Aller au contenu
SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 5 - Témoignages du 27 octobre 2011


OTTAWA, le jeudi 27 octobre 2011

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 26, pour examiner les progrès réalisés dans la mise en œuvre du Plan décennal pour consolider les soins de santé de 2004.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Comme il y a quorum, je déclare la séance ouverte. Avant d'entreprendre nos travaux et d'entendre les témoins, je voudrais passer en revue l'ordre du jour avec mes collègues pour leur rappeler que nous recevons ce matin deux groupes de témoins. Le premier nous occupera de 10 h 30 à 11 h 30. Est-ce d'accord?

Des voix : D'accord.

Le président : Nous entendrons ensuite le deuxième groupe de témoins de 11 h 30 à 12 h 30. Est-ce d'accord?

Des voix : D'accord.

Le président : Je vous remercie.

[Français]

Je veux vous souhaiter la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Je commencerai par demander aux membres du comité de se présenter. Je suis Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse. Je prie mes collègues de se présenter, en commençant à ma droite.

Le sénateur Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le sénateur Eaton : Nicole Eaton, de Toronto, en Ontario.

[Français]

Le sénateur Demers : Jacques Demers, de Hudson, au Québec.

[Traduction]

Le sénateur Braley : David Braley, de l'Ontario.

Le sénateur Cordy : Jane Cordy. Je représente la Nouvelle-Écosse. Je vous souhaite la bienvenue.

Le sénateur Martin : Bonjour. Je suis Yonah Martin, de Vancouver, en Colombie-Britannique.

Le sénateur Merchant : Bonjour. Je suis Pana Merchant, de Regina, en Saskatchewan.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, de Toronto. Je suis vice-président du comité.

Le président : Je vous remercie.

Je rappelle à tous les membres du comité que nous consacrerons cette séance au Plan décennal pour consolider les soins de santé. Il s'agit d'un examen de l'accord. Au cours de la réunion, nous passerons en revue les innovations en santé et les dossiers électroniques. Nous avons deux groupes de témoins, dont le premier nous parlera des innovations en santé.

Je rappelle à mes collègues qu'il faudra procéder avec célérité ce matin pour être en mesure d'entendre les deux groupes.

Je voudrais maintenant souhaiter la bienvenue à nos distingués témoins. Je les présenterai au comité au fur et à mesure qu'ils seront invités à présenter leurs exposés. Nous commencerons par entendre le Dr Pierre Meulien, président et chef de la direction de Génome Canada.

[Français]

Dr Pierre Meulien, président et chef de la direction, Génome Canada : Merci, monsieur le président. Je ferai ma présentation en anglais, mais je répondrai aux questions en français avec plaisir.

[Traduction]

Je voudrais vous dire, au nom de Génome Canada, que je suis heureux de participer à votre examen du Plan décennal pour consolider les soins de santé et de vous présenter un aperçu de l'innovation en santé liée à la génomique.

Reconnaissant le rôle essentiel que joue la génomique dans les sciences et la médecine au Canada, le gouvernement fédéral a appuyé la création de Génome Canada, il y a une décennie. La génomique est une technologie habilitante qui présente un énorme potentiel lorsqu'il s'agit de faire passer les sciences pures du laboratoire aux applications pratiques telles que les traitements médicaux innovateurs, les produits agricoles résistants, les sources d'énergie de remplacement et les approvisionnements écologiquement stables de quasi n'importe quoi, des abeilles aux arbres.

Nous avons pour objectifs d'investir dans les grands projets de sciences et technologie dont nous avons besoin pour stimuler l'innovation, de faire le lien entre les idées et les gens dans les secteurs public et privé afin de trouver de nouvelles utilisations et applications de la génomique et de faire passer les découvertes au stade des applications pouvant créer des biens et des services qui profitent directement aux Canadiens.

Au cours des 10 dernières années, Génome Canada a mis en place une initiative canadienne de génomique aussi étendue que réussie. Nous avons obtenu un vrai rendement sur notre investissement, en nous servant des 915 millions de dollars obtenus du gouvernement du Canada pour investir 2 milliards de dollars dans la recherche, grâce à des ententes avec des partenaires internationaux, le secteur privé, les universités, les gouvernements provinciaux et d'autres sources de financement.

Nous avons établi au Canada cinq centres d'innovation en sciences et technologie de calibre mondial, qui sont à la fine pointe des technologies génomiques et donnent accès aux chercheurs de tout le Canada. Nous avons créé six centres régionaux de génomique chargés de recueillir des fonds de recherche, de gérer de grands projets scientifiques et de comprendre les secteurs économiques régionaux capables d'intégrer la génomique à des fins sociales et économiques.

Les investissements de Génome Canada ont permis de créer ou de renforcer plus de 20 entreprises du secteur privé. Ils ont également servi à employer et à former quelque 10 000 travailleurs hautement spécialisés. Nos efforts énergiques de commercialisation ont abouti à plus de 350 brevets et demandes de brevet ainsi qu'à 24 accords de licences commerciales avec le secteur privé.

Les nouvelles pressions qui s'exercent sur le système de soins de santé du Canada découlent d'une nouvelle réalité en médecine et en sciences. Le fardeau économique des maladies chroniques et du vieillissement de la population impose aux décideurs du pays de chercher de nouveaux moyens de gérer le système de façon durable. Le système des soins de santé devrait être ouvert aux nouvelles perspectives et à l'innovation.

Les nouvelles approches qui ont un rapport élevé coût-efficacité et sont fondées sur des preuves doivent être intégrées dans le système afin de contribuer au maintien de la santé et à un diagnostic précoce des maladies.

La génomique peut jouer un rôle de catalyseur pour nous faire passer d'un système de soins de santé axé sur la maladie à un système de soins plus personnalisé et plus économique basé sur la prévision. Depuis 2000, Génome Canada a investi plus de 400 millions de dollars dans quelque 80 grands projets innovateurs du secteur de la santé. Des partenariats avec les gouvernements provinciaux, le secteur privé, les universités et les hôpitaux de recherche nous ont permis d'ajouter 700 millions de plus à nos investissements. Au total, nous avons consacré environ 1,2 milliard de dollars à des recherches génomiques qui orienteront l'évolution de la santé et des soins médicaux.

Génome Canada favorise la transition entre les découvertes et les applications médicales grâce à d'importants partenariats. Ceux-ci comprennent le Consortium sur les cellules souches du cancer, que nous avons aidé à fonder de concert avec nos partenaires des Instituts de recherche en santé du Canada. Je dois noter ici que les IRSC sont pour nous de précieux partenaires.

Dans le cadre d'un autre partenariat avec les IRSC, nous avons entrepris de grands projets de recherche génomique sur les causes génétiques des cancers de l'enfance et d'autres maladies rares des enfants.

Je peux également citer l'exemple de l'Initiative de génétique médicale et de génomique de la région de l'Atlantique, que nous finançons et qui a découvert une mutation génétique pouvant entraîner une mort précoce par insuffisance cardiaque chez des hommes de moins de 50 ans. La province de Terre-Neuve-et-Labrador autorise maintenant plus couramment des tests de dépistage génétique et de diagnostic et offre des défibrillateurs cardiaques à ceux qui reçoivent un diagnostic positif.

Des recherches financées par Génome Canada ont abouti à la mise au point d'un test qui permet d'identifier les personnes présentant un risque élevé de cancer du côlon. Une nouvelle société a été créée pour exploiter cette technologie.

Également grâce à la recherche génomique, les mères qui allaitent leur bébé sont maintenant averties que les personnes qui présentent un génotype particulier convertissent plus rapidement que les autres la codéine en morphine, ce qui peut constituer un risque de toxicité pour des nourrissons. Ces résultats ont entraîné des modifications de l'étiquetage des produits contenant de la codéine au Canada et aux États-Unis.

La génomique nous rapproche de plus en plus des soins de santé personnalisés : thérapies et traitements pourront alors être conçus en fonction du patient, de façon à éviter les effets indésirables des médicaments et à permettre aux médecins de reconnaître rapidement les maladies héréditaires sur une base génétique ou d'identifier rapidement les pathogènes afin de gérer efficacement les débuts d'épidémies. C'est ainsi que le virus du SRAS a été séquencé pour la première fois dans un de nos centres. Nous essayons de comprendre le rôle de la génétique humaine dans l'évolution générale des maladies afin d'être en mesure de stratifier en conséquence les groupes de patients.

L'organisation génomique du Canada vient d'élaborer un nouveau plan quinquennal. Afin de poursuivre le processus de découverte et de création d'applications au profit de la société, nous sommes en discussion avec de hauts responsables du gouvernement, essayant d'obtenir un financement pluriannuel stable de 500 millions de dollars sur cinq ans, soit 100 millions de dollars par an, que nous pourrons utiliser pour former des partenariats et investir ainsi 1,5 milliard de dollars au cours des cinq prochaines années.

De plus, nous avons récemment présenté un mémoire au Comité permanent des finances de la Chambre des communes, dans le cadre de ses consultations prébudgétaires, afin de lui demander son appui. Nous présentons la même demande à votre comité.

Les avantages pour la santé que nous vous avons signalés aujourd'hui ne sont que les premières étapes d'une toute nouvelle approche des soins de santé. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

Le président : Je vous remercie.

Nous entendrons maintenant le Dr Paul Armstrong, président fondateur et ancien président de l'Académie canadienne des sciences de la santé.

Dr Paul Armstrong, président fondateur et ancien président, Académie canadienne des sciences de la santé : Je vous remercie. C'est un honneur pour moi de présenter cet exposé au nom de l'académie. J'ai l'intention d'aborder cinq points. Premièrement, l'Académie canadienne des sciences de la santé est une organisation relativement récente fondée il y a sept ans. Avec l'Académie canadienne du génie et la Société royale du Canada, elle est l'un des trois organismes fondateurs du Conseil des académies canadiennes.

L'académie a pour objectifs de jouer le rôle d'évaluateur expert, indépendant et crédible des questions de sciences et technologie relatives à la santé au Canada, d'appuyer l'élaboration d'avis stratégiques opportuns et éclairés sur les soins de santé et d'établir un dialogue informatif sur la politique de la santé publique.

Les membres de l'académie travaillent à titre bénévole. Nous avons actuellement plus de 400 membres engagés déterminés à servir au mieux les intérêts du pays. Ils représentent, à titre bénévole, toute la gamme des disciplines de la santé : pharmacologie, médecine, sciences infirmières, médecine de réadaptation, dentisterie et médecine vétérinaire. Nous sommes neutres, ne défendons aucun intérêt et sommes donc en mesure de faire des évaluations indépendantes. Deux de nos évaluations qui intéresseront probablement le comité portent sur les maladies chroniques des Canadiens et le rendement des investissements en santé. Je vous laisse ce rapport pour examen.

Dans cette évaluation, nous avons essentiellement créé un document qui englobe cinq domaines et plus de 82 mesures. Il fait maintenant partie de la procédure de planification stratégique de nos partenaires des IRSC et de la planification des sciences et de la technologie du gouvernement du Canada. Il a également été adopté en grande partie à l'échelle internationale.

Notre enthousiasme pour le dialogue relatif à votre étude — c'est-à-dire pour l'avenir du système de santé dans le cadre de l'accord — nous a amenés à organiser un forum à Ottawa, il y a environ un mois, sur le thème « Des soins plus judicieux pour un Canada en meilleure santé : En faveur de l'innovation dans le système ». À cette occasion, nous avons produit un prospectus que j'ai mis à votre disposition et auquel je me reporterai brièvement.

Compte tenu de sa nature pluridisciplinaire et de sa neutralité, l'académie souhaite essentiellement contribuer à la création d'un nouveau système intégré et durable de soins de santé dont on aurait optimisé la qualité, l'accès et les dépenses. Cet aspect serait particulièrement lié à la question des ressources humaines de la santé, qui a été mise en évidence dans l'accord de 2004, mais qui n'a malheureusement pas beaucoup avancé depuis. Nous proposons donc d'explorer et de repenser la portée des activités des professionnels de la santé partout dans le pays, dans le but de nous orienter vers une approche d'équipe axée sur le patient, ce qui n'a pas été possible jusqu'ici.

En plus d'apporter un changement culturel aux professions de la santé, nous nous proposons de mettre en œuvre un plan pour modifier la formation de la prochaine génération de professionnels de la santé en vue de mieux la préparer aux défis de l'avenir.

Le groupe sera créé sur la base d'un plan de travail décrit dans le prospectus. Je suis heureux de signaler que nous avons choisi la semaine dernière les deux coprésidents de ce groupe, qui aura une portée internationale et qui doit terminer ses travaux avant la fin de 2012. L'un des coprésidents est bien connu à Ottawa. Il s'agit de Jeffrey Turnbull, ancien président de l'Association médicale canadienne et professeur titulaire de la chaire de médecine à l'Université d'Ottawa. L'autre est M. Nelson, doyen de la faculté de sciences infirmières à l'Université de Toronto. Les deux coprésidents assumeront sous peu leurs fonctions dans ce domaine particulier, où nous croyons que l'académie peut faire des progrès concrets qui contribueront au dialogue relatif à l'avenir des soins de santé.

