons dans la période des questions. Il s'agit de déterminer si, au fédéral, la cyberintimidation devrait être traitée comme un crime distinct ou quelque chose de semblable, ou si les dispositions actuelles du Code criminel sont suffisantes. Comment peut-on les intégrer aux approches en matière de justice réparatrice?
Autre point que je vais mentionner rapidement : les codes des droits de la personne. S'il nous reste du temps durant la période des questions, j'aimerais parler de la mesure dans laquelle les commissions des droits de la personne — à coup sûr, celles à l'échelle provinciale et, peut-être, celles à l'échelle fédérale —, jouent un rôle dans l'intervention. C'est une façon plus conviviale et plus diversifiée d'intervenir parce qu'au lieu d'intenter des poursuites, on opte pour la médiation. La Commission des droits de la personne de la Nouvelle-Écosse, parmi tant d'autres, utilise désormais des approches basées sur la justice réparatrice. Quel est le rôle des compétences fédérale et provinciale? L'Australie a adopté une telle approche; ainsi, bon nombre des cas là-bas ont été réglés par l'entremise de commissions des droits de la personne.
Bien entendu, on ne saurait passer sous silence les questions liées à la responsabilisation. En tout cas, dans le cadre des consultations du groupe de travail, j'ai beaucoup entendu parler non seulement de l'ampleur et de la gravité du problème, mais aussi de la frustration des parents et des élèves parce que tout le monde semble renvoyer la balle à autrui — les écoles n'y peuvent rien parce que ce problème survient après l'école et ne relève donc pas de leur compétence; les parents n'y peuvent rien parce qu'ils n'en savent pas assez; et la police n'y peut rien parce qu'elle n'a pas les outils nécessaires. La situation finit par être frustrante parce qu'on sait qu'il y a quelque chose de grave qui se passe, mais on ignore à qui s'adresser.
Ce ne sont là que quelques-uns des principaux thèmes, et je serai ravi de répondre à vos questions. Voilà, j'ai essayé d'être bref.
La présidente : Merci beaucoup. Nous passons à la période des questions, et c'est moi qui vais commencer.
Nous avons beaucoup de questions à vous poser aujourd'hui, entre autres sur le fait que chacun se renvoie la balle. Nous avons rencontré des jeunes aujourd'hui. Un des messages qu'ils ont répétés, c'est qu'ils ne peuvent pas compter sur l'école pour obtenir de l'aide; quand ils vont voir leur directeur, celui-ci affirme que cela ne relève pas de sa compétence.
Ma question s'adresse à vous deux. Un des points qui nous donnent du fil à retordre, c'est de déterminer là où la responsabilité de l'école prend fin et là où celle du monde extérieur commence. Si l'école dit qu'elle ne peut pas aider ses élèves et si la police n'intervient pas, à qui le jeune doit-il s'adresser?
M. MacKay : C'est certainement un sujet que nous avons examiné en profondeur dans le rapport. On trouve plus de détails à cet égard dans l'annexe et dans le chapitre 4 du rapport, et je pense qu'il s'agit de la recommandation 31.
Nous faisons valoir que dans la jurisprudence actuelle et dans un certain nombre de lois — tant américaines, et je suis curieux d'entendre les observations de M. Patchin à ce sujet, que canadiennes comme en Ontario —, il est stipulé que la compétence des écoles s'étend au-delà des locaux scolaires et des heures de classe. Cette précision est donc parfois prévue dans la législation, comme c'est le cas en Ontario, ainsi que dans l'interprétation des cas, même si la Cour suprême du Canada n'a pas encore été directement saisie d'un tel cas.
De toute évidence, il faut établir un lien avec les écoles, et ce lien se résume d'habitude à l'effet néfaste sur le climat scolaire. Si deux élèves se livrent à l'intimidation ou à la cyberintimidation à l'extérieur de l'école ou après les heures de classe, il arrive très souvent que les responsables scolaires disent : « Désolés, mais nous n'y pouvons rien. Si cela s'est passé à telle heure ou à tel endroit, comme à un arrêt d'autobus ou à la maison, nous ne pouvons pas nous en occuper. » Je ne pense pas que ce soit vrai, même maintenant, peu importe si c'est précisé ou non dans la législation.
Toutefois, comme beaucoup de conseils scolaires et d'écoles adoptent cette position, par souci de clarté, nous recommandons d'ajouter une disposition aux lois provinciales sur l'éducation afin de stipuler clairement que dans les cas où un tel comportement entraîne un effet néfaste sur le climat scolaire, la compétence va plus loin que les frontières scolaires et les heures de classe.
M. Patchin : Je suis tout à fait d'accord avec M. MacKay. Nous sommes aux prises avec des questions semblables ici, aux États-Unis. Toutefois, c'est assez clair. J'ai passé beaucoup de temps à analyser la jurisprudence et l'état du droit. La limite ou la ligne de démarcation, c'est ce qui se passe à l'extérieur de l'école, qu'il s'agisse de la cyberintimidation ou d'une bagarre ou peu importe; toutefois, lorsque ce comportement ou ces paroles perturbent considérablement l'environnement d'apprentissage à l'école ou portent atteinte aux droits d'autres élèves, la discipline scolaire doit entrer en jeu. C'est très clair. Or, la question est de savoir à quel point un tel incident constitue une interruption considérable qui brime les droits d'autres élèves.
Selon le jugement rendu en 1969 par la Cour suprême des États-Unis dans l'affaire Tinker v. Des Moines, les élèves ont entre autres le droit de ne pas se faire déranger et de se sentir en sécurité à l'école. Supposons que je sois un élève et que je subisse de la cyberintimidation le soir de la part d'un de mes camarades de classe; je ne me sentirai donc pas en sécurité si je vais à l'école ou je suis intimidé. Dans ce cas, le lien est évident.
Je conviens qu'il serait utile d'avoir une mesure législative qui prévoit clairement une telle disposition. Ici, aux États- Unis, 49 États ont adopté des lois contre l'intimidation. Toutefois, une poignée d'entre elles comprennent un libellé précis qui oblige les écoles — ou, du moins, qui les autorise explicitement — à intervenir pour des comportements adoptés à l'extérieur des cours d'école, même si c'est la règle basée sur la Cour suprême ici aux États-Unis, les causes devant les tribunaux fédéraux et la loi de divers États. C'est la loi, mais il est important de fournir aux éducateurs des renseignements très précis sur les circonstances dans lesquelles ils peuvent intervenir parce qu'il y a tellement d'information erronée qui circule à ce sujet. De nombreux directeurs d'école et enseignants soutiennent que si un incident ne se produit pas à l'école, ils ne sont pas tenus de s'en occuper. C'est manifestement une question préoccupante. Voilà pourquoi, à mon avis, il est sensé de prévoir une telle disposition dans la législation.
La présidente : Il s'agit en quelque sorte de notre dernière audience avant que nous commencions à travailler sur le rapport. Nous essayons de déterminer ce qu'il faut ajouter ou ce dont il faut parler pour que notre rapport soit complet. Un des points que le sénateur White a souvent soulevés est la question de la justice réparatrice. Comme il y a beaucoup de personnes qui nous écoutent, j'aimerais d'abord vous demander de nous expliquer en quoi consiste la justice réparatrice.
Ma question est assez longue. Je vais vous la poser, et vous pourriez peut-être y répondre tous deux. Plusieurs témoins ont insisté sur l'importance d'adopter une approche basée sur la justice réparatrice pour régler les cas de cyberintimidation et d'intimidation. Même les enfants et les jeunes qui ont témoigné devant nous ont dit que l'approche punitive n'est pas la solution. Ils ne le disent pas en ces termes, mais je crois qu'ils semblent préconiser l'approche axée sur la justice réparatrice.
Dans le même ordre d'idées, certains témoins ont indiqué que les approches de tolérance zéro à l'école ne sont pas efficaces auprès des enfants et des jeunes, et ils ont ajouté que le droit pénal ne devrait être appliqué que dans les cas les plus extrêmes.
D'autres témoins encore ont recommandé que le gouvernement fédéral modifie le Code criminel afin de préciser que la cyberintimidation est une infraction qui mérite une sanction pénale. Comme pour n'importe quelle étude, on voit bien qu'il y a un grand nombre de points de vue différents.
L'importance accordée à la justice réparatrice est-elle compatible avec l'idée de modifier le Code criminel? S'il est possible d'accorder la priorité aux pratiques réparatrices tout en modifiant le Code criminel et en reformulant la politique du droit pénal concernant la cyberintimidation, comment doit-on s'y prendre pour procéder à cette réforme?
C'est une longue question, mais voilà les points qui nous donnent du fil à retordre maintenant que notre étude tire à sa fin.
M. MacKay : C'est une question vraiment importante, et je pense que je vais commencer par répondre à votre dernière observation. Je pense qu'on peut et qu'on doit combiner les deux mécanismes. Certains cas extrêmes doivent être traités par l'application de sanctions pénales. On peut soit interpréter les dispositions en vigueur — et il y a un certain nombre d'entre elles qui s'appliquent à la cyberintimidation —, soit ajouter de nouvelles dispositions qui criminalisent la cyberintimidation ou qui utilisent un libellé à cet effet. Je crois que c'est important, mais pour les cas extrêmes.
