Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 3 - Témoignages du 5 octobre 2011
OTTAWA, le mercredi 5 octobre 2011
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 11, pour examiner les progrès réalisés dans la mise en œuvre du Plan décennal pour consolider les soins de santé de 2004.
Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, la séance est ouverte.
[Français]
Je vous souhaite la bienvenue au Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Traduction]
Je suis Kevin Ogilvie, sénateur de la Nouvelle-Écosse, et je vais demander à mes collègues de se présenter en commençant par celui qui se trouve à ma gauche.
Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, de Toronto, vice-président du comité.
Le sénateur Cordy : Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Martin : Yonah Martin, de Vancouver en Colombie-Britannique.
Le sénateur Seidman : Judith Seidman, de Montréal au Québec.
Le sénateur Braley : David Braley, de Hamilton en Ontario.
Le président : Notre séance d'aujourd'hui est un peu spéciale car les sénateurs devront quitter la salle à 17 h 15 pour prendre part à un vote important au Sénat. J'invite donc mes collègues sénateurs ainsi que nos témoins à convenir de la marche à suivre que je vais vous décrire. Nous aurons certes le temps d'entendre les déclarations préparées par nos témoins. Je vais ensuite demander à mes collègues de poser à tour de rôle leurs questions qui seront portées au compte rendu. S'ils sont d'accord, nos témoins pourront répondre par écrit aux questions qui seront restées en suspens au moment de notre départ. Nous vous en serions extrêmement reconnaissants.
Est-ce que cette façon de procéder convient aux honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
Le président : Je vous remercie. Je vous rappelle qu'à 17 h 15, les sénateurs devront aller voter en Chambre.
Dans le cadre de notre examen des progrès réalisés dans la mise en œuvre du Plan décennal pour consolider les soins de santé de 2004, nous aborderons aujourd'hui le sujet de la santé et des ressources humaines. Nous allons entendre des témoins représentant le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, Ressources humaines et Développement des compétences Canada, et la Société Santé en français.
Si cela vous convient, je vais vous demander de nous faire vos exposés en suivant la séquence dans laquelle vous figurez à l'ordre du jour. Chacun à votre tour, vous pourrez ainsi nous présenter les collègues qui vous accompagnent. Je sais que certains parmi vous sont accompagnés de nombreux collaborateurs qui pourront répondre à nos questions au besoin. Pour ce qui est des présentations, peut-être pourrions-nous nous en tenir à ceux qui sont déjà à la table. Nous allons débuter avec le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, et je vais demander au Dr Padmos de se présenter et de nous présenter sa collègue.
Dr Andrew Padmos, directeur général, Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada : Merci, sénateur Ogilvie et honorables sénateurs; c'est un privilège pour moi d'être ici. J'aimerais vous présenter ma collègue, Mme Danielle Fréchette, directrice du Bureau des politiques de la santé au Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. Je suis directeur général du collège depuis 2006. Le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada est le gardien de l'éthique professionnelle des 33 000 médecins spécialistes et chirurgiens que compte notre pays. Nous ne représentons pas leurs intérêts économiques. Nous défendons leurs ambitions professionnelles. Nous établissons les normes en matière d'éducation, de formation et d'apprentissage continu pour ces médecins. Nous nous sommes toujours intéressés de très près aux ressources humaines en santé, car notre clientèle de départ est constituée des diplômés des écoles de médecine qui intègrent le marché du travail en tant que médecins résidents. Nous suivons leur cheminement jusqu'à la retraite. Une retraite qui est retardée dans bien des cas compte tenu de la conjoncture économique récente.
Les Canadiens sont fiers de leur système de santé et se réjouissent de bon nombre des solutions apportées dans le cadre de l'entente de 2004, mais nous ne sommes pas pleinement convaincus que tous les problèmes ont été réglés. L'accès aux soins de santé demeure une source de frustration. Pour ma part, je continue à pratiquer l'hématologie à temps partiel, surtout pour mon bien-être mental mais aussi, j'ose l'espérer, pour le mieux-être de mes patients. Je travaille au Hants Community Hospital de Windsor en Nouvelle-Écosse. En consultant la liste des patients que je reçois lors de mes cliniques mensuelles, je constate que plus de la moitié d'entre eux ont attendu six mois pour voir un spécialiste après avoir été aiguillés par leur médecin de famille. Ce n'est qu'un simple exemple, mais cela demeure inacceptable.
L'autre extrémité du spectre est également préoccupante. D'une manière générale, les médecins travaillent trop. En moyenne, ils travaillent 53 heures par semaine, mais on ne comptabilise ici que le temps passé au bureau ou à la clinique. Il faut ajouter les 120 heures, voire davantage, pendant lesquelles ils sont sur appel. Je dois préciser que les médecins sur appel sont au travail dans la plupart des cas. Nous ne jouons pas au golf en attendant que le téléphone sonne.
Nos préoccupations sont partagées par les Canadiens et nous avons trois recommandations que nous aimerions vous soumettre. Premièrement, il faut poursuivre et bonifier les investissements dans des programmes d'éducation et de formation médicale centrés sur le patient qui soutiennent l'apprentissage continu. Si l'on veut réussir à transformer notre système de santé, il faut absolument s'assurer que les programmes d'éducation et de formation des professionnels de la santé satisfont aux normes les plus élevées. Les soins axés sur le patient, la collaboration interprofessionnelle et l'intégration des soins sont autant d'éléments qui méritent et exigent une attention plus soutenue et des investissements additionnels.
La deuxième recommandation que nous souhaiterions réitérer vous a probablement été soumise à maintes reprises, mais demeure très pertinente. Nous avons besoin d'un observatoire pancanadien en matière de ressources humaines en santé afin de pouvoir compter sur une base de données suffisante pour planifier adéquatement. Au Canada, la maîtrise scientifique de la gestion des ressources humaines en est encore à un stade très primaire; nous ne faisons que naviguer entre les crises d'une localité ou d'une spécialité à l'autre.