Le président : Je vous remercie.

Nous allons maintenant passer aux Instituts de recherche en santé du Canada. Nous entendrons deux représentants qui, je crois, partageront leur temps de parole. Je cède maintenant la parole au Dr Alain Beaudet, président, et à la Dre Robyn Tamblyn, directrice scientifique.

Dr Alain Beaudet, président, Instituts de recherche en santé du Canada : Je voudrais remercier le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie de m'avoir donné l'occasion de parler de la contribution des Instituts de recherche en santé du Canada au Plan décennal pour consolider les soins de santé.

En 2004, les premiers ministres ont reconnu que les investissements en sciences et technologie sont indispensables à la mise au point de traitements améliorés et à la prestation de services de santé économiques. Dans ce contexte, le gouvernement du Canada s'est engagé à faire des investissements continus pour financer les activités visant l'innovation en santé.

Les IRSC jouent un rôle clé dans l'exécution de ce mandat. En effet, ils ont pour mission d'appuyer la création de nouvelles connaissances et leur utilisation pour améliorer la santé des Canadiens, dispenser des services et des produits de santé plus efficaces et renforcer le système des soins de santé.

[Français]

Comme vous le savez, les provinces et territoires ont la responsabilité de fournir les soins de santé aux Canadiens. Le gouvernement du Canada doit pour sa part soutenir les gouvernements provinciaux et territoriaux dans la mise en place d'un système de santé efficace et promouvoir, par la recherche et l'innovation, l'excellence des soins et l'accès à des services de pointe.

Ce rôle est au cœur de la mission de IRSC : soutenir une recherche de haut niveau, contribuer à former les professionnels de la santé à l'aune des critères scientifiques les plus exigeants, et stimuler l'innovation dans notre système de santé.

On parle ici non seulement de la découverte et de la mise en marché de nouveaux médicaments, tests diagnostics ou outils technologiques, mais aussi de la mise en place de pratiques de soins plus efficaces, de l'élaboration de nouvelles approches préventives et d'une meilleure gestion organisationnelle de notre système de santé.

[Traduction]

Comme exemple de ces réalisations, je voudrais citer les travaux d'un chercheur financé par les IRSC, le Dr Cyril Frank qui, avec son équipe de l'Alberta Bone and Joint Health Institute, a mis au point un nouveau modèle de soins plus économique pour le remplacement de la hanche et du genou. Ce modèle a très sensiblement amélioré les résultats des interventions tout en réduisant la durée du séjour à l'hôpital et les temps d'attente en chirurgie. Pour les gouvernements, les économies résultant d'une mise en œuvre nationale de ce modèle de soins sont estimées à environ 228 millions de dollars par an.

Les IRSC ont également financé des recherches de la Dre Lisa Dolovich, de l'Université McMaster, qui ont établi que la présence d'un pharmacien dans les cabinets de médecine familiale permet d'optimiser les régimes pharmaceutiques et d'améliorer la surveillance des médicaments. Le projet a en fait permis de prévenir 241 cas possibles de réactions indésirables parmi les aînés participant à l'étude. Par suite de ces recherches, les ministères de la Santé de l'Ontario et de la Saskatchewan financent actuellement des postes de pharmacien à plein temps dans les équipes de soins primaires.

[Français]

Un essai clinique soutenu par les IRSC a démontré que l'Aprotinine, un médicament couramment utilisé pour prévenir les hémorragies pendant une chirurgie cardiaque était responsable d'une augmentation de 50 p. 100 des risques de mortalité, tout en coûtant beaucoup plus cher que d'autres médicaments plus sécuritaires de la même classe. Ce médicament est maintenant banni de nos salles d'opération.

[Traduction]

Le défi est de s'assurer que les résultats de la recherche sont rapidement diffusés et intégrés dans la pratique de la médecine. À cette fin, les IRSC ont élaboré et mis en œuvre des programmes destinés à convertir les résultats de la recherche en décisions permettant d'améliorer le système des soins de santé. Il s'agit de réunir les chercheurs et les utilisateurs des connaissances de différents paliers de gouvernement pour essayer de répondre aux questions les plus pressantes. Pauline Rousseau, directrice exécutive de la Direction de la politique et de la planification de la santé de la Saskatchewan, a formulé l'observation suivante au sujet de l'un de ces programmes :

C'est la plus importante initiative visant à réunir les communautés de la recherche et de l'élaboration des politiques que j'aie vue depuis des décennies.

Un examen international récent des IRSC a confirmé que nous faisons des progrès en vue d'une meilleure intégration de la recherche et des soins, et a appuyé les orientations stratégiques que les Instituts comptent prendre à l'avenir. Les auteurs de l'examen nous ont félicités en particulier pour l'élaboration d'une stratégie complète de recherche axée sur le patient, en collaboration avec les provinces et les territoires, les organismes de bienfaisance du domaine de la santé, les organisations universitaires de la santé et des représentants de l'industrie. Cette stratégie a pour but de renforcer notre organisation de recherche clinique et d'améliorer le transfert, fondé sur des preuves, des résultats dans la pratique pour que les patients reçoivent le bon traitement au bon moment.

Lors du lancement de la stratégie au début de l'année, l'honorable Leona Agluukaq, ministre de la Santé, a déclaré :

En faisant passer les patients en premier, nous nous assurons que la recherche aura un impact plus senti sur les traitements et les services fournis dans les cliniques, les hôpitaux et les cabinets de médecin partout au Canada. Une meilleure intégration des données de recherche et des pratiques cliniques se traduira par de meilleurs résultats en matière de santé et une amélioration du système de soins de santé au Canada.

Nous croyons que cette stratégie de recherche axée sur le patient permettra, avec nos investissements continus dans la recherche et l'application des connaissances, de transformer la pratique clinique dans le pays en vue d'améliorer les résultats des interventions et de renforcer le système des soins de santé.

[Français]

Dre Robyn Tamblyn, directrice sciendifique, Instituts de recherche en santé du Canada : Il me fait plaisir de discuter avec vous de la contribution importante dans la recherche des services de santé au Canada. L'innovation dans ce domaine améliore la santé des Canadiens et favorise un meilleur investissement de nos dépenses en soins de santé.

[Traduction]

Pendant des décennies, le Canada était reconnu sur la scène internationale pour son système de soins de santé. Nous avions la réputation d'un pays qui dispensait équitablement des soins efficaces et de grande qualité à l'ensemble de sa population, mais les temps ont changé. Nous prenons du retard. Vous vous demandez peut-être pourquoi.

Comme d'autres pays, le Canada a une population qui vieillit et qui traîne donc un fardeau de plus en plus lourd de maladies chroniques. Nous n'avons pas encore apporté les changements fondamentaux nécessaires au mode de prestation des soins. Nous ne sommes pas allés au-delà d'un modèle de soins désuet axé sur l'hospitalisation. C'est ce que nous avons besoin de faire.

Les experts s'entendent pour dire qu'il nous faut — je tiens à le souligner — une nouvelle génération de modèles communautaires de soins primaires pour répondre aux besoins urgents de ce siècle. Pour améliorer la santé et la gestion des maladies chroniques, nous devons disposer de nouvelles approches axées sur le patient et la famille et basées sur des équipes pluridisciplinaires fonctionnant en partenariat avec la communauté.

Deuxièmement, nous avons besoin d'innover au niveau de l'interface entre les interventions de santé publique et les modèles communautaires de prestation de services afin de mettre au point des approches de la prévention des maladies chroniques fondées sur le mode de vie, le travail et les conditions environnementales. Nous réduirons ainsi les disparités en santé dans la population, et particulièrement parmi les membres les plus vulnérables de la société.

Troisièmement, nous devons utiliser de nouvelles technologies de l'information et d'autres innovations pour améliorer l'accès aux soins essentiels, surtout dans les collectivités rurales et dans le Nord.

Le défi que nous devons hardiment relever, c'est qu'il n'y a pas de solution ou d'approche unique pour améliorer les soins de santé. Si nous souhaitons voir des changements transformateurs, nous devons faire le travail de base nécessaire pour promouvoir l'innovation, reconnaître rapidement le succès et créer les conditions voulues pour que l'innovation se traduise par de tels changements.

La recherche est au cœur de l'innovation. Elle peut constituer un moyen très efficace d'améliorer rapidement les soins. Cela est particulièrement vrai au Canada, où la recherche financée par les IRSC, notre agence nationale de financement de la recherche en santé, peut tirer parti des expériences naturelles menées tous les jours dans nos 13 systèmes provinciaux et territoriaux de soins de santé.

Par exemple, les investissements faits dans un réseau interprovincial qui étudie la qualité et les résultats des soins dispensés aux bébés prématurés admis dans les unités néonatales de soins intensifs ont permis de cerner des causes évitables d'infections et de maladies chroniques des poumons chez les nourrissons. Le réseau a réussi à définir des interventions qui ont permis de réduire de 42 p. 100 les infections d'origine hospitalière et de 15 p. 100 les maladies pulmonaires chroniques. Les économies réalisées grâce à cette seule recherche s'élèvent à environ 70 millions de dollars par an au Canada.

Se fondant sur des succès de ce genre, les IRSC financeront, en partenariat avec les provinces, les universités, les organismes de bienfaisance du domaine de la santé et le secteur privé, une initiative décennale de transformation des soins primaires communautaires.

Cela fait partie de la stratégie axée sur le patient des IRSC. Ce sera la plus grande initiative jamais entreprise au Canada. D'ici cinq ans, elle couvrira 30 p. 100 de la population canadienne, d'un océan à l'autre, et permettra de mettre à l'épreuve des modèles innovateurs de soins, d'en contrôler le succès et d'inviter un réseau national et international de décideurs de haut niveau à étudier les conditions nécessaires pour généraliser l'application des modèles de soins réussis. Nous ne serons plus alors un pays de projets pilotes.

Nous pouvons rétablir le Canada dans son rôle de chef de file dans l'élaboration d'une nouvelle génération de soins de santé. Nous remercions le gouvernement fédéral d'avoir investi dans les IRSC. Nous remercions aussi le Sénat de nous avoir donné l'occasion aujourd'hui de présenter notre point de vue.

Le président : Merci beaucoup.

Collègues, je dois vous demander de vous limiter à une seule question au premier tour. Je vous prie donc d'être concis et de désigner le témoin à qui s'adresse votre question. Je demande également aux témoins de ne rien ajouter à leur exposé à moins qu'il ne s'agisse de changements ou d'ajouts importants.

Je vais essayer de donner la parole à tous ceux qui le souhaitent avant de mettre fin à cette partie de la réunion dans 35 minutes. Nous demandons aux témoins de nous transmettre des réponses écrites aux questions que nous n'aurons pas eu le temps de poser aujourd'hui. L'important pour nous est de poser les questions qui nous intéressent et de faire en sorte que vous puisiez dans la masse incroyable de connaissances que vous possédez pour nous répondre en détail.

Le sénateur Eaton : Docteur Armstrong, vous avez parlé, je crois, d'une réorganisation du cadre des soins. Je ne sais plus quel terme vous avez utilisé. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

Dr Armstrong : Ce que nous proposons dans notre évaluation, c'est de repenser la façon dont les professions de la santé collaborent entre elles. Nous croyons que ces professions devraient être intégrées, au lieu de laisser chaque praticien travailler seul de son côté. Cela nécessitera un changement important de la culture professionnelle parce que les divisions traditionnelles liées aux domaines respectifs de pratique ont donné lieu à des cloisonnements nuisibles. L'avenir est clairement à l'intégration. Ce changement nécessitera une réorganisation du système de soins de santé, tant du point de vue du lieu où les patients sont examinés que de la façon dont les professionnels de la santé sont financés et collaborent entre eux.

Lorsque j'ai commencé à exercer au cours des années 1970, je travaillais tout seul. Mardi prochain, j'anime une clinique sur les insuffisances cardiaques complexes, au cours de laquelle je serai assisté par des infirmières, des pharmaciens, des diététiciens, des travailleurs sociaux et des psychologues. Voilà l'orientation que nous devons prendre, à mon avis. C'est la raison pour laquelle ce prospectus est ainsi conçu.

Bien sûr, il ne suffira pas de changer la culture. Nous devrons aussi modifier la formation des jeunes, qui suivent actuellement les cours d'écoles spécialisées au lieu d'étudier dans un milieu plus intégré. Nous croyons que c'est l'orientation qu'ils devraient prendre à l'avenir.

Le sénateur Eggleton : Ma question s'adresse à tous les témoins. L'accord de 2004 prévoyait un financement de 41 milliards de dollars. La plus grande partie des fonds a été transférée aux provinces, mais certaines sommes ont servi à les encourager à entreprendre des initiatives de collaboration visant, par exemple, la réduction des temps d'attente, l'achat d'équipements de diagnostic ou la mise en place de dossiers de santé électroniques.

