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RIDR - Comité permanent

Droits de la personne

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 21 - Témoignages


VANCOUVER, le jeudi 22 novembre 2012

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui, à 14 heures, pour étudier les questions concernant les droits de la personne des membres des Premières nations qui vivent à l'extérieur des réserves, une attention particulière étant portée au cadre stratégique fédéral actuel.

Le sénateur Mobina S.B. Jaffer (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Merci beaucoup de votre accueil très chaleureux, des prières et du chant de bienvenue. Avant de commencer, je tiens à m'excuser pour le retard au nom de tous les sénateurs présents aujourd'hui. Nous avons fait de notre mieux, mais, parfois, il y a des choses qui échappent à notre volonté.

Je suis très heureuse d'être ici. Pour moi, c'est un peu comme un retour à la maison. Ma sœur, Susan, et moi avons travaillé ensemble pendant tellement d'années, et je ne sais plus combien de fois Chris m'a demandé de faire quelque chose avec lui. C'est toujours un plaisir. Je suis honorée d'être là, avec vous, sentiment que partagent les sénateurs.

Je vais commencer par reconnaître que nous sommes sur le territoire des Salish du littoral, et, plus particulièrement, sur le territoire des nations Squamish, Musqueam et Klahoose.

Le Sénat du Canada nous a demandé d'étudier les questions liées aux droits de la personne au Canada et à l'étranger. Le processus est le suivant : un sénateur observe ce qui se passe dans sa collectivité et tente de cerner des problèmes à régler ou des questions auxquelles le Sénat devrait s'intéresser. Le sénateur Brazeau s'est intéressé à une étude qui, selon lui, est très importante pour les Canadiens. Il nous parlera de ce qu'il en a pensé afin que vous puissiez vous faire une idée de la raison pour laquelle nous vous rencontrons aujourd'hui. Cependant, avant de commencer, je demanderais à mes collègues de se présenter.

Le sénateur Brazeau : Sénateur Patrick Brazeau, du Québec.

Le sénateur Hubley : Sénateur Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard

Le sénateur Harb : Mac Harb, de l'Ontario.

La présidente : Nous avons passé deux jours à Winnipeg et à Saskatoon et y avons tenu des séances. À Winnipeg, comme à Saskatoon, nous avons été reçus très chaleureusement. Nous savons qu'il y a un problème à régler au pays, et je demande à mon collègue, le sénateur Brazeau, de vous expliquer l'objet de l'étude.

Le sénateur Brazeau : Je tiens moi aussi à m'excuser du retard. Nous sommes ici pour étudier les droits de la personne des membres des Premières nations qui vivent à l'extérieur des réserves partout au Canada.

Lorsqu'on s'attarde à l'objet de l'étude, évidemment, ça soulève beaucoup de frustrations et ravive beaucoup de mauvais souvenirs, parce qu'on sait bien qui a fait la distinction entre les membres « à l'intérieur des réserves » et les membres « à l'extérieur des réserves ». Je suis un membre d'une Première nation; je le sais très bien. En outre, il y a des réalités au pays aujourd'hui qu'on ne peut ignorer. Entre autres, les membres des Premières nations n'ont pas les mêmes droits que les membres des Premières nations qui vivent dans les réserves. Par exemple, ils n'ont pas accès aux mêmes programmes et services que les Autochtones qui vivent dans les réserves.

Bien sûr, l'objectif de l'étude est non pas de permettre au comité de déterminer ce qu'il faut faire, mais d'interagir directement avec les gens. À la fin du processus, nous serons en bonne position pour formuler des recommandations au gouvernement. Peu importe l'endroit où les membres des Premières nations décident de vivre au Canada, que ce soit dans leur territoire traditionnel, dans une collectivité sur une réserve, dans une ville ou une zone rurale ou éloignée, ils doivent être traités équitablement et avoir accès aux mêmes programmes et services que tous les autres Canadiens.

Les audiences que nous tenons ne sont que le début du dialogue. C'est l'une des premières fois que nous procédons ainsi au pays. Je suis moi-même membre d'une Première nation et je peux vous dire que ce n'est pas toujours facile de convaincre le Parlement d'entreprendre le genre d'exercice que nous réalisons actuellement. Cependant, nous sommes là, et y a-t-il un meilleur endroit pour discuter des problèmes des Autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves que dans votre centre d'amitié, ici, à Vancouver?

Merci de votre accueil. Nous anticipons avec plaisir les échanges cet après-midi.

La présidente : Nous allons commencer par M. Lacerte, de la British Columbia Association of Aboriginal friendship centres.

Paul Lacerte, directeur général, British Columbia Association of Aboriginal Friendship Centres : Merci, sénateurs.

[M. Lacerte parle dans sa langue maternelle.]

Je tiens à remercier Susan Tatoosh et John Webster, du Vancouver Aboriginal Friendship Centre, pour l'accueil qu'ils nous ont réservé.

Je suis un Métis de la Première nation des Carrier. Je viens du Centre-Nord de la Colombie-Britannique, dans les territoires des Carrier. Je suis un survivant de deuxième génération des pensionnats indiens. Mon père, Marc Lacerte, a fréquenté le Pensionnat indien de Lejac, qui a fermé ses portes en 1984. Notre famille compte deux victimes, des frères et sœurs qui n'ont pas survécu au séjour dans le pensionnat. Dans notre famille et notre collectivité, nous poursuivons le processus de guérison intergénérationnel, comme c'est le cas de beaucoup des nôtres.

Je tiens à remercier et à saluer notre Aîné pour sa prière et le beau chant qu'il nous a offerts. Je tiens à m'excuser aux membres de notre collectivité présents si je leur tourne le dos. Je vous assure que ce n'est pas un manque de respect à l'égard de nos frères et sœurs de haut rang qui participent à cet important processus de collaboration avec l'État.

Je veux remercier et saluer notre frère guerrier qui nous a offert un chant très puissant et qui a célébré la victoire en ces lieux. Nous sommes ici, avec notre Aîné et notre frère, pour avoir un dialogue constructif avec vous.

Je veux aussi souligner la présence du sénateur Marge White avec nous. La National Association of Friendship Centres a sa propre structure sénatoriale. Le sénateur Marge White a créé le premier centre d'amitié au Canada il y a cela de nombreuses années.

Je lui demande de se lever pour que nous puissions l'applaudir.

De plus, je vous transmets les salutations de la B.C. Association of Aboriginal Friendship Centres. Nous apprécions beaucoup l'occasion de dialogue que vous nous offrez aujourd'hui. Notre comité de direction m'a demandé de préciser que l'audience d'aujourd'hui ne constitue pas une consultation auprès de notre organisation. Cependant, nous apprécions grandement l'occasion de fournir une rétroaction et de formuler des commentaires dans le cadre de vos discussions et de vous communiquer notre vision des choses.

Cet après-midi, sénateurs, je veux vous donner un aperçu du travail réalisé par les centres d'amitié en Colombie- Britannique, vous communiquer quelques messages clés sur les conditions de vie de nos membres et vous décrire rapidement les services que nous offrons.

Il y a beaucoup de travail à faire, aujourd'hui et à l'avenir, pour améliorer le sort de nos membres. Et il faut le faire ensemble. Je veux vous décrire certains des défis auxquels nous sommes confrontés en raison des différentes conditions de vie de nos membres dans nos collectivités. Nous voulons aussi formuler des recommandations sur la façon dont le gouvernement du Canada peut travailler en collaboration avec nos collectivités de façon constructive pour faire avancer les choses et faire de ce pays un endroit où les membres des Premières nations sont réellement traités avec équité, honneur et respect.

La première question que nous voulons aborder aujourd'hui, c'est la question de la mobilité de nos membres, de notre expérience en la matière, et de l'expérience des centres d'amitié de la Colombie-Britannique. Notre association provinciale vient d'avoir 40 ans. Nous fournissons des services en Colombie-Britannique depuis plus de 40 ans. Pour ma part, je suis le directeur exécutif de la B.C. Association of Friendship Centres depuis 20 ans.

Principalement, l'expérience est liée au système de protection de l'enfance et à l'extraction forcée de nos enfants de nos collectivités. Évidemment, cette approche ne constitue pas un système intergénérationnel de notre cru, et nous ne sommes pas favorables au retrait forcé de nos enfants qui sont confiés au système de protection de l'enfance. C'est pourquoi, essentiellement, nos membres migrent de nos territoires ancestraux vers les collectivités urbaines. L'incarcération est une autre raison. Vu nos démêlés avec le système de justice pénale, nous sommes extrêmement surreprésentés en milieu carcéral. C'est aussi une raison de la migration de nos membres.

Je suis un Carrier. Je vis à Victoria, dans la capitale. Nous avons créé une société urbaine pour les Carrier. Il y a aussi un certain nombre de sociétés urbaines à Vancouver. Nous nous appelons les Capital City Carriers. Plus de 50 p. 100 de nos membres sont descendus vers le Sud pour purger une peine d'emprisonnement. Après avoir purgé leur peine, ils ont décidé de rester à Victoria.

Les deux autres raisons pour lesquelles nos membres migrent vers des collectivités urbaines sont les risques de violence ou d'abus, lesquels sont des répercussions de comportements intergénérationnels qui sont apparus dans nos collectivités en raison du système de pensionnat — les efforts de dislocation et de colonisation de l'État et de l'Église. Il y a aussi les logements inadéquats, les habitations de piètre qualité et, par conséquent, les mauvaises conditions de vie.

Beaucoup de nos membres déménagent dans des collectivités urbaines pour des raisons de santé et la disponibilité des ressources en santé, particulièrement en raison des besoins de santé plus importants liés au vieillissement de la population et aux multiples défis sanitaires auxquels sont confrontés les gens dans nos collectivités. Très souvent, nos membres ont besoin de services spécialisés et ils déménagent dans des collectivités urbaines pour les obtenir.

Beaucoup de nos membres déménagent aussi dans des collectivités urbaines pour poursuivre leurs études collégiales ou universitaires. Une de mes statistiques préférées, c'est que, en 1969, il y avait environ 350 Indiens inscrits dans les collèges et les universités du Canada. En 2000, il y avait plus de 38 000 étudiants autochtones dans les universités du Canada. À elle seule, cette statistique est une preuve convaincante de notre force, mais c'est aussi un facteur qui accélère la migration de nos membres vers les collectivités urbaines. Tout comme l'emploi. Beaucoup de nos membres déménagent dans des villages et des villes pour trouver un emploi.

Cette liste n'est pas exhaustive, mais je voulais vous donner un aperçu des conditions de vie des membres qui se présentent dans les centres d'amitié de la Colombie-Britannique, ainsi que de leurs intérêts et de leurs besoins lorsqu'ils s'installent dans des collectivités urbaines.

Les centres d'amitié de la Colombie-Britannique comptent environ 1 000 employés. Nous offrons chaque jour des services à environ 1 400 Autochtones. L'association de la Colombie-Britannique réunit 25 centres d'amitié. Nous enregistrons tout juste un peu plus de 20 000 heures de bénévolat chaque année, et ça va en augmentant. Alors que l'esprit de bénévolat s'essouffle au pays, les gens continuent de considérer le mouvement des centres d'amitié comme un bon endroit où donner de leur temps avec pour seule rémunération le plaisir de servir nos membres et nos collectivités.

Parmi les services que nous offrons, mentionnons l'intervention en cas de crise et les refuges d'urgence. Les gens qui arrivent dans nos collectivités ont souvent de la difficulté à trouver un logement abordable. Nous offrons du counseling et des services aux victimes. Nous avons récemment été secoués par l'important traumatisme dans nos collectivités à la suite du meurtre de femmes autochtones, ici, et sur la route 16, dans le Centre-Nord de la Colombie-Britannique.

Lorsqu'ils déménagent dans des collectivités urbaines, bon nombre de nos membres cherchent un endroit où célébrer leur culture, se recueillir et organiser des événements communautaires pour résister à l'assimilation. Un des principaux services offerts par les 25 centres d'amitié de la Colombie-Britannique sont des programmes et des rassemblements culturels et des événements communautaires.

Nous nous intéressons tout particulièrement au développement de la petite enfance et nous tentons d'offrir une voie vers un meilleur avenir à nos enfants. Nous essayons ainsi du mieux que nous pouvons de leur donner une longueur d'avance et d'éliminer les répercussions des pensionnats en ce qui a trait à l'apprentissage et à la sensibilisation intergénérationnels.

Le soutien en cas de deuil : la mort est malheureusement très présente dans nos collectivités. Les taux de suicides sont élevés, et il y a beaucoup de gens en deuil et qui ont perdu quelqu'un et qui ont besoin de soutien. Les centres d'amitié sont les premiers à intervenir lorsque des membres de tout âge nous quittent.

Comme je l'ai mentionné, beaucoup de nos membres déménagent dans des villages et des villes pour trouver un emploi, et un des principaux services offerts par le mouvement des centres d'amitié est les services d'emploi. Les jeunes, l'éducation et la mobilité : en fait, nous sommes une agence de développement communautaire et nous aidons les gens à cheminer le long d'un continuum. Comme notre frère guerrier l'a affirmé, nous étions en mode survie, et là, nous progressons à nouveau. À ce sujet, l'emploi, le soutien aux jeunes et les services de formation sont vraiment cruciaux à la revitalisation de notre culture et de nos collectivités et au rétablissement de la résilience au sein de nos familles.

Les centres d'amitié jouent un très important rôle habilitant dans le développement et la planification communautaires ainsi que la sensibilisation à la situation de nos membres. Par conséquent, ça se passe principalement entre les Canadiens autochtones et les Canadiens non autochtones. Les gens ont très peu de bons renseignements sur notre peuple, sur la réelle histoire de notre pays, de notre culture et de nos langues. Un des rôles cruciaux des centres d'amitié est de faciliter l'engagement communautaire et la création de relations. Il faut aussi réaliser des activités de sensibilisation du grand public pour aider les non-Autochtones du Canada à connaître notre vraie histoire et les aspirations de nos membres de prendre la place qui leur revient au pays.

Nous nous attaquons systématiquement au racisme et aux obstacles systémiques auxquels sont confrontés nos membres dans la sphère de la politique publique, au sein du système d'éducation, du système de justice pénale et du système de protection de l'enfance. L'objectif premier, c'est l'élimination de ces obstacles systémiques.

Malgré la très grande capacité des agences d'aider nos membres qui arrivent en ville, nous souffrons encore beaucoup. J'imagine que vous avez déjà entendu parler, durant les séances précédentes, de la montagne de douleurs qu'éprouvent encore nos membres et de l'urgence extrême d'apporter de réels changements pour assurer un meilleur avenir. Bien sûr, comme je l'ai mentionné, tout ça découle en grande partie de l'expérience des pensionnats, du racisme systématique et de la nature législative et réglementaire des politiques publiques et de l'optique du financement public.

J'ai quelques idées pour inviter le gouvernement du Canada à travailler avec nous à l'avenir. Premièrement, nous savons bien que la vision relative à la relation fiduciaire entre le gouvernement du Canada et les Autochtones et les membres des Premières nations qui vivent dans des collectivités à l'extérieur des réserves évolue. Un des programmes qui ont permis cette évolution du dialogue, c'est la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain. Notre première recommandation, c'est que le gouvernement du Canada travaille en étroite collaboration avec le mouvement des centres d'amitié pour élargir, redéfinir et renforcer cette Stratégie.

Nous comptons des agences dans 117 collectivités à l'échelle du pays. Un des faits les plus réjouissants au sujet du mouvement des centres d'amitié, c'est qu'il n'est pas le fruit d'une législation fédérale ou provinciale. Il vient de nos collectivités. Il est né des besoins de nos membres qui s'installaient dans des villages et des villes.

La deuxième recommandation concerne le programme Connexions culturelles pour la jeunesse autochtone. Le gouvernement du Canada doit considérer ce programme comme un tremplin permettant de créer des relations concrètes et une stratégie utile qui reconnaît que la jeunesse autochtone, en zones urbaines et rurales, est un aspect important et stratégique de la réussite du Canada au cours des 15 à 20 prochaines années. Comme vous le savez, nous sommes de plus en plus nombreux. Plus de la moitié de nos membres qui vivent dans des collectivités à l'extérieur des réserves ont moins de 25 ans. J'en profite pour saluer la décision du Conseil du Trésor de rétablir le programme des Connexions culturelles cette année. Nous invitons le gouvernement à s'engager à long terme.

La troisième recommandation, c'est qu'il faut grandement augmenter l'engagement et les ressources liées aux services d'emploi et de formation adaptés sur le plan culturel. Nous sommes en présence d'un représentant du Victoria Native Friendship Centre, et j'aimerais vous donner un bref exemple de nos pratiques exemplaires. Ce centre réalise un projet pour les jeunes Autochtones dans le cadre duquel les participants sculptent des mâts totémiques. Ils passent le tiers de leur temps à sculpter les mâts, et les deux tiers restants, à suivre une formation sur les aptitudes au travail. Le centre offre le programme à trois groupes de 20 jeunes. Nous venons tout juste de mettre en terre un deuxième mât, à Victoria. Nous affichons un taux de placement de 100 p. 100. Tous ces jeunes travaillent, mais ils ne se sont pas inscrits au programme pour acquérir des aptitudes à l'emploi : ils voulaient apprendre à sculpter et à peindre des mâts totémiques. La mise en terre du mât est l'occasion pour les jeunes de regarder leur travail et de ressentir de la fierté, un lien ancestral et la pérennité de leurs efforts. C'est ça, la nature des services adaptés sur le plan culturel que nous demandons.

La quatrième recommandation consiste à appuyer des projets communautaires autochtones pour mettre fin à la violence à l'égard des femmes autochtones. Pour nous, tout particulièrement, les hommes autochtones et non autochtones, il est plus que temps, individuellement et collectivement, de s'élever contre le traitement réservé aux femmes et aux enfants autochtones et le manque de respect dont ils font l'objet ici, au pays. Il faut aussi s'excuser et assumer ses responsabilités, mais ce doit être nos collectivités qui mènent le bal au moyen d'une approche fondée sur la justice réparatrice, et non sur le droit punitif. C'est un exemple parfait du genre d'effort de collaboration que nous devons déployer. Aucun d'entre nous ne peut le faire seul. Il faut sensibiliser les gens, changer les politiques et accroître les investissements pour favoriser ce travail.

Notre dernière recommandation, c'est que le gouvernement du Canada doit appliquer chacun des 46 articles de la Déclaration des droits des peuples autochtones des Nations Unies, particulièrement ceux liés aux droits des femmes et des enfants.

Merci.

La présidente : Je vous remercie pour votre exposé très détaillé. Au nom du comité, je demande aux témoins et aux personnes présentes de considérer ces audiences comme la première étape de nos délibérations. Si vous pensez à autre chose, dites-le nous.

Avant de passer à Mme Tatoosh, Susan, je ne peux pas m'empêcher de vous dire à quel point je me réjouis de votre présence parmi nous, après toutes ces années. Je vous lève mon chapeau, c'est un réel plaisir de vous voir ici aujourd'hui.

Susan Tatoosh, directrice générale, Vancouver Aboriginal Friendship Centre Society : Merci. J'aimerais céder pendant quelques minutes la parole à un de mes collègues, qui doit partir pour ne pas rater son vol. Il vient de l'île, et j'aimerais lui donner un peu de mon temps.

La présidente : Monsieur Beaton, à quelle heure part votre vol?

Chris Beaton, chef de projet, Tillicum Lelum Aboriginal Friendship Centre : Mon avion décolle à 16 heures, et, contrairement aux vols en direction de Victoria, je pense que c'est le dernier. Autrement, je resterais ici.

La présidente : Si ça ne pose pas de problème, après l'exposé de Chris, mes collègues qui ont des questions à lui poser pourront le faire avant l'exposé de Mme Tatoosh.

M. Beaton : Sénateurs, je vous transmets les salutations du Tillicum Lelum Aboriginal Friendship Centre à Nanaimo. Nous sommes honorés d'avoir été invités à participer à la séance d'aujourd'hui. C'est un enjeu critique pour notre collectivité, la collectivité autochtone urbaine, l'un des groupes démographiques qui affichent la croissance la plus rapide au pays. Nous avons convenu de vous présenter seulement les deux exposés de M. Lacerte et Mme Tatoosh.

S'il y a un message que notre centre d'amitié aimerait communiquer dans le cadre du processus actuel, c'est que, concernant bon nombre de ces enjeux, le temps des discussions est terminé depuis longtemps. Malgré les bons mots qui seront échangés aujourd'hui, je ne crois pas qu'il y aura beaucoup de nouveaux renseignements. Je crois qu'il est essentiel de passer à l'action et qu'il faut que tout le monde dans la salle s'engage à écouter les renseignements, à les accepter et à les transmettre aux autres. Il faut passer à l'action afin que, dans 10 ans, on ne soit pas encore en train de discuter ensemble des mêmes problèmes.

Je ne peux que saluer le fait que le processus sénatorial permettra de formuler de bonnes recommandations au gouvernement du Canada, mais je demande au comité d'en faire plus et de devenir un ardent défenseur de la cause en transmettant ces renseignements et en s'assurant que des changements seront vraiment apportés. Il faut passer à l'action pour régler ces problèmes.