Notre troisième recommandation vaut la peine qu'on s'y arrête un instant. Les blessures et les accidents nous touchent tous d'une façon ou d'une autre. Le Canada a besoin d'une stratégie de prévention des blessures pour mieux sensibiliser la population et mobiliser les ressources nécessaires pour réduire ces blessures dont on n'a nullement besoin. Sans compter les pertes de vie et les situations d'incapacité souvent permanentes et douloureuses qui en résultent, les blessures entraînent aussi d'importants coûts financiers.
Monsieur le président, nous pourrions vous formuler bien d'autres excellentes recommandations, mais nous avons choisi de cibler ces trois-là. Je vais demander à Mme Fréchette de vous dire quelques mots, car elle représente notre organisation à l'International Health Workforce Collaborative (IHWC).
[Français]
Danielle Fréchette, directrice, Bureau des politiques de la santé, Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada : J'aimerais mettre l'accent sur les possibilités de partage de connaissances et d'expertises que nous perdons au Canada.
[Traduction]
L'IHWC permet de réunir quatre pays dont les systèmes de santé sont similaires : les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie et Canada. Ces rencontres nous révèlent à tous d'immenses possibilités de collaboration internationale et de transfert des connaissances, car chacun accomplit de son côté des choses extraordinaires. Nous nous pencherons notamment cette année sur l'impact des observatoires en matière de ressources humaines de la santé établis dans nos pays partenaires pour ce qui est de l'accès rapide de leurs citoyens à des soins de grande qualité. Le Canada n'a toujours pas mis sur pied un tel observatoire, mais nous ne sommes pas les parents pauvres pour autant, car quelques- unes de nos réalisations à l'échelle des provinces et des territoires sont impressionnantes. D'ailleurs, nos collègues provinciaux et territoriaux qui participent à l'IHWC estiment que c'est pour eux une bonne occasion de tirer des enseignements de nos expériences et de celles de nos homologues étrangers. Il est grand temps que nous envisagions sérieusement l'établissement d'un observatoire. La dernière recommandation formulée par le Dr Padmos concernait la réduction des blessures. Quel est le rapport avec les ressources humaines en santé? Pensez simplement à toutes ces blessures et interventions qu'il est impossible de prévoir et qui bousillent tous nos efforts en vue d'une planification efficace, et vous comprendrez qu'il y a lieu de s'intéresser à la question.
Les coûts s'élèvent à 20 milliards de dollars pour notre réseau de soins de santé au sein duquel les ressources humaines jouent un rôle très important. Il y a donc tout lieu de se pencher sur cette problématique.
Le président : Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer aux représentants de Ressources humaines et Développement des compétences Canada. Je vais demander à Jean-François LaRue de commencer.
Jean-François Larue, directeur général, Intégration au marché du travail, Ressources humaines et Développement des compétences Canada : Monsieur le président, distingués membres du comité, je vous remercie.
[Français]
Je suis le directeur général de la direction de l'intégration au marché du travail au sein de la direction générale des compétences et de l'emploi. Au nom de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, je souhaite remercier le comité de me donner de la possibilité de discuter de la reconnaissance des titres de compétence étrangers dans le cadre de l'accord de 2004 sur la santé.
[Traduction]
Aujourd'hui, je souhaiterais présenter au comité un bref aperçu de l'important travail réalisé dans le cadre du Programme de reconnaissance des titres de compétences étrangers de RHDCC afin d'améliorer la situation sur le marché du travail des individus formés à l'étranger et, plus particulièrement, des professionnels de la santé formés à l'étranger. Tout d'abord, je souhaite souligner que si la reconnaissance des titres de compétences étrangers est en grande partie la responsabilité des provinces et des territoires, le gouvernement fédéral joue un rôle de chef de file afin de faciliter l'amélioration des processus en la matière.
Le gouvernement du Canada facilite la coordination nationale, aide à renforcer la capacité au sein des gouvernements provinciaux et territoriaux, incite les intervenants à diriger des projets qui permettent d'améliorer les processus de reconnaissance des titres de compétences étrangers et vient en aide aux personnes concernées en leur fournissant de l'information et un soutien financier ciblé.
Depuis 2003, le programme fournit un soutien financier stratégique aux intervenants clés chargés de l'évaluation et de la reconnaissance des titres de compétences étrangers, y compris ceux des professionnels de la santé. Notre soutien permet à des organismes comme le Conseil médical du Canada et l'Association des infirmières et infirmiers du Canada d'élaborer des processus et des pratiques qui sont équitables, cohérents, transparents et rapides.
[Français]
Nous avons joué un rôle important pour faciliter l'émergence de partenariats pancanadiens. Depuis sa création, le programme a financé plus de 160 projets totalisant plus de 90 millions de dollars, y compris le financement accordé à sept gouvernements provinciaux et territoriaux pour l'élaboration de systèmes et d'outils de reconnaissance des titres de compétence étrangers.
[Traduction]
Les projets appuyés par RHDCC sont, par nature, pancanadiens. Par exemple, le ministère a engagé le dialogue avec l'Association canadienne des organismes de réglementation en ergothérapie. Cette association est chargée d'élaborer une évaluation unique axée sur les compétences, ainsi qu'un examen national de reconnaissance professionnelle et des normes linguistiques. Qu'est-ce que cela signifie concrètement? Cela veut dire que les ergothérapeutes formés à l'étranger seront en mesure de présenter une demande de permis d'exercice par l'intermédiaire d'un seul système au lieu de 13, comme c'était le cas auparavant.
Autre exemple, en collaboration avec les organismes de réglementation qui représentent les infirmières et les infirmiers autorisés, les infirmières et les infirmiers auxiliaires autorisés et les infirmières et les infirmiers psychiatriques, RHDCC appuie actuellement la création d'un service national d'évaluation des infirmières et des infirmiers. Ce projet permettra non seulement de créer un point d'accès unique pour l'ensemble des infirmières et des infirmiers formés à l'étranger, mais ce type de processus donnera également aux intervenants du milieu infirmier la possibilité de déplacer le processus de candidature pour qu'il puisse être initié à l'étranger.
