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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 7 - Témoignages du 17 novembre 2011


OTTAWA, le jeudi 17 novembre 2011

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 46, pour faire une étude sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre du Plan décennal pour consolider les soins de santé de 2004.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie. Je suis un sénateur de la Nouvelle-Écosse et président du comité. Je vais présenter les autres sénateurs.

Le sénateur Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le sénateur Braley : David Braley, de l'Ontario.

Le sénateur Demers : Jacques Demers, de Montréal, au Québec.

Le sénateur Martin : Yonah Martin, de Vancouver, en Colombie-Britannique.

Le sénateur Champagne : Andrée Champagne, du Québec.

Le sénateur Cordy : Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Merchant : Pana Merchant, de la Saskatchewan.

Le sénateur Verner : Josée Verner, du Québec.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, vice-président du comité, de Toronto.

Le président : Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre du Plan décennal pour consolider les soins de santé au Canada de 2004. Notre dixième réunion a trait au communiqué sur la santé des Autochtones. Nous allons étudier les engagements pris par le gouvernement fédéral, les premiers ministres et les dirigeants des cinq organisations autochtones nationales dans le cadre d'un communiqué distinct en lien avec le plan décennal à la suite d'une réunion qui s'est tenue le 13 septembre 2004.

Aujourd'hui, nous allons entendre deux groupes de témoins. La réunion avec le premier groupe de témoins prendra fin à 11 h 45, et celle avec le second groupe, à 12 h 45.

D'accord?

Des voix : D'accord.

Le président : Je souhaite la bienvenue aux témoins. Je vous présenterai au fur et à mesure que je vous inviterai à prendre la parole. D'après ce que je comprends, vous avez convenu de vous présenter dans l'ordre prévu à l'ordre du jour, ce qui signifie que nos premiers conférenciers sont les représentantes du Congrès des Peuples Autochtones : Betty Ann Lavallée, chef nationale, et Barbara Van Haute, directrice, Santé des populations.

Betty Ann Lavallée, chef national, Congrès des Peuples Autochtones : Merci beaucoup et bonjour à vous, mesdames et messieurs les sénateurs.

J'aimerais commencer par remercier le comité d'avoir invité le Congrès des Peuples Autochtones à participer à son étude et à son rapport sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre du Plan décennal pour consolider les soins de santé de 2004.

Comme vous le savez certainement, le Congrès des Peuples Autochtones est une organisation autochtone nationale qui représente les intérêts des Indiens inscrits et non inscrits vivant hors réserves et des Métis qui habitent dans toutes les régions urbaines, rurales et éloignées du Canada. Nous sommes aussi le porte-parole national de notre regroupement et des organismes affiliés qui composent le Congrès des Peuples Autochtones, ou CAP.

En 2004, le gouvernement du Canada s'est engagé à mettre en œuvre un plan décennal pour améliorer notre système de soins de santé. Le coût de cet engagement s'élevait à environ 41 millions de dollars et comprenait une augmentation des paiements de transfert fédéraux aux provinces pour la santé assortie d'une clause d'indexation, ainsi que 700 millions de dollars affectés à l'amélioration de la « santé des peuples autochtones » sur une période de cinq ans. Son engagement à améliorer la santé des peuples autochtones était exposé en détail dans le Plan directeur de la santé des Autochtones : un plan de transformation sur 10 ans, publié en 2004-2005.

À bien des égards, nous avons beaucoup progressé depuis 2004. Le gouvernement est toujours déterminé à trouver des moyens d'améliorer non seulement notre système de soins de santé, mais aussi l'accès des peuples autochtones à celui-ci et les avantages qu'ils en tirent. Toutefois, le reste des observations que je formulerai aujourd'hui rendront compte d'une évaluation de la mise en œuvre du Plan directeur et des lacunes du processus d'amélioration des soins de santé offerts aux Autochtones canadiens qui vivent hors des réserves.

Les principaux sujets de cette évaluation s'inspirent en partie des objectifs globaux du Plan directeur et en partie des renseignements sur les progrès et les répercussions de la mise en œuvre de diverses politiques et de divers programmes en matière de santé que nous avons obtenus auprès de multiples sources publiques et locales. Pour élaborer un système de santé global intégré, il faut que tous les ordres de gouvernement — fédéral, provinciaux et territoriaux — et les organisations autochtones prennent un engagement. À l'échelle fédérale, Santé Canada a constitué le Fonds de transition pour la santé des Autochtones, le FTSA, en 2005 en vue de faciliter cette élaboration. L'initiative avait pour objet de collaborer avec des représentants provinciaux et territoriaux de Santé Canada et des représentants de chacune des cinq organisations autochtones nationales, les OAN, afin d'élaborer des mécanismes et des programmes qui encouragent ou favorisent l'intégration.

En examinant, l'année dernière, diverses évaluations intérimaires du projet lié au FTSA, le CPA a noté qu'en dépit de la complexité du projet, Santé Canada gérait la distribution des fonds publics de manière exemplaire. Cependant, il a également remarqué que la majorité des projets financés par Santé Canada durant la période quinquennale semblaient être destinés aux communautés et aux groupes des Premières nations qui vivaient dans des réserves. Fait tout aussi important, ce traitement clairement préférentiel semble vouloir se poursuivre durant les quatre prochaines années, puisque pendant cette période Santé Canada limitera le financement qu'elle accorde aux OAN dont les services sont axés sur les Autochtones vivant hors réserves.

Par exemple, dans le cadre du programme lié au Fonds d'intégration des services de santé, qui donne suite au FTSA, chaque organisation autochtone nationale recevra, au cours des quatre prochaines années, différents montants de financement annuels. L'Assemblée des Premières Nations — incluant les organisations provinciales-territoriales, les OPT — a droit à 1 million de dollars par année. ITK — incluant les OPT — a droit à 500 000 $ par année. Le Ralliement national des Métis, le RNM, a droit à 100 000 $ par année. Chacune des OPT du RNM a également le droit de demander 150 000 $. Par contre, le CPA et l'Association des femmes autochtones du Canada — l'AFAC — ne peuvent recevoir qu'un total de 100 000 $ par année.

Il convient de noter que le CPA compte également des organismes provinciaux affiliés qui sont pleinement reconnus par le gouvernement du Canada, dont un qui représente la plus grande bande du Canada, la bande de la Première Nation des Mi'kmaq qualipu qui est établie à Terre-Neuve-et-Labrador. Compte tenu de cette triste réalité, Santé Canada n'a toujours pas expliqué clairement au CPA la raison pour laquelle le ministère a choisi de ne pas tenir compte du fait que les OPT du CPA sont reconnus par le gouvernement fédéral lorsqu'il a déterminé le financement à accorder aux projets liés à l'élaboration d'un système de soins de santé intégré.

Bien que le Plan directeur de la santé des Autochtones : un plan de transformation sur 10 ans de 2005 ait visé, entre autres, à faire en sorte que les peuples autochtones bénéficient directement et pleinement des réformes que nous mettons en œuvre dans le système de santé en général, on se demande encore comment les groupes autochtones pourraient mesurer ou évaluer ces avantages directs dont tous les Autochtones canadiens peuvent se prévaloir.

Comme nous le savons tous, pour déterminer si l'on a fait preuve d'équité dans chaque domaine, les analystes du secteur public et privé doivent se doter d'un cadre réaliste pour recueillir, évaluer et communiquer des renseignements pertinents. Dans l'état actuel des choses, le CPA n'a pas la capacité d'élaborer ce cadre et, encore moins, de le mettre en œuvre. En raison du peu d'appui qu'il reçoit pour développer ses capacités, le CPA doit se fier à des renseignements recueillis ici et là ou à de l'information publiée dans des rapports pour évaluer l'équité dont on fait preuve dans tous ces domaines.

L'Initiative sur le diabète chez les Autochtones, la Stratégie nationale de prévention du suicide chez les jeunes Autochtones et l'Initiative sur les ressources humaines en santé autochtone — l'IRHSA — sont tous d'excellents exemples de la détermination du gouvernement fédéral à améliorer le système de santé des peuples autochtones. Toutefois, le CPA a très peu participé à ces projets.

L'IRHSA, en particulier, a permis à de nombreux étudiants autochtones de recevoir une formation dans une carrière de la santé et à de nombreuses organisations autochtones d'aider des diplômés à trouver des emplois dans le secteur de la santé. Malheureusement, il semble que le financement de nombre de ces projets ait été réduit ou que leur fin soit prévue pour 2015. Il serait très important pour les Autochtones canadiens vivant hors réserves que le gouvernement fédéral continue de financer les projets de ce genre.

Bon nombre des débats en matière de compétence qui opposent les responsables fédéraux et provinciaux de la santé sont souvent liés à la question de la responsabilité fiduciaire. Bien qu'une comparution devant le Comité ne soit peut- être pas le moment idéal pour faire avancer ce débat, il est clair que, tant qu'il ne sera pas réglé, bon nombre d'Autochtones vivant hors réserves n'auront pas accès à des soins de santé de qualité comparable.

La meilleure façon de présenter le débat sur la responsabilité fiduciaire est d'aborder la question de l'accès limité aux services de santé non assurés — les SSNA. À l'heure actuelle, seules les personnes ayant le statut d'Indien et les Inuits du Nord du Canada sont admissibles au programme. Grâce à celui-ci, ces Autochtones sont en mesure d'acheter des médicaments chers et de suivre des traitements coûteux pour soigner des maladies chroniques comme le diabète et le cancer. Les frais de déplacement qu'ils ont engagés pour suivre des traitements médicaux sont également couverts par le programme, de même que leurs frais dentaires et leurs frais liés aux services d'optométrie.

Cependant, les Autochtones hors réserves ou les Métis vivant au sud du 60e parallèle, qui n'ont pas accès aux SSNA et qui vivent souvent sous le seuil de faible revenu ou dans des collectivités reculées, ne peuvent se faire rembourser leur frais ni par le gouvernement fédéral, ni par le gouvernement provincial. Par conséquent, bon nombre d'entre eux sont forcés de faire des choix qui ont des conséquences dévastatrices sur leur vie : soit ils suivent des traitements de santé, soit ils achètent de la nourriture et payent leurs dépenses mensuelles. Nous savons tous que, peu importe la décision qu'ils prennent d'un mois à l'autre, leur santé et peut-être celle de leur famille ou de leur communauté en souffrira à un moment ou à un autre.

Ce manque de couverture ou d'assistance explique peut-être la raison pour laquelle Statistique Canada nous révèle que, en date de juin 2010, non seulement les membres des Premières nations et les Métis vivant hors réserves risquaient davantage de déclarer avoir des problèmes de santé, mais que plus de 40 p. 100 de leur population respective signalaient toucher moins de 20 000 $ par année. Chers sénateurs, je crois qu'il est clair que la plupart des Canadiens s'entendent pour dire que personne au Canada ne devrait avoir à choisir entre le renouvellement d'une importante ordonnance et l'alimentation de ses enfants ou le règlement de son loyer.

Nous comprenons que les revirements économiques mondiaux influent sur l'économie canadienne et, à juste titre, sur les choix du gouvernement fédéral en matière de dépense des fonds publics. Nous savons également que la santé et le bien-être de tout État sont inextricablement liés à la santé, au bien-être et à la sécurité de ses citoyens. Tous les gouvernements, toutes les organisations et tous les membres de la société ont la responsabilité fiduciaire de collaborer avec compassion et de veiller à ce que nous, les peuples oubliés, puissions, en tant que Canadiens, conserver et améliorer notre santé, notre bien-être et notre sécurité, tout comme les autres habitants de ce pays riche et dynamique que nous appelons le Canada.

Le CPA aimerait vous inviter à poursuivre avec nous ce dialogue afin d'accroître nos progrès actuels et d'améliorer les résultats que nous obtiendrons ultérieurement dans ce dossier de la santé.

Le président : J'invite Valerie Gideon, directrice générale, Santé des Premières nations et des Inuits, à prendre la parole.

Valerie Gideon, directrice générale, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, Santé Canada : J'aimerais remercier le président et les membres du comité de m'avoir invitée aujourd'hui pour m'adresser à vous au nom de Santé Canada.

Comme vous le savez, la responsabilité d'améliorer la santé des Premières nations, des Inuits et des Métis est partagée entre plusieurs partenaires, dont tous les ordres de gouvernement, les collectivités autochtones et leurs dirigeants. Comme les autres Canadiennes et Canadiens, les Premières nations, les Inuits et les Métis ont accès aux services de santé par l'intermédiaire des gouvernements provinciaux et territoriaux, ce qui inclut les soins hospitaliers et les soins de santé primaires fournis par des médecins et d'autres professionnels de la santé.

[Français]

Au sein de ce vaste système de santé, Santé Canada a un mandat stratégique qui consiste à offrir un complément aux services de santés assurés et fournis par les provinces et les territoires afin de réduire les inégalités en matière de santé et d'améliorer l'accès aux services de santé pour les Premières nations et les Inuits.