Merci et je m'excuse encore d'avoir à partir si rapidement.

La présidente : Nous ne voulons pas alourdir votre charge de travail, mais, si vous voulez nous envoyer une déclaration écrite, ça serait aussi apprécié. Vous pouvez le faire sous forme schématique.

Je sais que vous travaillez sur ces enjeux depuis longtemps. Vous dites qu'il faut passer à l'action. Quelle devrait être la première mesure? Pouvez-vous nous décrire un certain nombre de choses que l'on pourrait faire immédiatement?

M. Beaton : Je crois que M. Lacerte en a parlé, c'est la création de relations. Je crois beaucoup en la conversation, et si je devais demander une seule chose, ce serait qu'on organise régulièrement des conversations afin de tisser des liens, de trouver des solutions et de passer à l'action. Je crois vraiment que c'est en communiquant que nous y arriverons.

Pour ce qui est de la déclaration que vous avez mentionnée, nous avons déjà parlé au greffier du comité de la possibilité de présenter un document.

Le sénateur Brazeau : Monsieur Beaton, le comité tente d'obtenir des recommandations des gens sur le terrain. Comme vous le savez, nous avons rencontré des représentants de centres d'amitié à Winnipeg et à Saskatoon. À Winnipeg, par exemple, il y a eu, si je peux dire, un consensus et même une recommandation qui allait beaucoup plus loin que j'avais imaginé, et c'était une douce musique à mes oreilles.

Nous savons que pour chaque tranche de 8 $ que le gouvernement fédéral dépense dans les réserves, il dépense seulement 1 $ à l'extérieur des réserves. Cependant, en général, les conditions dans les réserves sont encore assez mauvaises. Les personnes à l'extérieur des réserves semblent s'en tirer beaucoup mieux, même s'il y a moins de fonds qui leur sont consacrés. Le centre d'amitié de Winnipeg a dit en fait qu'il fallait peut-être commencer à affecter les fonds en fonction de l'endroit où les gens se trouvent.

C'est assez révolutionnaire. D'un côté, bien sûr, nous ne voulons pas retirer quoi que ce soit aux personnes qui résident dans les collectivités des réserves, mais, de l'autre, il y a des gens qui passent à travers des mailles du filet, et je le dis sans détour, en raison des luttes de compétence entre les gouvernements provinciaux et fédéral. Ma recommandation aux centres d'amitié est la suivante : faites passer votre message. Je m'explique : si les membres des Premières nations, les Métis et les Inuits connaissent le rôle des centres d'amitié, les décideurs et les politiciens, pour leur part, n'en ont aucune idée. Un conseil gratuit : il faut travailler ensemble pour trouver une façon de communiquer les résultats obtenus. Quand quelqu'un entre dans un centre d'amitié, qu'il en ressort et qu'il revient, ça fait partie de son histoire. Il faut parler un peu des programmes en cours, de l'enseignement et de la formation professionnelle. Je crois que, si nous travaillions ensemble, nous pourrions véhiculer ce message. Je sais que les centres d'amitié ne sont pas des organisations politiques et qu'ils misent plutôt sur la prestation de services. Cependant, le simple fait de ne pas être une organisation politique, ne signifie pas qu'il faut garder le silence. Je vous suggère de vous réunir pour commencer à vous faire entendre davantage. Si vous le faites, les décideurs provinciaux et fédéraux devront vous écouter, réagir et passer à l'action. Lorsque vous formulerez vos recommandations, je vous suggère respectueusement mais fortement de réfléchir à ce message.

M. Beaton : Merci, sénateur, de vos conseils gratuits. C'est toujours apprécié. Malheureusement, il faut de l'argent pour réaliser des activités de relations publiques et de marketing, et les fonds limités que les centres d'amitié reçoivent —c'est ce que nous disions en parlant du ratio de l'aide à l'intérieur et à l'extérieur des réserves... Une des grandes réussites des centres d'amitié, c'est la façon dont ils réussissent à transformer cette sommes de 1 $ en 12, 20 ou 25 $, en obtenant un financement de contrepartie de diverses sources, et on y arrive en racontant notre histoire et en soulignant nos réussites. Je crois que nous le faisons bien. Évidemment, le fait d'avoir un porte-parole provincial, comme M. Lacerte, qui est assis à côté de moi, est très utile, mais pendant que je suis ici, je ne suis pas en train d'offrir des programmes et des services. Je crois que nous faisons déjà du bon travail en la matière.

Pourrions-nous en faire plus? J'imagine, mais on revient à ce que je disais au départ, soit qu'il faut se rencontrer régulièrement pour tisser les liens et tenir ces conversations. C'est là qu'on pourrait faire une partie de la promotion, et c'est à ce moment-là qu'on pourrait trouver une partie des solutions et des mesures requises et qu'on pourra commencer à régler les problèmes dont on parle aujourd'hui.

Le sénateur Brazeau : Quelqu'un a dit plus tôt qu'il ne pouvait pas tout faire tout seul, et, à ce sujet, je suis là pour aider. Je ne suis pas très vieux, mais j'en ai moi aussi assez de toutes ces réunions et de toutes ces études — toutes ces études qui dorment sur les tablettes. Le temps est venu de passer à l'action; fini les paroles. Alors, tout ce que je veux dire, c'est que je suis ici pour aider. En outre, je suis sûr que mes collègues pensent comme moi. Il est temps de faire quelque chose de mesurable et de tangible au profit de nos membres.

M. Beaton : Je suis d'accord avec vous. Je vous fais mes adieux. Je dois partir. Merci.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Beaton. Nous avons hâte d'avoir de vos nouvelles.

Mme Tatoosh : Merci d'avoir permis à M. Beaton de s'exprimer. Il venait de trop loin pour ne pas avoir la chance de s'exprimer, et j'espère bien qu'il a été entendu.

J'aimerais remercier le territoire qui nous accueille, les territoires des Salish du littoral et les bandes de Musqueam, de Tsleil-Waututh et de Squamish, qui sont très favorables à tout le travail que nous faisons en milieu urbain.

La Vancouver Aboriginal Friendship Centre Society apprécie l'occasion qui s'offre à elle de comparaître devant le comité sénatorial, qui s'intéresse aux droits de la personne des membres des Premières nations ayant décidé de résider à l'extérieur des réserves, en portant une attention particulière au cadre stratégique fédéral actuel.

La Vancouver Aboriginal Friendship Centre Society a été créée en 1963, sous le régime de la British Columbia Act, en tant qu'organisation de bienfaisance sans but lucratif. L'organisation fournit des programmes et des services de qualité aux membres des Premières nations, aux Métis et aux Inuits et aux Indiens non inscrits depuis près de 58 ans.

Nos programmes contribuent au développement culturel, social et économique, aux réalisations scolaires et aux loisirs des membres des Premières nations qui choisissent de s'installer en zone urbaine dans le district régional du Grand Vancouver. Ces programmes et services appuient l'atteinte des objectifs liés à l'autodétermination des Autochtones. Nos services visent à appuyer les membres qui vivent à l'extérieur des réserves à Surrey, Richmond, Burnaby, North Vancouver et New Westminster, et nos soirées culturelles attirent des gens de toute la vallée du Fraser et des réserves locales environnantes de Musqueam, de Squamish et de Tsleil-Waututh.

À Vancouver, nous comptons sur des organisations autochtones communautaires urbaines uniques qui peuvent être fières de leur histoire et de tout ce qu'elles ont fait pour répondre aux besoins des membres des Premières nations provenant de la province, du Canada ou de l'étranger pour poursuivre leurs études, trouver un emploi, obtenir des soins de santé, trouver un logement ou prendre leur retraite. Bon nombre des organisations et agences comme les nôtres ont été créées parce que la collectivité exprimait un besoin, compte tenu du manque de services adaptés à la culture et aux besoins de nos membres. Il fallait favoriser l'égalité d'accès aux programmes, aux services et aux occasions en zone urbaine. Nous avons reconnu et souligné l'importance d'inclure la culture, les traditions et les valeurs dans la prestation de services pertinents, appropriés et adaptés sur le plan culturel à nos membres.

Notre réussite tient au fait que nous avons créé des partenariats et travaillé en coopération et en collaboration et que nous misons sur le partage. Ces organisations sans but lucratif et ces organismes de bienfaisance ont fait leurs preuves et obtenu la reconnaissance des administrations municipales et des gouvernements provinciaux et fédéraux pour la qualité des services fournis. Parmi ces agences, mentionnons le Native Education College, la Vancouver Native Health Society, l'Aboriginal Community Career Employment Services Society, l'Urban Native Youth Association, la Circle of Eagles Lodge Society, la Federation of Aboriginal Foster Parents, la Helping Spirit Lodge Society, la Vancouver Native Housing Society, Lu'ma Native Housing, le Kla-How-Eya Aboriginal Centre à Surrey, Spirit of the Children à New Westminster, la Nisga'a Tsa'amiks Vancouver Society, les Vancouver Aboriginal Child & Family Services, la Vancouver Aboriginal Community Policing Society, la Warriors Against Violence Society, la Vancouver Aboriginal Transformative Justice Services Society, Healing our Spirit, Kekinow Housing, l'Aboriginal Front Door Society, l'Aboriginal Mother Centre, le Réseau canadien autochtone du sida, la Knowledgeable Aboriginal Youth Society, la Pacific Association of First Nations Women et le Metro Vancouver Aboriginal Executive Council. Je n'ai pas mentionné toutes les organisations autochtones urbaines de la région de Vancouver, mais ma liste souligne et montre bien les divers enjeux et les diverses préoccupations des Premières nations qui vivent à l'extérieur des réserves et le fait qu'on a répondu à ces besoins.

L'ensemble de ces organisations ne peuvent pas compter sur une aide financière adéquate du gouvernement fédéral, et beaucoup n'ont bénéficié d'aucune augmentation depuis 10 ans, voire plus, et les salaires versés à leurs employés n'ont pas suivi le rythme des augmentations du coût de la vie et du taux d'inflation lié aux besoins fondamentaux comme l'alimentation et l'hébergement.

Même si nous sommes fiers du travail collectif réalisé au nom des Autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves dans la grande région de Vancouver, il est encore nécessaire de bonifier les programmes de financement à l'intention de cette population. Il faut absolument s'assurer que les populations autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves ont accès à des services de qualité.

L'inégalité des services reste un défi actuel pour les membres des Premières nations qui vivent à l'extérieur des réserves. Les membres des Premières nations qui vivent dans des réserves bénéficient d'un soutien pour les soins à l'enfance, de financement à l'intention des personnes handicapées et de mesures de financement actif à l'intention des personnes qui reçoivent des paiements d'aide au revenu.

À ces défis liés au financement s'ajoute le fait que, au cours de la dernière décennie, le financement général des services sociaux au Canada a continuellement diminué, ce qui place nos agences de service social dans une situation épineuse. Ces défis liés au financement ont un impact direct pas seulement sur les services et les programmes fournis aux clients autochtones, mais aussi sur les difficultés de notre organisation à recruter des employés et à les maintenir en poste. Nous offrons une formation en cours d'emploi et du perfectionnement professionnel, puis nos employés partent parce qu'ils trouvent un emploi mieux rémunéré dans les secteurs privé ou public.

Les niveaux de financement ne permettent pas aux agences de fournir des avantages sociaux à leurs employés, comme un régime d'assurance-santé, un régime d'invalidité de courte durée ou de longue durée ou des régimes de pension. Bon nombre de nos employés prennent leur retraite sans planification financière adéquate, parce qu'ils ne touchaient pas un salaire suffisant pour se permettre de penser à demain.

Plus tôt cette semaine, la First Call : B.C. Child and Youth Advocacy Coalition a produit son rapport sur la pauvreté des enfants en 2012. Ce rapport confirme que la Colombie-Britannique vient au deuxième rang parmi les plus hauts taux de pauvreté infantile, soit 14,3 p. 100. C'est le pire taux provincial, à part celui du Manitoba. Le rapport précise aussi que la pauvreté infantile est concentrée dans le Grand Vancouver. Environ les deux tiers des enfants pauvres de la Colombie-Britannique y vivent.

Une des recommandations du rapport est d'augmenter le financement des services de protection de l'enfance des Premières nations, des services d'éducation et de santé communautaires et des centres d'amitié autochtones et d'élaborer une stratégie d'élimination de la pauvreté à long terme en coordination avec les Premières nations, les collectivités autochtones urbaines et les gouvernements provinciaux.

Le besoin d'assurer un financement adéquat est constant. Il est tout aussi important de s'assurer que des Autochtones prennent à l'échelle communautaire les décisions qui ont un impact sur les différents aspects de leur vie. Le Vancouver Aboriginal Friendship Centre est étroitement lié à la communauté urbaine autochtone qu'il sert, et nous continuerons de nous efforcer d'assurer le bien-être social et économique de même que la santé et l'éducation de la communauté autochtone urbaine de Vancouver.

Je tiens à vous remercier du temps que vous m'avez accordé et de votre attention.

Je profite de l'occasion pour présenter John Webster, président du Vancouver Aboriginal Friendship Centre.

La présidente : Merci beaucoup, madame Tatoosh.

Madame Hutchison, si j'ai bien compris, vous allez répondre aux questions. C'est exact?

Kari Hutchison, directrice générale adjointe, Victoria Friendship Centre : J'essaierai.

La présidente : C'est ce que nous faisons tous.

Le sénateur Brazeau : Merci de vos exposés.

M. Lacerte a dit qu'il ne considérait pas le processus actuel comme un processus consultatif. Nous non plus. C'est un dialogue, et j'espère que ce sera un dialogue positif pour l'avenir. On m'a appris que, pour qu'un dialogue soit constructif, il faut dire la vérité, poser des questions qui sont parfois difficiles et fournir des réponses qui le sont aussi parfois tout autant.

Voici ma question.

Le gouvernement fédéral dépense beaucoup d'argent pour les membres des Premières nations qui vivent à l'intérieur et à l'extérieur des réserves. Il dépense plus d'argent dans les réserves parce que, selon la position prise au moment de la création du Canada, le gouvernement fédéral est seulement responsable des Indiens qui vivent dans les réserves. Lorsqu'on parle à des représentants du gouvernement fédéral, ils répondent que ce sont les gouvernements provinciaux qui sont responsables des Autochtones vivant à l'extérieur des réserves. Puis, si on parle à des représentants des gouvernements provinciaux, ils répondent que c'est une responsabilité du gouvernement fédéral. Chacun se renvoie la balle. On n'a pas abordé ni réglé le problème, et je ne crois pas que ce sera demain la veille.

Dans quelle mesure interagissez-vous avec le gouvernement provincial? Je crois savoir qu'il y a un sous-financement dans certains domaines. Il faut aussi se rappeler que le gouvernement fédéral transfère beaucoup d'argent aux gouvernements provinciaux pour qu'ils offrent bon nombre des programmes sociaux, comme ceux liés à l'éducation et à la santé, qui visent tous les citoyens. Dans quelle mesure parlez-vous du financement avec le gouvernement provincial?

Mme Tatoosh : Merci de poser la question. Ici, dans le Grand Vancouver, et je parle aussi pour M. Lacerte, tous nos centres d'amitié ont une bonne relation de travail avec le gouvernement provincial. Si ce n'était pas le cas, nous ne serions pas ici aujourd'hui, parce que nous dépendons beaucoup de notre relation avec le gouvernement provincial, les administrations municipales et le gouvernement fédéral. Sans ces partenariats, ces ententes et, parfois, ces protocoles d'entente, nous ne pourrions pas être présents comme nous le sommes en milieu urbain.

Le sénateur Brazeau : Cela se traduit-il par l'affectation d'importants fonds au profit des Autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves dans la province?

Mme Tatoosh : Je ne sais pas si vous étiez au courant, mais, dans son discours du Trône en février dernier, le lieutenant-gouverneur Steven Point a porté à l'attention du gouvernement provincial le besoin d'établir un plan d'action pour les Autochtones à l'extérieur des réserves. Depuis ce temps, nous travaillons en étroite collaboration avec divers ministères provinciaux pour établir une stratégie à l'intention des Autochtones qui vivent en zone urbaine et définir ce fameux plan d'action à leur intention.

Le sénateur Brazeau : Ça fait du bien de vous l'entendre dire. J'ai toujours dit que, malgré les luttes liées aux compétences entre les ordres de gouvernement, les Autochtones devraient talonner les deux ordres de gouvernement. En effet, pendant les chicanes de compétence, des gens sont laissés pour compte, et ça ne devrait pas arriver.

Ma deuxième question porte plus précisément sur la présente étude. On sait bien que vous offrez des services aux Autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves de la région et de la province aussi. Lorsqu'ils se présentent à vos bureaux, vous parlent-ils, par exemple, du fait qu'ils ne peuvent exercer certains de leurs droits, leur droit de vote, par exemple, parce qu'ils vivent à l'extérieur des réserves et qu'ils ne peuvent pas participer aux élections de leur bande? Ou encore, vous disent-ils qu'ils ne peuvent pas avoir accès à certains programmes ou à certains services dans leur collectivité d'origine, encore là, parce qu'ils vivent à l'extérieur des réserves? Dans certains cas, le financement des bandes inclut tous les membres de la bande, peu importe leur lieu de résidence. Cependant, il arrive parfois que des gens ne puissent pas avoir accès à certains programmes ou qu'ils ne puissent pas faire valoir leurs droits parce qu'ils vivent à l'extérieur de leur réserve. Rencontrez-vous des gens dans ce genre de situation? L'objectif de l'étude est de s'assurer que les gens peuvent exercer leurs droits.

Mme Tatoosh : Dans le Grand Vancouver, nous servons et épaulons les bandes des Premières nations en permettant à leurs citoyens qui vivent ici de venir dans un centre d'amitié pour voter. Les citoyens se rendent dans un centre d'amitié pour voter, et les bandes participent à ce processus.

Les bandes nous livrent des aliments ici, en ville, comme du poisson pour leurs membres. Peut-être que, d'où vous venez, il n'y a pas ce genre de coopération ou de collaboration. Ici, en Colombie-Britannique, il y a une bonne relation de travail parce qu'il se faut se rappeler que, en tant que membres des Premières nations, nous restons membres de notre collectivité. Nous sommes dans notre second foyer, alors le lien existe toujours et est permanent.

M. Lacerte : Je veux revenir sur le commentaire de Mme Tatoosh au sujet de l'engagement pris dans le discours du Trône. En fait, il s'agit du premier gouvernement provincial au pays à s'engager officiellement à établir une stratégie pour les Autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves. Nous bénéficions d'une situation vraiment unique en Colombie-Britannique en ce qui a trait à la collaboration, entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, en vue de définir un plan à long terme pour combler l'écart socioéconomique dont sont victimes nos membres.

Pour ce qui est des gens qui se présentent dans les centres d'amitié et disent que leur collectivité d'origine les néglige ou bafoue leurs droits et de la question de l'effritement du lien, c'est une question très intéressante et un sujet dont on a maintes fois discuté. Toute la relation est plutôt semblable à un traité entre nous, entre nos frères et nos sœurs qui vivent sur place et à l'extérieur. C'est un élément très important pour l'avenir de nos membres, et nous voulons le réaffirmer. Comme Mme Tatoosh l'a dit, il y a une très bonne relation de travail entre les centres d'amitié et les Premières nations, et les gens qui se présentent dans nos centres, pour diverses raisons — des raisons qui, souvent, échappent au contrôle de notre peuple —, ont besoin de soutien et, dans une certaine mesure, d'un processus de rétablissement. À mesure que nous reprenons des forces et que nous devenons plus résilients, le processus de rétablissement devient de plus en plus un processus de réaffirmation culturelle. Pour retrouver notre dynamisme, nous devons affirmer fièrement notre identité en gardant à l'esprit les générations passées pour nous rapprocher de notre culture et comprendre la place que nous occupons. Nous sommes des indigènes, et « indigène », ça veut dire du territoire. Le fait de comprendre la place qui nous revient est crucial.

C'est la justification ou la force qui nous incite à retisser les liens avec nos territoires d'origine et à le faire d'une façon positive et respectueuse, parce que c'est ainsi que nous pourrons retrouver notre identité et notre dynamisme.

Pour y arriver, tous les centres d'amitié de la Colombie-Britannique se sont réunis, et nous nous sommes posé cette question très précise et avons fait une déclaration. Nous avons déclaré unanimement que nous reconnaissions le lien de représentation entre les Premières nations et leurs membres, peu importe où ceux-ci vivent. Un point c'est tout. Puis, nous avons ajouté que les centres d'amitié ne sont pas des gouvernements, notre structure n'est pas celle d'un gouvernement, nous sommes conçus comme des sociétés sans but lucratif. Nous ne voulons pas devenir des gouvernements, et nous ne tenterons jamais d'en être. Nous avons ensuite reconnu que beaucoup de nos membres vivent à l'extérieur des réserves, plus de la moitié d'entre eux vivent dans des villages et des villes. Par conséquent, nous avons le droit et la responsabilité de fournir des services et de renforcer notre capacité de fournir des services à ces personnes. Nous sommes des organisations qui appartiennent à la collectivité et qui sont exploitées par leurs membres, et nous avons le droit et la responsabilité de répondre aux besoins de ces personnes, sans tenter de miner ou de contourner la relation légitime entre les membres des Premières nations et les gouvernements, les gouvernements traditionnels ou les gouvernements élus par les membres des bandes.