[Français]
Pour régler les problèmes qu'éprouvent au Canada, les individus formés à l'étranger, les premiers ministres ont accepté de prendre des mesures concertées en chargeant les ministres responsables du marché du travail d'élaborer le Cadre pancanadien d'évaluation et de reconnaissance des qualifications professionnelles acquises à l'étranger.
[Traduction]
Lancé en 2009 et dirigé par RHDCC en collaboration avec CIC, ce cadre constitue un engagement public historique qui établit une vision nationale commune, des principes directeurs et des objectifs de résultats afin d'améliorer l'intégration au marché du travail des travailleurs formés à l'étranger. Par l'intermédiaire de ce cadre, les organismes de réglementation et les intervenants travaillent avec les gouvernements afin de s'assurer que les processus utilisés pour évaluer les titres de compétences étrangers respectent les principes d'équité, de cohérence, de transparence et de rapidité établis dans le cadre. Étant donné la vaste portée des travaux, les gouvernements ont convenu de cibler, pendant une période de trois ans, 14 professions qui feront l'objet de mesures individuelles et collectives. Neuf des 14 professions visées sont des professions du domaine de la santé, comme les médecins, les infirmières et les infirmiers autorisés et les technologues en radiation médicale.
Le travail effectué avec les intervenants du domaine de la santé est important et continue de progresser. Cependant, un engagement permanent de toutes les parties est nécessaire pour atteindre les résultats visés, et cela prendra du temps. Au cours de nos discussions avec plusieurs intervenants, nous avons souvent entendu parler des difficultés financières qu'éprouvaient les travailleurs formés à l'étranger lorsqu'ils souhaitent faire reconnaître leurs titres de compétences. C'est le cas en particulier du processus de reconnaissance professionnelle qui peut s'avérer très coûteux pour certaines professions du domaine de la santé. Le manque d'antécédents en matière de crédit et d'expérience professionnelle au Canada peut constituer un obstacle pour les individus au moment d'obtenir des prêts auprès des institutions financières canadiennes. C'est en tenant compte de cet aspect que le gouvernement fédéral a présenté dans le cadre du budget de 2011 une initiative de projet pilote d'aide financière complémentaire afin de les aider à couvrir les coûts associés au processus de reconnaissance des titres de compétences étrangers.
[Français]
Ma direction est également chargée de réduire les obstacles à la mobilité de la main-d'œuvre auxquels se heurtent les Canadiens qui changent de province et les travailleurs formés à l'étranger qui essaient d'intégrer l'économie canadienne.
La pleine mobilité de la main d'œuvre permet d'améliorer les perspectives d'emploi des travailleurs et de donner accès aux employeurs à un bassin de ressources humaines plus vastes et plus riches; la mobilité de la main d'œuvre et la reconnaissance des titres de compétence étrangers vont de pair, elles sont en fait complémentaires.
[Traduction]
En résumé, les consultations nationales menées auprès des intervenants ont permis de confirmer non seulement que les systèmes d'évaluation et de reconnaissance des titres de compétences étrangers sont complexes, longs et coûteux, mais aussi que les organismes responsables de ces systèmes disposent de moyens limités pour faire face à ces problèmes dans leur intégralité, en plus d'accomplir leurs activités quotidiennes. Les principaux messages clés relevés indiquent qu'il faut que toutes les parties, y compris les employeurs, prennent un engagement à long terme et qu'il faut établir un soutien financier supplémentaire. Afin de poursuivre sur cette lancée, tous les gouvernements et les intervenants clés, y compris ceux liés aux professions du domaine de la santé, doivent s'engager à collaborer de façon continue, s'appuyer sur les succès enregistrés et les leçons apprises, et continuer à prendre des mesures concertées.
Pour conclure, je voudrais souligner que le Programme de reconnaissance des titres de compétences étrangers continuera à jouer un rôle clé dans le cadre de la réponse du gouvernement du Canada à l'égard de la reconnaissance des titres de compétences étrangers. En s'appuyant sur les leçons apprises au fil des années, le programme sera en mesure de reproduire les réussites obtenues avec les professions de dentiste et d'infirmière et infirmier, afin de remédier aux obstacles systémiques sur le marché du travail à plus grande échelle.
Marc LeBrun, directeur général, Programme canadien de prêts aux étudiants, Ressources humaines et Développement des compétences Canada : C'est avec plaisir que je suis ici aujourd'hui pour parler des travaux en cours relativement à la radiation des dettes d'études pour les médecins de famille, les infirmiers praticiens et les infirmiers, tel que le prévoit le budget de 2011.
Comme vous le savez, le gouvernement du Canada s'est engagé, dans son budget de 2011, à radier une partie des prêts d'études canadiens des nouveaux médecins de famille, des infirmiers praticiens et des infirmiers qui travaillent dans des collectivités rurales et éloignées qui sont mal desservies, notamment celles où des services de santé sont offerts aux membres des Premières nations et aux populations inuites.
[Français]
À compter de 2012-2013, les médecins de famille seront admissibles à l'annulation d'une partie de leur prêt d'étude canadien à la hauteur de 8 000 $ par année, jusqu'à concurrence de 40 000 $.
Quant aux infirmiers praticiens, ils auront droit à l'annulation de leur prêt d'étude canadien à hauteur de 4 000 $ par année jusqu'à concurrence de 20 000 $ au total. Cette initiative s'ajoute aux initiatives déjà mises en place dans les territoires pour contrer la pénurie de professionnels de la santé dans ces collectivités et élargir l'offre des soins de santé primaires des Canadiens et des Canadiennes qui y vivent.
[Traduction]
Comme cette initiative touche à la fois l'aide financière aux étudiants et les ressources humaines en santé, RHDCC collabore avec des représentants de Santé Canada afin de coordonner les activités de consultation, notamment les échanges avec ses partenaires provinciaux et territoriaux qui possèdent de l'expertise dans ces domaines.
