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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 6 - Témoignages du 2 novembre 2011


OTTAWA, le mercredi 2 novembre 2011

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 12, pour étudier les progrès réalisés dans la mise en œuvre du Plan décennal pour consolider les soins de santé de 2004.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, la séance est ouverte.

[Français]

Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie, sénateur de la Nouvelle-Écosse, et je préside le comité. Je demanderais à mes collègues de se présenter, à partir de ma gauche et en commençant par le vice-président du comité.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, de Toronto.

Le sénateur Martin : Yonah Martin, de Vancouver, en Colombie-Britannique.

Le sénateur Dyck : Lillian Dyck, de la Saskatchewan.

Le sénateur Merchant : Pana Merchant, de Regina, en Saskatchewan.

Le sénateur Demers : Jacques Demers, du Québec.

[Français]

Le sénateur Champagne : Andrée Champagne, de la province de Québec aussi. Bonjour.

[Traduction]

Le sénateur Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le président : Je rappelle à tous que nous poursuivons aujourd'hui l'étude des progrès réalisés dans la mise en œuvre du Plan décennal de 2004 pour consolider les soins de santé au Canada. Il s'agit de notre huitième séance, et nous parlerons aujourd'hui de l'accès aux soins de santé dans le Nord.

Bienvenue aux témoins de la séance d'aujourd'hui. Nous accueillons Stuart Whitley, sous-ministre, et Sherri Wright, sous-ministre adjointe, Santé et Services sociaux, gouvernement du Yukon; Debbie DeLancey, sous-ministre par intérim, ministère de la Santé et des Services sociaux, et Robert Dana Heide, sous-ministre adjoint, Support des opérations, ministère de la Santé et des Services sociaux, gouvernement des Territoires du Nord-Ouest.

Nous devions recevoir Peter Ma, du gouvernement du Nunavut, mais malheureusement, il a dû annuler notre rendez-vous au dernier moment.

J'invite les témoins à présenter leur exposé. Nous allons commencer par M. Whitley, suivi de Mme DeLancey.

[Français]

Stuart J. Whitley, sous-ministre, Santé et Services sociaux, Gouvernement du Yukon : Je vous remercie de l'occasion de nous présenter devant vous cet après-midi. Malheureusement, nous n'avons pas eu suffisamment de temps pour préparer un texte de présentation en français, donc je poursuivrai en anglais.

[Traduction]

Chaque sénateur devrait avoir reçu nos documents, divisés en deux groupes. Le premier document est une présentation qui porte sur l'accès aux soins de santé dans le Nord et qui donne un aperçu de ce dont nous allons parler cet après-midi. Les autres documents concernent certaines questions liées à nos territoires respectifs. Si vous permettez, je vais me référer au premier document en donnant le numéro de page.

À la page 2, concernant l'accès aux soins de santé, il est indiqué que nous devions présenter trois documents — un par territoire —, mais malheureusement le représentant du Nunavut n'est pas ici. Après la présentation des deux documents, nous pourrons discuter davantage avec les sénateurs.

À la page 3, on souligne un point essentiel : sans l'Initiative de viabilité du système de santé des territoires, l'IVSST, nous n'aurions pas été en mesure d'accomplir les progrès réalisés en matière d'accès aux soins de santé dans le Nord. À la page 4, nous disons brièvement qu'en plus de recevoir des fonds du gouvernement fédéral, nous faisons de notre mieux pour gérer efficacement nos budgets de base, comme nous allons le montrer dans nos prochains documents, afin d'améliorer l'accès aux soins de santé des Canadiens dans le Nord. Nous sommes conscients que le gouvernement du Canada reconnaît depuis longtemps la nécessité d'aider les gens dans le Nord. Le Canada a pris des arrangements dès 2003 pour financer les soins de santé, notamment le plan décennal et l'Initiative de viabilité du système de santé des territoires, qui devait au départ durer trois ans et qui a été prolongée de deux ans, jusqu'en 2014.

Passons à la page 5. Depuis 2005, l'IVSST a réparti 30 millions de dollars par année entre les trois territoires. Ces fonds ont joué un rôle capital dans l'élaboration, la mise en œuvre et la prestation de services de santé innovateurs et déterminants dans le Nord. Il convient de répéter que nous sommes énormément reconnaissants de la dernière prolongation de l'IVSST jusqu'en 2014.

À la page 6, les objectifs fixés au départ par les territoires et le gouvernement fédéral consistaient à réduire au fil du temps l'utilisation du système de santé — et nous allons insister quelque peu là-dessus lorsque nous parlerons de ce qui se passe dans les territoires —, à consolider les services aux communautés et à développer nos capacités et notre autonomie pour fournir les services dans les territoires. Ces objectifs sont très élevés, et ils comportent des défis énormes à bien des égards.

À la page 7, on peut voir les trois volets de financement des territoires pour répondre aux grandes priorités, comme le soutien des coûts de transport à des fins médicales. Compte tenu des grandes distances et de nos infrastructures modestes, nous transportons, bien sûr, beaucoup de patients à l'extérieur des territoires pour donner de meilleurs soins. Les volets de financement comprennent aussi les projets qui concernent les trois territoires, dont nous allons discuter, la collaboration avec les médias, le soutien accordé au Réseau de recherche sur la santé dans l'Arctique, les soins de première ligne en santé mentale et l'évaluation continue du programme de transport à des fins médicales.

À la page 8, les priorités du gouvernement fédéral nous sont communiquées fréquemment et elles se fondent sur la Stratégie pour le Nord. Il y a quatre grandes priorités et je ne vais pas toutes les passer en revue, mais le premier ministre a souvent parlé de ces priorités.

Une des principales préoccupations du gouvernement fédéral, c'est sans doute la limitation des coûts, au même titre que les gouvernements des trois territoires du Nord. Les coûts croissants des soins de santé représentent un fardeau toujours plus lourd pour nos programmes dans le Nord. Il est dans l'intérêt de tous de limiter les coûts.

Le titre de la page 10 est : « La santé est un investissement stratégique pour le gouvernement fédéral ». Le Nord connaît actuellement un boum économique. Les trois territoires sont l'objet d'investissements considérables, en partie en raison du réchauffement climatique, et le gouvernement fédéral a fait plusieurs annonces sur les questions de souveraineté dans le Nord. Aucun projet ne peut se concrétiser sans l'apport de gens et de communautés en santé. À ce propos, les fonds auxquels nous avons accès dans l'IVSST sont très importants et ils nous permettent non seulement d'améliorer la santé des gens du Nord, mais aussi de gérer la courbe des coûts, qui nuit bien sûr à tous les territoires.

À la page 11, il est question du contexte actuel dans le Nord. Vous n'êtes probablement pas sans savoir que les indicateurs de santé dans le Nord sont bien plus bas, surtout pour les Autochtones et les Inuits. Nous devons assumer des coûts plus élevés en raison de la taille modeste de nos communautés, de leur éloignement et de notre utilisation d'autres infrastructures que les nôtres pour fournir les services. Étant donné que nos communautés sont éloignées et qu'elles sont petites, nous avons des problèmes importants de recrutement et de fidélisation des ressources humaines dans la santé. De plus, notre faible population signifie une assiette fiscale plus modeste. Nous espérons que les choses vont changer, comme les indicateurs commencent à le montrer. Nous commençons à obtenir de plus en plus de redevances liées aux ressources naturelles. Il y a présentement une augmentation de la population au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest. Malheureusement, cette augmentation n'est pas toujours permanente, dans les territoires. Bien des activités d'exploration entraînent le recours à des travailleurs qui peuvent utiliser nos services, mais qui ne vivent pas ici. Ces personnes n'influencent pas la formule de financement ou l'assiette fiscale.

Pour la première fois dans l'histoire des territoires, surtout au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest, nous commençons à voir des gens prendre leur retraite dans leurs communautés d'origine, ce qui alourdit notre fardeau comme jamais auparavant. Il va sans dire que les économies d'échelle sont limitées.

Je ne sais pas pour le Nunavut, mais je pense que deux territoires ont été examinés par la vérificatrice générale du Canada. Nous sommes toujours réceptifs concernant ce que nous pouvons améliorer, même si les observations du Bureau du vérificateur général sont un peu sévères. Durant les vérifications de gestion, le Bureau du vérificateur général nous a dit qu'il fallait consolider le recrutement et la fidélisation. Nous sommes bien d'accord. Nous devons améliorer nos mesures de rendement et la surveillance pour ce qui est de nos systèmes. Nous sommes tout à fait d'accord. Au moins au Yukon, nous sommes d'accord sur toutes les recommandations de la vérificatrice générale. Cela signifie toutefois que nous devons investir beaucoup dans les systèmes pour améliorer nos capacités et effectuer plus facilement les évaluations, les suivis et les prévisions, comme veut le BVG.

Par ailleurs, je souligne que la Commission de vérité et de réconciliation, qui tient maintenant des activités dans le Nord, vient régler un problème social important. Vous connaissez tous le mandat de la commission, mais sa présence dans nos communautés et l'enquête qui a mis de l'avant les conséquences multigénérationnelles ont alourdi considérablement le fardeau de nos systèmes de santé et de services sociaux. Il convient de souligner que le principal groupe de survivants et de descendants de survivants se situe dans le Nord.

La page 13 porte sur la stabilité du financement des soins de santé. Il faut du temps pour transformer le système de santé. Ailleurs dans la documentation que vous avez reçue hier, et je suis certain que la plupart d'entre vous n'ont pas encore eu l'occasion de la consulter, nous disons que les gouvernements sont souvent obsédés par le court terme, comme disait le premier ministre de l'Australie l'an dernier. Autrement dit, les gouvernements se demandent si leurs investissements vont leur permettre de montrer un produit ou quelque chose à la fin de leur mandat. C'est dit de façon quelque peu grossière; toutefois, nous le constatons dans les ententes de financement. Lorsque l'IVSST nous a été donné il y a cinq ans, il a d'abord fallu un an pour que nous commencions à recevoir de l'argent. Durant quatre ans, nous avons élaboré des programmes graduellement, nous avons rendu des comptes sur certaines erreurs et nous avons examiné les résultats, puis nous devions voir comment nous pouvions poursuivre sur notre lancée. L'IVSST a ensuite été prolongé pour une autre courte période. Le processus s'est répété, et nous avons dû recruter des gens qui pensaient que l'initiative se terminerait et qu'ils allaient partir. C'est quelque peu la pagaille lorsqu'on ne tient pas pour acquis que la transformation des systèmes de santé ne se fait pas du jour au lendemain. Il est question d'une transformation à long terme, stable et permanente.

Nous disons aussi dans cette diapo que l'entente de financement actuelle est inadéquate. Je sais que votre comité ne s'oriente pas dans une telle direction, si je peux dire. Néanmoins, nous pensons qu'il convient de le souligner également.