Le sénateur Hubley : Merci beaucoup à vous tous de vos exposés. Je suis heureuse d'avoir pu venir ici de l'autre bout du pays. Je suis très contente d'être là avec vous aujourd'hui.

Je pose ma première question à M. Lacerte. Vous avez parlé de mobilité. Parlez-vous de la mobilité entre les réserves et les zones urbaines, ou des déplacements en milieu urbain? En d'autres mots, les clients des centres s'installent-ils pour de bon, une fois en ville? S'ils viennent d'une réserve et se rendent à Vancouver, restent-ils ici habituellement?

M. Lacerte : La situation au sein de notre province est unique parce que, sur le plan de la géographie, il y a de nombreuses dynamiques différentes et beaucoup de raisons qui expliquent la mobilité. À l'origine, le gouvernement fédéral avait nommé le Programme des centres d'amitié autochtones le « Programme des migrants autochtones », c'est ainsi qu'on l'appelait à l'époque. Il a ensuite éliminé les restrictions aux déplacements lorsqu'il a modifié la Loi sur les Indiens, en 1960; c'est à ce moment-là que nos membres ont commencé à migrer vers les villages et les villes.

De nos jours, la réalité est beaucoup plus complexe. Il y a des familles qui vivent à l'extérieur des réserves depuis trois générations et qui ont un lien fonctionnel très limité avec leur collectivité d'origine.

De plus en plus, des gens ont les moyens de retourner dans leur collectivité — et c'est le cas de ma famille —, particulièrement durant la saison de la chasse, de la pêche ou de la cueillette de baies. Beaucoup de nos membres, à mesure qu'ils recouvrent la santé, se tournent vers des penseurs et des praticiens traditionnels pour organiser des cérémonies. La mobilité est maintenant bidirectionnelle. La principale condition qui caractérise nos collectivités, c'est la pauvreté, la pauvreté intergénérationnelle, qui découle du système des pensionnats, et il y a des limites. Je dirais que c'est par nécessité que la plupart des gens migrent; ils sont poussés par le besoin d'avoir des soins de santé, de trouver un emploi et de poursuivre ses études.

Le sénateur Hubley : Mme Tatoosh nous a dit que le rôle des centres d'amitié est d'assurer l'exécution de programmes. Les programmes sont offerts par le centre à des Autochtones, mais je vois que vous avez une politique des portes ouvertes et que les centres sont ouverts à tous ceux dans le besoin. Est-ce quelque chose dont tiennent compte vos bailleurs de fonds?

Mme Tatoosh : Certains, oui, mais, comme vous l'avez mentionné, nous accueillons, surtout dans le Grand Vancouver, beaucoup de non-Autochtones. Nous gérons une banque alimentaire. Elle est supposée être réservée à nos Aînés, mais il y a beaucoup de non-Autochtones qui viennent, surtout depuis un an. C'est de plus en plus difficile de répondre aux besoins, parce que les aliments que nous fournissons nous viennent de la banque alimentaire du Grand Vancouver. Au départ, nous lui fournissons des statistiques et des données sur le nombre de personnes qui ont besoin de notre aide.

Mme Tatoosh : Il y a un mouvement de fond plus général qui se produit à Vancouver et qui pousse des gens vers l'itinérance. Cela fait en sorte que des gens sont à un ou deux chèques de paie de sombrer dans la pauvreté, qu'ils ont davantage besoin de nos services et qu'ils viennent dans nos centres d'amitié parce qu'ils savent que nos portes sont toujours ouvertes. Alors oui, ça se produit souvent.

Le sénateur Harb : Je veux vous poser quelques questions sur l'évolution de votre organisation au fil du temps. Monsieur Lacerte, vous avez mentionné le rôle de défenseur que joue votre organisation. Évidemment, aujourd'hui ou cette année vous servez beaucoup plus de personnes qu'il y a, disons, 15 ou 20 ans. De quelle façon envisagez-vous votre rôle compte tenu des nouvelles pressions sociales qui se profilent à l'horizon? De quelle façon croyez-vous que votre rôle évoluera à partir de maintenant? Et quelles sont les choses que le gouvernement fédéral peut ou devrait faire précisément pour vous aider à jouer ce rôle?

M. Lacerte : Il ne fait aucun doute que nous avons renforcé nos capacités au cours des 10 ou 15 dernières années. Je dirais que notre capacité a probablement doublé au cours de cette période en raison de l'arrivée d'Autochtones, des pressions et de la demande pour nos services. Nous avons fait un suivi. Pour être précis, la demande pour nos services a doublé au cours des 10 dernières années. C'est dû en partie au taux de natalité et aux pressions connexes, aux niveaux accrus de pauvreté dans nos collectivités, à l'augmentation du nombre de non-Autochtones qui viennent dans les centres et à la quantité de nos membres qui quittent leur collectivité d'origine pour s'installer en milieu urbain. Selon le recensement de 2006, 64 p. 100 des Indiens inscrits du pays résident maintenant à l'extérieur des réserves. En outre, selon nos calculs, environ 90 p. 100 des Indiens non inscrits au pays résident à l'extérieur des réserves, c'est donc un tournant démographique très important.

À ce sujet, notre rôle a changé à un certain nombre d'égards. Premièrement, il a fallu renforcer notre capacité pour répondre à un plus vaste éventail de besoins. Dans l'environnement budgétaire actuel, beaucoup d'organisations ont vu leurs recettes publiques baisser. Beaucoup de nos organisations sœurs luttent pour survivre et réduisent leurs activités. Il y a une pression à la baisse sur les recettes administratives et les recouvrements. C'est de plus en plus difficile pour les organisations sans but lucratif de poursuivre leurs activités au pays, et les centres d'amitié de la Colombie-Britannique ont réussi à maintenir le cap et à croître. C'est en partie en raison du soutien que nous nous fournissons l'un l'autre, de la force du lien qui nous unit aux Premières nations, de l'accent que nous mettons sur la responsabilité et l'efficacité et du fait que nous écoutons ce que nos membres ont à dire. Nous sommes devenus une organisation fondée sur les besoins. Il y a un besoin dans la collectivité. Nous nous organisons. Nous cernons le besoin, nous nous organisons et nous le comblons, en trouvant les ressources et les gens nécessaires pour y arriver. Puis, nous revenons à la charge et trouvons un autre besoin à combler.

C'est un processus cyclique qui est vraiment fondé sur les besoins de nos membres, alors nous n'adoptons pas des solutions de tierces parties pour les appliquer dans notre collectivité. Nous écoutons, nous nous appuyons sur le travail de nos conseils d'administration composés de bénévoles et nous avons un certain nombre de façons de déterminer quels sont les besoins.

Qu'est-ce que le gouvernement du Canada peut faire en ce qui a trait aux centres d'amitié? Je n'ai pas une liste exhaustive des choses à faire, mais j'ai quelques idées sur ce qu'il pourrait faire. Un des besoins les plus pressants — et c'est un cri du cœur —, selon moi, c'est qu'il faut apporter un changement systémique en ce qui a trait au manque de respect à l'égard des femmes autochtones. Je me permets de dire sur une note personnelle que nous, en tant qu'hommes, devons réellement nous indigner, comme notre frère guerrier, qui a dansé pour nous aujourd'hui, nous devons comprendre l'urgence de la situation et nous élever contre la violence à l'égard des femmes autochtones. C'est une honte pour tous les hommes que de telles conditions persistent. Notre culture n'a jamais approuvé la violence à l'égard des femmes et des enfants. Elle a toujours exigé de nous que nous les protégions, alors le fait de garder le silence ou de ne pas s'en mêler ne fait plus l'affaire. Si je devais nommer une cause que nous devons embrasser, c'est la révolution des hommes de notre société qui doivent s'élever contre les mauvais traitements réservés aux femmes et aux enfants.

Du point de vue de la politique publique, on dirait que les discussions au Sénat et vos constatations vont vraiment contribuer à un nouveau cadre de politique publique qui définira la façon dont le gouvernement du Canada interagira avec les Autochtones. Une façon dont vous pouvez travailler avec nous, c'est de ne pas nous diviser. La suggestion concernant le partage des ressources est très difficile, et nous ne voulons pas contribuer à une réduction des ressources dont bénéficient nos frères et nos sœurs qui vivent dans des collectivités des Premières nations.

Outre les conditions de vie, le coût des types de services d'infrastructure qui sont nécessaires — ce n'est pas nous qui avons mis en place ce système—, et la perception selon laquelle il s'agit d'un coût élevé est, de notre point de vue, inexacte. C'est un coût historique découlant de décisions de l'État. Celui-ci a une responsabilité fiduciaire permanente à l'égard des Premières nations; il doit travailler avec elles pour effacer l'impact des pensionnats et de l'expatriation de nos membres de nos territoires traditionnels. Je vais le dire d'une autre façon — et j'aurai peut-être l'air de répondre indirectement à la question, mais c'est en fait une réponse tout à fait directe —, il ne faut pas nous mettre dans une situation où il faudra réaffecter des ressources vers les collectivités à l'extérieur des réserves en raison des mouvements de population.

Nous ne voulons pas défendre la notion selon laquelle il est temps ou indiqué de réduire les niveaux de financement des collectivités des Premières nations. Mais, en même temps, nous croyons que des activités de sensibilisation, des changements de politique et des investissements accrus sont nécessaires pour réagir à la nouvelle réalité démographique de la population autochtone urbaine croissante. Je dois dire que, à de nombreux égards, c'est l'avenir du pays dont il est question. Maintenant que le Canada a signé la Déclaration des droits des peuples autochtones des Nations Unies, dans ses recommandations, le Sénat devrait tenter de trouver des activités ou des projets pilotes permettant d'appliquer des recommandations précises qui pourraient donner l'exemple et constituer une marque de leadership à l'échelle mondiale en ce qui a trait à la relation entre l'État et nos peuples.

Le sénateur Harb : Vous me faites presque penser à un service d'incendie qui essaie constamment d'éteindre des feux et qui doit répondre à beaucoup d'appels. Plus du tiers de vos membres vivent sous le seuil de la pauvreté. Le ratio entre les non-Autochtones et les Autochtones en ce qui a trait à l'obtention d'un diplôme d'études secondaires est de trois pour un. Il semble que 50 p. 100 de vos membres souffrent d'une affection chronique, et le taux de chômage des Autochtones est quasiment le double de celui des non-Autochtones.

Êtes-vous une organisation de bienfaisance aux termes de la loi fédérale? Ou êtes-vous une organisation sans but lucratif?

M. Lacerte : Environ 20 des 25 centres d'amitié sont des organisations de bienfaisance et sont enregistrées comme telles. Notre bureau provincial est un organisme de bienfaisance enregistré, mais nous sommes constitués en société aux termes de la Non-Profit Society Act provinciale.

Le sénateur Harb : C'est exact, mais, au niveau fédéral, vous êtes considéré comme un organisme de bienfaisance.

En tant que tel, vos mains sont liées. Selon moi, c'est quelque chose dont il faut vraiment tenir compte. Vos mains sont liées d'une certaine façon parce que, au sens de la loi fédérale, en tant qu'organisme de bienfaisance, vous ne pouvez pas être un organisme de défense des droits, vous êtes seulement un genre de fournisseur de services, un organisme de bienfaisance qui recueille des fonds et les distribue. C'est un enjeu très important. Comme plus de 50 p. 100 de votre population s'établit en zone urbaine et traîne avec elle toutes sortes de problèmes et de difficultés et de défis qui en découlent, vos mains sont liées, parce qu'à tout moment, un bureaucrate peut vous interpeler et vous dire : « Regarde, je suis désolé, non seulement je ne peux pas te donner d'argent pour que tu fasses ton travail, mais je dois révoquer ta licence parce que tu t'adonnes à des activités de défense des droits ».

La Cour fédérale et la Cour suprême ont rendu un certain nombre de jugements au sujet des Autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves. Elles se sont toutes les deux rangées clairement derrière la Charte des droits et libertés en ce qui a trait aux questions touchant les droits des Premières nations et elles ont affirmé que, que les Autochtones qui vivent dans une réserve ou à l'extérieur des réserves ont les mêmes droits devant la loi, et que, par conséquent, ils doivent bénéficier des avantages établis par la loi. Dans quelle mesure envisagez-vous, dans la collectivité, de soumettre ces décisions au gouvernement et de lui demander précisément ce qu'il fera à l'avenir pour affirmer clairement les droits des membres des Premières nations, peu importe leur lieu de résidence? En ce qui me concerne, on n'en a pas beaucoup parlé, du moins pas sur la Colline du Parlement. Y a-t-il eu des discussions afin de défoncer le plafond et, dans la négative, avez-vous l'intention, au sein de la collectivité, de parler de ces décisions?

M. Lacerte : Merci, monsieur le sénateur. J'aimerais mentionner certains des dossiers dont vous avez parlé.

Un des dossiers les plus importants pour nous, c'est la décision Corbiere. John Corbiere s'est levé et il a dit qu'il voulait exercer son droit de vote. On revient à ce que Mme Tatoosh a dit, et ce centre d'amitié est l'un des meilleurs exemples d'un bureau de vote dans la province et du fait qu'on peut travailler avec différentes Premières nations pour favoriser la participation aux élections. La pauvreté, encore une fois, est un obstacle important de la participation au processus démocratique que sont les élections, tout comme le fait de compter uniquement sur un système d'envoi des votes par la poste sans pouvoir se faire une idée des candidats. Une des stratégies que nous avons tenté de mettre en œuvre à l'appui de la décision Corbiere, c'est de créer des bureaux de vote dans les centres d'amitié.

Une autre dynamique unique, c'est que les directeurs généraux de bon nombre de nos centres d'amitié sont des membres de la Première nation locale. Encore une fois, je ne sais pas si c'est aussi le cas ailleurs au pays, mais c'est un facteur très important pour nous parce que ça permet de comprendre directement ce qui se produit dans la réserve.

Par conséquent, en ce qui concerne la décision Corbiere, nous nous sommes efforcés de faciliter le processus de vote des membres avec leur Première nation locale. Nous n'avons pas opté pour la voie de la contestation — même si nous avons envisagé de le faire au sein de notre structure de comité de gouvernance provinciale — pour faire appliquer à la lettre l'arrêt Corbiere et pour obtenir directement des ressources ou conclure une entente forcée avec les Premières nations. Nous avons plutôt choisi la collaboration avec les dirigeants élus des Premières nations.

La deuxième décision est l'arrêt Delgamuukw. Dans l'arrêt Delgamuukw, la Cour suprême a affirmé que nous sommes tous ici pour de bon et a défini ce qui revient à l'État, ce qui revient aux Premières nations et les compétences des Premières nations. Par conséquent, nous n'avons pas participé directement à l'application de l'arrêt Delgamuukw, mais c'est une décision qui a un impact important sur les droits des Premières nations.

Il était question d'un système fondé sur l'hérédité. Fait intéressant, Delgamuukw et Gisday'wa, les chefs héréditaires Gitxsan et Wet'suwet'en, sont ceux qui ont entrepris les démarches devant les tribunaux. En outre, ces structures de gouvernance traditionnelles étaient grandement fondées sur la notion de territoire. Selon la structure de gouvernance traditionnelle, les gens qui quittent le territoire, par choix ou de force, ont des possibilités très limitées de retourner chez eux pour participer à des événements comme des potlatchs. Malgré tout, la Cour suprême a déclaré qu'il y a une fracture, c'est une réalité pour nous, qui vivons très loin de nos territoires ancestraux. Ce sont des fonctions de gouvernance ancrées dans le territoire, le fait d'être là pour un potlatch. J'ai un nom et ma place dans le potlatch de mon territoire, mais c'est à 650 milles au nord d'ici. Beaucoup de nos membres se trouvent dans une situation identique à la mienne.

Nos leaders traditionnels n'essaient pas de nous retirer nos pouvoirs. C'est seulement la réalité de la migration de nos membres. En outre, la pauvreté est un obstacle concret, parce que nous ne pouvons pas prendre l'avion ou monter en voiture et prendre une semaine de congé pour retourner chez nous parce qu'un de nos chefs héréditaires est décédé. Ça nous peine de ne pas pouvoir être là, mais ça tient non pas à l'échec de notre système traditionnel, mais à la réalité de la migration de nos membres.

Les arrêts de la Cour suprême qui concernent la question de l'exploitation des ressources naturelles, les arrêts Taku et Haida, ont été abordés dans bon nombre de discussions dans le Nord de la Colombie-Britannique, en particulier, tout comme le besoin de procéder à des consultations adéquates. La notion de « consultations adéquates » signifie-t- elle que les citoyens qui vivent à l'extérieur de la réserve peuvent voter pour déterminer si un projet d'exploitation des ressources naturelles doit être autorisé? Les centres d'amitié ne participent pas officiellement aux décisions relatives aux ressources naturelles. Ce sont des décisions qui relèvent uniquement des citoyens qui vivent à l'extérieur des réserves et de leur gouvernement, et nous avons décidé de ne pas nous en mêler. En outre, nous n'en parlons pas durant les réunions de notre conseil provincial.

Ce sont les principaux dossiers.

Mme Tatoosh : J'aimerais ajouter que les centres d'amitié constituent des endroits où des membres des Premières nations peuvent venir et informer leur compatriotes et demander de participer aux décisions prises dans leurs territoires d'origine.

Au centre d'amitié, nous restons neutres, mais nous offrons un lieu pour que de telles discussions aient lieu, pour donner aux membres qui vivent en zone urbaine l'occasion de formuler des commentaires relativement aux décisions qui sont prises pour eux dans leurs collectivités d'origine.

Le sénateur Hubley : À ce sujet, respecteriez-vous votre statut d'organisme non politique si vous permettiez à un parlementaire qui est dans votre secteur de venir s'entretenir avec un de vos groupes ou vos membres?

Mme Tatoosh : Nous le faisons. Nous organisons ce type de tribunes, et nous organisons aussi des célébrations après les élections.

Mme Hutchison : Nos bureaux servent aussi de bureaux de vote dans le cadre des élections fédérales et provinciales.

Le sénateur Brazeau : Je m'en voudrais de ne pas poser une question que j'ai bien peur d'avoir oublié de poser durant les séances du début de la semaine.

Comme je l'ai mentionné tantôt, je sais que le rôle des centres d'amitié, c'est la prestation de services. Je suis l'ancien chef national d'une organisation qui représentait des Autochtones vivant à l'extérieur des réserves et qui défendait leurs droits.

Madame Tatoosh, vous avez dressé une assez longue liste d'organisations de la province. Il s'agit principalement d'organisations politiques qui représentent des Autochtones vivant dans des réserves. Qui, dans la province, défend bien, dans l'arène politique, les droits des Autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves? Y a-t-il quelqu'un qui défend adéquatement les Autochtones qui résident à l'extérieur des réserves? Dans la négative, évidemment, ça crée un genre de vide, surtout pour les centres d'amitié et les autres organisations aussi, parce que, en réalité, les parlementaires et les décideurs traitent davantage avec des représentants politiques plutôt que des représentants d'organisations de prestation de services. Y a-t-il dans la province une organisation politique solide qui défend adéquatement les droits des Autochtones vivant à l'extérieur des réserves?

M. Lacerte : Je veux faire une distinction. Comme on l'a déjà dit, c'est une question fondamentale pour nous et c'est lié aussi à la question du sénateur Harb.

La notion selon laquelle nous sommes des organismes de bienfaisance inscrits comme tels auprès du gouvernement fédéral et que ça nous empêche de jouer le rôle de porte-parole... Notre bureau provincial est considéré comme une œuvre de charité, mais notre organisation, en fait, est un lobbyiste enregistré. Nous passons tellement de temps auprès du pouvoir législatif.

Selon les critères du mouvement des centres d'amitié, nous ne sommes pas une organisation partisane, mais cela ne signifie pas que nous n'intervenons pas dans l'arène politique. Les Autochtones peuvent être affublés de tellement de désignations — dans mon cas, je suis Métis et j'ai obtenu mon statut à mi-parcours, je suis un Métis qui vit à l'extérieur des réserves —; le simple fait de naître fait de nous des agents politiques. Un Autochtone né au pays doit devenir un agent politique. Les centres d'amitié sont très politisés. Nous participons constamment à des activités de défense des droits.

Un bon exemple, c'est lorsque des gens viennent et enlèvent nos enfants. Il n'y a pas de porte-parole de prévus dans le système, et les représentants des centres d'amitié vont défendre les droits de ces personnes, parce que ce sont habituellement des personnes marginalisées, qui, souvent, ne savent pas ce qui leur arrive; ils savent seulement que quelqu'un leur enlève leurs enfants.