Pour mener à bien son mandat, Santé Canada soutient un certain nombre de programmes et d'activités. À ce titre, le ministère prévoit dépenser 2,180 milliards de dollars au cours de l'exercice 2011-2012.

[Traduction]

Lors de la réunion spéciale des premiers ministres et des dirigeants autochtones qui a eu lieu en 2004, il a été convenu qu'il fallait se doter d'un plan d'action pour améliorer les services de santé offerts à tous les Autochtones et pour combler le fossé qui sépare les Autochtones du reste de la population canadienne en matière de santé. Cet accord historique a été conclu par les premiers ministres et l'Assemblée des Premières Nations, l'Inuit Tapiriit Kanatami, le Ralliement national des Métis, le Congrès des Peuples Autochtones et l'Association des femmes autochtones du Canada.

Dans le cadre de son engagement envers ce processus, le gouvernement du Canada a consacré, dans le budget de 2005, 700 millions de dollars sur cinq ans à des programmes axés sur la promotion de la santé et la prévention des maladies, à l'Initiative sur les ressources humaines en santé autochtone et au Fonds de transition pour la santé des Autochtones. Ces fonds avaient pour objectif d'intégrer et d'adapter les services de santé des Premières nations, des Inuits et des Métis.

À la lumière des résultats prometteurs que nous avons observés au cours des cinq premières années, le gouvernement a prévu 730 millions de dollars dans le budget de 2010 pour prolonger de cinq ans ses initiatives, jusqu'en 2014-2015. Cet investissement renouvelé est essentiel pour aider les collectivités des Premières nations, des Inuits et des Métis à réaliser leurs propres aspirations en matière de santé et de mieux-être, ainsi qu'à régler les inégalités auxquelles sont confrontées ces populations en matière de santé et de services de soins de santé.

En nous appuyant sur les évaluations et la rétroaction des collectivités, nous constatons que ces programmes sont sur la bonne voie et qu'ils ont un effet positif. Par exemple, nous savons que les membres de la collectivité apprécient beaucoup ces programmes et qu'ils les ont conçus et mis en œuvre de façon à ce qu'ils soient pertinents et répondent efficacement aux besoins des collectivités.

Nos partenaires ont également affirmé qu'il existe une meilleure collaboration entre toutes les parties. Notamment, les Premières nations et les Inuits participent davantage à la planification et à la prestation de services offerts dans le cadre des systèmes provinciaux et territoriaux, mais également dans le cadre des services offerts dans leurs propres collectivités.

[Français]

Au moyen des programmes communautaires de promotion de la santé et de prévention des maladies, les collectivités des Premières nations et des Inuits sont mieux en mesure de traiter des principaux risques pour la santé ainsi que de mieux dépister et surveiller les maladies chroniques. Ces programmes ont également aidé les enfants des Premières nations et des Inuits à partir du bon pied en permettant d'améliorer les soins de santé maternelle et infantile et de mieux préparer les enfants à l'école. Ils ont aussi permis de promouvoir l'adoption précoce de deux facteurs de protection, les langues et les cultures des Premières nations et des Inuits.

[Traduction]

Par exemple, au moyen du Programme de soins de santé maternelle et infantile, des membres des collectivités ont reçu une formation pour faire des visites à domicile. De ce fait, davantage d'enfants sont nés avec un poids santé, plus de mères allaitent leur bébé, et les soins préventifs bucco-dentaires se sont améliorés. Par ailleurs, les méthodes parentales positives sont mieux connues, de même que les habitudes qui constituent un choix santé. Dans l'ensemble, le Programme appuie 125 projets et touche plus de 2 200 familles dans environ 225 collectivités des Premières nations.

Jusqu'à présent, grâce à l'Initiative sur le diabète chez les Autochtones, 330 travailleurs communautaires ont suivi une formation. De plus, cette initiative permettra aussi de former jusqu'à 500 membres de personnel infirmier concernant les lignes directrices de pratique clinique pour la prévention et le traitement du diabète et des pratiques exemplaires de gestion des maladies chroniques.

Les faits montrent que les programmes d'Aide préscolaire aux Autochtones améliorent les compétences linguistiques, de lecture et d'écriture des enfants et leurs dispositions à l'apprentissage. Cela fait également la démonstration que les programmes contribuent à sensibiliser davantage les parents à l'importance de comportements sains.

Grâce à la Stratégie nationale de prévention du suicide chez les jeunes Autochtones, nous avons constaté une augmentation de la gamme des facteurs de protection chez les jeunes des Premières nations, des Inuits et des Métis, comme la participation à des activités culturelles et l'engagement global au sein de la collectivité. On a également constaté une diminution des facteurs de risque comme la toxicomanie.

Il reste beaucoup à faire dans ce domaine, mais le renouvellement du financement pour la prévention du suicide chez les jeunes permettra à Santé Canada de collaborer avec les organismes autochtones nationaux et régionaux, et avec les collectivités, afin de continuer de soutenir jusqu'à 200 projets communautaires de prévention du suicide, d'équipes communautaires de bien-être mental et de formation continue de travailleurs en bien-être mental et en prévention du suicide.

De plus, nous améliorons les systèmes de services de soins de santé des Premières nations et des Inuits. Par exemple, les fonds investis dans l'Initiative sur les ressources humaines en santé autochtone ont permis d'obtenir les résultats suivants : des bourses et des bourses d'études ont permis à plus de 2 200 étudiants d'entreprendre des études pour faire carrière dans le secteur de la santé; plus de 600 gestionnaires en santé des Premières nations ont suivi une formation; 62 étudiants autochtones en médecine et 436 étudiants en soins infirmiers ont reçu de l'aide; enfin, 39 programmes en sciences de la santé d'établissements postsecondaires ont été adaptés.

En outre, comme il a été mentionné plus tôt, le Fonds de transition pour la santé des Autochtones a financé 311 projets réalisés entre 2004 et 2010. Ils visaient à mieux intégrer les services de santé du gouvernement fédéral, des provinces et des territoires et à les adapter aux besoins des Autochtones. Près de 75 p. 100 de ces projets étaient dirigés par des organismes et des collectivités des Premières nations, des Inuits ou des Métis.

Dans les prochaines années, le nouveau Fonds d'intégration des services de santé s'appuiera sur les leçons apprises et les partenariats établis par l'intermédiaire du Fonds de transition pour la santé des Autochtones. Ainsi, nous pourrons non seulement poursuivre nos efforts, mais également nous concentrer sur des projets dont la portée et l'envergure seront beaucoup plus vastes et qui incluront la coordination des services visant plusieurs collectivités en même temps.

Pour conclure, je vous ai donné un bref aperçu des progrès que nous avons réalisés en collaboration avec nos partenaires des Premières nations, inuits, métis, provinciaux et territoriaux.

[Français]

Les participants à la réunion spéciale de 2004 des premiers ministres et des chefs autochtones ont tous reconnu que, pour améliorer les résultats de santé des Autochtones, il faudra déployer des efforts sérieux et soutenus. Le gouvernement fédéral est engagé de façon permanente à améliorer la santé des Premières nations, des Inuits et des Métis, comme le prouvent les investissements prévus au budget de 2010. Ces investissements viennent renforcer les résultats positifs obtenus jusqu'à maintenant.

[Traduction]

Nous savons qu'il faudra du temps pour améliorer l'état de santé des Autochtones. Santé Canada demeure résolu à travailler avec les Premières nations, les Inuits et les Métis, ainsi qu'avec tous les ordres de gouvernement, en vue de réduire les obstacles qui empêchent les Autochtones d'avoir accès aux services de santé provinciaux et territoriaux, et d'améliorer la capacité des collectivités autochtones à répondre à leurs priorités en matière de santé.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion d'être ici aujourd'hui et je serais heureuse de répondre à vos questions.

Le président : Merci. J'aimerais maintenant me tourner vers l'Assemblée des Premières Nations.

Jonathan Thompson, directeur, Secrétariat à la santé et au développement social, Assemblée des Premières Nations : Monsieur le président, merci. Bonjour et merci à tous vos collègues du comité. Au nom du chef national de l'Assemblée des Premières Nations, je tiens à vous remercier d'avoir invité l'APN à comparaître ce matin.

Comme vous le savez tous certainement, la question de la santé des Premières nations a fait couler beaucoup d'encre. Monsieur le président, vous en avez parlé dans votre introduction, en remontant au communiqué et à l'accord lui-même, à la Commission royale sur les peuples autochtones et au rapport Romanow. Toutefois il est important de souligner que bien des thèmes communs traversent les éléments de ce dialogue, et il y a certes de nombreux principes que j'aimerais aborder ici ce matin et dont j'aimerais qu'ils soient repris jusqu'en 2014.

Nous souhaitons que les Premières nations participent au contrôle et à la gouvernance de leurs soins de santé, et qu'ils puissent directement contribuer à la détermination des types de services. Comme l'a mentionné Mme Gideon, nous constatons une augmentation à ce chapitre, mais nous avons encore beaucoup de chemin à faire.

Les Premières nations devraient participer aux discussions imminentes des premiers ministres à ce sujet, comme cela a été le cas en 2004. Le rapport Romanow en a également parlé. Permettez-moi de citer le rapport, dans lequel il est écrit : « Il appartiendra aux dirigeants autochtones et aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de relever le défi dont il est ici question. » Nous chercherons à réaliser des progrès dans ce genre d'approche au sein de l'Assemblée des Premières Nations.

Comme vous le savez sans doute, malgré les recherches, les publications et le bon travail de toutes les parties, nous sommes encore touchés par de piètres résultats en matière de santé. Vous avez entre les mains un exposé PowerPoint qui en mentionne quelques-uns. Il y en a bien d'autres. L'exposé parle de suicide chez les jeunes et d'espérance de vie. J'aimerais également parler des difficultés des collectivités des Premières nations sur le plan de la responsabilité en matière de soins de santé.

À la lumière de ces résultats en matière de soins de santé, il m'apparaît évident qu'il est nécessaire que les Premières nations soient représentées dans ces tribunes. À l'échelon communautaire, les Premières nations relèvent du fédéral, mais les membres de la collectivité ont constamment à traiter avec les systèmes fédéral et provinciaux. Malheureusement, cela sème souvent la confusion en ce qui concerne les rôles et les responsabilités, non seulement pour les gouvernements fédéral et provinciaux, mais assurément pour les collectivités elles-mêmes. À notre avis, cette situation est un obstacle constant à l'amélioration des résultats en matière de santé pour les Premières nations.

Nous reconnaissons volontiers les difficultés dans l'ensemble du domaine de la santé. Quand on constaté que le Manitoba et l'Ontario consacrent près de 50 p. 100 de leurs dépenses en matière de programmes à la santé, pas besoin d'être un économiste ou un génie pour reconnaître les obstacles; ces obstacles existent également à l'échelon communautaire.

Une des diapositives aborde la question de l'augmentation fulgurante des coûts des SSNA. Nous aimerions certainement étudier certaines des possibilités et certains des défis qui sont présents, même au sein des ressources existantes, et ce, avec la participation de toutes les parties, les gouvernements comme les Premières nations. Certes, il nous faudra parler d'accords financiers justes et équitables; selon moi, il faudra peut-être tout revoir dans ce domaine.

À quoi nous attendons-nous dans le cadre de votre travail? Comme l'ont recommandé de nombreux rapports et résultats de recherche, et comme l'a certainement recommandé l'Assemblée des Premières Nations, les Premières nations et les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux devront appuyer l'affirmation de nos droits et soutenir l'avancement de systèmes des Premières nations efficaces et appropriés sur le plan culturel. Encore une fois, le rapport Romanow en a certes parlé. Cependant, comme je l'ai mentionné il y a un instant, toute initiative ou tout effort doit inclure des accords financiers justes et équitables. L'accord de 2004 inclut un facteur de progression de 6 p. 100. De même, je tiens à rappeler que les promesses électorales du gouvernement fédéral incluaient également un prolongement d'une valeur à peu près équivalente, si ce n'est un peu plus élevée. Et pourtant, les collectivités des Premières nations continuent à être aux prises avec un facteur de progression des transferts pour les Premières nations d'environ 2 p. 100. Où est l'engagement parallèle à l'égard des Premières nations?

Je tiens à affirmer qu'un engagement parallèle de la part du gouvernement fédéral commencerait à dénoter une intention de mettre en œuvre les principes de justice et d'égalité. À mon avis, il serait également nécessaire de rassurer les gouvernements provinciaux et territoriaux quant au fait que le gouvernement fédéral fait preuve de leadership et soutient les gouvernements des Premières nations. J'irais plus loin en affirmant que les provinces et les territoires devraient envisager la possibilité de fournir des services égaux et de contribuer équitablement aux coûts associés à la prestation des programmes et des services dans les collectivités éloignées et du Nord. Il est certain qu'un très grand nombre de nos collectivités partout au pays sont confrontées à ces coûts très élevés.

Bien entendu, nous souhaiterions également une coordination améliorée. La coopération et le partenariat intergouvernementaux efficaces sont également des éléments clés pour assurer notre progression au-delà de 2014.