Quant à savoir ce qu'on entend par justice réparatrice, je vais tenter d'en donner une définition générale. C'est un de ces vieux concepts qui font peau neuve. À bien des égards, une des premières formes de justice réparatrice découle du processus décisionnel des Autochtones, qui préconise la réinsertion du contrevenant dans la collectivité. Même si cet élément n'est pas absolument essentiel à la justice réparatrice, on s'en sert souvent dans des structures comme les cercles de sentence. L'idée principale est d'amener le présumé intimidateur, le contrevenant, à rendre compte non seulement à la victime, mais aussi à sa collectivité afin de lui faire comprendre l'ampleur de ce qu'il a fait et, au bout du compte, afin de le réinsérer dans la collectivité.
Il y a probablement des écoles à bien des endroits, notamment en Nouvelle-Écosse, qui se débrouillent très bien sur ce plan. Une des raisons pour lesquelles cela fonctionne bien, c'est qu'il s'agit, en gros, d'une structure dirigée par les pairs. Ce sont surtout les jeunes — des jeunes fort remarquables — qui utilisent et dirigent des structures et des cercles basés sur la justice réparatrice. Ils reçoivent de l'aide ailleurs, mais ce sont eux qui s'occupent de régler ces cas et ce, avec grand succès. En fait, dans les écoles primaires et secondaires où on utilise des pratiques réparatrices pour essayer de régler des cas moins sévères, on a constaté une réduction du nombre d'infractions et de suspensions. Le changement est donc assez spectaculaire.
Au Royaume-Uni, de telles méthodes ont notamment été utilisées à Hull, et les résultats ont été probants. Comme je suis persuadé que vous le savez, il n'y a pas de méthode miracle, mais une approche réparatrice est l'une des manières les plus encourageantes, parce qu'elle comprend des éléments importants. Elle essaie d'aborder la prévention; elle ne réagit pas seulement après le fait. Elle inclut en grande partie les jeunes en tant qu'acteurs clés, en raison de l'influence des pairs. Elle met également l'accent sur la réintégration. Je crois que c'est vraiment important, et un certain nombre de recommandations dans mon rapport sous-entendent qu'il s'agit de l'une des manières les plus encourageantes et l'une des interventions les plus efficaces en matière de prévention. Cette approche change non seulement la relation avec la discipline, mais aussi le climat à l'école.
Il y a aussi un autre point important. Là où c'est le plus efficace, les autorités adoptent des approches réparatrices en ce qui a trait non seulement à la discipline, mais aussi au fonctionnement de l'école. J'ai visité certaines écoles primaires où l'ensemble de la structure était très démocratique et vraiment axé sur la participation. Si les gens doivent convenir d'un sujet de rédaction, ils s'assoient tous en cercle pour déterminer le sujet et expliquer leurs choix. Voilà comment l'école fonctionne. Il est intéressant de noter que les enseignants, les administrateurs et les élèves ont emboîté le pas. Il n'y a pas eu autant de réticence aux changements que nous aurions pu être portés à le croire. Ce n'est pas la solution miracle, mais c'est une approche vraiment importante à adopter.
Le sénateur Meredith : Monsieur MacKay, merci beaucoup de votre réponse. Permettez-moi de seulement ajouter ceci. Nous avons entendu plusieurs témoins nous parler de l'absence des parents. Quel est le rôle des parents dans un tel processus réparateur? Il y a une certaine absence. Nous avons entendu parler du soutien pour certaines victimes d'intimidation. D'autres ont affirmé n'avoir reçu aucun soutien des administrateurs et des autres intervenants. Je conviens qu'il y a lieu d'avoir des approches réparatrices. Toutefois, d'après vous, quel sera le rôle des parents à mesure que nous progresserons? Dans tout système, si un élément n'est pas renforcé à la maison, il y a une rupture.
M. MacKay : Absolument. C'est un point très important. Merci de votre question. Dans les meilleures approches réparatrices, les parents sont inclus en tant que membres pertinents du milieu de vie. Dans un monde idéal, même si c'est difficile, il faut inclure dans ce groupe non seulement les parents de la victime, qui a besoin de soutien, mais aussi les parents de l'enfant qui intimide, parce que ce sont ces parents qui ne sont pas souvent inclus et qu'ils pourront ainsi en être conscients et le renforcer à la maison.
Ailleurs dans le rapport, nous affirmons en fait que c'est le devoir — il ne s'agit pas vraiment d'une obligation; ce n'est pas une énorme peine — des parents de superviser les activités en ligne et les autres activités de leurs enfants à la maison. C'est un gros défi qui exige de connaître la technologie. Il s'agit d'une obligation proactive, parce que cela revient à la question de la responsabilité que j'ai soulevée plus tôt; tout le monde doit être responsable pour changer cette dynamique. Ils doivent le faire, mais il faut ensuite les considérer comme des membres du groupe qui participe aux approches réparatrices et à la prise de décision. Ils doivent jouer ces deux rôles. Ils devraient avoir une certaine obligation, mais il faut les aider à connaître raisonnablement bien la technologie et les médias sociaux. Ils devraient rendre des comptes aux écoles. Ils devraient également prendre part aux approches réparatrices en tant que membres du milieu de vie.
La présidente : Monsieur Patchin, avant de répondre aux questions, j'aimerais vous rappeler que le sénateur Meredith et moi-même vous avons demandé de donner au public votre brève définition de la justice réparatrice.
M. Patchin : Je crois que M. Mackay a fait un très bon travail. De mon point de vue en ma qualité de criminologue, le système de justice pénale est très punitif, à savoir que nous pénalisons, punissons et rendons une personne responsable de ses actes. Le système est vraiment axé sur le délinquant, particulièrement aux États-Unis. Une personne a commis un acte; il faut la jeter en prison, lui imposer une amende ou la punir d'une certaine façon. Le système ne tient absolument pas compte des autres. Les agents de police ne sont pas formés pour s'occuper des victimes ou des autres entités qui ont peut-être été lésées par le comportement du délinquant. L'accent est vraiment mis sur l'auteur. La justice réparatrice promet, parce qu'elle cherche à faire participer tout le monde et à rétablir la situation et les relations d'une façon qui tient compte de ce qui a été fait et du point de vue des gens concernés en ce qui a trait à la façon d'aborder la situation.
La justice réparatrice est un programme et un terme à la mode aux États-Unis, et cela fait 10 ou 15 ans que ça dure. Si nous disons qu'il faut utiliser une justice réparatrice, j'ai peur qu'on se retrouve avec un modèle dilué. On se retrouvera avec des gens qui utiliseront une justice réparatrice sans savoir ce qu'ils font. Il est possible de causer du tort, parce qu'il faut des administrateurs bien formés à ce sujet. En gros, on place la victime et l'auteur dans la même pièce. Il faut idéalement tenir l'auteur responsable de ses actes, tandis que la victime et les gens qui l'appuient sont présents. Si c'est fait de manière inappropriée, cela peut venir envenimer considérablement la situation.
Une médiation entre la victime et l'auteur n'est pas la seule forme de justice réparatrice. Il y a des groupes sur les répercussions sur les victimes, et bien d'autres choses peuvent être faites. J'essaye tout simplement de dire que c'est une approche qui promet beaucoup. Certains programmes sont mis en œuvre aux États-Unis, mais le Canada est beaucoup plus progressif à cet égard, et nous devons apprendre de votre expérience.
Je ne me rappelle plus si je l'ai mentionné la première fois que je suis venu témoigner devant vous, mais nous avons vraiment besoin de la recherche. Je sais que les provinces et les écoles accomplissent de grandes choses en ce qui a trait à la justice réparatrice. En tant que chercheur et spécialiste en sciences sociales, je veux voir des données et des évaluations des résultats en ce qui concerne les victimes, parce que vous avez rencontré beaucoup de ces élèves, comme vous l'avez mentionné. Il nous serait très utile de savoir s'ils croient que le processus de réparation leur a été utile, que l'intimidation a diminué et qu'ils se trouvent dans un milieu scolaire qui les appuie davantage. Pour ce qui est des auteurs, j'aimerais savoir s'ils se sont sentis responsables et s'ils ont pu reprendre normalement leur vie sans être traités différemment à l'école. À mon avis, il y a beaucoup de questions que nous ne connaissons pas, mais cela revient justement à ce que je cherche, soit une boîte à outils. Je cherche plusieurs options différentes disponibles aux parties concernées. La justice réparatrice est un outil, et l'adoption d'une mesure pénale, dans les cas extrêmes, en est un autre. Nous avons besoin d'un ensemble de conséquences et de mesures correctives à l'école, dans le milieu familial et dans la collectivité. Nous ne dépendrons ainsi pas des politiques de tolérance zéro qui menacent d'expulser un élève qui intimide, parce que ce n'est pas nécessaire dans la vaste majorité des cas d'intimidation et de cyberintimidation. Que pouvons-nous faire d'autre?
Il faut établir une liste d'options prometteuses et fournir les ressources aux écoles pour les mettre en œuvre et ensuite les examiner pour en apprendre. Nous pouvons prendre les 5 ou 10 prochaines années pour formuler les pratiques exemplaires à cet égard, au lieu de laisser les écoles s'en occuper au cas par cas, parce que j'entends des histoires sur des écoles partout au pays et à l'étranger qui ont d'excellents programmes et des éléments prometteurs. Toutefois, en tant que spécialiste en sciences sociales, je ne peux pas les recommander sans réserve, tant que nous n'avons pas de données qui prouvent que cela améliore le comportement, les opinions et le sentiment de sécurité à l'école.