Au cours des mois à venir, des consultations auront lieu également avec des intervenants clés du secteur privé, y compris des groupes représentant les médecins de famille, les infirmiers praticiens et les infirmiers afin de recueillir leurs commentaires quant au meilleur moyen de mettre en œuvre cette initiative et d'aider à définir certains paramètres importants du programme.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir donné la chance de parler de cette initiative aujourd'hui.
[Traduction]
Le président : Pour la gouverne de ceux qui ont raté le début de la séance, je rappelle que nous avons convenu de faire un tour de table pour permettre à chaque sénateur de poser au moins une question. Nos témoins ont accepté de fournir des réponses écrites après la séance. S'il reste du temps une fois que toutes les questions auront été posées, je recommencerai du début pour voir si nous ne pouvons obtenir quelques réponses dès aujourd'hui. Je voulais seulement m'assurer que tout le monde était bien au courant de notre façon de procéder.
Nous passons maintenant aux gens de Santé Canada. Monsieur Shearer, voulez-vous commencer?
Robert Shearer, directeur général par intérim, Direction des programmes et des politiques de soins de santé, Direction générale de la politique stratégique, Santé Canada : Merci de nous accueillir aujourd'hui, ma collègue et moi-même. Je vais laisser Shelagh Jane Woods se présenter elle-même à la fin de l'exposé.
C'est un plaisir d'être ici au nom de Santé Canada. Je remercie le comité de me donner l'occasion de rendre compte des progrès accomplis dans le secteur des ressources humaines en santé, ce que bon nombre de nos collègues appellent les RHS, depuis la signature de l'accord sur la santé de 2004.
Comme vous le savez sans doute, le gouvernement fédéral a pris les engagements suivants en 2004 : accélérer et élargir l'évaluation et l'intégration des diplômés en santé formés à l'étranger; instaurer des initiatives ciblées visant à appuyer les collectivités autochtones et les communautés de langue officielle en situation minoritaire afin d'accroître le nombre de professionnels de la santé dans ces collectivités; prendre des mesures pour réduire le fardeau financier des étudiants de certains programmes de formation en santé, en collaboration avec nos collègues d'autres ministères fédéraux; et participer à la planification des RHS avec les provinces et les territoires intéressés.
Même si le Canada ne dispose pas d'un plan national unique en matière de ressources humaines en santé, Santé Canada demeure déterminé à relever les défis sur le plan des RHS et à promouvoir l'innovation dans son secteur de compétence, tout en appuyant les provinces, les territoires et les intervenants dans les secteurs où les besoins se font sentir.
Santé Canada joue un rôle de premier plan en matière de RHS en appuyant un éventail de projets et d'initiatives ciblés d'importance nationale. Des investissements considérables ont été consentis : 20 millions de dollars par année pour la Stratégie pancanadienne sur les ressources humaines en santé; 18 millions de dollars par année pour l'Initiative relative aux professionnels de la santé formés à l'étranger; 174,3 millions de dollars sur une période de cinq ans qui se termine en 2013 pour améliorer l'accès aux services de santé dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire, y compris via le recrutement et le maintien en poste de professionnels de la santé; 34,5 millions de dollars sur cinq ans pour déployer la Stratégie d'innovation en soins infirmiers dans les collectivités des Premières nations situées en région éloignée ou isolée; et, le dernier mais non le moindre, 80 millions de dollars sur cinq ans, soit jusqu'en 2015, pour l'Initiative sur les ressources humaines en santé autochtone.
Parlons tout d'abord de la Stratégie pancanadienne sur les ressources humaines en santé, qui a financé plus de 100 projets en vue de faire progresser la planification des ressources humaines en santé, d'améliorer la formation et la pratique interprofessionnelles et d'accroître le recrutement et le maintien en poste de fournisseurs de soins de santé.
Par exemple, dans le cadre de cette stratégie, Santé Canada investit actuellement 39,5 millions de dollars sur six ans pour former plus de 100 résidents en médecine familiale dans des collectivités rurales et éloignées de différentes régions du pays.
J'aimerais aussi vous parler brièvement de l'Initiative relative aux professionnels de la santé formés à l'étranger, qui a financé plus de 140 projets depuis 2005 afin de faciliter l'accès aux services d'information et d'orientation, l'évaluation des titres de compétences, la formation et d'autres formes de soutien en vue de l'intégration de ces professionnels au marché du travail.
Par exemple, la Colombie-Britannique utilise des fonds fournis par Santé Canada pour financer des cours et des programmes de perfectionnement des compétences en vue d'aider les professionnels formés à l'étranger et les employeurs à surmonter les difficultés de langage et de communication.
L'Initiative relative aux professionnels de la santé formés à l'étranger est en accord avec les objectifs et les professions cibles établis dans le Cadre pancanadien d'évaluation et de reconnaissance des qualifications professionnelles acquises à l'étranger, dont M. LaRue vous a déjà parlé.
[Français]
Le travail de Santé Canada comporte un autre élément important, l'amélioration de l'état de santé de toutes les Canadiennes et de tous les Canadiens en augmentant les effectifs de professionnels bilingues de la santé. Dans certaines régions du Canada, les communautés francophones sont moins de 2 p. 100, à Terre-Neuve-et-Labrador, en Colombie- Britannique, en Saskatchewan et en Alberta.
Dans le cadre du Programme de contribution pour les langues officielles en santé, plus de 143 millions de dollars ont été investis dans la formation de professionnels de la santé pendant les sept premières années.
Au Québec, de la formation en anglais est offerte aux travailleurs de la santé et aux médecins dans le but d'augmenter leur capacité à communiquer avec près d'un million d'anglophones dispersés dans toutes les régions de la province.
À l'extérieur du Québec, Santé Canada finance un regroupement de 11 collèges et universités offrant 90 programmes de formation postsecondaire en français dans le domaine de la santé à l'échelle du Canada.
Grâce à cette initiative, plus de 2 200 étudiants du volet francophone ont obtenu leur diplôme postsecondaire au cours des sept premières années de l'accord et plus de 8 200 travailleurs de la santé au Québec ont suivi leur formation en anglais pendant la même période.