Enfin, nous insistons au Yukon pour dire que le financement des soins de santé n'est pas une question indépendante. Les principaux facteurs sociaux de la santé doivent aussi être pris en compte. Tant que nous continuerons à voir les soins de santé comme une activité isolée et surtout axée sur les soins actifs, nous n'apporterons jamais les changements importants qui auront une influence permanente sur les coûts.

C'était une brève synthèse de notre aperçu. Je vais céder la parole à ma consœur, Mme DeLancey, des Territoires du Nord-Ouest.

Debbie DeLancey, sous-ministre par intérim, ministère de la Santé et des Services sociaux, gouvernement des Territoires du Nord-Ouest : Merci, monsieur le président. Nous avons aussi une présentation pour les Territoires du Nord-Ouest. Nous témoignons avec des représentants des autres territoires. Les trois territoires ont beaucoup en commun, mais nous devons aussi relever des défis propres à chacun. Nous aborderons nos défis respectifs. Je vais rapidement vous parler des problèmes particuliers des Territoires du Nord-Ouest, de certains progrès que nous sommes parvenus à accomplir, en partie à l'aide des fonds fédéraux, et de certains défis que nous devrons relever.

À la diapo 2, vous voyez une carte des Territoires du Nord-Ouest qui montre les huit régions relatives à la prestation des soins de santé et des services sociaux.

Pour vous donner un peu plus de détail sur certaines questions soulevées par mon confrère du Yukon, les Territoires du Nord-Ouest comptent un peu plus de 43 000 habitants répartis sur un grand territoire, 33 communautés dont bon nombre sont éloignées et qui, en majorité, n'ont pas d'accès routier durant toute l'année. Non seulement des problèmes de distances se posent pour utiliser les services, mais il faut doubler des services. Dans une ville du Sud de 43 000 personnes, un établissement de santé ou un hôpital réglerait la question. Pour notre part, nous devons construire certaines infrastructures dans chaque communauté.

Notre population est composée d'environ 50 p. 100 d'Autochtones qui doivent relever de nombreux défis uniques en matière de santé et de bien-être. Il y a actuellement 12 groupes autochtones distincts qui prennent part à des négociations sur l'autonomie gouvernementale. Ces négociations déboucheront peut-être sur 12 différentes ententes concernant les soins de santé et les services sociaux. Il s'agit d'un système complexe. Nous nous efforçons d'offrir nos services dans les 11 langues officielles. Nous sommes confrontés à des barrières culturelles et linguistiques qui engendrent des coûts et nuisent à l'accès aux services essentiels.

La plupart de nos communautés n'ont pas de médecins résidents. Lorsque les habitants du Nord entendent que l'accès à un médecin de famille constitue un problème majeur dans le Sud, ils trouvent ça drôle. Seulement six communautés sur 33 paient des médecins résidents. Parmi ces six, nous sommes capables de recruter et de maintenir en poste des médecins résidents dans deux seules communautés. En fait, il y a 31 communautés qui font appel à des médecins itinérants et suppléants.

Nous allons vous situer un peu en contexte.

La troisième diapositive présente quelques-uns de nos principaux défis. Je vais les décrire brièvement. Nous sommes d'avis que dans l'ensemble, les habitants de nos communautés ont accès à des programmes et à des services raisonnables. D'après les sondages que nous menons auprès de la population, 90 p. 100 des patients se disent satisfaits. Cependant, nous reconnaissons que le système n'est pas adapté aux besoins, ni à la demande ou aux difficultés sur le plan des ressources humaines en santé. Le recrutement dans les communautés isolées est l'une des principales difficultés à laquelle nous devons faire face. On y observe de nombreux postes vacants et un taux de roulement élevé. Les professionnels de la santé, les médecins et les infirmières aiment vivre au sein d'une communauté professionnelle. Il peut être difficile et parfois même inquiétant de devoir gérer seul, peut-être avec un autre praticien, toute la prestation des soins actifs.

Nous devons financer et offrir une formation spécialisée à notre personnel infirmier en santé communautaire, parce que dans 26 communautés, les infirmières sont les seules praticiennes. Une formation d'IA ne suffit souvent pas pour inciter les gens à travailler au sein de nos communautés éloignées. D'après ce que nous disent nos habitants, le taux élevé de roulement et le manque de stabilité découlant du personnel infirmier occasionnel et suppléant ont une incidence sur la qualité des soins.

Comme vous pouvez l'imaginer, le transport pour raison médicale représente un coût énorme pour tous les territoires. Nous prévoyons environ 23 215 déplacements par année, et c'est sans compter les évacuations sanitaires qui sont imprévues. Ces déplacements sont onéreux et présentent souvent des risques ou un niveau d'inconfort pour les patients.

Notre modèle de prestation de services constitue tout un défi. Nous voulons offrir à tous les habitants un accès équitable aux soins de santé et aux services sociaux de base. Toutefois, ce n'est pas évident lorsqu'on n'a pas suffisamment de ressources pour recruter tous les praticiens nécessaires dans chaque communauté. Nous avons élaboré un modèle de prestation de services intégrés fondé sur le personnel infirmier en santé communautaire. Ces infirmières en santé communautaire auront habituellement un travailleur social ou un travailleur de la santé dans la communauté. Certains services sont strictement offerts dans des centres régionaux, d'autres uniquement à notre hôpital territorial, et il y a d'autres services pour lesquels les gens doivent sortir du territoire.

Nous essayons de faire appel à différents professionnels de la santé et d'être le plus innovateurs possible — compte tenu de la difficulté à recruter des médecins — par l'intermédiaire d'infirmières praticiennes ou de sages-femmes, mais cela crée d'autres problèmes en matière de formation, de certification et de maintien en poste.

Mon collègue du Yukon a parlé brièvement de l'état de santé de la population. Nous sommes en quelque sorte aux prises avec une crise du bien-être dans les Territoires du Nord-Ouest. On signale un plus grand nombre de cas de maladies chroniques, d'obésité, de tabagisme et de consommation abusive d'alcool qu'ailleurs au Canada. Les membres de notre population sont moins susceptibles de faire de l'activité physique et de s'alimenter sainement, et on y rapporte plus de problèmes de santé physique et mentale. Ce sont des inducteurs de coûts. La demande est forte et les besoins sont grands au sein de toutes nos communautés éloignées. Il est très difficile de répondre à la demande.

Je ne vais pas m'attarder sur la gouvernance ni sur la structure. Ce que j'essayais de faire valoir avec cette première diapositive, c'est que notre situation est plutôt complexe, compte tenu de la diversité culturelle et du nombre d'ententes d'autonomie gouvernementale en cours de négociation. Notre système de prestation de services doit s'y adapter, tout en demeurant le plus efficace possible.

La reddition de comptes est un nouvel enjeu dans le domaine de la santé partout au Canada et aussi une question qui a été relevée par le Bureau du vérificateur général du Canada dans son récent examen de notre système. Étant donné que nos huit administrations ont chacune leur propre système de collecte de données, leur personnel et leur façon de procéder, nous avons dû mettre en place des mesures de reddition de comptes. Nous sommes néanmoins conscients que c'est un secteur dans lequel nous avons beaucoup de travail à faire.

Par ailleurs, j'aimerais mentionner que notre système est soumis à des pressions financières, dont bon nombre sont largement répandues au Canada. Tous les systèmes de santé au Canada devront assumer les coûts associés au vieillissement de la population et à l'obligation de se conformer aux nouvelles normes, de même que la hausse des prix des produits pharmaceutiques. Évidemment, nous éprouvons aussi des problèmes qui sont propres à notre administration, comme les nombreux déplacements pour raison médicale. J'espère que cela vous donnera un aperçu des problèmes auxquels nous sommes confrontés.

Passons maintenant à la quatrième diapositive. Sachez que nous avons connu quelques réussites et réalisé des progrès. Le financement fédéral nous est essentiel puisqu'il nous permet d'effectuer certains investissements et de mener des recherches nécessaires au règlement de nos problèmes.

Sur le plan des ressources humaines, nous avons pu mettre sur pied des programmes de formation à l'intention du personnel infirmier en santé communautaire. Nous estimons que lorsque ces infirmières se rendent dans des communautés éloignées avec un niveau élevé de confiance et de compétences, il est plus probable qu'elles veulent y rester et qu'elles soient en mesure d'offrir des services stables. Nous avons commencé à déployer des infirmières praticiennes et des sages-femmes dans quelques-unes de nos communautés. Nous sommes chanceux d'avoir une communauté qui est disposée à recevoir l'appui de différents professionnels de la santé. Notre communauté est ouverte au point de dire : « Avons-nous réellement besoin d'un médecin dans la région alors que nous pourrions avoir deux infirmières praticiennes? » Nous avons pu commencer à mettre en œuvre certaines de ces différentes ententes. Nous avons également investi un peu plus dans le recrutement des médecins en vue de se doter d'un effectif complet.

Pour ce qui est du transport sanitaire, il y a un fonds, l'IVSST, destiné à financer les coûts directs de ces déplacements, qui a été extrêmement utile à notre territoire. De concert avec les autres territoires, nous nous sommes penchés sur des façons d'améliorer notre administration de ces déplacements, et de gérer le processus plus efficacement. Grâce aux modifications qui ont été apportées à la gestion et à l'administration dans les Territoires du Nord-Ouest, nous estimons que nous avons réussi à infléchir la courbe, et ces deux dernières années, les coûts liés aux déplacements pour raison médicale sont demeurés stables. Nous ne sommes pas certains si ces coûts diminueront, mais s'ils n'augmentent pas chaque année, nous considérons cela comme une réussite.

Quant à l'accès aux services de base, nous observons des progrès. L'arrivée de la télésanté — la cybersanté, les dossiers médicaux électroniques, les téléconférences pour les consultations et les tests de diagnostic, l'envoi d'images numériques d'une communauté à une autre pour des rayons X — commencent à avoir des retombées positives sur notre système. Nous voyons de plus en plus de gens dans des petites communautés avoir un accès rapide à des services sans se déplacer. Il reste tout de même beaucoup de chemin à faire.

Grâce à l'IVSST, nous avons apporté des modifications au programme. Par exemple, moyennant un petit investissement, nous avons mis en place un programme de services de dialyse élargis. Cela a eu un impact énorme sur la qualité de vie des patients qui n'ont plus à se déplacer en dehors des territoires pour recevoir ce traitement. Certaines de nos initiatives en matière de ressources humaines dont j'ai déjà parlé commencent à apporter une certaine stabilisation des services offerts aux communautés.

Une autre réussite qu'il convient de mentionner, et je vais reprendre notre exposé, c'est l'établissement du Arctic Health Research Network. Les trois territoires ont tous établi une capacité de recherche visant à nous appuyer sur les plans de la reddition de comptes et de la mesure de rendement et à faire correspondre les besoins en recherche des territoires avec les chercheurs et les universitaires du Sud afin de surmonter les difficultés qui nous sont propres.

