Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule No. 9 - Témoignages du 30 novembre 2011
OTTAWA, le mercredi 30 novembre 2011
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 16 h 16 pour faire une étude sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre du Plan décennal pour consolider les soins de santé de 2004.
Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Traduction]
Je m'appelle Kevin Ogilvie, sénateur de la Nouvelle-Écosse. Je préside ce comité. J'aimerais débuter en demandant à mes collègues de se présenter, en commençant avec le vice-président.
Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, de Toronto.
Le sénateur Callbeck : Catherine Callbeck, de l'Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur Cordy : Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse; je souhaite tout spécialement la bienvenue à nos invités d'aujourd'hui.
Le sénateur Merchant : Pana Merchant, de Regina en Saskatchewan.
Le sénateur Demers : Jacques Demers, du Québec.
Le sénateur Seidman : Judith Seidman, de Montréal au Québec.
Le sénateur Braley : David Braley, de Hamilton en Ontario.
Le président : Merci, chers collègues. J'aimerais rappeler à tous que nous poursuivons notre étude sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre du Plan décennal pour consolider les soins de santé de 2004. Il s'agit de la 12e séance de notre comité. Aujourd'hui, nous recevons des représentants des provinces.
Je vais présenter nos deux invités. Merci à vous d'être ici. Nous recevons Kevin McNamara, sous-ministre, Santé et Bien-être, du gouvernement de la Nouvelle-Écosse; et du gouvernement du Manitoba, nous recevons Milton Sussman, sous-ministre, Santé Manitoba.
Je crois comprendre que vous allez débuter par un exposé, monsieur McNamara. Vous avez la parole.
Kevin McNamara, sous-ministre, Santé et Bien-être, gouvernement de la Nouvelle-Écosse : Merci beaucoup, monsieur le président et bonjour à vous, honorables sénateurs. Je suis ravi d'avoir l'occasion de m'adresser à vous.
Avant d'être sous-ministre, j'étais PDG d'un conseil de santé de district dans la région de South Shore en Nouvelle- Écosse. Je vous présenterai mon point de vue en tant qu'ancien administrateur et à titre de personne qui s'est occupée du système provincial de soins de santé au cours des deux dernières années.
Il est important de prendre le temps d'examiner l'accord de 2004 sur la santé et d'écouter les suggestions sur les priorités pour l'avenir. Les Canadiens méritent de savoir si l'accord fonctionne, comment il aide les patients et si le prochain accord doit être différent — et si c'est le cas, de quelle façon?
Je parlerai de plusieurs thèmes et principes au cours des prochaines minutes — de la responsabilité, de l'équité, de l'innovation et de la durabilité — en espérant que mes observations contribueront à notre réflexion sur l'accord de 2004 sur la santé et ce qui se fera à l'avenir.
Je débuterai en disant que la Nouvelle-Écosse est d'accord avec ceux qui disent que nous devons rendre des comptes aux contribuables pour l'argent que le gouvernement dépense pour les soins de santé. Nous investissons des milliards de dollars en soins de santé pour les familles, pour les soins quotidiens et pour prévenir les maladies. Nous devons rendre des comptes. C'est notre responsabilité.
Certains aspects de l'accord de 2004 sur la santé continuent de profiter à tous les Canadiens, tels que les progrès en matière de temps d'attente. Cependant, il y a d'autres aspects, comme les ressources humaines en santé, qui auraient besoin d'une meilleure gestion.
L'accord continue d'être un mécanisme important, fondé sur le financement stable qui décrit les secteurs précis d'investissement, y compris les technologies de l'information, les temps d'attente et l'infrastructure. Surtout grâce à l'accord de 2004 sur la santé, les examens que passent les patients en Nouvelle-Écosse sont numériques. Grâce à la technologie, ils sont transmis plus rapidement d'un hôpital à l'autre.
Le système d'archivage et de transmission d'images, mieux connu sous l'acronyme PACS, a été très utile pour les médecins et les patients de la Nouvelle-Écosse. En tant que petite province avec une grande population rurale, nous accueillons et encourageons les investissements en technologie de la santé. Les dossiers électroniques aident les patients dans les régions éloignées, les patients disposent de plus d'une façon pour communiquer avec leurs médecins. Des investissements supplémentaires en technologie de l'information de la santé sont nécessaires.