Selon leur évaluation du programme des langues officielles, effectuée en 2008, le programme avait déjà contribué à l'augmentation du nombre de travailleurs de la santé pouvant répondre aux besoins de la communauté de langue officielle en situation minoritaire. Et ils conservent leur pertinence, car la barrière linguistique persiste pour les communautés francophones et anglophones en situation minoritaire au Canada.
[Traduction]
Enfin, j'aimerais mentionner que la coopération et la collaboration sont essentielles à notre travail pancanadien sur les RHS. Santé Canada appuie les efforts concertés à titre de coprésident du Comité consultatif fédéral-provincial- territorial sur la prestation des services de santé et les ressources humaines, connu aussi sous le sigle CCPSSRH. Ce comité a été créé en 2002 par la conférence des sous-ministres pour établir des correspondances entre les questions de réforme des soins de santé primaires, de prestation des services et de RHS.
Le CCPSSRH doit d'ailleurs soumettre un mémoire écrit à votre greffière pour vous mettre au fait de son travail.
Le gouvernement fédéral participe également au CCPSSRH en tant qu'instance qui emploie directement des dispensateurs de soins de santé, car il lui incombe de financer et de prodiguer certains services de santé aux populations sous responsabilité fédérale, tels les Premières nations et les Inuits, les anciens combattants admissibles, les revendicateurs du statut de réfugié, les détenus des pénitenciers fédéraux et les membres en service des Forces canadiennes et de la Gendarmerie royale du Canada.
J'inviterais maintenant ma collègue, Shelagh Jane Woods, de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, à prendre la parole afin de vous résumer les points saillants de l'Initiative sur les ressources humaines en santé autochtone.
Shelagh Jane Woods, directrice générale, Direction des soins de santé primaires et de la santé publique, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, Santé Canada : Je veux remercier les honorables sénateurs de nous avoir invités.
[Français]
Dans le budget de 2010, l'Initiative sur les ressources humaines en santé autochtone a été renouvelée pour cinq ans à hauteur de 80 millions de dollars pour poursuivre les travaux réalisés dans la première phase de l'initiative. Permettez- moi de vous énumérer quelques-uns des succès obtenus par l'initiative jusqu'à présent.
[Traduction]
Nous avons appuyé plus de 2 200 étudiants autochtones dans une vaste gamme de carrières en santé grâce au programme de bourses de l'IRHSA.
[Français]
Nous avons financé plus de 240 projets menés de concert avec les établissements d'enseignement postsecondaire, qui ont offert du soutien aux étudiants, des programmes de transition et un accès à des programmes d'études postsecondaires en santé ou en adaptation du cursus, par exemple, et à d'autres projets.
[Traduction]
Notre travail avec des associations professionnelles, des universités et des collèges nous a permis d'établir pour les médecins et le personnel infirmier des cadres de compétences culturelles qui sont mis en œuvre dans les universités et les collèges de tout le Canada.
L'IRHSA tourne maintenant son attention vers les travailleurs de la santé œuvrant dans les collectivités des Premières nations et les collectivités inuites afin de faire en sorte qu'ils aient des compétences et des diplômes comparables à ceux des travailleurs de la santé intégrés aux systèmes de santé des provinces et des territoires.
[Français]
Bien qu'il nous reste encore beaucoup à faire, les bases qui ont été jetées dans le cas de l'IRHSA contribueront d'une façon importante à la constitution d'un effectif de Premières nations et d'Inuits dans le domaine de la santé qui réponde mieux au besoin de ces populations.
Cet effectif aura un niveau de compétence comparable à celui des personnes travaillant dans les systèmes de santé provinciaux et territoriaux.
Dr Brian Conway, président, Société Santé en français : Bonjour, je suis infectiologue de formation et membre en bonne et due forme du Collège royal. Je vous parle aujourd'hui en tant que président de la Société Santé en français, et je vous remercie de l'occasion de vous faire part de la perspective des communautés francophones et acadienne en situation minoritaire sur les résultats du Plan décennal sur la santé, adopté en 2004, en insistant sur les questions de ressources humaines.
Comme vous le savez tous, je représente les communautés acadiennes et francophones de l'extérieur du Québec, qui représentent plus d'un million de Canadiens et de Canadiennes qui ont besoin d'accès à des services de santé de qualité et dans leur langue.
Dès 2002, dans les rapports de l'époque, un comité semblable à celui-ci citait déjà les cinq leviers sur lesquels on appuyait le mouvement de la Santé en français, c'est-à-dire réseautage, formation, développement des lieux de service, développement de nouvelles technologies, puis mettre en place des structures pour la dissémination de l'information. Nous, au sein de la Société Santé en français, fondée en 2002, avons adopté le modèle du pentagramme de l'Organisation mondiale de la santé qui favorisait une action concertée réunissant communautés, professionnels de la santé, institutions de formation, établissement de services et décideurs politiques de tous les paliers pour aviser les structures existantes dans le système de santé sur la façon de servir les populations francophones et acadiennes. On a établi 17 réseaux dans les 12 provinces et territoires que nous desservons et, au cours des années, on a connu de francs succès. On a réussi à financer au-delà de 225 initiatives touchant les aînés, les enfants, la jeunesse, les familles immigrantes et souvent, les plus vulnérables et démunis d'entre nous.
Je vous citerais quelques exemples des succès réalisés dus au plan d'action. À Fredericton, au Nouveau-Brunswick, un petit groupe de francophones, en collaboration avec la société Pierre-Armand Landry, a entrepris une étude de l'accès à des services pour les francophones de cette région. Deux ans plus tard, le groupe devenait le comité Santé en français et procédait à répertorier et à sensibiliser les professionnels et les services de santé à l'importance de la langue dans les soins de santé et l'initiative a éventuellement mené au centre Noreen Richard, un centre de santé communautaire qui sert plus de 2 000 francophones de la grande région de Fredericton. L'étude de besoins a mené à des services tangibles qui sont déjà mesurables.