À la page 5, nous abordons brièvement quelques-unes des priorités. On peut voir le travail qu'il nous reste à accomplir. Sachez qu'il y a beaucoup d'améliorations à apporter à notre système. Nous devons continuer de faciliter l'accès aux services fondamentaux. Nous nous penchons actuellement sur notre modèle de prestation de services. J'ai parlé plus tôt du recours aux sages-femmes et aux infirmières praticiennes. Nous essayons de voir comment nous pourrions être plus créatifs et de trouver la meilleure façon de déployer ces ressources humaines en santé afin d'offrir des services au plus grand nombre de gens possible.

Nous continuons de lancer des initiatives de cybersanté. Dans les Territoires du Nord-Ouest, nous sommes chanceux que la plupart de nos médecins touchent un salaire. Par conséquent, nous sommes en mesure d'instaurer un système de dossiers de santé électroniques à l'échelle du territoire, ce qui nous aidera à tirer profit des technologies en matière de cybersanté maintenant disponibles.

Nous envisageons d'établir un centre d'appel virtuel afin que le personnel infirmier en santé communautaire dans les régions puisse communiquer en tout temps avec des gens qualifiés et avoir accès aux technologies de cybersanté. Lorsque les infirmières doivent poser un diagnostic sur un patient dans une communauté ou déterminer si cette personne doit être traitée dans la communauté ou être évacuée d'urgence, elles pourront compter sur du personnel dévoué. Jusqu'à maintenant, nous avons toujours effectué les déplacements de façon ponctuelle, et souvent, nous avons dû transporter des patients en avion à un hôpital territorial simplement parce qu'une infirmière n'a pas pu trouver un médecin pour poser un diagnostic.

Le Bureau du vérificateur général a recommandé d'élaborer un plan exhaustif quinquennal des ressources humaines en santé dans les Territoires du Nord-Ouest. C'est un projet majeur. À cet égard, nous comptons sur le financement versé dans le cadre de l'IVSST.

Nous voulons aussi améliorer notre façon de gérer les maladies chroniques. Soixante-dix pour cent de nos hospitalisations sont des cas de maladies chroniques, comme le diabète de type 2, des problèmes cardiaques et pulmonaires ainsi que des problèmes de santé mentale et de dépendance. Nous estimons qu'en investissant dans l'intervention précoce, c'est-à-dire en donnant aux gens les outils d'autogestion et le soutien dont ils ont besoin au sein de la communauté, nous serons en mesure de prévenir bon nombre de ces situations avant qu'elles ne nécessitent des soins actifs ou des évacuations sanitaires à l'hôpital.

J'ai parlé du transport pour raison médicale; nous avons beau avoir réalisé des progrès à ce chapitre, n'empêche qu'il y a encore beaucoup à faire. Nous examinons actuellement notre politique et nous essayons de trouver un moyen de centraliser la répartition et le triage de façon à avoir un seul centre qui coordonne le transport des patients, les vols et le trafic aérien dans l'ensemble des Territoires du Nord-Ouest.

Pour ce qui est de la reddition de comptes, j'ai indiqué qu'il restait beaucoup de chemin à faire. Nous voulons orienter nos administrations vers des systèmes financiers partagés afin d'établir des mesures du rendement globales et de conclure des ententes de rendement avec elles. Nous sommes à instaurer un système de dossiers médicaux électroniques, ce qui nous aidera à faire le suivi des résultats et à produire des rapports à l'échelle du territoire.

La dernière diapositive porte sur les bienfaits d'un investissement continu dans les soins de santé des Territoires du Nord-Ouest. Nous avons vu que nous pouvons restreindre les coûts croissants au moyen d'économies d'échelle et de nouvelles approches en matière de prestation de services. Nous savons également que nous pouvons faciliter l'accès de nos habitants aux services de base. C'est extraordinaire de voir qu'une personne vivant dans une communauté éloignée peut bénéficier d'une consultation psychiatrique chaque semaine par le biais de la vidéoconférence au lieu de devoir se rendre à l'hôpital en avion et de faire un séjour de trois mois à l'unité de psychiatrie. C'est une réalité. Ce sont des choses que l'on voit aujourd'hui.

Nous travaillons en partenariat avec nos fournisseurs de soins de santé afin d'améliorer la gestion des risques, l'assurance de la qualité et la mesure du rendement. C'est essentiel puisque nous avons entendu ce que mon collègue du Yukon nous a dit au sujet de l'activité économique dans les territoires. Notre population doit en tirer avantage, et une population en santé signifie une main-d'œuvre en santé. C'est dans notre intérêt à tous de nous assurer que les gens sont en bonne santé et qu'ils peuvent bénéficier de ce qu'on leur offre.

Nous estimons que le financement fédéral nous a aidés, que ce soit pour investir directement dans les secteurs plus difficiles comme le transport sanitaire, ou pour trouver des solutions à nos problèmes. Nous espérons pouvoir continuer de compter sur ce financement à l'avenir.

Le président : Monsieur Whitley, je suppose que vous allez conclure?

M. Whitley : Oui, après avoir parlé de la particularité du Yukon.

Le président : Pourriez-vous le faire rapidement?

M. Whitley : Bien sûr.

Avant toute chose, même si le représentant du Nunavut est absent, et je ne veux surtout pas parler à sa place, je tiens à souligner que bon nombre des problèmes auxquels sont confrontés les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon touchent également, sinon plus, le Nunavut.

En récapitulant, je vais essayer de ne pas répéter ce qui a été dit au sujet du Yukon. Je veux parler de l'accès aux soins de santé dans le Nord. Je vais commencer à la page 2.

J'ai vu pour la première fois les illustrations que mes collègues ont insérées lorsque j'étais à bord de l'avion en route vers ici. Si vous avez des questions concernant ces illustrations, cela pourrait s'avérer être un exercice plus itératif que je ne le croyais.

Si vous prenez les illustrations de la page 2, vous pouvez apercevoir, à droite, les trois premiers ministres des territoires lorsqu'on a renouvelé le financement de l'IVSST la dernière fois.

À la page 3, on indique qu'il y a environ 34 000 habitants au Yukon. Pourtant, nous estimons que la population se chiffre plutôt autour de 36 000 habitants. Environ 23 ou 24 p. 100 d'entre eux sont des membres des Premières nations, issus de 14 Premières nations qui ont chacune leur langue.

J'ai parlé du transport sanitaire. À la page 5, vous pouvez voir quelques illustrations. Dans ce que vous ne pouvez pas lire, on parle des avis d'ébullition de l'eau, qui sont assez fréquents dans les régions rurales du Yukon. Il est aussi question de la mauvaise hygiène dentaire et des mauvaises conditions de logement, qui sont toutes des préoccupations importantes pour nous.

En ce qui a trait aux mesures que nous avons prises relativement à l'accès aux soins de santé, en prévision d'une autonomie gouvernementale, nous avons mené un examen complet de notre système de santé et tenu des consultations à ce sujet. Pour résumer les résultats de cette étude, sachez que les gens sont satisfaits de notre système de soins de santé; ils ne veulent pas qu'on y enlève quoi que ce soit et ils ne souhaitent pas payer des frais pour ces services. Je ne pense pas que cette réaction soit bien différente d'ailleurs au pays. C'est ce que nous avons constaté.

En outre, je tiens à dire que l'enquête sur les comportements liés à la santé des enfants d'âge scolaire — que vous trouverez dans les documents que nous vous avons remis — est probablement le document le plus triste que vous lirez. Il se penche sur les comportements à risque de la majorité de nos enfants, particulièrement dans les régions rurales du Yukon, associés à la consommation de tabac et de drogue, à l'intimidation, à la dépression, au décrochage, au milieu familial dysfonctionnel et à la malnutrition. Tous ces problèmes ont des répercussions sur notre système de soins actifs.

Des cas malencontreux de mortalité survenus dans nos établissements nous ont amenés à créer un groupe de travail sur les personnes en état d'alcoolémie dangereuse. Ses recommandations se trouvent dans le dossier que vous avez entre les mains. Elles représentent un défi énorme à relever, vu les ressources très limitées dont dispose une population très petite, qui en a désespérément besoin.

Vous pourrez lire le passage sur les déplacements pour raison médicale, plus particulièrement l'explosion stupéfiante de leurs frais et ses causes.

À la page 8, nous exposons en détail les réalisations qu'a permises le financement de l'IVSST, pour accroître et améliorer l'accès aux soins de santé de diverses façons.

À la page 9, on lit que nous consacrons beaucoup de ressources à la stratégie du mieux-être, notamment, tout en reconnaissant que ce n'est qu'une goutte dans l'océan. Nous concentrons notre action sur les enfants et les jeunes. Nous cherchons également une façon de cibler des populations du Yukon pour améliorer leur mieux-être général. Cette action repose sur l'hypothèse que, à mon avis, nous comprenons tous intuitivement, selon laquelle nous ne pouvons pas influer sur le système de soins de courte durée à moins d'influer sur la santé générale des citoyens, ce qui fait appel, également, à une stratégie d'inclusion. Nous examinons les enjeux tels que le logement, l'éducation, la santé mentale et les types de soutien dont les personnes ont besoin pour bien se sentir. Dans le cadre de la stratégie d'inclusion, nous examinons le vieillissement en bonne santé et nous élaborons une stratégie pour les ressources en santé humaine qui assurera une offre continue de professionnels de la santé.

Je saute par-dessus la page 10. Vous pouvez la lire vous-mêmes. Nous avons amélioré d'un certain nombre de façons, très directement, l'accès aux soins de santé, grâce à l'aide fédérale.

Je tiens à souligner le dernier alinéa de la page 11, sur le programme de soins dentaires, qui n'existait pas avant que nous n'obtenions le financement pour l'IVSST. Grâce à lui, nous avons pu mettre sur pied un programme de soins dentaires pour les enfants. Je pense que tous comprennent que la santé physique générale passe d'abord par les soins dentaires. Dans de nombreux cas, comme celui que montre l'une des illustrations, la santé dentaire des populations rurales, notamment celle des enfants autochtones du Yukon, est déplorable, et nous devons réagir.

Fait intéressant, lorsque l'IVSST tirait vers sa fin et que nous venions à peine de faire démarrer ce programme, nous avons appris que nous ne recevrions plus le financement qui permettrait de le poursuivre. Les commentaires du ministre à ce sujet, devant l'Assemblée législative, ont arraché des cris d'indignation pour l'urgence de maintenir un tel programme et un programme de détection rapide des psychoses, dans lesquelles nous avons beaucoup investi grâce aux fonds de l'IVSST. Pourtant, je ne sais comment, nous sommes censés trouver de l'argent auprès de la direction des routes ou du ministère de l'Éducation pour financer des programmes qui continuent de gonfler le budget des soins de santé.