Nous devons réfléchir à la façon dont l'électronique peut appuyer et transformer les soins à domicile et les soins de longue durée. En même temps, nous devons être prudents et nous assurer que l'argent pour les investissements en TI n'est pas offert aux provinces si elles ne sont pas en mesure de réaliser ces investissements.
En Nouvelle-Écosse, nous créons un système d'information sur les médicaments qui permettra aux docteurs de voir les médicaments pris actuellement et par le passé par leurs patients. Le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard utilisent aussi le même système.
Nous ne sommes pas convaincus d'être sur la bonne voie lorsque nous parlons des temps d'attente, que nous avons surveillés dans le cadre de l'accord de 2004 sur la santé. Le Dr Brian Postl, du Manitoba, a comparu devant votre comité. Il a dit que l'accent mis sur la réduction des temps d'attente pour le remplacement d'une hanche ou d'un genou, le traitement du cancer et la chirurgie cardiaque étaient « arbitraires ». C'est un problème.
De façon plus positive, la Nouvelle-Écosse a fait des progrès en vue de l'atteinte des points de repère nationaux. Nous disposons de l'un des meilleurs sites web sur les temps d'attente au Canada. Nous avons travaillé fort pour être responsables et transparents.
L'incidence des maladies cardiaques est élevée, de sorte que les Néo-Écossais reçoivent des soins cardiaques de très bonne qualité. À l'heure actuelle, tous les patients qui ont besoin d'une chirurgie de pontage des artères cardiaques bouchées reçoivent un traitement en moins des 182 jours qui représentent le point de repère national.
En mai 2011, au Conseil des premiers ministres de l'Atlantique, nous avons également signé un protocole d'entente. En vertu de cet accord, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, ainsi que Terre-Neuve-et-Labrador dans leurs efforts pour veiller à ce que les patients reçoivent leur traitement avant la fin des points de repère nationaux sur les temps d'attente. De plus, les patients de l'Île-du-Prince-Édouard reçoivent leur traitement au Nouveau-Brunswick ou en Nouvelle-Écosse, étant donné qu'ils n'ont pas leur propre programme. En Nouvelle-Écosse, les patients ont également un accès plus rapide au traitement contre le cancer.
Les femmes peuvent passer les tests de dépistage du cancer du sein plus rapidement grâce aux accélérateurs linéaires et à la disponibilité des mammographies numériques dans toute notre province. De nouvelles chambres radio-protégées sont en construction, grâce au financement pour l'infrastructure du gouvernement fédéral et provincial. Ces chambres ouvriront leurs portes en 2012 et permettront de réduire encore davantage les temps d'attente pour les patients atteints du cancer.
La Nouvelle-Écosse respecte ces garanties concernant les temps d'attente à l'égard des patients atteints du cancer. Ils reçoivent des traitements de radiothérapie dans les huit semaines suivant le moment où ils sont prêts pour le traitement. La collaboration entre les provinces de l'Atlantique est positive. Nous nous appuyons les unes les autres grâce à l'option de transfert des patients vers des établissements des autres provinces de l'Atlantique si le délai de huit semaines ne peut pas être respecté dans notre propre province. Il s'agit d'un filet de sécurité et d'un partenariat régional important. Grâce à la collaboration, nous pouvons offrir de meilleurs soins à nos patients, mais nous devons nous fonder sur les preuves plutôt que de recourir à des mesures des temps d'attente qui se fondent sur les grands titres.
Dans notre province, la diminution de certains temps d'attente est difficile. Par exemple, est-il raisonnable ou juste de mesurer les temps d'attente en orthopédie, alors que les mesures ne prennent pas en considération l'augmentation du volume de travail afin de répondre aux besoins de notre population vieillissante et de l'incidence élevée des maladies chroniques et des besoins complexes? Nous nous demandons également pourquoi établir des points de repère en ce qui concerne les cataractes.
