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RIDR - Comité permanent

Droits de la personne

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 22 - Témoignages


VANCOUVER, le vendredi 23 novembre 2012

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui, à 9 h 3, pour étudier les questions concernant les droits de la personne des membres des Premières nations qui vivent à l'extérieur des réserves, une attention particulière étant portée au cadre stratégique fédéral actuel.

Le sénateur Mobina S. B. Jaffer (présidente) occupe le fauteuil.

La présidente : J'aimerais vous souhaiter la bienvenue ce matin. Au nom du comité, j'aimerais vous dire que nous sommes très heureux que vous soyez ici. Je vais demander au sénateur Brazeau de vous donner un aperçu du sujet de l'étude et de ce que nous essayons d'accomplir. Avant de le faire, je me présente : je m'appelle Mobina Jaffer. Je préside le comité.

Le sénateur Brazeau : Je m'appelle Patrick Brazeau, je viens du Québec et je suis vice-président du comité.

Le sénateur Hubley : Je m'appelle Elizabeth Hubley et je viens de l'Île-du-Prince-Édouard.

La présidente : Je vous présente le sénateur Mac Harb, de l'Ontario.

Le sénateur Brazeau : Merci, madame la présidente.

Merci d'être parmi nous ce matin. Simplement pour vous donner un peu d'information de base et d'éléments de contexte au sujet de notre étude, je voudrais dire que, en gros, nous savons tous qui a créé les étiquettes qu'on accole aux gens qui vivent dans les réserves et en dehors des réserves. Cela dit, il arrive souvent encore aujourd'hui que les Autochtones qui vivent hors réserve fassent l'objet d'une discrimination triple de la part du gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux, et, dans certains cas, même de leurs propres chefs autochtones, lorsqu'il s'agit pour eux d'exercer leurs droits et d'accéder aux programmes et services.

On nous a confié le mandat d'examiner la question pour nous assurer que les gens aient accès aux mêmes droits, programmes et avantages, qu'ils choisissent ou non de vivre dans une réserve. Nous espérons pouvoir nous débarrasser des étiquettes à l'avenir. Nous sommes certainement ici pour entamer un dialogue et pour discuter avec les gens.

Ce qui est bien de ce processus, c'est qu'il est très ouvert. Nous sommes ici pour écouter les gens. Il est temps pour nous d'adopter une démarche partant de la base, et c'est ce que nous tâchons de faire.

Nous espérons obtenir des recommandations très solides de la part des témoins, parce que nous allons à notre retour faire des recommandations au gouvernement du Canada et peut-être même aux gouvernements provinciaux. Nous vous entendons constamment dire que, sans l'aval des deux ordres de gouvernement, il est parfois très difficile de faire avancer les choses.

Je voulais mettre un peu les choses en contexte en vous expliquant pourquoi nous faisons ce travail, et il est certain que notre comité le fait pour les bonnes raisons, c'est-à-dire pour que cela profite à tous nos citoyens des Premières nations, qu'ils vivent dans une réserve ou hors réserve. Merci.

Notre premier témoin aujourd'hui sera M. Bob Chamberlin, vice-président de l'Union of British Columbia Indian Chiefs.

Bonjour, monsieur. Vous avez la parole.

Chef Bob Chamberlin, vice-président, Union of British Columbia Indian Chiefs : Bonjour.

[Le témoin s'exprime dans sa langue maternelle.]

Je suis le chef élu de la Première nation Kwicksutaineuk-ah-kwaw-ah-mish. J'ai demandé à ce que vous entendiez ce que je dis aujourd'hui, ce que je dis du fond du cœur au nom de notre peuple. Évidemment, j'ai mentionné les Premières nations Tsleil-Waututh, Musqueam et Squamish, sur le territoire non cédé desquelles nous nous trouvons aujourd'hui.

Comme c'est notre coutume, j'aimerais commencer par chanter une prière pour bien préparer le travail que nous sommes sur le point de commencer et en reconnaissance de l'histoire, de la culture et des traditions riches qui sont celles de nos peuples et qu'ils continuent d'exercer aujourd'hui à titre d'exemple des droits ancestraux dont nous jouissons en tant que membres des Premières nations.

[Le témoin chante une prière.]

Cette chanson parle du fait de demander de l'aide et des conseils au monde spirituel pour que notre vie ait plus de sens et soit plus utile et pour que nous puissions envisager un avenir meilleur pour nos enfants. Évidemment, cela est à la base de tout le travail que bon nombre d'entre nous font au nom des membres des Premières nations qui vivent dans les réserves et hors réserve.

Je prends aujourd'hui la parole au nom de l'Union of B.C. Indian Chiefs, à titre de vice-président de l'organisation. Pour vous donner quelques éléments de contexte, je vous dirais que l'Union of B.C. Indian Chiefs a été fondée en 1969. Elle représente plus de 100 Premières nations de la Colombie-Britannique. Le mandat de l'UBCIC concerne la mise en œuvre, l'exercice et la reconnaissance de nos droits ancestraux inhérents et droits issus de traités, ainsi que la protection de nos terres et des eaux qui nous appartiennent par l'intermédiaire de l'application et de la mise en œuvre de nos propres lois et de nos propres compétences.

L'UBCIC fonctionne collectivement au sein des nations autochtones de la Colombie-Britannique et joue le rôle d'organisme de défense des droits afin que les nations et communautés autochtones puissent se faire entendre ensemble à l'échelle régionale, nationale et internationale. L'UBCIC vise à permettre une communication ouverte et respectueuse entre les membres de l'organisme, les gens du pays et les citoyens de la province.

L'UBCIC est dirigée collectivement par les nations et les communautés autochtones afin qu'elle puisse soutenir et renforcer les gouvernements autochtones dans l'exercice de nos droits et de nos responsabilités inhérents, y compris dans les sphères de la souveraineté et du développement politique, social, économique, culturel et spirituel.

L'UBCIC a un mandat visant les membres des Premières nations qui vivent hors réserve. Les membres des Premières nations qui vivent hors réserve sont des citoyens des Premières nations. Même si un citoyen des Premières nations vit hors réserve, il a les mêmes droits fondamentaux que les autres citoyens des Premières nations.

Par la résolution 2012-18, l'UBCIC a adopté sa déclaration de principes sur la citoyenneté autochtone. Bon nombre des recommandations figurant dans cette déclaration ont trait à l'exercice... ou à l'expérience de citoyens membres des Premières nations qui ont fait l'objet d'une discrimination systématique dans le cadre de l'application des lois fédérales, par exemple la Loi sur les Indiens de 1876, les modifications de 1951 et le projet de loi C-31 qui y a fait suite, le projet de loi C-3 et d'autres politiques connexes.

En outre, par l'adoption de la résolution 2011-13, l'Union of B.C. Indian Chiefs a participé à des séances régionales de dialogue et mené des séances sur la citoyenneté des Premières nations et l'inscription des bandes et l'appartenance à celles-ci, qui ont porté sur plusieurs enjeux concernant les citoyens des Premières nations vivant hors réserve et étaient axées sur l'histoire des lois et politiques canadiennes qui visaient à détruire les lois autochtones de citoyenneté, ce qui a érodé la gouvernance et la souveraineté des Premières nations.

La capacité de définir la citoyenneté, de s'autogouverner de façon efficace et d'offrir des programmes et services adéquats en matière de santé, de logement et de planification à nos citoyens membres est un droit fondamental essentiel à la survie de nos Premières nations.

Ce sont les lois canadiennes et les politiques connexes discriminatoires et colonisatrices qui viennent en fait nuire à la capacité des Premières nations de répondre aux besoins de tous leurs citoyens vivant dans une réserve ou hors réserve.

Les Premières nations considèrent que l'appartenance à la nation est un droit qui vient de la naissance, et c'est la position de l'Union of B.C. Indian Chiefs. En naissant au sein d'une famille, les gens héritent d'une lignée d'ancêtres, d'une appartenance, d'une culture et d'une communauté, peu importe où ils vivent; ils ont les mêmes droits que les citoyens qui résident dans une réserve.

Lorsque nous envisageons l'appartenance, je sais que, dans le cas de notre peuple, le peuple Kwicksutaineuk-ah- kwaw-ah-mish, c'est la famille qui fait foi de tout. C'est la culture qui nous attend depuis le début des temps.

Le problème auquel nous faisons face aujourd'hui vient du fait que le gouvernement impose ses volontés et ses désirs, qu'il impose unilatéralement des lois ayant des effets néfastes sur nos collectivités, ce qui permet à beaucoup de nos membres de cesser de vivre dans une réserve.

L'adoption par le gouvernement canadien de la Déclaration de l'ONU sur les droits des peuples autochtones est un très bon point de départ pour corriger les erreurs du passé que le gouvernement a continué de répéter jusqu'à aujourd'hui.

Comme nous nous penchons sur la Déclaration sur les droits des peuples autochtones, je vais en lire quelques articles pour le compte rendu, au cas où vous ne la connaîtriez pas bien.

La présidente : Sachez simplement que vous n'avez pas besoin de le faire. Nous connaissons très bien cette déclaration. Je vous dis cela avec tout le respect que je vous dois, parce que nous voulons vraiment vous poser des questions.

M. Chamberlin : Très bien. Je suis d'avis qu'il y a quelques points qu'il faut lire pour préparer les discussions d'aujourd'hui. Il n'y a que quatre articles. Cela va ne prendre que 30 secondes environ.

Tout autochtone a droit à une nationalité.

Voici l'article 8 :

Les autochtones, peuples et individus, ont le droit de ne pas subir d'assimilation forcée ou de destruction de leur culture. Les États mettent en place des mécanismes de prévention et de réparation efficaces visant :

[...] Toute forme d'assimilation ou d'intégration forcée.

L'article 9 dit :

Les autochtones, peuples et individus, ont le droit d'appartenir à une communauté ou à une nation autochtone, conformément aux traditions et coutumes de la communauté ou de la nation considérée. Aucune discrimination quelle qu'elle soit ne saurait résulter de l'exercice de ce droit.

L'article 33 dit :

1. Les peuples autochtones ont le droit de décider de leur propre identité ou appartenance conformément à leurs coutumes et traditions [...]

2. Les peuples autochtones ont le droit de déterminer les structures de leurs institutions et d'en choisir les membres selon leurs propres procédures.

Même si le Canada est signataire de la Déclaration de l'ONU sur les droits des peuples autochtones, il n'a jamais vraiment pleinement mis en œuvre même les principes définis dans cette déclaration et dit simplement que c'est un document inspirant, mais sans force ni effet, ce qui nuit beaucoup à la réputation des Canadiens à l'étranger, je crois.

Je veux aussi citer la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. L'alinéa 2.1c) de la convention oblige les États, y compris le Canada, à prendre des mesures efficaces pour revoir les politiques gouvernementales nationales et locales et pour modifier, abroger ou annuler toute loi et toute disposition réglementaire ayant pour effet de créer la discrimination raciale ou de la perpétuer là où elle existe.

La recommandation générale 23 de la convention reconnaît le fait que les droits fondamentaux des peuples autochtones sont liés aux droits ancestraux. Le comité est conscient du fait que, dans beaucoup de régions du monde, les Autochtones ont fait et font toujours l'objet de discrimination et sont privés de leurs droits et de leur libertés fondamentales, et surtout qu'ils ont perdu leurs terres. Ils ont perdu leurs ressources aux mains des colonisateurs, d'entreprises commerciales et d'entreprises d'État. Par conséquent, la préservation de leur culture et de leur identité a été menacée et l'est encore aujourd'hui.

Il est malheureux que le Canada n'ait pas mis en œuvre ces deux importants documents internationaux. En outre, le Canada continue d'appliquer des politiques vétustes et discriminatoires qui ne tiennent pas compte de l'état actuel de la jurisprudence, laquelle exige des consultations et des accommodements dignes de ce nom. C'est le plus haut tribunal du pays qui le dit, la Cour suprême du Canada. C'est quelque chose que je constate assez régulièrement et que j'entends dire par bon nombre de Premières nations, que le Canada manque vraiment à ses obligations. Je trouve que le gouvernement manque beaucoup de respect en négligeant de s'acquitter de ses obligations d'après le plus haut tribunal du pays.

Dans notre démocratie, il y a la Constitution et la Cour suprême du Canada. Il s'agit de promesses que le gouvernement, que le pays fait à ses habitants, et pourtant, lorsqu'elles sont écartées comme elles le sont systématiquement par le gouvernement du Canada, c'est une honte. Il est aussi très inacceptable de soumettre les Premières nations à cette interprétation très étroite des structures qui orientent votre travail de membres du gouvernement canadien.

Vous voulez parler des réserves et des gens qui vivent hors réserve. Ce que je veux vous dire, c'est que nous ne voyons pas notre peuple ainsi. Nous voyons notre peuple comme un groupe. Quels que soient les services que nous sommes en mesure d'offrir avec le peu d'argent que nous recevons du gouvernement fédéral dans les réserves, c'est une politique qui est source de division lorsque nous ne pouvons pas offrir ces services aux membres des Premières nations qui vivent hors réserve.

Le gouvernement du Canada et le gouvernement provincial auraient pu permettre le partage adéquat et juste des ressources dans la région ancestrale où vivait notre peuple. Comme vous le savez, la Colombie-Britannique englobe beaucoup de territoires non cédés aux Premières nations. Un processus de traité est actuellement en cours dans le but qu'on puisse discuter et trouver une façon d'intégrer le territoire conjoint ou partagé que le Canada décide d'imposer à notre peuple.

Si les gouvernements en place nous permettaient d'accéder à nos territoires et d'y exercer nos pouvoirs, ainsi que de profiter des avantages découlant de l'extraction des ressources, nous pourrions vraiment subvenir aux besoins de nos citoyens, comme nous les définissons, comme nous les voyons et comme notre culture l'exige de qui fait partie notre groupe et de qui n'en fait pas partie.

Nous pourrions à ce moment-là offrir toutes sortes de services sans les restrictions imposées par le gouvernement, mais, pour l'instant, vu le désir du gouvernement canadien d'assimiler les Premières nations, ce qui n'est pas vraiment différent de ce qui s'est passé au début de l'histoire du pays lorsqu'on voulait faire entrer toutes les Premières nations dans le corps politique du Canada, lorsque j'examine le projet de loi C-3 et le projet de loi C-31, je ne vois pas beaucoup de différences. Le libellé des notes d'acte est légèrement différent. La façon de faire peut-être un peu différente. Elle n'est peut-être pas aussi directe ni agressive, mais elle est tout de même raciale et très discriminatoire, et ce n'est pas quelque chose qui aide à la réputation du Canada dans le monde, loin de là.

Sachant que le Canada continue de poursuivre l'objectif d'exclure les peuples des Premières nations de toute position d'autorité sur leur propre territoire, même si vos propres tribunaux ont tranché que les droits et les titres ancestraux demeurent tout à fait en vigueur aujourd'hui et ont décrit la situation, je trouve incroyable que, au sein de l'entité qu'on appelle démocratie, le gouvernement fonctionne comme il le fait, en faisant fi de la Cour suprême du Canada et de la constitution du pays et en adoptant des lois racistes qui continuent de contribuer à l'éradication des peuples des Premières nations. Je trouve cela très choquant.

Examiner la situation des gens qui vivent hors réserve comme nous le faisons ici aujourd'hui perpétue selon moi la séparation de notre peuple. Cela vient encore perpétuer et souligner le fait même que la façon dont le gouvernement canadien aborde notre peuple, sur le plan des lois et des politiques, ne fonctionne pas. Si le gouvernement canadien souhaite faire quelque chose d'utile plutôt que d'organiser une tournée comme celle-ci pour nous écouter parler, je pense que les ressources pourraient être mieux utilisées si elles étaient consacrées à des mécanismes qui permettraient aux Premières nations d'accéder à leurs territoires et à leurs ressources. À ce moment-là, nous pourrions profiter de la même richesse que les Canadiens, qui la tiennent de l'exploitation de nos territoires et de nos ressources.

Savoir que le gouvernement canadien a présenté des excuses par rapport aux pensionnats indiens est pour moi une mesure très claire. C'est aussi un aveu de culpabilité. Je pense qu'il appartient au gouvernement canadien de prendre d'autres mesures, de prendre toutes les mesures possibles pour s'assurer que les répercussions des pensionnats indiens sont atténuées.

Lorsque je pense à une réserve, je pense à la collectivité que je représente à Gwayasdums, sur l'Île Gilford. Lorsque j'ai commencé à jouer le rôle de chef il y a huit ans, le comité auquel je siégeais s'occupait de 26 maisons condamnées au niveau 1, l'eau était impropre à la consommation depuis dix ans, et le gouvernement fédéral n'avait aucun plan pour régler ces problèmes. La solution, dans le cas de l'eau, c'était un avis selon lequel il ne fallait pas la consommer. Ce n'était pas un avis indiquant de la faire bouillir. Non, on disait aux gens de ne pas la consommer. La solution proposée par le gouvernement canadien à notre collectivité, c'était de transporter par barges des contenants d'eau potable de cinq gallons, tout en continuant de nous laver à l'eau salée, de laver nos vêtements à l'eau salée, et ainsi de suite.

Après beaucoup de travail fait au nom de notre conseil, nous avons commencé à rebâtir notre collectivité. Je peux vous dire dès maintenant qu'il y a qu'un enfant dans notre collectivité, et la raison, c'est que, au moment de l'examen de la situation par les médias, le médecin avait ordonné que tous les enfants quittent la réserve en raison des risques pour la santé.

Je parle du Canada. Je parle du Canada en 2005 où les enfants étaient retirés de la sécurité de leur foyer dans une réserve et où l'eau était impropre à la consommation. Je vous demanderais combien vous seriez à souhaiter vous installer dans une collectivité où il y a des risques pour votre santé, où il n'y a absolument aucune perspective d'emploi et où vous ne pouvez pas accéder à de l'eau potable, ce qui est le cas, comme nous le savons ou que nous pouvons le constater, un peu partout dans le monde et qui suscite de la pitié lorsque nous pensons à la situation honteuse des pays qui n'ont pas d'eau potable. Je sais que le Canada devrait lui aussi avoir honte.

Lorsque je discute avec des gens de notre peuple et des membres de notre bande qui veulent s'installer chez eux, je constate qu'ils sont très sincèrement attachés à leurs terres, à leur peuple et à notre histoire. C'est à partir de ce territoire que notre culture, qui est aussi dynamique qu'elle peut l'être, a commencé et continue d'évoluer. Je trouve troublant que le gouvernement canadien puisse continuer d'agir de la même façon, de se présenter à la communauté internationale de la même façon et de continuer à faire des commentaires sur les violations des droits de la personne dans d'autres pays alors que le fait est qu'il continue de ne pas respecter les droits fondamentaux des peuples des Premières nations au Canada. Je dis cela parce que j'ai examiné le projet de loi C-3, le projet de loi C-31 et d'autres mesures dont nous sommes témoins.

Le gouvernement actuel devrait avoir honte. Lorsque nous examinons les mesures qu'il prend, nous constatons qu'il vise clairement à éradiquer les peuples des Premières nations. Je dis cela, car la refonte de la Loi sur les pêches avant la publication du rapport de la Commission Cohen est une mesure honteuse.

Le gouvernement savait très bien que le rapport allait être publié. Il avait investi des millions de dollars dans l'exercice afin de pouvoir comprendre ce qui s'est passé ici, et, sachant que le rapport allait être publié, il a complètement restructuré et vidé de son contenu la Loi sur les pêches qui oriente les responsabilités du gouvernement pour ce qui est de s'assurer que les sources de nourriture dont notre peuple a besoin continuent d'exister. Pourtant, nous sommes devant un gouvernement qui a trouvé le moyen d'éviter cette responsabilité.

Lorsqu'une collectivité vit dans la pauvreté, et je n'utilise pas cette expression à la légère, elle doit compter sur ses ressources traditionnelles encore plus qu'avant. Ce n'est pas que nous aimons manger du poisson à l'occasion ou des palourdes parce que c'est bon. C'est que cela fait partie de notre identité. Savoir que les gouvernements tournent maintenant le dos à la gestion de l'habitat du poisson et de la palourde dans une collectivité qui vit dans la pauvreté est choquant.

C'est pourtant un autre exemple de la façon dont le gouvernement s'est perdu, dont il cherche à assurer les bénéfices et les profits d'entreprises internationales plutôt que de s'occuper du peuple même qui partage le territoire depuis la naissance du Canada.

J'ai l'impression que vous vous voulez dire quelque chose, sénateur Brazeau.

Le sénateur Brazeau : Oui, monsieur. Du point de vue du temps, parce qu'il y a d'autres témoins et qu'il y a des sénateurs qui ont des questions à poser, je pense que tout le monde vous en serait reconnaissant si vous pouviez conclure le plus rapidement possible.

M. Chamberlin : J'aimerais simplement prendre un instant pour parler des droits des membres des Premières nations qui vivent hors réserve. C'est vrai que les populations urbaines d'Autochtones augmentent régulièrement depuis une dizaine d'années. C'est bien entendu attribuable à l'adoption continue de lois et de politiques qui n'abordent pas adéquatement les problèmes fondamentaux qui empêchent depuis longtemps les Premières nations d'offrir des programmes et des services adéquats et efficaces à leurs citoyens.

Le financement fédéral inadéquat en matière de logement, de programmes de santé et d'éducation pousse souvent nos citoyens vers les régions urbaines où ils arrivent à subvenir aux besoins de leur famille. La dépossession continuelle de notre mode de vie, de nos terres, de nos ressources et de nos territoires entraîne une pauvreté contribuant à l'augmentation de la population autochtone en milieu urbain.