En supposant qu'un accord soit conclu en 2014 pour reconduire celui-ci et que des méthodes de financement semblable soient utilisées, à votre avis, quelles grandes propositions ou mesures incitatives faudrait-il offrir aux provinces? Comme je l'ai dit, il s'agissait, la dernière fois, de la réduction des temps d'attente, et cetera. Quelles propositions faudrait-il faire cette fois-ci pour favoriser une plus grande collaboration et une amélioration du système pour les patients?

Dr Beaudet : Comme je l'ai dit, il est très clair pour nous qu'il faudrait appuyer la stratégie de recherche axée sur le patient, que j'ai brièvement mentionnée dans mes observations. C'est une initiative unique. Elle fait intervenir une coalition formée des provinces et des territoires, du gouvernement fédéral et aussi de représentants du secteur des organismes de bienfaisance, des organisations de soins, des centres universitaires des sciences de la santé, des patients bien sûr et du secteur privé.

Nous voulons abattre les cloisons et travailler ensemble pour établir des moyens, des infrastructures et du soutien aux professionnels de la santé à l'échelle du pays, l'objectif étant de mieux intégrer la recherche et les soins et de veiller à pratiquer une médecine vraiment fondée sur des preuves.

Pour le faire, nous œuvrons sur plusieurs fronts. Nous bâtissons des infrastructures sous forme d'unités de soutien de la recherche clinique dans chaque province. Nous voulons nous assurer que les chercheurs et les cliniciens du pays travaillent en collaboration. Nous avons également l'intention de créer des réseaux s'occupant de thèmes précis. Nous avons déjà arrêté notre choix sur les deux premiers : ils s'occuperont de santé mentale et de soins primaires. Ainsi, nous aurons rapidement accès à des patients pour la recherche clinique partout dans le pays et pourrons mobiliser les efforts collectifs de tous nos chercheurs. Ces réseaux se fonderont sur l'infrastructure des unités de soutien.

Nous voulons également établir des mécanismes pour former les professionnels de la santé à la recherche en réservant le temps nécessaire à cette fin afin qu'ils puissent acquérir les compétences voulues pour faire de la recherche. Nous voulons devenir plus compétitifs à l'échelle internationale dans le domaine de la recherche clinique, surtout pour attirer des gens de ce secteur au Canada car, comme vous le savez, nous perdons des experts de ce domaine au profit d'autres pays. Nous avons au Canada un excellent environnement et un créneau parfait pour des essais cliniques particuliers. Nous devons cependant être en mesure de fournir l'infrastructure nécessaire.

Le plus important est de mettre en place de meilleurs mécanismes pour faire participer les décideurs à l'élaboration des protocoles de recherche et à la production d'idées permettant de diffuser rapidement les résultats de la recherche et de les intégrer dans la pratique.

Le président : Docteur Armstrong, avez-vous quelque chose à ajouter brièvement?

Dr Armstrong : Je crois que nous devons définir des normes nationales et prévoir des moyens de rendre compte des résultats obtenus. Nous devons mesurer les normes. Il faut que nous obtenions un rendement sur notre investissement, qui soit plus concret que ce que nous avons eu dans le passé. Nous devons aussi mettre l'accent sur le changement transformateur et innovateur et publier les résultats chaque année.

Dr Meulien : Il y a deux éléments importants à noter. D'abord, les dossiers de santé électroniques, que nous n'avons pas encore mis en œuvre correctement au Canada. Je sais que c'est très difficile, mais c'est aussi très important. Ensuite, notre système doit être plus ouvert pour être en mesure d'intégrer rapidement les innovations. C'est encore là un autre défi pour le système.

Le sénateur Merchant : Nous avons une forte incidence de sclérose en plaques dans l'Ouest. Je viens de la Saskatchewan. Vous avez parlé d'essais cliniques. Il y a actuellement beaucoup d'anxiété parmi les personnes atteintes de sclérose en plaques à cause d'une thérapie qui a fait l'objet d'une grande publicité. Nous avons un véritable exode de malades qui peuvent se payer ce traitement — par opposition à ceux qui n'en ont pas les moyens — vers différents pays qui l'offrent.

J'aimerais que vous me disiez, compte tenu des essais cliniques entrepris en Saskatchewan, si l'argent est dépensé au Canada. Ces recherches sont-elles effectuées chez nous? Y participez-vous ou avez-vous une opinion à ce sujet? Pouvez- vous nous dire, en prenant ce traitement particulier de la sclérose en plaques comme exemple, de quelle façon nous affrontons ces questions au Canada aujourd'hui?

Dr Beaudet : Très volontiers. Comme vous le savez, la ministre Agluukaq a annoncé que les IRSC lanceront, avant la fin novembre, un appel de propositions pour les phases 1 et 2 des essais cliniques portant sur la thérapie que vous avez mentionnée, c'est-à-dire la procédure Zamboni de traitement de ce qu'on appelle l'insuffisance veineuse céphalorachidienne. La procédure consiste à élargir les veines du cou pour soulager certains des symptômes de la sclérose en plaques.

Comme vous le savez, l'efficacité et la sûreté de cette procédure sont très controversées dans la littérature scientifique. Par conséquent, les phases 1 et 2 des essais cliniques permettront d'examiner la sécurité, les paramètres de diagnostic et les résultats à mesurer. Elles confirmeront ou infirmeront la thèse selon laquelle l'élargissement de la veine par angioplastie améliore la circulation du sang et, si c'est le cas, détermineront si l'amélioration est durable. Si la recherche continue à suggérer une association entre l'insuffisance veineuse céphalorachidienne et la sclérose en plaques — association qui n'est pas encore établie —, il serait possible d'entreprendre à l'avenir un essai sur une échelle beaucoup plus grande. Cet essai serait alors fondé sur des preuves concrètes découlant des phases 1 et 2 des essais cliniques. C'est la façon normale de procéder. Oui, le Canada s'oriente dans cette direction.

Le sénateur Martin : J'ai l'impression que nous en venons aux dispositions ou aux détails clés à inclure dans l'accord. Ma question porte sur le transfert des connaissances dans la pratique. Tout le monde parle de cloisonnement et dit que le problème réside dans l'écart. Nous avons besoin d'un pont pour assurer un transfert plus efficace des connaissances entre chercheurs et cliniciens. De toute évidence, nous faisons des investissements et nous innovons, mais où est le lien et comment se fait le transfert?

Au sujet de cet écart, j'ai entendu quelques-uns d'entre vous parler des mécanismes dont nous avons besoin, qu'il s'agisse de dossiers électroniques ou de normes nationales.

Est-ce que l'un des témoins peut nous parler de l'importance d'un modèle pluridisciplinaire? De plus, si nous avons un modèle pluridisciplinaire dans lequel chaque groupe spécialisé travaille à part, aurons-nous encore cet écart? Nous avons besoin d'une interface d'une forme ou d'une autre pour réaliser l'intégration.

De quels mécanismes aurons-nous besoin pour faire fonctionner un modèle pluridisciplinaire? Quelles dispositions faudrait-il inscrire dans l'accord pour que cela constitue un objectif clair à l'avenir?

Dre Tamblyn : Je serais enchantée de répondre à cette question. Elle est vraiment critique. Voici le problème : ce que vous voulez vraiment, c'est prévenir les maladies, améliorer les résultats des interventions, réduire les disparités et augmenter l'efficacité. Ce sont les quatre objectifs à atteindre. Nous ne voulons pas lier les mains des gens en leur disant qu'ils ont besoin de dossiers électroniques ou encore de telle ou telle chose. Nous voulons que notre personnel hautement compétent de première ligne participe à l'innovation. Si nous pouvons dire à ces gens ce que nous voulons accomplir — pour ensuite contrôler le travail et même le payer —, ce qui serait vraiment révolutionnaire, nous assisterons à une véritable flambée de créativité en première ligne. C'est vraiment là que se situe l'innovation et c'est là que nous obtiendrons exactement ce que nous voulons sans lier les mains des gens en leur dictant la façon de procéder. Ils y arriveront tout seuls. Il suffit de définir les résultats voulus pour qu'ils réussissent à y parvenir.

J'ai pleine confiance dans la créativité, le dévouement et l'intelligence des professionnels de la santé du Canada. Nous devons simplement les laisser libres d'agir.

Dr Meulien : Je voudrais ajouter une chose d'un point de vue technologique. Je pense qu'une des lacunes dont vous parlez réside dans l'absence d'un système robuste et vraiment national d'évaluation de la technologie, qui nous permettrait de déterminer si telle ou telle technologie ajoutera de la valeur à telle ou telle partie du système. Je crois que la responsabilité se situe au milieu. Il incombe à ceux qui financent la recherche, comme nous-mêmes, d'exiger des équipes de projet pluridisciplinaires de produire de bonnes analyses économiques de certaines de ces innovations pour permettre aux autorités provinciales de la santé de prendre des décisions éclairées fondées sur des preuves concluantes établissant la valeur des moyens proposés.

Je ne crois pas que nous ayons fait cela adéquatement. Nous devrions être en mesure d'améliorer notre façon de procéder. Cela est partiellement lié — je parle ici au nom de Génome Canada — à la façon dont nous concevons nos programmes. Nous pouvons faire des améliorations pour inclure quelques-unes des pièces de ce casse-tête. Paul Armstrong vient de parler de l'approche pluridisciplinaire. Je crois que cela s'applique aussi à la façon dont nous finançons la recherche. Des choses de ce genre peuvent sûrement avoir une influence.

Le sénateur Seidman : D'une certaine façon, nous pensons tous à la même question, peut-être avec quelques variantes. J'aimerais revenir à la transposition des connaissances. Il n'y a pas de doute que vous en avez tous parlé, comme d'autres témoins lors de séances précédentes.

Il y a de toute évidence des difficultés pour passer des innovations découlant de la recherche à la pratique clinique. Cela semble attribuable, du moins en partie, au manque d'intégration. Vous avez mentionné cet aspect en parlant des différents ordres de gouvernement et des différents professionnels de la santé, le manque d'intégration se manifestant aussi bien entre ces groupes que parmi leurs membres.

Pour assurer un bon rapport efficacité-coût dans le système de santé, devrions-nous inclure la transposition des connaissances dans les accords futurs? Si oui, comment?

Dr Armstrong : Je voudrais parler des technologies de l'information qui sont tellement essentielles à cette transposition. J'essaierai ainsi de répondre tant à cette question qu'à la précédente, si vous le permettez, monsieur le président.

Nous devrions tous avoir notre propre dossier de santé électronique. Même si je suis de l'Alberta, si je perdais connaissance en me rendant à l'aéroport cet après-midi et que je me retrouvais dans la salle des urgences d'un hôpital, l'infirmière de service qui m'examinera au premier point de contact devrait pouvoir immédiatement accéder à mon dossier.

Si un travailleur de Terre-Neuve employé par une entreprise d'exploitation de sables bitumineux et souffrant d'insuffisance cardiaque vient nous voir à notre clinique, nous devrions pouvoir lui rappeler régulièrement par téléphone portable, en consultant son dossier électronique, qu'il doit cesser de fumer et prendre ses médicaments, grâce à la collaboration entre professionnels de la santé.

Nous pouvons aujourd'hui soigner des patients qui viennent d'avoir une crise cardiaque en examinant leur électrocardiogramme sur un téléphone portable, grâce au transfert des soins aux équipes paramédicales dans le Nord de l'Alberta.

Les soins à distance, les technologies de l'information, la collaboration et les paiements fondés sur la qualité plutôt que sur le nombre de services dispensés constituent clairement la voie que nous devons suivre pour répondre aux besoins de l'avenir.

Dr Beaudet : C'est un défi parce que nous parlons ici d'un changement de culture. Nous tenons pour acquis que nous pratiquons une médecine fondée sur les preuves, mais en réalité, nous ne le faisons que partiellement. Nous devons comprendre que l'excellence des soins est totalement liée à l'innovation et à la recherche en santé. Nous parlons ici non seulement de la recherche qui compare de nouvelles techniques ou procédures à ce que nous faisons actuellement, mais aussi de la recherche portant sur l'efficacité comparative, qui cherche à déterminer si ce que nous faisons fait plus de bien que de mal.

Cela implique une toute nouvelle culture d'évaluation de tout ce que nous faisons. Il faut rendre compte de nos activités, comme l'a dit le Dr Armstrong. Nous devrions comprendre, par instinct, qu'une évaluation constante nous permettra de savoir si nous usons des meilleures méthodes et des procédures les plus actuelles. Voilà ce qui assurera l'excellence dans les soins. Cette culture devrait constituer la norme partout dans le pays.

Le président : Je vous remercie.

J'ai ici une liste. Nous pourrons poser d'autres questions. J'ai déjà mentionné que nous aimerions avoir de vous des réponses écrites plus détaillées. J'aimerais cependant que mes collègues puissent poser leurs questions en votre présence.

Le sénateur Cordy : Ma première question n'exige qu'une réponse par oui ou par non.

Docteur Beaudet, le sénateur Merchant vous a posé une question au sujet de la sclérose en plaques et de l'insuffisance veineuse céphalorachidienne. Je sais c'est que vous avez produit en juin un rapport à l'intention de la ministre. Le comité peut-il en avoir un exemplaire?