En Nouvelle-Écosse, environ 70 ambulanciers paramédicaux sont bilingues; ils offrent des services médicaux d'urgence en français, sans mentionner la ligne 1-800 qui offre des conseils de santé, 24 heures par jour, sept jours par semaine, sur demande pour la population acadienne de cette région.
En Ontario, on reconnaît bien qu'on a établi des listes de la planification francophone pour toutes les régions, le nord, le sud et l'est pour répondre aux besoins des francophones et de la plupart des régions. Ce sont les réseaux de la Société Santé en français qui sont les entités de planification. Il y a un bon agencement avec les programmes fédéraux voulant appuyer les services aux francophones et aux acadiens et la livraison des services de santé sur une base provinciale.
Chez nous, dans ma province de la Colombie-Britannique, plus de 10 p. 100 de la population démunie et vulnérable de notre fameux « down town east side » est d'origine francophone. Nous avons mis en place des services pour les intégrer dans le système de la santé. Aux cliniques « community health centers » et aussi dans le centre universitaire « downtown » que je dirige, nous accueillons parmi les plus vulnérables d'entre nous pour leur offrir des services de médecine générale, traitement de l'accoutumance, traitement de fine pointe pour le VIH et l'hépatite C. Tout cela est disponible dans leur langue maternelle avec l'appui des autorités provinciales. Le meilleur service possible est livré d'emblée, de la meilleure façon possible et dans la langue maternelle de la personne qui en fait la demande.
Mon collègue de Santé Canada a déjà mentionné les accomplissements importants de nos amis du consortium avec les organismes de formation postsecondaire, que ce soit les collèges ou les universités. Il a cité les mêmes chiffres que j'avais écrits sur mon papier, donc je ne les répéterai pas.
Au-delà de 2 000 individus ont complété leur formation en français à l'extérieur du Québec. À partir de maintenant, je ne vous parle que de grands succès et on pourrait dire qu'on a tous réussi, mais on n'a pas encore réussi à agencer la formation ou la consultation avec la question de régler les problèmes de ressources humaines qui existent dans nos communautés francophones et acadiennes en situation minoritaire. Il y a encore un écart entre les besoins, la demande et le déploiement de ressources humaines qui sont nécessaires pour servir nos populations.
La Société Santé en français croit qu'il est nécessaire de travailler avec les professionnels de la santé, les établissements existants et nos populations francophones et francophiles, pour identifier les conditions permettant d'optimiser les services en français, à même les ressources qui existent déjà dans le système de santé.
Nous formulons l'hypothèse que les ressources sont déjà là, mais leur déploiement ne permet pas l'adéquation avec les besoins. Les initiatives idéales rassembleraient tous les partenaires pour identifier les conditions et les pratiques à mettre en place, que ce soit les nouvelles approches de recrutement, d'affectation de professionnels ou de nouvelles façons d'organiser les horaires et de regrouper les services.
Une composante très importante, qui manque pour pouvoir arriver là où on doit arriver en utilisant les effectifs financiers limités pour l'avenir rapproché tout au moins, c'est vraiment la question de la variable linguistique qui doit être incluse à l'intérieur de la collecte des données. Nous croyons que les discussions pour un renouvellement de l'Accord sur la santé de 2014 offre une opportunité en or pour remédier à cette lacune.
On vous fait donc les recommandations suivantes : que l'accord sur les soins de santé de 2014 comporte une clause reconnaissant la dualité linguistique du Canada et l'engagement des tous les gouvernements à en tenir compte dans la planification et le financement de la santé dans la population et les services de la santé qui leurs sont donnés; que le gouvernement fédéral continue de soutenir notre société durant la prochaine période de financement de 2013-2018 et continue à supporter le consortium pour bonifier les acquis de notre travail aux cours des dix dernières années et bénéficier de l'ajout de la question de la variable linguistique à l'intérieur de la collecte des données tel qu'on le préconise, et que les gouvernements s'engagent à recueillir des données systématiques sur la langue parlée par les patients et les professionnels de la santé afin de mesurer les efforts et les résultats de l'amélioration de l'accès aux services et de l'état de santé des francophones et de mieux planifier pour l'avenir.
Nous croyons que ce qui a été accompli depuis 2002 représente un progrès incroyablement important. Fort de ces succès, nous croyons qu'il est temps de les couronner en reconnaissant formellement la dualité linguistique et son rôle dans la santé au Canada. Les francophones sont des citoyens à part entière de chaque province et territoire, au-delà de la responsabilité constitutionnelle et de la Charte des droits et libertés. Il y a un élément important en termes d'excellence de service de santé qui s'impose.
Avec votre appui, j'entrevois un moment, dans un avenir pas très lointain, où l'état de santé des francophones en situation minoritaire se sera tellement amélioré que les anglophones majoritaires, qui nous entourent, nous consulteront pour adopter nos meilleures pratiques. Je vous remercie de votre attention.
[Traduction]
Le président : Je vous remercie beaucoup.
Je vais suivre la liste. J'aimerais que vos préambules soient brefs, car parfois ils peuvent être un peu longs. Vous allez devoir poser vos questions assez rapidement pour qu'elles puissent toutes figurer au compte rendu.
Le sénateur Eggleton : J'ai trois questions à poser, auxquelles les personnes concernées pourront répondre par écrit plus tard.
Ma première question s'adresse aux représentants de Santé Canada. Monsieur Shearer, dans votre exposé, vous avez beaucoup parlé des objectifs fixés en 2004 et des principaux investissements. Vous citez différentes sommes d'argent. Cependant, le seul programme qui semble avoir donné des résultats, d'après ce que j'ai pu constater, est celui qui porte sur la formation linguistique. Quels résultats découlent de tous les autres investissements et quel type d'évaluation a-t- on effectué à cet égard?
Ma deuxième question s'adresse aux représentants de Ressources humaines et Développement des compétences Canada. Cela fait longtemps qu'on parle de la reconnaissance des titres de compétences étrangers. Je sais que cela pose des difficultés parce que vous devez traiter avec un grand nombre d'entités différentes pour obtenir des confirmations. En outre, il n'y a pas seulement les titres de compétences, il y a aussi la résidence dans le cas des médecins.