Les Premières nations ne peuvent faire valoir leurs droits ancestraux et issus de traités et n'ont pas accès à leurs terres ni à leurs ressources. Cette dépossession empêche nos nations de s'assurer que les droits des citoyens des Premières nations sont respectés. Cette dépossession est causée par les lois et les politiques connexes racistes et discriminatoires que met en œuvre le gouvernement fédéral.

Le refus constant du gouvernement du Canada de reconnaître les droits ancestraux et issus de traités empêche les Premières nations d'accéder aux ressources nécessaires pour répondre aux besoins de leurs citoyens. Il y a un vaste écart entre le niveau de vie des Premières nations et celui de la population canadienne en général, et j'ajouterais que cela nuit beaucoup à la réputation du Canada dans le monde.

Je le répète, beaucoup de collectivités des Premières nations vivent dans la pauvreté et n'ont pas accès à ce qu'il faut pour répondre aux besoins de base des êtres humains, entre autres parce qu'il y a un manque de logements adéquats, comme je l'ai souligné, dans notre collectivité où de nombreuses familles vivent en trop grand nombre dans des conditions insalubres, un manque de terres pour répondre aux besoins des citoyens, ainsi qu'un financement inadéquat en éducation et en santé. Ce sont évidemment des choses qui poussent les Autochtones à s'installer en région urbaine où ils peuvent obtenir les ressources dont ils ont besoin.

Pour conclure, j'aimerais prendre un instant pour parler de l'allocation des réserves aux Premières nations qui vivent sur la côte de la Colombie-Britannique. Notre Première nation en fait partie, et on nous a donné de très étroites bandes de terre, des terres à peine de la taille d'un timbre-poste sur notre territoire. Ce qui fait que le Canada était à l'aise de nous offrir de si petites terres, c'est que nous sommes des pêcheurs, que l'important, pour nous, c'était de pouvoir vivre des produits de la mer.

C'est un fait que nous comprenons, alors lorsque nous jetons un coup d'œil sur ce que fait le gouvernement canadien et ce que tente de faire l'empereur Harper ou le travail de restructuration qu'il fait auprès du MPO, il est tout à fait choquant pour nous de constater qu'on ne se soucie plus de préserver l'habitat, qu'on permet à l'industrie de poursuivre ses activités à fond de train, qu'on supprime le processus de délivrance de permis relativement à la DDP de l'habitat, qu'on abolit les contrôles dans le cadre de la LCEE, et ainsi de suite. Ce n'est pas bon. Dans notre langue, on dit que c'est [Le témoin s'exprime dans sa langue maternelle.] Ce n'est pas bien, et voir le gouvernement continuer d'agir de la sorte est choquant.

[Le témoin s'exprime dans sa langue maternelle.]

Le sénateur Brazeau : Les prochains intervenants représentent l'Urban Aboriginal Peoples Advisory Committee. Nous accueillons Mme Lillian Howard, coprésidente, et, à sa gauche, M. Steven Eastman, également coprésident.

Madame Howard, vous avez la parole.

Lillian Howard, coprésidente, Urban Aboriginal Peoples Advisory Committee :

[Le témoin s'exprime dans sa langue maternelle.]

En anglais, je m'appelle Lillian Howard. Je vis dans la région de Vancouver depuis de nombreuses années. Je suis retournée chez moi pour obtenir des conseils, puis je suis rentrée à Vancouver. L'Urban Aboriginal Peoples Advisory Committee a été créé récemment, en mai. Il y a eu douze nominations à ce comité qui ont été faites par le conseil de ville. Le conseil compte douze membres. Le mandat du comité consultatif est de mettre au point un processus de consultation auprès de la communauté autochtone de Vancouver. Je remercie le vice-président Chamberlin d'avoir abordé certaines des questions ou des raisons pour lesquelles les gens s'installent dans les villes. Je vais réserver certains des enjeux pour la période de questions. L'une des choses que le comité est en train de faire d'abord, c'est d'établir des tribunes un peu partout dans la ville pour permettre à la communauté autochtone de se faire entendre. Je vais demander à Steven d'en parler tout à l'heure.

Nous sommes vraiment contents que le conseil de ville ait créé ce comité. Il y a d'autres comités, mais celui-ci a la possibilité de faire des recommandations au conseil de ville concernant certaines des grandes préoccupations et certains des enjeux importants qui doivent être abordés avec le conseil au nom des Autochtones qui vivent dans la ville.

Il y a de bonnes choses à signaler. Toutefois, elles ne suffisent vraiment pas à contrebalancer la situation mauvaise des Autochtones qui vivent dans la ville. Beaucoup de gens quittent leur foyer pour faire des études, pour des motifs de nature familiale ou en vue d'occuper un emploi, mais dans une large mesure c'est pour faire des études et pour des raisons liées à la famille.

Dans la plupart des cas, la situation à la maison est la même qu'en ville. Les gens quittent un endroit pour s'installer dans un autre, mais la réalité est la même : il y a un manque d'éducation, un manque d'emplois, des conditions sociales qui ne sont pas très bonnes et des problèmes de santé. Les problèmes sont donc très similaires, que les gens vivent dans une réserve ou hors réserve.

Les Autochtones qui vivent en ville demeurent très attachés à leur lieu de naissance, à leur famille. Il y a beaucoup de gens qui sont là temporairement. Les gens rentrent régulièrement chez eux pour des raisons de nature culturelle, familiale ou sociale. Il est important pour beaucoup d'Autochtones qui vivent en ville de continuer d'entretenir des liens avec leur famille, avec leur clan, leur foyer et les ressources.

Au cours des dernières années, des efforts ont été déployés afin que diverses familles de la côte allouent des ressources pour qu'on puisse livrer du poisson aux gens en ville. C'est vraiment essentiel, vu le mauvais régime alimentaire des Autochtones qui vivent en ville.

Les Autochtones qui vivent à Vancouver forment un groupe très diversifié de gens qui viennent de la côte Est jusqu'à l'île de Vancouver et aux îles de la reine Charlotte. La situation est très diversifiée, très riche et très dynamique. Nous vivons peut-être dans la pauvreté, mais nous continuons quand même de faire de notre mieux, comme les autres habitants de la ville.

L'un des principaux problèmes, à Vancouver, c'est l'itinérance, le manque de logements. Nous connaissons du succès dans le domaine de l'éducation, grâce à nos étudiants de niveau universitaire qui font un baccalauréat, une maîtrise ou un doctorat en ville. Il y a beaucoup d'organismes de services qui viennent en aide aux Autochtones en ville. Toutefois, les services demeurent insuffisants pour les gens de la communauté.

Il est absolument essentiel que les organismes de services soient dirigés par des Autochtones. Nous sommes les seuls à connaître les problèmes auxquels nous faisons face. Nous avons des démarches totalement différentes et des styles de collaboration avec les gens qui sont aussi totalement différents. Souvent, nos petits programmes sont confiés aux organismes non autochtones, qui reçoivent quelques dollars pour offrir des services aux Autochtones, et on ne rend pas service à notre peuple de cette façon; en fait, on créé une injustice.

L'un des problèmes les plus tristes, c'est celui des femmes disparues et tuées, surtout dans le quartier Downtown Eastside. La situation est vraiment triste dans ce secteur. J'ai honte de voir que le gouvernement du Canada permet qu'une situation de ce genre se produise dans une collectivité du pays. Vous vous en sortiriez vraiment grandis si vous alliez faire un tour dans les ruelles du Downtown Eastside de Vancouver. Vraiment.

Ces gens sont des êtres humains. Ce sont des frères et des sœurs. Et la majorité des gens qu'on voit là-bas sont des Autochtones. Il y avait une société qui s'occupait d'un centre de jour pour les travailleurs du sexe, et 57 p. 100 étaient des femmes autochtones. Nous n'avons aucun centre adéquat à Vancouver, pour les femmes surtout. Les femmes autochtones sont les êtres humains les plus marginalisés dans cette ville, dans ce pays. Elles ne comptent peut-être que pour 2 p. 100 de la population, mais, pour l'amour de Dieu, ce sont des êtres humains. La situation est vraiment malheureuse.

Une autre situation malheureuse, c'est qu'il n'y a pas suffisamment de centres pour les jeunes. Je vis à Vancouver-Est, dans le secteur de Commercial Drive. Il manque vraiment un centre pour les jeunes là-bas. Le taux de criminalité est élevé, et l'une des raisons pour lesquelles il faudrait des centres pour jeunes un peu partout dans la ville, c'est que ce serait un programme de prévention pour qu'ils ne finissent pas dans le Downtown Eastside. Beaucoup de jeunes femmes autochtones aboutissent dans ce secteur si les choses ne vont pas trop mal dans les autres secteurs de la ville. Nous avons besoin de beaucoup de programmes de prévention. La recommandation que je vous fais, c'est d'appuyer fortement toute recommandation faite par les Autochtones, que ce soit les Autochtones qui vivent loin de chez eux ou ceux qui vivent dans la collectivité. Nous n'avons tout simplement pas suffisamment d'argent pour offrir des services à nos gens.

Nous sommes en train de tenir des forums, et je vais demander à Steven d'en parler. Je ressens une grande tristesse lorsque je parle des divers problèmes auxquels font face les Autochtones. Une chose positive, à Vancouver, c'est que la communauté autochtone est diversifiée. Heureusement, les gens qui s'installent en ville gardent des liens avec leur lieu de naissance et font vivre les traditions et la culture. Il y a la Journée nationale des Autochtones. Il y a le pow-wow qui est organisé ici les mardis soir, dans le cadre de la soirée familiale de la côte Ouest, le pow-wow de la fête des Mères et le pow- wow des Aînés du Downtown Eastside. Ce sont les choses qui nous permettent de garder le moral, et nous en sommes vraiment très reconnaissants.

Les politiques d'assimilation en vigueur depuis l'époque coloniale sont vraiment horribles. Nous allons le répéter jusqu'à ce que les gens comprennent. Jusqu'à maintenant, combien y a-t-il de comités permanents qui ont été chargés d'écouter les témoignages concernant les problèmes auxquels font face les Autochtones? La situation est la même qu'il y a 50 ans. Il n'y a aucun suivi des recommandations. Nous avons des façons de voir le monde tout à fait différentes, la façon autochtone de l'envisager et la façon occidentale, et il faut tenir compte des deux.

Je vais demander à Steven, qui est mon coprésident et collègue, de parler des forums que nous allons créer au cours des mois qui viennent.

Steven Eastman, coprésident, Urban Aboriginal Peoples Advisory Committee : Merci de m'avoir invité à venir témoigner aujourd'hui. Le mandat que nous a confié le conseil de ville de Vancouver consistait entre autres à représenter la population autochtone urbaine et de lui présenter des recommandations dans le but de renforcer les liens entre les Autochtones qui vivent en milieu urbain et les représentants de la Ville de Vancouver. Les membres du comité avaient leurs propres opinions et pouvaient parler au conseil de ce qu'ils croyaient être les besoins immédiats des Autochtones de Vancouver. Nous trouvions important de joindre la communauté en général pour nous assurer de bien représenter les Autochtones vivant en milieu urbain et pour que ces gens puissent se faire entendre.

Dans le cadre de ce processus, nous avons rencontré les représentants de nombreux conseils, organismes et fournisseurs de services différents. Malheureusement, un des problèmes importants que nous observons à l'heure actuelle, c'est que les gens qui se font entendre sont souvent le chef et le conseil des Premières nations de la Colombie-Britannique et les fournisseurs de services de divers organismes déjà en activité. Nous respectons ce qu'ils ont à dire, mais il n'y a que très rarement des consultations tenant compte de ce dont les citoyens ont besoin et qu'ils veulent dans la vie de tous les jours, ce qui est un droit humain fondamental établi. Dans le cadre de ce processus, nous voulons nous assurer de visiter toutes les communautés de Vancouver et de tenir des discussions ouvertes, honnêtes et franches avec la population en général afin de cerner les lacunes, de déterminer ce qui fonctionne et de voir ce qui pourrait être amélioré.

À l'heure actuelle, c'est l'un des domaines où nous avons de la difficulté en tant que population autochtone urbaine. Nous avons été déplacés. Beaucoup d'entre nous n'ont plus de lien avec leur collectivité d'origine. Ma famille vient de l'Est, mais je suis né et j'ai grandi à Vancouver. J'ai dû grandir dans cette collectivité, et, pour moi, c'est ma ville. Je n'ai pas accès aux services qui me seraient offerts si je vivais dans ma réserve. En fait, je n'ai même pas pu aller à l'université parce que je vivais en dehors de ma réserve et que ma bande ne pouvait pas me donner suffisamment d'argent. Les responsables de la bande ont dû exclure quelqu'un, et ça a été moi, parce que je vis ici et non dans l'Est.

Il y a encore beaucoup de chemin à faire. Nous devons nous assurer que les droits inhérents en question visent tous les Autochtones, qu'ils vivent dans une réserve, ou hors réserve. Je suis heureux de participer à cette discussion, de pouvoir parler ouvertement de la façon dont nous pouvons nous assurer que les personnes qui vivent hors réserve, qui ont été déplacées et qui n'ont pas accès à leurs services puissent y accéder en ville. À l'heure actuelle, il y a un effet de distance très important qui touche ces services. Tous devraient avoir droit aux services qui leur sont fournis dans leur collectivité d'origine, peu importe où ils vivent en milieu urbain de façon à ce qu'ils puissent y accéder et renforcer leur sentiment d'appartenance à la communauté ainsi que le sentiment d'être les bienvenus, peu importe où ils vivent. Merci.

La présidente : Merci de votre exposé. Nous comprenons qu'il n'y a pas suffisamment de temps pour dire tout ce que vous avez à dire. Je vois que vous avez des observations écrites. Si vous nous les fournissez, nous allons les verser au compte rendu aussi. Nous ne voulions pas vous interrompre. C'est simplement que nous avons hâte de pouvoir poser des questions.

Je vais commencer par vous, chef Chamberlin. Nous avons entendu dire que certaines bandes déterminent elles- mêmes qui est membre de la bande, tandis que d'autres laissent à AADNC le soin de s'occuper de leur liste de membres. À votre avis, quels sont les avantages et les inconvénients, le cas échéant? Croyez-vous que l'une des deux façons de faire permette probablement mieux de protéger les intérêts des Autochtones vivant hors réserve?

M. Chamberlin : À titre de Première nation, nous continuons d'exercer notre pouvoir inhérent de décider qui sont nos membres. Je ne parle pas de la liste que le gouvernement du Canada utilise pour séparer nos citoyens du reste des Canadiens. Ce que je dis, c'est que, dans notre culture, nous avons des façons de reconnaître les liens familiaux. C'est un processus très ouvert que nous suivons.

En ce qui concerne le fait qu'une Première nation ou un conseil de bande décide qui a qualité de membre et qui ne l'a pas, sur le plan politique, il revient au gouvernement fédéral de verser à une Première nation un financement adéquat qui lui permet de fournir des services. Nous pouvons inscrire autant de noms que nous le voulons sur cette liste, mais le financement ne nous permettra pas de combler ce besoin.

Le gouvernement reviendra toujours à sa démarche et à sa conception paternalistes au moyen desquelles il détermine qui a qualité d'Indien inscrit ou non inscrit. À mes yeux, qu'il s'agisse des Autochtones vivant à l'intérieur ou à l'extérieur d'une réserve, le seul et unique problème tient aux ressources insuffisantes, et ce, même lorsqu'on examine ce que les Premières nations sont contraintes d'endurer pour vivre dans la pauvreté. Je n'emploie pas ce mot à la légère : la pauvreté est une réalité pour les Premières nations au Canada dans notre propre pays. La pauvreté n'est pas uniquement attribuable à une série de mauvaises décisions ou à une conjoncture défavorable. Il est navrant que, au Canada, la pauvreté soit, en réalité, le résultat d'une démarche systématique visant à faire disparaître les peuples des Premières nations du Canada.

La présidente : Je demanderais à Mme Howard ou à M. Eastman de répondre à ma deuxième question, qui concerne les mesures que prend le centre d'amitié autochtone pour faciliter la participation des membres de la bande vivant hors réserve aux élections au sein de la bande, à savoir l'installation de bureaux de vote dans ses locaux. Pourriez-vous nous indiquer ce que votre bande ou d'autres bandes de la Colombie-Britannique font pour donner suite à l'arrêt Corbiere de la Cour suprême?

Peut-être que vous voudrez tous les trois répondre à cette question.

M. Chamberlin : Il est assez fascinant que vous vous intéressiez à un arrêt de la Cour suprême du Canada qui a pour effet que nous devons faire l'objet d'un examen, alors que le gouvernement du Canada se soustrait lui-même à l'examen auquel il est assujetti par suite d'autres arrêts de la Cour suprême.

Pour ce qui est des élections et de la reddition de comptes, le gouvernement fédéral répète sans cesse à la population que les Premières nations utilisent leurs ressources de façon abjecte. C'est tout simplement faux.

Pour ma part, je trouve incroyables divers salaires touchés au pays et ce que j'ai lu récemment dans le journal concernant votre allocation au titre du logement.

La présidente : Tenons-nous en à notre sujet, s'il vous plaît.

M. Chamberlin : La réalité, c'est que les avantages et les...

Le sénateur Brazeau : Notre réunion porte sur les droits de la personne des membres des Premières nations qui vivent à l'extérieur des réserves.

M. Chamberlin : Oui, mais il est également question de l'absence de ressources permettant de fournir des services à ces personnes que vous venez de mentionner. Si le gouvernement du Canada utilisait ses ressources de façon plus efficiente, et s'il allouait une quantité satisfaisante de ressources aux Premières nations plutôt que de trouver des moyens d'offrir du confort à des membres de l'élite qui mènent la grande vie, nous pourrions répondre aux besoins des membres des Premières nations qui vivent à l'intérieur et à l'extérieur des réserves.

Mme Howard : Étant donné que, comme Steven l'a mentionné, des Autochtones proviennent de toutes les régions du pays, je tiens à souligner que ce que je dirai ne concerne que la Colombie-Britannique. Je suis un membre actif de ma propre communauté. J'ai décidé d'être membre actif, peu importe que je vive à l'intérieur ou à l'extérieur de la réserve. Au sein de ma communauté, je vote sur les questions liées au mentorat. Ma collectivité est assujettie à un système très différent de celui des autres. Je constate, comme l'ont fait les représentants du centre d'amitié, que certaines Premières nations tiennent des élections, mais je tiens à souligner que je suis d'accord avec M. Chamberlin pour dire que le nombre de membres d'une bande n'aide pas vraiment les gens qui vivent à l'extérieur des réserves.

Je souligne qu'il s'agit d'une séance d'un comité relevant du gouvernement fédéral, et que le gouvernement fédéral a compétence en ce qui a trait aux Autochtones vivant dans les réserves. Ainsi, je peux constater que les recommandations concernant les Autochtones qui vivent dans les villes n'ont aucun effet. Vous entendez parler des problèmes. Qu'allez-vous faire? Que pouvez-vous faire? Pouvez-vous fournir du financement au Autochtones vivant en milieu urbain? Si on vous demande de le faire, vous répondrez : « Non, nous sommes désolés, ces gens vivent à l'extérieur des réserves. »

Comme Steven, l'an dernier, je voulais mener des études doctorales, mais je n'ai pas été en mesure de le faire puisque je n'ai pas eu accès à une aide financière. Si je veux mener de telles études, je dois les payer moi-même. Les compressions ont une incidence sur les Autochtones, surtout ceux qui vivent dans une réserve, vu qu'ils n'obtiennent pas de services de leur communauté, de leur Première nation. Nous comprenons cela, car cela est attribuable à un financement insuffisant. C'est la réalité.

M. Eastman : En ce qui a trait au vote dans le cadre d'élections dans les réserves, je ne peux vous parler que de ce que ma famille et moi-même avons vécu. Nous avons récemment commencé à nous intéresser aux questions politiques qui touchent les réserves, mais pendant de nombreuses années, nous avions tout simplement trop de problèmes à régler au sein de nos propres maisons et de notre propre communauté pour que nous puissions prendre le temps d'examiner ce qui se passait dans des réserves de l'Est du pays, dont nous sommes séparés par quatre provinces et avec lesquelles nous communiquons très peu. Il est difficile d'être en mesure de prendre une décision éclairée sur des questions d'ordre politique, mais il s'agit assurément d'un domaine dans lequel les membres de ma famille et moi-même tentons de nous investir davantage, de manière à ce que nous puissions nous assurer que les Autochtones vivant hors réserve obtiennent des services équivalents à ceux vivant dans les réserves, et d'un domaine dont l'importance croît sans cesse, à mon avis.

Le sénateur Harb : Merci, monsieur Chamberlin, madame Howard et monsieur Eastman. Vos exposés et vos observations m'ont beaucoup plu.

Un certain nombre d'études ont été menées à propos des Autochtones vivant hors réserve. Ce qui me frappe, c'est que ce sont les migrants de première génération qui quittent les réserves pour aller vivre en milieu urbain. D'après Statistique Canada, l'établissement de ces enfants au sein de la société ordinaire a des répercussions sur leurs réalisations, leur santé, leurs conditions de vie, leur situation socioéconomique, et ainsi de suite.