Dr Beaudet : Certainement.

Le sénateur Cordy : Je voudrais passer à la question des ressources humaines en santé, qui figurait évidemment dans l'accord précédent, celui que nous utilisons actuellement. Nous constatons des pénuries de personnel médical en Nouvelle- Écosse. Je suis membre de ce comité depuis longtemps puisque je me souviens que nous avons étudié le système de santé au début des années 2000. C'était un grand problème à l'époque, et on a l'impression que c'est encore un problème. Utilisons- nous efficacement nos professionnels de la santé? Comment pouvons-nous agir sur la formation pour qu'il n'y ait plus de pénuries, pour que les Canadiens puissent bénéficier des soins personnalisés dont vous avez parlé et pour que les gens aient accès à du personnel médical?

Dr Armstrong : Non, nous n'utilisons pas adéquatement nos professionnels de la santé. Dans le contexte de la recherche en collaboration dont parle le Dr Beaudet, nous aurions besoin de faire mieux. Nos salles d'urgence sont encombrées par des gens dont les ennuis de santé devraient être traités par une infirmière-pivot dans la collectivité. Nous disons que près de cinq millions de Canadiens n'ont pas accès à un médecin de famille, mais ils devraient avoir accès à une équipe intégrée de soins dans laquelle le premier point de contact ne serait pas nécessairement un médecin.

Parmi nos praticiens de toutes les disciplines, il y a un manque flagrant d'intégration, avec quelques exceptions importantes représentées par les îlots d'excellence que nous avons un peu partout. Nous avons cependant besoin de faire évoluer la situation pour aboutir à une sorte de carte géographique à grande échelle permettant à tous d'avoir accès à un système intégré de soins de santé. Nous pourrons alors faire une utilisation beaucoup plus judicieuse de nos professionnels actuels et obtenir un meilleur rendement sur notre investissement.

Le sénateur Hubley : Je crois que c'est la Dre Tamblyn qui a parlé d'une nouvelle génération de soins communautaires. Je trouve cela particulièrement intéressant parce que j'ai l'impression que cela fera intervenir les responsabilités familiales. Nous pensons à la situation des enfants. Je me demande si vous pouvez nous en dire davantage. Comment envisagez-vous cette évolution?

Dre Tamblyn : Il y a probablement trois choses sur lesquelles nous pourrions concentrer nos efforts pour réaliser une innovation massive. Nous pouvons examiner certains des problèmes les plus courants de notre société, comme l'obésité. Il est évident qu'on ne réglera pas le problème de l'obésité en augmentant le nombre des salles d'opération qui pratiquent la gastroplastie. Ce ne serait pas la bonne façon de procéder. Des interventions de santé publique visant à améliorer la qualité de vie, la sécurité alimentaire et une réforme des taxes de vente sur les aliments constituent les moyens à envisager.

Nous avons obtenu d'assez bons résultats dans le cas du tabagisme. Le Canada est devenu un modèle dans ce domaine. Nous pouvons affronter le problème de l'obésité, mais il faut une certaine vision pour combiner des interventions de santé publique, des interventions de santé de la population et un modèle de service interprofessionnel pour encourager un mode de vie plus sain, et ainsi de suite.

Le plus intéressant, c'est que, depuis au moins deux décennies, les gens disent qu'ils veulent s'occuper eux-mêmes de leur santé. Ils souhaitent mieux gérer eux-mêmes leur santé. Toutefois, nous ne leur avons pas donné les moyens de le faire.

Les arguments du Dr Armstrong concernant les technologies de l'information sont importants. Les gens veulent avoir accès à leur dossier. Ils veulent pouvoir consulter l'information concernant ce qui peut améliorer leur santé. Ils souhaitent connaître les faits sur ce qui peut leur faire du bien. Nous devrions nous organiser pour mettre cette information à leur disposition. Ce sont eux qui ont le pouvoir de changer leur comportement et celui de leur famille.

Nous avons les idées et les moyens. Nous devons simplement essayer quelques formules pour déterminer ce qui marche, puis essayer d'en généraliser l'adoption en définissant les conditions nécessaires.

Le sénateur Braley : Ma question est un prolongement des deux dernières. Je crois que l'approche clinique est absolument celle qui convient. L'Université McMaster procède actuellement à une évaluation en vue de former tous ses omnipraticiens en milieu clinique. Elle examine aussi la nature du travail à chaque poste pour déterminer si l'infirmière ou l'infirmière praticienne peut faire certaines choses afin de réduire la charge du médecin et de le placer en situation clinique pendant qu'il suit sa formation. Ainsi, les médecins deviendraient beaucoup plus utiles et s'adapteraient tout de suite à la nouvelle culture.

Ne devrions-nous pas examiner la formation qui est actuellement donnée? J'ai l'impression que les omnipraticiens ne suivent actuellement aucun cours sur les soins à donner aux aînés dans le cadre de leurs études. Il y a tant de choses à revoir dans ce domaine. Êtes-vous d'accord sur mon évaluation de la situation?

Dr Armstrong : Vous avez parfaitement raison, sénateur. Beaucoup d'entre nous ont suivi leur formation initiale essentiellement en milieu hospitalier, soignant des maladies aiguës. Nous n'avons pas reçu une formation suffisante en prévention primaire ou secondaire et n'avons que peu d'expérience des soins en clinique externe, qui doivent bien sûr comprendre la prévention.

L'autre point important, c'est qu'il est très probable que nous devrions avoir, dans les premières années de formation, des dentistes, des pharmaciens, des médecins et des infirmières qui travaillent ensemble dans le même milieu pour favoriser l'enrichissement mutuel. Les médecins ne devraient pas tous recevoir la même formation. En effet, pour beaucoup d'entre eux, la formation actuelle est bien trop longue. Nous avons besoin de changements de culture, tant au chapitre de la formation collective des professionnels de la santé qu'en ce qui concerne le lieu où la formation est donnée. Comme vous l'avez signalé, une bonne part de la formation devrait se faire à l'extérieur des établissements de soins intensifs.

Le sénateur Braley : Est-ce que la santé publique devrait être imposée comme partie intégrante de la formation des médecins?

Dr Armstrong : Absolument, monsieur.

Le président : Je vais maintenant donner la parole à deux sénateurs dans un second tour, après quoi je poserai moi- même une question.

Le sénateur Eggleton : J'aurais bien voulu entendre la réponse de la Dre Tamblyn.

Le président : Nous pouvons procéder ainsi, puis vous énoncerez simplement les questions que vous voulez poser.

Le sénateur Eggleton : Je vais poser mes questions tout de suite. Je suis les notes que m'ont préparées mes collaborateurs, mais j'ai écouté avec intérêt, docteur Beaudet, la réponse que vous avez donnée au sujet de la stratégie canadienne de recherche axée sur le patient, qui fait l'objet d'un de vos rapports. Si j'ai bien compris, elle a pour but d'introduire des approches novatrices de diagnostic et de traitement dans les soins cliniques.

Selon cette stratégie, le Canada doit faire face à « deux fossés du paysage de la santé » sur le plan de la transposition du savoir. Premièrement, le Canada ne possède pas la capacité de transposer les découvertes des laboratoires biomédicaux dans les pratiques cliniques ni de les commercialiser. Nous connaissons cette vieille histoire. Deuxièmement, le Canada ne possède qu'une capacité limitée de synthétiser, de diffuser et d'intégrer dans les pratiques cliniques et dans le processus d'élaboration des politiques de soins de santé les résultats de la recherche existante. Comment comptez-vous affronter ces deux problèmes?

Dr Beaudet : Comme je l'ai dit, nous voulons nous attaquer à ces problèmes en agissant sur un certain nombre d'éléments : prévoir une meilleure infrastructure et un meilleur soutien pour former et encourager les professionnels de la santé qui font de la recherche, et particulièrement de la recherche clinique. Nous voulons aussi assurer plus d'appui aux essais cliniques et, plus généralement, à la recherche clinique ainsi qu'à la synthèse de la recherche et à la rédaction de lignes directrices sur l'application des résultats de la recherche. Voilà le vrai défi.

Le sénateur Eggleton : Quel rôle le gouvernement fédéral peut-il jouer à cet égard?

Dr Beaudet : Le rôle fédéral consiste à appuyer la recherche. Dans le cas des IRSC, ils doivent pouvoir s'acquitter de leur plein mandat. Au-delà de la recherche biomédicale de base, ce mandat s'étend, comme vous le savez, à la recherche clinique, à la recherche sur la santé publique et la santé de la population ainsi qu'à la recherche sur les services de santé et la politique de la santé. En le faisant, nous pouvons assurer la normalisation et l'excellence des soins dans toutes les provinces, mais nous ne pouvons pas le faire tout seuls. Si nous n'avons pas la collaboration des provinces, la participation que nous recherchons ne se concrétisera pas.

De plus, nous devons absolument amener les décideurs et les dirigeants des centres universitaires de la santé à s'intéresser de très près à ce projet. Nous devons modifier la façon dont nous évaluons ce genre de recherche pour nous assurer non seulement qu'elle a abouti à des résultats et que ceux-ci ont été publiés, mais aussi qu'elle a modifié la pratique à l'échelle tant locale que nationale.

Dr Meulien : Le Dr Beaudet a dit qu'il fallait un changement de culture et une transposition des connaissances. Cela est absolument essentiel dans notre propre domaine, la génomique. Pour chacun de nos projets, nous intégrons la recherche en sciences sociales dans le programme pour prévoir les obstacles que nous rencontrerons plus tard au chapitre des transferts technologiques. De quels changements d'infrastructure aurons-nous besoin? S'agit-il de changement touchant les laboratoires cliniques, les ressources humaines ou les aspects réglementaires? Tout cela est intégré dans nos projets. Je crois que c'est un thème qui reviendra. Une fois de plus, nous devons notamment agir sur la conception du programme pour veiller à obtenir les résultats attendus au terme du projet.

Le sénateur Eaton : Je voudrais poser une question au Dr Meulien. Quelles relations Génome Canada a-t-il établies avec les universités ou des établissements tels que le nouvel Institut Lee Ka Shing en vue de coordonner et de faciliter la transposition des résultats de la recherche médicale?

Dr Meulien : Nous avons de tout temps financé des programmes dirigés par des universités. Nos centres régionaux signent des contrats avec les universités. Nos relations se fondent donc sur un modèle contractuel. Les universités rendent compte de leurs activités en fonction des étapes et des échéances prévues. Cela s'applique aussi aux instituts de recherche pouvant participer aux projets.

Le sénateur Eaton : Dans ce cas, vous chargez-vous vous-mêmes de la transposition des résultats de la recherche?

Dr Meulien : Cela dépend du plan du programme. La transposition devrait en faire partie. Nos programmes comportent des étapes précises que nous suivons de très près parce qu'il s'agit de travaux scientifiques de grande envergure. L'un de nos projets à une valeur d'environ 10 millions de dollars. Par conséquent, nous faisons un suivi soigneux, et la transposition fait partie du plan du programme.

Le président : De toute évidence, vous avez tous parlé de domaines aussi importants qu'intéressants. J'ai une question à poser. Je demanderai au Dr Meulien de répondre en premier, après quoi les autres témoins pourront formuler des commentaires, s'ils le souhaitent.

L'un des problèmes que nous avons notés parmi les nombreuses difficultés qui existent porte sur l'utilisation des produits pharmaceutiques. Nous savons qu'il y a beaucoup de problèmes à cet égard, notamment parce qu'il est difficile pour un patient donné d'obtenir immédiatement des renseignements. Toutefois, il y a un autre aspect : un sous-ensemble de la population réagit très mal à presque n'importe quel nouveau produit. Il n'y a pas très longtemps, il a fallu interdire l'utilisation générale d'un analgésique extrêmement prometteur à cause de réactions exceptionnelles touchant un sous- ensemble de la population.

Docteur Meulien, croyez-vous que les progrès de la génétique permettront bientôt de trouver un moyen pratique de déterminer si un individu réagira mal à un produit ou s'il peut profiter sans crainte d'un miracle moderne de la science?

Dr Meulien : Les réactions indésirables aux médicaments coûtent près de 15 milliards de dollars au système de santé canadien. Il est probable que plus de 90 p. 100 des cas sont d'origine génétique. Nous en avons déjà la preuve. Je vous ai parlé du cas de la codéine. Nous sauvons des vies grâce à la nouvelle modification de l'étiquetage relatif à la codéine, qui provoquait inexplicablement des décès parmi les nourrissons.

Par conséquent, oui, nous savons maintenant que les gènes peuvent modifier le métabolisme et donner lieu à ces réactions indésirables. Nos connaissances augmentent progressivement et devraient en arriver au point où nous serons en mesure de comprendre clairement le fondement génétique de ces réactions. Nous espérons pouvoir alors les éviter dans beaucoup de cas au moyen d'un simple test préalable.