C'est pour cette raison que nous pensons qu'il est essentiel pour les provinces d'avoir leur mot à dire dans le choix des cibles futures. D'après les autres témoignages, nous savons que plusieurs personnes aimeraient voir des cibles précises concernant le rendement dans le domaine des soins de santé. À l'avenir, nous croyons aux cibles de rendement, mais elles doivent être fondées sur des preuves; nous pensons que les gouvernements doivent pouvoir mettre en œuvre les nouvelles cibles de façon souple.
Par exemple, la population de la Colombie-Britannique est parmi les plus jeunes, alors que les données démographiques indiquent que la Nouvelle-Écosse et le Canada atlantique ont des populations parmi les plus âgées. Le même modèle pourrait ne pas s'appliquer facilement aux 10 provinces et aux territoires.
En ce qui concerne le financement du gouvernement fédéral, je pense qu'il n'est pas approprié aujourd'hui de s'attarder trop longtemps à la question du financement de la santé; je dirai simplement que le nouvel accord doit tenir compte de l'équité des besoins. Le Conseil de la fédération a placé ces questions à l'ordre du jour et celles-ci seront examinées au début de 2012.
En ce qui concerne la viabilité de notre système de santé publique, je dirais que nous sommes fiers du travail entamé partout en Nouvelle-Écosse pour rendre notre système plus efficace. Ce n'est pas chose facile. Nous avons demandé à nos hôpitaux de réduire leurs dépenses de 3 p. 100 au cours du prochain exercice, après une année de croissance zéro. Nous devons être de bons gestionnaires du système afin de préserver et d'améliorer les soins que nous donnons actuellement aux patients et ce que nous leur offrirons à l'avenir.
Il ressort du plus grand récent rapport de l'ICIS sur les facteurs de coût que les hôpitaux, les médecins et les médicaments représentent la plus forte proportion du budget de la santé. Tout comme l'Ontario, la Colombie-Britannique, la Saskatchewan et l'Alberta, nous avons aligné notre régime public d'assurance-médicaments sur le prix du médicament générique. Santé Canada joue un rôle important dans la décision d'assurer ou non un médicament; je vous demanderais donc de songer à la façon dont cet organisme peut choisir les médicaments qu'on envisagera d'assurer.
À l'heure actuelle, l'innocuité d'un médicament ne peut être évaluée que si la société pharmaceutique le recommande. Or, comme l'a constaté l'ICIS, trop de fonds publics sont consacrés à rembourser des médicaments coûteux. Il faut chercher de nouvelles solutions.
J'invite votre comité à recommander que Santé Canada détermine si certains médicaments ont bel et bien les effets bénéfiques mis de l'avant par leurs fabricants dans le cadre de campagnes de commercialisation coûteuses. Je pense, par exemple, à Lucentis, médicament servant à traiter la dégénérescence maculaire humide liée à l'âge. On sait qu'Avastin, un médicament non homologué pour cette indication, mais assuré par le régime public de la Colombie-Britannique et de la Nouvelle-Écosse, produit un effet presque identique, mais est très peu coûteux.
Par ailleurs, le prochain accord sur la santé devra encourager et subventionner l'innovation, qui est également essentielle, dans les provinces et territoires. Cela ne veut pas dire qu'il faille une privatisation.
En Nouvelle-Écosse, nous favorisons l'accès des patients aux bons professionnels de la santé. Le modèle de santé des années 1960 qui encourageait les gens à séjourner à l'hôpital a fait son temps. Au contraire, une des meilleures solutions consiste à encourager la prestation de services fondée sur les besoins dans les collectivités et à domicile, ou ces services sont plus faciles à offrir et coûtent moins cher.
Grâce à notre plan intitulé « Better Care Sooner », nous utilisons de façon optimale le temps et les compétences de nos médecins, personnel infirmier, personnel ambulancier et personnel infirmier proposé à notre service téléphonique de 24 heures. Tous ces professionnels fournissent des soins jour et nuit dans le cadre d'un système de soins d'urgence fonctionnant 24 par jour et sept jours par semaine.