Ce qui est réellement intéressant, c'est que les Autochtones de deuxième génération qui bénéficient de conditions semblables à celles offertes aux non-Autochtones semblent avoir un rendement exceptionnel — eh bien, à tout le moins aussi bon que celui des autres —, ce qui m'amène à l'observation formulée par M. Chamberlin. Le fait est que le problème prend véritablement naissance dans les réserves. Dans une certaine mesure, c'est là que le mal est fait.

Vous êtes en train de déplacer vers la société ordinaire le programme qui devait assurer l'intégration adéquate des Autochtones et leur fournir du soutien en matière, entre autres, d'éducation et de soins de santé, mais cela n'est pas suffisant. C'est la raison pour laquelle beaucoup de gens tombent entre les mailles du filet. Les conflits de compétence entre les gouvernements provinciaux et fédéral entrent en ligne de compte, et des organisations comme la vôtre et d'autres sont dépassées. Elles ne semblent pas être en mesure de composer avec cela.

Comme tout le monde, je sais que le système pose un problème. Je sais que vous avez fait preuve d'un peu de cynisme à l'égard de ce que nous tentons de faire, mais nous faisons vraiment de notre mieux. De toute évidence, de façon générale, nous voulons inciter les gens à formuler des recommandations à l'intention du Sénat et du gouvernement afin d'améliorer la qualité de vie des gens qui vivent hors réserve et, en fin de compte, de tous les Autochtones. Avez-vous des recommandations précises à formuler en ce qui concerne les recommandations à l'intention du gouvernement que nous pourrions inclure dans notre rapport?

M. Chamberlin : Tout d'abord, je tiens à mentionner que je ne suis pas du tout d'accord avec votre observation selon laquelle, à l'origine, c'est dans les réserves que le mal est fait. À mes yeux, il s'agit d'une affirmation très insultante. S'il s'agit de jeter la pierre à quelqu'un, je crois que nous devons prendre acte de ce que le Canada fait et de ce qu'il ne fait pas pour les Premières nations.

La ville n'est pas la panacée. Il ne s'agit pas d'un endroit où les membres des Premières nations s'efforcent de s'installer et ont toujours voulu vivre. Ils préféreraient vivre dans leur territoire, dans leur village, où il existe un très fort sentiment d'appartenance à la communauté et un puissant sentiment d'identité. C'est à cela que le Canada s'est attaqué, c'est cela qu'il a tenté d'éradiquer.

Lorsque le gouvernement du Canada a sorti tous les enfants des réserves pour les placer dans des pensionnats, il cherchait très clairement à démembrer les familles, à séparer les générations les unes des autres et à affaiblir les Autochtones en tant que groupe et en tant qu'individus. C'est précisément le geste pour lequel le gouvernement du Canada a présenté ses excuses aux Autochtones. Si je réfléchis à cela, et si je songe aux ressources insuffisantes qui sont offertes aux Premières nations, je ne peux que conclure qu'il est impossible de répondre à leurs besoins. Par conséquent, nos gens quittent les réserves, et, même dans les villes, ils sont surveillés.

Vous nous avez demandé de vous indiquer quelles recommandations nous aimerions voir figurer dans votre rapport; si vous aviez une baguette magique et que vous ne pouviez concrétiser qu'une seule recommandation, j'aimerais que ce soit la suivante : que les Premières nations profitent et bénéficient des ressources qui se trouvent sur leur territoire. C'est aussi simple que cela.

Le gouvernement du Canada a tenté d'une kyrielle de façons de s'assurer que nous n'ayons pas un accès juste et équitable à nos propres terres, ces terres dont nous n'avons pas cédé le titre foncier, comme vos tribunaux l'ont montré. Comment ne pas considérer comme une manœuvre oppressive ou une démarche raciste le fait pour le Canada de perpétuer un système qui nous empêche de profiter des ressources de nos propres territoires, où nous pourrions nous occuper de nos gens à notre façon?

Le sénateur Harb : Je suis surpris que vous ne reconnaissiez pas l'existence de problèmes dans les réserves, vu que des statistiques montrent qu'une proportion de 45 p. 100 des logements dans les réserves ne répondent pas aux normes, que la santé des personnes vivant dans les réserves est bien plus mauvaise que celle des gens vivant à l'extérieur, que le degré de scolarité et l'accès à l'éducation dans les réserves sont bien inférieurs à ceux que l'on trouve à l'extérieur des réserves, et que les occasions d'emploi dans les réserves sont beaucoup moins nombreuses qu'à l'extérieur des réserves. Monsieur Chamberlin, en toute franchise, je ne comprends pas que vous ne considériez pas cela comme un énorme problème, un problème majeur qui est à l'origine de la migration vers les villes des personnes qui vivent dans les réserves.

Pourquoi faire l'autruche? Pourquoi refuser de voir la réalité en face, à savoir que la politique en place, même dans les réserves, est un échec total? Cela mène les Premières nations au point de non-retour, à telle enseigne que les Nations Unies ont publié un rapport qui condamne le Canada. L'indice du développement humain du Canada est de 63 en ce qui a trait aux conditions de vie des personnes qui vivent dans les réserves sur le plan des soins de santé, de l'éducation, du logement et du développement social.

Il y a quelques jours, j'ai demandé à quelqu'un de m'indiquer à quel rang dans le monde se classerait le Canada, selon l'indice du développement humain, si l'on ne tenait compte que des communautés autochtones et cette personne m'a répondu que le pays ne figurerait pas parmi les 100 premiers. En d'autres termes, le Canada se trouverait sur un pied d'égalité avec des pays africains moins industrialisés que le nôtre, et vous, monsieur Chamberlin, me dites que ce que je dis est faux. Je crois qu'il y a quelque chose qui cloche.

M. Chamberlin : À mon avis, vous n'avez pas compris ce que j'ai dit, ou vous l'avez mal interprété. Je crois que je devrais peut-être parler plus lentement.

Je suis d'accord avec quelques-unes des observations fondamentales que vous venez de faire. Vous avez évoqué les logements inadéquats. Vous avez mentionné l'accès insuffisant à l'éducation. Vous avez fait allusion à l'absence de perspectives d'emploi dans les réserves de même qu'à leurs piètres normes sanitaires, lesquelles sont bien inférieures à celles dont on peut profiter à l'extérieur des réserves. C'est ce que je retiens de vos propos.

Tout cela relève de la responsabilité du Canada. Le gouvernement du Canada a une obligation fiduciaire à l'égard des Premières nations, à savoir celle de leur offrir des logements, de l'éducation et des services de santé adéquats, et il n'assume pas cette obligation. C'est là que le bât blesse. Nous ne pouvons pas offrir des services si le gouvernement ne nous fournit pas les ressources qui nous permettraient de faire précisément ce que vous nous reprochez de ne pas faire.

Le sénateur Harb : Je ne vous reproche rien. Ce que je dis, c'est que, d'après toutes les statistiques que nous avons examinées, le principal problème tient au fait que les conditions de vie dans les réserves sont si mauvaises que cela mène les gens à quitter les réserves et à s'installer dans les centres urbains. En d'autres termes, le problème n'apparaît pas tout simplement une fois que les gens se retrouvent à l'extérieur de leur réserve. Non. Les personnes qui quittent leur réserve sont déjà aux prises avec le problème, qui se manifeste durant la période de transition au cours de laquelle elles tentent de s'intégrer à la société ordinaire et de s'occuper d'elles-mêmes et de leur famille.

C'est cette période qui présente une faille. D'après les statistiques, les enfants et les adolescents autochtones de la deuxième génération semblent s'en tirer exceptionnellement bien ou à tout le moins très bien dans chaque domaine lorsqu'ils peuvent profiter des mêmes possibilités que celles offertes aux non-Autochtones.

M. Chamberlin : Vous avez presque compris. Vous êtes près du but. Il ne vous manque qu'un élément pour avoir le tableau complet, et cet élément est la responsabilité du Canada à l'égard des Premières nations.

Le sénateur Harb : C'est précisément ce que je vous demande de m'expliquer.

M. Chamberlin : Vos propos selon lesquels les Autochtones de la deuxième génération sont beaucoup mieux intégrés au sein d'un milieu urbain sont choquants. Pourquoi le gouvernement du Canada n'offre-t-il pas aux Autochtones vivant dans les réserves des ressources semblables à celles offertes aux Autochtones hors réserve? Vous dites que les Autochtones de la deuxième génération vivant hors réserve s'en tirent mieux et qu'ils profitent de toutes les occasions offertes aux Canadiens, mais j'estime que nous ne devrions pas être contraints de quitter nos territoires et nos ressources pour profiter de ces avantages et de ces occasions.

Le Canada a échoué. Il n'a pas réussi à répondre aux besoins des membres des Premières nations vivant dans les réserves, et c'est cet échec qui suscite et alimente la situation qui règne à l'extérieur des réserves. C'est là-dessus que vous devez vous pencher, c'est-à-dire sur le fait que le gouvernement ne parvient pas à fournir aux Autochtones les ressources dont ils ont besoin pour combler leurs besoins. Une fois qu'il sera parvenu à le faire, il devra s'employer à créer les conditions permettant aux Premières nations de s'occuper d'elles-mêmes au moyen de leurs terres et de leurs ressources au profit de leurs membres, et ce, sans qu'il n'ait à intervenir.

Le gouvernement du Canada a tenté d'une multitude de façons de combler les besoins des Premières nations, mais toujours en adoptant une attitude très eurocentrique et très paternaliste à l'égard d'elles. Par conséquent, il a raté la cible. Il n'a pas répondu aux besoins des Premières nations. À mes yeux, vous devez mettre l'accent sur le fait que le gouvernement a manqué à ses obligations envers les Premières nations, et non pas les considérer comme des organisations démunies et leur reprocher de ne pas répondre aux besoins de leurs membres.

Le sénateur Harb : J'ai une autre question à vous poser, et elle porte précisément sur le sujet dont nous parlons. Nous sommes d'accord en ce qui concerne les conditions de vie des Autochtones vivant dans les réserves.

Je vous ai posé une question. Vous ne m'aidez pas, et j'ai besoin de votre aide. Nous sommes tous d'accord en ce qui concerne les maux qui affligent les Autochtones qui vivent dans les réserves, mais les personnes qui migrent dans les centres urbains ont des besoins spécifiques. À votre avis, que devrions-nous recommander au gouvernement qu'il fasse pour améliorer la qualité de vie des personnes qui vivent déjà en milieu urbain et protéger leurs droits de la personne? Nous sommes d'accord sur tout le reste. Je vous demande de m'indiquer précisément ce que vous recommandez.

M. Chamberlin : Je vous dirai précisément que le Canada doit tourner le dos à son modèle de financement actuel, qui voue les Premières nations à l'échec. S'il y a un réel désir de faire en sorte que toutes nos nations et tous nos membres disposent des ressources et des services dont vous parlez, le Canada doit s'assurer de prendre les moyens requis pour que les Premières nations possèdent des ressources adéquates et complètes, et ne pas restreindre ses dépenses aux seules personnes qui vivent dans les réserves. Il doit s'agir d'un modèle qui offre des ressources appropriées, et non pas simplement d'un autre petit programme auquel nous pourrions, si nous avons de la chance, présenter une demande. Il doit s'agir d'un modèle qui fournit des ressources adéquates à tous nos membres, et non pas simplement d'une initiative de financement reposant sur l'endroit où vivent les gens — c'est-à-dire à l'intérieur ou à l'extérieur des réserves —, car cela nous empêche de fournir des services à nos gens sans tenir compte du lieu où ils vivent.

M. Eastman : En ce qui concerne la question que vous avez posée, je vous dirai que tout se résume à une question d'assimilation. La seconde génération est née ici, et je peux en parler puisque je suis moi-même un Autochtone de la deuxième génération vivant hors réserve. Nous voyons le jour dans une société de personnes colonisées en milieu urbain. Bien souvent, nous sommes mieux à même de faire face aux problèmes au sein d'un milieu urbain.

Le nombre de services adaptés à la culture s'adressant aux personnes qui doivent faire la transition entre une réserve et un milieu urbain n'est pas suffisant. Bon nombre de personnes devraient être en mesure de fournir ces services là où elles vivent dans les réserves.

Je ne suis en désaccord avec rien de ce que M. Chamberlin a dit, mais il n'y a pas suffisamment de services adaptés à la culture qui sont offerts aux Autochtones de première génération qui doivent faire cette transition et qui ont besoin de ces services pour demeurer en contact avec leur culture et avec eux-mêmes. C'est à cela que tout se résume. Il n'y a pas suffisamment de services, et les gens se tournent vers d'autres solutions.

Le sénateur Harb : Le chaînon manquant est donc le volet culturel?

M. Eastman : Cela représente une part importante du chaînon manquant, mais il n'y a pas juste cela. En ce qui concerne cette transition, il y a bien des choses qui manquent. Je recommanderais l'élaboration d'une stratégie axée sur les services adaptés au milieu visant à faire en sorte que les personnes aient accès à des services là où elles se trouvent et à ce que les personnes vivant hors réserve puissent accéder à du financement, peu importe le modèle de financement adopté.

À quoi devrait ressembler ce modèle? Je ne saurais le dire, mais nous devons nous assurer de surveiller la manière dont les fonds sont affectés et de repérer les besoins en ce qui concerne un accroissement du financement ou une réaffectation des fonds. En outre, nous devons veiller à ce que les Autochtones vivant en milieu urbain aient accès aux services dont ils ont besoin, et ce, peu importe l'endroit où ils vivent.

À l'heure actuelle, le grand problème tient à ce que ces gens ne peuvent pas toujours accéder à ces services à l'endroit où ils vivent. À cette fin, ils sont contraints de se rendre dans des ghettos urbains, si j'ose dire, vu que c'est dans de tels endroits qu'ils sont offerts et que c'est là où, bien souvent, les Autochtones ont les moyens de vivre. Nos gens s'évertuent à surmonter cela, ils ne ménagent aucun effort pour réussir, mais ils n'ont pas accès à des services là où ils vivent.

Le sénateur Brazeau : J'ai une courte observation à formuler, et peut-être aussi une brève question à poser. Cette question s'adresse directement à vous, monsieur Chamberlin.

De toute évidence, l'instauration d'un dialogue ouvert, honnête et franc fait partie du processus, auquel j'ai participé, et vous aussi, et qui suscite beaucoup de colère et des prises de position intransigeantes à l'égard du gouvernement. Personne n'est en désaccord avec ce que vous avez dit à propos des politiques du passé et des choses du genre.

Vous avez employé je ne sais combien de fois le mot « honteux » pour qualifier le Canada. Ce qui est merveilleux, c'est que vous avez le droit, comme moi-même et comme tout le monde ici présent, d'avoir votre propre opinion. Cela dit, je suis outré, en tant que membre d'une Première nation, par l'une des choses que vous avez dites — vous avez déclaré d'emblée que le présent processus constituait un cirque itinérant ou quelque chose du genre.

Je m'élève contre une telle déclaration. Sauf votre respect, vous avez consacré 95 p. 100 — voire davantage — du temps qui vous était alloué pour présenter votre exposé à faire ressortir ce que le gouvernement ne fait pas bien plutôt qu'à formuler des recommandations et des conseils en ce qui concerne les membres des Premières nations vivant dans les villes et à l'extérieur des réserves. Je trouve cela dommage, car le but de l'exercice consiste réellement à tenter de changer les choses.

À mes yeux, cela fait partie du problème. Il est bien que les gens puissent évacuer leur colère et mettre en évidence tous les problèmes. Ces problèmes, nous les connaissons tous — nous savons tous en quoi ils consistent. Je ne vous demanderai pas de commenter mes propos à ce moment-ci, car nous devons clore la présente séance, mais je vous incite assurément à nous transmettre des recommandations écrites, et nous les lirons, car au bout du compte, ce dont il est question, c'est de vies humaines. Nous parlons non pas de populations, mais de vies humaines. C'est sur cela que porte le présent exercice.

Si je dois dire cela, c'est parce que je trouve qu'il est dommage que l'on nous répète encore les mêmes propos que nous entendons sans cesse plutôt que de nous fournir des recommandations de manière à ce que nous puissions aller de l'avant petit à petit, main dans la main. Je suis extrêmement fier du fait que le comité se déplace pour entendre des témoins comme vous-même. Il est temps que nous ayons un dialogue ouvert et franc, car ce dont nous parlons est une réalité. Il y a les Autochtones vivant dans les réserves et les Autochtones vivant hors réserve, et nous devons nous interroger sur les mesures que nous devons prendre pour éliminer ces étiquettes afin d'améliorer la vie des gens.

Je vous laisserai réfléchir à cela, mais j'estime qu'il était important de le dire. Il s'agit non pas d'un exercice politique, mais d'un exercice dans le cadre duquel nous nous penchons sur les droits de la personne de nos Premières nations.

M. Chamberlin : J'ai une chose toute simple à dire à toutes les personnes ici présentes : « Ne confondez pas passion et colère ». J'aimerais également dire que nous continuerons de parler des événements, des politiques et des situations qui sont à l'origine de notre présence ici aujourd'hui. Si le Canada veut véritablement combler les besoins des membres des Premières nations qui vivent à l'extérieur des réserves, et si le présent exercice vise à informer et à formuler des recommandations, on doit comprendre réellement où le Canada a raté la cible de manière à ce que l'on puisse rajuster le tir et saisir les lacunes de la stratégie. Ce n'est que par une compréhension de nos erreurs que nous pourrons bâtir un avenir plus radieux.

J'aimerais dire une fois de plus que les membres des Premières nations ne se considèrent pas comme des personnes vivant à l'intérieur ou à l'extérieur d'une réserve. Il s'agit là d'étiquettes qui découlent de la réglementation et des politiques imposées par le gouvernement. Si nous étions en mesure de recevoir notre part des ressources et des profits que d'autres soutirent de nos territoires, nous pourrions répondre aux besoins de nos membres et nous ne serions pas en train de tenir une discussion comme celle d'aujourd'hui.

À mon avis, c'est au chapitre du partage des ressources territoriales que se trouve la lacune fondamentale du Canada. Le gouvernement a systématiquement empiété sur nos droits et nos pouvoirs, nous a soumis aux sommes dérisoires qu'il nous verse, puis se demande ensuite pourquoi nous nous en tirons si mal. Je crois qu'il s'agit d'une chose sur laquelle nous devons nous pencher.

Le gouvernement du Canada doit manifestement collaborer avec le gouvernement provincial pour s'assurer que nous ayons un accès juste et équitable aux profits et aux ressources découlant de nos territoires. Il s'agirait là d'un excellent début. Une fois que les Premières nations auront un accès complet à cela et qu'elles exerceront un pouvoir total sur leur territoire, j'accepterai sans hésiter que l'on procède à un examen très sérieux et bien circonscrit de la façon dont elles se gouvernent et dépensent leur argent. C'est ce qui doit se produire.

Je ne pense pas qu'il se trouve au Canada un seul dirigeant d'une réserve des Premières nations qui tenterait de se soustraire à un examen de ce genre si les Premières nations se voyaient offrir la possibilité de répondre véritablement aux besoins de leur population et un moyen de le faire. À mes yeux, c'est à ce chapitre que le Canada rate la cible. Nous n'avons pas besoin d'autres programmes. Nous n'avons pas besoin d'autres services. Ce dont nous avons besoin, c'est d'être traités de manière équitable et honnête, comme nous avons traité toutes les personnes qui sont arrivées dans notre pays.

Le sénateur Brazeau : Il s'agit précisément là de la vocation du comité : trouver des solutions et formuler de solides recommandations. À cette fin, vous venez tout juste de proposer une solution très viable. À coup sûr, je vous inviterais à aller plus loin, et à mettre cela par écrit et à indiquer comment cela pourrait se concrétiser et à quoi cela ressemblerait. Je vais conclure là-dessus.

La présidente : Merci beaucoup.

J'aimerais demander au prochain groupe de témoins de s'avancer, car nous avons un horaire très serré aujourd'hui.

J'aimerais souhaiter la bienvenue à la sénatrice Marjorie White, à Diane Sugars, à Lynda Gray, à Patrick Stewart et à Ken Clement.

Nous n'avons qu'une heure devant nous, et je vous demanderais respectueusement de vous en tenir au temps qui vous est imparti de manière à ce que nous puissions mener à bien nos travaux au cours de cette heure. Le fait de vous demander de conclure votre propos ou de poser votre question me rend très mal à l'aise, et je vous demanderais donc de prendre un maximum de cinq minutes pour présenter votre exposé. De cette façon, nous aurons le temps de vous poser des questions.

Je vous prie de ne pas vous inquiéter, car il ne s'agit pas de la dernière fois où nous aurons l'occasion de discuter ensemble. Je suis de la Colombie-Britannique, et nous pourrons donc assurément poursuivre la discussion, et vous pouvez également nous soumettre des observations écrites.

Je vous souhaite à tous la bienvenue ici aujourd'hui. La sénatrice Marjorie White va commencer.

Marjorie White, présidente du conseil, Aboriginal Mother Centre Society : Bonjour. Je tiens tout d'abord à vous remercier d'être venus à Vancouver pour tenir une réunion sur le beau territoire des Salish du littoral, territoire où nous aimons travailler. Nous sommes reconnaissants aux nations avoisinantes de nous permettre de travailler sur leur territoire. Je suis ici pour présenter un exposé au nom de l'Aboriginal Mother Centre.