La diapo 12 porte sur les liens importants que nous avons continué de tisser au Yukon, les partenariats avec les Premières nations, notamment. Bien qu'elle concerne les spécialistes, nous devons également souligner avec reconnaissance les relations que nous avons nouées avec les grands hôpitaux de Vancouver, d'Edmonton et de Calgary.

On ne pourra jamais assez souligner assez à quel point les territoires sont reconnaissants pour le financement qu'ils ont reçu jusqu'à ce jour, qui leur a permis ce genre de travail innovant et tourné vers l'avenir.

Bref, nous sommes petits et complexes, en voulant dire, par là que notre population est diversifiée. Nous sommes dispersés et éloignés. Nous possédons une diversité ethnique. Notre territoire est vaste. Comme vous le savez tous, nous vivons tous des changements incroyables — démographiques, sociaux et climatiques — et nous nous efforçons tous de répondre à la nécessité d'en tenir compte ainsi que des besoins de notre population. Nous pensons que nous obtenons de bons résultats. C'était un survol très rapide de la situation du Yukon. Je vous cède maintenant la parole, monsieur le président.

Le président : Merci beaucoup. Je la cède à mon tour à mes collègues pour la période de questions.

Le sénateur Eggleton : J'ai trouvé très intéressante la différence dans les exposés du Yukon et des Territoires du Nord- Ouest, même si leur teneur est à peu près la même. Monsieur Whitley, dans vos observations, vous avez dit que les fonds destinés à l'IVSST ont eu un effet considérable. Vous avez également dit que ce financement est terminé. Je crois que, dans le budget de 2010, on y a engagé des sommes, de sorte que le financement se poursuit. Vous pouvez répondre à cette observation ainsi qu'au reste de la question. Vous dites que, au Yukon, cela a changé beaucoup de choses.

Madame DeLancey, quand vous avez parlé de vos réussites, vous vous êtes exprimée de façon plus modeste. En fait, vous avez parlé de début ou de commencement deux ou trois fois. Est-ce que, dans les Territoires du Nord-Ouest, les choses ont été légèrement différentes? Dans la population, voit-on l'effet de l'utilisation de ces fonds sur l'amélioration des programmes et des services?

M. Whitley : À l'origine, l'accord était quinquennal. Dans sa quatrième année, nous avons appris qu'il ne serait pas reconduit et que nous devions commencer à mettre fin à des programmes et à nous désengager, le cas échéant. Nous n'étions pas en mesure de garantir les emplois ni d'assurer aux collectivités le maintien des programmes, faute, tout simplement, de sources de financement de rechange.

Comme la date limite approchait et que les négociations s'amplifiaient, la situation a changé. Au bout du compte, on a reconduit l'accord pour encore deux ans. Nous sommes ainsi revenus à la situation antérieure. Après un premier arrêt, puis un nouveau démarrage, ça s'est encore arrêté. Ce n'était pas très bon pour certains de nos programmes.

Mme DeLancey : Je vous renvoie aux observations préliminaires de M. Whitley, sur le temps que prend une réforme fondamentale du système de santé. Loin de moi l'idée de minimiser l'utilité, pour les Territoires du Nord-Ouest, de l'IVSST et du financement de transfert de Santé Canada, qui ont aidé à diminuer certaines pressions directes, comme celles des déplacements pour raison médicale, et ce qui est plus important encore, à entreprendre l'analyse des éléments perfectibles du système.

Au début, nous avons effectué un certain nombre d'études. Il y en a eu, par exemple, sur les déplacements pour raison médicale, qui ont commencé à nous montrer la voie à suivre, mais il reste à en appliquer les résultats. Chez les ressources humaines de la santé, nous avons pu éprouver l'efficacité des infirmières praticiennes et des sages-femmes, mais il reste beaucoup à faire pour déterminer dans quelle mesure nous pouvons nous offrir le déploiement de ces autres alliées professionnelles de la santé et ce à quoi ressemble le bouquet de fournisseurs de services. En parlant de début et de réussite modestes, je ne voulais pas dire que nous avions fait peu de choses grâce au financement. Cependant, je crois que nous avons l'impression, et je pense l'avoir entendu de nos homologues du Yukon, que nous sommes loin du but. En ce qui concerne le financement de l'IVSST, nous avons un plan de travail tout à fait au point pour les deux prochaines années concernant des investissements uniques qui, espérons-le, changeront nos méthodes de prestation de services.

Le sénateur Eggleton : Les populations ont-elles l'impression que quelque chose a changé? Observent-elles une différence dans l'application du financement?

Mme DeLancey : Je pense qu'il serait plus précis de dire qu'elles observeraient une différence si le financement cessait tout d'un coup, par exemple si l'État n'avait pas suffisamment d'argent pour les budgets des déplacements pour raison médicale. Encore une fois, nous ne voyons pas encore de modifications dans la santé de la population. Il y a des points mineurs. Par exemple, les réactions que nous avons reçues sur les infirmières praticiennes et sur les sages- femmes, dont nous avons pu financer les postes, ont été positives, mais, au moment où nous nous parlons, on ne les trouve que dans trois ou quatre collectivités. Ce n'est pas un service universel dans tous les Territoires du Nord-Ouest.

Le sénateur Eggleton : Monsieur Whitley, dans votre exposé, vous avez parlé des facteurs sociaux déterminants de la santé et du besoin aigu de s'y attaquer. Si un programme succède à l'IVSST ou si le financement de cette initiative est reconduit après 2014, aimeriez-vous qu'une partie soit consacrée à ces facteurs? Desquels s'agirait-il alors?

En outre, si l'initiative est reconduite, sur quoi devrait-elle se concentrer? Sur quels programmes, il peut y en avoir un ou plusieurs, devrait-elle se concentrer?

M. Whitley : Vous m'avez posé plusieurs questions. La première concerne la reconduction de l'initiative, et s'il y a lieu son orientation vers les facteurs sociaux déterminants de la santé. À cela, je réponds oui, mais qu'est-ce que cela comporte?

La question du rapport qui existe entre la santé publique et la maladie publique, si vous me passez l'expression, commence à peine à éveiller l'attention au Canada. Dans les réunions avec mes collègues, on parle de l'importance d'examiner l'effet sur la santé des questions telles que le logement, l'éducation et la pauvreté.

Pour nous, au Yukon du moins, il faut que nous comprenions mieux ce rapport. C'est pourquoi nous élaborons une stratégie d'inclusion et une de mieux-être.

Le problème de la pauvreté est difficile à résoudre. J'ai entendu des politiciens dire qu'il était impossible à résoudre, que subsistera toujours, quelque part, une forme de pauvreté. J'en doute, en dépit des leçons de l'expérience.

Néanmoins, il faut que nous comprenions mieux comment ces facteurs déterminants sont globalement reliés aux effets sur la santé. Nous savons qu'ils le sont; mais, par exemple, est-ce que le fait d'assurer un toit à tous influera sur le système de santé? Le raccourci entre les deux est audacieux. Sommes-nous même autorisés à le faire? Au Yukon, des personnes sont difficiles à loger. Quel que soit l'habitat, elles semblent éprouver de la difficulté et elles aboutissent dans la rue.

Que pouvons-nous y faire? Actuellement, avec la coalition du Yukon contre la pauvreté, nous travaillons à une stratégie d'inclusion. Dans une moindre mesure, cet organisme s'intéresse à la stratégie axée sur le mieux-être. Nous obtenons l'avis de la collectivité sur le mode de fonctionnement. Pour moi, il s'agit d'une première étape. Nous ne pourrions pas accomplir ce travail sans le financement de l'IVSST.

Pour répondre à votre question avec toutes les précautions voulues, il ne serait pas judicieux de réserver des fonds pour s'attaquer aux facteurs sociaux déterminants de la santé sans comprendre la relation dont je vous ai parlé ni comment on peut les employer de la façon la plus efficace. À mon avis, l'argent suit toujours une bonne idée, et nous nous trouvons à une étape où nous avons de bonnes idées sur des solutions qui s'appliqueraient à des choses comme la pauvreté.

Cependant, encore une fois, ce n'est qu'une goutte dans l'océan; nous devons cibler nos activités. Je dirais que nous possédons de bonnes solutions techniques pour de nombreux problèmes. Nous disposons de choses aussi simples que des condoms. Si nous pouvions simplement augmenter leur utilisation au Yukon, nous ralentirions la transmission des infections transmissibles sexuellement.

Nous avons actuellement un programme bien visible, mais il ne semble pas donner de résultats, pour autant que nous le sachions. Il y a un problème. Des gens n'utilisent pas une technique très simple pour éviter les MTS, qui ont des conséquences considérables pour beaucoup de Yukonnais.

Nous disposons de bonnes solutions techniques pour l'éradication de la maladie. Pourtant, nous ne pouvons pas faire mieux que d'obtenir un taux de vaccination d'environ 60 p. 100. Pourquoi? En partie à cause de l'éducation, de la sensibilisation, de la pauvreté et de la marginalisation. Nous devons comprendre comment nous pouvons communiquer de façon plus efficace avec nos clientèles.

Je suis désolé, je ne sais plus m'arrêter.

Le président : Je vous ai écouté très attentivement, parce que vos observations sur les facteurs sociaux déterminants pour la santé m'ont beaucoup intéressé. C'est une question complexe. L'idée de simplement essayer de la résoudre au moyen d'un groupe de travail sur l'intoxication aiguë par l'alcool ne permet pas de saisir le problème dans son entier. Je pense que votre réponse au sénateur Eggleton se situait dans un contexte plus large. Le problème est difficile à saisir dans toute son étendue.

Le sénateur Merchant : J'ai trouvé qu'il y avait de l'empathie et de la compassion dans votre exposé, qu'il préconisait la continuité. Je pense que vous avez parlé du fond de votre cœur; j'ai trouvé votre exposé très mobilisateur.

J'ai une question, un peu dans la même veine que celle qui a précédé : constatez-vous que, parfois, les méthodes traditionnelles appliquées à la population que vous desservez peuvent également compliquer un peu les choses? Dans une population vieillissante, comment faites-vous? Êtes-vous capable de loger les personnes dans des foyers, ou préfèrent-elles demeurer dans leurs familles? Comment faites-vous quand une petite population est dispersée sur un vaste territoire?

Mme DeLancey : Je vais demander à M. Heide de répondre.

Robert Dana Heide, sous-ministre adjoint, Support des opérations, ministère de la Santé et des Services sociaux, gouvernement des Territoires du Nord-Ouest : Nous essayons d'intégrer les pratiques traditionnelles dans les méthodes de prestation de services, notamment aux personnes âgées et à celles dont le mode de vie est traditionnel.