Les gens sont victimes de violence dans les institutions, dans les établissements correctionnels et dans les établissements d'enseignement. Mes enfants se font suivre lorsqu'ils vont au Safeway. Le gardien de sécurité les a à l'œil. Il y a d'innombrables exemples de racisme systémique, et nous nous élevons très souvent pour riposter et défendre les droits de nos membres. Beaucoup appelleraient cela une fonction politique.

Y a-t-il une entité qui défend les Autochtones vivant à l'extérieur des réserves? Absolument. Le message est véhiculé par beaucoup des bénévoles de nos conseils d'administration, pas seulement dans les centres d'amitié, mais dans les centres de traitement, les sociétés de justice réparatrice et toutes les organisations sœurs que l'on a mentionnées. Il y a une alliance très solide des gens de la collectivité, qui se lèvent debout et qui se font entendre.

Demandons-nous aux personnes qui viennent dans les centres d'amitié de signer un bulletin afin qu'on puisse, en toute légitimité, parler en leur nom dans l'arène politique? La réponse est non. Nous n'avons pas le pouvoir délégué d'être une organisation qui représente qui que ce soit, et nous n'en voulons pas. Nous croyons, et Mme Tatoosh et M. Beaton en ont tous deux parlé, qu'une relation authentique grâce au dialogue est la façon de bâtir une compréhension commune et de définir un engagement commun à l'égard d'un avenir différent. On nous écoute, et je crois que c'est parce que nous n'avons pas essayé, subrepticement, de faire concurrence aux Premières nations dans l'arène politique. Ce n'est pas l'enjeu essentiel. L'enjeu essentiel, c'est qu'il faut trouver des façons pratiques et respectueuses d'améliorer la qualité de vie de nos membres, et il faut le faire ensemble. C'est notre cheminement d'engagement. Nous sommes présents dans l'arène politique, mais nous n'affirmons pas représenter politiquement qui que ce soit.

Le sénateur Brazeau : Je devrais peut-être être plus précis. Dans la province, il y a certains organismes politiques qui représentent les Autochtones vivant à l'extérieur des réserves. Ma question précise est la suivante : selon vous, font-ils du bon travail? Défendent-ils bien les droits des Autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves en Colombie- Britannique?

M. Lacerte : Nous ne pouvons pas répondre à cette question. Nous voulons simplement réaffirmer le rôle que nous jouons et la saine relation que nous avons avec les dirigeants des Premières nations et de la nation métisse de la Colombie-Britannique. Il y a tout plein d'exemples de bonnes relations de travail saines et fonctionnelles dans le cadre desquelles des gens travaillent et des activités sont réalisées, que l'on pourrait mentionner et qui permettent réellement d'améliorer la qualité de vie de nos membres.

La présidente : Au Manitoba et en Saskatchewan, nous avions demandé aux représentants de centres d'amitié comment ils prévoyaient réagir aux changements au sein des populations autochtones et des Premières nations. Selon vous, le rôle des centres d'amitié va-t-il changer ou évoluer en réaction aux changements démographiques qui surviennent au sein de la communauté autochtone?

Mme Tatoosh : Tout d'abord, j'aimerais rappeler que les centres d'amitié ont été mis sur pied afin de créer un pont entre les réserves et l'extérieur des réserves. Il s'agissait du pont visant à aider à la transition entre la réserve et le milieu urbain. Nous avons longtemps eu pour rôle principal d'assurer un service d'orientation, mais nous nous sommes transformés pour devenir le noyau de la communauté, où non seulement nous offrons des services, mais nous servons également de lieu de rassemblement. C'est l'endroit où les gens vont lorsqu'ils cherchent des membres de leur famille qui sont venus en ville. C'est l'endroit où les gens vont lorsqu'ils cherchent un logement, pour obtenir de l'aide afin de présenter leur demande de statut d'Indien, lorsqu'ils ont besoin d'aide. Notre rôle sera toujours de leur offrir ce service, d'agir à titre de pont pour eux et pour les 10 p. 100 dont nous pouvons défendre les droits en tant qu'organismes de bienfaisance. Nous allons agir à titre de défenseurs auprès des 10 p. 100 au complet.

La présidente : Je présume que vous offrez un service à tout le monde. Vous ne leur demandez pas leur statut?

M. Lacerte : Je crois que la réponse, c'est oui. Nous allons changer et évoluer, et notre rôle changera. Deux choses : la première, c'est que notre population progresse le long du continuum. De plus en plus de gens au sein de notre communauté sont en santé, forts et bien adaptés et cherchent des possibilités d'excellence et d'optimisation. Il y a une nouvelle énergie dans les centres d'amitié concernant l'excellence et le fait d'aider les gens qui ne figurent pas dans l'échelon supérieur de la pyramide des besoins de Maslow, et la deuxième, c'est la capacité de générer des revenus autonomes.

Nous voyons l'avenir. Il y a une pression vers le bas et toutes sortes de nuages sombres à l'horizon économique depuis un certain temps maintenant, donc nous avons examiné la possibilité de générer des revenus autonomes, de créer une entreprise sociale et de susciter l'innovation sociale. Nous commençons volontairement à rechercher de façons de générer des profits sociaux et des profits financiers ainsi que de favoriser l'innovation sociale. Le centre de Vancouver en est, encore une fois, un excellent exemple, grâce à la formation professionnelle en cuisine et au programme de service de traiteur qui y sont offerts. Nous allons évoluer et changer au fil du temps et acquérir autant d'indépendance que nous le pouvons.

La présidente : Monsieur Lacerte, vous parliez de programmes d'emploi pour les jeunes, et vous les avez décrits de façon plutôt exhaustive. Notre dialogue avec les gens vise notamment à faire connaître ce qui se passe dans différentes régions du pays.

Avez-vous des suggestions pour les centres d'amitié ou les organismes de prestation de services qui voudraient peut- être mettre en œuvre des programmes d'emploi pour les jeunes semblables au vôtre?

M. Lacerte : L'une de nos grandes forces, c'est que nous apprenons les uns des autres, tant ici en Colombie- Britannique que dans l'ensemble du pays. Nous nous sommes d'ailleurs rendus en très grand nombre en Ontario pour examiner le travail qu'effectuent nos centres à vocation analogue là-bas, et le transfert de connaissances fait partie intégrante de notre processus d'établissement de relations; nous nous entraidons.

Un des événements que nous organisons chaque année s'intitule « Gathering Our Voices ». Il s'agit d'un rassemblement provincial de jeunes Autochtones. Nous accueillons plus de 1 000 jeunes, et nous le faisons depuis une douzaine d'années maintenant. Au cours de cet événement, nous nous concentrons beaucoup sur l'éducation, la santé et l'emploi, et il y a beaucoup d'échanges entre les pairs, de réseaux de mentorat et de pairs ainsi que de réseaux de jeunes. Le mouvement des jeunes Autochtones est très actif en Colombie-Britannique, et nous sommes très heureux de partager nos idées. Nous avons un certain nombre d'employés qui travaillent dans le cadre de ce mouvement également. S'il y a quoi que ce soit de particulier ou si une occasion se présente, sachez que nous serons heureux d'aider.

La présidente : Dans votre mémoire, si vous pouviez en parler plus en détail, ce serait utile.

Madame Tatoosh, une des choses que nous avons entendues à Winnipeg, et davantage en Saskatchewan, c'est qu'il y a toujours cette dispute entre les bandes qui vivent à l'intérieur des réserves concernant le montant d'argent, c'est-à-dire la question de déterminer qui obtient quel montant d'argent. Vous avez dit que vous entreteniez une très bonne relation avec le gouvernement provincial. Peut-être allez-vous en parler davantage dans votre mémoire. Cependant, pour ce soir, comment avez-vous pu obtenir autant de succès et que recommanderiez-vous aux autres communautés afin qu'elles puissent créer des partenariats entre les gouvernements provinciaux et vos organismes?

Mme Tatoosh : La meilleure façon d'y arriver, c'est au moyen de la sensibilisation. Il faut que vous sortiez de votre zone de confort, que vous vous fassiez connaître en tant qu'organisation, que vous fassiez connaître les services que vous offrez et que vous n'ayez pas peur de frapper à des portes.

Chaque fois que le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial ou les municipalités organisent un événement, nous y sommes. Notre présence se fait toujours sentir, notamment à la réunion de planification de quartier où on veut savoir de quelle façon les gens veulent voir leur quartier s'améliorer. Allez à ces réunions, envoyez-y des gens. C'est ce que nous avons fait. Nous nous sommes entièrement engagés envers la municipalité. Nous nous sommes véritablement fait connaître auprès des ministères et des gouvernements provincial et fédéral. Même si AINC, ce qui est l'ancienne désignation, était responsable des Autochtones habitant dans les réserves, nous lui avons tout de même fait savoir que nous existons, et que nous offrons toujours des services à cette population. De cette manière, en nouant des liens, nous sommes toujours là-bas en train de frapper à leur porte. Il faut faire preuve de persistance et ne pas avoir peur de dire les vraies choses. La vérité, comme l'a dit le sénateur Brazeau. Une chose que nous faisons mal, c'est nous vanter. Nous ne savons pas comment nous vanter, même si nous avons réalisé de très grandes choses. Nous n'en parlons pas assez souvent. Plus les gens entendent parler de votre organisation, plus ils en savent sur ce que vous faites, mieux c'est. Amenez-les à votre organisation. Invitez-les à y organiser leurs activités. Nous accueillons leurs salons de l'emploi chez nous. Nous accueillons les débats électoraux des municipalités. Nous invitons les candidats à venir prononcer un discours, et la seule façon d'y arriver, c'est en s'engageant.

Le sénateur Brazeau : Seriez-vous prête à peut-être offrir des conseils aux gens d'AINC sur la façon de réagir et d'agir à l'égard des Autochtones et peut-être vous en débarrasser?

La présidente : Vous n'avez pas à répondre à ça.

Mme Tatoosh : Comme l'a dit M. Lacerte, nous travaillons en collaboration avec chaque personne avec laquelle nous traitons, et une de nos plus grandes valeurs, c'est le respect. Nous prêtons toujours attention à cet aspect dans la manière dont nous traitons les gens, et, dans le cadre de notre travail auprès des gens, nous commençons par les respecter. Je sais que vous plaisantiez, mais je tiens à vous rappeler notre valeur.

La présidente : Vous avez nommé ce gymnase le Judge Alfred Scow Gym. Lorsque j'ai commencé à exercer la profession d'avocat, il m'a enseigné le métier. Lorsque vous parlez de faire preuve de respect, une des choses que vous n'avez pas mentionnées, c'est votre relation avec la communauté diversifiée de Vancouver, la mesure dans laquelle vous faites partie de cette communauté. Aujourd'hui, nous nous retrouvons dans une salle spéciale que vous avez nommée en l'honneur d'une personne très spéciale qui nous en a appris beaucoup. C'est un véritable privilège d'être ici.

Une des choses dont nous n'avons pas parlé et que nous aimerions que vous commentiez dans vos mémoires, ce sont les défis liés à l'éducation. Je sais que, cette fin de semaine, il y a une conférence ici sur la question des enfants qui quittent la réserve et de la manière dont ils font leurs études. Nous n'avons plus de temps, alors je ne vous poserai pas la question, mais nous apprécierions beaucoup si vous pouviez y répondre dans votre mémoire. Merci beaucoup.

Le sénateur Hubley : J'ai l'immense plaisir, au nom du sénateur Jaffer, du sénateur Brazeau, du sénateur Harb et de nos employés, de vous remercier d'être ici aujourd'hui. J'aimerais remercier chacun de vous. Vous nous avez fourni de l'information précieuse en répondant de façon franche, ce qui nous aidera certainement à aller de l'avant et à rédiger notre rapport. Je m'en voudrais, puisque j'adore les œuvres sur les murs, de ne pas souligner ce très beau décor. Nous sommes toujours tellement impressionnés par le dynamisme des gens et la façon dont vos arts en témoignent. Ne perdez jamais cela.

Merci beaucoup.

La présidente : Nous allons poursuivre avec notre prochain groupe de témoins. Madame Rauch, veuillez commencer.

Sarah J. Rauch, directrice et avocate superviseure, Service de consultation juridique des Premières nations de l'Université de la Colombie-Britannique : Je suis directrice et avocate superviseure du Service de consultation juridique des Premières nations de l'Université de la Colombie-Britannique. C'est une nouvelle relation. Je n'ai jamais comparu devant un comité sénatorial auparavant, mais je vous remercie de l'occasion que vous m'offrez. C'est un honneur d'être ici, dans cette salle du centre d'amitié, et, bien sûr, sur ce territoire.

Malheureusement, je devrai partir bientôt, mais ce qui est bien, c'est que ça donnera plus de temps à d'autres personnes pour parler, et ça aussi, c'est important. Je devrais également mentionner qu'une étudiante m'a volontairement accompagnée. Il s'agit de Claire Anderson, qui est également prête à rester et répondre à toutes les questions concernant le Service, si cela peut vous aider.

Le Service de consultation juridique des Premières nations a été créé par ma collègue et mentor, Renee Taylor, qui était la directrice et avocate précédente. Le Service avait été initialement conçu par madame la juge Lynn Smith, qui était la doyenne de la faculté de droit de l'Université de la Colombie-Britannique à l'époque, et qui habite dans le quartier depuis 1994, donc depuis environ 18 ans. Nous avons déménagé deux ou trois fois dans le quartier.

Je suis moi-même une diplômée du Service, qui est financé par la Fondation du droit de la Colombie-Britannique et la faculté de droit de l'Université de la Colombie-Britannique, et tous nos clients sont des Autochtones.

Nous offrons une gamme de services juridiques aux Autochtones. Le domaine est très vaste et diversifié, et ce, tant en ce qui a trait aux gens qu'à l'éventail de services que nous offrons. Il y a de tout, en commençant par des questions comme le vote à l'extérieur des réserves, un enjeu pour lequel une cause a été portée devant les tribunaux fédéraux, plus précisément pour un conflit concernant le territoire. Parmi les autres enjeux, il y a notamment des demandes d'appartenance à la bande ou des conflits connexes, des questions de droits de la personne, ainsi que les questions, les processus et les retombées liés au règlement sur les pensionnats autochtones. La majeure partie de ce que nous faisons consiste probablement à assurer la défense de nos clients en matière pénale ainsi que dans le cadre de causes liées à la famille, de nature civile et concernant les testaments et les successions. Nous faisons tout. Le travail du Service pourrait donc être décrit comme un mélange de services éducatifs et communautaires.

Les étudiants de deuxième et de troisième années en droit arrivent et restent pendant tout un semestre dans le cadre de leurs études à la faculté de droit. Il y a seulement six étudiants à la fois, donc ça fonctionne comme un petit cabinet d'avocats.

Nous sommes tout près, sur la rue Alexander. Nous avons toujours déménagé dans un rayon de six pâtés de maisons. Pendant une certaine période, nous avons partagé nos locaux avec la Native Court Workers and Counselling Association. Nous sommes maintenant seuls dans nos propres locaux, au niveau de la rue. Nous avons des clients de tous les milieux, mais nous avons beaucoup d'Autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves, en ville, plus précisément dans le Downtown Eastside. Nous agissons à titre d'intermédiaire et, parfois, nous représentons des gens de partout dans la province. Nous avons eu un client du Nunavut, donc nous avons une grande portée.

Le plus grand défi au Service, c'est le volume d'appels que nous recevons et la demande que suscitent nos services ainsi que le fait de toujours avoir à déterminer quelles causes défendre et qui refuser. Nous sommes donc extrêmement occupés. C'est un avantage pour les étudiants en droit parce qu'ils ont l'occasion d'apprendre dans un cadre pédagogique fondé sur la pratique. Les étudiants font leur stage conformément aux règles du barreau et peuvent, en fait, diriger le déroulement d'un procès et se charger d'un procès, particulièrement un procès pénal. Pendant le semestre au cours duquel ils effectuent un stage au Service, ils en ont souvent l'occasion, et c'est ce que Mme Anderson a fait et ce qu'elle fera. Elle a un procès lundi. Donc, ça donne lieu à ce qui est, selon moi, un type de pédagogie autochtone plus traditionnel, qui consiste en l'apprentissage par l'expérience plutôt que par la théorie.

L'importance d'écouter les clients ainsi que de connaître leurs antécédents et ce à quoi ils font face est une chose sur laquelle j'insiste en tant qu'avocate superviseure et gestionnaire. Il y a un volet théorique au Service, et les étudiants rédigent un travail de semestre. C'est, selon moi, une façon réfléchie d'être initiée à la pratique du droit. Ce que j'entends par « écouter », c'est non seulement écouter les confrères étudiants, moi-même ou nos employés au Service et d'être, espérons-le, un groupe qui fait preuve de collaboration dans le cadre de la prestation du service, mais également, et particulièrement, écouter les clients, apprendre à écouter leurs histoires et adapter ce qu'ils ont entendu afin d'offrir des façons novatrices de les représenter. Cela suppose parfois de proposer aux tribunaux des arguments fondés sur des valeurs autochtones plutôt que des valeurs non autochtones, et il y a certains exemples précis que je pourrais donner.

Je voulais surtout souligner, étant donné le contexte de la présente réunion, l'importance d'écouter de façon très attentive et de pouvoir, parfois, changer d'optique et faire fi de ce qu'on a déjà appris. Les étudiants constatent que ce qu'ils ont appris à la faculté de droit, en fait, ne concorde pas nécessairement avec ce qu'ils apprennent dans le cadre de leur stage au Service, et particulièrement lorsqu'ils écoutent les histoires de leurs clients et qu'ils entendent les problèmes juridiques que ces clients confient au Service.

Nos clients font preuve de beaucoup de force de caractère, même lorsqu'ils vivent des conflits. Ils ne consultent jamais un avocat parce qu'ils sont heureux dans leur vie. Ils sont habituellement pris dans une certaine forme de conflit. Souvent, ils sont carrément pris dans un système juridique qui leur a été imposé, à eux et à leur peuple, depuis de nombreuses années, et nous les aidons à s'y trouver; là encore, il faut adopter une certaine optique, garder l'esprit ouvert et, souhaitons-le, avoir la capacité d'écouter puis d'aider à raconter ou à communiquer l'histoire au juge des faits.

J'ai lu certains documents en vue de me préparer, une fois de plus, à cette nouvelle expérience, puisque je n'ai jamais participé à une réunion de ce genre auparavant, et ce que je crois comprendre, c'est qu'on se concentre notamment sur les Autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves et sur le rôle que peut jouer votre comité en vue de comprendre les enjeux, de chercher des solutions et des mesures à prendre. Je crois comprendre que le Service se situe tant dans la catégorie de la pédagogie, c'est-à-dire de la formation des futurs avocats, que dans la catégorie des services communautaires, plus particulièrement de l'accès à la justice.

La situation de l'aide juridique en Colombie-Britannique a fait l'objet d'une étude, récemment. La situation est critique. Il y a beaucoup de problèmes. Nous tentons non pas de corriger les lacunes du système d'aide juridique, mais plutôt de combler un vide là où nos clients ne peuvent pas avoir droit à l'aide juridique pour une raison ou une autre. C'est, encore une fois, très exigeant, ne fût-ce qu'en raison des besoins énormes, et je ne parle que du Downtown Eastside, particulièrement à la lumière des besoins dans certaines régions et collectivités rurales.

Nous travaillons en étroite collaboration avec le gestionnaire des Services aux Autochtones de la Legal Services Society. Parfois, nous établissons des partenariats et partageons des idées relativement au fait de nous aventurer dans les secteurs périphériques, et c'est une chose que nous croyons que nous pourrions réaliser, si seulement nous avions les ressources voulues.

Ce sont mes observations générales.

La présidente : Vous parliez des retombées des pensionnats; que vouliez-vous dire?

Mme Rauch : Au fil des années, depuis qu'on est parvenu à un règlement sur les pensionnats autochtones, nous avons eu des clients qui, par exemple, ont eu un différend sur une question de succession à cause de l'argent lié aux pensionnats que d'autres membres de la famille réclamaient. À peu près tous les clients qui se présentent au Service ont été touchés par l'expérience des pensionnats, au sein soit de leur propre famille, soit de leur collectivité — je peux seulement décrire cette expérience comme une certaine douleur, qu'ils nous expriment — et cela entraîne des conflits, certains d'ordre monétaire, certains, une fois de plus, relatifs aux testaments et aux successions, d'autres, simplement d'ordre familial. Nous aidons également des gens relativement au processus de Paiements d'expérience commune et au Processus d'évaluation indépendant, ainsi que dans le cadre de leurs audiences. C'est extrêmement difficile.

La présidente : Votre seule source de financement est la Law Foundation?

Mme Rauch : Oui, la Law Foundation et la faculté de droit.

La présidente : Le comité a accueilli Ian Peach, qui est le doyen de la faculté de droit de l'Université du Nouveau- Brunswick; il a mentionné que, même s'il s'agit d'un instrument rudimentaire, la Charte canadienne des droits et libertés peut se révéler une des seules façons pour les Autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves d'accéder à des programmes qui leur sont refusés. Avez-vous, d'une manière ou d'une autre, utilisé la Charte pour aider les Autochtones à l'extérieur des réserves à faire valoir leurs droits, et que pensez-vous du recours aux tribunaux pour obtenir l'égalité des Autochtones à l'extérieur des réserves?