La présidente : Qu'avez-vous à dire au sujet de la question du sénateur Meredith quant au rôle des parents dans la justice réparatrice?
M. Patchin : Je crois moi aussi que les parents sont concernés. Selon moi, la clé à cet égard est que les parents de l'auteur présumé et ceux de la victime participent à tous les aspects du processus. Du point de vue du droit criminel, pour déterminer si c'est nécessaire d'adopter une mesure législative, il faut savoir si les parents ont fait preuve de négligence et s'ils savaient que leurs enfants posaient des gestes illégaux ou inappropriés et qu'ils les laissaient faire ou qu'ils ont fait mine de ne rien voir.
J'ai participé il y a plusieurs années à l'évaluation d'un programme sur la fréquentation scolaire aux États-Unis des enfants de niveau primaire, soit de six à huit ans. Certains de ces enfants manquaient de 20 à 25 p. 100 du calendrier scolaire. Si un enfant de six ou sept ans manque une journée d'école, il y a clairement une certaine influence parentale. Ce n'est pas comme s'ils se faufilaient par la porte d'en arrière pour aller jouer avec leurs amis. Si nous comprenons ce qui pousse ces enfants vers la cyberintimidation et que nous déterminons si les parents y sont pour quelque chose, nous pourrons déterminer s'il y a une responsabilité.
Le sénateur White : Merci de vos exposés. J'ai été heureux de vous entendre faire allusion à la justice réparatrice. Au Canada, la justice réparatrice fait partie du Code criminel depuis 1985 en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants. Ce n'est rien de nouveau, même si nous agissons parfois comme si ce l'était.
Ma question porte sur le prolongement en dehors du cadre scolaire. Il y a des affaires canadiennes concernant les droits de la personne qui ont déterminé que le milieu de travail inclut la vie familiale et même les activités privées comme des tournois de golf. Cela ne s'appliquerait-il pas de la même façon au milieu scolaire?
M. MacKay : C'est une très bonne analogie, et je suis d'accord avec le point de M. Patchin. Selon les avocats et les criminologues, je crois que la loi est relativement claire à ce sujet, à savoir que c'est le cas. Par contre, le problème est que ce n'est pas ainsi que c'est perçu par les écoles et les commissions scolaires. Cela semble être le cas au Canada, aux États-Unis et ailleurs. Le milieu scolaire a tendance à y résister, même si je crois que c'est l'état du droit dans les affaires sur le milieu de travail et dans Tinker v. Des Moines à laquelle M. Patchin a fait référence. Il y a aussi une affaire de la Cour suprême du Canada, soit l'affaire Malcolm Ross, Ross c. District scolaire no 15 du Nouveau-Brunswick, qui porte sur l'obligation d'avoir des écoles sécuritaires, ce qui veut dire qu'il faut aborder certains éléments externes.
Il reste un dernier point évident. S'il y a une bagarre de l'autre côté de la rue — les jeunes sont sortis du terrain de l'école et se sont battus —, personne ne dirait que l'école ne peut rien y faire, parce qu'ils sont de l'autre côté de la rue, mais qu'elle pourrait intervenir s'ils étaient sur le terrain de l'école. Cependant, parce que l'ensemble de l'école les a regardés se battre, les autorités ne pouvaient rien faire. C'est certain qu'elles peuvent intervenir.
C'est le même principe qui s'applique s'il s'agit de cyberintimidation.
Le sénateur White : Il faudra peut-être attendre une poursuite au civil contre une commission scolaire.
J'ai un commentaire pour notre ami américain. Si vous le voulez, visitez le site web de la NSRJ-CURA. On y trouve d'excellentes données. Chaque fois que vous venez témoigner, vous mentionnez la recherche. Cet organisme a d'excellentes recherches sur les programmes scolaires relativement à la justice et à la réussite en milieu scolaire.
Le sénateur Ataullahjan : Ma question a partiellement été répondue, mais je tiens tout de même à la poser. Lors de nos audiences, nous avons entendu des jeunes nous dire qu'une loi contre la cyberintimidation ne serait pas efficace, tout simplement parce qu'ils ne croient pas que les lois les touchent. Ils ont plutôt donné leur appui à des mesures qui font en sorte que l'auteur réfléchisse à ce qu'il a fait, comme les programmes de sensibilisation ou les travaux communautaires. Nous l'avons entendu encore et encore.
Selon vos recherches respectives, seriez-vous d'accord avec cela? Nous recommanderiez-vous d'ériger en crime la cyberintimidation?
M. MacKay : Je vais vous répondre en premier. À mon avis, une telle disposition dans le Code criminel aurait sa raison d'être. Tout comme les écoles et les commissions scolaires, je crois comprendre que beaucoup de policiers pensent que les dispositions actuelles du Code criminel ne sont pas adéquates. En ma qualité d'analyste juridique, je ne suis pas certain d'être d'accord avec cela. Il y a des éléments relatifs au libelle diffamatoire, à l'intimidation, au harcèlement criminel et aux voies de fait, soit des éléments qui peuvent être appliqués. Par contre, il y a parfois un aspect relatif à l'éducation.
Dans les cas extrêmes, je crois qu'il serait pertinent de nous demander si nous ne devrions pas ériger en crime la cyberintimidation. Cependant, j'aimerais encore une fois dire que les jeunes ont partiellement raison. Si c'était la seule mesure, ce ne serait pas suffisant. Toutefois, je crois que c'est nécessaire dans certains cas. Malheureusement, certains intimidateurs et cyberintimidateurs ne modifieront pas leur comportement si nous utilisons la manière douce axée sur l'intégration. Beaucoup le feront, mais ce ne sera pas le cas de tous.
Il y a des cas vraiment scandaleux où quelque chose doit être fait. Je vais vous donner un exemple dramatique. Le groupe de travail en Nouvelle-Écosse a en partie été créé à la suite des suicides très médiatisés et très tragiques de trois jeunes femmes. Assez récemment, une personne qui a été identifiée et traquée a en fait dit que lui et son groupe de 15 Canadiens de partout au pays ont réussi à forcer ces jeunes femmes à se suicider, qu'ils les avaient convaincues de le faire et qu'ils avaient maintenant d'autres personnes dans leur mire.
La police a lancé une enquête et a été en mesure de localiser la personne qui a publié cela sur Facebook. Elle a conclu qu'elle ne pouvait rien faire, du moins, pour le moment. Je trouve cela troublant. La GRC et le service de police local ont dit qu'ils ne pouvaient pas s'en occuper selon le cadre actuel. Si c'est vrai qu'ils ne peuvent pas s'en occuper, je suis donc d'avis qu'il nous faut trouver un moyen de pouvoir le faire.
C'est également l'un de ces commentaires très troublants dont les gens ressentent le besoin de se vanter sur Facebook, soit d'avoir réussi à convaincre trois jeunes femmes de se suicider et d'avoir d'autres victimes potentielles en vue. Vous avez peut-être visionné le documentaire sur l'intimidation, dans lequel des gens s'en prenaient à un jeune qui s'est finalement pendu aux États-Unis. Ils se sont présentés à l'école avec des nœuds coulants autour du cou et ils s'en attribuaient le mérite. Il y a un épouvantable système de valeurs en place.
Dans de tels cas extrêmes, je ne suis pas certain que les approches réparatrices suffisent. Des sanctions pénales ont également leur raison d'être.
M. Patchin : Je suis d'accord. Dans de rares cas, il pourrait être nécessaire d'en faire un acte criminel. Comme on l'a mentionné, nous avons, du moins ici, aux États-Unis, des lois pénales contre le harcèlement et les voies de fait, et même contre les voies de fait criminelles, même s'il n'y a pas de préjudice corporel. Il y a toute une gamme de recours civil possibles, mais les poursuites sont coûteuses.
Dans les cas extrêmes, des dispositions pénales sont nécessaires. Cela judiciarise également le problème.
Je suis d'accord aussi avec les jeunes à qui vous avez parlé. Nous savons, après des décennies de recherches criminologiques sur la dissuasion, qu'en général, une loi ne suffit pas à dissuader les gens, et surtout les adolescents, ou à faire cesser leur comportement criminel. Il y a 12 ans, j'ai rédigé un document dans lequel je demandais aux jeunes s'ils étaient susceptibles de se faire arrêter s'ils fumaient de la marijuana ou s'ils faisaient différentes choses. Je leur ai ensuite demandé s'ils faisaient ces choses, en pensant que leur comportement serait influencé par le fait qu'ils croyaient ou non qu'ils se feraient arrêter et punir, mais il n'y avait aucune corrélation. Ils ne pensaient tout simplement pas se faire arrêter ou punir.
La dernière chose que je veux, c'est que la police entre dans ces écoles, passe les menottes à ces jeunes et les jette en prison parce qu'ils se sont livrés à de l'intimidation, car ce n'est pas nécessaire dans la majorité des cas.
Pour trouver la solution, il faut penser à ce que souhaite la victime. Que souhaite la personne qui est la cible d'intimidation ou de cyberintimidation? Elle souhaite tout simplement que l'intimidation cesse. Dans certains cas, cela peut se traduire par des sanctions à l'école. La personne qui commet des actes d'intimidation sera peut-être punie à la maison. Ou on utilisera peut-être la menace d'une action juridique.