Comme l'a mentionné Mme Gideon, la signature historique de l'Accord-cadre tripartite de la Colombie-Britannique sur la gouvernance de la santé des Premières nations en serait un excellent exemple. Cet accord est le reflet des principes susmentionnés : contrôle des Premières nations, accords financiers améliorés et coopération entre les Premières nations et les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux.

Pour conclure, nous aimerions obtenir votre appui à l'égard de ces principes ainsi qu'à l'égard de la présence des dirigeants des Premières nations à la table au moment des discussions portant sur la santé future de leurs collectivités. La ratification par le Canada de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones ainsi que les excuses présentées par le premier ministre laissent croire qu'il s'agit d'une formidable occasion pour le Canada, les provinces et les territoires d'aller de l'avant dans un esprit de réconciliation. Merci.

Le président : Merci beaucoup. Je vais maintenant donner à mes collègues l'occasion de poser des questions qui, je l'espère, nous permettront d'approfondir davantage ces questions. Je tiens à rappeler à mes collègues que nous ne disposons que de 30 minutes alors j'aimerais que vous vous en teniez à des périodes de quatre minutes.

Le sénateur Eggleton : Je vous souhaite la bienvenue. Madame Gideon, vous avez cité de nombreuses statistiques sur différentes composantes des programmes qui découlent du Plan directeur et du communiqué qui l'a précédé. Je crois que les représentants des collectivités autochtones ont dit qu'il y avait eu certaines réussites, mais ils ont aussi rappelé qu'il reste beaucoup de chemin à faire. Je cherche à déterminer quels sont les résultats qui se réalisent réellement sur le terrain, au-delà de ces statistiques. En 2008, le Conseil canadien de la santé a signalé que le Plan directeur stagnait et que l'aide financière initialement promise pour l'aider à atteindre ces objectifs avait diminué. Que s'est-il passé depuis qu'il l'a remis sur les rails?

Le président : Qui aimerait répondre?

Mme Gideon : Je tiens à commencer. C'est une question centrale, et c'est ainsi que je vais l'aborder. En ce qui a trait aux répercussions globales des investissements de 700 millions de dollars, au-delà des statistiques, nous savons bien entendu que les répercussions concrètes sur les résultats en matière de santé prennent du temps, plus que le cadre de cinq ans, dans la plupart des cas. Certes, nous pouvons montrer des choses comme l'augmentation des taux d'allaitement, il nous faut déployer des efforts continus afin d'être en mesure de mettre en place une capacité communautaire et de permettre aux membres de la collectivité d'élaborer et d'offrir des interventions qui feront leurs preuves au fil du temps. Une grande partie des répercussions des investissements ciblés en amont servait à mettre en place cette capacité communautaire dédiée à des problèmes de santé importants pour le diabète.

Vous observez l'arrivée non seulement de nouveaux travailleurs communautaires, mais également de travailleurs communautaires qui sont certifiés et formés et qui font progresser cette expertise dans ces domaines particuliers. De même, ils contribuent à mettre en place des relations au sein des systèmes de santé provinciaux et territoriaux, afin de pouvoir profiter de manière plus efficace de l'expertise spécialisée offerte par le truchement de ces systèmes, comme des partenariats avec des équipes multidisciplinaires qui pourraient être situées dans une ville à proximité ou encore par le truchement d'une autorité régionale de la santé. Voilà quelques exemples, grosso modo.

En vertu du Fonds de transition pour la santé des Autochtones, il y a toute une série de nouvelles tables intergouvernementales mises sur pied précisément pour discuter des problèmes de santé autochtones; ces tables n'existaient pas auparavant. Elles se situent non seulement à l'échelon provincial, mais également à l'échelon local; par exemple, à l'échelon de l'autorité régionale de la santé. Ces tables sont l'occasion de procéder à une certaine planification collaborative en matière de prestation des services, d'affectation du financement et de recrutement et de maintien en poste des professionnels et des paraprofessionnels.

Le sénateur Eggleton : Mme Lavallée, du Congrès des Peuples Autochtones, a affirmé, tandis qu'elle parlait de la Stratégie nationale de prévention du suicide chez les jeunes Autochtones et de l'Initiative sur les ressources humaines en santé, que la participation des peuples autochtones était minimale. Vous venez de parler d'efforts collaboratifs, mais on ne dirait pas qu'il y a beaucoup de collaboration.

Mme Gideon : Il y a assurément eu des ressources attribuées précisément aux Autochtones vivant hors réserves par le truchement de la Stratégie nationale de prévention du suicide chez les jeunes Autochtones. Il est certain qu'il y a eu du soutien à l'égard de discussions collaboratives en ce qui concerne l'élaboration des programmes et l'affectation du financement.

Le président : Madame Lavallée, aimeriez-vous répondre?

Mme Lavallée : Selon mes dirigeants provinciaux et territoriaux, nous n'avons eu aucune forme d'accès que ce soit à la Stratégie de prévention du suicide. Le suicide est une épidémie dans notre collectivité. Nous n'avons pas eu accès à des soins de santé maternelle. À mon avis, le principal problème tient à ce que le transfert de fonds en matière de soins de santé est remis au gouvernement provincial, et ce dernier en restreint la portée, malheureusement. C'est la raison pour laquelle j'ai parlé de ce problème de compétence dans lequel nous, les Autochtones qui vivons hors réserves, sommes empêtrés. En tant qu'ancien chef au Nouveau-Brunswick, je peux vous dire que j'ai dû me battre, quand le programme a été mis sur pied, simplement pour avoir un travailleur de soins de santé dans notre organisation. J'ai dû me battre ne serait-ce que pour être en mesure d'interagir avec les autorités régionales de la santé et les ministères provinciaux de la santé. Depuis, ce poste a été supprimé. Nous sommes de retour à la case départ.

Dans le cadre de la dernière Initiative sur le diabète chez les Autochtones, une seule de nos organisations a eu accès au programme pour les diabétiques. Les gens passent au travers des mailles du filet.

Le président : Je pense que la question de la compétence est l'élément clé qui ressort de ce que vous venez de décrire et des autres problèmes que vous avez soulevés. Après notre réunion, est-ce que chacun d'entre vous pourra réfléchir à cet aspect et nous faire parvenir d'autres renseignements sur cette question précise? Cela nous serait très utile.

Le sénateur Merchant : Merci beaucoup et, une fois de plus, merci de votre présence parmi nous. Madame Gideon, vous avez parlé de travailler en amont, et c'est ce que d'autres nous ont dit également; il est plus facile d'adopter une approche holistique et de commencer à travailler tôt, plutôt que de laisser les choses prendre de l'ampleur, puis d'avoir à lutter contre la maladie. Compte tenu du nombre très élevé de jeunes dans vos collectivités et du taux de naissances élevé, j'aimerais en savoir un peu plus sur les soins de santé maternelle et sur les programmes pour la petite enfance.

J'aimerais également savoir comment le plan décennal a été mis en œuvre, quels ont été les résultats et ce que vous espérez pour la prochaine phase après 2014.

Mme Lavallée : Je ne saurais guère enrichir la discussion, car nous n'avons pas accès à l'information relative à la santé maternelle. Un de nos organismes provinciaux a quelque peu accès à des renseignements sur le sujet, mais dans le cadre d'un programme qu'il a lui-même mis en œuvre. Par ailleurs, nous n'avons pas eu accès au programme pour la petite enfance.

M. Thompson : Vous soulevez un excellent point en abordant la question du poids démographique des jeunes — c'est certainement le groupe qui affiche la croissance la plus rapide, et les taux de natalité sont plutôt élevés. C'est un enjeu important. Le Programme de soins de santé maternelle et infantile est offert dans de nombreuses collectivités des Premières nations, mais, comme le sénateur Eggleton l'a souligné, il y a des difficultés plus grandes à surmonter. À la base, il faut s'attaquer de façon plus globale à tous les déterminants sociaux qui ont des répercussions sur les familles concernées. Isolément, le Programme de soins de santé maternelle et infantile peut certainement être utile, mais les pressions exercées sur les familles et les mères seules sont énormes.

Devant de telles difficultés, un programme exécuté isolément n'est pas susceptible de donner les résultats que nous aimerions obtenir. Cela soulève également la question de la compétence des ordres de gouvernement, car ces personnes et ces familles ont affaire aux deux — ils sont ballotés entre les deux. Plus il y aura de coopération et de collaboration entre les ordres de gouvernement, plus les collectivités des Premières nations auront d'influence sur l'affectation de ces ressources et la façon dont elles sont utilisées. À notre avis, c'est la voie à suivre.

Les programmes qui interviennent en amont sont certainement les bienvenus. Cependant, si l'on remonte à 2004 et à 2005, on constate qu'il y a également des aspects qui n'ont pas été abordés, mais qui auraient pu influer sur nombre des déterminants sociaux globaux qui font des ravages dans les collectivités.

Le président : En ce qui concerne la question des compétences, pourriez-vous nous fournir des exemples précis à cet égard, comme vous l'avez fait dans vos observations? Cela nous aiderait à étudier cette question.

M. Thompson : Bien sûr. On n'a qu'à penser au fait que des personnes sont contraintes de quitter le Nord de l'Alberta, par exemple, parce qu'il n'y a pas de service de dialyse dans leur collectivité ni dans les localités voisines. Elles sont souvent contraintes de s'installer à Edmonton pour y recevoir des soins. Le Programme des SSNA leur prodigue un soutien durant trois mois. Si les administrations amélioraient leur collaboration et leur coopération, cela permettrait peut-être d'éliminer le délai entre le moment où le Programme des SNA cesse d'aider ces personnes et celui où le système provincial prend le relais. S'il y avait une meilleure collaboration, les administrations pourraient peut-être trouver un moyen d'établir un service de dialyse plus près de ces collectivités du Nord de l'Alberta. Cet exemple pourrait également s'appliquer au Nord du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Ontario.

Comme je l'ai dit plus tôt, les rôles et les responsabilités sont très flous. Vous connaissez peut-être le principe de Jordan. Il s'agit probablement de l'exemple le plus connu de situation où les ordres de gouvernement, plutôt que de dispenser d'abord et avant tout les soins à un enfant, se sont chamaillés pour savoir à qui ce rôle incombait. S'il y avait plus de coopération et de collaboration entre les ordres de gouvernement, de telles questions seraient facilement réglées; l'accès aux services de santé représenterait la première priorité, et la gestion de ces services, la seconde.

Le président : C'était ce genre d'exemple que je souhaitais entendre. Merci. Si vous pouvez illustrer votre réponse écrite subséquente au moyen d'exemples additionnels, cela nous sera très utile.

Le sénateur Martin : J'essaie de voir où l'argent est affecté afin de cerner les lacunes et les obstacles possibles. Le gouvernement semble s'être engagé à renouveler le financement octroyé aux fins de la santé des Autochtones, des Inuits et des Métis. Vous concevez ces programmes, que vous avez décrits. Ils semblent tous essentiels et importants.

Mme Lavallée a dit que l'accès aux programmes est problématique. C'est bien d'avoir d'excellentes cliniques et d'excellents programmes, mais les gens doivent être en mesure d'y accéder. Y a-t-il un problème au chapitre du plan de communications global? Lorsque, selon le modèle du groupe de travail conjoint, vous travaillez de concert avec Santé Canada, quelle est la fréquence de vos réunions? En quoi consiste le plan de communications visant l'élaboration concertée de programmes adaptés sur le plan culturel? Où sont les lacunes? Est-ce que les règles et les responsabilités devraient être énoncées dans le plan directeur? Bien entendu, il s'agit d'un cadre et d'un guide, mais il faudrait peut-être déterminer très précisément ces règles et ces responsabilités. Qui pourrait ferait cela? Est-ce que ce serait le fruit d'un effort collectif? Comment fonctionne ce groupe de travail? Quelle est la fréquence de vos réunions ou de vos téléconférences? Quel est le plan à suivre? De quelle façon les communications permettent-elles de s'assurer que tout le monde aura accès aux merveilleux programmes en cours d'élaboration? Une réponse écrite serait peut-être nécessaire à cet égard aussi.

Mme Gideon : La question est complexe, mais je ferai de mon mieux pour donner une réponse simple. Le mandat de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada est de fournir — surtout aux Premières nations et aux Inuits — un complément aux services provinciaux et territoriaux. La majorité de ces investissements visent les régions où les Premières nations et les Inuits n'auraient pas accès dans leur collectivité à des soins comparables à ceux dispensés dans d'autres régions de leur province ou territoire. Dans les territoires, ce sont les gouvernements territoriaux qui dispensent des soins aux Inuits, comme à tous les autres résidents. Pour ce qui est de la population inuite, il serait donc question en particulier de ceux de Terre-Neuve-et-Labrador, par exemple, ou du Québec, où nous avons des ententes en vigueur.