J'entends aussi constamment parler du problème de la langue. Les mesures que nous prenons suffisent-elles à aider les gens à surmonter cette difficulté? Les services d'immigration peuvent juger que la personne maîtrise suffisamment bien l'anglais ou le français pour être en mesure de communiquer dans la collectivité en général, mais quand vient le temps de communiquer dans le milieu des soins de santé, c'est une autre histoire. Que faisons-nous pour accélérer les choses? J'ai l'impression que le processus est très long. Je constate que vous avez des objectifs et que vous progressez, mais c'est très long.
Ma troisième et dernière question s'adresse aux représentants du collège. Je m'intéresse à la prévention des blessures. Nous en entendons parler de temps à autre. Avez-vous des idées précises au sujet d'une stratégie ou d'un programme en matière de prévention des blessures et sur la façon dont cela pourrait cadrer avec l'accord sur la santé?
Dans la foulée de l'accord de 2004 sur la santé, le gouvernement fédéral avait notamment promis aux provinces de leur verser des fonds si elles mettaient en place certaines choses. Peut-être qu'il pourrait faire de même dans ce cas-ci. Nous pourrions demander au gouvernement fédéral de créer des incitatifs pour amener les provinces à adopter certaines initiatives. Il serait intéressant que vous présentiez une vision à propos d'une stratégie possible.
Le sénateur Seidman : Merci. Docteur Padmos, au troisième paragraphe du sommaire du mémoire que le Collège royal a présenté au comité, on fait état des difficultés que comporte ce que vous appelez la quantification de l'efficience et de l'efficacité des soins, qui est importante pour l'évaluation de la viabilité. Quel rôle devrait jouer le collège en ce qui a trait à l'assurance de la qualité tant du point de vue des soins que des coûts? Précisément, peut-on établir des normes pour les soins et un système de surveillance? Quel rôle pourrait jouer à cet égard l'observatoire, dont vous proposez la création, s'il doit en jouer un?
Le sénateur Merchant : Je crois que le Dr Padmos a aussi parlé des temps d'attente. Je pense que c'est ce qui préoccupe le plus les Canadiens. En effet, on entend dire par-dessus tout que la longueur des temps d'attente est préoccupante. Est-ce que vous, ou quelqu'un d'autre, pourriez formuler des commentaires à ce sujet? J'aimerais bien savoir ce que vous avez à dire là-dessus.
J'aimerais savoir s'il s'agit d'une question d'argent. Est-ce que les longs temps d'attente sont attribuables à un manque de fonds? Le problème tient-il plutôt à une surutilisation des services ou bien à une pénurie de professionnels de la santé dans certaines régions? Dans quels domaines croyez-vous que nous pouvons réduire les temps d'attente?
Le sénateur Martin : Je suis originaire de Vancouver, en Colombie-Britannique. Il s'agit d'une région très multiculturelle, où le fait d'être bilingue peut vouloir dire qu'on parle l'anglais et le mandarin, le cantonais, le coréen ou le pendjabi, et cetera.
Monsieur Shearer, dans votre exposé, vous parlez d'initiatives ciblées visant à appuyer les collectivités autochtones et les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Bien que je respecte mes collègues québécois et francophones, je me demande quels sont les investissements ou les initiatives qui visent d'autres communautés minoritaires, particulièrement dans des régions comme Vancouver.
Je sais par ailleurs qu'il y a, au sein de la régie de la santé de Vancouver, une assez grave pénurie de professionnels de la santé parlant le coréen ou d'autres langues étrangères, notamment chez les professionnels des soins à domicile et les cliniciens. La demande augmente, mais on manque de travailleurs.
Le programme de reconnaissance des titres de compétences étrangers pourrait permettre de combler en partie les besoins du marché du travail. Que peut faire le gouvernement fédéral, par le biais de l'Accord sur la santé, pour accélérer ou améliorer le processus de reconnaissance des titres de compétences étrangers?
Le sénateur Callbeck : Au sujet des titres de compétences étrangers, j'ai cru comprendre que, à la fin de 2012, une personne qui souhaite pratiquer au Canada pourra savoir dans un délai d'un an si elle pourra le faire ou si elle devra suivre d'autres cours. J'aimerais savoir si nous nous approchons de cet objectif.
Mon autre sujet concerne les coûts. On entend souvent parler des difficultés financières auxquelles sont confrontés les travailleurs formés à l'étranger qui tentent de faire reconnaître leurs titres de compétences. En gros, à combien se chiffrent ces coûts? J'aimerais savoir en quoi consiste le projet pilote annoncé dans le budget de 2011.
Par ailleurs, j'ai été étonnée d'apprendre que les temps d'attente ne comprennent pas le temps qu'il faut attendre pour voir un spécialiste. Si vous avez besoin d'une chirurgie de remplacement d'un genou, vous devez consulter votre omnipraticien, et il peut s'écouler six mois avant que vous puissiez rencontrer le spécialiste. Cette période de six mois n'est pas incluse dans le temps d'attente. Que pensez-vous de cette situation?
Qu'en est-il de la Stratégie pancanadienne relative aux ressources humaines en santé? Est-ce qu'une évaluation en bonne et due forme a été effectuée? Si c'est le cas, j'aimerais en connaître les résultats.
[Français]
Le sénateur Verner : Merci à vous tous d'être présents ici aujourd'hui. Docteur Conway, dans une vie antérieure, j'étais ministre des Langues officielles. Je suis contente de savoir qu'on a fait des progrès importants pour les soins de santé dans les communautés minoritaires. Ceci m'amène à la question suivante : il y a eu, dans l'initiative du financement de fait pour former des ressources à l'étranger et pour les attirer à venir pratiquer dans les communautés francophones. Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire si vous avez obtenu un certain succès avec ce programme? Est-ce que c'est une bonne façon, selon vous, d'accroître l'offre de services professionnels dans les communautés francophones et, s'il y a lieu, d'améliorer ce programme? Quels sont les principaux défis pour recruter des francophones dans les communautés minoritaires et les maintenir en poste, que ce soit à l'étranger ou à l'intérieur du pays?