Un nombre disproportionné de femmes autochtones vivent dans la pauvreté, sont confrontées à l'itinérance, craignent la violence, sont aux prises avec des problèmes de dépendance et s'exposent à la dégradation, surtout dans le quartier Est du centre-ville de Vancouver. En tant que mères, ces femmes sont plus susceptibles que d'autres de vivre des expériences de perte et de douleur profondes, vu que leurs enfants naissent au sein d'un milieu à risque élevé. Les mesures qui sont prises pour permettre à ces femmes de se rétablir, d'acquérir une sécurité économique et de subvenir elles-mêmes aux besoins de leurs enfants sont soit limitées, soit inadaptées à la culture, ou assorties de règlements, de politiques et de normes difficiles à respecter ou dont le respect exige beaucoup de temps.

En 2002, l'Aboriginal Mother Centre — l'AMC — a été créé pour régler ces problèmes. Pendant cinq ans, il a offert des programmes essentiels aux mères et à leurs enfants et, en 2008, il a fermé ses portes de manière à ce que l'on puisse procéder à des rénovations majeures. Il a établi un partenariat avec la Lu'ma Native Housing Society pour la construction de l'édifice. D'autres partenaires financiers se sont joints à l'initiative, à savoir BC Housing, Builders without Borders, CJ Foundation et Streetohome.

L'AMC a rouvert ses portes en décembre 2011. Il constitue à présent un centre de 16 places qui offre un logement transformationnel aux femmes autochtones à risque de perdre leur enfant ou de sombrer dans l'itinérance, de même qu'une garderie pouvant accueillir 25 enfants et comprenant une cuisine commerciale, une vaste salle à manger, des locaux à bureaux destinés au personnel d'exécution des programmes, des locaux commerciaux à louer et une entreprise sociale, à savoir le Mama's Wall Street Studio. L'AMC n'a repris ses activités qu'il y a un an et il continue de s'attaquer aux obstacles auxquels font face les jeunes mères et leurs enfants.

Il est bien connu qu'une multitude d'organismes sociaux sont incapables d'offrir tous leurs services au sein de leurs installations. L'AMC offre tous ses services sous un même toit pour éviter que les mères soient expédiées d'un organisme à l'autre. Par exemple, au cours des 18 mois qu'elles passent dans leur logement transformationnel, les femmes participent à divers programmes portant, entre autres, sur les liens culturels, les aptitudes à la vie quotidienne, les compétences parentales, la toxicomanie et l'autogestion de la santé.

L'AMC crée aussi des partenariats avec l'Hôpital pour femmes de la Colombie-Britannique, lequel lui adresse directement des mères et des enfants. Chaque semaine, l'autorité sanitaire Vancouver Coastal Health fournit au centre les services d'une infirmière praticienne de la Société des services à l'enfance et à la famille autochtones de Vancouver.

Le personnel du logement transformationnel fournit des services 24 heures sur 24, sept jours sur sept aux femmes et à leurs enfants, lesquels peuvent profiter pendant un maximum de 18 mois d'un logement sûr et sécuritaire leur donnant l'occasion de transformer leur vie. L'AMC est en mesure d'offrir des services aux femmes pendant une certaine période, mais son conseil d'administration et son personnel sont gravement préoccupés par la capacité de ces femmes de trouver un logement abordable une fois cette période terminée.

Les mères qui reçoivent nos services nous disent constamment que, sans le logement transformationnel offert par l'AMC, elles n'auraient pas de toit sur la tête, et la garde de leurs enfants leur serait retirée. Pour ces jeunes femmes, comme pour toute femme ou famille autochtone, un logement abordable est un énorme problème. Il est juste de dire qu'une multitude d'obstacles disparaissent lorsqu'une personne dispose d'un chez-soi chaleureux et confortable.

Ce que craignent par-dessus tout ces jeunes femmes, c'est de se voir retirer la garde de leur enfant. Certaines femmes se présentent au centre avec un nouveau-né, mais ont des enfants plus âgés qui ont été placés dans un foyer d'accueil. L'unique raison pour laquelle ces femmes peuvent être avec leur nouveau-né, c'est qu'elles sont logées à l'AMC.

Il faut que l'on cesse de retirer aux femmes autochtones la garde de leurs bébés et de leurs enfants. Le nombre d'enfants autochtones qui se retrouvent en foyer d'accueil est disproportionné et stupéfiant. Il y a beaucoup plus d'enfants dans les foyers d'accueil que d'enfants qui ont été placés, à l'époque, dans les pensionnats indiens. Il s'agit là de deux situations semblables, dans la mesure où elles se traduisent par le démembrement de familles, la perte d'identité et la perte de culture.

L'AMC dispose d'une garderie pouvant accueillir 25 enfants de divers horizons et auxquels il donne l'occasion d'apprendre des choses et de participer à un programme bonifié d'activités éducatives s'adressant aux Autochtones. Le personnel de la garderie s'efforce d'offrir aux enfants un milieu sain et joyeux.

L'AMC exécute un programme dans le cadre duquel il offre du soutien sur le terrain aux membres de la communauté autochtone. Ces services visent à offrir des ressources aux personnes itinérantes ou risquant de le devenir de manière à ce qu'elles puissent accéder à un logement permanent. Ce programme fournit à ces personnes de l'aide en matière de recherche de logement et du soutien financier pour les aider à verser un dépôt en cas de dommages, à payer leur loyer ou à acquitter leur facture de services publics. Il offre également des articles de base aux personnes qui accèdent à un logement.

Grâce à ce programme, trois mères et leurs petits sont passés du logement transformationnel à un logement permanent. Les responsables de ce programme entendent, notamment, dans l'avenir, élargir la portée de leur réseau afin d'accroître les ressources et les liens culturels, pour favoriser un sentiment d'appartenance et d'identité.

Le Mama's Wall Street Studio est une entreprise sociale exploitée par l'AMC. Elle a conclu un marché en vue de fabriquer des pochettes de conférence. Elle fabrique des serviettes, des foulards, des étuis pour iPad, et cetera. Tous ces articles sont en vente au studio. Un certain nombre de femmes autochtones ont reçu une formation afin de faire fonctionner de nouvelles machines acquises depuis l'ouverture. Nous espérons que cette entreprise sociale nous donnera l'occasion, à un moment donné, de subvenir nous-mêmes à nos besoins.

La cuisine commerciale permet d'offrir des repas aux femmes qui logent à l'étage, aux enfants de la garderie de même qu'à l'ensemble du personnel. Elle a également offert des services de traiteur, et préparé des repas pour quelques centaines de personnes. Nous souhaitons que, moyennant quelques ressources communautaires supplémentaires, les femmes auxquelles nous offrons des services pourront prendre leur vie en main, iront de l'avant, relèveront les défis qui se posent et apporteront quelques changements très positifs à la vie.

La plupart des mères que le centre accueille sont célibataires et sont aux prises avec une multitude de problèmes. Certaines d'entre elles sont toujours confrontées à leur toxicomanie, mais parviennent à la maîtriser avec le soutien du personnel. Des programmes de formation demeurent nécessaires pour que ces femmes puissent trouver un emploi et devenir autonomes.

Nous avons la chance d'accueillir à titre de locataire de notre immeuble un service du Native Education College, auquel les mères auront un jour accès, du moins nous l'espérons. Dans le cadre de notre intervention auprès des mères autochtones, notre objectif est de les amener à changer leur mode de vie, et d'abaisser le nombre d'enfants placés en foyer d'accueil. Nous voulons que les femmes autochtones cessent d'être victimes de violence conjugale.

La semaine dernière, j'ai rendu visite aux membres d'une autre organisation autochtone, et une jeune fille nous a raconté que son petit ami avait commis des actes de violence à son endroit. Cette fille était âgée de 15 ans. C'est beaucoup trop jeune pour être victime de violence. Les parents doivent assurer la sécurité de leurs jeunes — il s'agit de leur responsabilité. La plupart des mères font partie de familles qui vivent en milieu urbain depuis deux ou trois générations, de sorte qu'il est peu probable qu'elles retournent vivre dans leur réserve d'origine.

Au cours des 18 derniers mois, l'AMC a reçu la visite d'un certain nombre de touristes et de personnes intéressées, et certains d'entre eux ont versé des dons pour contribuer aux activités du centre. Notre invitée la plus prestigieuse a été Son Excellence Sharon Johnston, qui est venue deux fois au centre, et qui a même, la deuxième fois, dormi au centre avec les autres femmes. Qu'une femme de cette trempe vienne leur rendre visite et passe du temps avec elle, a véritablement fait plaisir à nos pensionnaires.

À nos débuts, nous avons également reçu la visite du sénateur Nick.

Des chefs des Premières nations sont également venus visiter nos locaux, et ils ont dit — plus particulièrement lorsqu'il s'agissait de femmes — que les réserves devraient disposer d'installations calquées sur le centre. C'est dire à quel point ces personnes ont été impressionnées par les services que nous offrons et par l'immeuble proprement dit.

Durant notre première année d'activités, nos services sont axés sur les femmes que nous accueillons dans nos installations, mais à mesure que nous obtiendrons davantage de financement, nous élaborerons d'autres programmes à l'intention de l'ensemble de la communauté.

Diane a quelques renseignements — des statistiques — à ajouter, et j'aimerais lui demander de le faire.

Diane Sugars, directrice exécutive, Aboriginal Mother Centre Society : Comme Marjorie l'a dit, nous dirigeons un centre de 30 000 pieds carrés et comptant 16 appartements dans lesquels nous hébergeons des femmes autochtones itinérantes ou risquant de le devenir. Ces femmes risquent également de perdre la garde de leur enfant, ou l'ont déjà perdue. Notre objectif est d'aider les femmes à conserver ou à obtenir de nouveau la garde de leurs enfants, de les aider à acquérir des compétences et à devenir plus autonomes de manière à ce qu'elles puissent vivre par leurs propres moyens en milieu urbain.

Le centre offre plusieurs programmes. En outre, nous offrons des repas aux personnes itinérantes. Toutes nos activités sont élaborées par des Autochtones à l'intention d'Autochtones, et nous nous considérons comme un village au sein de la ville. Nous espérons que notre centre fera des petits et que d'autres centres conçus à son image ouvriront leurs portes. Des chefs nous ont dit que ce genre de centre devrait être mis en place dans les réserves. Des mères nous ont dit que des centres de ce genre devraient ouvrir leurs portes dans les réserves de manière à ce qu'elles n'aient pas à quitter leur réserve pour accéder à de tels services en milieu urbain afin de conserver la garde de leurs enfants.

J'ai deux histoires à vous raconter. La première est très brève. Il s'agit de l'histoire de Sofia, une toxicomane qui a fait quelques mauvais choix dans sa vie. Elle est devenue enceinte et a donné naissance à une fille en août dernier. L'Hôpital pour femmes a communiqué avec notre centre pour nous demander si nous pouvions accueillir Sofia et son bébé. Il s'agissait d'offrir un toit à Sofia de manière à ce qu'elle ne se retrouve pas dans la rue. Elle a pu conserver la garde de sa fille puisque notre centre lui offrait une supervision 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

Sofia habite aujourd'hui à l'AMC avec son bébé. Nous avons été en mesure de lui fournir un logement. Je dois mentionner que Sofia et sa fille sont en bonne santé et s'en tirent très bien. Sofia est une mère fantastique. Elle suit un traitement à la méthadone de la Ville de Vancouver, et sa fille est très bien aimée. Comme je l'ai mentionné, vu que notre centre offre du soutien 24 heures sur 24, sept jours sur sept, Sofia a pu conserver la garde de sa fille et éviter de se la voir retirer à la naissance, comme cela est arrivé à une mère qui a accouché il y a deux semaines et à qui j'ai parlé aujourd'hui. À son insu, cette femme, qui est également toxicomane, s'est vu retirer son enfant au moment de sa naissance. Avant d'être autorisée à voir son enfant ou à se voir reconnaître sa garde, elle devra participer à plusieurs réunions de représentants des services sociaux, et ce, en dépit du fait que le centre est en mesure de lui offrir un logement et une supervision assurée par des professionnels.

L'autre histoire est celle de Janna : Elle aussi a fait de mauvais choix dans la vie, plus particulièrement en ce qui concerne son petit ami. Il la bat. Elle a deux enfants âgés de trois ans et de quatre mois. Lorsqu'elle a donné naissance à son deuxième enfant à l'hôpital, on le lui a retiré à la naissance pour le placer en famille d'accueil. La raison était la violence familiale, mais Janna ne bat pas ses enfants. Janna demeure à notre centre depuis maintenant quatre mois.

Elle n'a pas le droit d'amener ses enfants vivre avec elle même si elle est assujettie à une supervision constante. Elle peut seulement voir ses enfants dans le cadre de visites surveillées. C'est une femme aimante et en pleine possession de ses moyens. Personne ne saurait expliquer pourquoi elle n'a pas le droit d'amener ses enfants pour qu'ils restent avec elle ou, à tout le moins, qu'ils passent la nuit avec elle à notre centre.

Nous aimerions inviter tout le monde à venir nous rendre visite pour voir ce qui s'accomplit et ce que nous faisons de bien.

Merci.

Mme White : Pour conclure, j'aimerais recommander que le gouvernement dépense moins pour des recherches et des enquêtes et centre davantage ses efforts sur les besoins des femmes et des enfants autochtones et leur procure des foyers sécuritaires, par exemple.

Nous finançons des maisons de seconde étape pour les femmes autochtones de sorte qu'elles aient accès à un endroit sûr lorsqu'elles quittent des programmes comme le nôtre ou des centres de traitement et des maisons de transition. Notre priorité est la sécurité de nos femmes et de nos enfants.

Merci.

Lynda Gray, directrice exécutive, Urban Native Youth Association : J'aimerais préciser que je suis sur le territoire non cédé des Salish du littoral. Je suis membre de la nation Tsimshian, qui est au nord de la côte, alors je suis en visite ici. Les Salish me permettent de faire mon travail, de vivre, de jouer et d'élever mes enfants ici. Ils ont toujours été accueillants, à l'instar de mon peuple depuis des temps immémoriaux.

Je tiens vraiment à remercier le chef Chamberlin de son allocution, parce que, tant et aussi longtemps que le gouvernement du Canada et le reste des Canadiens ne reconnaîtront pas l'histoire du pays, nous ne pouvons pas évoluer véritablement. Ce qu'il essayait de dire revient un peu à mon message aujourd'hui. Il ne s'agit pas simplement de se demander si nous connaissons les droits de la personne et pouvons nous en prévaloir. Il importe davantage de mettre en lumière le processus qui nous mène dans un contexte urbain où, au bout du compte, nous sommes plus vulnérables à une violation ou à un déni des droits de la personne.

Premièrement, où nous ont menés les politiques, les lois et les mesures extérieures imposées par le gouvernement? Dire que tout le monde sait cela est tout simplement faux. Les gens ont une compréhension très superficielle de ce qui s'est produit au pays. Ils ne comprennent pas à quel point notre communauté a été touchée et continuera de l'être, d'une génération à l'autre. Tant et aussi longtemps que nous ne comprendrons pas cela, nous allons devoir continuer à l'entendre.

Ces choses ont entraîné les conditions socioéconomiques qui rendent notre population particulièrement vulnérable à des atteintes à nos droits de la personne par des systèmes et des gouvernements, des gens n'appartenant pas aux Premières nations, dans la réserve et à l'extérieur, ainsi que par notre propre peuple à cause du comportement négatif qu'il a adopté.

Dans les pensionnats, on nous a inculqué de force des comportements négatifs et des mécanismes d'adaptation qui continuent à être transmis d'une génération à l'autre. On nous a déplacés de force et on nous a refusé l'accès à nos comportements, mécanismes d'adaptation et traditions culturelles sains, qui ont été réprimés pendant si longtemps qu'ils ont souvent été oubliés et qu'on n'a pas encore repris en main. La plupart des gens appartenant aux Premières nations doutent grandement que les gouvernements vont respecter les droits de la personne dans leur cas, et encore plus qu'ils ont la volonté de les protéger.

Sur le plan individuel, la plupart des gens appartenant aux Premières nations ne connaissent pas bien les droits de la personne proprement dits. L'autre jour, j'ai jeté un coup d'œil à votre page Internet pour voir ce que vous considériez comme des droits de la personne. J'ai découvert — et il faut peut-être chercher plus loin — que vous vous préoccupez des droits de la personne en général. Alors, il est un peu difficile d'essayer de parler de quelque chose de précis.

Ensuite, les droits de la personne ne sont pas protégés dans la réserve, ce qui nous force souvent à nous réinstaller dans un milieu urbain, qui entraîne ensuite davantage d'atteintes aux droits de la personne des membres des Premières nations les plus vulnérables. Nous sommes 60 p. 100 à avoir été réinstallés en milieu urbain, et, de ce nombre, 60 p. 100 sont des jeunes âgés de moins de 25 ans.

Les femmes continuent d'être exposées à des taux élevés de violence en toute impunité, ce qui les oblige, elles et leurs enfants, à quitter leur maison, leur collectivité et leur culture. Il ne suffit pas simplement de déménager dans une autre ville, comme le croit la société générale. Nous laissons tant de choses derrière nous, pas seulement une maison. Les LGBTAB et les personnes bispirituelles continuent d'être exposés à des taux élevés de violence en toute impunité et sont eux aussi obligés de quitter leur maison, leur collectivité et leur culture.

L'une des meilleures façons de voir comment les droits de la personne sont violés chez nous dans la ville consiste à regarder la commission d'enquête sur les femmes disparues. Le rapport de Pivot, de l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique et de West Coast LEAF intitulé The Blueprint for an Inquiry a été publié l'autre jour. Selon le rapport, il est particulièrement décevant de voir comment la police et la commission ont reproduit les mêmes erreurs qui ont permis à Pickton d'agir en toute impunité pendant de nombreuses années. On a fait fi des voix des femmes marginalisées et de leurs porte-parole. Même pour les choses les plus fondamentales, nous n'avons pas de voix. Notre population est toujours invisible au pays. Tant et aussi longtemps que ces choses ne changeront pas, nos voix ne seront pas entendues.

Par ailleurs, le gouvernement fédéral instrumentalise souvent les droits de la personne pour essayer d'obtenir d'autres concessions des Premières nations. Il doit cesser de tromper intentionnellement le grand public en déclarant que des Premières nations entravent la protection des droits de la personne chez notre propre peuple. On peut trouver des exemples de cela en pensant à la Loi sur les Indiens, lorsqu'on a essayé d'imposer la Loi sur la gouvernance des Premières nations sans tenir de véritable consultation et en faisant fi de ce que disait notre peuple et la Loi sur les biens immobiliers matrimoniaux.

Je crois qu'il faut mettre en lumière ces problèmes aux fins du compte rendu, car le gouvernement continue de se couvrir de honte, tout comme ses citoyens, en faisant fi de tout ce que j'ai mentionné et de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Il se sert de ce document d'aspirations seulement à des fins consultatives et ment au public au sujet de sa conformité avec la Constitution, les droits de la personne et d'autres mécanismes de protection juridiques.

Des centaines d'avocats et de spécialistes du droit constitutionnel ont affirmé que le discours du gouvernement est faux, et que, si on continue à diffuser volontairement des renseignements trompeurs qui donnent à penser que nous sommes à la source du problème, on ne pourra jamais régler véritablement les problèmes parce qu'on attend trois ou quatre ans de plus que tout le monde avant d'adopter la Déclration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Le gouvernement du Canada doit honorer sa promesse et ses excuses aux survivants des pensionnats indiens faites en 2008, lorsqu'il a déclaré qu'il allait véritablement nous accompagner, qu'il allait essayer de réparer certains dommages faits à nos familles et qu'il a reconnu la nature intergénérationnelle du problème. Tant et aussi longtemps que le gouvernement ne s'acquittera pas de son obligation de fiduciaire envers les Premières nations ± signataires d'un traité ou non, vivant dans une réserve ou non — nous continuerons à subir des atteintes aux droits de la personne directement imputables aux actes et à l'inaction du gouvernement du Canada et, dans bien des cas, à ceux des gouvernements provinciaux et territoriaux.

Je crois comprendre que, plus tôt, quelqu'un a dit qu'il n'y avait pas beaucoup de programmes à Vancouver. En fait, il y a dans cette ville 24 organisations autochtones appartenant aux Premières nations ou non. Beaucoup de programmes sont mal financés. Ils sont à court terme, et nous éprouvons surtout des problèmes à l'égard du financement fédéral qui n'est que provisoire. Il ne nous permet pas de faire un travail gratifiant de façon continue.

On recommande entre autres au gouvernement fédéral d'offrir un financement continu, contrairement au financement octroyé à CCJA, Connexions culturelles pour la jeunesse autochtone, qui a été interrompu immédiatement. Ce genre de choses ne peut pas arriver. Maintenant, nous allons recommencer. Nous venons d'obtenir du financement, puis nous ne recommencerons probablement pas à temps en avril, alors il y a ces ruptures de service qui placent nos enfants dans une situation vulnérable, et tout le monde sait ce qui arrive dans un tel cas. Si un gouvernement veut faire un effort significatif, il peut essayer de garantir que nous profitions d'un financement égal à celui d'organisations n'appartenant pas aux Premières nations. Je sais que mon organisation de jeunes Autochtones n'a pas un financement équivalent à celui des organisations pour jeunes non-Autochtones. Le gouvernement le reconnaît, mais ne fait rien pour régler le problème. Il en est ainsi à l'échelon provincial et à l'échelon fédéral.