La Nouvelle-Écosse a formé des spécialistes en soins paramédicaux avancés capables d'administrer immédiatement aux Néo-Écossais qui font une crise cardiaque des médicaments capables de dissoudre les cailloux sanguins et de leur sauver la vie. Les malades peuvent recevoir ces médicaments à domicile au lieu d'avoir à attendre d'arriver à l'hôpital.
Nous embauchons du personnel paramédical pour travailler dans les centres de soins afin de pouvoir soigner les personnes âgées là où elles vivent, plutôt que d'obliger des vieillards fragiles à se rendre à l'urgence en ambulance. Nous mettons sur pied des centres d'urgence collaboratifs adaptés aux besoins de chaque collectivité.
Enfin, nous souhaitons que le prochain accord fasse une plus grande place à la prévention. Les maladies chroniques et le vieillissement de la population nous obligent à chercher de nouvelles formules en matière de soins de santé. Nous devons investir dans la prévention pour éviter que les gens ne tombent malades. Il faut encourager l'innovation et offrir des services fondés sur les besoins des patients, en milieu extrahospitalier.
Lors de leur réunion à Halifax la semaine dernière, les ministres de la Santé ont confirmé qu'ils continueraient à collaborer en vue d'instaurer des lignes directrices et des mesures susceptibles de favoriser le maintien d'un poids santé. En Nouvelle-Écosse, notre stratégie de réduction de l'obésité chez les enfants sera en place au début de 2012.
Le dernier accord sur la santé ne parlait pas non plus de la santé mentale des Canadiens, mais le prochain devra tenir compte de cette dimension importante des soins de santé et des besoins croissants à ce chapitre. Nous devons bien comprendre les effets de la maladie mentale sur notre population. La Nouvelle-Écosse rendra bientôt publique sa première stratégie de santé mentale.
Si nous concluons de nouveau un accord de 10 ans, il faudrait effectuer une évaluation à mi-chemin après au moins cinq ans, car notre régime de soins de santé évolue rapidement et doit être en mesure de s'adapter aux besoins de nos populations. Comme nous l'avons montré la semaine dernière lors des réunions provinciales et territoriales et fédérales- provinciales-territoriales à Halifax, nous pouvons vraiment collaborer à l'approche de 2014. Nous pouvons être optimistes en évaluant les réussites passées et les besoins futurs.
Milton Sussman, sous-ministre, Santé Manitoba, gouvernement du Manitoba : Je vous remercie de m'avoir invité à vous parler des répercussions de l'accord sur la santé en vigueur au Manitoba. Le moment de ma comparution devant votre comité est particulièrement bien choisi puisque les ministres de la Santé se sont réunis à Halifax la semaine dernière.
Lors de cette réunion, tous les ministres ont convenu que le partenariat entre les provinces et territoires et le gouvernement fédéral en matière de santé, c'est-à-dire l'accord de 2004 sur la santé, a contribué à l'amélioration importante du régime de santé au cours des 10 dernières années.
J'étais sous-ministre au moment de l'élaboration et de la signature dudit accord en 2004. Après avoir travaillé pour la Régie régionale de la santé de Winnipeg pendant quelques années, je suis de nouveau sous-ministre de la santé et je suis d'accord avec les conclusions des ministres selon lesquelles le partenariat avec le gouvernement fédéral a permis d'améliorer les services de santé.
Permettez-moi de vous entretenir un peu des conséquences de cet accord pour le Manitoba.
Un des aspects primordiaux de l'accord sur la santé était l'existence d'un financement fédéral prévisible, cohérent et approprié pour la prestation des soins de santé par les provinces, y compris la clause d'indexation de 6 p. 100. De surcroît, ce financement a permis de maintenir et d'améliorer le régime de soins de santé du Manitoba et de garantir le respect des exigences de la Loi canadienne sur la santé, y compris les principes et les services prescrits par la loi.
L'existence d'un financement prévisible a un autre avantage appréciable : les fonctionnaires n'ont pas besoin de consacrer beaucoup de temps chaque année à prévoir et à négocier des paiements de transfert avec le fédéral en matière de santé. Ils peuvent donc se consacrer à favoriser des innovations dans notre système afin d'améliorer les soins aux patients et l'efficacité du système. Cela comprend les activités comme simplifier l'administration, tracer de meilleures stratégies d'établissement des prix et d'approvisionnement et mettre en application des méthodes rigoureuses de gestion et d'autres mécanismes d'amélioration des processus. Tous ces efforts nous ont permis de faire des économies de 50 millions de dollars l'année dernière, seulement au Manitoba, somme que nous avons pu réinvestir dans les services de santé de première ligne afin de mieux répondre aux besoins des patients.