Dre Tamblyn : Je crois que vous avez entendu hier le Dr Peterson, du Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments. L'un des objectifs du réseau est d'étudier les déterminants pharmaco-génomiques des réactions aux médicaments. C'est vraiment ce dont nous avons besoin. À l'échelle mondiale, nous consacrons 500 milliards de dollars à des médicaments qui, très souvent, n'ont pas d'effets ou donnent lieu à des effets indésirables. C'est un domaine d'innovation extrêmement prometteur.

Dr Beaudet : Génome Canada et les IRSC s'occupent conjointement d'une importante initiative sur la médecine personnalisée ou stratifiée destinée justement à régler ces problèmes, qui sont absolument critiques. Il ne s'agit pas seulement d'effets secondaires. Il y a aussi des gens qui ne réagissent pas du tout aux médicaments. Dans certains cas, nous prescrivons des produits pharmaceutiques dont les patients n'ont pas besoin.

Le président : Docteure Tamblyn, seriez-vous assez aimable pour répondre à la question posée plus tôt par le sénateur Eggleton? Je ne vous avais pas donné alors l'occasion de répondre. Sénateur, voulez-vous répéter votre question?

Le sénateur Eggleton : Si le gouvernement fédéral décidait d'offrir des incitatifs, comme il l'avait fait en 2004, dans quels domaines croyez-vous qu'il devrait le faire pour allécher les provinces?

Le président : Vous aviez indiqué que vous avez des observations à formuler. Vous devez donc avoir une réponse toute prête.

Dre Tamblyn : Je crois qu'il faudrait se concentrer sur les résultats qu'on veut obtenir, en fonction des principes de base qui ont fait notre réputation dans les autres pays, c'est-à-dire l'accès équitable, des soins appropriés, et cetera. Il conviendrait aussi de penser à la prévention des maladies, à la réduction des disparités et à l'amélioration des résultats des interventions. Il y aurait lieu ensuite de créer un fonds d'innovation pour financer tout cela. Ce serait vraiment très intéressant parce que les gens auraient alors un but précis à atteindre. En fait, si vous examinez ce qui s'est produit en Israël, vous constaterez que les Israéliens ont réussi à produire de magnifiques innovations en axant leurs efforts sur des buts précis, en prévoyant le financement nécessaire, puis en appliquant les résultats à grande échelle. Il serait vraiment très intéressant de procéder de cette manière.

Le président : Merci beaucoup. Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous avons eu la chance aujourd'hui d'avoir un groupe extraordinaire de témoins qui nous a parlé aussi bien des applications pratiques que de la compréhension et du développement des principes à envisager pour l'avenir. Nous aimerions beaucoup que vous réfléchissiez aux questions posées aujourd'hui pour nous transmettre tous les renseignements supplémentaires auxquels vous pourrez penser. Il serait également utile que vous nous donniez des exemples. Vous l'avez déjà fait dans vos exposés, mais si vous pouvez en trouver d'autres portant sur la mise en œuvre à grande échelle des progrès réalisés en sciences et technologie, nous vous en serions très reconnaissants.

Nous serions également heureux d'avoir d'autres observations sur l'intégration directe des connaissances au niveau des soins dispensés aux individus ainsi que sur les moyens de le faire encore plus rapidement qu'à l'heure actuelle.

Nous accueillons maintenant notre second groupe de témoins qui nous parlera des dossiers de santé électroniques. C'est un sujet dont nous avons beaucoup entendu parler. Nous avons hâte d'entendre les témoins.

Je rappelle à mes collègues que notre réunion prendra fin à 12 h 30. Nos questions devront donc être aussi précises que concises.

C'est maintenant au tour d'Inforoute Santé du Canada, qui est représentée par deux personnes : Richard Alvarez, président et chef de la direction, et Mike Sheridan, chef de l'exploitation.

Richard Alvarez, président et chef de la direction, Inforoute Santé du Canada : Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant le comité aujourd'hui. Je commencerai par l'accord de 2004, puisqu'il est le sujet de votre étude.

Dans cet accord, les premiers ministres ont convenu d'accélérer le développement et la mise en œuvre des systèmes de dossiers de santé électroniques et de télésanté afin d'améliorer la qualité, l'accessibilité et la productivité de notre système de soins de santé. Au moment de la création d'Inforoute Santé du Canada, quelque deux ans plus tôt, nous n'avions même pas convenu de ce qu'était un dossier de santé électronique, de la façon dont il fonctionnerait ni des priorités à cet égard. Il n'existait aucune structure commune, aucune norme nationale convenue, et les approches et pratiques en matière de confidentialité et de sécurité variaient considérablement d'un bout à l'autre du pays. La plupart de ces éléments sont établis aujourd'hui.

Mais je brûle les étapes. Permettez-moi de parler d'abord de la façon dont nos investissements sont utilisés pour favoriser des progrès conformes à ce qu'avaient envisagé les premiers ministres. Les investissements d'Inforoute dans ces domaines se font différemment de la plupart des investissements en santé du gouvernement fédéral. Inforoute finance conjointement avec les provinces et les territoires les investissements dans les TI relatifs à la santé. De leur côté, les provinces et les territoires sont responsables de l'élaboration de leur stratégie globale : ils proposent des projets conformes aux plans, aux normes et aux critères d'admissibilité convenus et réalisent ces projets. Toutefois, comme les administrations provinciales et territoriales déterminent elles-mêmes leurs échéanciers, nous ne versons l'argent que lorsque les différentes étapes prévues sont terminées.

Après la signature de l'accord de 2004, Inforoute et ses partenaires provinciaux et territoriaux se sont entendus sur deux ambitieux objectifs. Le premier était que chaque administration commencerait dès 2010 à profiter des avantages des nouveaux investissements dans l'information sur la santé. Le second était que les éléments de base d'un dossier de santé électronique seraient accessibles pour 50 p. 100 de la population canadienne avant la fin de 2010. Où en sommes- nous aujourd'hui?

Comme l'a souligné la vérificatrice générale dans ses rapports de 2009 et 2010, ces objectifs ont été réalisés en grande partie. Le premier objectif a été atteint bien avant l'échéance. Chaque administration avait au moins un système en place et plusieurs en avaient davantage. Le second objectif — rendre l'information accessible à la moitié de la population — a été réalisé en mars dernier.

Toutefois, le but fondamental ne se limite pas à la disponibilité de l'information. Il s'agit surtout de fournir des outils et des renseignements qui ont une valeur pour les Canadiens et leurs cliniciens et qui contribuent à transformer les soins de santé. Où en sommes-nous à cet égard?

Comme le temps presse, je me limiterai à trois des domaines d'intérêt de l'accord de 2004 qui ont récemment fait l'objet d'évaluations indépendantes. Parlons d'abord de l'accès aux soins dans le Nord.

La télésanté, qui est un moyen de fournir des services lorsque les patients et les cliniciens ne se trouvent pas au même endroit, contribue déjà à réduire les temps d'attente et à accroître l'accès aux soins, surtout dans le Nord. Une récente étude révèle que le Canada a le plus grand réseau de vidéoconférence du monde, avec 5 700 sites de télésanté desservant 1 200 collectivités, dont 423 sites dans des collectivités isolées inuites et des Premières nations. Grâce à ce réseau, 250 000 séances de télésanté ont permis aux patients d'épargner du temps et de l'argent en leur évitant des déplacements totalisant près de 47 millions de kilomètres.

Le deuxième domaine touche la réduction des temps d'attente et l'amélioration de l'accès. Le meilleur exemple dans ce cas est probablement l'imagerie numérique, qui permet de recueillir, de stocker, de gérer et de transmettre les radiographies, les tomodensitogrammes, les images par résonnance magnétique et d'autres images et rapports diagnostiques. Grâce à nos investissements, près de 90 p. 100 des examens radiologiques les plus courants effectués dans les hôpitaux du Canada sont maintenant numérisés, ce qui représente une hausse de 38 p. 100 en six ans. Les études montrent que la productivité des radiologistes et des techniciens a augmenté de 25 p. 100, ce qui leur permet de procéder à 11 millions d'examens supplémentaires chaque année. Une fois l'imagerie diagnostique entièrement implantée, nous prévoyons des économies annuelles d'un milliard de dollars.

Le troisième domaine concerne les systèmes d'information sur les médicaments qui permettent aux cliniciens autorisés d'accéder aux profils pharmaceutiques des patients, de les gérer et de les échanger pour éviter les réactions indésirables. Utilisés par un pharmacien communautaire sur trois et dans la moitié des salles d'urgence, ces systèmes contribuent à éviter les interactions médicamenteuses nuisibles et à gérer les médicaments. Les études révèlent des retombées évaluées à 436 millions de dollars par an. D'après l'enquête menée auprès des pharmaciens dans le cadre de l'étude, les principaux avantages résident dans l'amélioration de l'accès à l'information médicale, une plus grande sécurité pour les patients et la réduction de l'utilisation frauduleuse des médicaments. Les pharmaciens enquêtés ont aussi signalé un gain de productivité de l'ordre de 9 p. 100.

Comme vous pouvez le constater, des progrès ont été réalisés, mais beaucoup reste à faire. L'implantation des principales composantes du dossier de santé électronique est encore au centre des efforts déployés pour s'assurer de la disponibilité de liaisons et d'outils aux points de service.

Pour atteindre cet objectif, Inforoute et ses partenaires provinciaux et territoriaux investissent dans des efforts visant l'inscription de 12 000 médecins et infirmières praticiennes aux programmes de dossiers médicaux électroniques. Cela portera la proportion de médecins canadiens ayant accès aux DME à 60 p. 100, ce qui représente une grande amélioration par rapport aux 37 p. 100 recensés en 2009. C'est une tâche colossale de gestion du changement. Nous continuerons de collaborer avec les cliniciens pour leur fournir le soutien dont ils ont besoin.

Nous commençons également à investir dans des projets de santé destinés au grand public qui permettront aux Canadiens de prendre rendez-vous en ligne, de renouveler leurs ordonnances, de communiquer avec les cliniciens et d'accéder à leurs renseignements personnels. Grâce à des investissements ciblés en innovation, nous étudions en outre les meilleurs moyens d'appuyer les soins à domicile et les soins de longue durée.

Il y a beaucoup de travail à faire dans ces domaines et dans d'autres. Les dossiers de santé manuscrits — considérés à un moment donné comme une tradition préservée des atteintes du progrès — datent d'avant Hippocrate. Le passage aux TI modernes constitue un énorme changement culturel dans le domaine des soins de santé. Nous ne pouvons pas le réaliser du jour au lendemain.

Pour en arriver là et exploiter les avantages correspondants, il faudra un engagement soutenu de la part de milliers de cliniciens partout dans le pays, des investissements continus et un alignement rigoureux des lois, de la réglementation et des politiques. Bien qu'il faille à l'occasion revenir sur le passé pour mesurer le chemin parcouru depuis la signature de l'accord de 2004, nous devons aussi reconnaître qu'il y a encore plus à faire à l'avenir. Cela met fin à mon exposé. Je serais maintenant heureux de répondre à vos questions.

Neil Maxwell, vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada : Je vous remercie de nous donner l'occasion de présenter les résultats de deux rapports sur les dossiers de santé électroniques.

Les dossiers de santé électroniques, ou DSE, se veulent la réponse à plusieurs problèmes persistants qui touchent le système de santé au Canada, dont certains pourraient être attribués à l'utilisation de dossiers papier. Les DSE devraient permettre aux professionnels de la santé d'échanger plus facilement de l'information sur les patients, ce qui réduirait les coûts et améliorerait la qualité des soins.

[Français]

En novembre 2009, nous avons présenté les résultats d'un audit du projet des dossiers de santé électronique d'Inforoute santé du Canada et de Santé Canada, en nous basant sur les travaux qui avaient été réalisés en 2009. En même temps que notre audit, les bureaux d'audit de six provinces ont examiné la mise en œuvre dans leur province des projets relatifs aux dossiers de santé électronique financés par Inforoute ou par leur gouvernement provincial ou par les deux. Chaque bureau a présenté les résultats de son audit à son assemblée législative entre les mois d'octobre 2009 et d'avril 2010. Nous avons présenté un survol des rapports d'audit fédéral et provinciaux en avril 2010. Cependant, nous n'avons pas audité les mesures prises depuis l'achèvement de ces rapports.

Au 31 mars 2009, Inforoute avait promis d'investir ou avait investi 1,2 milliard de dollars dans cette initiative. Nous avons examiné comment Inforoute a géré les fonds du gouvernement fédéral pour atteindre son objectif de mettre en place des dossiers de santé électroniques compatibles à l'échelle du Canada.

[Traduction]

Dans l'ensemble, nous avons constaté qu'Inforoute avait à son actif de nombreuses réalisations depuis sa création et que les responsables avaient bien géré les fonds de 1,2 milliard de dollars que le gouvernement fédéral lui avait attribués pour atteindre son objectif. Inforoute a conçu des moyens de faire la transition aux dossiers de santé électroniques. Elle a défini les principales exigences et éléments du dossier de santé électronique et a établi un plan directeur ou architecture pour guider la conception des systèmes. Inforoute a collaboré avec ses partenaires ainsi qu'avec des parties prenantes et a gagné leur appui, ce qui est essentiel pour assurer le succès de cette initiative.