Le sénateur Brazeau : Pardon. Pourriez-vous conclure, s'il vous plaît? Il nous reste environ 16 minutes, et nous devons encore entendre deux témoins, et je suis certain qu'il y aura des questions.

Mme Gray : Je recommanderais qu'une part équitable des ressources de nos territoires nous soit attribuée. Particulièrement en Colombie-Britannique, où le territoire n'est pas cédé, cela pourrait représenter la totalité des ressources puisées à même nos territoires. Sans cela, nous ne pouvons pas déployer d'efforts significatifs. Comme tout le monde le sait, il faut de l'argent, mais il faut aussi déployer des efforts et avoir la volonté de changer les choses.

Nous devons profiter d'un financement équivalent à celui octroyé aux personnes n'appartenant pas aux Premières nations. Nous devons profiter d'un égal à celui fourni aux Autochtones vivant dans les réserves, mais sans que l'argent leur soit retiré. Nous ne voulons pas prendre une pointe de la tarte qui est déjà là. Cette tarte est déjà beaucoup, beaucoup, beaucoup trop petite. Le gouvernement ne respecte pas ses obligations. S'il respectait le montant d'argent et les ressources prévus dans les traités, vu les territoires et toutes les autres choses qu'on nous a retirés, nous pourrions véritablement changer les choses.

Les gens comme les représentants du Metro Vancouver Aboriginal Executive Council, qui sont des chefs de file dans la collectivité ici, sont les personnes à consulter pour obtenir des recommandations concernant une participation significative de notre part dans des dossiers comme l'accord tripartite en matière de santé que tous les habitants de la province qualifient de fantastique. J'ignore s'il en est ainsi parce que, à titre d'Autochtones vivant en milieu urbain, on ne nous a toujours pas invités à participer aux négociations, même si le processus est continu.

Je crois que certains d'entre vous, dont le sénateur Jaffer, savent que nous essayons de construire un centre pour les jeunes Autochtones de l'autre côté de la rue. Il serait fantastique que le gouvernement fédéral se mette de la partie, car nos jeunes représentent notre avenir. Je le crois vraiment. Beaucoup de gens le disent, mais ce n'est pas tout le monde qui passe aux actes. Nous avons maintenant la possibilité de le faire. Nous possédons le terrain de l'autre côté de la rue. Nous avons le plein soutien de la collectivité à ce chapitre. Nous possédons l'expérience nécessaire. Les jeunes eux- mêmes nous ont dit que c'est ce qu'ils souhaitent. Voilà ce que je pense.

Il incombe à tous les gouvernements de sensibiliser la population aux événements qui sont réellement survenus, à notre histoire partagée au pays, surtout dans nos écoles, de la maternelle jusqu'au doctorat. Lorsqu'on a des secteurs comme le travail social, l'éducation et la santé où les gens vont travailler avec notre peuple, la question est non pas de savoir s'ils vont le faire, mais quand. S'ils ne comprennent pas comment composer avec nous, les choses ne changeront pas.

Ne nous demandez pas de nous intégrer aux réseaux généraux. Je crois comprendre que le comité sénatorial veut que nous couchions sur papier toute une foule de recommandations, selon une certaine formule, mais j'essaie vraiment de libérer mon esprit de cela. Je n'essaie pas de me conformer à certains systèmes. Je veux retrouver la façon de faire de mes ancêtres. Tout reposait alors sur la tradition orale. Nous savons ce que nous voulons. Nous savons comment nous occuper l'un de l'autre. Je crois vraiment que tout le temps et les efforts qui ont été consacrés à des choses comme les pensionnats indiens et toutes les autres politiques doivent être réinvestis pour aider nos collectivités à se remettre de toutes les mesures accablantes imposées par une entité externe qui ont changé nos collectivités et causé dans les réserves et hors réserve le genre de problèmes que le sénateur a mentionnés.

Merci.

Patrick Stewart, président, Aboriginal Homelessness Steering Committee for Metro Vancouver :

[Le témoin s'exprime dans sa langue maternelle.]

Mon nom anglais est Patrick Stewart. Je veux reconnaître le territoire non cédé des nations Squamish, Musqueam et Tsleil-Waututh, sur lequel nous nous rencontrons.

Au nom des organisations membres de l'Aboriginal Homelessness Steering Committee for Metro Vancouver, nous vous demandons de rappeler au gouvernement canadien ses obligations juridiques concernant le respect des droits de la personne des peuples autochtones, dans ce pays qui s'appelle maintenant le Canada.

Nous savons que le gouvernement canadien a fini par appuyer la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones en 2010, trois ans après avoir voté contre. Il est revenu sur sa décision originale et a voté en faveur de la déclaration, mais a ajouté une réserve. Le gouvernement a affirmé que la déclaration « ne constitue pas une expression du droit international coutumier et ne modifie pas les lois canadiennes ». Par ses propres paroles, le gouvernement a montré que les droits des peuples autochtones n'ont pas leur place au Canada. En réalité, nous avons toujours un gouvernement fédéral opposé aux Autochtones ici.

Selon l'article 91.24 de la Loi constitutionnelle, le gouvernement fédéral a l'autorité législative à l'égard des « Indiens et des terres réservées pour les Indiens ». Le mot clé ici est « et ». Il ne s'agit pas seulement des Indiens sur les terres réservées aux Indiens. Il s'agit des « Indiens ». Il s'agit de l'autorité législative à l'égard des Indiens. Il n'y a aucune distinction fondée sur l'endroit où nous, en tant qu'Indiens, vivons. Soixante pour cent des membres des Premières nations vivent hors réserve; pourtant, ils n'obtiennent pas 60 p. 100 du financement d'AINC.

Le Canada a besoin d'un cadre législatif et stratégique national qui permettra d'évaluer les programmes gouvernementaux pour déterminer dans quelle mesure le gouvernement garantit le droit au logement adéquat pour tous. Le logement n'est pas un droit dans notre pays. En réalité, les peuples autochtones au pays ne jouissent pas d'un traitement équitable par rapport aux non-Autochtones et sont prisonniers d'un système qui ne respecte pas les droits de la personne, dans la réserve ou à l'extérieur.

Le gouvernement canadien a délégué aux gouvernements provinciaux sa responsabilité de fiduciaire en matière de logement. Cela prouve que le logement n'est pas un droit au pays, car le pays ne contrôle plus le logement. C'est inacceptable. La Société canadienne d'hypothèques et de logement n'est plus que l'ombre de ce qu'elle était à l'époque où elle concevait et construisait des logements. Il y a presque 20 ans que l'administration fédérale a mis fin à un programme de logement social permanent et donc au logement des Autochtones hors réserve. Une organisation autochtone sans but lucratif ne peut plus recourir à la SCHL pour construire des unités d'habitation. Elle s'est transformée en pratique en société d'hypothèques fondée sur la logique marchande. Honte au Canada.

Le Canada souffre aussi de l'absence d'un cadre législatif et stratégique national pour mettre fin à l'itinérance. Il faut des lois fédérales qui imposent des mesures pour mettre fin à l'itinérance. Elles doivent être coordonnées avec les gouvernements provinciaux, territoriaux et régionaux et les administrations municipales et les gouvernements autochtones à l'échelle du territoire. Le Canada est censé être un pays riche, mais il n'offre pas un milieu de vie sain, compte tenu des conditions dans lesquelles se trouvent les peuples autochtones. Le gouvernement du Canada est censé se soucier de tous les habitants à l'intérieur de ses frontières plutôt que de concevoir des lois et des règlements qui divisent pour mieux conquérir et placent les gens en situation de concurrence, mais c'est l'histoire de la démocratie au pays. Encore une fois, honte au Canada. Le rapporteur spécial de l'ONU sur le logement avait raison de condamner le gouvernement fédéral pour les conditions de vie des peuples autochtones.

Il y a une proportion inacceptable d'itinérants autochtones dans la région métropolitaine de Vancouver. Composant moins de 4 p. 100 de la population métropolitaine, les peuples autochtones représentent au moins 27 p. 100 de la population itinérante. Je dis « au moins », car on sait que tout recensement des itinérants sous-représente la réalité. La communauté autochtone est extrêmement surreprésentée chez les itinérants, mais elle ne jouit pas de la parité en matière de financement dans le domaine de l'itinérance. Nous sommes réduits à quêter des miettes à cause de la politique fédérale qui instaure une concurrence entre les fournisseurs de services sans but lucratif. J'ai joint une lettre que nous avons récemment envoyée à la ministre Finley pour obtenir plus d'argent. Nous luttons constamment pour rester en vie et servir notre peuple.

À Vancouver, nous avons seulement un refuge temporaire pour adultes à l'intention des itinérants autochtones. Il est à pleine capacité chaque soir et refuse des gens. L'abri est dirigé par le centre d'amitié ici. Son projet est de construire des installations permanentes qui offriraient des services de soutien et un continuum de logement, depuis un refuge pour hommes, femmes et familles jusqu'à des unités de logement social permanent en passant par des unités de transition. Il n'y a pas de capitaux réservés aux Autochtones pour construire ces installations, et le projet doit soutenir la concurrence des fournisseurs de services non autochtones pour le financement. Il a été jugé trop risqué et n'a pas été financé dans le cadre de l'appel récent. Ce sont des politiques fédérales qui créent des obstacles et entraînent le rejet de propositions comme celle- ci.

Il faut comprendre que l'itinérance est symptomatique d'un mal plus profond au pays. Les exemples sont nombreux, mais j'aimerais vous en présenter seulement deux avant de conclure. Par exemple, les Autochtones sont surreprésentés parmi les enfants en foyer d'accueil et parmi les jeunes détenus, représentant 56 p. 100 et 22 p. 100 d'entre eux respectivement dans la province, bien qu'ils ne composent que 5 p. 100 de la population des jeunes. Une fois qu'ils sortent du foyer d'accueil ou du centre de détention, peu de ressources sont à leur disposition, et ils risquent de finir dans la rue. Nous devrions leur offrir toutes les mesures de soutien nécessaires pour qu'ils ne finissent pas dans la rue. Traditionnellement, les peuples autochtones s'occupaient des leurs, mais cette structure a été abolie, et nous nous retrouvons dans un système discriminatoire qui contrôle notre vie.

Où sont les droits de la personne qui nous concernent ici? Pourquoi y a-t-il de l'argent à faire avec les enfants autochtones? Chaque fois qu'un enfant entre dans un centre de détention ou est placé en foyer d'accueil ou même dans un cours d'aide à l'apprentissage à l'école, de l'argent change de main. Nous continuons à lutter pour nos droits dans la province et au pays.

Enfin, par conséquent, je conclus que le Canada ne s'acquitte pas de son devoir de fiduciaire à l'égard des Autochtones hors réserve sur ce territoire qu'on appelle le Canada.

T'ooyaksiy nisim. Merci.

Ken Clement, président, Lu'ma Native Housing Society : Merci. Je tiens à remercier les nations Squamisch, Musqueam et Tsleil-Waututh, car nous sommes sur leur territoire traditionnel aujourd'hui. Je m'appelle Ken Clement. Je suis le président de la Lu'ma Native Housing Society, directeur général du Réseau canadien autochtone du sida et premier Autochtone élu comme administrateur au conseil scolaire de la Ville de Vancouver.

Lu'ma Housing est active à Vancouver dans le domaine du logement depuis 30 ans et offre des logements uniques aux gens vivant hors réserve. Nous sommes devenus une ressource communautaire élargie qui, en plus d'offrir des logements abordables, depuis les dix dernières années, assume également le rôle de l'entité communautaire responsable de la prestation de programmes de lutte contre l'itinérance dans la grande région de Vancouver.

Je suis ici aujourd'hui pour vous faire part de notre préoccupation grandissante face aux enjeux liés aux droits de la personne, aux obstacles systémiques et inégalités au chapitre du logement avec lesquelles sont aux prises les peuples des Premières nations hors réserve et d'autres Autochtones à l'échelle de la Colombie-Britannique et du Canada.

J'insiste sur l'importance de l'article 91.24 de la Loi constitutionnelle, comme l'ont fait, je crois, le sénateur Brazeau et d'autres dans le cadre d'une séance du Comité sénatorial permanent des droits de la personne tenue à Ottawa en octobre 2012. J'aimerais faire valoir que, sans un logement abordable, décent et stable, pas une seule famille, pas une seule personne ou pas un seul ménage appartenant aux Premières nations ne peut participer pleinement à la société canadienne. Une personne qui n'a pas de logement décent, fiable et abordable ne peut pas songer à chercher ou à conserver un emploi et s'expose à un risque sur le plan de la santé et de la sécurité. Sans services adéquats en matière de logement et à défaut d'un soutien permettant de tirer profit des bienfaits du logement, les Autochtones risquent l'itinérance ou, pire encore, de finir dans un cercueil, un établissement de soins ou un pénitencier.

Compte tenu de ces résultats possibles, le gouvernement fédéral ne peut pas se permettre de jouer un rôle passif et de laisser évoluer les choses par elles-mêmes, comme il le fait actuellement en Colombie-Britannique et au Canada. Lorsqu'on a un endroit où vivre, d'autres améliorations suivent dans la vie. On peut décrocher un emploi et suivre une nouvelle formation. On observe de meilleurs résultats chez les enfants, et les coûts en matière de santé sont réduits. De toute évidence, le droit à un logement adéquat est essentiel à la vie.

Il faut corriger les inégalités en matière de chances et mettre les membres et les familles des Premières nations et autres Autochtones vivant hors réserve sur un pied d'égalité avec nos frères et sœurs appartenant aux Premières nations qui vivent dans une réserve en construisant des unités de logement au nombre équivalent et en ramenant les besoins globaux en matière de logement à un degré équivalent ou moindre à celui que l'on retrouve dans la population non autochtone.

Dans son témoignage, Debra Darke, de la SCHL, a traité de l'investissement fédéral dans le logement pour les groupes suivants : tous les Canadiens, les membres des Premières nations vivant dans une réserve et les membres des Premières nations vivant hors réserve. Je vais seulement parler des derniers.

Il importe de noter qu'il n'y a aucun lien entre le gouvernement fédéral et les membres des Premières nations vivant hors réserve au chapitre du logement dans les centres urbains. Les provinces ont la responsabilité de collaborer avec les Premières nations hors réserve, d'établir les critères de financement et de mettre sur pied les programmes. À l'échelon national, environ 140 millions de dollars sont disponibles pour les programmes existants de logement social dans les collectivités urbaines et rurales, ce qui équivaut à un peu moins de la moitié du financement destiné aux Premières nations dans les réserves.

Il faut absolument comprendre que les 140 millions de dollars que le gouvernement fédéral se targue de fournir arrivent à échéance dans les cinq à 10 prochaines années, en même temps que des accords de fonctionnement de 35 ans. Il importe de noter que les membres des Premières nations vivant hors réserve partagent aussi les 140 millions de dollars avec d'autres Autochtones, Métis, Indiens non inscrits et Inuits en milieu urbain, ce qui fait probablement en sorte, selon nous, que moins de la moitié des 140 millions de dollars arrivent réellement dans les coffres des membres des Premières nations vivant hors réserve. C'est quelque peu problématique et cela entraîne d'importantes inégalités au détriment des membres des Premières nations vivant hors réserve par rapport à nos homologues vivant dans une réserve, qui ne souffrent pas de telles contraintes budgétaires.

Troisièmement, comme on l'a noté ci-dessus, il y a d'importantes inégalités par rapport au traitement financier réservé aux membres des Premières nations vivant hors réserve et à leurs besoins en matière de logement, seulement du fait qu'ils sont situés hors réserve. On ne tient aucun compte du fait que le membre des Premières nations ait choisi de vivre hors réserve ou soit obligé de vivre hors réserve à cause des conditions sociales, de ses besoins en santé, de son emploi, de sa scolarité ou pour des raisons de pauvreté.

L'une des inégalités les plus choquantes tient au refus du gouvernement de reconnaître les membres des Premières nations vivant hors réserve en refusant d'entretenir avec eux des relations analogues à celles qu'il entretient avec les Premières nations vivant dans une réserve. Mme Darke l'a confirmé dans son témoignage lorsqu'elle a déclaré ce qui suit :

La SCHL travaille en étroite collaboration avec les Premières nations et Affaires autochtones et Développement du Nord Canada afin de mettre en application et d'administrer les programmes de logement fédéraux.

Et, en parlant des membres des Premières nations hors réserve, elle a déclaré ce qui suit :

Hors réserve... nous n'avons pas d'entente avec les provinces et les territoires...

Si, internationalement, le droit au logement adéquat est défini comme étant le droit de toute femme, tout homme, jeune et enfant d'obtenir et de conserver un logement sûr dans une communauté où il puisse vivre en paix et dans la dignité, le Canada ne s'acquitte pas de ses obligations internationales et nationales en refusant aux membres des Premières nations vivant hors réserve le droit à un logement adéquat dans la même mesure que les Premières nations vivant dans une réserve et en négligeant de placer les Premières nations vivant hors réserve sur le même pied d'égalité que les non-Autochtones au chapitre des besoins globaux en matière de logement. Je fonde cela respectueusement sur le dialogue que je m'apprête à présenter.

En 1979, il y avait un programme autochtone urbain...

Le sénateur Brazeau : Pardon, monsieur Clement. Il nous reste seulement quelques minutes, alors, par souci de temps, peut-être pourriez-vous conclure. J'ai certainement une question très rapide. Nous avons bel et bien votre mémoire de 13 pages assez bien écrit, et il fera partie du dossier, alors peut-être pourriez-vous terminer, s'il vous plaît.

M. Clement : Pour conclure ou terminer, j'aimerais présenter un certain nombre de recommandations.

La création et la mise en œuvre d'une politique autochtone en matière de logement et d'itinérance assortie de cibles de financement et de ressources suffisantes, tant sur le plan des immobilisations que du fonctionnement, pour s'assurer que les Canadiens autochtones ont accès à un niveau de vie convenable et mettre fin aux atteintes aux droits de la personne qui ont lieu au Canada; la prestation d'un financement pour le renforcement des capacités des Autochtones en milieu urbain, pour que nous puissions nous attaquer à nos besoins en matière de logement et un engagement immédiat concernant 40 000 unités de logement à l'échelle du pays compte tenu de l'arriéré en matière de logement autochtone.

Je vais conclure ici, puisqu'on insiste.

Le sénateur Brazeau : Merci. Je suis désolé. De toute évidence, nous sommes aussi assujettis à des contraintes de temps. Comme j'ai dit, j'ai bel et bien votre mémoire.

J'ai une question très rapide pour vous. Bien entendu, vous savez que le gouvernement fédéral transfère effectivement des fonds aux gouvernements provinciaux au profit de tous les citoyens à des fins de logement, d'instruction et de santé, entre autres.

Croyez-vous qu'il serait peut-être utile de recommander que, à l'avenir, tout transfert de fonds du gouvernement fédéral à l'intention d'un gouvernement provincial — pour le logement, par exemple — soit assorti de critères intégrés dans les ententes de transfert obligeant le gouvernement provincial à dépenser l'argent dans le secteur particulier du logement pour les Autochtones?

M. Clement : Eh bien, c'est assez évident. Oui.

Mme Gray : Puis-je seulement ajouter quelque chose? Je dirais que, oui, à condition que cela n'enlève rien aux autres obligations du gouvernement à notre égard en ce qui concerne le logement et les ressources.

La présidente : Je viens de votre ville et je suis consciente de tout le travail que vous faites; c'est pourquoi je tiens à vous aviser que nous ne sommes pas en mesure de vous poser des questions faute de temps, mais je tiens à ce que vous sachiez que le comité prendra très au sérieux ce que vous venez de dire. De grâce, ne voyez pas cette occasion comme la seule fois où nous pouvons tenir cette discussion. Nous tiendrons une discussion continuelle.

Quant au centre pour les jeunes, je n'ai jamais vu une persistance comme celle des jeunes qui veulent construire ce centre. N'abandonnez jamais ce rêve. Il se réalisera sans aucun doute. Il se réalisera grâce à votre détermination sans faille. Merci beaucoup de vos exposés.

Avant d'inviter notre prochain groupe, sénateur Harb, vous proposerez que nous joignions la transcription intégrale à l'exposé comme s'il avait été lu.

Le sénateur Harb : Oui. Je propose que tout l'exposé soit annexé au compte rendu de l'audience du comité.

La présidente : Comme vous pouvez voir, nous avons très peu de temps. Avant de commencer, j'aimerais avoir la permission de Marjorie pour dire quelque chose. Aux fins du compte rendu, c'est Marjorie qui m'a assermentée en tant que citoyenne canadienne, alors il s'agit d'une occasion très spéciale pour moi. Lorsque vous venez à Vancouver, vous connaissez toujours des gens. Il s'agit d'une journée très spéciale.

Nous allons passer au prochain groupe de témoins.

Barb Cowan, directrice exécutive, Surrounded by Cedar Child and Family Centre : Merci. J'aimerai donner la parole à mon Aîné, Alex Nelson, pour quelques minutes.

Alex Nelson, aîné, Surrounded by Cedar Child and Family Centre :

[Le témoin s'exprime dans sa langue maternelle.]

Bonjour. Je m'appelle Alex. Je suis membre de la Première nation Musgamagw, et j'ai remercié les Salish du littoral de nous avoir permis d'être sur leur territoire sacré.