Grâce, entre autres, à ce financement stable du gouvernement fédéral, nous avons pu recruter et garder un nombre record de professionnels de la santé. Le Manitoba compte désormais plus de médecins, de personnel infirmier et de personnel infirmier praticien que jamais auparavant. Ces professionnels de première ligne contribuent à réduire les temps d'attente et à améliorer les soins aux patients.
Outre ce financement fédéral stable octroyé dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé, le gouvernement fédéral a fait d'autres investissements dans des secteurs ciblés et précis, lesquels ont notablement amélioré la situation au Manitoba.
Les subventions visant à réduire les temps d'attente ont permis d'écourter ces temps et d'améliorer l'accès aux soins dans les cinq secteurs prioritaires : le cancer, les maladies cardiaques, l'arthroplastie de la hanche et du genou, et l'imagerie à des fins diagnostiques. Ainsi, le Manitoba affiche désormais le plus faible temps médian d'attente pour la radiothérapie au Canada, c'est-à-dire moins d'une semaine. Grâce à l'aide entre autres du gouvernement fédéral, nous maintenons de courts temps d'attente, dont la durée garantie est d'au plus quatre semaines.
Grâce à ces progrès et à ces fondements solides, le Manitoba a pu aller plus loin cette année en lançant une stratégie de suivi des personnes atteintes de cancer assortie d'un budget de 40 millions de dollars. Il s'agit du plan le plus ambitieux et complet au Canada en matière de temps d'attente pour le traitement du cancer. Cette mesure permettra de réduire les temps d'attente à toutes les étapes du cheminement du patient, du moment où le médecin de famille commence à soupçonner l'existence du cancer jusqu'au début effectif du traitement, en passant par la réalisation des examens, l'aiguillage vers d'autres ressources et l'établissement du diagnostic.
Le financement accordé à la réduction des temps d'attente par le gouvernement fédéral a également permis la mise en place d'initiatives novatrices comme celles qui permettent de faire le pont entre les soins généraux et spécialisés, en aidant les médecins de famille à aiguiller du premier coup les patients vers les bons spécialistes et en leur fournissant la bonne information. On a pu ainsi éliminer les demandes de consultation faites aux mauvais spécialistes et le va-et-vient entre le spécialiste et le médecin généraliste que cela engendrait. Les patients sont ainsi traités plus rapidement puisque le processus de demande de consultation auprès d'un spécialiste est simplifié.
C'est en grande partie grâce au Fonds pour l'équipement médical du gouvernement fédéral que le Manitoba a pu acheter de l'équipement médical spécialisé neuf ou amélioré, tels des ultrasons, des tomodensitomètres ou encore des appareils d'imagerie par résonnance magnétique, ce qui nous a permis de diminuer les temps d'attente et d'améliorer les services rendus. Malheureusement, le financement n'a pas été renouvelé et a pris fin en 2006-2007. Le financement important et continu accordé par le gouvernement fédéral à l'Inforoute Santé du Canada a permis, dans une large mesure, au gouvernement du Manitoba de mettre en place des innovations et d'augmenter la productivité au sein du système de soins de santé. C'est pour le gouvernement fédéral l'un des moyens les plus concrets d'assurer de meilleurs rendements, de meilleurs traitements et une plus grande innovation. L'Inforoute Santé du Canada gardera toute son importance dans l'avenir, puisque la technologie permet de mieux maîtriser les coûts et de permettre aux Canadiens d'avoir un accès opportun à des soins de santé de qualité. Au Manitoba, nous avons lancé un système de dossiers médicaux informatisé qu'on a baptisé DossiÉ. Combiné à d'autres systèmes informatisés utilisés dans les hôpitaux et à l'information sur la santé, ce système nous aide à améliorer la qualité des soins dispensés aux patients en permettant au personnel soignant d'avoir accès à des informations à jour provenant des quatre coins de la province.