Je viens de la Colombie-Britannique. Je suis un membre du Barreau ici, et le comité connaît très bien les difficultés auxquelles vous faites face. Je me demande si vous prêtez attention à une de ces causes.

Mme Rauch : Nous utilisons effectivement la Charte canadienne des droits et libertés chaque fois que nous le pouvons, et, là encore, nous l'utilisons de diverses manières novatrices. Évidemment, nous travaillons en tenant compte des directives de nos clients, et nous devons avoir à l'esprit les ordres juridiques autochtones qui sont déjà en place. Parfois, il ne convient pas d'utiliser la Charte, et, bien sûr, c'est un instrument très rudimentaire. Cependant, en tant qu'avocats et qu'avocats en formation, nous utilisons la Charte chaque fois que nous en avons l'occasion.

La présidente : Un exemple?

Mme Rauch : Un exemple qui me vient à l'esprit, c'est une affaire reliée au vote. Je sais qu'il y a certains documents d'information sur le sujet.

Un autre cas que j'utilise à titre d'exemple, c'est celui où nous avons contesté un des règlements administratifs de la Ville de Vancouver, qui interdit la vente et l'étalage de produits dans la rue. L'affaire ne s'est pas rendue devant le tribunal parce qu'elle a été réglée à la dernière minute d'une façon très intéressante. Nous avions un client qui — cette affaire est de notoriété publique, je peux donc en parler — était un artiste, et dans le cadre de sa guérison de son expérience liée aux pensionnats autochtones, il exposait ses œuvres d'art, des cartes de vœux qu'il créait, en public. Les images sur les cartes de vœux étaient chargées de sens pour lui et s'inscrivaient dans son processus de guérison.

Nous avons contesté le règlement administratif en son nom en nous appuyant sur la Charte et en faisant valoir un droit autochtone, puisqu'il disait qu'il estimait avoir le droit de faire ça dans le cadre de son processus de guérison et qu'il ne pouvait pas comprendre pourquoi ce droit lui serait retiré.

Au cours du processus, il faut réfléchir un instant et comprendre de quoi procèdent les droits en premier lieu; je pense que c'est important lorsque vous faites valoir un argument en matière de droits, puisque, selon les valeurs autochtones, les droits ne sont pas nécessairement conférés à quelqu'un par une personne ou par un gouvernement ni, d'ailleurs, par une loi. Parfois, les droits sont inhérents, et cet homme estimait qu'il avait le droit de faire connaître son art au public dans le cadre de son processus de guérison.

À bien des niveaux, cela a entraîné un dilemme interdisciplinaire lié à la santé, à l'expérience des pensionnats autochtones, à l'histoire canadienne ainsi qu'à la capacité de cette personne de se défendre en présentant simplement sa preuve, c'est-à-dire en affirmant qu'il estimait avoir le droit plutôt que de se lancer dans un processus en vue d'en faire la preuve devant le tribunal. Nous avons porté cette cause devant la Cour provinciale, et, puisqu'il était passible de restrictions à ses libertés s'il continuait de recevoir des constats d'infraction liés aux règlements administratifs, nous avons abordé la question en invoquant la Charte canadienne des droits et libertés. L'affaire s'est réglée à la dernière minute.

Le sénateur Brazeau : Vous avez indiqué que la plupart des gens ont recours à vous essentiellement pour avoir accès au système de justice. Vous savez que, en 2008, l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne a été abrogé afin de permettre aux Autochtones qui vivent tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des réserves de déposer des plaintes auprès de la Commission canadienne des droits de la personne s'ils estimaient avoir fait l'objet de discrimination de la part du gouvernement fédéral. Par la suite, en 2011, les Autochtones vivant tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des réserves ont obtenu le droit de faire la même chose à l'égard de leurs propres leaders s'ils sont victimes de discrimination sur le plan de l'éducation, du logement, peut-être de l'emploi et de tout un ensemble d'enjeux. Offrez- vous quelque service que ce soit aux gens qui ont besoin d'aide, par exemple, pour formuler une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne?

Mme Rauch : C'est un service que nous offrons, oui.

Le sénateur Brazeau : Y a-t-il eu beaucoup de gens qui vous ont demandé de les aider à faire précisément ça?

Mme Rauch : Nous avons constaté une augmentation depuis la modification de la loi. Il y en a quelques-uns. En fait, il y a une fluctuation intéressante des enjeux dont a été saisi le Service. Nous n'avons jamais réalisé d'étude de ces enjeux en bonne et due forme, mais je peux dire que, à l'échelon tant provincial que fédéral, vu les modifications des droits de la personne, il y a eu une augmentation des causes liées aux droits de la personne dernièrement, et une part de cela semble attribuable au fait que des commissions des droits de la personne sont plus sensibles à des plaintes qui, auparavant, auraient été rejetées ou stoppées très rapidement. Il y a effectivement deux ou trois affaires sur lesquelles nous travaillons.

Le sénateur Brazeau : Fait intéressant, ces affaires mettraient en cause les gens qui tentent de trouver de l'aide parce qu'elles subissent de la discrimination. Pourriez-vous nous dire de quoi il s'agit sans entrer dans les détails? Est-il question d'emploi? D'une pénurie de logements?

Mme Rauch : C'est une bonne question parce que, comme dans plusieurs domaines du droit, particulièrement les affaires relatives aux droits de la personne, on observe un problème de discrimination systémique. C'est donc important. Nous avons des problèmes d'emploi, et nous avons des situations où des employeurs, habituellement, ou, parfois, des fournisseurs de services, ont fait des commentaires stéréotypés au sujet des Autochtones. Il y a eu le cas d'une femme souffrant d'un handicap qui lui causait des tremblements. On a présumé qu'elle avait bu, alors on lui a refusé le service. Encore une fois, on observe des facteurs de discrimination systémique tout le temps, particulièrement dans le domaine des droits de la personne.

Le sénateur Brazeau : Diriez-vous que la plupart des Autochtones connaissent les recours dont ils disposent auprès de la Commission canadienne des droits de la personne?

Mme Rauch : Non, je ne dirais pas ça. Il y a une énorme lacune sur le plan des connaissances, et particulièrement en matière de discrimination. Nous recevons beaucoup de demandes qui n'ont manifestement pas trait aux droits de la personne. Je crois qu'on ne connaît pas vraiment le domaine au sein de la communauté autochtone.

Le sénateur Brazeau : Je suppose que cela fait partie de notre étude également. Étant donné que nous traitons des droits de la personne et, peut-être, de la discrimination qui a lieu d'un bout à l'autre du pays à l'égard des Autochtones, il serait important pour eux qu'ils sachent qu'ils disposent d'un recours qui n'est pas tellement onéreux, qui exige du temps, mais qui n'est pas tellement onéreux.

Mme Rauch : C'est le cas, si vous considérez les coûts purement en dollars. C'est toujours difficile et c'est coûteux, je dirais, pour certaines personnes de venir raconter leur histoire, de faire confiance au système juridique, et avec raison. Il y a un coût important relié à ça. Dans le cadre de ma pratique privée, je travaille dans les pénitenciers également ou dans des endroits où les personnes subissent à nouveau un traumatisme ou sont à nouveau victimisées, seulement parce qu'elles intentent une poursuite en justice. Une fois de plus, en ce qui a trait aux commentaires selon lesquels la Charte est un instrument rudimentaire, je crois que le droit occidental en soi est, d'une certaine manière, un instrument rudimentaire. Ainsi, le fait de demander aux Autochtones ne serait-ce que de faire preuve de suffisamment de confiance pour choisir et exercer ce recours en vue de régler ce conflit, c'est parfois en demander beaucoup.

Le sénateur Brazeau : J'ai toujours été d'avis que l'article 15 de la Charte aurait dû inclure des dispositions en matière de résidence étant donné la décision Corbiere et d'autres décisions également. Observez-vous, dans le cadre de votre travail, des cas où le lieu de résidence constitue un motif de discrimination à l'égard des Autochtones?

Mme Rauch : Absolument, et, encore une fois, j'insiste sur les régions périphériques, les régions rurales.

La présidente : Je vais vous arrêter maintenant. Nous avons pris beaucoup de votre temps.

Mme Rauch : Merci. Une fois de plus, Claire Anderson est actuellement une étudiante au Service. Elle est disponible.

La présidente : Nous passons maintenant à M. Guno des Carrier Sekani Family Services.

Preston Guno, gestionnaire de programmes, Carrier Sekani Family Services : Avant de commencer et conformément au protocole traditionnel, je veux remercier le peuple salish du littoral de nous accueillir sur ses territoires traditionnels. Je veux également remercier les véritables experts du sujet dont on discute, les membres de la communauté assis derrière nous et les Aînés d'ici, qui n'ont peut-être malheureusement pas eu l'occasion de présenter un exposé. En terminant, il serait peut-être utile d'organiser une sorte d'événement communautaire où les Aînés peuvent s'affirmer et avoir accès à un système comme celui-ci.

Merci au Comité sénatorial d'être venu à Vancouver, en Colombie-Britannique.

Comme je l'ai mentionné plus tôt, je travaille pour Carrier Sekani Family Services. Nous sommes situés à Prince George, Vanderhoof et Burns Lake. Nous nous étendons sur un territoire assez vaste, qui comprend des Premières nations en milieux rural et urbain, alors nous avons une très bonne idée de la discussion que nous avons ici aujourd'hui.

De plus, mon expérience en tant que défenseur des enfants et de la jeunesse à l'échelon provincial me permet de m'exprimer en connaissance de cause sur certains de ces sujets. Mon rôle était de travailler dans cette province afin d'examiner certains domaines précis, comme les droits des enfants, l'accès des jeunes à la justice et les organismes de protection de la jeunesse. Je veux soulever certains de ces éléments et j'espère que ce sera utile pour le comité.

Au nom de notre organisme, nous voulons qu'il soit très clair que cette discussion s'articule autour de l'article 23 de la Déclaration des Nations Unies pour les droits des peuples autochtones. Nous voulons parler de la façon dont nous élaborons et façonnons nos propres programmes. Nous devons examiner comment cela peut se produire, et, plus tôt, nous avons entendu des exposés sur le très bon travail qu'effectue le centre d'amitié de manière générale. Nous avons des suggestions pour accroître et améliorer ce travail à long terme. C'est très important pour nous, ici, de véritablement nous pencher sur une situation. Si nous tentons de régler des questions comme celles de l'accès à la justice, nous devons mettre à contribution, selon ce que j'ai entendu plus tôt, les organismes locaux, et c'est au pluriel. On ne devrait pas consulter qu'un seul organisme sur ces questions. La raison pour laquelle je dis ça, c'est que dans notre province, si vous ne le saviez pas, il semble y avoir une façon particulière de faire les choses en ce qui a trait aux questions autochtones, et c'est d'examiner un organisme, comme un centre d'amitié, et de dire : « Voici de l'argent pour régler la situation. »

Le travail effectué dans ce domaine est très important. Les 25 centres d'amitié dans la province jouent un rôle très important en veillant à ce que nous essayions d'améliorer la vie des Autochtones qui vivent en milieu urbain. Parallèlement, nous cherchons à être inclus dans ces processus du point de vue des communautés d'où proviennent ces Autochtones.

Je discutais plus tôt avec notre directeur général, et il est important de comprendre que, lorsqu'ils quittent la réserve ou leur nation, il n'y a pas ce processus invisible selon lequel ils se présentent ici et sont désormais des Autochtones urbains.

Nous devons examiner notre terminologie liée à la façon dont nous percevons les Autochtones urbains et ruraux, et, là encore, je crois que ce type de discussion entraîne une division. D'une certaine manière, ça oppose l'un à l'autre, et la réalité, comme nous l'avons entendu plus tôt, c'est également la situation du financement compte tenu du ratio de huit Autochtones en région rurale pour un Autochtone en région urbaine.

Nous voulons souligner que nous reconnaissons le travail et le rôle des centres d'amitié. Ce sur quoi nous voulons faire une mise en garde, plus particulièrement, c'est ce guichet unique pour la communauté des Premières nations, le fait qu'une personne ou un organisme parle au nom de toutes les Premières nations. Ça a été tenté par le passé et ça n'a donné que des résultats très limités. Je crois que le comité, ici, a des objectifs communs en matière de responsabilité, et un des points forts du gouvernement conservateur, c'est la responsabilité, que ce soit sur le plan budgétaire ou autre. Dans notre exposé, nous faisons valoir que nous avons, au bout du compte, le même objectif. Si nous voulons investir dans certains groupes de coordination précis et les financer, nous devrions pouvoir rendre compte de cette situation de financement.

Notre organisme n'est pas ici pour demander de l'argent. Nous sommes ici pour parler d'un processus qui peut être amélioré de manière générale, que ce soit en Colombie-Britannique ou dans d'autres provinces. Je ne suis pas certain de ce que sont les critères dans les autres provinces.

À titre d'exemple, les centres d'amitié ont un modèle de prestation de services, qui est très important, mais il s'est transformé, en quelque sorte, afin d'inclure également un rôle de bailleur de fonds. Il y a, ici, dans cette province, un rôle double à certains égards qui, selon nous, doit faire l'objet d'une discussion afin qu'on l'examine en profondeur avant de poursuivre, et ce, si l'intention des gouvernements fédéral ou provinciaux est de dire : « Voici la réponse, voici le financement pour régler les problèmes liés aux Autochtones en milieu urbain, voici un groupe, c'est votre argent, faites ce qui s'impose avec les fonds. »

Dans un esprit de responsabilité et de transparence, c'est ce sur quoi nous nous penchons afin d'y arriver. Évidemment, encore une fois, comme je l'ai dit, les centres d'amitié jouent un rôle important pour mettre à contribution les Autochtones issus d'une communauté en milieu rural qui vivent en ville, mais, une fois de plus, comme je l'ai dit plus tôt, ils viennent de différentes nations. Comment allons-nous tenir compte de cela dans certains de ces centres?

L'accès à la justice est un autre domaine qu'il faut aborder, je dirais, de toute urgence, en particulier en ce qui a trait aux jeunes. Je n'ai pas besoin d'aborder les statistiques au sujet de la surreprésentation des enfants qui sont pris en charge, qui ont des démêlés avec la justice, qui sont pris dans le système carcéral. J'ai également travaillé, par le passé, comme gardien de prison dans un établissement à sécurité maximale, et je peux vous assurer que, malheureusement, la réalité, c'est que nous, les Autochtones, sommes présents dans ces endroits. Maintenant, si nous voulons examiner la question de façon un peu plus approfondie, comment en sommes-nous arrivés là?

Je suis content de voir que nous avons un autre invité, ici, de KAYA, un organisme pour les jeunes Autochtones, qui parlera précisément d'enjeux pour les jeunes. Là encore, c'est une région de l'autre côté de la province qui a besoin d'aide à tous points de vue, que ce soit de la part du gouvernement fédéral ou du gouvernement provincial. Certains exemples que je peux donner au sujet des droits et de l'accès à la justice concernent les jeunes qui ne connaissent pas leurs droits lorsqu'ils sont interpelés par la GRC.

Nous avons entendu, plus tôt, quelqu'un demander s'ils savent comment accéder aux recours juridiques. Malheureusement, selon ce que j'ai pu constater, ils n'ont pas accès à ce genre de recours. Ils ne les connaissent pas; ils n'ont aucun soutien. Nous demandons aux jeunes d'affronter un système très puissant. Ça exige, en cours de route, une certaine forme d'aide afin de passer aux choses sérieuses : à qui incombe la responsabilité de veiller à ce que les droits des jeunes soient respectés aux échelons provincial et fédéral?

La présidente : Y avait-il autre chose dont vous vouliez nous parler?

M. Guno : En fait, oui. En respectant le temps de chacun, ici, nous voulons terminer, encore une fois, en précisant ceci : nos préoccupations ne nous opposent pas aux centres d'amitié. Nous ne sommes contre aucune spécificité, ici. C'est au sujet du processus. Nous voulons remettre en question le processus; comment pouvons-nous l'améliorer, si nous voulons nous assurer que nous obtenons ce qu'il y a de mieux pour nos gens, particulièrement à l'extérieur des réserves.

La présidente : Madame Smith.

Christine Smith, coprésidente, Metro Vancouver Aboriginal Executive Council : Bonsoir. Je veux également remercier le peuple salish du littoral de nous accueillir sur son très beau territoire, et vous remercier de nous permettre de faire notre travail et de nous accueillir comme visiteurs. Je tiens également à remercier tous les gens d'ici, qui sont derrière nous, les Aînés, les jeunes, les membres de la communauté, les gens qui ont organisé la réunion d'aujourd'hui et le Comité sénatorial. Bienvenue au Centre d'amitié autochtone de Vancouver, salon de notre collectivité.

Je m'appelle Christine Smith, et mon nom en haïda est « Hatyella ». Je fais partie des Yagu Laanas d'Haïda Gwaii. J'ai vécu dans une réserve jusqu'à 14 ans, à peu près. Mon père est allé à l'université et a décidé que nous allions nous installer ici; je suis une fille de la ville depuis l'âge de 15 ans.

Je suis actuellement coprésidente du Metro Vancouver Aboriginal Executive Council, qui rassemble les 24 organisations dont a parlé plus tôt Mme Tatoosh. Je ne vais pas toutes les nommer, mais sachez que nous représentons 24 organisations des domaines de la santé, de la justice, du logement, de l'éducation, de l'emploi, des enfants, des jeunes et de la famille. Certains de nos directeurs généraux sont également présents ici aujourd'hui.

La raison pour laquelle nous avons créé ce conseil autochtone urbain unique est que nous avons constaté que les organisations autochtones urbaines de Vancouver n'arrivaient pas à se faire entendre et que nous avions besoin d'unir nos voix afin d'avoir voix au chapitre dans des décisions nous concernant. Dès notre création — nous nous sommes constitués en personne morale en 2009 —, nous avons décidé de déterminer d'abord de quelle façon nous aurions le plus d'impact et de quelle façon nous devions élaborer nos propres projets. Nous étions fatigués de voir d'autres personnes élaborer des projets nous concernant. Nous voulions élaborer notre propre programme sanitaire pour les Autochtones du Grand Vancouver. Nous voulions notre propre programme en matière de justice. Nous voulions notre propre programme touchant les enfants; la langue, les arts, la culture, le logement, l'emploi et l'éducation. Nous ne voulions pas que les gens fassent comme ils faisaient d'habitude et élaborent des projets qui nous concernent, mais qui ne fonctionnent pas dans notre cas. C'est ainsi que notre organisme a vu le jour.

Nous nous réunissons tous les mois et discutons de divers sujets. Nous travaillons. Nous avons justement rencontré le maire de Vancouver hier. Le maire et le conseil se rencontrent tous les trimestres. Nous occupons aujourd'hui une position unique. Vous avez entendu parler de l'initiative ORAAP qu'on met en œuvre dans nos collectivités. Nous avons toujours dit qu'il fallait que des représentants des gouvernements fédéral et provinciaux et de l'administration municipale s'assoient avec les Autochtones vivant en milieu urbain et nous aident à trouver des sources de financement qui nous permettront de mettre en œuvre des projets qui, nous le savons, seront efficaces dans notre collectivité. Nous avons eu le bonheur, la semaine dernière, de rencontrer ces partenaires et d'entamer une discussion fructueuse sur les projets que nous avons pour notre collectivité. Nous sommes très heureux de cette initiative. Nous sommes encore en train de la peaufiner un peu, mais nous avons maintenant comme point de départ l'assurance que cela contribuera à nos projets pour Vancouver.

Avant de poursuivre, je tiens à dire que les membres du Metro Vancouver Aboriginal Executive Council, le MVAEC, croient réellement au mentorat. Nous ne faisons pas que le dire; nous en avons fait un mode de vie. Et nous avons eu la très grande chance de rencontrer la jeune dame qui est assise à mes côtés. Elle se présentera dans quelques minutes et parlera un peu du programme Connexions culturelles pour la jeunesse autochtone.

Quand nous avons commencé à nous réunir, il y a une chose qui nous a profondément troublés, c'est que toutes les décisions étaient prises en notre nom pour notre collectivité. Nous avons commencé à demander aux autorités sanitaires ainsi qu'aux districts et aux conseils scolaires combien d'argent ils dépensaient pour les Autochtones et pour notre collectivité; je n'ai toujours pas eu de réponse.

Je sais que des sommes d'argent sont transférées en notre nom. Je sais qu'une partie de cet argent est reçue par nos collectivités, mais il faudrait rehausser de beaucoup le niveau de responsabilisation si on veut être sûrs que cet argent arrive dans notre collectivité. Je n'ai pas besoin de passer en revue les statistiques qui concernent notre collectivité, mais M. Guno a parlé un peu du taux... Sa sœur m'a dit, avant que nous arrivions ici, qu'on venait de publier un rapport selon lequel nos enfants sont les plus pauvres du Canada, c'est une chose que nous savons. Nos organisations et nos centres d'amitié et tous ceux qui fournissent des services ne le savent que trop bien.