C'est pourquoi il nous faut, à mon avis, un éventail de solutions afin qu'idéalement, on commence par tenir les personnes qui commettent des actes d'intimidation responsables, leur faire comprendre que ce qu'ils font est mal — cela pourrait être illégal, et c'est certainement immoral — et qu'ils doivent cesser de le faire pour toutes sortes de raisons. S'ils ne comprennent pas et continuent, ou si les gestes d'intimidation s'intensifient, alors on doit aussi accroître les mesures.
Des jeunes me disent presque tous les jours que la raison pour laquelle ils ne parlent pas aux adultes de leurs problèmes de cyberintimidation, c'est qu'ils ne croient pas que cela va faire cesser les comportements et, pire encore, qu'ils pensent que l'intimidation ou la cyberintimidation va empirer. Il nous faut intervenir en tant qu'adultes d'une façon qui mettra fin à ces comportements.
Encore une fois, j'espère que dans la plupart des cas, on n'aura pas à avoir recours à des dispositions pénales. Toutefois, lorsqu'on a tout essayé ou qu'il s'agit d'une forme particulièrement grave de cyberintimidation, qui entraîne peut-être le décès de la personne qui en est victime, alors la responsabilité criminelle pourrait être requise.
Le sénateur Ataullahjan : J'ai une autre question à vous poser, monsieur MacKay. Vous avez mentionné dans votre rapport que les modèles les plus importants dans la vie des enfants, ce sont leurs parents. Les jeunes doivent recevoir de la formation numérique avant d'utiliser Internet. Toutefois, puisqu'ils sont des natifs de l'ère numérique, ils ont souvent plus de connaissances que leurs parents dans ce domaine. Je parle à des parents de la cyberintimidation, et ils me demandent souvent de quoi il s'agit. Il est étonnant de voir combien de personnes ignorent qu'il s'agit d'un problème important. Cela signifie qu'ils ne parlent pas suffisamment avec leurs enfants.
Pour les parents qui nous écoutent, et pour notre rapport futur, pourriez-vous nous dire ce que les parents peuvent faire pour favoriser une utilisation sécuritaire d'Internet? Qu'arrive-t-il lorsqu'ils ne sont pas conscients des risques auxquels sont exposés les enfants?
M. MacKay : Encore une fois, c'est un point très important. Cela fait partie du problème. De façon générale, ce n'est pas que les parents ne s'en soucient pas et ne veulent pas intervenir, mais souvent, ils ne savent pas quoi faire. Comme vous le dites, ils ne connaissent pas la cyberintimidation et l'Internet. Personnellement, j'ai beaucoup appris grâce à des jeunes de notre groupe de travail, qui m'ont parlé des sites web et des autres choses que l'on trouve sur Internet.
Nous recommandons notamment que les parents reçoivent du soutien; il leur faut des programmes éducatifs. Bien des gens pourraient les aider, mais pour eux, l'école constituerait un bon point de départ pour apprendre les rudiments de la technologie et les caractéristiques positives et négatives d'Internet. L'Internet est un outil positif à bien des égards, mais il a aussi son côté négatif. Ils doivent être informés.
Les élèves doivent ensuite apprendre, à la maison ainsi qu'à l'école, à être de bons citoyens numériques. Je ne sais pas si l'on enseigne encore la citoyenneté dans les écoles, même si je pense que nous le faisons à certains égards. Quoi qu'il en soit, nous avons aussi besoin de la citoyenneté numérique pour qu'ils sachent comment se comporter de façon respectueuse et responsable sur Internet.
Je me suis aussi rendu compte, grâce à mon expérience et à mon immersion dans ce domaine au cours de la dernière année, que c'est à bien des égards une réalité plus importante pour les jeunes que le monde beau et ensoleillé qui est à l'extérieur, le monde réel; pour bon nombre d'entre eux, le monde virtuel est tout aussi important, sinon plus. Mais il leur faut savoir comment ils se comportent, comment ils doivent se comporter, ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas.
C'est le genre de chose, en un sens, que les parents ont toujours enseigné. À certains égards, les parents et les adultes — j'en suis un bon exemple — amplifient peut-être le problème.
Il existe encore des valeurs élémentaires comme le respect, la responsabilité et l'esprit de communauté et de responsabilisation. Le moyen et la tribune sont différents, mais nous devons enseigner aux enfants comment être de bons citoyens et de bons êtres humains sur Internet, tout comme nous l'enseignons aux gens. Vous avez dit qu'il serait pour nous impensable de laisser des étudiants conduire une voiture sans qu'ils aient reçu une formation, mais que nous leur donnons un ordinateur et les laissons se débrouiller. Nous ne faisons rien pour contrer les risques et les dangers et pour que les jeunes utilisent ce puissant outil d'une façon appropriée.
M. Patchin : Cela ne m'étonne pas que l'on parle ici des parents. À mon sens, il s'agit probablement du plus grand défi. Nous pouvons élaborer des lois et mettre en place des politiques dans les écoles, mais il est difficile d'obliger les parents à être de bons parents. La majorité le sont, mais ce sont les 2 ou 5 p. 100 qui ne le sont pas qui, pour nous, posent problème.
En général, je pense qu'il est important pour les parents de développer une relation positive avec leurs enfants afin que les enfants se sentent à l'aise de leur parler des problèmes auxquels ils sont confrontés, que ce soit en ligne ou hors ligne — il va sans dire que de nos jours, c'est surtout en ligne — et de ne pas réagir de façon irréfléchie à ces problèmes.
Les adolescents craignent de dire à leur mère qu'un élève de leur école leur envoie des messages textes méchants, parce qu'elle va leur enlever leur téléphone cellulaire afin qu'ils ne reçoivent plus ces messages. Cela ne fait qu'aggraver le problème, car ils n'ont plus accès à leur appareil. Il faut que les parents expliquent à leurs enfants qu'ils vont les écouter, essayer de comprendre leur problème et intervenir de façon appropriée et, idéalement, avantageuse pour eux.
Il est important pour les parents d'utiliser aussi cette technologie. Je rencontre des parents deux ou trois fois par semaine dans différentes écoles et je leur dis qu'ils doivent naviguer sur Internet. Si leur enfant a un compte Facebook, ils doivent eux aussi avoir un compte Facebook. Ils me disent qu'ils n'ont pas le temps; je leur réponds que si leur enfant utilise Facebook, ils ne peuvent se permettre de ne pas utiliser Facebook. Ils doivent avoir une connaissance de base de la technologie; leur enfant peut les aider à ce chapitre. Ils pourront à leur tour aider l'enfant à comprendre les règles de base du bon sens, comme de ne pas afficher des photos inappropriées, son numéro de téléphone, son adresse ou toute information qui pourrait être utilisée pour faire de l'intimidation ou du harcèlement.
Comme l'a dit M. MacKay, il est essentiel d'enseigner ces valeurs, le respect, l'intégrité et le bon comportement, que ce soit en ligne ou hors ligne. Peu importe où cela se passe. En tant que parents, nous devons leur inculquer ces valeurs. Le problème, c'est d'inclure cela dans une loi. Comment forcer les parents à faire cet apprentissage? J'ai présenté des exposés dans plus de 50 écoles l'an dernier, et dans la plupart, j'ai aussi fait des exposés pour les parents. En moyenne, de 15 à 20 parents sont venus aux rencontres. On peut faire participer les écoles et donner l'occasion aux parents d'apprendre ces technologies et les problèmes qui en découlent, mais à moins que leur enfant ait vécu une telle expérience, bien souvent, ils ne se présentent pas aux rencontres. C'est un défi colossal, et je n'ai pas de solution à ce chapitre.
M. MacKay : J'ajouterai un point pour faire suite aux observations de M. Patchin. Il y a un autre rôle important que les parents doivent jouer, soit celui de modèles adultes. Nous mettons l'accent sur les jeunes, mais ils n'ont pas le monopole de l'intimidation. Ils reproduisent souvent les mauvais comportements des adultes et, dans certains cas, des parents qui utilisent l'intimidation. Les parents ont la responsabilité de ne pas se comporter de façon intimidante. S'ils intimident l'enseignant lorsqu'ils assistent à une rencontre parent-enseignant, c'est ce que l'enfant retient. Dans le rapport, je parle de modèles auxquels s'identifier; il y a des adultes qui ne s'acquittent pas très bien de ce rôle. C'est un autre élément essentiel. Il faut prêcher par l'exemple. Les jeunes sont perspicaces. L'important, c'est ce qu'on fait, et non ce qu'on dit.
Une étude pancanadienne a révélé que la principale raison pour laquelle les jeunes n'avouaient pas aux adultes, y compris à leurs parents, qu'ils étaient victimes d'intimidation ou de cyberintimidation n'est pas celle que l'on croit, soit que cela va être encore pire; c'est plutôt la crainte de ne plus pouvoir avoir accès à l'Internet. Les jeunes pensent que s'ils le disent à leurs parents, ils devront se débrancher et ne pourront plus utiliser l'Internet. Les enfants préféreraient supporter l'intimidation plutôt que d'être privés de cette importante réalité. L'étude est assez récente; elle a été menée dans les deux ou trois dernières années. C'était donc la principale raison. Mmes Wendy Craig et Debra Pepler ont effectué une étude pancanadienne sur les raisons pour lesquelles les jeunes n'en parlaient pas aux adultes, y compris à leurs parents, et la réponse attendue ne tient plus.