En outre, il y a des exemples précis d'investissements réalisés hors des réserves autochtones dans le cadre du Programme d'aide préscolaire aux Autochtones, qui est géré par l'Agence de la santé publique du Canada — dont un représentant a comparu devant vous, si je ne me trompe pas. Le montant total du financement octroyé dans le cadre du Programme d'aide préscolaire aux Autochtones dans les collectivités urbaines et nordiques se chiffre à 32 millions de dollars par année, en plus des fonds supplémentaires qui sont versés depuis la réunion des premiers ministres de 2004. Le montant de ce financement est maintenant de 25 millions de dollars sur cinq ans.

En ce qui concerne le groupe de travail et notre relation de travail, notre ministre, le chef national de l'Assemblée des Premières Nations et le président d'Inuit Tapiriit Kanatami ont ratifié des accords visant à travailler de concert avec l'Agence de la santé publique du Canada par le truchement de groupes de travail distincts. Nous avons établi des priorités stratégiques précises dans le contexte de ces processus. Nous disposons de plans de travail pluriannuels dans le cadre desquels nous mandatons chacune de nos organisations à travailler de concert afin de réaliser ces priorités.

Parmi les aspects prioritaires qui ont été cernés par le groupe de travail de l'Assemblée des Premières Nations, il y a, entre autres, l'établissement d'une gamme de services de santé mentale visant à agir sur les déterminants sociaux de la santé des Premières nations et l'étude de divers modèles de gouvernance autochtone, par exemple les leçons tirées de l'Accord tripartite de la Colombie-Britannique sur la gouvernance de la santé des Premières nations. Voilà donc des exemples de priorités stratégiques qui ont été établies en vue d'influer sur l'élaboration et la mise en œuvre des programmes futurs. J'espère que ma réponse vous aide un peu.

Des observations écrites aideraient à décrire la situation de façon plus claire ou plus complète.

Le sénateur Martin : Qu'en est-il de la difficulté relative aux rôles et aux responsabilités et au fait de déterminer ceux de chacun? Est-ce que cela pourrait être clairement énoncé?

Mme Gideon : Oui. Le principal objectif du Fonds de transition pour la santé des Autochtones était d'améliorer la collaboration intergouvernementale. Le nouveau Fonds d'intégration des services de santé sera plus ciblé et tirera parti de la capacité et des connaissances acquises grâce au fonds précédent. Il servira précisément à appuyer des projets ou des initiatives pouvant contribuer à promouvoir et à assurer l'intégration des services de santé financés par les gouvernements provinciaux et fédéral à l'intention des Autochtones.

Pour sélectionner les projets, il est impératif de constituer un comité consultatif multipartite comptant des représentants des provinces et des territoires, des Premières nations et du gouvernement fédéral afin d'élaborer des plans de travail pluriannuels et de cerner les projets qui contribueront à concrétiser les priorités stratégiques énoncées dans ces plans. De tels partenariats doivent être établis en vue de guider la répartition des fonds. Cette responsabilité ne doit pas incomber à une seule partie.

Le sénateur Hubley : Il y a cinq ans, le comité a publié un rapport intitulé De l'ombre à la lumière : La transformation des services concernant la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie au Canada. Le rapport portait sur les enjeux en matière de santé mentale touchant la population canadienne, mais il accordait une importance particulière aux collectivités autochtones et aux problèmes disproportionnés auxquels elles font face. Je me demande si vous êtes en mesure de nous dire si vous avez perçu des changements à cet égard au cours des cinq dernières années, s'il existe encore des écarts et s'il y a encore des problèmes graves liés à la santé mentale des jeunes Autochtones et des tous les peuples autochtones.

M. Thompson : Malheureusement, cela demeure une difficulté de taille. Comme Mme Gideon l'a mentionné, c'est une des principales questions auxquelles va s'attaquer le groupe de travail et à l'égard desquelles le ministre de la Santé a convenu de prendre des mesures. Nous essayons de trouver une approche plus globale. Là encore, je dois mentionner le problème du cloisonnement des programmes, lesquels n'ont pas l'effet escompté. En effet, les médias font encore état de jeunes Autochtones qui s'enlèvent la vie. Nous sommes encore aux prises avec les répercussions des pensionnats indiens, comme en témoignent la triste situation des survivants des pensionnats et le processus relatif à la Commission de vérité et de réconciliation du Canada.

Pour faire des progrès au chapitre de la santé mentale, il est essentiel d'acquérir une meilleure compréhension des besoins et de déterminer comment l'Assemblée des Premières Nations, conjointement avec la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, peut fournir à cet égard le meilleur soutien possible aux collectivités. On a accompli du bon travail récemment dans le cadre du Programme national de lutte contre l'abus d'alcool et des drogues chez les Autochtones, mais cela ne suffit pas. Si vous connaissez bien le domaine, vous savez qu'il faut s'attaquer à la toxicomanie et à l'alcoolisme — ces dépendances sont le symptôme d'un problème plus profondément enraciné. Collectivement, nous devons trouver des façons d'aider les collectivités à surmonter ces problèmes. Cela demeure une grande priorité dans mon travail. Nous continuons à nous efforcer de régler ces problèmes avec l'aide de nos partenaires et comptons, par exemple, sur la collaboration de la Commission de la santé mentale du Canada à mesure que nous réalisons des progrès à ce chapitre.

[Français]

Le sénateur Verner : Tout d'abord, merci beaucoup d'être ici ce matin et bienvenue. Ma question va probablement s'adresser davantage à Mme Gideon pour Santé Canada.

Dans le plan directeur pour la santé des Autochtones, toutes les parties se sont engagées à répondre aux besoins particuliers des femmes autochtones et de leurs enfants; à dispenser des services de santé qui respectent l'égalité entre les sexes par l'application de l'analyse comparative entre les sexes adaptée à la culture; et la participation des femmes à l'élaboration et à l'exécution de plans d'actions pour la santé et la guérison des femmes.

Quelles mesures ont été prises par Santé Canada pour s'assurer que les opinions et les besoins des femmes autochtones soient pris en compte dans les programmes? Est-ce que le ministère incorpore l'analyse comparative entre les sexes adaptée à la culture dans ses recherches et l'élaboration de ses politiques?

Mme Gideon : Je vais donner quelques exemples, si cela vous convient. Dans le cas du Fonds de transition pour la santé des Autochtones, qui était le fonds de 200 millions de dollars, chaque projet devait soumettre une analyse comparative entre les sexes avant de pouvoir être approuvé pour du financement.

Également, l'Association des femmes autochtones participait, bien sûr, au comité directeur pour le fonds de transition. Elle continue également à participer au comité consultatif pour le Fonds d'intégration pour les services de santé, le nouveau fonds de 80 millions dollars.

Nous avons, bien sûr, également mis l'accent sur les services de santé pour les femmes des Premières nations dans les communautés et dans le Programme de santé maternelle et infantile que j'ai mentionné. Cela a fait une grosse différence pour avoir un suivi plus rigoureux pour les femmes enceintes ou qui ont de jeunes enfants, et qui leur permet à ce moment- là d'avoir un aperçu plus global de leur santé et la santé de leur famille, et de faire des liens avec d'autres soins de santé qui font partie d'autres domaines, soit livrés au sein de la communauté, soit dans le système provincial.

[Traduction]

Le président : Après le sénateur Cordy, il y a trois autres sénateurs qui souhaitent poser des questions. Nous n'aurons pas le temps d'entendre leurs questions et les réponses des témoins. Je demanderais aux sénateurs de poser leurs questions et à la greffière de vous les transmettre par écrit. Nous n'allons pas entendre vos réponses aujourd'hui, mais nous en avons besoin pour notre étude. Il importe que toutes les questions soient posées. Je vais donner la parole d'abord au sénateur Cordy, puis à chacun des sénateurs qu'il reste à entendre.

Le sénateur Cordy : Madame Lavallée, le Congrès des Peuples Autochtones représente les Autochtones qui vivent hors des réserves. À quel pourcentage de la population autochtone cela correspond-il?

Mme Lavallée : Selon les données relatives à l'ascendance autochtone fournies par Statistique Canada, le pourcentage est de 80 p. 100.

Le sénateur Cordy : Donc, 80 p. 100 de la population autochtone n'a pas accès aux programmes fédéraux de soins de santé maternelle, ni au programme relatif à la Stratégie nationale de prévention du suicide chez les jeunes Autochtones ni au Programme d'aide préscolaire aux Autochtones.

Mme Lavallée : À ma connaissance, les Autochtones n'y ont pas accès s'ils vivent en région rurale, isolée ou urbaine, à moins qu'une entente tripartite ait été conclue avec le gouvernement provincial. À l'heure actuelle, d'après ce que m'ont dit mes organismes provinciaux et territoriaux, l'un d'eux est doté d'un programme sur le diabète qui est utilisé comme modèle pour la mise en œuvre de l'Initiative sur le diabète chez les Autochtones. Les autres organismes n'ont pas réussi à obtenir les programmes. Le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones n'est pas dispensé aux Autochtones de partout au Canada par nos organismes provinciaux et territoriaux. J'ai déployé de très grands efforts pour les obtenir quand j'étais au Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Cordy : C'est incroyable... et déplorable.

Mme Lavallée : Nous ne sommes pas dans les bonnes grâces du ministre, et la situation doit se redresser.

Le sénateur Cordy : Comme l'a dit le sénateur Merchant, les jeunes Autochtones sont le groupe démographique qui affiche la croissance la plus rapide. Que devrait contenir le nouvel accord qu'élabore actuellement Santé Canada sous la direction du ministre afin de refléter les besoins de ce groupe démographique? Un grand pourcentage d'Autochtones ont moins de 25 ans; cela ne devrait-il pas se refléter dans le nouvel accord?

Mme Lavallée : Je pense que oui, mais il faut changer notre approche à l'égard des programmes. Nous devons tenir compte de la nouvelle réalité d'aujourd'hui, à savoir que les Autochtones se déplacent. Ils sortent des réserves et y reviennent, mais une très grande partie de la population vit à l'extérieur des réserves.

Nous devons cesser de causer du tort aux Autochtones et de mettre en péril leur santé et leur bien-être à cause de la question des compétences. C'est la source du problème des Autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves. Les provinces ne veulent pas reconnaître notre existence. Comme il est plus simple pour elles de traiter directement avec les chefs et les réserves, elles choisissent la solution facile. Je pense qu'il faudrait préciser, dans certains accords sur les transferts relatifs à la santé qui seront négociés, que ces accords doivent s'appliquer à tous les Autochtones, indépendamment de leur situation ou de leur lieu de résidence. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre une autre génération de jeunes Autochtones.

[Français]

Le sénateur Champagne : Dans un communiqué sur l'amélioration de la santé des Autochtones, le gouvernement fédéral a indiqué qu'il allait examiner, avec les autres ordres de gouvernement — on en est encore à ces juridictions partagées — et avec les dirigeants des Métis, les questions de santé qui concernent les Métis.

Jusqu'à présent, est-ce qu'on a réussi à identifier les problèmes de santé qui sont propres aux Métis? Est-ce qu'on arrive à trouver des moyens de prévention et des soins à apporter pour en arriver à une guérison?

[Traduction]

Le président : C'est la question. Nous ferons un suivi par écrit auprès de vous. Merci beaucoup, madame le sénateur.

J'aimerais maintenant vous inviter à vous pencher sur deux problèmes. Le premier, auquel on ne cesse de revenir, concerne les lacunes à l'égard des champs de compétence qui touchent des Autochtones. De toute évidence, d'après vos commentaires, il n'y a tout simplement pas de continuum au chapitre de la reconnaissance. Je vous saurais vraiment gré d'assurer un suivi à cet égard.

Madame Lavallée, vous avez mentionné les problèmes des petites collectivités, de la distance et des communications, entre autres choses.

Je ne crois pas avoir entendu d'exemple précis en ce qui a trait à l'utilisation de nouveaux moyens de communication afin d'accroître l'accès aux services de santé dans les collectivités. Je me demande si vous pourriez assurer un suivi à cet égard, c'est-à-dire indiquer si vous croyez que ces moyens offrent un certain potentiel — ou, mieux encore, de donner des exemples d'utilisations innovatrices éprouvées — ou de fournir une liste de publications qui, selon vous, offrent des pistes de solution à l'égard des questions que vous avez soulevées.

Vous avez abordé une grande diversité d'enjeux. Vous avez reconnu que les déterminants sociaux, au sens large, jouent un rôle crucial à ce chapitre. La question des compétences — qui revient continuellement dans notre examen de ces enjeux — est, à n'en point douter, extrêmement importante.

Au nom de mes collègues, je vous remercie d'avoir présenté vos observations avec autant de clarté et avec une franchise toute naturelle. Si des exemples précis vous viennent à l'esprit après la réunion, lorsque vous réfléchirez à vos exposés et aux questions que vous avez entendues, nous serions certainement très heureux que vous nous fournissiez des renseignements supplémentaires.

Merci beaucoup de votre présence. Je remercie également mes collègues de leur grande efficacité.

Le sénateur Eggleton présidera le reste de la séance, car je dois m'absenter pour environ une heure.

Le sénateur Art Eggleton (vice-président) occupe le fauteuil.