Nous avons dû récemment relever un défi très important, je ne sais pas si vous en êtes au courant; il s'agit d'une entente tripartite en matière de santé conclue par les Premières nations, le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial. Nous étions dès le départ un peu inquiets, car nous voulions être sûrs que cela ne toucherait pas notre budget de santé et savoir ce que cela voudrait dire pour notre collectivité. Nous ne disons pas que nous ne sommes pas d'accord avec ce que fait le Conseil de la santé des Premières nations pour les gens des réserves; nous sommes tout à fait d'accord, nous leur souhaitons tout le bien possible et nous espérons que la réussite sera au rendez-vous. Cependant, ce qui est malheureux, c'est qu'ils n'ont organisé aucune consultation. Personne n'a consulté la collectivité vivant en milieu urbain. Encore aujourd'hui, nous ne pouvons pas expliquer à nos frères et sœurs, qu'ils vivent à Vancouver ou dans le Downtown Eastside, quelles seront les répercussions de ce projet sur notre collectivité. C'est pour nous une chose qu'il est urgent de régler. Ce n'est pas faute d'avoir essayé. Nous avons envoyé des lettres au gouvernement fédéral. Nous avons envoyé des lettres au gouvernement provincial. Nous avons envoyé des lettres au Conseil de la santé des Premières nations pour demander que quelqu'un nous consulte, qu'on nous aide à élaborer un programme pour notre collectivité. Nous n'y sommes pas encore arrivés. À mon avis, on est en train d'élaborer pour nous le programme pour les Autochtones vivant en milieu urbain, et quand nous aurons enfin voix au chapitre, il sera un peu trop tard.

C'est un exemple parmi tant d'autres. Vous constaterez que cette façon de faire concerne surtout la santé, les enfants et la famille, ainsi que le logement. C'est un peu effrayant pour ceux qui vivent en milieu urbain. Nous n'envisageons pas du tout cela comme un problème qui nous oppose aux Premières nations. Il incombe au gouvernement — car c'est sa responsabilité — de nous consulter et de dialoguer avec nous personnellement, non pas avec quelqu'un qui parle en notre nom. Les gens qui parlent en notre nom ne connaissent pas nos préoccupations, ni en ce qui concerne la santé, ni en ce qui concerne la justice. Nous fournissons des services dans notre collectivité, ne serait-il pas raisonnable qu'une relation directe soit établie avec nous?

Nous sommes optimistes, car nous estimons que les initiatives liées à l'ORAAP et à la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain vont permettre l'établissement d'un vrai partenariat et vont nous permettre d'aller là où nous voulons aller et de nous occuper de notre collectivité. Nous sommes optimistes, mais prudents, et nous pensons que ce sera vraiment bénéfique pour notre collectivité, et nous travaillons avec acharnement pour que cela se réalise.

J'aimerais parler de certaines recommandations. Vous avez demandé plus tôt qui étaient nos représentants. Je sais que le MVEAC et nos 24 organisations parlent au nom de leur collectivité quand il s'agit de prestation des services. Nous faisons vraiment de grands efforts pour réaliser ce but, mais c'est très frustrant, et je parle non seulement de consultations, mais de consultations fructueuses.

Nous ne pouvons pas adopter une approche universelle, comme celle dont parlait M. Guno. Ce qui est susceptible de fonctionner ici, à Vancouver, peut ne pas fonctionner à Prince George ou à Victoria, et c'est pourquoi il est important que nous reconnaissions que chaque collectivité des Premières nations est différente. Nous ne pouvons pas appliquer une approche universelle. Venez voir ce qui fonctionne à Vancouver, posez-nous des questions et discutez avec nous. Quant au financement de la collectivité du MVEAC, des 24 organisations, nous avons payé des frais d'adhésion au conseil, ce qui nous a permis d'embaucher quelqu'un pour nous représenter. Nous faisons cela depuis trois ans. Nous avons notre propre bureau, nous avons un personnel salarié, et nous avons continué à tenter de défendre les droits de notre collectivité.

Je crois que la recommandation la plus importante concerne ce besoin de responsabilisation à l'égard des sommes d'argent qui sont dépensées dans notre collectivité, pour notre compte. Il n'y a pas de responsabilisation concernant cet argent.

Quelques-unes de mes sœurs du Downtown Eastside sont assises dans le fond de la salle; j'aimerais que vous vous leviez une seconde.

Ces adorables dames sont aux premières lignes. Quand vous entendez dire, aux nouvelles ou ailleurs, qu'il faut parler du problème des femmes et des filles autochtones qui sont assassinées ou portées disparues, partout au Canada, leur préoccupation est toujours la même, et je leur rends hommage, car elles sont toujours là pour poser les questions suivantes : Qu'est-ce qu'on fait dans ce dossier? Qu'est-ce qu'on fera? C'est la question qu'elles veulent vous voir poser au gouvernement : Qu'est-ce qui se fait à l'échelle du pays dans ce dossier, et qu'est-ce qui se fera?

Je vais maintenant céder la parole à Angeline.

Angeline Nelson, Metro Vancouver Aboriginal Executive Council : Bon après-midi, mesdames et messieurs les sénateurs.

[Mme Nelson s'exprime dans une langue autochtone.]

Je m'appelle Angeline Nelson et je représente la Knowledgeable Aboriginal Youth Association. J'aimerais remercier les Salish de la côte de nous accueillir sur leur territoire.

Comme vous le savez, nos jeunes font face aujourd'hui à de nombreux problèmes. La liste est vraiment longue, et nous n'avons tout simplement pas le temps de la passer entièrement en revue, et c'est pourquoi je vais aujourd'hui m'attacher plutôt au sujet que Paul Lacerte a abordé, c'est-à-dire le financement du programme Connexions culturelles pour la jeunesse autochtone, le programme CCJA.

Comme vous le savez tous, le mandat du gouvernement Harper a changé et s'oriente maintenant davantage sur l'emploi et l'éducation, mais il ne tient pas compte de l'importance que nous, les Autochtones, accordons à la culture. Quand j'étais petite, les Aînés me disaient toujours que, si on apprend aux jeunes quelles sont leurs racines et qu'on les aide à renforcer ce lien avec leur dimension spirituelle, nous renforçons également leur cœur et leur esprit, et que si nous leur transmettons ce pouvoir, par ces connaissances, nous sommes en train de bâtir les générations suivantes.

La culture est vraiment un aspect important de l'identité des Autochtones. C'est ce qui fait que nous sommes qui nous sommes. Dans la vie de certains jeunes Autochtones, l'identité culturelle est absente, et bien des Autochtones passent à travers les mailles du filet. Ma recommandation serait qu'on doit s'assurer que les jeunes Autochtones ont toujours la possibilité d'établir un lien avec leur culture. C'est ce qui nous permettra de prospérer et de réussir dans la vie. Merci.

Le sénateur Brazeau : Je vous remercie tous, pour ces très bons exposés.

Monsieur Guno, vous avez dit ne pas vouloir que les différentes organisations soient des guichets uniques pour la défense des intérêts ou même pour la prestation des services. Vous avez également évoqué les différentes étiquettes : personnes vivant en milieu urbain, dans une réserve, à l'extérieur des réserves. J'envisage cette étude de la manière suivante — je rêve peut-être en couleurs, mais peu importe, c'est parfois nécessaire — : c'est que même si nous nous attachons précisément aux droits de la personne des membres des Premières nations qui vivent à l'extérieur des réserves, nous devrions peut-être formuler une recommandation visant à éliminer ces étiquettes, car il est temps de le faire. Je vais en rester là.

Madame Smith, vous donnez aussi l'impression, dans les deux exposés que vous avez faits, d'éprouver un niveau de frustration élevé. Je crois que cette frustration tient à l'absence de mobilisation ou, du moins, de la mobilisation qui serait nécessaire pour frapper fort et frapper là où il le faut. Vous dites qu'il faut établir un dialogue et organiser des consultations. Vous êtes les travailleurs de première ligne, et j'ai beaucoup de respect pour vos dirigeants politiques, même s'il m'est arrivé d'en critiquer quelques-uns quand il le fallait. Je respecte vos dirigeants, ils ont un rôle à jouer. À mon avis, ce sont les travailleurs de première ligne qui font changer les choses et qui ont une incidence immédiate sur la vie quotidienne des membres de nos peuples. Il y en a qui voudraient parler des droits issus de traités, lesquels ne sont toujours pas réglés après 100, 200 ou 300 ans et font toujours l'objet d'une bataille, mais, quand nous discutons avec les jeunes et les jeunes Autochtones, ils nous disent que ce qu'ils veulent, c'est un toit au-dessus de leur tête, une éducation décente et les outils nécessaires pour obtenir un emploi décent.

Dans mon poste précédent, j'ai constaté qu'il était toujours difficile de mobiliser les Autochtones vivant à l'extérieur des réserves. C'est plus facile de le faire dans une réserve, puisque les gens sont physiquement présents au même endroit. Quelles seraient vos recommandations pour faciliter la mobilisation des membres des Premières nations vivant à l'extérieur des réserves? Je vois qu'on en a désespérément besoin.

M. Guno : Vous avez soulevé un très bon point quand vous avez parlé des étiquettes. J'ai pris note d'un certain nombre des points que vous avez soulevés.

En ce qui concerne votre description de la frustration, je ne dirais pas que nous sommes frustrés. Nous soulevons des questions qui doivent être soulevées, ici et maintenant, et qui concernent encore une fois cette idée selon laquelle le gouvernement provincial ou fédéral ne reconnaît qu'un seul groupe plutôt que la masse.

Maintenant, que vous le vouliez ou non, il s'agit d'une question de nature politique. Ça ne peut pas être autrement. Comment allez-vous mobiliser des collectivités qui demeurent apathiques quand vous leur proposez un processus qui ne les inclut pas? Vous persistez à dire qu'un organisme parle au nom de tout le monde, mais tous ne sont pas inclus. Encore une fois, comment allons-nous régler le problème? Eh bien, il faut que tout le monde puisse participer à ces processus.

Quant à ce processus global concernant les gens des réserves et ceux qui vivent à l'extérieur des réserves, on pourrait peut-être envisager un processus semblable selon lequel les gens qui habitent dans une réserve ont la possibilité de discuter de leurs liens directs avec ceux qui habitent à l'extérieur des réserves, de façon à recueillir tous les points de vue possibles, comme vous le voulez, plutôt que de laisser un organisme occuper une position stratégique, à la table, sans que les membres de la collectivité puissent s'y asseoir, et qu'on le présente comme s'il parlait au nom de tout le monde, comme Mme Smith l'a mentionné. Nous avons créé nombre d'organismes et d'organisations qui ont su attirer l'attention de certains des décideurs et de certains des bailleurs de fonds, mais ils ont attiré leur attention, en fait, dans une direction particulière, sans que les gens de la base aient pu dire un mot.

Où est la responsabilisation dans tout cela? Eh bien, c'est la question à un million de dollars. Des processus de ce genre vont, je crois, élever le débat à ce niveau.

Mon discours visait entre autres à faire une mise en garde contre les organismes qui parlent au nom de tout le monde. Si nous continuons ainsi, nous allons nous retrouver de nouveau ici, dans 20 ans, et nous allons discuter des mêmes questions et des mêmes préoccupations.

Mme Smith : Moi, je suis frustrée. Je suis frustrée de voir des Autochtones mourir dans la rue, de voir un nombre alarmant d'enfants se faire arrêter, de constater que nous vivons toujours dans une ville où les enfants vivent dans une pauvreté abjecte et de savoir que nos organismes doivent lutter pour chaque cent qu'ils reçoivent et qu'ils doivent se débrouiller avec cela.

Nos organisations travaillent de concert pour faire changer les choses avec les ressources limitées dont elles disposent, et la responsabilité d'entamer un dialogue avec les collectivités vivant en milieu urbain n'incombe pas seulement aux ordres de gouvernement — provincial, fédéral et municipal —, elle incombe également aux collectivités des Premières nations, à nos organisations politiques.

J'ai assisté avec Mme Nelson à la réunion de l'Assemblée des Premières Nations de la Colombie-Britannique. Nous avons discuté avec notre chef national et lui avons dit qu'il faut faire quelque chose pour les Autochtones vivant en milieu urbain, qu'il faut arrêter de se contenter de belles paroles et tenir des consultations dignes de ce nom dans notre collectivité. Il faut que le processus soit global, il ne peut pas concerner un seul secteur. Cela suppose la participation de chacun d'entre nous, et nous n'avons pas de difficulté à nous réunir.

Nous nous sommes unis contre Enbridge. Nous avons fait venir des milliers de personnes. Nous organisons avec les familles de la côte Ouest une activité qui dure toute la nuit et qui attire 250 personnes; nous organisons aussi un pow- wow qui dure toute la nuit et qui attire exactement autant de personnes. Tout cela pour dire que nous nous réunissons, peu importe que le gouvernement soit là ou non. Il ne s'agit pas de nous réunir. Nous sommes unis. Nous nous sommes organisés sans le financement du gouvernement, car nous savons à quel point c'est important, mais il faut que ce soit reconnu. C'est la grande question dont personne ne veut parler. Tout le monde est au courant de l'existence de la collectivité en milieu urbain, mais personne ne veut vraiment s'en occuper.

Le sénateur Brazeau : Vous pourriez peut-être y réfléchir au cours des prochaines semaines et présenter par écrit le résultat de ces réflexions. Je crois que la question peut se formuler ainsi : Comment pouvons-nous mobiliser des groupes comme le vôtre pour assurer une consultation véritable et une réelle participation à un dialogue qui à partir d'aujourd'hui sera fructueux? Ce processus vise entre autres à faire en sorte que la population qui vit à l'extérieur des réserves ne soit plus oubliée, qu'elle soit incluse et que nous commencions à songer à des politiques permettant de régler la question, car le problème ne disparaîtra pas. Nous avons besoin de vos conseils et de vos recommandations sur la façon de procéder. De toute évidence, si quelqu'un propose une approche qui va du haut vers le bas, vous savez ce qui va se passer : elle sera vouée à l'échec. C'est la raison pour laquelle nous avons engagé ce dialogue, pour recueillir vos recommandations précises sur la façon dont nous devons procéder, sur les moyens que nous devrions prendre pour nous assurer que le projet sera élaboré par vous et qu'il fonctionnera, et qu'il donnera vraiment des résultats et qu'il y aura une responsabilisation. Une fois les gens mobilisés, ils doivent rendre des comptes répondre à des questions très difficiles. Si les gens ne sont pas mobilisés et que les questions viennent, de-ci de-là, de divers groupes, vous savez comment cela se passe dans la réalité. J'aimerais que vous y réfléchissiez sérieusement à partir de maintenant.

Madame Smith, vous avez posé une question sur les femmes autochtones portées disparues et assassinées. Il est rare qu'on nous pose des questions, mais je vais tenter d'y répondre.

Vous avez entendu parler de la campagne Sœurs d'esprit, qui a duré plusieurs années. Il y a deux ans, le gouvernement fédéral avait annoncé qu'il versait 10 millions de dollars sur deux ans pour mettre en place une stratégie plus coordonnée dans ce dossier, qui supposait la participation des représentants des forces de l'ordre, la création d'une base de données nationale par la GRC et des investissements dans les collectivités afin de mettre en place des mesures de prévention. L'annonce a été faite il y a deux ans. Je ne vais pas dire si c'était ou non la bonne chose à faire, je ne me prononcerai pas, je me contente d'établir les faits.

Cela dit, je m'intéresse à ce dossier depuis 2004. J'ai travaillé aux côtés de mes sœurs de l'Association des femmes autochtones du Canada et j'ai demandé que l'on mette sur pied une commission d'enquête nationale sur les femmes autochtones portées disparues et assassinées, car ces femmes le méritent, et les membres de leur famille le méritent également. Il est à mes yeux inconcevable qu'en 2012, cette forme de violence à l'égard de nos femmes soit encore tolérée. C'est inacceptable.

Je ne parle pas souvent de mon emploi du temps, mais je vais plus tard faire une tournée du Downtown Eastside et rencontrer des gens qui connaissent des femmes autochtones qui ont disparu. Je n'ai pas fermé ce dossier. C'est évidemment pénible, mais c'est un dossier qui me préoccupe, et je vais rester aux côtés de mes frères et sœurs jusqu'à ce que quelque chose soit fait.

Le sénateur Harb : Vos exposés complètent ce que nous a livré le premier groupe. Vous avez abordé un vaste éventail de sujets, en particulier le volet de l'étude qui concerne la participation au processus décisionnel communautaire. Vous avez tous les trois fait valoir votre point de vue avec éloquence, et je vous en remercie.

Ma question concerne l'accès aux droits. Madame Anderson, selon votre expérience de travail à votre bureau, pourriez-vous nous donner un aperçu de certains dossiers qui concernent les droits de la personne? Quelles sortes d'affaires touchant les droits de la personne sont portées à votre attention? Par exemple, M. A ou Mme B vient nous expliquer son problème, et nous estimons qu'il s'agit d'un dossier lié aux droits de la personne et nous acceptons d'intervenir.

Claire Anderson, étudiante, UBC First Nations Legal Clinic : Je ne peux parler que des dossiers sur lesquels je travaille. Il y a eu le cas d'une certaine personne qui, croyons-nous, avait été choisie au hasard par son employeur; il l'a en quelque sorte surveillée pendant qu'elle travaillait, à l'épicerie. Nous pensons que le processus de sélection était injuste, car son dossier jusqu'à cette enquête était sans tache. L'employeur a trouvé certaines de ses actions... Elle faisait partie, avec deux ou trois collègues, d'un groupe dont les membres s'accordaient l'un l'autre des rabais auxquels, je suppose, ils n'avaient pas droit. Nous pensons que le problème était peut-être lié à son origine autochtone. Elle est une de nos clientes, et je travaille actuellement sur ce dossier. Nous devons d'abord régler la composante pénale, mais, une fois cela fait, nous allons envisager de déposer une plainte relative aux droits de la personne.

Le sénateur Harb : Diriez-vous que la plupart des situations qui sont portées à votre attention le sont par des gens qui estiment avoir été victimes de discrimination en raison de leurs origines culturelles, en raison de leur identité de membre d'une Première nation?

Mme Anderson : Je crois que c'est un des facteurs en jeu, mais il faut savoir que notre bureau est situé dans le Downtown Eastside, et, à bien y penser, je dirais que l'origine ethnique est peut-être importante, mais que la classe sociale l'est aussi. Nos clients sont tous des Autochtones, alors, oui, les plaintes que nous recevons sont généralement liées au fait d'être un Autochtone.

Cela dit, la plupart des affaires dont nous nous occupons relèvent du droit pénal. À vrai dire, nous ne traitons pas beaucoup de plaintes touchant les droits de la personne. Quelqu'un a demandé si les gens savaient qu'il est possible de déposer une plainte en invoquant les droits de la personne. Bon nombre d'Autochtones ne font qu'intérioriser les problèmes et ne demandent pas d'aide, et je crois que c'est peut-être un problème.

Le sénateur Harb : Vous est-il déjà arrivé qu'une personne se présente en vous disant, par exemple, qu'elle devrait avoir les mêmes droits que lorsqu'elle vivait dans une réserve? Cette personne vivrait maintenant à l'extérieur d'une réserve et n'aurait plus accès, par exemple, à une éducation ou à des services de santé ou des services sociaux et demanderait votre aide pour jouir de l'accès qu'on lui offrait lorsqu'elle vivait dans la réserve?

Mme Anderson : Oui, tout à fait. Une de mes clientes espère que sa nation lui versera la même indemnité pécuniaire qu'aux autres membres restés sur la réserve, mais je ne peux pas divulguer la raison. Elle estime que c'est parce qu'elle vivait à l'extérieur de la réserve qu'elle n'a pas eu droit à cette indemnité pécuniaire. Mais je crois que je ne peux pas en dire beaucoup plus.

Le sénateur Harb : À titre de recours, dans ce cas, quels outils pourriez-vous utiliser? Est-ce que vous invoqueriez la Charte des droits, par exemple le paragraphe 15(1) de la Charte des droits?

Mme Anderson : Je crois que je devrais prendre des notes, quand je vous écoute, car, bien souvent, nous n'avons pas de manuel ou de processus précis pouvant nous orienter. Encore une fois, nous sommes des étudiants en droit de seconde et de troisième années, et nous procédons par essais et erreurs, souvent, et nous passons beaucoup de temps au téléphone avec différentes personnes, avec des avocats. Les avocats de Vancouver ont été énormément serviables. Ils nous donnent des conseils. Ils nous remettent leur carte, nous donnent leurs coordonnées personnelles, et ils sont tout simplement une ressource merveilleuse pour les étudiants des services de consultation juridique des Premières nations de l'Université de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Hubley : Madame Anderson, Mme Rauch a dit qu'elle avait entre autres pour rôle la sensibilisation et la formation de nouveaux avocats. J'ai cru comprendre que vous êtes pour le moment étudiante en droit; est-ce cela?

Mme Anderson : Oui, je suis en troisième année de droit à l'UBC.