Je voulais simplement vous présenter un point de vue, en réalité. Je suis âgé de 66 ans et, depuis 57 ans, je vis comme on dit hors réserve, mais j'ai le privilège de revenir à la maison le plus souvent possible pour entretenir mes racines et me rappeler de me centrer et de travailler à partir de là. Durant mon cheminement, j'ai obtenu un diplôme de l'Université de Victoria, alors, sur le plan des études, j'imagine qu'on pourrait dire que je suis qualifié pour présenter un point de vue ici.

J'essaie d'envisager la vie comme me disant qu'elle m'offre le meilleur des deux mondes, et je vois maintenant les systèmes comme un carré. Je vois maintenant les systèmes des Autochtones comme un cercle. J'ai l'impression que le carré essaie d'avaler le cercle, et cela ne fonctionne tout simplement pas. Ensuite, la situation s'inverse, et c'est le carré qui est invité à venir s'insérer dans le cercle. Cela ne fonctionne pas. Le défi, ici, consiste à amalgamer le carré et le cercle de façon à donner lieu à une zone commune. Je vous laisse méditer sur ce raisonnement.

Je vais aussi présenter une déclaration audacieuse. Je ne suis pas avocat, mais j'ai consulté des avocats. Je ne suis pas historien, mais, ce que je sais, c'est que le Canada est le seul pays dans l'univers qui a deux systèmes de droit différents; un pour la population générale et un pour les Indiens. Et c'est sur ce plan que réside une profonde confusion à l'égard du traitement réservé à un peuple.

Je m'interrogeais aussi sur autre chose. À une certaine époque, le gouvernement fédéral était divisé en ministères pour mieux gérer le pays. À une certaine époque, Affaires indiennes appartenait au même ministère qu'Immigration. Pensez-y : Immigration. Cela m'apprend que le Canada cherche à établir une relation avec un peuple, mais qu'il est arrivé à un stade si avancé qu'on ne sait plus comment démêler tout ce qui est arrivé et ce qui arrive.

Je vous laisse méditer sur ces idées. Je suis à Victoria depuis 40 ans, et je suis vraiment honoré d'être un Aîné pour Surrounded by Cedar. Je vais maintenant redonner la parole à ma cadette respectée.

Mme Cowan : Je suis issue du peuple Haudenosaunee dans le sud de l'Ontario. Conformément aux protocoles traditionnels, je souhaite exprimer ma gratitude à l'endroit des peuples Musqueam, Squamish et Tsleil-Waututh, qui ont une relation avec le territoire et reconnaître le territoire non cédé de tous les Salish du littoral, qui est l'endroit où je travaille et élève ma famille. J'aimerais remercier le comité sénatorial de l'invitation à venir témoigner sur cette question très importante et de m'avoir donné l'occasion de faire entendre mon opinion et d'être consultée. J'espère aussi que Surrounded by Cedar Child and Family Services n'est pas le seul organisme autochtone délégué qui a reçu une invitation à participer aux présents travaux du comité sénatorial.

Comme vous le savez, les Autochtones représentent une population urbaine en pleine croissance au Canada. En Colombie-Britannique, 60 p. 100 des Autochtones demeurent en milieu urbain. Nous déménageons dans des régions urbaines pour décrocher un meilleur emploi, accéder à des soins de santé et trouver un logement plus convenable et de meilleures possibilités pour nos enfants et nous-mêmes sur le plan des études. Pourtant, nous faisons toujours partie de l'une des populations canadiennes les plus marginalisées, voire la plus marginalisée.

Des facteurs historiques ont placé les Autochtones dans une situation désavantageuse dès le début de n'importe quelle politique. Les pensionnats indiens ont laissé des cicatrices chez des générations de personnes, de familles et de collectivités. À cela s'ajoute le système de colonisation, qui a fait en sorte que plusieurs générations ont grandi sans avoir la possibilité de bien perfectionner leurs aptitudes parentales. La pauvreté, le chômage et le logement inadéquat ont contribué à l'éclatement de la famille et de la communauté autochtones. Dans de petites localités rurales, ces difficultés sont exacerbées d'autant par l'isolement et les économies d'échelle.

Comme l'a dit récemment l'ancien lieutenant-gouverneur de la Colombie-Britannique Steven Point, les Autochtones sont les citoyens les plus pauvres du Canada. Les enfants autochtones comptent pour 54 p. 100 du total des enfants placés de manière permanente dans un foyer, peu importe leur lieu de résidence en Colombie-Britannique. Pourtant, les organisations autochtones qui offrent des services directs aux collectivités autochtones, dans les réserves ou à l'extérieur de celles-ci, reçoivent beaucoup moins que 50 p. 100 du budget affecté à ces services directs. Nous sommes tous parfaitement au courant de cela. Nous avons en main toutes sortes de données qui le confirment.

Les Autochtones veulent et doivent participer directement à l'élaboration des politiques qui les concernent et à la prestation des services offerts dans leur collectivité. Notre opinion au sujet de l'intérêt supérieur d'un enfant est souvent en contradiction avec l'opinion des non-Autochtones, qui demandent que l'on retire l'enfant de son milieu plutôt que de lui offrir des services de protection familiale adaptés à sa culture dès qu'une préoccupation est soulevée.

Tant que nous n'aurons pas ensemble procédé à un examen de nos valeurs et de nos croyances ainsi que des résultats que nous suivons pour nous assurer qu'ils reflètent nos valeurs et nos croyances communes, nous aurons de la difficulté à réagir à tout élément dissuasif au moment de déterminer ce qui peut constituer un engagement financier juste et équitable à l'égard des services aux Autochtones, peu importe leur lieu de résidence.

Il y a toujours eu une différence fondamentale dans la vision du monde des Autochtones et celle des non-Autochtones. Nos valeurs et nos croyances sont peut-être comparables ou partagées, mais c'est dans la façon dont ces valeurs et ces croyances sont transmises, manifestées et mises en application, de même que dans le résultat de ces interactions, que nous sommes différents.

Au fil des générations, les Autochtones ont été obligés ou forcés d'adhérer à un système de valeurs non autochtones, mais, comme nous l'avons souvent observé, les enfants Autochtones confiés à des organismes de protection de la jeunesse après avoir été arrachés à leur famille et à leur culture vont finir par revenir à leur origines. Nous revenons tous à nos origines. Nos valeurs, nos croyances et notre culture nous amènent à nous rappeler que nos enfants sont au centre de tout. Nos valeurs culturelles et nos croyances vivent et respirent chaque fois que nous transmettons à nos enfants des histoires concernant notre création, des histoires de chasse et de pêche, des légendes et nos enseignements traditionnels.

Dans le système provincial et fédéral, on met l'accent sur le fait que l'enfant passe avant tout. De cette façon, on considère l'enfant comme une entité individuelle. On ne reconnaît pas nécessairement qu'il fait partie d'une collectivité et qu'il a une incidence sur cette collectivité. La collectivité ressent cette perte.

Les deux systèmes ont des qualités et de la valeur, et aucun n'est bon ni mauvais. Pourtant, on nous demande encore, à nous, Autochtones, d'appliquer une vision non autochtone du monde aux services, qu'ils soient offerts dans une réserve ou à l'extérieur des réserves. Peu importe notre lieu de résidence, nous sommes toujours des Autochtones, nous partageons les mêmes valeurs et croyances et nous possédons des droits inhérents touchant la façon dont nous apprenons, la façon dont nous élevons nos enfants et les éduquons et le territoire sur lequel nous vivons.

Nous nous voyons comme appartenant à quelque chose de plus grand. Nous savons, dans notre for intérieur, que nous appartenons à une collectivité plus étendue et que nous avons un rôle et une fonction dans cette collectivité. Si vous voulez connaître le point de vue des Autochtones, nous devons parler de nos valeurs et croyances, car, tant que les Autochtones et les non-Autochtones ne se seront pas entendus sur un système commun de valeurs et de croyances comprises de la même manière, nous ne pourrons pas discuter de questions touchant les politiques ou les finances. Nos deux cultures se rencontrent continuellement pour que nous puissions apprendre à mieux nous comprendre les uns les autres, ensemble et séparément. Si nous voulons progresser ensemble, les organismes de protection de la jeunesse doivent comprendre la vision autochtone du monde s'ils veulent venir en aide aux Autochtones. Nous sommes condamnés à rester ensemble. Mais la question demeure : comment allons-nous procéder?

Merci beaucoup.

Hugh Braker, président, Native Courtworker and Counselling Association of BC : Merci beaucoup de nous avoir donné l'occasion de vous présenter un exposé ce matin. J'ai remis un mémoire au greffier, de la part des conseillers parajudiciaires. Soyez rassurés, je ne vais pas en faire la lecture. C'est un document de 16 pages. Ce que j'aimerais faire, plutôt que de lire le mémoire, ce matin, c'est d'attirer votre attention sur certains des aspects que nous voulons mettre de l'avant.

La Native Courtworker and Counselling Association of British-Columbia, qui fournit des services aux Autochtones de la province, célèbre cette année son 40e anniversaire. Les conseillers parajudiciaires autochtones ont vu l'utilité de l'organisation vers la fin des années 1960 ou au tout début des années 1970, époque où les dirigeants autochtones de la Colombie-Britannique se sont sentis indignées par le nombre d'Autochtones qui se retrouvaient devant les tribunaux.

Il existe un mythe selon lequel les conseillers parajudiciaires autochtones ont le pouvoir de réduire le nombre d'incarcérations d'Autochtones. Ce n'est pas l'objectif des conseillers parajudiciaires. Notre fonction consiste à fournir des services de counselling, des services parajuridiques et des services d'aiguillage aux Autochtones. Notre rôle est de nous assurer que les Autochtones sachent et comprennent quels sont leurs responsabilités et leurs droits selon la loi.

Notre organisation fournit des services partout en Colombie-Britannique. Nos conseillers parajudiciaires sont présents dans plus de 30 tribunaux provinciaux et participent à la plupart des audiences de la Cour suprême de la province. Nous avons aussi d'autres types d'employés. Nous avons des conseillers en toxicomanie, puisque nous avons adopté une approche holistique à l'égard des services aux clients. Nous avons également des employés qui s'occupent de la défense des droits des jeunes et de la famille, dans deux ou trois régions de la Colombie-Britannique.

Puisque votre étude porte sur les Autochtones vivant en milieu urbain, j'aimerais utiliser les quelques minutes dont je dispose pour aborder certains des enjeux particuliers auxquels font face les conseillers parajudiciaires autochtones et vous renseigner sur les problèmes particuliers auxquels nous faisons face en milieu urbain. Vous avez déjà entendu dire, ce matin, que 60 p. 100 des Autochtones de la Colombie-Britannique vivent dans la province. J'aimerais prendre une minute pour parler des jeunes. En Colombie-Britannique, 46 p. 100 des Autochtones vivant en milieu urbain sont âgés de moins de 25 ans. De cette tranche de 46 p. 100, 74 p. 100 sont âgés de moins de 14 ans. Nous avons donc affaire à un groupe de gens beaucoup moins âgé que tout autre groupe de citoyens canadiens. Seulement 29 p. 100 des non- Autochtones ont moins de 25 ans.

Notre population est donc très jeune, mais que voyons-nous dans cette population? Nous voyons que 51 p. 100 des Autochtones de la Colombie-Britannique décrochent avant de terminer leurs études secondaires. Ce chiffre est beaucoup plus élevé pour ceux qui vivent en milieu urbain. De fait, seulement 46 p. 100 des jeunes qui commencent la huitième année vont terminer leur douzième année.

Regardons maintenant les statistiques qui concernent le nombre d'enfants retirés de leur milieu : elles sont encore pires que ce que mon amie Barb Cowan a dit il y a une minute seulement. Au total, 56 p.100 des enfants confiés à une famille d'accueil sont autochtones, et, de ces 56 p. 100, 89 p. 100 vivent en milieu urbain. Nous avons donc affaire, premièrement, à une population très jeune qui vit en milieu urbain, mais aussi, deuxièmement, à une population qui affiche un taux de décrochage scolaire très élevé de même qu'un taux ahurissant et alarmant de retraits de la famille par un organisme de protection de l'enfance.

Les statistiques des populations carcérales qui concernent les jeunes vivant en milieu urbain sont tout aussi alarmantes. En Colombie-Britannique, le nombre quotidien moyen de jeunes Autochtones en détention est huit fois plus élevé que le nombre de non-Autochtones. Chaque jour, en Colombie-Britannique, il y a huit fois plus de jeunes Autochtones incarcérés que de non-Autochtones. Dans notre province, sur l'ensemble des jeunes placés sous garde, le groupe des jeunes Autochtones est le seul groupe dont le nombre continue de croître, et le groupe des femmes autochtones emprisonnées est le seul dont le nombre continue de croître. En Colombie-Britannique, 20 p. 100 des détenus sont des Autochtones.

Ces statistiques représentent des défis particuliers pour la Native Courtworker and Counselling Association of British-Columbia. C'est pour nous un défi de répondre aux besoins des jeunes Autochtones de la province, c'est-à-dire aux besoins de jeunes Autochtones qui font eux-mêmes face à des défis, à des défis extraordinaires, à l'extérieur du système de justice pénale. C'est pour nous un défi de fournir des services aux familles autochtones qui ont elles-mêmes des démêlés avec la justice parce qu'on leur a retiré leurs enfants.

J'aimerais prendre une petite minute pour vous donner un exemple de ce qui constitue à nos yeux l'un des grands mystères du fonctionnement du gouvernement. La Native Courtworker and Counselling Association of British-Columbia fournit des services dans le cadre d'un contrat conclu par le gouvernement fédéral et la province. En Colombie- Britannique, ce contrat nous permet uniquement de fournir des services dans les tribunaux pénaux, mais que se passe-t-il lorsqu'un enfant est retiré de son milieu? Nous voulons fournir des services dans les tribunaux de la famille également, car les familles ont droit à une représentation juridique et doivent comprendre quels sont leurs droits et leurs responsabilités lorsqu'elles se retrouvent devant le tribunal; pourtant, on nous ne le permet pas. Nous devons agir subrepticement.

Nous ne comprenons pas le marché conclu par le gouvernement fédéral et la province. Ailleurs au Canada — dans les Territoires du Nord-Ouest, en Saskatchewan et en Alberta, par exemple —, les conseillers parajudiciaires ont le droit d'assister aux audiences du tribunal de la famille. En Colombie-Britannique, ils n'ont pas le droit. Nous ne comprenons pas cette distinction. Elle n'a aucun sens, pour nous. Elle représente pour nous un défi qui n'a pas sa raison d'être. Elle fait en sorte que, dans les statistiques, notre travail n'est pas reconnu à sa juste valeur.

Ce que j'essaie de faire comprendre, c'est que nous faisons face à un défi qui concerne non seulement les statistiques que je viens de vous présenter, mais également à un défi qui, laissez-moi vous le dire, est lié à la bureaucratie du gouvernement, qui ne tient pas compte de la façon dont les choses se passent concrètement dans une salle d'audience. Nous aimerions fournir un service holistique, un service qui répond aux besoins de la famille qui se présente devant le tribunal de la famille, le tribunal de la jeunesse ou le tribunal pour adultes. Nous aimerions adopter une approche holistique pour régler tous les problèmes auxquels les familles font face, et, à l'heure actuelle, le contrat que la province et le gouvernement fédéral ont conclu ne nous permet pas de le faire.

La Native Courtworker and Counselling Association a reçu les félicitations de pratiquement tous les organismes du système de justice de la province que je connais. Les avocats, les juges, les procureurs de la Couronne, les shérifs et tous les intervenants du système ont pris la défense des conseillers parajudiciaires autochtones chaque fois que notre financement ou nos activités étaient menacés. Nous sommes, franchement, très fiers de cela. Nous essayons de fournir aux Autochtones un service de qualité qui leur sera très utile.

Avant de terminer, j'aimerais aborder brièvement la question du financement des programmes autochtones. C'est un mythe de dire que les organisations dans les réserves ne fournissent aucun service aux Autochtones vivant en milieu urbain. Elles en fournissent. En tant que conseillers parajudiciaires autochtones, nous avons constaté que cela se passe toujours mieux quand nous pouvons travailler dans ce type d'ambiance. Je vais utiliser un exemple que je connais très bien, celui du Conseil tribal de Nuu-chah-nulth. Il y a une organisation, la Nuu-chah-nulth Economic Development Corporation, qui finance le développement des entreprises des membres, qu'ils vivent ou non dans une réserve. Elle fournit également des services infirmiers, des services de counselling et des services de protection de l'enfance aux membres, peu importe, ici aussi, qu'ils vivent ou non dans une réserve.

J'ai discuté, il y a quelques jours seulement, avec le conseiller parajudiciaire autochtone de Port Alberni. Nous avons constaté que, lorsqu'une organisation offre un service intégré de ce type, cela fonctionne beaucoup mieux dans les autres secteurs de service, par exemple pour les conseillers parajudiciaires autochtones. Nous arrivons à travailler en bien plus étroite collaboration avec ces organisations et à leur fournir un bien meilleur service. Nous félicitons ces organisations, qui font de la sensibilisation et mettent en œuvre divers services pour les membres qui vivent dans les réserves ou à l'extérieur de celles-ci. Nous pensons que cela fonctionne très bien et que cela aide également les conseillers judiciaires autochtones à fournir leurs services.

Vous avez probablement déjà compris l'essentiel de mes commentaires. Je me suis attaché en particulier aux jeunes Autochtones. Si je devais résumer cela en un mot, je demanderais à votre comité de réfléchir à la situation particulière des jeunes Autochtones du Canada qui vivent en milieu urbain. Les statistiques représentent pour le Canada un défi énorme. Il est certain que le Canada devra un jour régler ce problème. S'il ne le fait pas, je crois qu'il héritera d'une situation aussi catastrophique que celle qu'on a vue le siècle dernier dans le sillage du fiasco des pensionnats. C'est un problème que le Canada doit régler. Je suis convaincu qu'il est capable de le régler.

Merci beaucoup de m'avoir écouté ce matin.

Le sénateur Brazeau : Merci beaucoup de cet exposé très bien structuré.

Notre prochain témoin — le dernier, mais non le moindre — est M. David Eddy, qui représente la Vancouver Native Housing Society. Allez-y, s'il vous plaît, monsieur.

David Eddy, directeur, Vancouver Native Housing Society : Je suis le président-directeur général de la Vancouver Native Housing Society. Avant de commencer mon exposé, j'aimerais qu'il soit clair que je ne suis pas autochtone et que je ne prétends pas parler au nom des Autochtones. Je m'intéresse au logement et je vais parler du logement. Mais avant de commencer, je vais demander à mes collègues ici présents, et en particulier à l'Aînée Marjorie White, s'ils me donnent la permission de faire cela.

Merci, Marjorie, et merci aussi à mes amis et collègues du Metro Vancouver Aboriginal Executive Council.

La Vancouver Native Housing Society a été constituée en personne morale en mai 1984. Nous sommes un organisme important qui évolue dans le domaine du logement. Nous possédons 17 immeubles, et un 18e est en construction. Nous logeons environ 1 500 personnes. Nous possédons dix immeubles accueillant des familles, un immeuble qui accueille des personnes âgées et six immeubles — bientôt sept — destinés aux personnes seules. Au cours des cinq dernières années, nos services de logement ont été concentrés surtout dans le Downtown Eastside. C'est en partie parce que c'est le seul secteur de la ville où le gouvernement provincial soutient des projets relatifs au logement. Ce dernier s'est attaché à loger les itinérants. Il s'est aussi occupé du logement familial, non pas en construisant de nouveaux logements, mais en versant un supplément au loyer. Et quand je dis « il s'est occupé », je veux dire qu'il s'en est occupé un minimum.

Nous avons travaillé dans le secteur — défini selon le code postal — reconnu comme étant le plus pauvre du Canada, à savoir le Downtown Eastside de Vancouver. Nous avons constaté en particulier, et il est certain que mon conseil d'administration entièrement autochtone l'a constaté, à quel point des choses comme le système des pensionnats — particulièrement le système des pensionnats — a eu des effets dévastateurs, comment l'effet de domino a, au fil des générations, marginalisé encore davantage les gens.

Nous en sommes venus à reconnaître que, même si on a arraché aux Autochtones leurs enfants, même si on les a privés de leur culture, de leur costume traditionnel, de leur langue et, dans une grande mesure, de leur dignité, on n'a pas réussi à leur enlever cette créativité innée et cette capacité de formuler des idées et de représentation d'eux-mêmes par le truchement de l'art. C'est à la lumière de ce constat que nous avons adopté le nouveau thème du renforcement de la collectivité grâce au pouvoir transformateur de l'art. Notre dernier projet visant à mettre cela en relief est un édifice spectaculaire, situé dans le centre-ville de Vancouver; c'est la seule maison longue de Vancouver. Elle a un toit de panneaux d'acier inoxydable où trône un totem de 40 pieds.

Je sais que vos journées sont occupées et que vous allez peut-être vous rendre dans une autre ville, mais j'insiste pour que vous veniez la visiter. Nous considérons qu'elle est une source d'inspiration pour les Autochtones vivant dans le Downtown Eastside et une manière d'affirmer de nouveau la renaissance que permettra, nous le croyons, le pouvoir transformateur de l'art.