Nous avons signalé qu'Inforoute devait communiquer plus de renseignements sur les résultats obtenus, et particulièrement sur les progrès accomplis en vue d'atteindre son objectif de 2010. Lors de notre audit, Inforoute ne présentait des rapports que pour signaler que des systèmes étaient achevés. Les rapports n'indiquaient pas si les systèmes étaient effectivement utilisés par les professionnels de la santé et ne permettaient pas non plus de savoir si les systèmes mis en place répondaient aux exigences de compatibilité. Des renseignements sur l'utilisation et la compatibilité des systèmes aideraient le Parlement et les Canadiens à mieux comprendre les progrès réalisés jusqu'ici.

[Français]

Parlons maintenant du rapport du survol, selon les audits, réalisés par les provinces. Chaque administration auditée avait mis en place au moins un des systèmes de base du dossier de santé électronique et certaines provinces avaient presque terminé la mise en place de tous les systèmes de ce type.

Toutefois les vérificateurs généraux des provinces ont constaté que les rapports publics sur les progrès étaient limités. Les provinces manquent d'information exhaustive comme les coûts engagés jusqu'ici, les conditions de base et les mesures de rendement nécessaires pour rendre compte des progrès accomplis de façon plus complète.

Nous avons mis en évidence plusieurs défis importants pour mettre en place le plan directeur de façon intégrale. Premièrement, il faut accroître l'utilisation des systèmes de dossier électronique par les médecins prodiguant des soins primaires. En effet l'utilisation est peu élevée au Canada, comparativement à d'autre pays.

[Traduction]

Deuxièmement, les projets de DSE achevés qui ne respectent pas toutes les normes de compatibilité à l'échelle nationale doivent être mis à niveau. En effet, l'intention des provinces a été jusqu'ici d'assurer la compatibilité au sein de leur propre administration.

Troisièmement, il faut tenir compte de l'incidence des écarts entre les lois des provinces et des territoires qui régissent la collecte, l'utilisation, la protection et la divulgation des renseignements personnels sur la santé. La question est préoccupante pour les Canadiens qui déménagent d'une région du pays à une autre ou qui voyagent souvent. Enfin, il faut des fonds pour mener l'initiative à son terme, fonds qui selon certains pourraient atteindre 10 milliards de dollars.

Le comité voudra peut-être demander à Santé Canada, en tant que maître d'œuvre de la politique, et à Inforoute Santé du Canada, en tant qu'investisseur stratégique, quels progrès ils ont réalisés pour régler ces problèmes. Je souhaite au comité tout le succès possible dans ses délibérations visant à reconduire le Plan décennal pour consolider les soins de santé. Cela met fin à mon exposé. Nous serons maintenant heureux de répondre à vos questions.

Le sénateur Eggleton : Je pensais jusqu'ici que DSE et DME désignaient la même chose. Nos analystes me disent que les dossiers médicaux électroniques sont bien des dossiers numériques, mais qu'ils sont conservés dans les bureaux de médecins à un endroit donné. Par contre, les dossiers de santé électroniques sont consultés par un grand nombre de fournisseurs de soins et sont gardés dans différents systèmes dans différentes régions du pays.

Monsieur Alvarez, vous avez dit dans votre exposé que vous aviez pour but de mettre les dossiers de santé électroniques à la disposition de 50 p. 100 des Canadiens avant la fin de 2010. Vous avez dit que ce but a été atteint en mars dernier. Ensuite, vers la fin de votre exposé, vous avez ajouté : « Cela portera la proportion de médecins canadiens ayant accès aux DME à 60 p. 100, ce qui représente une grande amélioration par rapport aux 37 p. 100 recensés en 2009. » Je veux être sûr que nous ne mélangeons pas des pommes et des oranges. Parlons-nous d'avoir 60 p. 100 des gens inscrits dans les systèmes de DSE? Ce chiffre est-il inférieur à celui des DME?

M. Alvarez : Je voudrais d'abord vous donner les précisions que vous avez demandées en premier. Il y a une grande différence entre DSE et DME. Sur le plan international, le Canada est comparé aux autres pays en fonction des DME, qui sont des systèmes isolés mis en place dans des bureaux de médecins ou des hôpitaux. Par ailleurs, le Canada cherche à avoir un système de DSE, qui contiendrait des données longitudinales sur chaque personne et dont les données — antécédents pharmaceutiques, tests de laboratoire où qu'ils aient eu lieu — seraient à la disposition de quiconque a besoin d'y accéder.

Le premier chiffre que j'ai mentionné portait sur la disponibilité des données. Le DSE contient les antécédents pharmaceutiques, les résultats d'analyses, l'imagerie diagnostique, les vaccins, et cetera. Jusqu'ici, 50 p. 100 de ces données sont disponibles au Canada. Dans certains cas, comme dans l'Île-du-Prince-Édouard et en Alberta, c'est 100 p. 100, mais le chiffre est moins élevé dans les grandes provinces.

Par ailleurs, les DME n'ont été financés que dans la dernière tranche de fonds que nous avons reçue du gouvernement. L'essentiel de l'argent a servi à étendre les DME aux bureaux de médecins communautaires et aux systèmes de soins ambulatoires. Dans les comparaisons internationales — le Commonwealth Fund de Washington produit des chiffres deux fois par an —, les chiffres considérés sont ceux des DME partout dans le monde. Nous en étions à 37 p. 100 en 2009. C'est ce chiffre que nous espérons porter à près de 60 p. 100 d'ici l'année prochaine.

Le sénateur Eggleton : Et à combien comptez-vous porter le chiffre des DSE?

M. Alvarez : Notre prochain objectif est d'atteindre plus ou moins 100 p. 100 d'ici 2016. D'ici là, nous devrions avoir mis en place les bases de données nécessaires. Comme M. Maxwell l'a signalé et comme je l'ai dit moi-même dans mon exposé, il ne s'agit pas simplement de rendre les bases de données disponibles. Il faut aussi que les professionnels de la santé s'en servent. Nous pouvons mettre les antécédents médicaux à la disposition de tout le monde, mais si les cliniciens n'y ont pas recours, c'est une tout autre affaire.

Lorsqu'on considère le continuum des dossiers de santé électroniques, voici ce qu'on constate. Lorsqu'on va dans un bureau de médecin, on voit le plus souvent des étagères pleines de dossiers. Il faut commencer par les numériser. Si on ne le fait pas, il est impossible de les échanger. Une fois les dossiers numérisés, il faut penser aux liaisons. Le Canada est assez avancé sur ce plan. Viennent ensuite les étapes les plus difficiles, qui consistent à échanger les données. Les données sont échangées entre les cliniciens et les praticiens. Il y a ensuite l'étape des connaissances, qui comprend par exemple les systèmes d'aide à la décision. À ce stade, on s'occupe des cas de réactions indésirables aux médicaments, des directives cliniques et des moyens d'utilisation de l'information.

Nous sommes bien avancés dans les étapes de numérisation et de liaison. Nous nous attaquons maintenant à l'échange d'information, mais nous sommes encore très loin du but.

Le sénateur Eggleton : En ce moment, le nombre de patients inscrits dans les systèmes de DSE est-il très supérieur au chiffre correspondant relatif aux DME?

M. Alvarez : Oui. Si on compte les systèmes de DME établis en milieu hospitalier, le Canada est très en avance. Les nombres sont élevés.

Le sénateur Eaton : Je vais aborder un sujet différent. Ma question porte sur le Nord ou sur des collectivités telles que Parry Sound qui n'ont pas d'hôpitaux de soins tertiaires. Dans une étude que nous avons réalisée l'année dernière, nous avons parlé des moyens d'amener un patient dans un hôpital tertiaire en cas d'urgence, par exemple lorsqu'un automobiliste heurte un chevreuil sur la route et qu'il est gravement blessé. Est-ce que la télésanté intervient dans ces cas? Si le patient ne peut pas être admis dans un hôpital tertiaire dans un délai d'une heure ou deux, pouvez-vous lui fournir les renseignements nécessaires sur un écran d'ordinateur?

M. Alvarez : Nous avons des exemples de cas semblables. Il y a des gens qui ont écrit des histoires. Des vies ont été sauvées, surtout à cause des investissements faits par le gouvernement fédéral de concert avec les provinces et les territoires. La réponse est donc oui. En matière de télésanté et d'imagerie diagnostique, nous avons concentré nos efforts sur les zones rurales et isolées.

Je vais vous donner l'exemple d'un homme qui a été blessé dans le Grand Nord en tombant de sa motocyclette. Il avait un téléphone portable sur lui et savait où il se trouvait parce qu'il avait un GPS. Il a donc pu appeler une ambulance. L'ambulance l'a déposé à une clinique locale qui disposait de certains éléments d'un système d'imagerie diagnostique. Il a donc été possible de transmettre les radiographies du patient au centre tertiaire de l'hôpital Stanton.

Les responsables de l'hôpital ont pu donner des instructions sur la façon de déplacer la personne en cause pour l'emmener à Stanton. Des spécialistes d'Edmonton ou de Vancouver ont également examiné les radiographies et donné leur avis sur ce qu'il convenait de faire.

Les soins à distance ont énormément progressé. En fait, il y a eu une augmentation de 35 p. 100 du nombre de téléconsultations dans les quelques dernières années.

Le sénateur Eaton : Je suis sûre que nous faisons des progrès considérables dans le Grand Nord, mais je m'inquiète de ce qui se passe plus près de chez moi, non dans les grands centres, mais à des endroits comme Parry Sound et Owen Sound, qui se trouvent à 250 km d'un grand hôpital. Avez-vous commencé à aider ces petits centres qui n'ont pas les moyens de se payer un hélicoptère ou qui n'ont pas un hôpital de soins tertiaires à proximité?

M. Alvarez : Oui. En fait, je crois que l'Ontario a l'un des réseaux de télésanté les plus développés du monde. Il n'y a aucun doute là-dessus.

Le sénateur Eaton : Est-ce le cas dans d'autres provinces?

M. Alvarez : Oui, c'est le cas au Manitoba et en Colombie-Britannique.

Le sénateur Eaton : Et au Québec?

M. Alvarez : Absolument. Grâce à nos investissements, beaucoup de choses se font au Québec, par exemple la téléassistance en soins de plaies. Les gens sont traités chez eux, souvent par des cliniciens qui se trouvent loin de là. Nous venons de lancer un projet pilote de télépathologie dans trois provinces, l'Ontario, le Manitoba et Terre-Neuve. Il est maintenant possible de faire un contrôle de qualité sur l'interprétation d'images de prélèvements pathologiques. Cela améliore réellement la situation pour ce qui est de la charge de travail et des arriérés.

Pour l'interprétation de certaines images, la pathologie était un grand problème que nous avions au Canada. C'est un exemple de cas où la technologie est utilisée pour résoudre les problèmes de ce genre.

Le sénateur Merchant : Je vous remercie pour vos exposés. Je suis très étonnée de voir que les professionnels de la santé acceptent mal l'échange d'information. Je crois que l'un des problèmes des DSE réside dans leur faible taux d'adoption parmi les professionnels de la santé. En 2009, la vérificatrice générale du Canada avait mentionné qu'Inforoute Santé du Canada ne produisait pas de rapports sur l'adoption ou l'utilisation par ces professionnels des systèmes réalisés.

Est-ce qu'Inforoute Santé du Canada a l'intention de produire ces rapports? Croyez-vous que le faible taux d'adoption des DSE parmi les professionnels de la santé constitue un risque pour cette initiative? Quels encouragements ou stratégies est-ce qu'Inforoute pourrait envisager pour favoriser une hausse du taux d'adoption des DSE?

M. Alvarez : Ce sont d'excellentes questions. Pour ce qui est de publier les taux d'adoption, nous avons commencé à le faire en 2010-2011. Les chiffres figurent dans notre rapport annuel. Nous pouvons dire aujourd'hui qu'il y a 19 000 utilisateurs des DME, 43 000 utilisateurs de l'imagerie diagnostique, 30 000 utilisateurs des systèmes d'information sur les médicaments et 35 000 utilisateurs des systèmes de DSE. Nous publions ces renseignements.

Votre question suivante portait sur les faibles taux d'adoption. Encore une fois, on peut mener les chevaux à l'abreuvoir, mais il est parfois difficile de les faire boire. Nous constatons que les amateurs de nouveautés et les chefs de file parmi les cliniciens ont facilement adopté ces systèmes. C'est une chose qui nous inquiète, et je vais vous dire pourquoi. L'Alberta a lancé son programme de DME il y a des années. Après sept ou huit ans, les responsables se sont heurtés à un mur. Entre 57 et 60 p. 100 des professionnels de la santé avaient adopté le système. Les autres ne l'avaient pas fait. Ce n'est pas une question d'argent, je peux vous en donner l'assurance. C'est plutôt une question de culture. Il s'agit pour les professionnels de changer ce qu'ils ont appris à l'école de médecine bien des années auparavant. Ils sont habitués à tout coucher sur papier, et voilà que soudain, l'organisation du travail change. La productivité baisse jusqu'à ce qu'on embarque dans le nouveau système, mais il y a toujours la crainte d'apprendre de nouvelles choses. À l'occasion, j'entends un clinicien dire : « Je prends ma retraite dans cinq ou six ans. J'ai bien hâte d'arriver là. Entre-temps, je ne changerai pas ma façon de travailler. » C'est bien sûr un sujet de préoccupation.