Le sénateur Ataullahjan : Dans votre étude, vous parlez d'un élève de neuvième année qui disait que confier ce genre de chose à ses parents est gênant et ne sert à rien. Les jeunes préfèrent parler à leurs pairs, qui ne savent peut-être pas comment réagir à la situation.
Une chose est ressortie clairement pour moi dans cette étude : les enfants veulent la participation de leurs parents. Vous le savez sans doute, puisque vous avez parlé aux enfants. Ils ont dit à maintes reprises vouloir l'intervention de leurs parents. Que devons-nous faire? Quelle recommandation pourrions-nous formuler à ce sujet?
J'ai une petite anecdote qui montre à quel point tout est instantané de nos jours. Ma fille assistait à un mariage. Lorsqu'elle est revenue à la maison, une heure et demie plus tard, quelqu'un avait déjà publié une photo sur Facebook, et une dizaine de personnes avaient déjà laissé un commentaire. Cela montre à quel point tout est instantané.
M. MacKay : Exactement. C'est tout à fait vrai. Les photos ont probablement été envoyées durant la cérémonie; c'est ainsi que le monde fonctionne.
Comme nous l'avons dit tout à l'heure, il faut reconnaître la valeur de la participation des parents et les inclure lorsque c'est nécessaire. Le plus important, c'est probablement de leur donner les outils dont ils ont besoin. Comme l'a dit M. Patchin, la communication entre l'enfant et le parent est primordiale, que ce soit en ligne ou non. Dans certains cas, cela crée des moments propices à l'apprentissage. Si quelque chose se produit en ligne, il faut pouvoir en discuter avec les jeunes. Pour cela, les parents doivent avoir les outils et la confiance nécessaires pour engager la conversation et être présents sur Facebook. Il leur faut être suffisamment à l'aise avec la technologie pour le faire. C'est tout un défi pour les parents. J'ignore si ce sont les services communautaires ou les ministères de l'Éducation des provinces, mais quelqu'un quelque part ne fournit pas ces services. On ne les offre pas autant qu'on le devrait aux enseignants, aux élèves et aux parents, en particulier aux parents âgés. C'est en train de changer, car les parents ont grandi; ils sont des natifs plutôt que des immigrants du numérique et ils ont appris à utiliser leur langage en fonction de l'âge. Cependant, il y a encore bien des gens qui ne sont pas à l'aise dans ce domaine et qui doivent remédier à la situation. Cela ne veut pas dire qu'ils doivent être aussi bons que leurs enfants, mais ils doivent pouvoir discuter de ces questions avec eux. Il est essentiel de leur fournir ce soutien.
Il est important de mettre l'accent sur la responsabilité parentale, car il y a des limites à ce que peuvent faire les écoles et la police. Au bout du compte, les parents ont un rôle vital à jouer, comme l'indique notre rapport, en ce qui concerne l'attitude, le comportement et la conduite des enfants. Le fait que cela se passe en ligne ne change rien à cette équation simple.
M. Patchin : Je suis d'accord. L'essentiel, c'est de faire participer les parents aux activités en ligne de leurs enfants dès leur jeune âge; mais je ne sais pas comment on peut le faire. Je n'ai pas de recette rapide et facile, sauf peut-être de les sensibiliser et de leur montrer à quel point ces technologies sont de puissants outils. Par exemple, beaucoup d'adultes en viennent à utiliser diverses technologies en ligne, comme les réseaux sociaux. Dans certains sites de réseautage social, dont Facebook, on constate que le segment qui croît le plus rapidement est celui des personnes âgées qui ne voulaient pas utiliser ces réseaux, mais qui en voient maintenant les avantages. Ils ont peut-être besoin de plus d'encouragement pour faire l'apprentissage de la technologie. Nous sommes à une époque intéressante, car les parents des 10 à 15 prochaines années auront des compétences de base en technologie. Il sera intéressant de voir comment cela façonnera le rôle qu'ils joueront dans la vie de leurs enfants et s'ils interviendront plus rapidement par rapport à leurs comportements.
La clé consiste à faire en sorte que les parents soient présents dans l'univers en ligne de leurs enfants. Je ne sais tout simplement pas comment le comité pourrait favoriser cela. Là réside la difficulté.
Le sénateur Harb : Vous avez tous les deux abordé légèrement la question des modifications à la nature criminelle, par une mesure législative ou autrement. Il me semble que c'est presque comme si on frappait un petit insecte avec une masse. Nous avons surtout affaire à des jeunes de septième, huitième et neuvième années. Nous pouvons modifier toutes les lois du monde, mais elles ne s'appliquent tout de même pas aux mineurs. Il faut faire autre chose, c'est-à-dire s'occuper de l'outil comme tel.
On a maintes fois entendu que dans certains cas, ces jeunes — le délinquant et la victime — sont d'excellents amis. Il me semble que le problème, c'est l'outil. C'est Internet, l'outil en soi, qui est la cause du problème. Quelles mesures précises pouvons-nous prendre pour nous attaquer à la source réelle du problème, c'est-à-dire l'outil?
M. MacKay : Premièrement, je pense que vous avez raison, mais j'apporterais une petite précision. En fait, le problème n'est pas Internet, mais la façon dont il est utilisé. Quoi qu'il en soit, Internet est une bonne chose. Les avocats ont la fâcheuse habitude de couper les cheveux en quatre, et je m'en excuse à l'avance. Il y a un petit détail. En fait, le Code criminel s'applique, mais il s'applique d'une autre façon, c'est-à-dire en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Les peines et les structures sont différentes. Toutefois, cela ne change en rien le fondement de votre question.
Pour revenir au Code criminel, l'important n'est pas seulement d'appliquer le Code criminel et de demander à des policiers d'aller dans les écoles — parce qu'il s'agit, espérons-le, d'une mesure rare — ou de faire en sorte qu'il s'applique. La sanction pénale est une mesure radicale qui, en quelque sorte, est comparable à utiliser une masse pour tuer une mouche. C'est parfois nécessaire; donc, il faut parfois que cette mesure existe.
L'autre aspect d'une loi pénale ou de toute autre loi est son volet éducatif. Dans nos lois — et le Code criminel est l'une des plus importantes —, nous indiquons ce qui est ou n'est pas un comportement acceptable. Voilà une autre des raisons pour lesquelles j'ai fait valoir, en Nouvelle-Écosse, que l'on devait inscrire cela dans la loi elle-même. Certaines provinces l'ont fait. On en souligne l'importance si c'est stipulé dans une mesure législative ou dans le Code criminel plutôt que dans une politique, des lignes directrices ou quelque chose du genre.
Ce n'est pas une chose que les élèves comprennent nécessairement d'entrée de jeu. Cependant, une des parties de la citoyenneté numérique, c'est d'être en mesure de dire qu'utiliser Internet de façon abusive est grave, à un point tel que cela constitue une infraction criminelle et que des choses graves peuvent se produire.
Permettez-moi de vous donner un exemple qui s'est produit à l'échelle locale, même si je suis certain que cela s'est produit ailleurs. L'an dernier, autour de la période des Fêtes, plusieurs jeunes d'une école secondaire ont envoyé des photos de nudité par message texte. Parmi les jeunes femmes de 13 et 16 ans, une sur cinq a envoyé des photos de nudité ou de nudité partielle, ce qui est une statistique plutôt surprenante lorsqu'on pense au danger que cela représente et à ce dont les gens doivent être au courant.
Cela pourrait avoir un bon ou un mauvais côté, mais l'une des mesures qui ont été prises a été de demander aux policiers de tenir une séance d'information à l'école. Les policiers ont indiqué aux jeunes qu'étant donné que les photos étaient des photos de mineurs, ils distribuaient de la pornographie juvénile, ce qui est une infraction grave au Code criminel. Ils ont été stupéfaits. Je ne sais pas si cela permet de résoudre complètement le problème, mais il faut les renseigner sur le fait que ce qu'ils font n'est pas convenable, que c'est un manque de respect, et cetera. La distribution constitue une infraction grave au Code criminel. Techniquement, dès que vous envoyez une photo d'un mineur à quelqu'un d'autre, vous distribuez de la pornographie juvénile, ce qui est un crime grave. Il y a la valeur éducative. Vous avez raison, nous n'y aurons pas recours pour emprisonner les gens, mais cela a une valeur éducative importante.
M. Patchin : Je pense que nous devons organiser une série de réunions distinctes sur la question des messages de nature sexuelle et de la pornographie juvénile, parce que c'est un très grave problème. Je n'aborderai pas la question de la nature criminelle, parce qu'à mon avis, M. MacKay a raison. Voilà pourquoi nous avons besoin de cet élément. Il s'agit d'un outil radical, et nous espérons y recourir rarement. Je pense aussi — tant à l'échelle fédérale qu'à l'échelle provinciale — qu'il convient d'utiliser un langage précis dans la loi qui rappelle ou indique aux écoles canadiennes qu'elles sont habilitées à intervenir si de tels comportements ont lieu ailleurs qu'à l'école.
Ici, aux États-Unis, beaucoup d'États adoptent des lois qui indiquent que l'intimidation et la cyberintimidation sont de mauvaises choses, mais en restent là. À mon avis, le plus important est de fournir des ressources à ces écoles. On dit que les écoles doivent s'attaquer à ce problème, mais on ne leur fournit pas la formation, l'argent, le personnel ou les ressources additionnelles pour le faire. La loi pourrait avoir un rôle à jouer à cet égard, en plus de la disposition sur la nature criminelle à laquelle il est à espérer qu'on aura peu recours.