Nous avons adopté une stratégie pour la mise au point des soins et du soutien à domicile dans les petites collectivités et pour la mise en place d'une capacité aussi grande que possible de maintien des personnes âgées dans leurs domiciles. Notre société d'habitation possède également une stratégie pour réduire le montant des loyers que paient les personnes âgées dans les logements sociaux, pour leur permettre d'y demeurer tout en mangeant bien et en vivant bien.

Dans nos centres régionaux, nous disposons d'établissements de soins prolongés. Nous essayons également de faire une place aux usages et au mode de vie traditionnels. Nous encourageons la présence, dans ces établissements, de conférenciers qui s'expriment selon l'usage local et nous les formons. Cependant, à un niveau plus élevé, celui des infirmières autorisées et du soutien médical, c'est difficile. Pour répondre à votre question, oui, nous intégrons autant que possible le mode de vie et les usages traditionnels.

Le sénateur Merchant : Il serait difficile de sortir quelqu'un de sa famille et de sa collectivité, pour l'envoyer au loin dans l'un de ces établissements. Vous devez les rejoindre, plutôt que de les amener à vous.

M. Heide : Vous avez absolument raison. Ce n'est qu'en dernier lieu que nous songerions à retirer quelqu'un de la collectivité. L'une de nos méthodes innovante de télémédecine consiste à réunir les familles grâce au système de télésanté, pour les visites dominicales. Les personnes âgées et les personnes placées dans un centre régional se visitent mutuellement par le réseau de télésanté, le dimanche après-midi, à peu près comme elles le feraient physiquement. On maintient autant que possible ce lien familial.

Le sénateur Merchant : Je pense que M. Whitley a parlé de télésanté. Cela constituait un élément important du plan décennal.

Récemment, le sénateur Sibbeston a parlé, au Sénat, de la valeur d'un lien par fibre optique, le long de la vallée du MacKenzie, pour améliorer ces services. Je suppose que vous avez des difficultés à étendre ce genre de services et les technologies de l'information aux collectivités éloignées du Nord. Pourriez-vous nous dire dans quelle mesure les technologies de l'information servent, dans votre territoire, à répondre à ces besoins en matière de soins de santé et nous dire ce qu'il faut faire pour mieux les utiliser?

M. Whitley : S'il s'agit de la vallée du MacKenzie, je vais céder la parole à ma collègue. Je pourrai ensuite ajouter des précisions.

Mme DeLancey : J'ai remarqué que nous utilisions de plus en plus la télésanté dans notre territoire. Nous y trouvons certainement de grands avantages, mais nous sommes stimulés par l'accessibilité de la bande passante. Par exemple, nous avons pourvu 26 collectivités d'installations de télésanté par visioconférence. Il existe un partenariat avec le ministère de l'Éducation qui fait que nous rivalisons constamment pour l'accès à la bande passante et pour la priorité à accorder à tel ou tel usage. Pour utiliser totalement la télésanté, nous avons besoin d'un accès plus fiable. Nos médecins et nos praticiens sont très excités par les possibilités offertes, mais ils ont tous vécu des défaillances, si bien que, devenus méfiants, ils n'utilisent pas la technologie à plein.

Il est certain que le câble à fibres optiques est quelque chose qui, nous l'espérons, rendra la télésanté, l'accès à l'éducation et certaines autres utilisations plus créatives de la cybersanté, comme celles dont a parlé M. Heide, plus efficaces dans le territoire.

M. Heide : Nous sommes très fiers de nos progrès touchant notre système de dossiers électroniques de santé et de notre système global de cybersanté. Nous avons la radiographie numérique dans toutes les collectivités, de telle sorte que les médecins dans les centres régionaux peuvent appuyer les infirmières cliniciennes, ce qui permet souvent d'éviter des déplacements pour raison médicale parce qu'ils sont en mesure de diagnostiquer le problème et de donner des instructions sur la façon d'aller de l'avant avec le traitement.

Mme DeLancey a parlé de notre partenariat avec l'éducation. Nous offrons des services d'orthophonie alors que par le passé, il n'y avait pas d'accès aux orthophonistes. Nous avons installé le système de télésanté dans toutes les écoles et nous offrons des services d'orthophonie à distance, ce qui donne des résultats extraordinaires dans les écoles primaires.

M. Whitley : Nous avons des choses très semblables à celles que M. Heide vient de décrire. Nous avons la télévidéo avec diagnostic en temps réel par des médecins de Whitehorse qui travaillent avec des infirmières dans les collectivités éloignées. Nous avons accès aux données de laboratoire et nous avons de la téléradiologie dans toutes les collectivités. Nous sommes un peu différents des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut du fait que toutes nos collectivités sont accessibles par la route sauf une. Le degré d'isolement n'est pas tout à fait le même que dans les deux autres territoires. Je demanderais à ma collègue, Mme Wright, de parler des soins à domicile.

Sherri Wright, sous-ministre adjointe, Santé et Services sociaux, gouvernement du Yukon : Dans la mesure du possible, nous aimons garder les gens dans leur foyer. Grâce au financement de l'IVSST, nous avons été en mesure d'étendre de manière assez importante notre programme de soins palliatifs. Nous avons une équipe qui travaille avec tous les travailleurs de la santé dans les collectivités, de sorte que nous puissions garder les gens à la maison plus longtemps.

En ce qui concerne la médecine traditionnelle et les services, nous avons un programme de santé des Premières nations qui est dirigé depuis l'Hôpital général de Whitehorse, notre capitale. Dans nos établissements de soins prolongés, nous faisons de notre mieux pour offrir un régime alimentaire traditionnel aux aînés des Premières nations. Parfois, le fait d'être petit est un avantage. Une des choses vraiment bien, novatrices, que nous avons été en mesure de faire pour une de nos collectivités accessibles par avion de Old Crow est d'offrir des soins prolongés pendant l'hiver aux aînés de la collectivité de Old Crow. Au printemps, lorsque c'est plus facile pour eux, ils retournent dans leur collectivité et vivent avec leur famille sur la terre. C'est quelque chose de nouveau que nous avons été en mesure de faire également.

Le sénateur Dyck : Certaines des questions qui ont été soulevées sont, en fait, assez déprimantes, je pense. Je crois que M. Whitley a dit que vous ne pouvez pas faire bouillir l'océan. Si vous n'avez pas d'eau potable, si vous n'avez pas d'aliments de bonne qualité et une maison, cela fait beaucoup de choses contre vous.

Ma première question concerne les questions de compétences. Est-ce que le financement de l'IVSST vous permet de faire face aux questions qui pourraient surgir en ce qui concerne l'accès aux soins de santé entre les différents groupes? Je crois que Mme DeLancey a parlé de Premières nations autonomes et de la diversité entre les différentes nations et langues. Parfois, le financement des soins de santé se heurte à des questions liées à la différence entre les provinces et les territoires. Est-ce que cela est couvert en vertu de ces accords? Y a-t-il des façons d'optimiser les choses de manière qu'un patient particulier ne soit pas laissé pour compte? Reçoivent-ils les soins de santé dont ils ont besoin?

Ma deuxième question concerne les stratégies de mieux-être. Je pense que vous avez dit que l'on pourrait probablement réduire l'incidence de beaucoup de maladies par la prévention. Qu'est-ce que l'on pourrait faire? Par exemple, il est assez épouvantable de voir tous les problèmes dentaires qui sont peut-être attribuables au fait qu'il n'y a pas de fluor dans l'approvisionnement en eau ou qu'il n'y a pas de soins dentaires au sein du système scolaire. Quels programmes pourraient être utiles dans ce cas?

Mme DeLancey : Je vais d'abord parler de la question de compétences et, si vous le permettez, je demanderais à M. Heide de parler de la question du mieux-être du point de vue des Territoires du Nord-Ouest. Le financement de l'IVSST nous aide à faire face à certaines des difficultés de notre structure administrative. Vous savez peut-être qu'à une époque, de nombreuses entités administratives au Canada ont adopté le principe des autorités régionales de la santé pour essayer d'obtenir la participation locale dans la prise de décision. Le retour du pendule est tel que de nombreuses entités administratives sont revenues à la structure unique ou à un seul conseil de la santé par province.

Dans les Territoires du Nord-Ouest, en raison des différences culturelles et linguistiques et du fait que de nombreux groupes sont en train de négocier l'autonomie gouvernementale, nous avons de la difficulté à trouver un équilibre de sorte que nous puissions fonctionner comme un système intégré. Encore une fois, vous avez soulevé un excellent point : les patients doivent pouvoir se déplacer d'une autorité sanitaire à une autre sans heurts, lorsqu'ils ont besoin de passer à un palier plus élevé en matière de soins de santé. Nous devons respecter le fait que des groupes autochtones sont en train de négocier certains éléments de compétence portant sur certains services sociaux et programmes de promotion de la santé.

L'IVSST nous a aidés à faire certains de ces investissements ponctuels pour examiner comment nous pourrions équilibrer ces éléments. Par exemple, nous avons commandé une étude qui nous est arrivée avec certaines recommandations concrètes et pratiques, par exemple, comment nous pourrions établir des services de soutien ou partagés pour nos autorités sanitaires différentes de manière qu'elles puissent maintenir une empreinte et des programmes régionaux tout en partageant les services financiers et de laboratoire, le recrutement et le maintien en poste — tous des services qui ne touchent pas le malade. Nous envisageons maintenant l'utilisation du financement de l'IVSST pour la deuxième étape afin de déterminer comment nous pouvons mettre tout cela ensemble.

Un autre domaine où nous comptons sur l'IVSST, c'est celui de toute la question de la responsabilisation. Dans un système aussi complexe que les nôtres, comment pouvons-nous travailler ensemble de manière que nous puissions nous entendre sur les mesures importantes; et quels sont les indicateurs importants que nous devrions suivre et dont nous devrions faire rapport au public? En fait, l'IVSST nous aide à faire face à certains de nos défis administratifs uniques.

M. Heide : C'est une bonne question. La prévention, c'est ce qu'il nous faut. Nous faisons un travail important de prévention aussi bien au niveau des messages que de la promotion de la santé en ce qui concerne le tabagisme, l'alcool, les modes de vie sains et l'approche axée sur le mieux-être. Nous avons des salles de santé bucco-dentaire dans les écoles. Notre problème, c'est d'attirer, de recruter et de maintenir en poste des gens pour ces emplois. Dans le cadre d'une stratégie particulière, nous avons envoyé des gens de la collectivité suivre une formation pour qu'ils reviennent offrir ces programmes. Toutefois, lorsqu'ils quittent le Nord, ils sont souvent séduits par les néons de la grande ville et nous avons beaucoup de difficultés à les faire revenir. C'est un défi constant que de trouver des gens pour assurer une bonne santé bucco-dentaire.