Le financement destiné aux soins primaires nous a permis de mettre en place des projets pilotes visant un meilleur accès aux médecins de famille et aux autres fournisseurs de soins primaires. Notre province a également fait le nécessaire pour recruter et former un plus grand nombre de médecins, d'infirmières et d'infirmières praticiennes, pour ouvrir de nouvelles cliniques et pour appuyer des initiatives novatrices axées sur les soins primaires. Nous avons maintenant de bonnes assises et pouvons passer à l'étape suivante. À cet égard, nous lançons une nouvelle initiative : d'ici 2015, tous les Manitobains auront un médecin de famille.
Le financement fédéral de la recherche a toujours été vital pour nous. En particulier, le financement de l'Institut canadien d'information sur la santé a permis l'établissement d'une multitude de banques de données dans le domaine de la santé que les autorités d'une province peuvent utiliser pour prendre connaissance de ce qui se fait au sein des autres systèmes de santé provinciaux. Nous pouvons donc tirer des enseignements de ce qui se fait ailleurs.
Depuis la signature de l'accord de 2004, on accorde davantage d'importance à la question de la santé mentale. D'ailleurs, lorsque les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la Santé se sont rencontrés la semaine dernière, ils se sont entendus pour dire que cette question revêt une importance particulière. Le Manitoba est reconnaissant du financement accordé par le gouvernement fédéral à la Commission de la santé mentale du Canada. Ainsi, le Manitoba, comme l'a annoncé le Conseil de la Fédération, sera l'hôte d'un sommet national sur la santé mentale ayant pour thème « Promotion de la santé mentale et prévention de la maladie mentale pour tous », qui aura lieu les 15 et 16 février 2012.
Le Partenariat canadien contre le cancer, bien qu'il ne relève pas de l'accord de 2004, s'est avéré un bon moyen de collaboration entre tous les intervenants du système de soins de santé. Grâce au financement et au rôle mobilisateur du gouvernement fédéral, les différentes provinces ont pu concrétiser sur leur territoire les résultats de recherche et d'initiatives pour en faire des pratiques exemplaires et avoir accès à une tribune leur permettant d'en parler.
En l'absence d'une stratégie nationale touchant les produits pharmaceutiques, qui aurait pu améliorer les traitements anticancéreux en rendant disponibles de nouveaux médicaments à cet effet, le rôle du Partenariat canadien contre le cancer, à l'échelle nationale, devient encore plus critique. Nous aimerions dire à quel point nous sommes déçus que l'engagement pris dans le cadre de l'accord de 2004 relativement à une stratégie nationale visant les produits pharmaceutiques n'ait pas été concrétisé en 2006.
La province, par l'entremise de son ministère de la vie saine, de la jeunesse et des aînés, s'est engagée à faire de la promotion de la santé, de la prévention des maladies et des investissements visant la petite enfance ses priorités.
L'accord sur la santé a permis d'assurer non seulement le maintien de notre système de soins de santé au Manitoba, mais également son amélioration.
Le gouvernement du Manitoba a exprimé ses priorités relativement au renouvellement de l'accord. Tout d'abord, assurer la pérennité du financement du gouvernement fédéral. Nous prônons le maintien du facteur de progression de 6 p. 100 à long terme, soit pour au moins 10 ans.
Comme en 2004, nous recommanderions des partenariats fédéraux-provinciaux dans certains domaines clés. Les réalités du système de soins de santé ont évolué au cours des 10 dernières années, et, par conséquent, le Manitoba recommande que soient traitées comme prioritaires les questions suivantes : premièrement, une stratégie nationale de soins accordés aux personnes âgées s'avère critique étant donné le vieillissement de la population au Manitoba et ailleurs au pays. Dans le cadre de cette stratégie, on pourrait augmenter le nombre de lits dans les maisons de repos et mettre l'accent sur d'autres types de soins comme les soins à domicile, les logements supervisés et les initiatives faisant la promotion du bien-être chez les personnes âgées.