J'ai déjà été président de l'Association canadienne d'habitation et de rénovation urbaine, et j'ai aussi siégé au conseil d'administration de la B.C. Non-Profit Housing Association. Je fais également partie du comité Mayvec de Vancouver. Nous reconnaissons que, depuis 1993, lorsque le gouvernement fédéral a essentiellement cessé de mettre en œuvre des programmes de construction de nouveaux logements, nous sommes sur une pente descendante. De 1975 à 1995 environ, le Canada était reconnu dans le monde occidental comme un chef de file au chapitre de la fourniture de logements sûrs et abordables. La mise en œuvre du programme de logements pour les Autochtones vivant en milieu urbain par la SCHL a également porté fruit et permis à de nombreuses personnes dans le besoin d'avoir accès à une unité. Cette époque est révolue, du moins pour le moment. Nous pensons que c'est la faute du gouvernement fédéral et qu'il devrait avoir honte.

Certains projets arrivent maintenant à ce que nous appelons la fin de l'entente opérationnelle, et ils ne recevront donc plus de subventions. À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral verse quelque deux milliards de dollars de subventions pour le logement, mais ces subventions disparaissent peu à peu, car les ententes opérationnelles arrivent à échéance, et aucun nouveau financement n'est prévu pour ces unités.

Par contre, le gouvernement provincial a accepté de continuer à soutenir ces projets à hauteur de 50 p. 100, comme il se doit, et il demande au gouvernement fédéral de faire la même chose; jusqu'ici, ce dernier fait la sourde oreille.

J'aimerais parler un peu de la bannière que vous voyez à ma droite. Elle a été conçue pour les Jeux olympiques. Nous avons participé à l'initiative Downtown Eastside Connect, centre d'information au sujet du logement. Je vais vous présenter quelques faits. Vancouver a malheureusement l'honneur d'arriver au troisième rang des villes du monde où le coût de la vie est le plus élevé. Nous avons élaboré un graphique du continuum du logement pour essayer d'illustrer la situation. Vous y verrez en quelque sorte un thème nautique.

Il y a, pour commencer, l'itinérance. Nous tentons de mettre fin à l'itinérance grâce à des hôtels composés de chambres pour personnes seules. Nous avons ensuite le logement subventionné; nous avons douze immeubles. Nous avons ensuite l'accession à la propriété abordable; c'est un projet que nous aimerions poursuivre, mais nous avons été incapables jusqu'ici d'en mettre un en œuvre. C'est notre prochain objectif. Nous avons donc ce continuum du logement qui consiste, par exemple, à appuyer les personnes qui quittent les hôtels pour personnes seules, qui sont pour la plupart marginalisées et qui ont le plus besoin de soutien, jusqu'à ce qu'elles soient stabilisées. Nous pouvons ensuite les installer dans des logements où il y a moins de soutien et faire ainsi de la place pour d'autres personnes marginalisées.

Nous avons expliqué qu'il manque dans le Grand Vancouver 30 000 unités de logement locatif et que ce nombre augmente de 3 500 par année. Je peux aussi vous exposer certains faits concernant les Autochtones vivant en milieu urbain, mais mes collègues en ont déjà exposé un bon nombre. Les Autochtones comptent pour 2 p. 100 de la population du Grand Vancouver, mais pour 30 p. 100 de la population des sans-abri. Les enfants autochtones affichent un taux de pauvreté de 40 p. 100, soit un taux correspondant au double de celui pour les enfants non autochtones. Si 31 p. 100 des Autochtones terminent leurs études secondaires, la norme est de 82 p. 100. Les jeunes Autochtones sont neuf fois plus susceptibles d'être emprisonnés et, statistique tragique, six fois plus susceptibles de se suicider.

Près du tiers des Autochtones vivant à l'extérieur des réserves ont des besoins impérieux en matière de logement, comparativement à 15,8 p. 100 des ménages non autochtones. Les Autochtones vivant à l'extérieur des réserves sont trois fois plus susceptibles que les non-Autochtones de vivre dans des lieux où les conditions sont inacceptables. Les recherches indiquent que la prochaine vague d'itinérants sera composée d'Autochtones âgés.

Je vais terminer ici mon exposé, car une bonne partie des thèmes que je voulais aborder ou que j'ai abordés au sujet du logement ont déjà été abordés par Ken Clement et quelques autres. J'aimerais laisser aux témoins et aux membres du public ici présents le temps de répondre à des questions.

Merci beaucoup de m'avoir invité.

La présidente : J'ai quelques questions à poser, mais d'abord... J'ai travaillé avec vous et avec le programme des conseillers parajudiciaires autochtones. J'ai entendu ce que vous avez dit. Je pensais que nous avions fait quelques progrès, mais ce n'est pas le cas. Nous avons beaucoup de travail à faire, et il est bien qu'on nous le rappelle.

Madame Cowan, vous avez dit que l'intérêt supérieur de l'enfant est le critère qu'utilisent les tribunaux canadiens dans les affaires liées à des enfants. De quelle manière se présenterait l'intérêt supérieur de l'enfant si on tenait compte pleinement de la culture autochtone de cet enfant? C'est une question difficile, je sais. Vous pouvez prendre le temps d'y réfléchir et nous répondre par écrit.

Mme Cowan : Je crois qu'il serait probablement préférable de prendre le temps d'y réfléchir, car c'est une question à laquelle on ne peut pas répondre en quelques mots.

La présidente : En effet. Si vous vous sentez à l'aise de répondre par écrit, cela nous serait utile.

Mme Cowan : Bien sûr.

La présidente : Monsieur Braker, vous avez demandé au comité de porter une attention particulière aux jeunes Autochtones vivant en milieu urbain. Vouliez-vous dire qu'il faut s'attacher à l'éducation, à la prévention et à la déjudiciarisation? Quels seraient les meilleurs services que le gouvernement pourrait offrir aux jeunes Autochtones vivant à l'extérieur des réserves s'il voulait réduire leur nombre dans le système judiciaire, trop élevé selon vous et votre organisation?

M. Braker : Il faudrait pour cela adopter une approche à plusieurs volets. Je crois qu'il serait frustrant et vain de ne s'attacher qu'à un aspect du problème. Mon ami, qui parlait il y a une minute de la question du logement, a évoqué le taux de suicide élevé, le taux d'incarcération élevé et le taux de décrochage scolaire élevé. Si vous voulez faire quelque chose et espérer que cela fonctionne, vous devez attaquer sur tous les fronts. Je mettrais l'accent sur les familles autochtones. Je fournirais aux familles autochtones vivant en milieu urbain beaucoup plus de services qu'il n'en existe à l'heure actuelle.

La présidente : Vous êtes vraiment présents dans le système de justice et cela, depuis de très nombreuses années. Considérez-vous qu'on utilise l'arrêt Gladue? Vous demande-t-on de présenter des rapports Gladue?

M. Braker : Les conseillers parajudiciaires autochtones n'ont pas à présenter des rapports Gladue. Comme vous le savez sûrement, il existe en Colombie-Britannique deux entités que l'on a appelées par euphémisme des tribunaux autochtones. La juge Marion Buller de la Cour provinciale de la Colombie-Britannique en a mis un sur pied à New Westminster il y a plusieurs années, et une autre vient de voir le jour à North Vancouver. On demande d'en créer d'autres à Prince George et à Kamloops, et nous pourrions bientôt voir ce souhait se réaliser.

Ces tribunaux sont chargés de déterminer la peine. Il ne s'agit pas de tribunaux de première instance. Il s'agit de tribunaux où une personne est soit acquittée, soit déclarée coupable. Le tribunal doit ensuite suivre les instructions du Parlement ou de la Cour suprême du Canada et envisager la situation particulière des Autochtones. Il existe un mythe, créé par les médias ou par la population de la Colombie-Britannique, selon lequel les Autochtones s'en tirent facilement et ne sont pas emprisonnés alors qu'ils le seraient s'ils n'étaient pas Autochtones. Cela est évidemment faux.

Dans tous les cas, en Colombie-Britannique, lorsqu'une personne reçoit une peine, qu'elle soit autochtone ou non, le tribunal tient compte de l'ensemble de sa situation et de ses antécédents. Ce qui est légèrement différent, dans le cas des Autochtones, c'est que le tribunal tiendra compte de l'expérience collective du peuple, non pas seulement l'expérience de la personne. Le tribunal tient donc compte, par exemple, de l'expérience des pensionnats. Pour le tribunal, les efforts visant à leur faire abandonner leur langue et le retrait de leurs enfants sont également des facteurs.

Oui, selon l'expérience des conseillers parajudiciaires, le mode d'application est très différent en Colombie- Britannique. Les principes de l'arrêt Gladue sont presque toujours appliqués dans la détermination de la peine, en Ontario et au Manitoba. Ce n'est pas ainsi que cela se passe en Colombie-Britannique. L'approche est plus morcelée. Elle varie beaucoup d'un tribunal à un autre.

La présidente : Monsieur Eddy, j'ai une question à vous poser, mais j'aimerais d'abord savoir si vous n'auriez pas une version plus petite de ce graphique?

M. Eddy : J'en ai une version électronique, je peux vous l'envoyer.

La présidente : Veuillez l'envoyer à M. Charbonneau pour que nous puissions la joindre à notre transcription. Merci beaucoup.

Ma question est la suivante : tous ceux qui comme nous vivent à Vancouver savent à quel point il manque de logements, en particulier de logements abordables. La Ville essaie de temps à autre de fournir quelques logements. Elle a construit quelques logements autour d'ici. Y a-t-il un pourcentage de ces logements qui sont réservés aux Autochtones?

M. Eddy : En général, la Ville fournit le terrain, pas le logement; c'est la Ville de Vancouver qui finance cela. La Ville accorde habituellement un bail de 60 ans.

La Ville travaille de concert avec le Metro Vancouver Aboriginal Executive Committee sur un certain nombre d'enjeux concernant les Autochtones en milieu urbain. Je ne saurais pour le moment vous donner un chiffre exact. Peut-être que Ken Clement corrigera ce que je dis, mais je crois que la Ville a reconnu que le besoin existe et veut dans la mesure du possible fournir de l'aide pour que quelque chose soit fait. La pierre d'achoppement, c'est le gouvernement fédéral.

M. Braker a touché un point crucial lorsqu'il a dit qu'il n'existait pas suffisamment de logements pour les familles. Le dernier projet de logements pour les familles de la SCHL a pris fin en 1994. Nos deux plus récents projets — dont un qui vient de se terminer, en juin, et l'autre le sera en 2014 — ont été financés en plus grande partie par la province. Il est plus que temps que le gouvernement fédéral recommence à mettre en œuvre des programmes de logement et qu'il crée de nouveaux parcs de logements, pour les familles, en particulier.

Nous ne faisons pas que construire des logements. Nous bâtissons des collectivités. Le versement de suppléments au logement est un des outils de la trousse d'outils, mais cela ne permet pas de bâtir une collectivité. Cela fait en sorte que les gens se retrouvent sur un marché du logement qui n'est peut-être pas aussi tolérant, aussi empathique ou aussi compréhensif à l'égard du sort des gens pauvres et marginalisés, en particulier les Autochtones.

Le sénateur Brazeau : J'ai une question à poser à M. Braker. De toute évidence, quand nous parlons des non- Autochtones, nous savons qu'ils ont le droit, s'ils le veulent, de faire appel au système de justice. Quand nous parlons des Premières nations, pour commencer, croyez-vous qu'elles ont le même accès au système de justice que les autres Canadiens et, en second lieu, selon votre expérience et votre travail, auriez-vous vu que des Autochtones prennent la voie de la facilité, dans le système criminel, et décident de plaider coupable tout simplement parce que l'accès n'est pas le même et qu'ils baissent tout simplement les bras?

M. Braker : La réponse à cette question est liée d'une part à ce qu'on entend par « accès », et c'est pourquoi je vais vous donner ma définition, qui est la capacité de recourir au système.

Ma réponse est non. Les Autochtones n'ont pas le même accès au système, et il y a plusieurs raisons à cela. L'une est liée au fait qu'ils ne comprennent pas le système et qu'ils se méprennent à son égard. Il va sans dire que je n'ai probablement pas besoin de vous expliquer que, dans presque toutes les cultures autochtones de la Colombie- Britannique que je connais, la notion de culpabilité n'existe pas. La notion de culpabilité fait partie des valeurs européennes, pas des valeurs autochtones, et dans la plupart des langues autochtones de la Colombie-Britannique que je connais, le mot « coupable » n'existe pas.

Cette méprise fondamentale des Autochtones au sujet du système de justice non autochtone constitue un obstacle à l'accès de ces derniers, puisqu'il y a quelque chose qu'ils ne comprennent pas.

En outre, les Autochtones considèrent que le système de justice de la Colombie-Britannique est étranger. Un Autochtone qui doit comparaître devant un tribunal, peu importe qu'il s'agisse d'une petite ville ou d'une grande agglomération de la Colombie-Britannique, va d'abord communiquer avec le conseiller parajudiciaire autochtone. Il ne va pas s'adresser aux avocats. Il ne va pas s'adresser à l'aide juridique. Il ne va pas téléphoner au service de liaison de l'aide juridique, le numéro sans frais. Les Autochtones se tiennent loin de tout cela. Ils vont immédiatement chercher le conseiller parajudiciaire autochtone. Pourquoi? Je vous dirais que c'est parce qu'il est autochtone. Ils s'identifient beaucoup plus à lui qu'à tout autre intervenant du système.

Les Autochtones considèrent le système judiciaire comme un mécanisme étranger. Les Autochtones qui vivent dans une réserve estiment bien sûr que le système de justice est très éloigné. Pour certains Autochtones, en particulier ceux qui vivent dans des régions isolées de la côte ou du nord de la Colombie-Britannique, il faut plusieurs jours pour se rendre devant un tribunal, alors on peut dire qu'ils n'ont pas du tout accès au système de justice.

Avant de mettre un point final à ma réponse, j'aimerais rappeler aux membres du comité la réponse qui a été donnée au sénateur Jaffer, un peu plus tôt, au sujet du rapport Pendaker. J'espère que vous ne m'en voudrez pas de prendre quelques secondes pour vous parler de cela. M. Pendaker a mené des études très intéressantes en Colombie-Britannique. Je dis cela en réponse à votre question sur ce que le gouvernement pouvait faire et aussi en partie pour répondre à la question du sénateur Brazeau au sujet des relations avec le système de justice. M. Pendaker a étudié les populations de la Colombie- Britannique, les populations autochtones, et il a constaté, comme il a pu le montrer dans son rapport, que dans les collectivités où il existait des programmes solides visant la conservation de la langue, la culture et le maintien des valeurs familiales autochtones traditionnelles, le taux de suicide chez les jeunes, le taux d'incarcération chez les jeunes et le taux de décrochage scolaire chez les jeunes étaient beaucoup moins élevés. Je crois que cela peut répondre à vos questions.

Le sénateur Harb : Merci beaucoup de votre exposé. Il offre un complément utile à la séance précédente, en particulier sur les questions du logement, du système de justice et des difficultés des jeunes, qui essaient de s'assurer un avenir meilleur, mais n'ont pas le soutien nécessaire.

J'imagine que ma question vise à savoir quelles sont vos recommandations pour régler les problèmes auxquels vous faites face en ce qui concerne le système judiciaire.

M. Braker : Je n'ai pas entendu de nom dans la question, mais je vais prendre le taureau par les cornes, si cela vous va.

Le sénateur Harb : Bien sûr.

M. Braker : Comme je l'ai mentionné plus tôt, aux yeux de la Native Courtworker and Counselling Association, il faut mettre l'accent sur les jeunes et les familles si nous voulons à long terme réduire les taux actuels, car les améliorations ne seront ni pour aujourd'hui ni pour demain, et je doute qu'il y en ait l'année prochaine. Il nous faut une vision à long terme. Sinon, tout ce que nous allons faire, c'est fournir des solutions qui n'ont un effet qu'à court terme. Les programmes à court terme et les tentatives à court terme n'apportent que des solutions temporaires. Ils procurent quelque chose qui, à mon avis, est voué à l'échec.

Vous devez avoir une vision à long terme si vous voulez tenter de régler le problème. Il faudra, tout d'abord, des programmes axés sur les jeunes dans les domaines que nous avons déjà mis en lumière : il faut s'assurer qu'ils restent aux études et qu'ils reçoivent une bonne éducation. Ensuite, des études montrent qu'il y a une corrélation directe entre des programmes solides axés sur la langue, la culture et les valeurs familiales autochtones traditionnelles et la réduction des taux de suicide, d'incarcération et de décrochage scolaire. Si nous pouvons contribuer à ces programmes à long terme, j'estime qu'il y aura des répercussions beaucoup plus importantes sur les Autochtones que n'importe quoi d'autre. Enfin, il faut un programme axé sur les familles autochtones. Tous ces programmes se complèteront, et je demande instamment au gouvernement de songer à les créer.

Le sénateur Harb : Je ne suis pas du tout en train de faire une comparaison, mais, ce que je trouve étrange, c'est que, par exemple, lorsqu'une famille d'un autre pays immigre au Canada, il y a ce qu'on appelle, dans le cadre du processus lié au regroupement familial, un membre de la famille au Canada qui agit à titre de répondant. Pour une période allant jusqu'à environ dix ans, il incombe au répondant d'assurer le bien-être de l'immigrant en question qui arrive d'un autre pays.

La lacune qui saute aux yeux, selon moi, c'est que, lorsqu'il y a migration à l'intérieur du pays et que des gens passent, par exemple, d'une réserve à une localité en dehors des réserves, le gouvernement fédéral — qui est censé être le répondant — est absent. Il ne fait rien. À la lumière des statistiques que vous nous avez présentées, un grand nombre de ces personnes ont des besoins particuliers en matière de santé et d'éducation, ils ont besoin d'aide pour s'adapter sur le plan socioéconomique, du marché du travail, et cetera. Le répondant est absent.

Êtes-vous d'avis qu'il faudrait peut-être mettre en place une stratégie pancanadienne pour répondre à ces besoins particuliers? Nous pourrions presque dire qu'il s'agit d'une société distincte, mais ce n'est pas le cas. Il s'agit des Premières nations. Ce sont les gens qui se trouvaient ici en premier, et nous les avons abandonnés dans des réserves. J'ai l'impression — du moins à la lumière de tous les différents témoignages que nous avons entendus jusqu'à maintenant —, que nous les avons également abandonnés à l'extérieur des réserves.

M. Eddy : J'imagine que la question m'est adressée. Encore une fois, je suis d'accord avec M. Braker sur l'adoption de stratégies à long terme. Depuis des années, nous faisons la promotion d'une stratégie nationale en matière de logement. Il y a un projet de loi qui n'a pas été adopté par le Sénat. Le projet de loi semblait être dans la bonne voie, mais il est mort au Feuilleton en raison des élections. Je sais qu'il a été remanié, et nous espérons obtenir du soutien pour y intégrer un volet axé sur des logements destinés aux Autochtones.

J'implore les témoins ici présents de la soutenir, car ce volet est lié aux autres. Le logement est la pierre angulaire qui permet aux gens d'obtenir de meilleurs résultats, aux enfants de mieux réussir à l'école, aux gens d'avoir moins de démêlés avec le système de justice pénale et à ceux qui en ont besoin d'obtenir le soutien nécessaire à l'égard de problèmes liés à la santé mentale ou à la drogue et à l'alcool. La vie en communauté procure une aide beaucoup plus grande comparativement à la vie dans un logement du marché, où aucun soutien n'est offert.

Si j'avais une recommandation à formuler, je vous implorerais d'appuyer l'adoption d'une stratégie nationale en matière de logement assortie d'un volet propre aux Autochtones.

Le sénateur Harb : Alors, cela devrait également supposer une stratégie nationale en matière de santé mentale et une stratégie nationale en matière d'éducation.

M. Eddy : Tout à fait. Tout est lié.

Le sénateur Harb : Ce que vous dites, essentiellement, c'est qu'il est nécessaire d'adopter une stratégie propre aux membres des Premières nations qui vivent à l'extérieur des réserves, car il n'y en a pas. Il faudrait que cette stratégie particulière ait différentes composantes au chapitre du logement, car c'est fondamentalement important. Les soins de santé sont évidemment un volet important. La santé mentale est également un volet important. L'éducation en est un autre, et cetera. C'est bien ce que vous dites?

M. Eddy : Oui, et je vous remercie de l'avoir précisé.

M. Nelson : Madame la présidente, mesdames et messieurs, merci. Ma passion est inspirée du monde du sport, des loisirs et de l'activité physique. Dès que j'ai entendu parler des problèmes qui ont été soulevés très éloquemment aujourd'hui, j'ai songé aux effets préventifs du sport, des loisirs et de l'activité physique. Je crois que, au cours des 20 dernières années, j'en suis venu à comprendre le monde du sport international, national, provincial et local, et les Jeux autochtones de l'Amérique du Nord comptent parmi les grands événements.

Je constate que, dans le cadre de nombreux forums, ce sujet n'est jamais évoqué. Alors, ma question est la suivante : un représentant du monde du sport aurait-il l'occasion de témoigner devant vous et d'exprimer son point de vue? C'est un domaine qui a une incidence directe sur tout ce qui a été abordé.

J'ignore d'où viennent les gens qui témoignent ni qui ils sont, et j'ignore quelles sont les occasions offertes aux gens qui veulent témoigner, mais j'aimerais certainement vous encourager à envisager la possibilité d'accueillir un représentant du monde du sport, des loisirs et de l'activité physique. Merci.

Le sénateur Brazeau : Merci beaucoup. Évidemment, nous venons d'entamer l'étude. Il y a énormément d'occasions offertes à un grand nombre d'organismes et de personnes et à toute personne qui voudrait témoigner devant nous. Comme je l'ai déjà dit, nous avons des contraintes de temps, mais n'importe qui — que la personne témoigne devant nous ou non — a la possibilité de présenter, par écrit, un mémoire et des recommandations concernant la façon dont nous devrions procéder et sur les recommandations que nous devrions formuler à notre tour. Merci.