Nous avons également un problème de compétences en ce qui concerne les soins dentaires. Lorsque la santé bucco- dentaire se détériore, il est difficile d'assurer des soins dentaires dans les petites collectivités. Le système dépend des dentistes itinérants qui se rendent dans les collectivités; or, ils ont tendance à venir lorsqu'il y a un profil à faire, mais lorsqu'il n'y a pas de profit, souvent ils ne se déplacent pas.

M. Whitley : Quelques observations, monsieur le président, et ensuite, Mme Wright parlera de la question des soins dentaires particulièrement.

En ce qui concerne les problèmes de compétence autour de l'IVSST, nous n'en avons tout simplement pas vus. Nos collègues partout dans le Nord ainsi que le gouvernement fédéral nous ont accordé une excellente collaboration. Le ministère de la Santé a travaillé avec nous en faisant preuve d'une excellente collaboration. Même lorsqu'il a été question de nos préoccupations au sujet du renouvellement ou du non-renouvellement des accords, nos collègues faisaient preuve d'une collaboration et d'une coopération incomparables avec nous.

Là où les écarts de compétence ont entraîné des problèmes pour nous, c'est au niveau des déterminants sociaux de la santé. L'eau potable, l'accès à des aliments nutritifs et le logement — ces questions ont brouillé la démarcation entre les compétences. À qui appartient la responsabilité? C'est là que l'édifice commence à s'effondrer.

Si nous devons forer un puits sur le territoire d'une Première nation, la question qui se pose alors, c'est où trouveront-ils l'argent pour le faire? Le gouvernement fédéral pourrait très bien adopter la position suivante : vous avez l'argent, à vous de décider où vous allez le dépenser, mais nous vous avons donné ce que vous deviez avoir. Ensuite, c'est au tour du gouvernement territorial, et celui-ci prendra une autre proposition, qui sera peut-être que les municipalités seront bien financées, et si cela n'est pas suffisant pour vous, eh bien, tant pis.

Il y a beaucoup de cloisonnement, si je peux m'exprimer ainsi, concernant le financement de ce que j'appellerais les besoins modérés, bien qu'en fait, ce sont des besoins réels. On prend souvent des décisions qui ont des répercussions chez nous, dans le Nord.

Par exemple, la fermeture de l'école de formation des techniciens dentaires dans les Prairies. Il s'agissait de notre seule source de techniciens dentaires. Nous avions des modalités de financement pour que les étudiants puissent fréquenter l'école, y recevoir leur formation et revenir ensuite travailler dans nos collectivités. Maintenant, nous ne savons plus où donner de la tête. Où allons-nous envoyer nos enfants pour qu'ils apprennent ces compétences qui nous aideront à corriger cette situation? Cette décision a été prise de manière relativement indépendante. Il aurait pu y avoir plus de discussion sur cette question. Encore une fois, il ne s'agit pas de blâmer quelqu'un ou de pointer le doigt sur quiconque, mais cela illustre le problème de compétence soulevé par le sénateur.

Mme Wright : Je veux parler un peu de la santé bucco-dentaire dans le Nord. Je sais que vous êtes tous au courant des problèmes que nous avons avec la santé dentaire des enfants, et le Yukon n'échappe pas à cette réalité. Une chose que le financement de l'IVSST nous a permis de faire, c'est qu'il nous a donné l'occasion, à mes collègues et à moi, de nous arrêter et de penser à ce que nous serions peut-être capables de faire pour provoquer un changement plus important dans des domaines précis, et la santé dentaire est un de ces domaines.

Un des programmes que nous avons été en mesure d'explorer était quelque chose d'aussi simple que d'envoyer des travailleurs dans les garderies pour montrer aux jeunes enfants comment se brosser les dents. Lorsque vous voyez ce qui arrive aux enfants qui se font anesthésier pour se faire extraire chirurgicalement toutes les dents de la bouche à un très jeune âge, c'est un programme qui a beaucoup de succès. C'est une chose merveilleuse que nous avons pu faire grâce à ce programme. Je voulais partager cette information avec vous.

Je veux me faire l'écho des propos de M. Whitley au sujet de notre relation avec nos homologues du gouvernement du Yukon et du gouvernement fédéral ainsi que des Premières nations. Je suis très fière de notre relation et de la façon dont nous avons pu travailler ensemble. Cela ne veut pas dire que nous n'ayons pas de problèmes ou de difficultés de temps à autre, mais le fait que nos relations soient si fortes rend vraiment les choses plus faciles et plus efficaces.

Le sénateur Martin : Merci beaucoup de votre présence ici. Je pense que mes collègues ont posé certaines de mes questions, mais simplement pour revenir au mot « concentration », j'ai pensé que je devrais vraiment me concentrer sur un petit nombre de choses qui viennent à l'esprit.

Comme vous le savez, le comité examine les progrès accomplis dans la mise en œuvre du Plan décennal pour consolider les soins de santé de 2004, et, plus précisément, en raison de votre présence ici, il examine le volet de l'accord de 2004 concernant l'accès aux soins de santé dans le Nord. À titre d'ancienne enseignante, et parlant de l'évaluation authentique et de la façon dont nous évaluons l'efficacité d'un programme ou de quoi que ce soit que nous faisons, j'aimerais entendre de chacun d'entre vous — il est possible que ce soit dans un document ultérieur que vous nous ferez parvenir ou dans une réponse que vous donnerez ce soir — dire comment vous évalueriez l'accord de 2004, en ce qui concerne expressément le volet accès aux soins de santé dans le Nord. Qu'est-ce qui, précisément, a été efficace dans cet accord?

Dans nos recommandations, nous pourrons alors dire que certains points, certaines formulations ont été très efficaces, nous avons besoin de cibles claires, nous avons besoin de certaines matrices. Qu'est-ce qui vous a aidés à évaluer les améliorations et le succès dans la prestation des soins de santé dans le Nord?

C'est une question très vaste, mais peut-être que vous pourriez vous concentrer sur un ou deux points qui, à votre avis, vous ont aidés à évaluer et vous ont aidés à faire ce que vous avez bien fait de manière efficace.

Mme DeLancey : C'est une question très vaste. Si je comprends bien, vous voulez savoir non pas seulement les endroits où nous avons estimé avoir eu un certain succès, mais en plus ce qui, de la façon dont l'accord a été structuré, a été utile.

J'allais fouiller dans mon cartable pour regarder le document en question, mais une chose qui vient à l'esprit, c'est le fait que l'accord a pris en considération des particularités du Nord. Par exemple, alors que dans le Sud, l'accent était mis sur les temps d'attente, il y a une formulation particulière dans le Nord au sujet d'améliorer l'accès aux services. Dans le Nord, les temps d'attente ne sont pas le problème. Voilà un élément que je soulèverais. Cette formulation précisait les défis propres au Nord et ouvrait la porte à l'utilisation de ce financement pour faire face à ces défis.

M. Whitley : La question des temps d'attente est un exemple que j'allais utiliser aussi. C'est-à-dire qu'il est important que nous ayons la souplesse nécessaire pour pouvoir faire face aux problèmes auxquels nous sommes confrontés dans le Nord. Exiger de nous que nous améliorions les temps d'attente, par exemple, n'a pas été très utile. Comme l'a fait remarquer ma collègue, les temps d'attente ne constituent pas un problème si important pour nous dans le Nord.

Nous aimerions donner suite à l'occasion que vous nous donnez d'examiner la formulation et de vous fournir un document précisant ce qu'aurait pu être, à notre avis, la formulation, et comment elle aurait pu être améliorée ou ce qui a fonctionné. Nous avons fait un certain travail sur cette question, mais nous allons mettre cela à la disposition du comité.

Le président : Je pense que le sénateur Martin faisait référence à deux aspects, le dernier que vous avez mentionné, mais également noter la formulation, dans l'accord existant, qui vous a permis de faire les choses de manière particulière. Vous avez parlé de la question des temps d'attente et du fait que cela est différent de l'accès aux soins de santé. Si vous pouviez donner certains de ces exemples précis pour illustrer le point, aussi bien dans la formulation de l'ancien accord que dans la formulation future, ce serait très utile.

Le sénateur Martin : Je sais que cela ne peut être simplifié de cette façon mais parfois, j'aime voir la matrice et avoir des valeurs numériques; je peux alors regarder cela et dire, dans une structure de phrase, c'est un cinq. Avoir une formulation spécifique, ou des grilles, ou des matrices pourrait être utile. J'ignore si ce sont des choses que vous aimeriez voir qui vous aideraient à mesurer et à améliorer la responsabilisation dans le système médical.

Nous avons entendu parler de l'absence de responsabilisation et de la nécessité d'avoir plus de reddition de comptes et d'avoir des cibles plus précises. Ce que je vous ai entendu dire, c'est que le fait d'avoir quelque chose de particulier au Nord est important et c'est quelque chose que nous devons répéter dans le prochain accord.

Puis-je poser une autre question concernant la dotation en personnel? J'ai entendu des cliniciens dire qu'en termes d'infrastructure, il existe des cliniques ultramodernes dans les régions éloignées, mais que, comme vous l'avez signalé, c'est un problème d'attirer du personnel dans ces installations et de le maintenir en poste.

Je suis curieuse; à votre avis, quel pourcentage du personnel vient du Nord? Cela débuterait plus tôt dans le processus d'éducation, les modèles et le mentorat de manière à s'assurer que les gens que vous avez sont adaptés du point de vue culturel et engagés. Avez-vous un chiffre ou une estimation du nombre de personnes qui restent dans le Nord et qui redonnent à la collectivité de cette façon?

Mme DeLancey : Je ne peux vous donner des pourcentages aujourd'hui, sénateur. Nous pouvons dire qu'il y a certainement une augmentation, mais nous pourrions faire un suivi. Dans certains de nos investissements dans les ressources humaines, par exemple, nous avons des bourses pour les étudiants en médecine accompagnées d'un service dans le Nord pendant un certain temps, alors nous voyons effectivement des jeunes qui partent vers les facultés de médecine et qui reviennent dans le Nord. Évidemment, en ce moment, les chiffres ne sont pas très élevés.

Au Collège Aurora, nous avons un programme d'infirmiers et d'infirmières autorisés. À l'heure actuelle, nous essayons de garantir un poste aux diplômés. Nous avons tellement de diplômés qui sont allés travailler dans notre hôpital territorial à Yellowknife qu'il n'y a plus de postes vacants. Nous avons stabilisé le bassin d'infirmiers et d'infirmières à Yellowknife. De la même manière, nous avons un programme de formation en travail social.

Toutefois, les progrès sont lents. Comme l'a fait remarquer M. Heide, dans certains cas, lorsque nous investissons dans la formation, les jeunes vont s'inscrire dans les facultés de médecine du Sud, et lorsqu'ils veulent devenir chirurgiens cardiaques, on n'a pas d'emploi à leur offrir dans le Nord.