Le sénateur Hubley : Pourriez-vous nous expliquer en quoi consiste l'éducation que vous avez reçue dans le domaine de la culture autochtone ou de ce qu'elle a appelé, je crois, les valeurs autochtones? Quelle place est-ce que cela occupe dans votre processus de formation?

Mme Anderson : Je suis contente que vous posiez la question. Chaque trimestre, six étudiants travaillent dans ce bureau, et, ce trimestre-ci, cinq étudiants se sont déclarés Autochtones. Il y a un membre de la bande Musqueam, une femme de la nation Tsleil-Waututh, une autre de la Première nation Peguis, un membre de la nation crie, et je suis moi- même membre des Tlingits de la rivière Taku. Ce qui se passe, en réalité, c'est que nous enseignons à Mme Rauch un peu des valeurs et de la culture des Premières nations. Nous participons chaque semaine à un séminaire où nous lisons des revues spécialisées et où nous pouvons parler ouvertement et franchement des problèmes associés au travail avec des Autochtones. La semaine dernière, justement, j'ai proposé que nous arrêtions de lire des revues spécialisées qui publient des articles sur les peuples autochtones rédigés par des Blancs pour commencer à chercher des érudits autochtones, des Autochtones membres de la collectivité qui font preuve d'une force formidable, et que nous commencions à apprendre d'eux. Ma proposition a été acceptée et saluée, ce qui prouve plus que toute autre chose, à mon avis, que nous pouvons dans notre salle de classe mettre de l'avant la perspective autochtone, qui est la nôtre. En même temps, dans notre pratique, Mme Rauch nous encourage à miser sur notre héritage autochtone ou notre point de vue autochtone dans la salle d'audience. Je suis heureuse de pouvoir dire que j'espère faire justement cela, lundi. Dans nos conclusions finales devant le tribunal, j'espère pouvoir parler du droit des Salish de la côte.

Le sénateur Hubley : Est-ce que le système de justice des réserves est différent du système de justice à l'extérieur des réserves?

Mme Anderson : Pour le moment — dans ma collectivité natale, du moins —, il y a des cours de circuit. La cour se rend chaque trimestre à Atlin, en Colombie-Britannique, et tout se déroule exactement comme cela se déroulerait au 222, rue Main, notre palais de justice provincial. Certaines collectivités ont fait intégrer à leur loi un peu de savoir autochtone, par exemple à Teslin, au Yukon. Là, la loi intègre le haa kusteeyi, qui signifie « mode de vie des Tlingits », et la loi reconnaît que les enseignements traditionnels sont un code juridique valide.

Il y a dans les collectivités différents aspects ou des initiatives que j'aimerais que l'on puisse d'une façon ou d'une autre appliquer en milieu urbain. Je pense souvent au problème de la sphère des compétences. J'appartiens à la nation tlingite, je représente une personne qui appartient à la nation crie, et nous nous trouvons sur le territoire des Salish de la côte; sur quelles lois dois-je m'appuyer? Je crois que c'est un bon problème, le fait d'avoir trop de lois et de devoir trouver celle qui donnera le meilleur résultat pour notre client, en s'attachant à sa réadaptation.

La présidente : Est-ce que vous utilisez Gladue?

Mme Anderson : Oui.

La présidente : Dans le journal d'aujourd'hui, il y avait un article selon lequel on ne se conforme pas toujours à Gladue. Quelle est votre expérience de Gladue?

Mme Anderson : Dans cette décision, on reconnaissait entre autres la surreprésentation des Autochtones dans le système carcéral. Je crois que, si nous servons autant de clients autochtones, c'est parce que les tribunaux ont reconnu qu'on ne peut plus tout simplement continuer d'envoyer les Autochtones en prison. Ils cherchent donc des peines différentes, la libération conditionnelle ou la condamnation avec sursis. Mais, souvent, les bureaux d'aide juridique n'acceptent pas les clients à qui on a infligé ces peines, et nos clients autochtones se retrouvent donc dans une zone grise. Comme ils ne sont pas menacés d'emprisonnement, ils n'ont pas droit à l'aide juridique. Je suis heureuse qu'il existe des services de consultation juridique pour ces personnes, mais je ne crois pas que les services comme le nôtre sont très nombreux.

La présidente : Est-ce que vous vous appuyez sur l'arrêt Gladue à l'étape de la détermination de la peine?

Mme Anderson : Oui.

Mme Smith : Je joue un autre rôle : je suis également directrice générale des Vancouver Aboriginal Transformative Justice Services. Nous proposons bien sûr des cercles adaptés à la culture de notre collectivité, qui réunissent des bénévoles, des Aînés, la victime et le délinquant dans un processus de réconciliation. L'actuelle Stratégie de la justice applicable aux Autochtones est en vigueur depuis le 31 mars. On compte en Colombie-Britannique 24 programmes découlant de cette Stratégie de la justice applicable aux Autochtones, dans les réserves et à l'extérieur des réserves, et la plus grande partie de ces programmes s'appuient sur la collectivité elle-même. C'est la raison pour laquelle ils donnent de si bons résultats.

Nous avons élaboré notre programme en fonction des besoins de la collectivité, et les Nisga'a ont mis en œuvre dans leur collectivité, sur le territoire des Nisga'a, un programme qui est fondé sur leur maison; c'est ainsi qu'on appelle leur structure. C'est un exemple extraordinaire. L'arrêt Gladue, malheureusement, n'est pas autant utilisé en Colombie- Britannique qu'en Ontario, j'ignore pour quelle raison. Nous comptons dans notre organisation deux personnes qui rédigent des rapports Gladue. Souvent, cela suppose d'informer les avocats, les procureurs de la Couronne et les juges de ce que dit l'arrêt Gladue. Dans bien des cas, nous nous contentons de leur expliquer que c'est un droit, mais qu'il n'est pas appliqué en Colombie-Britannique comme il l'est, par mes amis, à Toronto. Le centre d'aide juridique de Toronto l'applique. Il y a en fait dans ce centre deux employés à temps plein qui s'occupent de la rédaction des rapports Gladue.

Le sénateur Hubley : Étant donné que les Autochtones sont si nombreux dans le système de justice, est-ce qu'il arrive parfois qu'on les renvoie dans leur communauté, pour que la bande prenne en charge un problème qui serait peut-être plus adéquatement réglé par la bande plutôt que par le système de justice, tel qu'il s'applique en milieu urbain?

M. Guno : C'est une bonne question. Le taux d'aiguillage vers la collectivité — je crois que l'organisme de Mme Smith pourrait en parler — est très faible.

Le système doit effectuer un aiguillage vers des programmes adaptés aux Autochtones et reconnaître que les responsables de ces programmes sont des personnes qualifiées et compétentes et offrent un meilleur service que les programmes non autochtones. Cela peut arriver, mais à plus grande échelle — et je puis vous le dire, en tant que personne qui défend les droits des Autochtones de la province —, ces aiguillages sont faits par des moyens un peu détournés. Si vous voulez savoir pourquoi, regardez du côté de ces systèmes non autochtones, demandez-leur pourquoi ils ne font pas d'aiguillage vers des programmes adaptés aux Autochtones. Encore une fois, je crois que ce devrait être un des objectifs du comité, quand il est question de l'accès à la justice. Si nous parlons des démêlés des gens des Premières nations avec le système de justice pénale, il faut savoir qu'ils commencent au niveau de la GRC. Nous savons tous qu'il y a là beaucoup de travail à faire au chapitre des compétences culturelles, et il faut aussi savoir que les jeunes qui ont des démêlés avec la justice doivent connaître leurs droits.

Le sénateur Hubley : Vous avez indiqué le nombre d'étudiants participants, je crois que vous avez dit que cinq d'entre eux étaient d'origine autochtone. Est-ce que ce programme n'est destiné qu'aux étudiants en droit d'origine autochtone? Est-ce que c'est la seule chose que leur offre l'école de droit pour les aider à se préparer à pratiquer le droit dans cette collectivité et à faire face aux cas qui vont leur être présentés?

Mme Anderson : Le service de consultation juridique est ouvert à tous, mais Mme Rauch, qui est directrice du service de consultation juridique pour les Premières nations, accorde la priorité aux étudiants autochtones; le service fournit une aide très précieuse. Nous passons du temps au tribunal. Nous assistons à des procès criminels. Nous avons l'occasion d'aller au tribunal de la famille. Certains d'entre nous se rendent au tribunal communautaire du centre-ville. Nous pouvons ainsi acquérir une foule de connaissances pratiques, et, en même temps, nous pouvons observer certaines des lacunes du système juridique canadien sous sa forme actuelle. Comme nous constituons un groupe solide avec un profond attachement à la culture autochtone, nous espérons trouver toutes les manières possibles d'intégrer les traditions juridiques des Premières nations dans l'appareil judiciaire.

Mme Smith : Vous avez parlé de la participation d'autres collectivités vivant dans les réserves, et je peux vous dire que notre groupe et ceux qui sont responsables de tous les autres programmes de justice applicable aux Autochtones collaborent très étroitement avec les collectivités environnantes, car nous savons qu'elles peuvent proposer les meilleures solutions. Bien souvent, nous demandons à une collectivité d'examiner une affaire en particulier pour qu'elle puisse ensuite nous suggérer un plan à suivre.

La prévention est ce qui nous donne le plus de fil à retordre. Je l'appelle toujours le « gros mot qui commence par P » parce que personne n'est intéressé à financer des mesures de prévention. Vous avez parlé du programme CCJA et de l'aspect culturel. La prévention est tout aussi importante. Il y a des équipes de basketball dans le Nord. Actuellement, le moyen le plus efficace que nous avons trouvé pour empêcher les jeunes de tomber dans la délinquance, c'est de les amener à pratiquer des sports. Nous organisons des activités culturelles. Même sans financement, nous arrivons à offrir une foule d'activités à nos jeunes. Il se passe toutes sortes de choses à l'heure actuelle pour les Autochtones de notre ville; nous grattons les fonds de tiroir pour financer nos équipes de basketball et pour organiser des activités culturelles chaque semaine.

Le sénateur Harb : Au nom de mes collègues, je tiens à remercier chacun d'entre vous et à remercier les groupes que vous représentez. Vous avez grandement contribué à notre étude. Vous nous avez fourni beaucoup de renseignements que nous passerons en revue et qui, espérons-le, seront reflétés dans le rapport que nous présenterons au Sénat et, par la suite, au gouvernement du Canada.

La présidente : Nous accueillons Larissa Williams et Ali Davis, de la B.C. Aboriginal Network on Disability Society.

Alison Davies, gestionnaire de cas d'invalidité, B.C. Aboriginal Network on Disability Society : Je suis gestionnaire de cas d'invalidité à la BCANDS, la B.C. Aboriginal Network on Disability Society. Je voudrais vous présenter Larissa Williams, qui est aussi gestionnaire de cas d'invalidité. Notre directeur général, Neil Belanger, regrette de ne pas pouvoir être ici.

Dans un premier temps, je voudrais rendre hommage aux Salish de la côte et les remercier de nous accueillir aujourd'hui sur leurs terres ancestrales. Je tiens aussi à remercier le personnel du Vancouver Aboriginal Friendship Centre de nous avoir donné l'occasion de venir témoigner ici et de nous avoir aidés à nous préparer en vue de la séance. Hi'swke.

Mesdames et messieurs les sénateurs, nous sommes honorées d'avoir été invitées à vous parler du travail que fait la BCANDS.

La BCANDS a été créée en 1991 pour servir les Autochtones de la Colombie-Britannique qui vivent dans les réserves et hors de celles-ci et qui présentent une incapacité. La plupart de nos clients sont atteints d'une incapacité complexe, de sorte qu'ils ont besoin de soins de santé particuliers et ont souvent besoin d'aide pour naviguer dans ce qui semble être un système quelque peu désorganisé.

Les Autochtones de la Colombie-Britannique et des quatre coins du Canada continuent de subir, même après des générations, les effets qu'a eus sur tous les aspects de leur vie le contact avec les Européens.

Il est bien établi que les Autochtones de la Colombie-Britannique et d'ailleurs au Canada sont beaucoup moins en santé que la population non autochtone. Je vais vous donner quelques chiffres à l'appui.

Une enquête récente révèle que, en Colombie-Britannique, plus de une personne sur dix en âge de travailler — c'est- à-dire celles qui font partir du groupe des 15 à 64 ans — a une incapacité, ce qui représente 11,2 p. 100 de la population active. Les problèmes les plus fréquents sont liés à une perte de mobilité et d'agilité — plus de 6 p. 100 de la population est touchée — et à des troubles mentaux, déclarés par un peu moins de 3 p. 100 de la population. L'incapacité s'aggrave avec l'âge. Moins de la moitié des jeunes âgés de 15 à 24 présentaient une incapacité plus grave qu'une déficience légère, comparativement aux deux tiers des personnes de 25 à 64 ans.

De façon générale, les statistiques se rapportant aux Premières nations de la Colombie-Britannique et du reste du Canada indiquent que 30 p. 100 des Autochtones adultes sont atteints d'une incapacité, ce qui représente presque le double du taux national. Les Autochtones âgés de 15 à 34 ans affichent un taux d'incapacité trois fois supérieur à la moyenne nationale, et, chez les Autochtones, seulement 3,9 p. 100 des personnes qui présentent une incapacité obtiennent un diplôme universitaire, comparativement à 5,8 p. 100 de celles sans incapacité. Le revenu moyen annuel d'un adulte autochtone atteint d'une incapacité correspondait à 85 p. 100 de celui d'un adulte autochtone sans incapacité, à savoir 16 755 $ contre 19 800 $.

En outre, chez les Autochtones, le taux d'emploi des adultes ayant une incapacité est inférieur à celui des adultes sans incapacité, c'est-à-dire 41 p. 100 contre 61 p. 100.

Par ailleurs, 30 p. 100 des Autochtones atteints d'une incapacité ont jugé que leur état de santé était passable ou médiocre, comparativement à seulement 5 p. 100 des Autochtones sans incapacité. Selon Statistique Canada, en date du 30 septembre 2006, la Colombie-Britannique comptait 196 075 Autochtones. À pareille date, il y avait en Colombie- Britannique 198 bandes indiennes et 1 701 réserves. Dans la province, 26 p. 100 de la population autochtone vit dans les réserves. Les données indiquent aussi que 54 p. 100 des Autochtones du Canada habitent en milieu urbain. En Colombie-Britannique, 74 p. 100 des Autochtones vivent à l'extérieur des réserves.

Si nous regardons la situation actuelle, voici ce qu'il en est : des 196 975 Autochtones en Colombie-Britannique, 145 096 — soit 74 p. 100 — vivent à l'extérieur des réserves. De ce nombre, 43 529, à savoir 30 p. 100, présentent une incapacité.

Un grand nombre de collectivités autochtones doivent aussi composer avec de faibles possibilités d'emploi et très peu de débouchés économiques, l'éloignement, un accès limité aux services de santé et aux services sociaux de base et aux professionnels de la santé, un nombre limité d'installations communautaires, et cetera. Les Autochtones ont des exigences et des attentes élevées à l'égard de leur collectivité et de leurs dirigeants. Les membres cernent pour la collectivité ou l'organisation de multiples priorités qui se disputent le peu de ressources financières dont on dispose.

Par conséquent, les dirigeants des collectivités et des organisations autochtones de la Colombie-Britannique sont contraints de prendre des décisions difficiles en ce qui a trait à l'offre de programmes, de services et de financement spécial. Étant donné que les besoins des collectivités et des organisations augmentent sans cesse, le peu de ressources disponibles ne permet d'offrir aux membres des collectivités qu'un minimum de soutien et de services spécialisés, ce qui cause parfois beaucoup de frustration chez les personnes atteintes d'une incapacité, leur famille et le personnel d'aide.

Selon Statistique Canada, environ 43 529 Autochtones vivant à l'extérieur des réserves en Colombie-Britannique présentent une forme ou une autre d'incapacité. La BCANDS sert actuellement 305 clients : 157 vivent à l'extérieur des réserves, et 148, dans les réserves. De ce nombre, 181 sont des clients actifs — des personnes qui reçoivent nos services cette semaine —, 124 sont des clients inactifs — ce qui signifie, essentiellement, qu'ils n'ont pas reçu nos services depuis trois mois —, et 27 sont actuellement inscrits sur la liste d'attente pour obtenir nos services.

Vous avez posé certaines questions auxquelles nous avons tenté de répondre, par exemple quels sont les obstacles à l'obtention d'un logement dans une réserve, pourquoi les gens ressentent le besoin de quitter leur collectivité, et quels sont les facteurs qui les poussent à quitter la réserve.

Nous nous sommes d'abord penchés sur la question du logement, plus particulièrement en ce qui concerne l'accès limité aux logements et la possibilité restreinte pour les personnes handicapées et les personnes âgées d'accéder à la propriété. Le PAREL — le Programme d'aide à la remise en état des logements — n'est plus offert dans les réserves. Il faut maintenant se tourner vers le programme Home Adaptations for Independance. Les programmes de la SCHL destinés aux Premières nations dans les réserves n'offrent qu'un financement limité. La SCHL n'accepte actuellement aucune nouvelle demande d'inscription à ces programmes jusqu'à l'an prochain, et elle ignore même s'il y aura des fonds disponibles à ce moment-là. Le surpeuplement des logements, l'application inégale du code du bâtiment et les familles nombreuses vivant dans des logements insalubres sont autant de problèmes qui touchent les collectivités autochtones. Les moisissures constituent aussi un problème important.

L'éducation : Les gens doivent quitter leur collectivité pour faire des études.

L'emploi : Les possibilités d'emploi sont limitées, et la concurrence est féroce lorsqu'il y a des offres d'emploi et que, pour des postes semblables et à compétences égales, il y a des écarts entre la rémunération, la pension et les avantages sociaux des Autochtones dans les réserves et ceux des Autochtones à l'extérieur des réserves.

Les soins de santé : Dans les régions éloignées, il y a un accès limité aux soins de courte durée, et, dans les collectivités autochtones en général, il y a un accès limité aux services de santé et de traitement de la toxicomanie ainsi qu'aux psychiatres et aux psychologues et à d'autres spécialistes. Community Living B.C. n'offre aucun service dans les réserves.

Le transport : L'accès au service de transport HandyDart est limité dans les réserves, et les régions éloignées sont peu desservies par les transports en commun, il est difficile de se procurer des cartes et des billets d'autobus, et les ressources sont limitées pour qui veut s'acheter un véhicule.

Les installations : Dans les régions éloignées, les produits d'épicerie coûtent plus cher, et il y a un accès limité aux épiceries et à d'autres commerces de détail, aux installations récréatives ainsi qu'aux terrains de jeux et aux écoles.

De plus, l'accès aux services juridiques est limité.

Les personnes qui touchent des prestations d'invalidité : Il y a un écart entre les prestations de revenu versées par le gouvernement provincial et celles accordées par le gouvernement fédéral.

La présidente : Nous avons votre exposé sur papier. Je ne veux pas vous interrompre, mais je sais que vous devez partir. Je vous promets que votre déclaration figurera dans la transcription.

Madame Williams, souhaitez-vous ajouter quoi que ce soit?

Larissa Williams, gestionnaire de cas d'invalidité, B.C. Aboriginal Network on Disability Society : Je vais juste me présenter rapidement. Je m'appelle Larissa Williams. Je suis membre d'une Première nation. J'appartiens à la tribu des Tla-o-qui-aht qui vit sur le territoire nuu-chah-nulth, et je travaille aussi comme gestionnaire de cas d'invalidité deux jours par semaine. Je ne travaille pas pour l'organisme depuis très longtemps, alors je laisserai la parole à Ali, mais j'essaierai de répondre au mieux de mes connaissances à toute question que vous pourriez me poser.

La présidente : Merci. Je ne veux pas vous paraître irrespectueuse, mais nous aurons bel et bien des questions à vous poser.

Madame Williams, vous avez aussi eu la gentillesse de nous remettre un mémoire, et nous vous en sommes très reconnaissants; soyez assuré que nous en ferons une lecture attentive. Nous prenons notre étude très au sérieux. Alors, permettez-moi de vous demander de vous en tenir à l'essentiel dans votre exposé. Ainsi, nous aurons le temps de vous poser des questions.

Bill Williams, président, United Native Nations, section locale 510 : Tout d'abord, je vous remercie infiniment de m'accueillir ici, et en mon nom et en celui d'autres personnes, je voudrais vous remettre un cadeau pour vous montrer à quel point nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de parcourir le Canada pour en apprendre davantage sur les Premières nations et sur leurs besoins.

La présidente : Monsieur Williams, votre cadeau est fort apprécié, mais je peux vous dire que tous les exposés que nous avons entendus cet après-midi sont déjà pour nous des cadeaux.

M. Williams : Oui.

La présidente : Nous sommes très conscients du fait que vous avez beaucoup de travail à faire et que ce que nous vous avons demandé représente du travail supplémentaire, alors nous estimons avoir déjà reçu un grand nombre de cadeaux de votre part.

M. Williams : Oui.

La présidente : Vous êtes gentil de nous remettre un cadeau, mais vous tous ici présents nous avez déjà donné beaucoup de cadeaux, et je vous demanderais de commencer votre exposé. Merci.