Le vice-président : Nous poursuivons notre étude relative à l'Accord de 2004 sur le renouvellement des soins de santé et, plus précisément, au Communiqué sur l'amélioration de l'état de santé des Autochtones et au Plan directeur pour la santé des Autochtones. Dans le groupe précédent, nous avons entendu le témoignage de deux organismes représentant la collectivité et de Santé Canada. Dans ce groupe-ci, nous allons entendre le point de vue d'Inuit Tapiriit Kanatami. C'est Elizabeth Ford, directrice, Développement social et de la santé, qui prendra la parole en son nom. À ses côtés se trouve Udloriak Hanson, conseillère spéciale à la présidence.

Je suis désolé; ai-je fait erreur? Oh, c'est l'inverse. Mme Hanson comparaîtra au nom d'ITK. Veuillez m'excuser.

Nous avons également avec nous, Erin Corston, directrice de la santé de l'Association des femmes autochtones du Canada. Bienvenue à tous les témoins.

Udloriak Hanson, conseillère spéciale à la présidence, Inuit Tapiriit Kanatami : [Le témoin s'exprime en inuktitut.]

Bonjour. Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui. Comme on l'a mentionné, je suis la conseillère spéciale de Mary Simon, présidente d'Inuit Tapiriit Kanatami — ou ITK. J'aimerais présenter ma collègue, Elizabeth Ford, directrice, Développement social et de la santé.

Le travail de notre organisme est essentiellement de veiller à ce que les intérêts des Inuits soient reflétés dans les priorités nationales qui touchent l'Arctique et de mener des initiatives qui unissent nos quatre régions.

Nous sommes ravis de vous présenter aujourd'hui nos observations concernant les progrès réalisés dans la mise en œuvre du Plan décennal pour consolider les soins de santé de 2004.

Comme vous le savez, ce plan est le fruit d'une réunion qui a eu lieu en 2004 et à laquelle ont participé les premiers ministres provinciaux et territoriaux, les chefs autochtones nationaux et le premier ministre de l'époque, le très honorable Paul Martin.

La réunion n'était pas considérée comme une réunion officielle des premiers ministres, mais le président d'ITK de l'époque, le regretté Jose Kusugak, avait fait la célèbre remarque suivante au groupe de leaders réunions : « Si ça ressemble à une réunion de premiers ministres, si ça se déroule comme une réunion de premiers ministres et si ça sent comme une réunion de premiers ministres, alors ce doit être une réunion de premiers ministres. »

C'est lors de cette réunion que les premiers ministres et les chefs autochtones ont convenu de la nécessité d'élaborer un plan d'action afin d'améliorer les services de santé à l'intention des Autochtones du Canada. Ils ont reconnu que tous les gouvernements ont un rôle important à jouer afin d'améliorer la santé des Autochtones ainsi que la prestation des services de santé à leur intention.

Les Inuits font face à des problèmes de santé graves et, dans certains cas, croissants dont l'ampleur va bien au-delà de ceux que connaissent d'autres Canadiens.

Par exemple, dans les quatre régions de notre territoire ancestral, l'espérance de vie moyenne est de 12 ans inférieure à celle de l'ensemble de la population canadienne, et l'écart continue à s'accentuer. Le taux de tuberculose est 127 fois plus élevé chez les Inuits que chez les Canadiens de naissance non autochtones. Le taux de mortalité infantile dans nos régions est presque trois fois plus élevé que celui de l'ensemble de la population canadienne. Le taux de suicide des Inuits est 11 fois supérieur au taux national.

Conséquence directe de la réunion de 2004, ITK a travaillé en partenariat avec le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi que d'autres organisations autochtones afin d'élaborer un plan directeur pour la santé des Autochtones qui décrit les moyens à prendre pour transformer ensemble les résultats en matière de santé.

Pour ce faire, il est crucial d'aborder les déterminants sociaux de la santé, des facteurs comme la salubrité de l'eau et l'éducation ainsi que l'accès à un logement adéquat et à des aliments nutritifs, qui jouent tous un rôle essentiel sur le plan de la santé physique. Pour les Inuits, cela représente une des plus importantes composantes du plan directeur. C'est également une des composantes où le moins de progrès ont été réalisés.

L'hébergement dans nos régions, par exemple — malgré l'engagement énoncé dans le plan directeur à affecter des fonds aux infrastructures — demeure bien en deçà des normes nationales. Tous les indicateurs clés — le rapport plancher-habitant, la sécurité et l'abordabilité, entre autres — accusent un retard par rapport aux normes nationales. Des milliers de nouvelles unités sont requises, et des milliers d'autres ont besoin de rénovations majeures.

Il est difficile de ne pas se laisser décourager par la situation lorsqu'on sait que les logements surpeuplés et inadéquats contribuent directement aux problèmes de santé mentale et aux taux de tuberculose extrêmement élevés au sein de notre population.

Une autre partie du plan directeur aborde les questions de la mobilisation et de l'inclusion. On y souligne à grands traits que les organisations autochtones doivent travailler de concert et sur un pied d'égalité avec les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux.

Malheureusement, cela s'est souvent traduit par une approche pan-autochtone qui ne sert pas les intérêts des Inuits ou qui ne débouche peut-être pas sur une mobilisation efficace en raison de l'insuffisance du temps imparti et des consultations.

De fait, les premiers ministres et les chefs autochtones ont reconnu dans le plan directeur que les questions relatives à la santé publique des Inuits, des Métis et des Premières nations sont très différentes qu'il faut lancer des stratégies adaptées aux Inuits qui tiendraient compte des conditions uniques liées au milieu arctique, des caractéristiques particulières de la culture inuite et des obligations relatives aux accords sur des revendications territoriales.

Par ailleurs, le plan directeur oblige les gouvernements à s'assurer qu'un continuum de soins de santé mentale est offert aux Inuits à l'intérieur ou à proximité de leur collectivité.

Les Inuits traversent une crise profonde et prolongée sur le plan de la santé mentale, et la nécessité de dispenser ces soins est plus présente que jamais. Il y a encore un besoin pressant à combler au chapitre des infrastructures et des services en matière de santé mentale, y compris les centres de consultation et de traitement de la toxicomanie, dans l'Arctique.

Nous sommes d'avis que, vu l'extrême gravité de ces problèmes, le ministre de la Santé du Canada et ses homologues provinciaux et territoriaux doivent amorcer immédiatement un dialogue en vue de prendre de toute urgence les mesures qui s'imposent dans nos collectivités.

Deux autres initiatives découlant du plan directeur ont donné des résultats positifs pour les Inuits. Le Fonds de transition pour la santé des Autochtones a permis aux Inuits de mettre en œuvre des projets visant à améliorer l'intégration des systèmes de santé financés par le gouvernement fédéral et les gouvernements des provinces et territoires et d'adapter les programmes et services de santé existants à leurs besoins.

Le Fonds a également aidé à accroître la participation des Inuits à la conception, à la prestation et à l'évaluation des programmes et des services de santé et a donné lieu à la création de plusieurs nouveaux postes de coordonnateur régional de la participation des Inuits.

Malheureusement, le programme s'est avéré non viable. Les projets créés dans le cadre de l'initiative ne reçoivent plus de financement.

Par ailleurs, grâce à l'Initiative sur les ressources humaines en santé autochtone, des progrès ont été réalisés à l'égard de plusieurs aspects importants, y compris la formation des travailleurs dans la collectivité et la promotion des possibilités de carrière dans le domaine de la santé. Cependant, cette initiative est aussi desservie par l'adoption d'une approche globale pan-autochtone.

Pour revenir aux objectifs établis par les premiers ministres et les chefs autochtones en 2004, il faut dire que le plan directeur se voulait un plan de transformation. C'est un document solide qui fournit un cadre robuste.

Comme son titre le laisse entendre, le plan se prête à des améliorations continuelles. Plus précisément, les recommandations concernant la santé mentale et le logement ainsi que la création de systèmes adaptés aux Inuits nécessitent plus de travail et de progrès.

En conclusion, nous tenons à vous faire savoir que les Inuits sont déterminés à collaborer avec les gouvernements afin de définir une orientation et de prendre des mesures immédiates relativement à la mise en œuvre de ces recommandations. Encore une fois, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. Nous ferons de notre mieux pour répondre à vos questions et à vos commentaires.

Le vice-président : Merci beaucoup. Votre exposé était très clair et très concis.

Erin Corston, directrice de la santé, Association des femmes autochtones du Canada : J'aimerais d'abord vous remercier de l'invitation à venir témoigner aujourd'hui. Mme Claudette Dumont-Smith, directrice générale de l'Association des femmes autochtones du Canada — l'AFAC — ne peut malheureusement pas être présente et vous transmet ses excuses.

Je m'appelle Erin Corston. Je suis directrice du service de la santé ainsi que directrice par intérim du service de l'environnement à l'AFAC. Ma famille est d'origine crie. Je suis née et j'ai grandi dans le Nord de l'Ontario, et je suis membre de la Première nation crie de Chapleau.

J'ai trois principaux messages à vous communiquer aujourd'hui. Premièrement, les mesures actuelles à l'égard de la santé des femmes autochtones du pays sont inadéquates par rapport au fardeau que représentent le mauvais état de santé et l'exclusion sociale dont nos femmes sont victimes.

Deuxièmement, les femmes autochtones continuent de se heurter à des niveaux alarmants de disparités en matière de santé, et trop peu d'attention est portée aux déterminants sociaux de la santé. Dans certains cas, comme les démêlés avec la justice, nos déterminants sociaux de la santé empirent.

Troisièmement, au nombre des solutions envisagées, citons la parité de financement ainsi que la capacité et les ressources durables pour favoriser la participation équitable des femmes autochtones dans l'élaboration, la mise en œuvre et l'évaluation de politiques, de programmes et de services.

Je vais maintenant vous décrire les femmes autochtones représentées par l'AFAC. Soixante pour cent de ces femmes font partie des Premières nations, et 33 p. 100 d'entre elles sont métisses. Ces statistiques proviennent de Statistique Canada.

Nous, les femmes autochtones, représentons plus de la moitié de la population autochtone, qui est en forte croissante. Nous sommes très jeunes : 28 p. 100 d'entre nous ont moins de 15 ans. Notre espérance de vie est d'environ sept ans inférieure à celle des femmes non autochtones au pays. Notre taux de suicide est trois plus élevé que la moyenne nationale, et nous courons trois fois plus de risques de contracter le VIH ou le sida. Nous sommes également trois fois plus à risque d'être victimes de violence et cinq fois plus à risque de mourir à cause de la violence. Soixante- sept pour cent des femmes autochtones ont une surcharge pondérale. Près du quart des femmes autochtones âgées de 65 ans et plus souffrent de diabète. Près de la moitié de nos femmes vivent dans la pauvreté.

Ces statistiques illustrent les profonds écarts et les difficultés accablantes auxquels les femmes autochtones sont confrontées. Bien que nous partagions avec nos frères autochtones le legs de la marginalisation et de l'oppression, nous ne recevons pas du gouvernement, des Canadiens non autochtones ou des dirigeants masculins dans nos collectivités l'attention et le soutien qui sont nécessaires à la réalisation et à la durabilité des genres de changements dont nous avons besoin pour améliorer notre santé.

L'Association des femmes autochtones du Canada a été constituée en personne morale il y a près de 40 ans afin de promouvoir l'égalité culturelle et l'égalité des sexes au sein de la société tant autochtone que non autochtone. Voilà pourquoi nous sommes ici aujourd'hui.

Je vais parler un peu de l'évolution du service de la santé de l'AFAC que je dirige. Ce service a commencé à prendre forme durant les discussions de l'Accord de Kelowna en 2004-2005. Auparavant, l'organisation n'avait pas la capacité de participer à de telles initiatives nationales. Les points de vue des femmes autochtones, leurs problèmes et leurs préoccupations n'étaient pas pris en compte dans les solutions proposées afin d'améliorer le piètre état de santé des Autochtones. Nous représentons plus de 50 p. 100 de la population autochtone, et pourtant, notre point de vue n'est pas pris en considération.

De fait, c'est à Kelowna que l'AFAC a été invitée pour la première fois à une rencontre des premiers ministres. Nous reconnaissons certes que cette invitation représentait un pas dans la bonne direction, mais nous sommes ici aujourd'hui pour vous faire savoir que cela ne suffit pas. Le service de santé de l'AFAC est né du besoin de mieux faire connaître les dures réalités des femmes autochtones en ce qui concerne la santé. Certes, il est vrai que les femmes autochtones portent le plus lourd fardeau au chapitre de la santé au pays, mais il est important de mettre ces réalités en contexte. Il nous incombe, à titre de femmes autochtones d'effectuer les recherches, d'interpréter les données scientifiques et de communiquer les faits sur notre santé et notre bien-être.

Notre profil démographique a très peu changé au cours des 10 dernières années, mais l'important est que nous sommes conscients du fait que l'approche actuelle ne fonctionne pas et que nous savons ce qu'il faut changer.