Nous essaierons de vous fournir des données plus précises.

M. Whitley : Votre question soulève un point intéressant : pendant des années, on a cherché à recruter ailleurs les professionnels de la santé. Nous leur fournissions des indemnités, des suppléments de rémunération, des avantages et des privilèges afin de les attirer dans le Nord. Cela a relativement bien marché, même si nous n'avons pas eu un taux de rétention aussi élevé que nous l'aurions souhaité.

Nous avons aujourd'hui modifié notre stratégie; en partie, parce que la nature du Nord a changé. Mis à part les collectivités autochtones et inuites traditionnelles, les collectivités nordiques étaient plutôt mobiles : les gens venaient, restaient quelques années pour vivre leur expérience nordique, puis s'en repartaient.

Nous constatons aujourd'hui que de plus en plus de gens prennent leur retraite dans le Nord, et que de plus en plus de jeunes y reviennent. Nous avons donc modifié notre stratégie de recrutement des médecins, en encourageant, par exemple, nos propres diplômés à s'inscrire dans les facultés de médecine. Je crois en fait que nous y avons envoyé sept jeunes dans l'ensemble du pays. Nous avons par ailleurs obtenu un siège permanent à l'Université Memorial, où la faculté de médecine offre une spécialisation dans la santé des collectivités éloignées. Nous avons amorcé un programme pour infirmières et infirmiers autorisés au Collège du Yukon, à Whitehorse, afin de former notre propre personnel.

Il est évidemment encore trop tôt pour arriver à des conclusions définitives, mais nous constatons déjà qu'il est aujourd'hui plus facile de garder les professionnels de la santé que de les faire venir d'autres régions du Canada ou du monde. Dans bien des cas, nos médecins formés à l'étranger ou nos jeunes qui avaient obtenu un diplôme à l'étranger venaient au Yukon, se qualifiaient dans un délai d'un an ou deux, puis repartaient. Pendant un certain temps, le Yukon a presque été pour le reste du Canada un portail pour les diplômés internationaux en médecine. À long terme, ce n'est pas dans notre intérêt. Nous espérons ainsi que cette nouvelle stratégie portera fruit.

Le sénateur Champagne : Je me demande s'il n'y avait pas quelque intérêt financier qui attirait les jeunes infirmières ou docteurs. Je me rappelle ce que mon mari m'avait dit à son retour d'une tournée dans tous les territoires. Ils étaient même allés jusqu'au fjord Grise. Bref, ils s'étaient déplacés un peu partout et avaient rencontré de jeunes enseignants. Un jeune couple, homme et femme, leur avait dit : « Oui, la nourriture est chère; oui, nous vivons grâce aux disques et aux DVD qu'on nous envoie par la poste. Mais la paye est tellement bonne que lorsque nous rentrerons chez nous dans trois ou quatre ans, nous pourrons nous acheter une maison et nous serons installés pour la vie.

Est-ce la même chose pour les membres du personnel médical, médecins ou infirmières, qui gagneraient beaucoup plus d'argent s'ils restaient deux ou trois ans dans le Nord? Doivent-ils pour cela négocier avec vos administrations ou est-ce le même traitement pour tout le monde? Je sais que pour les enseignants, la différence était énorme.

M. Whitley : Le modèle de financement est différent dans les territoires, madame. Je vais laisser mon collègue vous parler de la rémunération des médecins et des infirmières.

Les médecins sont rémunérés à l'acte et facturent le gouvernement territorial du Yukon.

Je ne pense pas qu'il soit exagéré de dire que les médecins gagnent très bien leur vie dans notre territoire. Le taux des médecins qui y établissent leur pratique et y restent est assez élevé. Je ne parle pas des diplômés internationaux en médecine mais de ceux qui ont obtenu leur diplôme au Canada et sont venus s'établir au Yukon. Je ne sais pas s'ils vous divulgueraient volontiers leur salaire, mais ils se débrouillent.

Le sénateur Champagne : Je me demandais s'ils gagnaient un peu plus que dans le Sud, comme les enseignants. C'était là ma question.

M. Whitley : Je n'ai pas entendu de plaintes, encore que les négociations approchent.

Le sénateur Champagne : Avez-vous toujours des problèmes à les garder?

M. Whitley : Pas autant. Encore une fois, je ne parle pas des diplômés internationaux en médecine mais des médecins qui viennent établir leur pratique au Yukon et qui sont là pour rester avec nous. Comme ils approchent maintenant la fin cinquantaine et soixantaine, nous nous attendons à ce qu'ils soient remplacés par la cohorte qui se trouve actuellement dans les facultés de médecine.

Quant aux infirmières, elles ont une indemnité d'embauche et de continuité d'emploi, et leurs salaires sont très concurrentiels. Je ne savais pas qu'elles pouvaient travailler deux ans et se construire une maison dans le Sud, mais peut-être est-ce un secret.

Mme DeLancey : Nos médecins sont salariés. Nous avons adopté cette approche il y a à peu près 10 ans et presque tous sont salariés. Encore une fois, nous sommes en négociations, mais je peux dire que leurs salaires sont confortables par rapport à ceux des médecins du reste du Canada. Ce que nous cherchons à leur vanter, c'est le style de vie. Nous avons pu attirer de jeunes médecins, qui cherchent un équilibre entre leur vie professionnelle et personnelle, et ont des congés parentaux et toute la gamme des avantages sociaux.

Côté infirmières, la situation est plus difficile. Nous ne pouvons pas leur offrir des indemnités de recrutement et de continuité d'emploi parce qu'elles font partie d'un grand syndicat de la fonction publique. Mais elles aussi sont sensibles à l'argument du style de vie, et elles aiment le défi que représente le travail dans les petites collectivités et la formation supplémentaire que nous leur offrons pour travailler dans les collectivités éloignées. Nous avons d'ailleurs diverses mesures d'encouragement aux études pour les infirmières qui sont prêtes à aller dans les collectivités isolées.

La situation que vous décrivez au sujet des enseignants n'existe plus dans les Territoires du Nord-Ouest, car nous avons arrêté d'offrir des indemnités de logement. La vie est donc maintenant aussi difficile pour les enseignants dans le Nord.

Le sénateur Seidman : En fait, tout au long de votre intervention, vous avez répondu à ma question. Lorsque vous abordez le thème global des ressources humaines, vous touchez réellement à un enjeu particulier au Nord. Les études ont prouvé que les résultats en matière de santé sont souvent meilleurs lorsque les patients sont soignés dans leur collectivité, à proximité de leurs amis et parents, lorsqu'ils ont des réseaux pour les appuyer et lorsqu'ils connaissent bien l'environnement et les coutumes. Tous ces éléments contribuent à la guérison. Je ne sais pas si vous avez quelque chose à ajouter à ce sujet, qui est extrêmement important.

J'aimerais poursuivre en vous demandant dans quelle mesure les collectivités locales sont en mesure de trouver les professionnels de la santé dont elles ont besoin, à savoir médecins, infirmières, radiologues et techniciens de laboratoire, bref tous ceux qui œuvrent en première ligne et font de la prévention. Quel genre de mesures seraient les plus propices au recrutement et au maintien en place de ce personnel?

Le président : Madame DeLancey, pourriez-vous vous pencher sur les éléments de l'accès aux services de santé communautaire que vous n'avez pas encore traités?

Mme DeLancey : Oui. Notre plus grand défi est de répondre aux besoins les plus criants en matière d'alphabétisation et de succès scolaire dans les Territoires du Nord-Ouest, surtout chez les Autochtones et dans les collectivités qui sont loin de Yellowknife et des centres régionaux.

Il serait juste de dire que, dans une large mesure, nous avons réussi. Les enfants non autochtones qui fréquentent les écoles secondaires régionales réussissent et tirent profit de nos programmes. Pour ce qui est d'intégrer au système davantage de gens du Nord, et surtout d'Autochtones, nos services de santé et réseaux de collèges n'en ont pas le contrôle. Nous touchons là à un défi fondamental de l'éducation qui relève de ces éléments d'interdépendance dont parlait mon collègue.

Le président : Vous avez dit quelque chose qui évoquait un type de médecin salarié. Pourriez-vous élaborer? Est-ce un concept utilisé dans les Territoires du Nord-Ouest, une sorte de poste de médecin salarié? Peut-être vous ai-je mal compris.

Mme DeLancey : Un médecin salarié?

Le président : Oui.

Mme DeLancey : Oui, l'effectif complet de médecins est constitué d'employés, à part trois ou quatre. Ils reçoivent un salaire.

Le président : C'est ce que vous vouliez dire lorsque vous affirmiez que ce sont tous des salariés?

Mme DeLancey : C'est exact.

Le président : Merci, je voulais juste m'assurer qu'il ne s'agissait pas d'autre chose. Monsieur Whitley, avez-vous un commentaire à ajouter?

M. Whitley : Juste une petite remarque, monsieur le président. Nous avons eu récemment une conversation avec des professionnels qui ne sont pas médecins, à propos des besoins et de ce qui les attire au Yukon. Vous ne serez pas surpris d'apprendre que c'est la variété qui intéresse les jeunes. Ils ne se soucient plus guère de s'installer pendant longtemps dans une collectivité. Ils veulent avoir du temps pour explorer leurs passions particulières; ils souhaitent un équilibre entre la vie professionnelle et personnelle; ils s'intéressent à la technologie. En d'autres mots, tout ce à quoi vous vous attendriez de la part de jeunes gens d'aujourd'hui, dans n'importe quelle sorte d'entreprise, c'est cela que nous devons chercher à leur fournir.

Dans ce contexte, c'est la continuité des soins qui pose problème. Le concept de médecin de famille ou d'infirmière locale qui vivent depuis 25 ans dans la collectivité — peut-être ne devrais-je pas dire cela — est probablement chose du passé. Dans les collectivités éloignées, nous aurons, je crois, de plus en plus affaire à une cohorte pourvoyeuse de soins. C'est ce que nous envisageons actuellement dans le département d'obstétrique de Whitehorse. Autrement dit, la personne qui vous suit pendant la grossesse ne sera peut-être pas celle qui vous fera accoucher tout simplement parce que les docteurs ne veulent plus être disponibles 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, comme on le tenait peut-être pour acquis il y a de cela une génération.

Nous envisageons de modifier notre mode de recrutement des infirmières. Ce faisant, nous devrons tenir compte des conséquences que cela aura sur les concepts traditionnels de soins de santé.

Le sénateur Champagne : Je lisais, et vous disiez, que vous formiez des infirmières au métier de sage-femme, surtout dans les collectivités éloignées. Dans votre exposé sur le Yukon, vous indiquiez que vous aviez un hôpital principal et deux hôpitaux communautaires. Nous savons tous par ailleurs qu'un accouchement n'est pas sans risque.