Le sénateur Harb : Ma dernière question est la suivante : avez-vous fait des études pour savoir pourquoi nous avons une courbe normale pour les élèves de septième, huitième et neuvième années, où l'on retrouve la majorité des cas de cyberintimidation? On observe une diminution abrupte du nombre de cas après la 10e année, et il y en a très peu avant la septième année. Je réfléchis à voix haute, en ce moment. Est-ce, d'une façon ou d'une autre, lié au fait que lorsqu'on arrive en sixième année, on entre au secondaire, en marge de la population générale, et que soudainement, c'est la loi du plus fort qui prévaut?
M. MacKay : C'est une analyse darwinienne intéressante; les blessés les plus graves sont déjà éliminés, ce qui est peut-être le cas. Parmi les répercussions importantes de l'intimidation — à l'exception des cas extrêmes de suicide, notamment —, il y a le décrochage et la baisse du rendement scolaire. En fait, ce n'est qu'une partie de ce qui se produit. Les élèves décrochent et, dans certains cas, c'est vrai tant pour la personne qui commet l'acte d'intimidation que pour la victime. C'est une partie de la réponse.
À cet égard, la Nouvelle-Écosse est peut-être l'exception à la règle, mais nous avons effectué un sondage en ligne auprès de 5 000 personnes. En réalité, les augmentations observées touchaient les extrémités de la courbe. Les élèves du premier cycle du secondaire étaient toujours les plus touchés, il y avait une augmentation chez les élèves du primaire et du secondaire. Nous sommes peut-être l'exception à la règle, mais la courbe semblait s'aplanir quelque peu en Nouvelle-Écosse.
Je ne suis pas un psychologue spécialiste de ces questions, mais cela mis à part, je pense que c'est partiellement lié à la question de l'appartenance. Faire partie du groupe est important tout au long du parcours scolaire, mais jamais comme au premier cycle du secondaire, probablement. Au primaire, il se passe d'autres choses, tandis qu'au secondaire, votre identité se précise et elle est bien établie. À certains égards, le besoin d'inclusion, de respect et d'appartenance à la communauté scolaire est probablement plus important au premier cycle du secondaire.
Je n'ai pas de statistiques réelles à cet égard, mais cela pourrait être l'autre raison. Je pense que l'une des répercussions les plus néfastes de l'intimidation est l'ostracisme. De l'extérieur, on vous considère déjà comme différent, et cela sera renforcé par l'intimidation et la cyberintimidation; d'autres se mettront de la partie en indiquant en ligne qu'ils aiment le commentaire. De simples observateurs donnent leur appui et vous êtes de plus en plus marginalisé. Bien que cela soit important en tout temps, ce l'est probablement encore plus au premier cycle du secondaire.
M. Patchin : Je suis d'accord. J'ai posé cette question à beaucoup d'éducateurs. Qu'y a-t-il de particulier par rapport aux élèves de sixième, septième et huitième années? Il y a plus d'intimidation, de cyberintimidation et d'autres problèmes. En fait, j'ai posé la question suivante : alors que l'usage de la technologie s'étend aux élèves plus jeunes, verrons-nous davantage de cyberintimidation en cinquième année, en quatrième année? Beaucoup d'éducateurs de sixième, septième et huitième années auxquels je parle — des conseillers, des enseignants, des directeurs — répondent que non, cela touchera toujours les élèves de sixième, septième et huitième années. Ces élèves ont aussi quelque chose d'unique sur le plan du développement et d'un point de vue, biologique, chimique et psychologique.
Nous voyons des gens être victimes d'intimidation ou de cyberintimidation parce qu'ils sont différents ou perçus comme tels. Pendant l'adolescence, et surtout pendant la phase intermédiaire de l'adolescence, il y a tellement de changements que l'on peut trouver à peu près n'importe quelle excuse pour dire qu'une personne différente, ce qui devient une question des uns contre les autres. Il y a tellement de facteurs d'ordre psychologique et sociologique. Cela souligne certainement l'importance des programmes de dépistage précoce et de prévention. Je parle toujours de ces problèmes aux élèves de troisième et quatrième années dans l'espoir que les problèmes qu'ils devront peut-être affronter en sixième, septième et huitième années, pourraient être aplanis.
Le sénateur Ataullahjan : Je viens de me rendre compte qu'un aspect dont nous n'avons pas parlé, c'est qu'en Ontario, il y a des conseils de parents et des comités consultatifs des écoles. J'ai participé activement à des conseils de parents. Lorsque nous pensions que le sujet était d'une importance telle que les autres parents devraient être au courant, nous organisions une réunion pour les informer. Avez-vous envisagé quelque chose de ce genre, monsieur MacKay? Y a-t-il quelque chose de ce genre en Nouvelle-Écosse?
M. MacKay : Ce que nous avons et qui s'en rapproche le plus, ce sont des conseils scolaires élus, auxquels participent des parents. Toutefois, nous avons aussi des associations de parents et d'enseignants.
Je ne me souviens pas exactement sous quelle forme, mais une de nos recommandations visant à inciter les parents à jouer un plus grand rôle dans l'éducation consistait, en partie, à travailler en collaboration avec les associations de parents et d'enseignants ou les associations de parents, en particulier, parce qu'elles avaient déjà des liens avec les écoles. Cela suscite beaucoup d'intérêt chez ces groupes parce qu'ils reconnaissent l'existence de ce besoin et de la nécessité d'agir. Là où on les a mis en place, je crois que ce sont des outils très utiles.
Dans bien des cas, je crois qu'ils ont le sentiment d'être marginalisés, de ne pas vraiment faire partie du groupe qui prend les décisions et qui s'occupe de ces questions.
Le sénateur Meredith : Merci à vous deux. Je vais simplement établir un lien avec le fait que nous finalisons notre rapport et que nous sommes sur le point d'en commencer la rédaction; nous étudions l'article 19 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et les 13 commentaires qui portent sur la manipulation psychologique de nos enfants et les mesures que nous pouvons prendre pour les protéger.
Monsieur Patchin, vous avez mentionné que les États-Unis n'ont, en quelque sorte, que des mesures législatives fragmentaires. Il n'y a pas d'effort concerté pour lutter contre la cyberintimidation.
Ma question porte sur une stratégie nationale. Nous en avons parlé avec nos témoins précédents. Dans le cadre de cette stratégie nationale, prévoit-on des ressources et la nomination d'un commissaire à l'enfance qui, chaque année, présenterait ensuite un rapport au gouvernement et demanderait des ressources afin de régler ce problème de façon efficace? Nous avons vu les conséquences qui découlent de l'inaction, et toutes les administrations tentent de régler les problèmes à la pièce. Seriez-vous favorable à l'adoption de stratégies nationales au Canada et aux États-Unis? De plus, cela inclurait-il la nomination d'un commissaire qui aurait des ressources supplémentaires?
M. MacKay : Je vais commencer, si vous le permettez. Je pense que le comité aurait un rôle très important à jouer par rapport à l'initiation d'un mouvement vers une sorte de stratégie nationale. Le résumé des mesures législatives provinciales que j'ai préparé pour vous, que vous pouvez consulter, met vraiment l'accent sur le point que vous avez soulevé. Il y a beaucoup de bonnes idées, mais c'est très fragmentaire. Dans certains cas, on a choisi d'avoir recours à des politiques; dans d'autres, on utilise des méthodes fort différentes. À titre d'exemple, la Colombie-Britannique n'a pas fait grand-chose du côté des mesures législatives, mais elle a réservé 2 millions de dollars pour la lutte contre l'intimidation et la cyberintimidation. Habituellement, les provinces manquent de ressources, et je pense qu'une stratégie nationale qui prévoirait des ressources et du financement serait un élément très important. Au début, le gouvernement de la Nouvelle- Écosse a assez bien réagi à mon rapport, mais les points sur lesquels on tarde d'agir sont surtout ceux qui requièrent des fonds importants, comme l'embauche d'un plus grand nombre de conseillers, offrir plus de soutien ou offrir des cours. Je pense que la réticence serait moins grande si quelqu'un disait que l'argent pour le faire est là, que des fonds ont été réservés à cette fin. On n'a qu'à penser aux stratégies nationales sur la garde d'enfants ou aux stratégies nationales en matière de santé, notamment. Il est à la fois nécessaire d'affirmer à l'échelle nationale qu'il s'agit d'une question importante pour les Canadiens de chaque territoire et de chaque province, et que des mesures de soutien et des ressources sont offertes si une administration préfère se charger de ces questions à sa façon. Je pense que ce serait vraiment important. J'y serais entièrement favorable.
La présidente : Monsieur Patchin, avez-vous quelque chose de ce genre aux États-Unis?