Je travaille sur la politique autochtone en matière de santé au sein de diverses organisations nationales autochtones ici à Ottawa depuis plus d'une décennie. Depuis que je suis directrice au sein de l'AFAC, je suis parvenue à constituer une équipe maintenant formée de huit membres. Le service de la santé dépend totalement du financement des projets. Nous recherchons activement des occasions de financement nouvelles et différentes et avons connu un certain succès à cet égard. Nous travaillons activement à augmenter notre capacité en recherche fondamentale, ce qui se manifeste notamment par notre étude de l'incidence des conditions neurologiques sur les femmes autochtones, leur famille et leur collectivité. Ce projet s'inscrit dans l'étude nationale sur la santé de la population portant sur les conditions neurologiques financée par l'Agence de la santé publique du Canada.

Le service de la santé a également mené une recherche communautaire sur la violence et la négligence à l'égard des aînés et a travaillé avec les grands-mères pour en explorer l'incidence sur leur vie. RHDCC a financé ce projet.

En outre, nous recherchons actuellement de l'appui au moyen d'une proposition de subvention adressée aux instituts de recherche en santé du Canada pour la réalisation d'une recherche sur les moyens d'enrayer l'épidémie de VIH-sida qui sévit au sein de la population des femmes autochtones. Une série de projets nationaux mis en œuvre par Santé Canada et dont vous avez beaucoup entendu parler ce matin, comme l'Initiative sur le diabète chez les Autochtones, l'Initiative sur les ressources humaines en santé autochtone, le Fonds de transition pour la santé des Autochtones et la Stratégie nationale de prévention du suicide chez les jeunes Autochtones, a aidé à accroître le développement de la capacité au sein du service de la santé et de la collectivité. Toutefois, les contributions sont irrégulières et imprévisibles, et souvent, elles ne parviennent aux bénéficiaires que longtemps après le début de l'exercice financier. Elles sont généralement versées une année à la fois, et il n'y a pas de financement pluriannuel. Cela crée beaucoup de défis à notre échelon et à l'échelon de la collectivité.

Le service de la santé représente la population qui affiche le plus de disparités en matière de santé, comme je l'ai expliqué. L'AFAC est la seule organisation nationale autochtone qui se consacre entièrement aux femmes autochtones. Nous vous prions instamment de nous accorder la parité de financement avec les autres organisations autochtones nationales afin que nous puissions mieux représenter et servir la moitié de la population autochtone.

Depuis la réunion des premiers ministres en 2004, les investissements fédéraux dans la santé des Autochtones ont été l'occasion pour le gouvernement, en collaboration avec les organisations autochtones, d'agir et de briser le cycle de la pauvreté, de la violence et de la piètre santé de nos collectivités. Nous croyons que ces contributions représentent un pas positif vers la prise de conscience des questions et des préoccupations en matière de santé et vers la création de la capacité de soutenir les programmes, comme je l'ai mentionné. Cependant, cela est tout simplement insuffisant.

Nous soulevons ces questions aujourd'hui parce que nous croyons que votre comité peut aider à promouvoir des changements dans les processus de financement fédéraux concernant la mise en œuvre de ces initiatives parce que la plupart d'entre elles ont été prolongées pour une période supplémentaire de cinq ans, et nous aimerions avoir votre appui en ce qui concerne l'amélioration des processus liés à la répartition des fonds.

À l'égard de l'état de santé des femmes autochtones et de la voie à adopter à l'avenir, toute discussion sur l'état de santé des peuples autochtones doit être précédée de la reconnaissance de la colonisation et de ses conséquences. Ces conséquences sont encore présentes aujourd'hui comme en témoignent les systèmes de protection de l'enfance et de justice. Pour un bon nombre d'Autochtones, le processus de guérison vient tout juste d'être entamé; pour d'autres, la lutte se poursuit. Tout cela a été bien documenté. Le piètre état de santé des Autochtones, comme on vous l'a dit plus tôt, est lié aux iniquités constatées dans les déterminants sociaux comme le logement, l'éducation, la situation socioéconomique, le revenu et l'emploi. Les statistiques qui suivent décrivent l'état de santé des femmes autochtones et ses liens avec les déterminants sociaux.

Soixante et onze pour cent des ménages autochtones monoparentaux vivent hors des réserves, et plus de 80 p. 100 de ces ménages monoparentaux ont à leur tête des femmes. Plus de la moitié des ménages dirigés par des femmes monoparentales ont des besoins impérieux en matière de logement. Les femmes autochtones représentent 32 p. 100 de la population carcérale canadienne. Le nombre de femmes autochtones incarcérées dans des établissements fédéraux a augmenté de 151 p. 100 de 1997 à 2007. En 2005, le revenu moyen des femmes autochtones était de 30 p. 100 inférieur à celui des hommes autochtones. Voilà ce qui en est des déterminants sociaux et des statistiques qui sont liées à ces derniers.

Les résultats socioéconomiques et sanitaires des femmes autochtones au Canada viennent corroborer nos besoins de changement. En ce qui nous concerne, l'état de santé est profondément enraciné dans l'imposition des lois et des politiques coloniales et patriarcales. En adoptant une nouvelle approche plus efficace en matière de santé autochtone au Canada, nous serions témoins d'une restructuration de nos relations. La démarche tiendrait compte des différences de point de vue entre les sexes. L'AFAC est d'avis depuis longtemps que le changement systémique constitue la seule véritable façon d'améliorer de façon durable la santé des femmes autochtones.

Les femmes autochtones connaissent les niveaux les plus élevés de maladies chroniques, de problèmes de santé mentale et de violence conjugale, et elles présentent de plus hauts risques de succomber à l'abus d'alcool et d'autres drogues. Nous affichons des taux de chômage, de pauvreté et de victimisation supérieurs à ceux des autres secteurs de la population canadienne. Les jeunes filles tentent de se suicider à un rythme inégalé jusqu'à maintenant. Elles sont entraînées dans des activités de gang et sont de plus en plus vulnérables à l'exploitation et à la violence.

Les femmes autochtones font face à de multiples obstacles sur le plan local et ne participent généralement pas à la gouvernance et à la prise de décisions, comme en fait foi leur faible représentation dans les postes de dirigeants. Au cours d'un événement auquel j'ai assisté la semaine dernière, un chef des Premières nations fort respecté a fait référence aux femmes autochtones en termes de servantes des collectivités.

Peut-être que le défi le plus important qui se pose aux femmes autochtones quant à leur avancement est celui de changer les mentalités au niveau local à l'égard du rôle des femmes autochtones. Certes, nos rôles traditionnels, notamment ceux de perpétuer les connaissances et de donner la vie ont changé avec le temps, et nous demeurons déterminantes au sein de l'unité familiale pour transmettre à nos futurs dirigeants la continuité culturelle, la sécurité, l'appui et l'espoir. Toutefois, nous ne sommes pas des servantes.

Les mots de ce chef ne font qu'illustrer à quel point la déformation coloniale des rôles assignés à chacun des sexes est bien ancrée. Ses mots me confirment pourquoi il est important que les femmes autochtones soient représentées par des femmes autochtones.

Le vice-président : Merci. C'était un exposé très clair, et certaines des statistiques que vous nous avez fournies sont très troublantes.

Mesdames et messieurs les membres du comité, peut-être que je peux commencer par poser quelques questions pendant que je dresse une liste de noms, et nous partirons de là.

Permettez-moi de revenir sur quelque chose que vous avez dit, madame Hanson, lorsque vous parliez du plan directeur :

On y souligne à grands traits que les organisations autochtones doivent travailler de concert et sur un pied d'égalité avec les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Malheureusement, cela s'est souvent traduit par une approche pan-autochtone qui ne sert pas les intérêts des Inuits ou qui ne débouche peut-être pas sur une mobilisation efficace en raison de l'insuffisance du temps imparti et des consultations.

Pourriez-vous nous donner plus de détails là-dessus? Peut-être Mme Corston a-t-elle, elle aussi, quelque chose à dire à ce sujet.

Mme Hanson : Je vais commencer, puis je vais laisser Mme Ford parler parce que cela touche également son domaine.

En ce qui concerne le fait d'être identifié en tant qu'Autochtone, ce qui se passe, en général, c'est que les Canadiens types semblent croire que les membres des Premières nations, les Inuits et les Métis sont tous pareils, surtout puisque nous avons cette catégorie englobante des Autochtones. Nous avons également tendance à voir ce phénomène chez les employés du gouvernement. Au chapitre des programmes, il est plus facile d'établir des politiques et des programmes pour tous les Autochtones, comme si nous étions semblables en tous points. Nous sommes tous des Canadiens à parts égales, mais, lorsqu'il s'agit de programmes et de services particuliers — et cela était censé être prévu — selon le Plan directeur, le cadre de travail était une « approche fondée sur les distinctions ».

Dans certains cas, nous n'avons pas vu cela; dans d'autres, malheureusement, plus de travail doit être fait à cet égard. Je vais maintenant céder la parole à Mme Ford.

Elizabeth Ford, directrice, Développement social et de la santé, Inuit Tapiriit Kanatami : L'autre problème que nous avons — et je suis arrivée un peu trop tard pour le premier — concerne les sphères de compétence. Les régions inuites chevauchent plusieurs provinces et territoires. Nous avons tous des accords de revendications territoriales et nous avons tous un rôle à jouer dans les soins de santé. Je pense qu'une partie du problème est liée au fait que nous ne fournissons pas nécessairement de services de santé — c'est la province qui fait cela, même si le Nunatsiavut fournit quelques services de santé publique — lorsque vient le temps de discuter des enjeux liés à la santé, les régions inuites et les organismes de revendications territoriales ne sont pas toujours considérés comme des égaux en ce qui concerne le rôle lié aux programmes et aux politiques en matière de santé inuite. À mon avis, il s'agit d'un autre problème que nous avons.

Le vice-président : Êtes-vous en train de dire que l'on devrait tenir des consultations distinctes au lieu d'adopter une approche pan-autochtone? C'est ce que j'ai retenu des commentaires faits par Mme Hanson.

Mme Ford : Nous favorisons une approche particulière aux Inuits, mais en ce qui concerne le rôle des régions inuites dans la prestation des services de santé ou dans la formulation de commentaires sur les politiques et les programmes qui touchent des Inuits dans ces régions, nous voulons que les organisations inuites soient considérées comme des égales et aient un mot à dire dans l'élaboration et la mise en œuvre des politiques en matière de soins de santé.

Le vice-président : Madame Corston, votre organisation participe-t-elle à ces discussions? Avez-vous un rôle à jouer à cet égard également? Vous avez évidemment des problèmes qui méritent qu'on y prête attention. Participez-vous à ces discussions ou est-ce qu'il s'agit d'un privilège qui est réservé aux autres organisations majeures?

Mme Corston : Non. Nous y participons depuis 2004-2005. Il ne fait aucun doute qu'on nous a donné la capacité nécessaire pour intervenir à l'échelon national. Toutefois, ce qui arrive, c'est que, habituellement, les perspectives qui sont présentées dans le cadre de ces discussions, particulièrement en ce qui concerne la situation des Premières nations, le sont par des chefs des Premières nations qui représentent leurs collectivités, c'est-à-dire leurs membres qui vivent sur les réserves. Il y a deux aspects qui sont laissés pour compte lorsque les chefs des Premières nations agissent au nom de leurs membres, et l'un de ces aspects est le point de vue féminin parce que la majorité des chefs dans notre pays sont des hommes. Souvent, le point de vue des femmes n'est pas pris en considération. C'est aussi le cas de la perspective des Autochtones qui ne vivent pas sur les réserves. Je pense que la majorité des femmes autochtones, en particulier, ne vivent pas sur une réserve aux termes de la Loi sur les Indiens. La plupart d'entre nous vivent dans des centres urbains. Souvent, cette perspective est donc laissée pour compte dans ces discussions parce qu'il y a des chefs à la table de discussions.

[Français]

Le sénateur Champagne : C'est très agréable de vous entendre toutes les trois nous parler de l'accord actuel qui, à certains moments, s'est avéré déficient et avait un grand besoin d'amélioration, et de nous exprimer aussi vos espoirs pour le prochain accord.

Madame Hanson, vous disiez que vous voulez travailler avec le gouvernement. En tout cas, en ce moment, vous avez, au Cabinet, une excellente porte-parole au sein du ministère de la Santé, Mme Agglukak, qui est celle qui, en fait, nous a demandé de faire l'étude que nous faisons en ce moment.

Parmi les points que vous avez touchés et qui me surprennent énormément, vous nous parlez par exemple du grand nombre de cas de tuberculose. Je comprends mal que, avec l'existence du vaccin BCG, ce soit encore une maladie bien présente chez vous. Est-ce que, avec les fonds de transition qui aident au niveau de la santé, vacciner les enfants très jeunes contre la tuberculose n'est pas une priorité? Est-ce que ce n'est pas une chose qui devrait se faire? Le BCG est disponible depuis des années et il est quand même très efficace.