Serait-il possible d'utiliser la télésanté, par exemple, dans les hôpitaux communautaires. Grâce à l'ordinateur ou à la télévision, ne pourrait-on pas obtenir l'aide du médecin de service dans l'hôpital principal?

M. Whitley : Théoriquement, je crois que c'est possible. Au Yukon toutefois, les sages-femmes ne pratiquent pas encore, du moins en vertu d'un règlement. Leur pratique est officieuse, et elle n'est ni réglementée ni financée par le gouvernement. Il y a d'ailleurs en ce moment des pourparlers à propos des titres de compétences, de la réglementation et du financement.

Les sages-femmes pratiquant dans deux autres territoires, je devrais peut-être poser la question à mes collègues.

M. Heide : Par rapport à l'utilisation de la télémédecine dans les accouchements, vous pouvez ajouter au réseau des périphériques comme des appareils à ultrasons et des appareils de surveillance du rythme cardiaque fœtal. Ce n'est plus alors qu'une question de pratique dans laquelle un fournisseur offre son appui à un autre fournisseur qui conseille le patient hospitalisé dans l'hôpital communautaire. C'est toujours une question d'équilibre.

Oui, il y a des moyens et des technologies utiles pour les naissances qui ont lieu en dehors des hôpitaux.

Le sénateur Champagne : Tout ce que ce nouvel accord peut apporter pour faciliter cette possibilité par rapport aux bandes blanches ou autres éléments que l'on peut envoyer à l'hôpital où un docteur est en service, tout cela serait utile, n'est-ce pas?

M. Heide : Oui.

Le sénateur Braley : J'ai entendu de bonnes et intéressantes choses dans l'élaboration du système de soins de santé.

Quel rôle le gouvernement fédéral peut-il jouer à l'avenir? Si vous ne pouvez pas répondre à cette question aujourd'hui, vous pourriez nous envoyer un rapport écrit un peu plus tard. Nous pourrions ainsi vous aider. Quel rôle le gouvernement fédéral peut-il jouer dans la gestion de vos systèmes et de vos territoires? Il faut que cela soit simple pour que tout le monde puisse comprendre.

Le président : Le sénateur ne s'attend pas à ce que vous nous fournissiez dans votre réponse une solution pour l'ensemble du système de soins de santé. Il voudrait peut-être que l'on mette l'accent sur des éléments qui ressortent actuellement pour pouvoir y donner suite.

Le sénateur Braley : Exactement.

M. Whitley : La réponse évidente serait de poursuivre le financement de ce que nous faisons. Mais il y a, je crois, un point encore plus important : le gouvernement fédéral doit préciser exactement quel est son rôle par rapport aux soins de santé. Cela ne suffit pas de dire qu'il s'agit d'une responsabilité provinciale ou territoriale et que, à titre gracieux, il contribue au financement.

Le fait est que les soins de santé sont un élément déterminant de notre citoyenneté canadienne. Personne dans ce pays ne se considérerait citoyen canadien si les soins de santé n'étaient pas au cœur de cette identité.

Pour cette seule raison, le gouvernement fédéral a la responsabilité de préciser exactement sa position. Si nous le savions, notre partenariat pourrait évoluer beaucoup plus efficacement. Ce partenariat ressemble en effet aujourd'hui à une danse que l'on voit de loin et qui ne cesserait qu'à la mort d'un des deux partenaires.

La conversation que tiennent les deux administrations serait beaucoup plus rationnelle et intelligente si nous savions tous quel était notre rôle. Nous savons bien toutefois que c'est à nous qu'il revient d'exécuter les services de soins de santé. Ce rôle est clair.

Quand on en vient par contre au rôle du gouvernement fédéral, si l'on exclut l'armée, les Premières nations et quelques autres secteurs de modeste envergure, ce rôle n'est plus tout à fait aussi clair. Avec tout le respect que je vous dois et sans avoir consulté notre nouveau ministre, qui en fait n'a même pas encore été nommé, c'est probablement l'un des éléments les plus importants qu'un nouvel accord pourrait établir.

Mme DeLancey : Nous verrions deux éléments. Premièrement, et de façon permanente, reconnaître que nos territoires continueront d'avoir besoin d'aide pour assumer les coûts élevés sur lesquels ils n'ont pas de contrôle, comme les déplacements médicaux, surtout si l'on pense à leurs capacités si limitées d'accroître leurs recettes. C'est là où le Canada peut jouer un rôle à long terme. À court terme, reconnaître que la souplesse que nous donne un fonds comme celui de l'IVSST nous a permis de faire de la recherche et de mettre en place certaines innovations et certains investissements ponctuels en vue de changer les modalités de prestation des services. Cet appui est lui aussi critique.

Le sénateur Braley : Ne pourrait-on pas remplacer les déplacements par des robots qui seraient manipulés par des chirurgiens à partir de l'Ontario?

Mme DeLancey : En fait, nous envisageons la possibilité de réduire les déplacements médicaux grâce à la cybersanté et à la télésanté; et nous le faisons déjà dans une certaine mesure. Il y a en même temps des cas où l'on ne pourra jamais les remplacer. En effet, avec le vieillissement de la population, de plus en plus d'aînés auront des besoins aigus et devront se déplacer pour être soignés. Par ailleurs, les taux de blessures sont le double de la moyenne canadienne. Il y a des situations sur lesquelles nous n'avons pas de contrôle. Des gens auront toujours besoin de se déplacer. Nous voyons certes des changements, mais l'on peut dire sans se tromper que les économies réalisées grâce à l'utilisation de la cybersanté et des technologies pour remplacer les déplacements pourraient être annulées par les pressions qu'apporte sur le système une population vieillissante.

M. Whitley : Il ne s'agit pas d'un processus à sens unique. Ce n'est pas comme si vous nous donniez l'argent et que nous nous occupions de la mise en œuvre. Je crois que pour tout accord qui sera ratifié après 2014, il est tout à fait approprié que le gouvernement fédéral exige la responsabilisation — responsabilisation concernant la limitation des coûts, l'accès aux soins de santé, et l'innovation et la créativité. Ces enjeux sont tous d'égale importance. Même si les restrictions imposées par le gouvernement fédéral nous irritent parfois, nous pensons que c'est tout à fait approprié s'il nous soutient de façon continue.

Le sénateur Braley : Je suis tout de même d'avis que cela doit venir de l'intérieur. Vous nous dites de quelle façon nous pouvons le mieux vous aider, et ensuite nous déterminons si c'est rentable et appliquons les principes de base ou attribuons les responsabilités et modifions les priorités. Les sommes sont limitées et ne peuvent pas augmenter de 6 ou de 8 p. 100 par année si l'inflation est à 2 p. 100. La rationalisation et la rentabilité sont nécessaires. C'est pourquoi nous avons besoin que vous nous disiez comment procéder, et nous vous écouterons.

Le président : Je pense que ce que veut dire le sénateur Braley, si je peux me permettre d'ajouter quelque chose, c'est qu'il ne s'agit pas seulement de nous dire qu'un ordre de gouvernement a des responsabilités prédominantes ou qu'un autre a certaines responsabilités, ou de la question de l'argent, mais plutôt de l'orientation exacte. Comment orienter les choses pour des programmes? L'argent et les responsabilités générales en tant que telles ne règlent pas les problèmes. Il faut mettre en œuvre des plans d'action et des stratégies. Je pense que le sénateur Braley espérait que puisque vous nous quittez, vous vous exprimiez à ce sujet dans une certaine mesure et nous donniez des exemples de stratégies, si possible.

Cela dit, et c'est ce qui nous mènera à la fin de la séance, j'aimerais récapituler un peu les choses. Nous avons entendu des choses très intéressantes aujourd'hui. C'est ce à quoi nous nous attendions. Vous représentez un vaste territoire; je fais référence aux trois régions que vous représentez et qui se sont exprimées aujourd'hui de façon directe et indirecte. Nous sommes conscients que pour ce qui est de la population, vous avez des problèmes que d'autres régions du Canada ont dans une moindre mesure. Vous avez donné un certain nombre d'exemples.

Pour ma part, ce que vous avez dit au sujet du personnel médical formé et d'un certain nombre d'autres questions liées à l'infrastructure m'a éclairé. Par ailleurs, vous avez donné des exemples de problèmes importants qui découlent clairement de problèmes sociaux et communautaires plus vastes. Pour résoudre ces problèmes, il ne suffira pas d'examiner la façon dont les vaccins sont administrés. Il faut examiner les façons de changer la structure sociale en général.

En ce qui concerne les exemples précis que vous nous avez donnés, vous avez dit des choses très positives au sujet du recours à la vidéoconférence et de l'accès électronique, par exemple. En fait, je pense que ces dernières années en particulier, la plupart des gens ici ont probablement vu aux nouvelles des exemples éloquents où l'on utilisait même la télévision pour des situations précises dans le Nord.

Après notre réunion d'aujourd'hui, pourriez-vous penser aux réussites que vous connaissez, des dossiers de santé électroniques à l'accès à la vidéo? Vous pourriez nous donner des exemples. De plus, y a-t-il des innovations à cet égard qui ont été utiles dans le Nord que vous ne connaissez pas, mais au sujet desquelles vous avez lu dans la littérature portant sur l'utilisation de la technologie?

Au-delà de cela, j'aimerais revenir sur l'idée d'innovation et savoir si vous pouvez relever des méthodes et des programmes novateurs que vous avez appliqués et qui pourraient être appliqués ailleurs selon vous, ou bien qui existent ailleurs et qui seraient applicables dans le Nord. En général, les innovations sont limitées et ne sont pas apportées de façon globale, et les innovations ne servent à rien si elles ne sont pas apportées de façon globale. On ne peut vraiment pas parler d'innovation tant qu'elle n'a pas dépassé l'étape d'essai dans une grande collectivité. J'ai senti que vous étiez prêts à examiner les choses de façon un peu différente. Pourriez-vous relever des pratiques novatrices qui selon vous pourraient être prometteuses ou qui le sont déjà? Pour revenir à ce que j'ai dit il y a un moment, si après réflexion, il y a des exemples que vous trouvez vraiment novateurs, que vous avez appliqués dans le Nord et qui pourraient se généraliser, il est à espérer que ce n'est pas un processus à sens unique dans les soins de santé.

Sur ce, au nom de mes collègues, je vous remercie d'avoir répondu aux questions des membres du comité de façon très réfléchie et précise. Il est juste de dire que vous nous avez donné une très bonne idée des problèmes que vous affrontez, et de façon très constructive. Je veux vous remercier de cela en particulier. En terminant, au nom de mes collègues, je vous remercie de votre présence. La greffière tentera de cerner les questions précises. Vous savez que vous pouvez y réfléchir davantage et nous donner d'autres renseignements qui peuvent aller au-delà des questions qui vous ont été posées aujourd'hui.

(La séance est levée.)


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