M. Patchin : Non, mais ce serait bien, à mon avis. Je pense que les ressources financières représentent manifestement l'aspect le plus intéressant, mais les aspects qui le sont encore plus sont les connaissances, l'accès à la recherche, les pratiques exemplaires et les politiques modèles. À certains égards, j'ai l'impression que c'est ce que j'essaie de faire, parce que je vais dans les écoles partout aux États-Unis et à l'étranger, et on me demande de l'aide. « En quoi consiste une politique modèle? Que pouvons-nous faire au chapitre de la prévention, de l'intervention et de la recherche? » Si nous avions les ressources à l'échelle nationale, nous pourrions organiser ces informations de façon à pouvoir les cibler. Les arrondissements scolaires, les parents et les collectivités cherchent vraiment à obtenir de l'aide. Si nous pouvions leur démontrer que nous avons des fonds pour mettre en œuvre ce programme et que nous l'avons fait dans un nombre donné d'arrondissements scolaires et de villes et que cela a donné des résultats, je pense que les gens des arrondissements scolaires seraient heureux de le faire, surtout si, pendant un an ou deux, on l'offre sous forme de projet pilote avant qu'ils ne s'en chargent eux-mêmes. Lorsqu'ils verront que cela fonctionne, ils seront heureux de le faire. Je pense que ce serait une idée formidable, tant pour ce qui est du pouvoir d'achat que pour la reconnaissance du caractère légitime du problème et, espérons-le, de la solution.
Le sénateur Meredith : Ce serait aussi lié à la communauté internationale. Vous avez dit que vous êtes allé à l'étranger et que vous avez constaté qu'il y a un besoin pour ce genre d'effort concerté pour régler ce problème. Aujourd'hui, on nous a parlé de la Grande-Bretagne où la loi sur l'éducation et d'autres lois prévoient plus de pouvoirs pour les enseignants et les administrateurs. Toutefois, il n'y a pas cet effort concerté, et je pense que cela contribuerait grandement à protéger la vie de nos jeunes. C'était plus un commentaire qu'autre chose.
La présidente : Ma première question porte sur un commissaire à l'enfance. Dans beaucoup d'autres rapports, notamment dans le rapport sur l'exploitation sexuelle des enfants, le comité a recommandé la création d'un poste de commissaire national à l'enfance qui se pencherait sur les problèmes propres aux jeunes. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez, monsieur MacKay? Ensuite, nous passerons à M. Patchin pour savoir s'il y a quelque chose de semblable aux États-Unis.
M. MacKay : Je crois que c'est une idée intéressante et qu'un commissaire serait utile, notamment pour assurer un genre de présence nationale et jouer le rôle de coordinateur dans le cadre de cette stratégie nationale. Il serait très important, par contre, de disposer de ressources pour l'accompagner. Il est très important qu'il y ait non seulement un commissaire, mais aussi les ressources pour vraiment faire quelque chose.
Cela peut paraître évident, mais peut-être qu'une partie de son mandat devrait être axé sur l'éducation des Premières nations, car il est clair que ce dossier relève du gouvernement fédéral. Je sais que des jeunes étudiants sont venus aujourd'hui sur la Colline pour manifester contre le manque de programmes de qualité offerts aux étudiants autochtones. Encore une fois, comme l'a dit M. Patchin, il faut qu'il y ait plus d'études, mais l'intimidation et la cyberintimidation sont assurément des questions importantes dans les écoles autochtones et peut-être plus encore lorsque les étudiants autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves fréquentent les écoles normales et deviennent des cibles parce qu'ils sont différents des autres. Le mandat du commissaire devrait englober tous les enfants, mais il devrait bien sûr tenir compte des Premières nations et peut-être d'autres groupes vulnérables particulièrement à risque.
Probablement que vous verriez un peu de réticence de la part des provinces, mais vous n'avez probablement pas à vous en faire compte tenu du genre de recommandations que vous formulez. C'est en partie la raison pour laquelle j'ai mentionné les Premières nations, pour donner à la question une dimension nationale ou fédérale.
M. Patchin : Je ne crois pas que nous ayons quelque chose du genre aux États-Unis, ou du moins aucun type de personne, de membre du Cabinet ou autre qui aurait cette responsabilité ne me vient à l'esprit. Il existe un certain nombre d'initiatives dans divers ministères — celui de l'Éducation et celui de la Santé et des Services à la personne — où ils essaient de canaliser des ressources ou des subventions.
Un commissaire national à l'enfance ne manquerait sûrement pas de travail. Je craindrais plutôt qu'il ait trop de dossiers à traiter. On parle de l'intimidation, de la cyberintimidation, du sexting et de l'exploitation des enfants; il y a toute une liste de sujets. Je craindrais que cette personne ne soit dépassée par les informations, les obligations et les responsabilités, mais peut-être qu'il serait utile de commencer avec une personne à la tête d'un groupe, en particulier si on dispose de ressources que l'on pourrait consacrer à des problèmes connus en optant pour des solutions connues ou du moins prometteuses.
M. MacKay : Une autre idée qui m'a traversé l'esprit comme type de lien fédéral avec cela a été le point que le sénateur Meredith a fait valoir concernant les obligations internationales prévues à l'article 19. Collectivement, le Canada doit honorer ses obligations internationales. C'est l'échelon national qui doit mener le bal, et il existe un certain nombre de conventions, dont, évidemment, la Convention relative aux droits de l'enfant, et un certain nombre de questions comme l'exploitation des enfants, qui sont assorties d'obligations internationales. L'une des responsabilités très étendues de cette personne pourrait être de déterminer dans quelle mesure le Canada honore ses obligations internationales et aide les provinces, qui sont, au bout du compte, responsables des programmes dans leurs administrations, à aussi honorer ces obligations internationales. L'élément Premières nations et l'élément international pourraient vous donner un angle fédéral dans ce dossier qui, autrement, aurait vraiment l'air d'une question de propriété et de droits civils dans les provinces.
La présidente : Lorsque nous avons commencé ce soir, je crois que l'un de vous a parlé du triangle — éducation, droit et prévention, ou peut-être même que vous en avez tous les deux parlé. Je pense depuis un moment à ce triangle. Est-il régulier — un tiers, un tiers, un tiers? Sur quoi mettriez-vous l'accent? D'après ce que je vous ai entendu dire — et c'est la raison pour laquelle je teste mon hypothèse avec vous — est-ce que l'éducation et la prévention en seraient les éléments dominants, et le droit ne serait présent que dans les cas extrêmes. Ai-je mal interprété vos propos?
M. MacKay : Non, vous n'avez pas mal interprété mes propos. Cependant, vous avez raison de dire qu'il s'agit de ce type de triangle et qu'il ne serait pas totalement régulier. Ils sont intégrés. À mon sens, le droit est aussi éducatif, il fait un énoncé de principe et il contient un élément préventif. Je ne les perçois pas comme étant entièrement distincts; c'est peut- être la seule distinction que je ferais. Si je devais choisir, je dirais que l'intervention préventive est la plus importante, car il vaut toujours mieux prévenir les répercussions négatives et les suicides, le décrochage et les échecs scolaires. C'est une question d'argent et d'appui.
Les interventions efficaces représenteraient la partie la plus importante du triangle selon moi. Le droit et l'éducation occupent, quant à eux, une place à peu près égale. Je ne sais pas si cela constitue un triangle. De toute évidence, je ne suis pas mathématicien, mais quoi qu'il en soit, c'est ainsi que j'établirais la priorité.
Je sais qu'il ne nous reste plus beaucoup de temps, mais M. Patchin a abordé la question de la preuve. Il y a quelque chose que beaucoup d'écoles nous ont dit. Il existe bien des programmes utiles, et chaque année, ils nous en envoient des centaines, mais nous n'avons pas le temps de les examiner. En conséquence, la première recommandation que nous formulons dans notre rapport est d'avoir des résultats fondés sur des données probantes, ou du moins des résultats prometteurs. Il est clair que nous avons besoin d'un meilleur accès à ce type d'informations. Comme l'a mentionné M. Patchin, le fait de donner accès à ce type de renseignements ou à un centre d'échange d'informations pourrait être un rôle national.
Où sont les programmes efficaces fondés sur des données probantes? Mon triangle serait un peu inégal — peut-être que c'est un quadrangle ou autre chose.
La présidente : Mon expert dit qu'il s'agit d'un triangle isocèle.
M. Patchin : Je le vois plus comme une pyramide avec les éléments intervention et prévention à la base — la plus grande partie — et le droit au sommet. Une personne aurait à traverser plusieurs strates avant que le poids du droit pèse sur elle.
L'aspect droit pénal est relativement facile; il est facile d'adopter une loi pénale. La question la plus épineuse est celle qui a occupé la majeure partie de notre réunion : les ressources et l'argent, car les efforts éducatifs et préventifs sont coûteux et il faut du temps pour déterminer ce qui fonctionne.
Je crois qu'il s'agit d'une approche exhaustive assortie de bien des outils et des ressources. Comme il n'existe pas de formule magique pour régler ce problème, nous devons privilégier une approche exhaustive à son égard.
La présidente : Ma dernière question porte sur les droits de la personne. Nous sommes le Comité des droits de la personne, et nous étudions la question dans l'optique du cadre des droits de la personne.
Monsieur MacKay, dans le contexte des recommandations 20 et 23 du rapport du groupe de travail, vous avez envisagé un rôle pour la Commission des droits de la personne de la Nouvelle-Écosse, s'agissant de la cyberintimidation, tant à titre de partenaire potentiel dans les efforts de sensibilisation éducative qu'à titre de forum éventuel pour régler les questions d'intimidation et de cyberintimidation et les plaintes s'y rapportant. La recommandation 23 préconise aussi l'élaboration d'un protocole conjoint entre la Commission des droits de la personne de la Nouvelle-Écosse et le ministère de l'Éducation sur la façon de gérer les approches réparatrices.