Votre dernière question portait sur les encouragements. Le premier consiste à amener les chefs de file parmi les cliniciens à travailler avec d'autres au sein de groupes de pairs. Nous le faisons un peu partout dans le pays. Nous donnons le plus de soutien possible pour amener les cliniciens à adopter le nouveau système en leur montrant qu'eux- mêmes et leurs patients en profiteront. Nous ne pouvons pas en faire assez dans ce domaine.

L'Ontario a lancé son programme de DME plus tard que l'Alberta, qu'il a rattrapée depuis. Pourquoi? Parce qu'il a changé la structure. L'Ontario a formé des équipes de soins familiaux, qui ne pouvaient pas travailler sans recourir à un ordinateur. Ces équipes comprenaient des infirmières praticiennes, et tout le monde devait se mettre au même diapason. Par contre, il y a beaucoup de praticiens qui travaillent seuls et qui n'ont pas besoin d'échanger des renseignements.

Une foule d'aspects culturels et structurels peuvent continuer pendant un certain temps à entraver l'adoption des dossiers électroniques. Nous devons souvent aller à contre-courant. Nous finançons des écoles de sciences infirmières et de pharmacologie et collaborons avec elles pour les inciter à inclure cela dans leur programme d'études. Les étudiants qui obtiennent leur diplôme n'auront pas de difficultés à adopter les nouvelles technologies, mais ils doivent apprendre à utiliser les dossiers médicaux, les systèmes d'aide à la décision, et cetera. Une fois qu'ils commenceront à exercer leur métier, ils ne sauront pas travailler autrement.

Le sénateur Cordy : C'est très intéressant. Nous savons que quelques projets de DSE ont été achevés, mais qu'ils ne sont pas conformes aux normes nationales de diffusion de l'information. Vous en avez parlé dans une optique nationale, monsieur Maxwell. Nous avons entendu dire, au comité, que c'est différent d'une province à l'autre. On nous a également dit qu'il y avait des difficultés à l'intérieur de chaque province. Un médecin nous a même affirmé qu'il était incapable de communiquer sur son ordinateur avec les autres services de son hôpital pour transmettre des renseignements. En Nouvelle- Écosse, on m'a pris une radiographie lundi matin. Le temps que je rentre chez moi de l'hôpital, mon médecin m'a téléphoné pour me dire qu'elle en avait reçu une copie par courriel et que je devais faire telles et telles choses. J'ai l'impression que tout va bien et que le système est beaucoup plus efficace sur le double plan du temps et de l'argent.

Ce sont les provinces et les territoires qui assument les frais d'exploitation et de mise à jour du système des dossiers de santé électroniques. Est-ce que cela explique que certaines administrations ne font pas la mise à niveau nécessaire? Quelles sont les raisons?

M. Alvarez : J'aimerais aborder cette question d'une façon plus globale sous l'angle des normes. Mon collègue a également parlé dans son exposé de beaucoup des questions qui se posent.

Vous avez raison. Peu de temps avant que nous commencions, il était difficile sinon impossible de communiquer des renseignements d'un étage à l'autre d'un hôpital. Les patients devaient souvent recommencer à raconter leur histoire. D'une façon générale, ce n'est plus le cas aujourd'hui, mais cela arrive encore. Deux hôpitaux situés en face l'un de l'autre ne pouvaient pas communiquer entre eux.

Inforoute Santé du Canada avait pour mandat de définir des normes pancanadiennes. Il faut commencer là où les efforts sont le plus fructueux, c'est-à-dire là où les patients vont se faire traiter et là où ils circulent.

Nous avons donc élaboré une série de normes, notamment pour la messagerie et les données. Nous ne finançons aucun projet qui ne soit pas conforme à nos normes. Dans ces conditions, nous pouvons commencer à relier les nombreux centres locaux de soins. Si les mêmes normes sont respectées un peu partout dans une administration, il devient possible d'établir des liaisons, comme dans le cas de votre imagerie diagnostique en Nouvelle-Écosse.

Aujourd'hui, en Nouvelle-Écosse, il est possible de faire une radiographie au Cap-Breton et de se faire opérer au Queen Elizabeth de Halifax le lendemain. Grâce à la normalisation, le médecin aura accès aux images dont il a besoin.

Une fois que ces normes auront été utilisées dans différentes administrations, rien ne s'opposera à ce que tout le monde soit relié. Toutefois, ce n'est pas aussi simple. L'Alberta a des systèmes de laboratoire que nous n'avons pas financés. Ils ne sont pas conformes à nos normes parce que celles-ci n'existaient pas encore. À un moment donné, l'Alberta devra faire une mise à niveau. Quand elle l'aura fait, les normes seront les mêmes qu'ailleurs.

Ce n'est pas absolument parfait, mais là où existent des besoins pratiques réels — comme pour l'échange d'images diagnostiques ou de télésanté —, il semble possible de surmonter les problèmes, les provinces réussissant à s'entendre pour échanger les données.

Même si ce n'est pas parfait, nous commençons à obtenir des résultats.

Nous envisageons un nouveau plan stratégique qui s'appliquerait entre maintenant et 2018. Nous prendrons en considération les branchements à faire et les options les moins coûteuses. Le prochain objectif, ce sera les dossiers de santé grand public. Beaucoup d'entre vous ont leur domicile permanent ailleurs. Il n'y a aucune raison pour que vous ne puissiez pas disposer de vos antécédents médicaux si votre clinicien les a.

En Colombie-Britannique, quand les cliniciens reçoivent des résultats d'analyses, les mêmes résultats sont transmis aux patients. Rien ne s'oppose à cela. Si chacun avait son propre dossier, il pourrait le mettre à la disposition de qui il veut. Il ne serait plus nécessaire que deux cliniciens essaient de déterminer si leurs systèmes respectifs peuvent communiquer entre eux. Chaque personne pourra transmettre elle-même son propre dossier. Je crois que c'est dans cette direction que nous irons.

Le sénateur Seidman : J'aimerais continuer dans la même veine. Je m'intéresse particulièrement à l'absence de progrès au chapitre de la compatibilité à l'échelle nationale. Je regarde en ce moment un document très récent de l'Association canadienne pour la santé mentale. Ce document, qui a paru le 18 octobre, critique vertement les efforts déployés par le Canada pour faire avancer le programme des dossiers de santé électroniques à l'échelle nationale.

Je crois que nous en sommes tous conscients. Nous entendons tous les jours des critiques dans nos propres provinces. Comment croyez-vous que des progrès seront réalisés pour surmonter les problèmes de compatibilité partout dans le pays?

M. Alvarez : Comme je l'ai dit plus tôt, la compatibilité est importante à l'échelle nationale, mais elle l'est encore plus à l'échelle locale et provinciale-territoriale. Bien sûr, on fait des progrès. Nous avons des exemples d'enfants blessés dans le Nord, à un endroit où il n'y a ni radiologiste ni neurologue, dont les radiographies sont examinées en Nouvelle-Écosse. Ensuite, une conférence a lieu au cours de laquelle des neurologues d'Edmonton interprètent les images et donnent des conseils au médecin traitant à Whitehorse ou Yellowknife. Je vous ai parlé des exemples de télépathologie dans trois provinces. Différents aspects de la compatibilité sont réalisés partout dans le pays.

Y a-t-il compatibilité quand un Torontois va skier à Whistler et se casse une jambe? Non. Nous n'en sommes pas encore à ce stade. L'Ontario n'a pas terminé son programme, et la Colombie-Britannique travaille encore sur certains aspects du sien. Toutefois, cela viendra à un moment donné. En arriverons-nous au point où les deux cliniciens pourront communiquer entre eux? Peut-être. Je crois, pour ma part, que nous en arriverons là lorsque nous donnerons aux patients le moyen d'accéder à leur propre dossier, probablement sur Internet, pour le mettre à la disposition de leur médecin traitant.

Le sénateur Seidman : Je ne suis pas sûre que vous avez répondu à ma question. Beaucoup de gens sont très critiques parce que nous consacrons tout notre argent à l'informatique et aux entreprises chargées de concevoir les logiciels. Nous ne dépensons pas de l'argent pour faciliter la mise au point d'un système à l'intention des médecins et des patients. Pouvez-vous essayer de répondre à cette question?

M. Alvarez : Environ 30 p. 100 des fonds que nous versons aux provinces et aux territoires vont à la gestion du changement. Comme je l'ai déjà dit, nous avons un énorme problème à ce niveau. Nous avons beaucoup de groupes de pairs, de groupes de référence, de groupes de cliniciens et même un Conseil clinique. Nous consacrons beaucoup d'efforts à la gestion du changement. La technologie n'est pas en cause. Dans beaucoup de régions du monde qui ont connu des échecs dans ce domaine, on a attribué le problème à la technologie, mais le problème est beaucoup plus humain que technologique.

Le sénateur Seidman : C'est exactement là que je voulais en venir. Ne donnons-nous pas trop d'argent aux entreprises informatiques plutôt que de l'utiliser pour essayer de comprendre ce dont le Canada a besoin dans le cadre d'un système axé sur le patient?

M. Alvarez : Pour nous, la gestion du changement est vraiment prioritaire, mais nous avons quand même besoin d'outils, de matériel et de logiciel. Dans le domaine du matériel et du logiciel, nous avons affaire à un marché mondial. Chaque fois qu'un projet est envisagé, toutes les administrations lancent d'importants appels de propositions. Des cliniciens participent à l'examen des offres. Pour beaucoup des outils, le choix se fonde sur la facilité d'emploi. Les cliniciens s'en serviront-ils? Est-ce que cela modifiera l'organisation du travail? Si oui, de quelle façon? Sera-t-il facile d'utiliser les outils? Par conséquent, on consacre beaucoup d'efforts à la facilité d'emploi. On ne dit pas au clinicien : « Voici un logiciel. Débrouillez-vous pour apprendre à vous en servir. » Ce n'est pas ainsi que nous procédons.

[Français]

Le sénateur Verner : Selon des informations qui nous ont été fournies, on voit des différences assez importantes entre les différentes compétences du pays dans l'implantation du dossier de santé électronique. Est-ce que, à votre avis, il s'agit soit d'un manque de financement dans certaines provinces, soit de considérations technologiques, soit d'un appui mitigé de la part de la profession médicale?

Différentes choses ont été dites jusqu'à maintenant et on ne semble pas être capable de cerner de façon très précise quelle en est la raison. Selon les données dont on dispose, l'Alberta et l'Ile-du-Prince-Édouard, par exemple, sont en tête de liste alors que le Québec est bon dernier.

[Traduction]

M. Alvarez : En fait, depuis 2004, chaque province a commencé à un stade différent. L'Alberta avait déjà de l'avance. Diverses raisons expliquent les différences qui existent entre les régions du pays. La première, c'est la volonté politique. La transformation est-elle, oui ou non, prioritaire pour la province? Ralph Klein avait déclaré qu'avant la fin de 2008, tous les Albertains auraient un dossier électronique. L'objectif a été atteint en 2009. Il n'est pas toujours facile de donner la priorité à cette question quand le système de santé connaît d'autres grands problèmes. La deuxième raison, c'est la taille. Plus une province est grande, plus c'est difficile. Si la province n'a pas établi une structure régionale d'une forme ou d'une autre, c'est encore plus difficile. Plus les points de service sont nombreux, plus il y a de fournisseurs et plus il est difficile de les mettre tous au même diapason.

L'Ontario et le Québec font des progrès, mais ne sont pas aussi avancés que l'Alberta. Dans bien des cas, c'est à cause de la taille et de la structure.

Le sénateur Martin : Je trouve le sujet vraiment passionnant, étant la fille de parents malades. Mon père étant à cheval entre deux autorités sanitaires, je peux me rendre compte directement des problèmes qui se posent quand il faut faire passer l'information d'une autorité sanitaire à une autre. À Vancouver même, j'ai affaire à deux autorités. Je vis à proximité de cet hôpital, mais je sais que lorsque mon père sera transféré ici, il faudra encore se battre pour que l'information soit transmise. À mon avis, l'échange de renseignements et d'antécédents médicaux ne se fait pas aussi efficacement qu'il le devrait compte tenu des progrès technologiques réalisés.