[Traduction]
Le sénateur Dyck : J'ai deux questions à poser. La première concerne les médecins formés à l'étranger et la reconnaissance des titres de compétences. Elle fait suite à la question qu'a posée le sénateur Martin. En plus de tenir compte du niveau de maîtrise de l'anglais ou du français, prend-on en considération le fait que la langue maternelle pourrait être un atout dans certaines régions, comme Vancouver ou Toronto, qui sont très multiculturelles? A-t-on envisagé de tenir compte de cet élément pour palier la pénurie de médecins?
Ma deuxième question porte sur l'Initiative sur les ressources humaines en santé autochtone. Il semble s'agir d'un tout nouveau programme. Vous avez énuméré plusieurs domaines. Je me demande comment les 80 millions de dollars seront répartis entre les cinq secteurs? Quelle somme sera consacrée, par exemple, aux programmes de bourses d'études et combien ira à l'adaptation des programmes d'études? Est-ce que des objectifs ont été fixés? Souhaitez-vous accroître le nombre de diplômés autochtones dans des domaines comme la médecine ou les sciences infirmières? C'est probablement trop tôt, mais vous pouvez peut-être déjà savoir si le nombre d'étudiants dans ces programmes a augmenté.
Dans quelle mesure les universités ont-elles tiré parti de cette initiative? L'Université de la Saskatchewan, par exemple, offre un programme en sciences infirmières pour les Autochtones depuis probablement une vingtaine d'années. Comment peut-elle bénéficier de l'initiative? Elle était déjà engagée dans cette voie. Quels avantages peuvent tirer ces établissements qui ont déjà fait du travail à ce chapitre?
Le sénateur Cordy : Ma première question s'adresse au Dr Conway, de la Société Santé en français, qui a vu le jour en 2002. Je me souviens qu'à cette époque je siégeais au comité qui étudiait les soins de santé. Qu'est-ce qu'apporte la reconnaissance de la dualité linguistique dans l'accord sur la santé? Les garanties fournies par la Charte ne sont-elles pas suffisantes? Vous avez mentionné que cela doit faire partie de l'accord.
Monsieur LeBrun, en ce qui concerne le programme de radiation des dettes d'études, pouvez-vous nous donner la définition d'une collectivité mal desservie? Qu'entendez-vous par milieu éloigné? Est-ce qu'une région rurale en Nouvelle-Écosse est considérée comme une région éloignée?
Docteur Padmos, j'aimerais revenir sur la question du temps d'attente pour voir un spécialiste. J'ai été très étonnée d'apprendre que ce temps d'attente n'est pas pris en considération. Existe-t-il des statistiques ou des exemples à ce sujet dont vous pourriez nous faire part?
Le sénateur Braley : Je constate que nous avons des représentants des Ressources humaines et Développement des compétences Canada ainsi que de Santé Canada. Je sais que la formation des médecins relève des provinces. Les données analytiques dont nous disposons sont-elles suffisantes? Si je dirigeais une entreprise, il faudrait que je sache combien il faut de personnes pour accomplir chacune des tâches. Disposons-nous de telles données? Savons-nous si, par exemple, nous avons besoin de 6 700 médecins dans une spécialité en particulier et 47 dans une autre au sein d'une collectivité donnée? Assure-t-on la formation en conséquence et dans quelle mesure? Est-ce que les fonds peuvent être réaffectés pour s'assurer que les besoins soient toujours satisfaits, en tenant compte d'un taux de croissance de 2,7 p. 100 ou 3 p. 100? Est-ce que tout cela est coordonné? Examinez-vous des statistiques dans cette optique? Sinon, pourquoi?
[Français]
Le sénateur Rivard : J'ai les mêmes préoccupations, que certains de mes collègues sur les médecins formés à l'étranger, que ce soit des pays comme la France ou la Grande-Bretagne, pour avoir un permis d'exercice ici, donc je reprends un peu la question pour connaître le pourquoi.
J'aimerais avoir, je ne sais pas si la statistique existe, on entend souvent au Québec dire qu'il n'y a pas assez de médecins de famille. Est-ce que c'est un problème canadien? Est-ce que vous avez des statistiques sur le nombre de patients qu'un médecin traite au Québec par rapport à l'Ontario ou d'autres provinces?
Ma dernière question ne se veut ni sexiste ni misogyne surtout, vu que les admissions dans les facultés de médecine, du moins au Québec, sont contingentées : est-ce que vous avez des statistiques sur les heures d'exercice des femmes médecin? J'entendais une conférence dernièrement sur un futur candidat pour devenir premier ministre du Québec qui a sorti une statistique qui nous a sidérés sur le nombre d'heures d'une femme médecin versus un homme médecin, c'est à peu près le tiers. Je voudrais savoir si c'est exact.
[Traduction]
Le président : Sénateur Braley, vouliez-vous ajouter quelque chose?
Le sénateur Braley : Oui. J'ai parlé des médecins, mais j'aimerais que le témoin fournisse des données pour les omnipraticiens, les spécialistes, les infirmières et les infirmières praticiennes. Quelles responsabilités les omnipraticiens peuvent-ils confier aux infirmières praticiennes? J'aimerais obtenir toutes ces données de base pour voir si on peut accroître l'efficience dans la prestation des soins de santé. On pourrait constater que nous avons suffisamment d'argent pour assurer tous les services si la gestion est adéquate.
Le président : Je remercie les sénateurs pour leur grande efficacité. J'espère que nous pourrons continuer ainsi.
Je remercie également les témoins pour leur compréhension à l'égard du temps limité dont nous disposions aujourd'hui. Nous sommes ravis d'avoir pu tenir cette réunion, car votre présence est essentielle pour notre étude. Les questions qu'ont posées les sénateurs portent sur des enjeux importants qui reviennent souvent.
Je vais ajourner la séance.
(La séance est levée.)