Vous avez aussi parlé du problème de diabète. Je me rends compte que chez les Autochtones autant les Inuits que les autres, c'est une maladie qui est très fréquente. Lorsqu'on est dans les réserves dans le grand Nord, on peut se dire qu'on a un problème de diète, de nourriture, mais même les gens qui vivent dans les villes sont très souvent diabétiques. Est-ce que c'est un problème génétique? Vous qui travaillez dans le domaine de la santé, peut-être que vous pourriez répondre à ces questions.

Vous avez aussi parlé du VIH-sida. C'est d'abord un problème d'éducation avant d'être un problème de santé. Comme on travaille très fort au niveau de l'éducation pour les Autochtones dans les réserves et hors réserve dans le grand Nord et un peu partout, il me semble que cela devrait être une des premières choses à apprendre aux jeunes femmes et aux jeunes hommes, car le VIH se transmet et on sait comment.

Nous avons un problème d'éducation et nous avons un problème de santé avec la vaccination qui n'est pas là. Est-ce que le diabète est génétique? Ça prendrait des gens qui sont plus au courant que moi, mais c'est une question que je me pose.

[Traduction]

Mme Ford : Je ne suis pas certaine. En ce qui concerne la tuberculose, beaucoup de gens croient que cette maladie a disparu. Les taux élevés de tuberculose chez les Inuits surprennent un bon nombre de personnes. Je ne sais pas si c'est une question de gènes. Il ne s'agit pas de la tuberculose inuite; il s'agit de la tuberculose dans les collectivités inuites. Je crois que la vaccination se fait toujours dans certaines régions. Nous travaillons à un plan d'action. Plus tôt, nous avons parlé des déterminants sociaux de la santé et de leurs répercussions énormes sur les collectivités inuites et sur la santé. Avec le surpeuplement et le manque de dépistage, beaucoup de nos collectivités n'ont pas accès à la radiographie, par exemple, pour faire les tests. En ce qui concerne la tuberculose latente, lorsque les gens vieillissent, elle est réactivée. Il y a beaucoup de surpeuplement dans nos foyers. Si une personne est en contact étroit avec quelqu'un qui n'a pas reçu de diagnostic — et le manque de diagnostics est un problème important.

Le sénateur Champagne : Si nous avons pu envoyer partout des vaccins contre la H1N1, je ne vois pas pourquoi les vaccins contre la tuberculose ne sont pas accessibles pour tout le monde. Je ne dis pas que la tuberculose est peut-être génétique. J'ai mentionné cette possibilité relativement au diabète.

Mme Ford : Heureusement pour nous, les taux de diabète chez les Inuits sont actuellement à la baisse. Encore une fois, la question est de savoir si ces taux sont à la baisse parce que nous n'avons pas accès aux mêmes services de dépistage. En ce qui concerne le diabète, avec un peu de chance, nous pourrons faire quelque chose avant que les taux augmentent. Oui. Il s'agit d'un problème que nous devons surveiller de près et auquel nous devons travailler, mais, actuellement, ce taux n'est pas aussi élevé que celui de certaines autres maladies. Je crois que, dans certains cas, il se rapproche du taux canadien. Encore une fois, le dépistage est un problème, et il s'agit de quelque chose que nous devons surveiller de près. Nous devons également faire beaucoup de prévention afin de garantir que ces taux n'augmentent pas.

Le vice-président : Avez-vous quelque chose à ajouter à cela, madame Corston?

Mme Corston : Pas nécessairement au sujet de la tuberculose, mais je peux parler un peu du diabète et du VIH.

Je ne dirais pas que le diabète et génétique, mais je dirais qu'il est lié à des facteurs comme la pauvreté et à certains des déterminants sociaux qui ont été mentionnés. Je crois également qu'il est lié au fait que, pour un grand nombre de femmes qui vivent hors réserve ou même à une grande distance de leurs territoires traditionnels, le problème est lié au manque d'accès aux aliments traditionnels, comme les aliments qui sont très protéinés — le poisson, la viande sauvage et ce genre de choses.

Il y a un malentendu à l'égard des personnes qui quittent leur collectivité et leur réserve. D'aucuns croient que l'on devient automatiquement riche et en santé lorsqu'on quitte la réserve, ce qui n'est pas du tout vrai. Pour un grand nombre de femmes que nous représentons, la pauvreté et les modes de vie à risque élevé qu'elles adoptent en vue de joindre les deux bouts et de mettre du pain sur la table sont des problèmes qui les touchent davantage lorsqu'elles vivent hors réserve.

Le travail que nous effectuons sur la question du VIH et du sida nous a, en fait, permis de constater que les gens manquent toujours cruellement de connaissances. Nous avons réalisé des analyses contextuelles sur le matériel de formation et de sensibilisation qui est accessible aux populations autochtones. Ce matériel n'est pas pertinent ni sur le plan culturel ni sur le plan de l'identité sexuelle. Il ne s'adresse donc pas aux populations qu'il est censé cibler.

En outre, je conclurais avec le commentaire qui suit : j'ai récemment appris, au sujet du VIH et du sida, qu'un grand nombre des femmes que nous représentons reçoivent un diagnostic, non à l'étape du VIH, mais à l'étape du sida. Il y a des problèmes liés aux tests que devraient passer les femmes que nous représentons. Il y a quelque chose qui ne va pas à cet égard. Cela ne fait aucun doute.

Le sénateur Martin : Je suis heureuse d'entendre trois femmes aussi fortes et éloquentes. Je pense qu'il s'agit d'une manière importante de réaliser des progrès. Il est avantageux pour les jeunes femmes autochtones, inuites et métisses de voir ce que vous faites. Merci d'être ici.

En ce qui concerne le fait que des soins de santé soient fournis par les gouvernements territoriaux — cela est tout à fait justifié parce que les services doivent être adaptés et appropriés à la culture — je suis curieuse de savoir quel genre de relation vous avez avec Santé Canada. Parmi nos objectifs, devrait-on essayer de garantir que, dans le cadre de votre présence là-bas, votre influence sur l'élaboration de programmes est plus grande? La prestation de services de santé est assurée par les gouvernements territoriaux, mais les programmes élaborés, eux-mêmes, pourraient être plus pertinents et mieux adaptés à la culture. Devrait-on mettre l'accent là-dessus?

Mme Ford : Oui. Nous travaillons en étroite collaboration avec Santé Canada et, dans certains domaines, cette collaboration est très fructueuse. Il y a toutefois un problème relatif à la compétence. Évidemment, il incombe aux provinces et aux territoires de fournir des soins de santé, et nous comprenons cela. Nous voulons travailler avec les provinces et les territoires, de même qu'avec le gouvernement fédéral. C'est par ces collaborations que nous visons à garantir que, dans l'élaboration de programmes et de politiques, il y a des Inuits qui participent aux discussions sur ces programmes et ces politiques, ainsi que sur la manière dont ils devraient être élaborés si l'on veut qu'ils fonctionnent dans les collectivités et les régions inuites. Le gouvernement fédéral peut, entre autres choses, s'assurer que les programmes qu'il finance sont adaptés aux Inuits et que les Inuits participent aux discussions sur l'élaboration de ces programmes en tant que partenaires égaux.

Le sénateur Martin : J'ai fait erreur lorsque j'ai dit que le rôle des Inuits en ce qui concerne l'élaboration des programmes consistait à travailler avec les gouvernements territoriaux et provinciaux, et qu'il s'agissait là de leur domaine de compétence.

Aujourd'hui, vous êtes à la table des discussions. Vous ne vous sentez pas comme des partenaires égaux lorsque vous travaillez avec les territoires et les provinces en tant que tels? Avez-vous l'impression que les représentants des territoires et des provinces écoutent vraiment vos commentaires sur la conception des programmes, ainsi que sur la manière particulière de les mettre en œuvre? Je ne sais pas exactement comment l'on pourrait régler le problème par la rédaction ou l'application d'une loi, mais je sais que vous êtes à la table des discussions et que votre organisation est très respectée. À votre avis, comment peut-on améliorer les choses?

Mme Hanson : Il y a deux manières de voir le problème. Premièrement, lorsqu'on essaie de décrire les circonstances dans lesquelles nous pouvons avoir le plus d'impact et d'effets sur les collectivités, à quoi cela ressemble-t-il? ITK est un organisme stratégique national. En fait, nous ne mettons en œuvre aucun programme, mais ce que nous faisons, c'est de rassembler tous les partenaires à la table de discussion. Notre Comité inuit national de la santé rassemble toutes les parties intéressées à la table pour discuter de la manière dont nous pouvons accomplir des progrès relativement à la prestation de programmes ou de la manière dont nous pouvons influer sur les politiques. Il y a donc deux volets.

Il y a deux aspects différents à la chose. Lorsque nous regardons le Plan directeur et que nous demandons qu'il y ait des approches ou des programmes particuliers aux Inuits, nous parlons de ce qui est offert dans les régions, mais également, de l'élaboration de programmes à l'échelon fédéral.

Le fait d'avoir une ministre de la Santé inuite a été très utile, et c'est merveilleux de voir cela. Nous aimons toutefois rappeler aux gens qu'il s'agit d'une seule personne au sein d'un très grand cabinet.

Il y a d'autres facteurs qui doivent être pris en considération. En ce qui concerne la compétence, nous avons quatre différentes régions inuites. Il est difficile de réaliser des économies d'échelle, puisqu'il y a un ministre pour chaque région. Nous avons quatre ministres et quatre présidents responsables des accords de revendications territoriales; et, comme Mme Ford l'a évoqué brièvement, il y a également l'une de nos régions qui offre certains services de santé publique. Il y a donc de nombreux différents intervenants à la table.

Le vice-président : Nous devons passer à une autre question. Je suis désolé.

Le sénateur Martin : Je vais soumettre ma question à la greffière.

Le vice-président : Je vais demander à Mme Corston si elle a quelque chose à ajouter.

Mme Corston : J'ai une anecdote à raconter qui pourrait faire la lumière sur les problèmes liés à l'élaboration de programmes. Je vais prendre l'exemple du diabète pour montrer comment les programmes doivent être adaptés à la culture et au sexe. Je raconte toujours cette histoire parce qu'elle rend le problème réel pour un grand nombre de gens.

Les taux de diabète sont très élevés au sein de nos collectivités. C'est connu. Les données indiquent que les hommes autochtones ont, en fait, un plus grand nombre de problèmes concernant des complications liées au diabète, comme des amputations, des problèmes de pieds et ce genre de choses. Si nous voulons offrir des programmes pour régler les problèmes comme le diabète, nous devons examiner les données et les désagréger en fonction du sexe. Si nous faisons cela, il devient évident que les programmes de soins des pieds offerts à l'échelon local devraient s'adresser aux hommes plutôt qu'aux femmes. Nous savons tous que les femmes reçoivent plus de services de pédicures que les hommes. Toutefois, si l'on tient compte des données et que l'on essaie de créer des programmes pour le diabète, il faudrait assurer, pour les hommes, un accès aux programmes de soins des pieds.

Le sénateur Merchant : Je me demande quels sont les moyens précis de faire participer les femmes à la prise de décisions. Vous pouvez avoir les fonds et établir les programmes. Êtes-vous capable de mobiliser les jeunes femmes et les femmes âgées parce que, bien sûr, les personnes âgées ont elles aussi des problèmes? Je veux seulement dire qu'il y a une sorte de... je ne dirais pas d'apathie générale, mais il est difficile de mobiliser les gens. Nous voyons cela à tous les échelons.

Comment les programmes du gouvernement peuvent-ils vous aider à mobiliser les gens? Vous êtes ici pour représenter les femmes. Comment pouvez-vous mobiliser plus de femmes afin que vous travailliez ensemble pour trouver des solutions au lieu de... comme vous l'avez dit, parfois les chefs sont des hommes. Il n'y a pas suffisamment de femmes? Comment pouvons-nous aider? Que peut faire le gouvernement pour essayer de mobiliser plus de femmes autochtones? Je pense que ce sont elles qui sont le mieux placées pour fournir des commentaires et peut-être essayer de travailler à l'élaboration de solutions.

Mme Corston : Je vais vous parler de ce que nous faisons pour mobiliser les femmes. Les statistiques sont également évocatrices à cet égard. Nous savons que 40 p. 100 des femmes que nous représentons vivent dans la pauvreté par exemple. Nous savons que la grande majorité des femmes que nous représentons élèvent leurs enfants seules. Il faut tenir compte de ces deux éléments si l'on veut faire participer les femmes autochtones à quelque programme que ce soit. Il est clair qu'il faut leur fournir un billet d'autobus, un repas, une gardienne ou ce genre de choses de base. Lorsqu'on fait cela, elles viennent. Elles participent. Elles sont heureuses de venir et de participer à des échanges.

Nous avons un certain nombre de comités consultatifs qui sont composés de femmes autochtones qui nous aident à faire notre travail. Le facteur que j'ai mentionné joue beaucoup dans leur capacité de participer.