Ma première question concerne la technologie. La technologie est efficace lorsqu'elle est conviviale, lorsque ceux qui s'en servent ont reçu une bonne formation et lorsque ceux qui l'ont produite ou créée font le suivi nécessaire. C'est peut-être trop long à expliquer, mais quand vous travaillez avec des cliniciens ou des établissements, pouvez-vous nous dire quel suivi vous faites, quelles mesures vous prenez au stade de la mise en œuvre pour que le système soit convivial et quels problèmes vous devez surmonter? Puisque, comme vous l'avez dit, vous disposez de 2,1 milliards de dollars, le financement n'est pas en cause. Il y a eu suffisamment d'investissements. Dans quelle mesure la technologie s'est-elle révélée conviviale pour les professionnels de la santé qui l'utilisent et quel genre de suivi approfondi est fait par l'entremise de votre organisation?

M. Alvarez : Permettez-moi de préciser notre rôle. Nous n'avons pas à aller dans les hôpitaux. Nous avançons des fonds et définissons un certain nombre de critères. Si vous êtes en Colombie-Britannique, c'est là que le travail est fait. La province finance le projet, le donne à contrat et se charge de la mise en œuvre.

Cela dit, permettez-moi de prendre comme exemple les dossiers médicaux électroniques. À cause du genre de travail à faire pour rallier les cliniciens, les former et les appuyer, nous ne finançons un projet que lorsque le gouvernement provincial ou territorial s'est entendu avec son association médicale et a établi un programme permettant de superviser la formation des médecins, la sélection des produits et les soins de suivi. Il s'agit d'un programme exclusivement consacré à ces objectifs. En ce moment, nous en avons six ou sept dans le pays. Les autres administrations n'ont pas reçu d'argent parce que nous attendons qu'elles établissent un tel programme de soutien. Je peux parler au nom des administrations partenaires en ce qui concerne les dossiers médicaux électroniques, le système d'information sur les médicaments et l'imagerie diagnostique.

Je vais vous donner un exemple concernant justement l'imagerie diagnostique. Il y avait un clinicien spécialisé qui aimait bien ses radiographies et ne voulait pas faire la transition à l'ordinateur et aux données numériques car, disait-il, il pouvait mettre les radiographies dans son négatoscope et faire des dessins par-dessus. On lui a répondu : « Voici l'écran sur lequel s'affichera l'image numérique. Nous vous donnerons une feuille de plastique transparent sur laquelle vous pourrez faire vos dessins. » Il a procédé ainsi pendant deux semaines, après quoi il a mis la feuille de plastique au panier et a commencé à utiliser directement l'ordinateur. Nous revenons encore à la notion de gestion du changement. Le Canada a appris de ceux qui l'ont précédé que ce n'est pas une question de technologie. C'est beaucoup plus le facteur humain. Si on ne travaille pas avec les cliniciens, si on ne les appuie pas — il faut dire que l'appui vient le plus souvent d'autres cliniciens —, on n'arrivera pas à faire monter les taux d'adoption.

Le sénateur Martin : Je vous remercie de cette réponse claire. Je ne veux pas parler de « mise en vigueur », mais pour assurer la responsabilité des utilisateurs lorsqu'un programme est financé, pouvez-vous vérifier que les normes sont respectées? Si un système est déjà en place, vous avez dit qu'il échappe à votre contrôle et que vous ne pouvez pas vous en occuper. Dans ce cas, les administrations sont-elles seules responsables? Qui a la responsabilité de veiller à ce que les normes soient les mêmes ou soient assez proches de celles du système ou des DSE déjà en place? Comment peut-on relever ces normes? Qui évalue les autres systèmes qui existent?

M. Alvarez : Tout le monde sait maintenant quels systèmes sont compatibles et lesquels ne le sont pas. Nous publions ces renseignements dans nos rapports annuels. Nous y précisons les systèmes conformes aux normes nationales et ceux qui ne le sont pas. En général, les systèmes non conformes sont ceux qui avaient été établis avant la définition des normes. Les administrations le savent. Elles se sont engagées à respecter les normes nationales, mais chacune a son ordre de priorité.

Pour revenir à votre question de tout à l'heure, monsieur le président, j'avais mentionné plus tôt que notre financement est différent de celui du gouvernement fédéral. Notre pire cauchemar serait de construire quelque chose, puis de constater que personne ne s'en sert. Comme nous n'avons aucun contrôle direct sur l'adoption des systèmes, nous versons aux administrations 20 p. 100 du financement d'avance, dès la signature du contrat. Nous leur donnons ensuite 30 p. 100 lorsque le matériel et le logiciel sont installés, mais nous gardons les 50 p. 100 qui restent jusqu'à ce qu'elles aient atteint certaines cibles liées à la facilité d'utilisation et à l'adoption. Les administrations doivent travailler très fort pour atteindre la cible d'adoption parce que nous ne pouvons pas nous-mêmes intervenir. Les choses doivent se faire à l'échelle locale. Tant que le niveau d'adoption prévu n'est pas atteint, nous ne versons pas la somme convenue.

Le président : C'est une question importante. Le sénateur Martin a parlé des technologies existantes, des technologies compatibles, et cetera. Vous voudrez peut-être faire un suivi en donnant quelques exemples et nous renseigner sur les problèmes que vous devez affronter dans ce domaine ainsi que sur les pouvoirs dont vous disposez pour aller de l'avant. Vous pourriez aussi nous donner peut-être un exemple ou deux concernant les résultats obtenus ainsi qu'un bon exemple pratique. Pouvez-vous y réfléchir et nous envoyer une réponse écrite plus tard?

M. Alvarez : Je le ferai.

Le président : Je voudrais poursuivre dans la même veine. Un certain nombre de mes collègues ont posé des questions sur le même sujet. Je crois que nous trouvons que les réponses sont un peu difficiles à concilier avec ce que nous avons entendu jusqu'ici. Si j'ai bien compris ce que vous avez dit, il est probable qu'il y a un problème de communication que nous n'avons pas exploré suffisamment pour être en mesure d'expliquer les différences entre ce que disent les praticiens et ce que vous nous dites aujourd'hui. Par exemple, il y a un praticien qui a clairement affirmé que ce serait une grande victoire pour lui s'il arrivait à obtenir un dossier d'un autre service du même hôpital, sans parler d'accéder à un dossier qui se trouve à Calgary. En même temps, vous nous avez parlé d'un radiologiste de Halifax qui a eu accès le jour même à une radiographie prise au Cap-Breton. J'ai l'impression qu'il s'agit ici de deux choses différentes. La numérisation d'une radiographie est une technologie relativement simple. Je ne dis pas que c'est facile, mais cela semble se faire assez couramment. La transmission de la radiographie numérisée est assez analogue à l'envoi d'un courriel avec une pièce jointe. Le dossier médical d'un patient n'est pas aussi simple. Il s'agit de renseignements gardés dans l'ordinateur d'un médecin ou d'un spécialiste dans un hôpital donné. Il est possible que l'autre spécialiste qui a besoin de voir la radiographie puisse le faire simplement en enfonçant un bouton sur son ordinateur. Toutefois, les renseignements complémentaires relatifs à l'état de santé du patient, qui figurent dans un dossier complètement différent, ne sont pas transmis aussi rapidement que nous l'aurions voulu.

Il est évident qu'il y a un écart entre le pourcentage d'adoption que vous avez mentionné aujourd'hui et ce que les praticiens nous ont dit. Je me demande si cela n'est pas attribuable à la différence qu'il y a entre la transmission du dossier médical d'un patient et la transmission de choses plus spécialisées comme les radiographies, et cetera. Pouvez- vous nous en dire davantage à ce sujet?

M. Alvarez : La question est de savoir à qui vous parlez et où se trouve votre interlocuteur.

Si vous parlez à un clinicien de l'Alberta ou de l'Île-du-Prince-Édouard ou encore à un pharmacien de la Colombie- Britannique, vous aurez une réponse très différente de celle que vous donnerait un médecin de l'Ontario. En Alberta, où que vous soyez, on pourra extraire votre dossier de santé électronique, qui contiendra pour le moins vos images diagnostiques, vos antécédents pharmaceutiques et vos résultats d'analyses. Il contiendra également quelques rapports, le tout constituant les éléments de base d'un dossier de santé électronique.

Si vous allez en Colombie-Britannique — cela existe depuis des années —, vous pouvez vous adresser à n'importe quelle pharmacie, qui disposera de vos antécédents pharmaceutiques complets. Elle n'aura pas vos résultats d'analyses, mais le pharmacien disposera d'une liste complète des médicaments qui vous ont été prescrits. La Colombie- Britannique travaille actuellement pour que les résultats d'analyses et l'imagerie diagnostique soient également disponibles. Si vous allez en Ontario, vous constaterez que les salles d'urgence disposent de renseignements sur les médicaments prescrits aux aînés. Elles n'ont pas actuellement des antécédents pharmaceutiques complets ou pour tout le monde. Il faudra un certain temps pour que cela se fasse. L'Ontario fait des progrès remarquables dans le domaine de l'imagerie diagnostique et commence aussi à en faire dans le domaine des résultats d'analyses.

Par conséquent, cela dépend de la région du pays dont vous parlez. Le chiffre de 50 p. 100 que j'ai mentionné concerne les systèmes qui contiennent les résultats d'analyses, l'imagerie diagnostique, les antécédents pharmaceutiques et les renseignements du client et du fournisseur, car il est indispensable d'identifier les deux de façon unique. Je dis donc que 50 p. 100 de ces renseignements se trouvent dans des bases de données partout dans le pays. Je précise que, dans certains cas, nous avons 100 p. 100 des données et, dans d'autres, beaucoup moins.

Le président : Je vais en rester là. Je suis persuadé que c'est une question qui aura une importance considérable dans le prochain accord.

J'aimerais maintenant que, dans le cadre du second tour, les membres du comité posent leurs questions pour que vous puissiez leur répondre par écrit plus tard. Le greffier vous transmettra les questions. Vous n'avez donc pas besoin d'en prendre note. Êtes-vous d'accord?

M. Alvarez : Bien sûr.

Le sénateur Eggleton : Pour faire suite à ce que vous venez de dire, monsieur le président, j'aimerais demander au témoin quels encouragements le gouvernement fédéral devrait offrir dans le cadre du prochain accord pour faire progresser le programme des dossiers de santé électroniques. Quels obstacles s'opposent actuellement à la délivrance d'ordonnances électroniques? Que devons-nous faire pour faire avancer ce dossier aussi?

Le sénateur Cordy : Monsieur Maxwell, vous avez parlé non seulement des différences de technologie, mais aussi des écarts qui existent entre les lois provinciales et territoriales au chapitre de la protection de la vie privée et des renseignements personnels. Vous avez également parlé des gens qui vont d'un endroit à l'autre du pays. Il n'y a pas de doute que beaucoup de gens du Canada atlantique vont travailler en Alberta et rentrent chez eux par avion toutes les deux ou trois semaines. Pour revenir à la question soulevée par le sénateur Eggleton, vous avez dit qu'un programme national coûterait 10 milliards de dollars. Est-ce que cela devrait faire partie du prochain accord sur la santé? Je ne devrais peut-être pas poser une question de ce genre à un comptable.

M. Maxwell : Je serais heureux de répondre en temps opportun.

Le sénateur Braley : Globalement, il y a beaucoup d'information. Je vois aussi une masse de renseignements sur les éléments qui composent le système, de haut en bas. Je ne vois cependant pas grand-chose pour résoudre les problèmes de fabrication. Vous commencez par recueillir les données actives en espérant qu'elles ne contiennent pas d'erreurs. Vous vous en occupez ensuite en remontant la chaîne. Dans ce domaine, a-t-on beaucoup travaillé sur des systèmes simples?

[Français]

Le sénateur Verner : Pour reprendre la question que j'ai posée et à laquelle les collègues ici ont répondu, je la poserai à nouveau mais de façon plus spécifique au Bureau du vérificateur général. Quel est votre point de vue? Quels seraient vos commentaires sur les différences qui existent dans l'implantation du dossier médical entre les différentes juridictions?

[Traduction]

Le président : Nous attendrons avec intérêt vos réponses à ces questions précises. Si, en réfléchissant à ce qui s'est passé aujourd'hui, vous avez des renseignements complémentaires à nous donner, nous vous en serions très reconnaissants.

En fonction de ce que j'ai entendu aujourd'hui et auparavant, je répète que cela semble être considéré comme une partie extrêmement importante de la prestation des soins de santé dans le contexte moderne, particulièrement à l'endroit préféré du patient, qui est souvent son propre domicile. L'orientation que nous avons prise a pour but de donner tous les soins nécessaires au cours d'une seule visite, au lieu de les répartir sur plusieurs. Tous ces facteurs sont extrêmement importants non seulement pour le niveau perçu du traitement administré au patient, mais aussi pour la prestation de soins médicaux au moment opportun partout dans le pays.

Si vous avez d'autres idées à ce sujet — car je crois, et vous aussi j'en suis sûr, que ce sujet aura une importance sans cesse croissante —, nous serions très heureux de les connaître.

Sur ce, je voudrais vous remercier encore d'avoir répondu aussi clairement à mes collègues. Je remercie également mes collègues pour leurs questions.

(La séance est levée.)


Haut de page