M. Williams : Les différentes parties et les différents témoins ont parlé d'une foule de choses, et l'un des nombreux points que j'aimerais soulever se rapporte à la présence du mot « réserve » dans la Loi sur les Indiens. Je vous proposerais — pas à titre personnel, mais au nom de toutes les Premières nations du Canada — de suggérer au gouvernement de retirer ce mot. Comme vous l'avez constaté tout à l'heure et à d'autres séances, nous utilisons toujours l'expression « collectivité des Premières nations », et, si vous le permettez, madame la présidente, l'emploi du mot « réserve » constitue vraiment un fardeau pour les Premières nations. Nous savons tous comment le Canada a vu le jour, et nous avons l'impression d'être un troupeau de bétail parqué sur des terres qui ne nous appartiennent pas. C'est une situation très embarrassante. On vous dit que certains enfants vont à l'école. À moins d'avoir vécu cette réalité, on ne peut pas vraiment comprendre ce que représentent ce fardeau et cette humiliation, surtout chez les enfants, mais aussi pour l'ensemble de la collectivité.

L'accès au logement est un réel problème dans les réserves, et les conditions de logement sont l'une des principales raisons qui poussent les gens à déménager. Madame la présidente, je vous proposerais d'attirer l'attention du gouvernement sur la nécessité de rendre comptables les entrepreneurs, les inspecteurs en électricité et les plombiers.

Seulement dans notre réserve, à Gold River, cinq nouveaux immeubles ont été construits l'an dernier. Il y a déjà des problèmes qui apparaissent : présence de moisissures, affaissement du plancher de la salle de bain, et j'en passe. Je propose qu'à l'avenir, les entrepreneurs soient tenus responsables, et, pour qu'ils rendent des comptes, nous pourrions faire comme dans les villes. À la ville, il y a des inspecteurs en bâtiment, des inspecteurs en électricité et des inspecteurs en plomberie, mais ce n'est pas le cas dans les réserves. Je vous suggère de demander au gouvernement d'envisager une solution semblable pour régler les problèmes de logement. Nous pourrions faire appel aux services d'inspecteurs, qui viendraient des réserves ou d'ailleurs. Il faut responsabiliser les entrepreneurs, sinon, les problèmes continueront de s'accumuler, et les gens quitteront les réserves, faute de logements adéquats. Ce sont là quelques points que je voulais porter à votre attention.

Nous avons aussi entendu les préoccupations de différents organismes qui, comme nous, servent les Autochtones vivant à l'extérieur des réserves, et à mon avis, ce qui préoccupe le plus les organismes, c'est le manque de financement pour le travail qu'ils font. Des organismes des quatre coins de l'Île de Vancouver soutiennent qu'ils n'obtiennent plus autant de financement qu'avant.

Alors qu'ils pouvaient recevoir 80 000 $ par les années passées, l'année d'après, ils n'obtenaient que 60 000 $, et les montants semblent aller en diminuant. Madame la présidente, je me demande s'il est possible pour le comité de se pencher sur cette situation, car la population autochtone augmente non seulement dans les réserves, mais aussi à l'extérieur de celles-ci, et nous devons trouver des façons d'aider à la fois les personnes dans le besoin et celles qui ont peut-être déjà un emploi, une maison et une auto, mais qui ont aussi besoin d'aide. Des Autochtones de tous les horizons et de partout au Canada ont besoin d'aide, qu'il s'agisse de services de counseling pour les victimes de mauvais traitements ou pour les parents ou les grands-parents qui ont fréquenté des pensionnats et souffrent de dépression, sont en colère et ont d'autres problèmes qu'ils veulent régler. Des membres de notre réserve disent qu'il n'y a pas assez d'argent pour embaucher un thérapeute qui pourrait venir en aide aux Autochtones tant dans les réserves qu'à l'extérieur de celles-ci. Je propose au comité de faire part de cette question au Sénat et au gouvernement.

La présidente : Souhaitez-vous ajouter autre chose? Nous avons votre exposé sur papier, et le sénateur Harb verra à ce que votre exposé et celui de Mme Davies figurent dans la transcription. De cette façon — et vous savez, bien sûr, ce que je veux dire —, c'est comme si vous l'aviez présenté au complet.

M. Williams : Il y a une autre chose que je voudrais aborder, et il s'agit de la responsabilisation des médecins.

Par exemple, neuf mois avant que je fasse sa connaissance, ma femme a reçu un diagnostic de schizophrénie. Elle était allée consulter un médecin — et ce genre d'histoire arrive à beaucoup de femmes autochtones qui vont chez le médecin et qui font mention de troubles affectifs, physiques ou autres —, et le médecin déclare sans hésiter : « Oh, vous êtes schizophrène. » Lorsque j'ai rencontré ma femme le 28 avril 2000 — c'était un samedi —, elle prenait déjà plusieurs médicaments pour traiter la schizophrénie, et pendant de nombreux mois, voire des années, j'ai dû me battre en son nom parce qu'elle ne pouvait pas le faire elle-même. Elle était surmédicamentée, et, finalement, elle a pu obtenir un autre diagnostic par un spécialiste à Victoria, et elle ne prend maintenant plus de médicaments depuis 29 mois. Ma femme voulait que j'attire votre attention sur cet aspect, c'est-à-dire les personnes auxquelles les médecins prescrivent invariablement des médicaments. Les médecins doivent se responsabiliser et ne pas se contenter de prescrire des médicaments aux Autochtones.

La présidente : Je remercie tous les témoins d'avoir présenté leur exposé.

J'aimerais commencer par vous demander à tous les deux de nous donner un exemple de ce qui arrive lorsqu'une personne s'adresse à votre organisme. Vous en avez parlé, mais j'aimerais que vous nous donniez un peu plus de détails. Disons que Mme X fait appel à vous. Elle est atteinte d'un certain nombre de problèmes de santé. Elle ne vit pas dans une réserve. Entre le moment où elle fait appel à vos services pour la première fois et celui où elle se rend à l'hôpital, à quels types de services peut-elle avoir accès? A-t-elle accès aux mêmes services que tout autre résident de la Colombie-Britannique? Quels sont les obstacles qu'elle pourrait rencontrer?

Mme Davies : Je vais essayer d'utiliser l'exemple de quelques-uns de nos clients.

Nous avons un client qui a subi un traumatisme cérébral, et il devait se faire opérer au pied. Il avait du mal à trouver un moyen de transport et à prendre rendez-vous avec le médecin, d'une part à cause de sa lésion cérébrale et d'autre part en raison de l'endroit où il vivait.

Nous avons fixé ses rendez-vous avec le médecin et nous lui avons trouvé un moyen de transport. Comme il ne vivait pas dans une réserve, il avait de la difficulté à obtenir des services de transport pour raison médicale, alors nous l'avons aidé dans ses démarches.

J'ignore si cela répond à votre question. Cet homme a pu bénéficier des services d'une clinique spécialisée dans les traumatismes cérébraux et apprendre à composer avec les problèmes de santé découlant de sa lésion cérébrale. Après son opération et d'autres interventions semblables, nous lui avons apporté de l'aide. Il était également un descendant de survivants des pensionnats, alors nous lui avons trouvé un thérapeute.

Après nous être occupés du cas de cet homme, nous avons décidé que, dorénavant, nous ferions une entrevue avec le thérapeute avant de lui confier un client. Ce qui s'est passé dans le cas de cet homme — et cela est arrivé plus d'une fois —, c'est qu'il souhaitait aborder précisément ses problèmes découlant des pensionnats. Il est arrivé que deux ou trois thérapeutes se plaignent aux clients de la faible rémunération qu'ils recevaient lorsqu'ils offraient des services à des Autochtones vivant hors réserve et à des survivants des pensionnats.

Des choses semblables se produisent. Ce genre de situation pourrait ne pas arriver dans le cas d'une autre personne. J'ignore si cela répond à votre question.

La présidente : Oui, cela répond à ma question. Bien entendu, l'accès à des services de counseling adaptés à la culture autochtone est un aspect important, et vous l'avez souligné. Vous en êtes consciente, en ce sens que, si cette personne s'était adressée à un autre organisme, elle n'aurait pas reçu autant d'attention?

Mme Davies : Nous ne recevons qu'une liste de noms. Je ne connais pas ces personnes, et ce client avait déjà eu quelques rendez-vous avec la thérapeute. Je lui ai demandé comment ça se passait, et il m'a dit : « Eh bien, je ne sais pas trop, Ali. C'est la première fois que je vois un thérapeute, alors je suppose que ça se passe bien. » Je lui a ai ensuite demandé s'il voulait me parler de ses échanges avec la thérapeute. Il m'a donné quelques détails, puis il m'a avoué que la thérapeute lui avait dit qu'elle n'était pas aussi bien payée qu'elle le serait habituellement. Elle lui a dit qu'il avait droit à 20 visites, mais qu'elle ne lui en donnerait que 10 et qu'elle facturerait chacune en double parce qu'elle était très bonne dans ce qu'elle faisait.

Je lui ai expliqué que la thérapeute n'agissait pas bien et que c'était comme si on le maltraitait à nouveau, et nous avons discuté un peu de ce qu'il ressentait par rapport à cela. J'ai signalé l'incident, et, à partir de ce moment-là, j'ai décidé de faire passer une entrevue aux thérapeutes avant de leur envoyer des clients. J'ai maintenant une liste de thérapeutes auxquels je peux me fier. Je m'assure qu'ils comprennent les besoins des clients. Je règle tout de suite avec eux les questions d'argent parce que nos clients ne sont pas censés s'occuper de cela. Ils les consultent déjà pour d'autres problèmes.

La présidente : Parlons des médicaments d'ordonnance, des fauteuils roulants et de toutes les autres choses dont une personne peut parfois avoir besoin. Peut-elle les obtenir auprès du gouvernement provincial? Doit-elle les demander à la bande? Qu'arrive-t-il lorsqu'une personne s'adresse à votre organisme?

Mme Davies : Cela varie en grande partie selon le lieu de résidence. La personne peut vivre à l'extérieur d'une réserve, mais dans un endroit éloigné. Cela a une incidence. C'est peut-être la même chose dans le cas d'un non- Autochtone. Toutefois, une personne autochtone peut faire face à d'autres difficultés, car elle possède des particularités culturelles, peut avoir des antécédents compliqués, n'est peut-être pas à l'aise de se présenter dans un endroit et de demander certaines choses et de comprendre ce qu'on lui explique. Voilà en gros ce que nous faisons à titre de gestionnaires de cas d'invalidité : nous aidons cette personne à naviguer dans le système.

La présidente : Monsieur Williams, voudriez-vous ajouter quelque chose à ce que vient de dire Mme Davies?

M. Williams : Excusez-moi. Je suis debout depuis 5 heures du matin.

La présidente : Ça va. Nous vous poserons d'autres questions. Ne vous inquiétez pas.

M. Williams : Pourriez-vous reposer la question?

La présidente : Est-ce que les personnes avec lesquelles vous travaillez ont du mal à obtenir, par exemple, des médicaments d'ordonnance, des fauteuils roulants et des services comme du counseling? Quelles mesures devez-vous prendre pour faire en sorte que les personnes qui vivent à l'extérieur des réserves obtiennent les mêmes services que ceux qui s'offrent aux autres résidents de la Colombie-Britannique?

M. Williams : J'ai entre autres constaté les effets que les compressions budgétaires du ministère des Affaires autochtones ont eus sur les collectivités autochtones au chapitre de l'accès aux médicaments, aux services, aux thérapeutes ou à d'autres choses dont les gens ont besoin. Le ministère a réduit le financement, alors les gens ne peuvent pas obtenir de médicaments; ils peuvent en obtenir certains, mais pas ceux qui ne sont pas autorisés par le ministère.

Depuis quelques années — mais je ne fais pas cela trop souvent —, lorsque je vois qu'une personne est aux prises avec un problème semblable, je lui viens en aide. Si les médicaments coûtent 39 $, je les paierai, mais j'ai envoyé de nombreux courriels au ministère des Affaires autochtones et à d'autres ministères pour leur signaler ce problème. Il semble toutefois que rien ne bouge.

Comme mon amie ici l'a fait remarquer, le manque de transport est un autre problème, surtout dans des endroits très isolés comme le village de Zeballos, sur l'Île de Vancouver. Si vous saviez à quel point ce village est loin de tout et dans quel état sont les routes, c'est horrible. À moins d'avoir de l'argent... Les gens du village usent parfois leur voiture dans le temps de le dire. Ils ont essayé de faire pression auprès des autorités — surtout en ce qui concerne l'autoroute —, auprès du ministère des Transports de la Colombie-Britannique, de la municipalité de Zeballos et du ministère des Forêts, car il est aussi de leur responsabilité d'entretenir la route, mais ils semblent toujours se renvoyer la balle. Le problème, c'est que personne n'a d'argent pour réparer cette route, alors les gens ont beaucoup de mal à se rendre jusqu'à Campbell River pour faire des achats, se procurer des médicaments et aller à leurs rendez-vous chez le médecin. Je le sais parce que je conduis en voiture des Autochtones. S'ils n'ont pas de moyens de transport pour se rendre à leur rendez-vous, je les y emmène en voiture.

La présidente : Merci.

Avant de poursuivre, je veux voir à ce que chacun de vos exposés soit annexé à la transcription.

Le sénateur Harb : Madame la présidente, je propose que les exposés d'Alison Davies et de Bill Williams soient déposés comme pièces et annexés aux délibérations du comité.

La présidente : Tous ceux qui sont pour?

Des voix : D'accord.

[Le texte des documents figure à l'annexe, p. 21:74 (disponible dans le format imprimable PDF).]

Le sénateur Harb : Ma question s'adresse à Mme Davies. Lorsque vous avez mentionné quelques chiffres, vous avez nommé les différents types d'incapacité que présentent les clients que vous servez. Nous avons ici des chiffres de Statistique Canada qui indiquent que 54 p. 100 des adultes sont atteints d'une forme ou d'une autre de maladie chronique. Certaines de ces maladies entraînent une incapacité, alors que d'autres non. Considérez-vous l'alcoolisme et la toxicomanie comme une incapacité, et, le cas échéant, quel pourcentage représentent vos clients qui ont un problème d'alcoolisme ou de toxicomanie?

Mme Davies : Nous considérons certainement l'alcoolisme et la toxicomanie comme une incapacité ou, du moins, comme un problème de santé qui doit être traité. Toutefois, la plupart des gens que nous aidons ne sont probablement pas très touchés par ce genre de problèmes. Peut-être que je devrais reformuler ma phrase : il est rare que les gens que nous aidons aient uniquement des problèmes de cette nature. Un grand nombre de nos clients ont des problèmes complexes : ils peuvent faire du diabète et de l'asthme ou avoir le cancer et être aussi des descendants de survivants des pensionnats ou des survivants eux-mêmes et, en même temps, ils essaient de se libérer d'une certaine forme de dépendance. Je pourrais jeter un coup d'œil à nos dossiers, mais, habituellement, l'alcoolisme et la toxicomanie ne font pas partie des principaux problèmes qui touchent notre clientèle, car il y a normalement bien d'autres choses qui prédominent.

Le sénateur Harb : Est-il possible que certaines personnes ne deviennent jamais vos clients parce qu'elles n'arrivent pas à accéder au système ou qu'elles se retrouvent derrière les barreaux en raison de problèmes qui échappent à leur volonté? Si tel est le cas, avez-vous essayé, par exemple, de communiquer avec les services correctionnels pour leur dire : « Écoutez, je voudrais examiner le dossier des détenus pour connaître leur état de santé. Je voudrais jeter un coup d'œil à leur dossier médical pour savoir combien d'entre eux sont en réalité atteints d'une incapacité causée par l'alcoolisme ou la toxicomanie ou d'une autre forme d'incapacité, comme un problème de santé mentale »? Avez-vous déjà fait de telles démarches, ou envisagez-vous la possibilité de faire cela dans l'avenir?

Mme Davies : Oui et oui. Je le fais deux fois par année. Par exemple, le centre Ford Mountain, situé à Chilliwack, organise une foire d'information. Un certain nombre d'organismes tiennent un kiosque, et je les consulte pour savoir si des clients sont incarcérés là-bas. Je me rends régulièrement — j'ignore combien de fois par année — au centre correctionnel Wilkinson lorsque je sais qu'un de nos clients se trouve là-bas.

Le fait est que je suis la seule gestionnaire de cas à temps plein. Mme Williams travaille deux jours par semaine. Nous recevons très peu de financement. Nous avons 305 clients, dont 181 qui sont actifs. Mme Williams rencontre à peu près huit ou dix personnes par semaine. Je dis « rencontre », mais une grande partie de nos interventions se font par téléphone parce que nous avons des clients dans toute la province, alors je dirais plutôt de 20 à 25 clients. La réalité, c'est que, chaque semaine, il y a environ 150 personnes que je ne peux pas rencontrer, que nous ne pouvons pas aider, qui doivent attendre. Pour ce qui est de nos dossiers inactifs — il y en a environ 124 —, je ne peux vous dire honnêtement ce qu'il en est parce que ces clients n'ont besoin de rien pour l'instant. Mais le fait est qu'il est très difficile de joindre même un petit nombre d'entre eux.

Encore une fois, la réalité, c'est qu'il y a des milliers de personnes que nous ne pouvons pas aider. Je veux que nous puissions leur venir en aide, mais j'ai déjà du mal à aider nos clients actuels. C'est la réalité. Nous manquons de financement. Nous manquons de personnel pour faire tout ce que nous voudrions faire.

La première fois que je suis allée au centre correctionnel Wilkinson, on m'avait demandé de rencontrer quelqu'un. De retour au bureau, j'ai dit à Neil Belanger, notre directeur, qu'une foule de nos clients se trouvaient là-bas. J'ai pu observer chez certains détenus des caractéristiques physiques attribuables à l'alcoolisation fœtale. Je voyais qu'il y avait beaucoup de membres des Premières nations incarcérés à cet endroit, mais je n'avais le temps de rencontrer que les personnes que j'allais voir. Les besoins sont énormes, en effet.

Le sénateur Harb : Est-il juste alors d'affirmer que si vous disposiez des ressources nécessaires, vous pourriez en faire beaucoup plus?

Mme Davies : Oui.

Le sénateur Harb : Est-il juste aussi de dire que nous devrions peut-être recommander au gouvernement de ne pas seulement fournir des ressources, mais aussi de reconnaître qu'il y a des Autochtones qui vivent à l'extérieur de la « collectivité » — pour ne pas dire à l'extérieur des réserves — et qui ont une incapacité mentale et des problèmes découlant du non-respect de leurs droits et dont on ne s'occupe pas, faute de ressources?

Mme Davies : Tout à fait, et des personnes qui ne disposent même pas des capacités ni des ressources nécessaires pour s'adresser à nous.

Mme Williams m'a rappelé quelque chose que vous aviez demandé, madame la présidente. Les gens ne sont pas bien informés au sujet des services de santé non assurés et ne savent pas ce qui est couvert et ce qui ne l'est pas, surtout en ce qui a trait aux soins de santé offerts par les fournisseurs à l'extérieur des réserves. Bien souvent, un de nos clients consulte un professionnel de la santé, mais ignore quels services sont assurés. Il peut s'agir d'un détail : par exemple, le professionnel rédige une ordonnance, sans savoir quels médicaments sont couverts, et le client doit faire des allers- retours. Imaginez que vous êtes malade et que vous devez faire des allers-retours en autobus parce que le médecin ignore ce qui est couvert. Ce n'est qu'une petite chose, mais cela se produit très souvent.

Mme Williams : J'aimerais ajouter quelque chose. Un grand nombre de personnes qui reçoivent nos services ignorent qu'elles peuvent porter en appel une décision liée à la prestation de services de santé non assurés. Les professionnels de la santé avec lesquels j'ai travaillé ne le savent pas non plus. Des gens passent à travers les mailles du filet et ne réussissent pas à obtenir un fauteuil roulant ou des médicaments d'ordonnance ou doivent utiliser les prestations qui leur sont versées à titre de personnes handicapées pour payer les inhalateurs dont ils ont besoin pour traiter une MPOC ou quoi que ce soit d'autre. C'est vraiment un gros problème.

La présidente : Le plus triste dans tout cela, c'est qu'en raison de toutes ces allées et venues, les gens abandonnent parfois, et leur état se détériore, alors c'est horrible.

Notre temps est écoulé. Il y a tellement de questions que nous pourrions vous poser. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir passé tout l'après-midi avec nous. S'il y a quoi que ce soit d'autre, n'hésitez pas à nous le faire savoir.

Le sénateur Brazeau : Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie infiniment d'être venus témoigner devant nous aujourd'hui. Vos commentaires ont été très instructifs. De toute évidence, la situation est très préoccupante, mais nous essayons de l'améliorer. Nous essayons de donner une voix aux Premières nations, et nous sommes disposés à entendre toute personne qui souhaite s'adresser au comité ou nous transmettre un mémoire que nous examinerons avant de rédiger le rapport final.

Comme je l'ai dit au début de la séance, ce n'est que le début du dialogue.

(La séance est levée.)


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