Je vais maintenant donner la parole au sénateur Harb pour qu'il présente une motion concernant l'intégration des documents.

Le sénateur Harb : J'aimerais proposer une motion qui vise à intégrer dans la transcription les faits concernant les Autochtones vivant en milieu urbain qui figurent dans ce merveilleux document, ainsi que tous les différents exposés présentés par écrit au greffier.

Le sénateur Brazeau : Sommes-nous d'accord?

Les sénateurs : Oui.

Le sénateur Brazeau : Nous sommes d'accord.

Au nom du comité, j'aimerais remercier Mme Cowan, M. Nelson, M. Eddy et M. Braker d'avoir témoigné. De toute évidence, il y a grandement matière à réflexion, beaucoup de renseignements à digérer et à examiner au cours des semaines et des mois à venir. Comme je l'ai mentionné à tous les témoins qui sont ici aujourd'hui — et je vais le répéter —, ce n'est que le début du dialogue. Si vous croyez avoir oublié un élément dans votre exposé, vous pouvez toujours nous en faire part par écrit. Merci beaucoup à vous tous.

À ce moment-ci, trois personnes ont demandé à s'adresser très brièvement au comité, alors, j'aimerais inviter M. Scott Clark, Mme Verna Benson et Mme Kelly White à se joindre à nous.

Sachez que, étant donné que le processus diffère un peu de celui des témoins officiels que nous avons entendus aujourd'hui, les exposés devraient être le plus brefs possible. Comme je l'ai déjà mentionné, ils pourraient toujours être présentés par écrit. Il n'est pas censé y avoir de question de mes collègues, mais nous pourrions faire une exception.

M. Scott Clark est le premier sur la liste. Monsieur, la parole est à vous.

Scott Clark, à titre personnel : Merci beaucoup de me donner l'occasion d'être ici aujourd'hui. Je suis le directeur administratif d'Aboriginal Life in Vancouver Enhancement, ALIVE. Je suis aussi un Salish de la côte. Nous avons effectivement présenté une demande officielle pour témoigner, mais il semble s'être passé quelque chose dans le cyberespace d'Ottawa, et nous n'avons pas pu comparaître. Nous espérons avoir l'occasion de fournir un rapport complet.

Au nom d'Aboriginal Life in Vancouver Enhancement, j'espère que notre organisme mettra fin à ses activités dans environ quatre ans. Nous offrons une nouvelle façon innovatrice d'examiner les réalités autochtones en milieu urbain et de trouver des solutions vraiment concrètes qui reflètent les aspirations des Autochtones, en particulier celles des jeunes et des mères seules, qui éprouvent des difficultés au quotidien dans la grande ville.

Vous avez entendu beaucoup de statistiques selon lesquelles nous représentons 2 p. 100 de la population de Vancouver. Je fais également partie du groupe chargé du processus de planification locale du Downtown Eastside, et nous comptons pour 10 p. 100 de cette population, mais, au fur et à mesure que vous vous rapprochez du secteur surnommé « Pain and Wastings », nous représentons jusqu'à 35 p. 100 de cette population. Au total, 40 p. 100 des personnes qui s'adonnent à la prostitution pour survivre dans la rue sont des femmes autochtones. Parmi elles, 40 p. 100 ont des enfants dont la garde est financée et assurée par des organismes délégués. En outre, 40 p. 100 des jeunes itinérants sont autochtones. Plus de la moitié des femmes disparues et tuées dans le Downtown Eastside sont autochtones. Soixante-dix pour cent de nos enfants sont expulsés du système scolaire. Il y a clairement quelque chose qui ne fonctionne pas, et c'est le système. Que ce soit un système fonctionnel ou dysfonctionnel, c'est un système.

Il y a 178 organismes sans but lucratif dans le Downtown Eastside. On y trouve plus de 50 organismes qui offrent des services aux Autochtones. Ils ne travaillent pas ensemble sur le terrain. Il n'existe aucun système coordonné et intégré visant à mieux travailler, au chapitre non seulement des services, mais également de l'économie, de s'intéresser non seulement à la personne, mais aussi à la famille et à la collectivité dans son ensemble. C'est le genre de système sur lequel nous travaillons activement, en collaboration avec plus de 80 partenaires de divers secteurs de la collectivité, et nous obtenons des résultats absolument merveilleux, et ce, bien souvent, sans aucun financement gouvernemental, juste en nous réunissant.

Le journal Province de Vancouver faisait état aujourd'hui d'un pacte de suicide à quelques coins de rue d'ici, et c'est quelque chose dont nous étions tous au courant depuis longtemps déjà. Le système nous a abandonnés. Les gens disent qu'ils ne peuvent régler ce problème pour des raisons de responsabilité, de confidentialité, et cetera. Il y a clairement un échec du système, et nous travaillons activement à modifier ce système.

Nous appuyons tout à fait la recherche, car il y a d'excellentes recherches qui ont été menées, dont l'Étude sur les Autochtones vivant en milieu urbain, celle qui a été menée à Vancouver. Tout comme beaucoup d'autres populations, les Autochtones vivant en milieu urbain aspirent à un logement salubre, à un emploi, à une carrière, à l'éducation, et cetera.

Nous appuyons la recherche. À l'heure actuelle, nous travaillons activement avec un grand nombre d'établissements universitaires pour appuyer les efforts réels que nous déployons, et nous obtenons non seulement des témoignages, mais aussi des résultats. Je ne suis pas ici aujourd'hui pour promouvoir mon organisme comme n'importe quel autre organisme. Comme je l'ai dit, si nous faisons un bon travail, nous mettrons fin à nos activités dans quatre ans. Le conseil des parcs, le conseil scolaire et la Ville commenceront à offrir du soutien aux Autochtones dans tous les 24 quartiers. Le modèle cloisonné actuel — qui a cours depuis plus de 50 ans à Vancouver — est clairement dépassé, compte tenu de la nouvelle réalité des Autochtones dans toute la ville de Vancouver, et, à mon avis, dans la région du Grand Vancouver et dans le Canada au complet.

J'ai en main un document que je vous encourage à lire. Il est intitulé From Restless Communities to Resilient Places : Building a Stronger Future for all Canadians. Il a été présenté au premier ministre Harper en 2006. Le document porte sur les stratégies adaptées au milieu et une foule de choses, du besoin de réviser les politiques fiscales jusqu'au travail auprès des populations vulnérables, qu'il s'agisse des Autochtones vivant en milieu urbain ou des immigrants.

De plus, des renseignements sur le contexte figurent dans les documents que je vous ai fournis; vous y trouverez des détails sur les sujets que nous abordons. En ce qui concerne les stratégies adaptées au milieu qui visent les Autochtones vivant en milieu urbain, vous pouvez prendre l'exemple de nos amis du Sud. Le président Obama a adopté des stratégies adaptées au milieu et finance actuellement des projets mis en place dans 20 quartiers prometteurs en vue de déterminer comment revoir les stratégies sociales, économiques et écologiques de façon à aider les gens et les collectivités dans leur ensemble à se prendre en main.

J'aimerais vous remercier de m'avoir donné l'occasion de vous fournir très brièvement ces renseignements. Je ne sais pas à qui les donner, mais voici nos documents. Merci.

Verna Benson, à titre personnel : Je m'appelle Verna, je suis de la nation Gitxsan de Hazelton, en Colombie- Britannique. J'ai appris de mes parents que notre collectivité éprouvait des difficultés. Je constate que mes frères et sœurs qui vivent à l'extérieur de la réserve sont touchés par le système des réserves. Un des sujets que je vais aborder, c'est l'itinérance dans notre réserve, qui est causée par une pénurie de logements. Certains d'entre nous doivent quitter la réserve pour réussir et payer des impôts, d'après ce que me dit la société.

Du fait que je vis à l'extérieur de la réserve, mon fils est également touché par cette situation, car il doit payer un loyer élevé, alors qu'il gagne un faible revenu. Je ne lui permettrai jamais de recevoir de l'aide sociale, alors il doit accepter n'importe quel emploi. En tant que jeune, il a du mal, à l'extérieur de la réserve, à conserver son logement, un taudis qui lui coûte les yeux de la tête.

Je fais également énormément d'efforts pour assurer ma subsistance et pour ne pas me retrouver dans la rue. Mes frères vivent également dans la réserve et ils sont dans la rue. Un d'entre eux a perdu sa maison parce que la bande l'a saisie. Tous ses biens s'y trouvaient, et sa famille vivait là. Il y a élevé ses enfants. C'est le bureau du conseil de bande qui l'a saisie. C'est un genre d'effet, un effet indirect.

Ce que je tente de faire actuellement, c'est d'écrire une lettre à l'honorable John Duncan, au Parlement. Je recommande fortement qu'on songe à nommer un porte-parole autochtone très dynamique qui saura représenter tant les personnes vivant dans les réserves que celles vivant à l'extérieur de celles-ci.

Je sais qu'il y a énormément de racisme dans la ville. Mon fils le subit au travail. Je travaille également avec le public. Je fais face quotidiennement au racisme. C'est très difficile de travailler dans ce genre d'environnement.

Je demande principalement de la sensibilité culturelle de la part de tous les citoyens canadiens qui viennent d'autres parties du monde et qui ne traitent pas les gens des Premières nations comme des humains. Ils nous considèrent toujours comme des citoyens de second ordre lorsqu'ils arrivent au Canada, car c'est ce qu'ils ont appris de la culture occidentale. C'est toujours le cas aujourd'hui. C'est très malheureux, mais c'est en partie la raison pour laquelle je suis ici aujourd'hui. Je compte parmi ceux qui ont toujours lutté contre le racisme. Je ne veux plus être la seule à le faire. Je vous demande de m'aider.

Mes frères et sœurs vivent à l'extérieur de la réserve, mais mes parents vivent dans la réserve. Un autre point que je dois soulever, c'est que nos gens participent également à l'expulsion de gens de la réserve. Nous sommes touchés par cela, car je ne peux plus retourner dans ma propre collectivité et je n'y suis plus la bienvenue, et je n'ai rien fait pour mériter cela. C'est parce que ma grand-mère vient de la réserve des Gitxsan. Le gouvernement s'est approprié cette réserve et la considère comme une terre de la Couronne. Il a expulsé tous les Autochtones qui y vivaient. Je suis une descendante de ces gens. J'ai demandé que la réserve accueille de nouveau nos gens pour qu'ils puissent retourner légitimement à l'endroit d'où ils viennent au lieu de se faire dire par d'autres réserves qu'ils ne sont pas les bienvenus parce qu'ils ne sont pas des leurs.

Lorsque mes frères ont quitté la réserve, ils ont également transféré leur carte de statut. Ma mère vient de la réserve Gitanyow. Ma sœur est Gitanyow. Mon frère est Gitanyow. J'ai demandé le retrait du nom de la bande Kispiox de ma carte de statut, et mon autre frère a une carte de statut de la réserve Gitanyow, mais il n'est pas le bienvenu dans cette collectivité. Il est difficile pour moi de vous parler de tout ça, mais c'est la réalité et c'est ce qui se produit actuellement. Certains de nos gens vivent actuellement cette situation, mais je ne peux parler que de mon expérience. Je ne peux pas parler au nom de n'importe qui de ce qui se passe actuellement.

Je voulais vous faire part de cela pour voir ce que je pourrais faire, mais, comme je l'ai mentionné, je souhaite fortement avoir un porte-parole autochtone qui saura parler haut et fort en mon nom et qui n'aura pas peur de jouer des coudes ou de faire des vagues dans la collectivité.

Merci.

Le sénateur Brazeau : Merci beaucoup d'avoir présenté cet exposé et d'avoir eu le courage de venir parler publiquement. Ce n'est pas toujours facile. Je suis certainement conscient du fait qu'il y a un grand nombre de personnes qui sont dans la même situation que vous et qui devraient avoir le courage de prendre la parole parce que ces choses doivent être dénoncées et que cela fait partie de l'exercice. Si nous voulons aller de l'avant ensemble, il faut aborder ces problèmes de façon honnête, car cela n'aide personne si nous nous contentons de les balayer sous le tapis.

Merci beaucoup. Le dernier témoin est Mme Kelly White. Allez-y, je vous prie.

Kelly White, à titre personnel :

[Le témoin s'exprime dans sa langue maternelle.]

À la mémoire de nos ancêtres des Salish de la côte, nous sommes reconnaissants de pouvoir accueillir le Sénat sur nos territoires non cédés. Nous remercions les Salish du Montana, de Washington et de la Colombie-Britannique qui ont été convoqués par Colomb et qui méritent les plus grands honneurs pour avoir guéri et uni nos nations dans la résistance contre l'apartheid.

Je remercie le Sénat et son personnel d'avoir pris la peine de venir jusqu'ici pour entendre nos préoccupations liées aux violations des droits de la personne. Je vous suis reconnaissante d'avoir été en mesure de nous transmettre, par courriel, les déclarations faites tout au long de la tournée nationale pour que nous puissions les diffuser durant l'émission des Premières nations sur les affaires publiques et veiller à ce que le message soit transmis au-delà des séances du comité sénatorial.

Je suis également reconnaissante à la chevronnée Susan Tatoosh, du centre d'amitié autochtone, qui a été en mesure de fournir des copies des documents. Je vous ai fourni une carte et des documents concernant l'endroit où mes parents et mes grands-parents vivent — c'est-à-dire à Musqueam —, où nous luttons contre la profanation d'un lieu de sépulture où se trouvent les restes de plus de 750 de nos ancêtres aux fins de la construction d'un immeuble de grande hauteur près de l'aéroport.

Vous savez que j'aimerais recommander le dépôt de ce document qui porte sur la protection des Musqueams. Le gouvernement fédéral est bien au courant — et c'est bien documenté — de la profanation des sépultures autochtones et de notre situation dans toutes les provinces du pays, où la majorité des nations se trouvent.

Ma recommandation serait de faire la paix avec nos gens dans la vie et la mort, car c'est une guerre qui coûte cher. J'ai également parlé d'un document des B.C. Aboriginal Veterans que j'ai apporté. Mon oncle a construit notre maison. Cinq générations y ont été élevées. Deux d'entre elles ont combattu durant la Première Guerre mondiale et à la Seconde Guerre mondiale. Mon oncle, le dernier des McLeans, a péri dans un incendie qui a ravagé sa maison. Il n'y avait pas d'électricité, car son allocation d'ancien combattant n'était pas suffisante pour payer les factures d'électricité, même si les cinq générations de notre famille ont vécu dans cette maison. Les choses n'ont pas changé aujourd'hui.

Je travaille bénévolement auprès des anciens combattants Salish de la côte, et nous travaillons depuis 8 ans avec des anciens combattants autochtones vivant en milieu urbain dans le cadre de la Journée des anciens combattants autochtones. Les choses n'ont pas changé pour nos anciens combattants. Le cofondateur de la Journée des anciens combattants autochtones à Vancouver est décédé. Ses obsèques ont eu lieu le mercredi précédant la Journée des anciens combattants autochtones. Le pays n'a même pas offert ne serait-ce qu'un drapeau, un biscuit ou une tasse de café en vue des obsèques de cet ancien combattant, qui a servi durant la Première et la Seconde Guerres mondiales.

La violation du droit à la vie de nos anciens combattants par le Canada est bien documentée. Ma recommandation est la suivante : le Canada devrait prendre conscience de l'attitude injuste adoptée à l'égard du droit à la vie de nos anciens combattants qui ont lutté — et qui luttent toujours — pour la liberté du Canada.

En tant que cofondatrice de la campagne sur les femmes disparues et tuées que nous menons depuis 1988, je vous fournis également un document à ce sujet. À titre de représentante du syndicat national des enseignants, j'ai parcouru le monde. Je suis également une membre active d'une ONG, le Conseil international des traités indiens, qui siège aux Nations Unies. Nous avons créé en 1988 la marche commémorative pour les femmes disparues et tuées et nous nous sommes fait connaître par le public en 1990, lorsque nous avons dû ramasser les morceaux démembrés de notre cousine devant le poste de police.

Nous travaillons actuellement sur la commémoration de 33 femmes tuées à Vancouver, et je vous fournis un document concernant l'obtention de soutien et le rapatriement des corps. Il a fallu nous battre avec le gouvernement, de 1997 à 2002, pour qu'il permette aux familles de rapatrier les restes de leurs êtres chers, et huit familles n'ont même pas reçu les parties du corps provenant de ces 33 meurtres.

Je recommanderais au Sénat d'appuyer la commémoration organisée par ces familles. Dans la région du Grand Vancouver, nous travaillons actuellement sur un totem commémoratif de 33 pieds qui représente toutes les femmes qui ont été tuées dans cette région. Le totem sera érigé l'année prochaine.

Vous avez entendu de nombreuses raisons — dont les meurtres et les disparitions — qui expliquent pourquoi nous appréhendons le système d'aide sociale et l'itinérance. Je vous recommanderais d'inviter le groupe de travail sur les femmes disparues et tuées à témoigner et de transmettre tous nos documents au Sénat. Nous aimerions établir une relation ouverte avec le Sénat et travailler en collaboration avec lui à partir de la Colombie-Britannique.

Nous avons créé le programme Sister Watch avec la police de Vancouver, qui entretient des relations tendues avec les Autochtones. Je vous ferai également parvenir un document à ce sujet. Je ne l'ai pas en main, mais je vous transmettrai le document de Sister Watch qui porte sur notre partenariat avec les familles des femmes tuées et la police de Vancouver.

Mon dernier document porte sur les anciens combattants. Nous travaillons actuellement pour améliorer leur sort, par nos propres moyens. Nous demandons que les anciens combattants du Canada soient respectés, qu'on les aide à assurer leur subsistance et qu'on leur offre du soutien à l'égard de leurs obsèques et de leur mode de vie. Nous demandons qu'un soutien soit offert aux familles des anciens combattants qui font face à des besoins énormes lorsque les militaires reviennent infirmes et handicapés, incapables de travailler, et encore moins de payer leurs frais médicaux.

En conclusion, je suis reconnaissante à l'Esprit du Créateur d'avoir rendu possible cette tournée du comité. Je vous invite à vous lever et à observer 30 secondes de silence à la fin de mon exposé. Je vous remercie d'accepter les recommandations de gens de partout au pays en ce qui concerne le grand carnage et le meurtre prémédité auxquels font face les Autochtones en raison de la violation quotidienne des droits de la personne — dans l'encre et dans le sang — par le gouvernement canadien.

Je vous invite à observer un moment de silence à la mémoire de la force de nos ancêtres sur sept générations et qui nous amène à ce partenariat, puisque votre honorable présence vous permet de prendre connaissance, en personne, des difficultés éprouvées par les Autochtones, et cette force nous rappelle que, pour les sept générations à venir, nous créons un meilleur avenir.

Je vous invite maintenant à observer un moment de silence à la mémoire de la force de nos ancêtres pour qu'elle permette au Sénat d'être en mesure de venir plus souvent écouter les gens et répondre à leurs besoins. Par ailleurs, je tiens à observer un moment de silence à la mémoire de mes oncles qui étaient des anciens combattants ainsi que des victimes de meurtre dans notre collectivité et partout au pays.

[Le témoin s'exprime dans sa langue maternelle.]

Au début, lorsque nous sommes arrivés au Canada, nous lui avons dit que nous l'aimions, mais cela dépend maintenant de vous. Vous avez pris le taureau par les cornes, et, dans notre cas, le taureau, c'est l'apartheid. Je vous remercie, vous et tous les membres de votre personnel, d'avoir accepté l'insigne honneur que le Créateur vous a conféré en vous investissant de cette tâche. Sur ce, j'aimerais avoir l'autorisation de vous inviter à vous lever et à observer un moment de silence à la mémoire de toutes les victimes de meurtre et des anciens combattants.

Le sénateur Brazeau : Par souci de respect du protocole, tant que cela convient à tout le monde, nous pouvons le faire. Alors, allons-y.

Mme White :

[Le témoin chante dans sa langue maternelle.]

Au nom de nos relations, nous faisons la paix. Ensemble, nous travaillons pour la paix. C'est notre objectif. Merci pour votre temps.

Le sénateur Brazeau : Merci beaucoup.

Le sénateur Harb : Permettez-moi de vous remercier chaleureusement de votre excellent exposé. Nous avons certainement eu une journée très productive. Tous les représentants — individuellement et collectivement — ont été en mesure de nous fournir beaucoup de renseignements. Nous nous engageons à intégrer le plus de renseignements et de propositions que possible. Encore une fois, merci beaucoup. Que Dieu vous bénisse.

J'aimerais demander que le rapport intitulé From Restless Communities to Resilient Places : Building a Stronger Future for All Canadians, daté de juin 2006, soit intégré dans la transcription.

Le sénateur Brazeau : Cela mettra fin à notre séance d'aujourd'hui. J'aimerais remercier tous les organisateurs qui nous ont permis d'être ici aujourd'hui — et hier, au centre d'amitié — pour tenir des discussions fructueuses.

Comme je l'ai dit — et je vais continuer de le répéter —, c'est le début du dialogue. Nous vous sommes certes reconnaissants pour tous les renseignements fournis. Un dernier mot, et la séance sera levée.

À titre d'information, nous avons un petit cadeau à offrir au centre et au président du centre en guise de remerciement, et nous allons le faire après la levée de la séance.

(La séance est levée.)


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