Pouvez-vous mieux nous expliquer le rôle que pourrait jouer la Commission des droits de la personne de la Nouvelle-Écosse dans la lutte contre la cyberintimidation?
M. MacKay : Je suis ravi que vous me posiez la question, car je crois qu'il s'agit d'un domaine très prometteur en droit. Le Code criminel, comme nous l'avons mentionné, est un instrument assez brutal qu'on invoque en dernier recours. Cependant, les commissions des droits de la personne ont beaucoup de potentiel pour aider à régler cette question.
On les utilise énormément en Australie, alors il existe un modèle sur lequel se fonder pour savoir ce qui a été fait là- bas à ce sujet. La disposition essentielle est celle du harcèlement comme motif de distinction illicite. Comme nous en avons discuté aujourd'hui, et je suis sûr que vous en avez parlé dans le cadre d'autres réunions, il arrive souvent que les intimidateurs et les cyberintimidateurs s'en prennent aux personnes vulnérables et différentes. Il ne s'agit pas de motifs de distinction illicite exclusifs, mais il est clair que l'orientation sexuelle est un facteur de taille, de même que l'origine autochtone, la race, le sexe — et la liste continue. Ce sont tous des groupes cibles importants parmi les principaux groupes.
Lorsque nous avons mené nos consultations auprès des jeunes et notre enquête en ligne, le premier facteur qui faisait qu'une personne était victime d'intimidation était sa différence, notamment dans son apparence ou son comportement. Cela peut être une question de race ou d'un certain nombre d'autres points. Il y a beaucoup de chevauchements à cet égard.
Par-dessus tout, la raison pour laquelle je pense qu'il s'agit d'une solution de rechange prometteuse et pour laquelle je suggère le protocole, c'est qu'ils offrent une gamme de façons d'intervenir. Il peut s'agir, par exemple, d'une enquête en bonne et due forme et d'un tribunal dans les cas extrêmes, mais aussi d'approches réparatrices, de médiation, de sensibilisation, et cetera. Il y a une gamme de démarches différentes que les commissions des droits de la personne peuvent emprunter.
L'élément peut-être le plus important s'agissant de l'accessibilité est que, dans la plupart des cas, les ressources de la Commission des droits de la personne ne sont pas payantes. En conséquence, si vous êtes un enfant ou un parent qui n'a pas les ressources nécessaires pour aller devant les tribunaux ou intenter une action en justice, vous pouvez vous rendre à une commission des droits de la personne où les enquêteurs et le personnel feront une démarche en votre nom. C'est une solution de rechange très prometteuse.
Pour terminer, je remarque que dans sa définition de l'intimidation, l'Ontario évoque un certain nombre de motifs, à savoir tous ceux qui se rapportent aux droits de la personne en plus de certains autres, comme exemples des types de comportements qui pourraient constituer de l'intimidation.
Les chevauchements entre les aspects des droits de la personne — c'est mon dernier commentaire — rappellent beaucoup le harcèlement sexuel. Il existe de nombreuses analogies entre l'intimidation et le harcèlement sexuel, dont le fait que l'acte doit se répéter, qu'il existe un déséquilibre dans le rapport de force et qu'il arrive souvent que la défense invoquée soit : « Je ne savais pas que cela posait problème » et que la réponse donnée soit : « Eh bien, vous auriez dû le savoir. »
Il y a déjà des dispositions législatives efficaces en matière de harcèlement sexuel qui pourraient s'appliquer dans le contexte d'autres formes de harcèlement, dont l'intimidation et la cyberintimidation.
La présidente : Envisagez-vous un rôle que la Commission des droits de la personne jouerait auprès des écoles pour régler les différends entre étudiants?
M. MacKay : Oui, je l'envisage. Une partie du protocole que je préconise permettrait une très grande souplesse, par exemple simplement faire en sorte que les personnes viennent et parlent. Dans le cadre de notre groupe de travail, nous avons assisté à trois présentations différentes de la Commission des droits de la personne, celles du groupe d'intervention, du groupe de sensibilisation et du groupe d'enquête. Ils ont parlé des rôles qu'ils pourraient jouer.
Je crois que la Commission canadienne des droits de la personne aurait aussi un rôle à jouer, même si j'allais suggérer que l'on élargisse l'article 13, mais je crois que cela reviendra maintenant aux sénateurs. Je crois que l'article 13 a fait l'objet d'une troisième lecture à la Chambre et a été retranché de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il porte sur le discours haineux...
La présidente : Il s'agit du projet de loi C-304.
M. MacKay : Oui, en ce qui concerne l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Je crois que cet article pourrait jouer un rôle en faisant de la cyberintimidation et de l'intimidation des types de discours haineux, mais moins sérieux, qui seraient traités dans le cadre d'un processus de défense des droits de la personne, mais qui ne constitueraient pas des crimes en tant que tels. Selon moi, les dispositions du Code criminel en matière de discours haineux n'ont été utilisées qu'une seule fois avec succès dans l'histoire canadienne, et elles ont été invoquées à quelques autres occasions.
Les commissions et peut-être aussi la Commission canadienne des droits de la personne ont des rôles à jouer à cet échelon, notamment en ligne. Les compétences s'agissant d'Internet traversent les frontières; c'est plutôt un domaine de compétence fédérale, alors cela pourrait être utile aussi. Il y a ici matière à réflexion.
Le sénateur Meredith : Monsieur MacKay, vous avez parlé des obligations du Canada et vous vous êtes demandé si nous les honorions sur la scène internationale. Cette question me préoccupe et je suis sûr qu'il en est de même pour d'autres collègues autour de cette table. Pourriez-vous nous donner votre perspective à cet égard? Où en sommes-nous? Avons-nous atteint 60 p. 100 de notre objectif? Que devons-nous faire d'autre pour nous assurer de respecter l'article 19?
M. MacKay : Je crois qu'il y a beaucoup à faire, en fait. Je crois qu'un rapport sénatorial a été publié à ce sujet sous l'égide du sénateur Andreychuk. Je l'ai présenté à Halifax à un moment donné. Je crois qu'il portait sur les obligations internationales et sur la mesure dans laquelle elles étaient ou non honorées. Il y a eu des améliorations, mais il reste encore beaucoup à faire.
Pour ce qui est de l'article 19 sur les milieux scolaires sûrs et les actes comme l'intimidation et la cyberintimidation, je crois qu'il nous reste beaucoup à faire, pour les mêmes raisons que nous avons évoquées, en gros pour des raisons de responsabilité. Personne n'est vraiment chargé d'en être responsable. Les écoles disent : « Si cela se passe à l'extérieur de l'école, nous ne sommes pas responsables. » De leur côté, les policiers disent : « Il n'y a pas de disposition à cet égard dans le Code criminel. » Quant à eux, les parents disent : « Nous n'avons pas suffisamment d'informations. »
Quel que soit le responsable au bout du compte, en tant qu'État-nation, le Canada s'est engagé aux plans international, moral et légal à dire que la question d'assurer la sûreté de nos enfants devrait être une grande priorité, entre autres, sur notre liste. Si vous n'êtes pas en sécurité à l'école, comment pouvez-vous apprendre et avancer? En fait, vous ne pouvez pas.
Je crois que nous avons réalisé des progrès, mais qu'il nous reste beaucoup de chemin à faire. Un autre rôle important que pourrait jouer le comité serait celui d'insister sur le fait que cette stratégie nationale et certains des points que vous suggérez pourraient nous rapprocher de notre objectif d'honorer cette obligation.
La présidente : M. Patchin, avez-vous quelques remarques à ajouter à votre exposé avant de terminer?
M. Patchin : Non, sauf pour dire que depuis que j'ai commencé ce travail il y a plus d'une dizaine d'années, j'ai considéré que le Canada était en avance sur les autres pour ce qui est de composer avec la cyberintimidation. En fait, la plupart des premières questions que j'ai reçues des médias en 2003 et 2004 provenaient de Canadiens. Je crois que vous devriez tirer parti de cette position et tenter d'être progressifs et de mettre au banc d'essai certaines solutions qui semblent prometteuses. Vous pourriez aussi diffuser les vastes connaissances que vous tirez de cette entreprise, car le reste du monde aurait décidément quelque chose à apprendre de certaines de vos démarches.
La présidente : Monsieur Patchin, vous êtes quelqu'un de très occupé et vous êtes venu non pas une fois, mais bien deux. Nous vous savons gré de votre contribution.
Monsieur MacKay, cela vaut aussi pour vous. Vous nous avez tous deux rendu un fier service. De pouvoir terminer notre étude par vos remarques rend notre journée très spéciale. Elle a été longue, mais nous avons l'impression de ne faire que commencer avec tous les renseignements que vous nous avez donnés. Merci beaucoup.
Chers collègues, comme vous le savez, nous avons terminé notre étude, sous réserve des bonnes recommandations que le sénateur White a formulées. Si nous sommes capables de faire venir des témoins sur ces suggestions, nous essaierons de les entendre avant de suspendre nos travaux pour l'été; nos rédacteurs profiteront de la relâche pour rédiger le rapport, dont nous pourrons étudier l'ébauche fin septembre. Je vous prierais de jeter un coup d'œil aux suggestions que Gary a formulées concernant le type de rapport que nous devrions avoir.
Merci de votre patience.
(La séance est levée.)