Mme Hanson : J'aimerais ajouter que nous sommes actuellement très fières du ratio de dirigeantes autochtones, ce qui, je crois, devrait être indiqué dans le compte rendu.

Je sais qu'il n'y a pas suffisamment de temps pour toutes les nommer, mais, au sein des régions, nous avons des premières ministres, des ministres et des présidentes d'organismes de revendications territoriales. Nous avons des mairesses. Nous parlons d'un très grand nombre de femmes inuites.

De plus, au sein du conseil d'administration d'ITK, il y a des représentants de Pauktuutit et du NIYC, le National Inuit Youth Council, qui est présidé par une jeune femme et, bien sûr, notre présidente, Mary Simon. Nous veillons à ce que des femmes siègent à ces comités et nous aident à prendre ces décisions importantes sur la prestation de soins de santé ou la création de politiques à cet égard. Nous avons des membres de Pauktuutit et d'autres organisations qui représentent les femmes au conseil d'administration.

Le sénateur Hubley : Bienvenue à tout le monde, et merci pour vos exposés.

Ma question s'adressera probablement à Mme Corston. Vous pouvez corriger les pourcentages parce que je les ai pris en note rapidement lorsque vous avez présenté votre mémoire ce matin.

Je crois que vous avez dit que 71 p. 100 des ménages autochtones monoparentaux vivent hors réserve. Vous avez donné un autre pourcentage relatif aux ménages monoparentaux qui ont une femme à leur tête. Qu'est-ce que c'était? Avez-vous dit 80 p. 100? Pouvez-vous me donner une idée du nombre d'enfants qui font partie de ces ménages? Avez-vous cette information? Êtes-vous en mesure de nous le dire?

Mme Corston : Je crois que vous avez reçu un mémoire écrit. Je l'ai peut-être inclus là-dedans, mais je crois que c'est 2,6 par rapport à 1,3 chez la population non autochtone.

Le sénateur Hubley : Le fait de ne pas vivre sur une réserve pose-t-il, en soi, des problèmes particuliers? Peut-être n'y a-t- il pas de grands-parents pour donner un coup de main ou il n'y a peut-être personne dans la maison pour s'occuper des enfants. S'agit-il de problèmes que ces femmes ont vécus?

Mme Corston : Bien sûr. À cet égard, je mentionnerais l'une des initiatives qui a été nommée plus tôt. Il s'agit de l'Initiative sur les ressources humaines en santé autochtone, qui vise à faire la promotion des carrières dans le domaine de la santé auprès de la population autochtone, par exemple.

L'un des problèmes auxquels nous devons faire face est le fait qu'un grand nombre des femmes que nous représentons abandonnent leurs études durant leur secondaire. La grande majorité d'entre elles le font en raison de responsabilités familiales. Nous savons donc que ces femmes ont des enfants de plus en plus jeunes. Nous savons également qu'elles retournent aux études plus tard et qu'elles sont habituellement les élèves les plus âgées dans la salle de classe. De plus, elles ont généralement un plus grand nombre d'enfants, qu'elles élèvent souvent seules.

Lorsqu'elles quittent leur collectivité pour faire des études ou exercer un emploi, elles sont généralement seules. Elles ne bénéficient pas des structures de soutien, comme les services de garde d'enfants et ce genre de choses, qui sont essentielles à leur succès dans ces projets.

[Français]

Le sénateur Verner : Merci à vous trois d'être ici. Je vais m'adresser davantage à Mme Corston puisqu'on est limité dans le temps. Concernant l'égalité entre les sexes par l'application de l'analyse comparative entre les sexes adaptés à la culture et la participation des femmes à l'élaboration des programmes.

Un peu avant votre arrivée, une représentante de Santé Canada nous a affirmé que l'analyse comparative entre les sexes était appliquée dans les programmes de Santé Canada et que les femmes autochtones étaient consultées et participait à l'élaboration de ces programmes.

Vous avez fait état de statistiques extrêmement troublantes, choquantes, à la limite dans une société moderne. Tellement de facteurs entrent en ligne de compte dans ce que vous nous avez expliqué. Je me demande quelle serait la solution dans l'élaboration d'un prochain accord en santé? Est-ce que ce serait de mettre des conditions? Est-ce que ce serait de créer un corridor spécial pour financer les groupes de femmes autochtones? Je comprends que vos chefs sont en majorité des hommes. Je cherche le moyen d'améliorer ces statistiques. On ne peut pas rester insensible à cela et on ne peut, surtout pas, ne rien faire.

[Traduction]

Mme Corston : C'est une excellente question. L'un des messages que je tenais vraiment à faire passer en venant ici, c'est que l'accord en santé comprendra des initiatives nationales qui canaliseront les fonds vers l'amélioration de l'état de santé des Autochtones.

L'une des questions majeures liées à cela — et je l'ai mentionnée brièvement dans mes notes — concerne les mouvements de ces fonds. À mon avis, ce qui arrive souvent, et particulièrement à l'échelon communautaire, c'est que comme le financement change d'une année à l'autre, on est constamment en train d'essayer de dénicher de l'argent.

Outre l'élaboration de programmes, au fond, si nous examinions les manières d'améliorer le processus par lequel ces fonds se rendent aux collectivités, cela améliorerait beaucoup les choses. Ce qui arrive, et c'est la situation de notre organisation et de nombreuses autres, c'est que nous sommes constamment en train d'essayer de constituer notre enveloppe budgétaire annuelle. On élabore des plans de travail, on établit nos réalisations attendues et, souvent, lorsque l'argent nous parvient enfin, il est déjà temps de rendre des comptes. Il s'agit d'un cycle continu. Souvent les efforts qui devraient être déployés pour la création de programmes plus efficaces sont consacrés à la reddition de comptes et à la recherche d'argent. C'est l'un des problèmes dont je voulais parler ici, aujourd'hui.

À l'égard de la participation des femmes autochtones à l'élaboration de programmes, l'un des facteurs qui influent sur notre capacité de mobiliser autant de femmes que d'hommes, c'est le problème de pauvreté dont j'ai parlé. Tous les déterminants sociaux que j'ai mentionnés tout à l'heure ont des répercussions à cet égard. Honnêtement, je ne crois pas qu'il y a suffisamment de femmes, outre les femmes inuites, qui participent au processus pour garantir que ce genre de messages sont communiqués. À vrai dire, tout cela dépend de notre capacité de garantir que les fonds sont canalisés vers les endroits où les besoins sont les plus grands et, pour que cela se fasse, le système et les processus doivent changer. J'espère que j'ai répondu à votre question.

Le sénateur Cordy : J'allais également vous demander de parler de votre relation de travail avec le ministère et de la mesure dans laquelle vous avez une influence en tant qu'association représentant les femmes, alors si vous pouviez garder cela en tête parce que j'aimerais revenir sur le thème auquel nous avons consacré une grande partie de la séance, à savoir les déterminants sociaux de la santé. Nous avons parlé de la salubrité de l'eau, du logement, de la pauvreté, de l'alimentation et de l'éducation. Chacun de ces facteurs a des effets sur la santé des femmes inuites, des Premières nations et des Autochtones. Toutefois, les facteurs qui touchent la collectivité sont nombreux. Notre objectif, comme le sénateur Verner l'a dit, c'est de faire des recommandations sur ce que devrait contenir le nouvel accord sur la santé.

Je ne crois pas que nous pouvons faire abstraction des déterminants sociaux de la santé si nous formulons des recommandations relatives à ce que devrait contenir l'accord à l'égard des peuples autochtones, inuits et des Premières nations. À votre avis, comment pourrait-on inclure les déterminants sociaux dans l'accord? Que devrions-nous recommander, selon vous, à la ministre dans le cadre de nos suggestions sur le nouvel accord? Les déterminants sociaux de la santé sont à la base de tout.

Mme Corston : Si on remet les choses en perspective, il faut tenir compte des aspects culturels et des aspects liés au sexe des problèmes. À l'avenir, nous ne pouvons pas faire abstraction des déterminants sociaux parce que l'adoption d'une vision du monde indigène pour examiner les problèmes permet de garantir que nous incorporons tous ces aspects dans la solution. Un autre facteur, comme je l'ai dit brièvement tantôt, concerne les répercussions de la colonisation, des pensionnats et maintenant, comme nous le constatons, des systèmes judiciaire et de protection de la jeunesse. Tous ces éléments doivent être intégrés pour provoquer le changement dont nous avons besoin. Si nous y allons au gré des circonstances, nous ne créerons pas les changements dont nous avons besoin.

Mme Ford : Comme Mme Hanson l'a dit tout à l'heure, les déterminants sociaux étaient l'un des domaines dans lesquels on avait fait le moins de progrès relativement à l'accord. En ce qui concerne les Inuits, depuis un certain nombre d'années, nous envisageons le problème en tenant compte des déterminants sociaux de la santé, car nous reconnaissons que nous ne pourrons pas régler tous nos problèmes si nous ne travaillons pas à l'amélioration de ces facteurs. C'est un problème difficile, car il relève de nombreux ministères et de nombreuses sphères de compétence. Encore une fois, je crois qu'il faut mettre l'accent sur le fait que nous devons travailler ensemble pour assurer une collaboration entre les ministères. Nous croyons vraiment que, d'un point de vue global, si nous n'améliorons pas le logement et l'éducation, nous ne pourrons pas régler les problèmes de santé qui subsistent dans nos collectivités inuites. À l'avenir, nous devons concentrer nos efforts sur cet aspect et sur la manière dont nous travaillons ensemble pour améliorer les déterminants sociaux de la santé.

Le vice-président : Pour donner suite à vos commentaires, j'aimerais souligner que le plan directeur était censé contenir des programmes relatifs aux déterminants sociaux de la santé, comme le logement. Qu'est-ce qui a mal tourné? Y avait-il un manque d'argent ou s'agissait-il d'un problème de compétence? Vous dites qu'il s'agit toujours d'un problème important. Évidemment, il n'a pas été réglé.

Mme Ford : Je ne sais pas exactement où est le problème. À mon avis, cela a un lien avec le fait que les ministères ont l'habitude de travailler à des problèmes de santé sans tenir compte des déterminants sociaux, et de l'accès à des soins de santé et à des aliments nutritifs abordables, mais cela n'est pas du ressort d'une seule administration. Ce qui compte, c'est la manière dont nous travaillons ensemble.

Mme Hanson : Vous avez posé une question très importante : où nous trompons-nous et pourquoi ne voyons-nous pas de résultats dans ce domaine?

En ce qui concerne chaque aspect du problème, nous avons toutes sortes d'outils. Mme Ford est arrivée ici avec toutes sortes de stratégies et de plans d'action différents, et des responsables de diverses sphères de compétence se sont rassemblés pour essayer de trouver de nouvelles manières de régler le problème et de nouvelles solutions. Toutefois, il s'agit d'outils, et ces outils ne sont pas financés adéquatement. On n'a pas accès à tout ce qu'il faut pour régler ces problèmes. Je suis certaine que vous en avez probablement assez de l'entendre, mais Mme Corston a mentionné un fait de la vie. Il faut de nouveaux investissements et l'allocation de nouvelles ressources. Il faut trouver une manière de faire cela.

Peut-être que c'est cela, le problème avec l'accord sur la santé ou le nouvel accord sur la santé. Il faut prendre le temps d'examiner comment les nouvelles ressources et les nouveaux investissements sont utilisés pour assurer un usage efficace de ces outils. Tous ces outils, mis ensemble, relèvent de la volonté politique. Il y a indéniablement une volonté politique et un intérêt à agir. La question est de savoir comment nous allons procéder.

Le vice-président : Merci beaucoup.

Chers collègues, il est l'heure de lever la séance. Y a-t-il d'autres questions que vous auriez aimé poser et auxquelles les témoins pourraient ne pas réagir mais répondre par écrit? Y a-t-il des sénateurs qui voudraient ajouter quelque chose ou qui n'ont pas eu l'occasion de poser leurs questions?

Le sénateur Martin : J'ai pris en note une question que j'allais soumettre à notre greffière. En ce qui concerne ITK, vous avez mentionné que vous souhaitez être partenaire de plein droit à la table des discussions. Évidemment, vous êtes déjà à la table des discussions, et vous avez décrit votre rôle ou votre objectif très précis en ce qui concerne l'élaboration de politiques et la formulation de conseils à l'intention des gouvernements.

Ma question est la suivante : quel est l'élément manquant ou la faiblesse dans le modèle ou le cadre de travail actuel qui doit être ajouté, changé ou amélioré pour que vous ayez davantage un sentiment d'égalité ou pour que vous ayez une influence plus grande dans le cadre de cette relation? Comment pouvons-nous renforcer votre rôle?

Le vice-président : Y a-t-il d'autres questions que nous voulons poser à nos témoins?

Merci beaucoup à vous trois. Vous nous avez fourni beaucoup d'information sur les problèmes auxquels vous faites face. Ces derniers touchent les diverses collectivités autochtones. Vous nous avez beaucoup aidés, et nous vous remercions.

Sur ce, chers collègues, la séance est levée.

(La séance est levée.)


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