Deuxièmement, il faudrait que le financement fédéral visant l'achat d'équipement médical spécialisé soit réactivé. Cela permettrait aux provinces d'acquérir de nouvelles technologies plus rapidement afin d'offrir de meilleurs soins à la population et de réduire les temps d'attente.
Troisièmement, l'amélioration de la santé des membres des Premières nations vivant dans les réserves et des services de soins de santé qui leur sont destinés. À l'heure actuelle, il existe encore des communautés éloignées de milliers d'habitants qui n'ont toujours pas d'hôpital, ni de services diagnostiques, ni même, dans bien des cas, de médecins. Bien évidemment, les services de santé ne constituent qu'une partie du problème, et nous nous devons de nous intéresser aux autres déterminants de la santé et du bien-être : l'eau potable, la qualité des logements, l'éducation et l'emploi.
Enfin, comme on l'a dit, au Manitoba, les soins primaires ont beaucoup évolué, mais il est clair que grâce à un partenariat avec le gouvernement fédéral, nous pourrions voir encore plus grand et bouger encore plus vite. Nous estimons que pour assurer la pérennité de notre système de soins de santé publique, il faut que nous ayons un système de soins de santé primaires accessible qui permet à tous les Manitobains d'avoir accès à des services de santé à proximité de chez eux et en temps opportun. C'est ainsi qu'on évitera les hospitalisations et les visites aux urgences injustifiées, qui coûtent cher, tout en assurant la bonne santé des familles en mettant l'accent sur la prévention des maladies chroniques et des complications qui en découlent. Dans les cas où les patients ont besoin de soins spécialisés, les prestataires de soins primaires seront en mesure de faire des demandes de consultation plus facilement et plus rapidement.
Merci de m'avoir invité aujourd'hui. Grâce à la collaboration entre les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral, les services de soins de santé se sont nettement améliorés. Il reste évidemment beaucoup de pain sur la planche, et c'est grâce à des partenariats solides que nous allons pouvoir continuer notre bon travail dans les années à venir.
Le président : Je vous remercie chaleureusement tous les deux. Nous allons maintenant passer aux questions.
Le sénateur Eggleton : J'aborderai tout d'abord la question des temps d'attente. Dans l'accord de 2004, cinq catégories ont été recensées, et vous avez tous les deux parlé des progrès réalisés et de l'élaboration de points de repère pour suivre ces progrès. Vous nous avez fait part de statistiques qui illustrent cette évolution. D'après certains rapports que nous avons reçus, s'il est vrai qu'il y a eu des avancées, il n'en reste pas moins beaucoup de travail à faire.
Plus précisément, quelles stratégies vous ont permis de réduire les temps d'attente dans vos provinces respectives? Y a-t-il d'autres points de repère factuels que vous utilisez pour mesurer les progrès réalisés dans d'autres secteurs clés relevant de la santé et dont nous devrions nous inspirer lors de l'élaboration du prochain accord? Nous avons déjà reçu un certain nombre de suggestions d'autres intervenants. J'aimerais savoir si vous estimez qu'il faudrait ajouter certaines choses à la liste.
M. Sussman : Nous nous sommes intéressés à d'autres questions au Manitoba. Dans mes remarques, j'ai parlé de l'intérêt accordé au traitement anticancéreux. Nous avons lancé une initiative d'envergure qui cible l'expérience cancéreuse tout entière. Ce qui est important pour les Manitobains, et probablement pour l'ensemble des Canadiens, ce n'est pas seulement le temps que ça prend pour subir un test ou obtenir un traitement après que ce dernier a été commandé par un spécialiste, mais plutôt la longueur de l'attente entre la détection d'un problème par le médecin de famille et le début des traitements. Nous consacrons à ce problème-là énormément de ressources. Nous essayons d'établir des normes pour qu'un maximum de deux mois s'écoule entre le doute du médecin de famille et le traitement.
Nous pensons qu'il est possible d'atteindre d'autres points de repère. J'aimerais revenir un instant sur les observations de M. McNamara. Il y a toujours un élément négatif lorsqu'on met l'accent sur des cibles particulières, et les éléments qui ont déterminé l'établissement de ces points de repère n'ont pas toujours été clairs. Comme le Dr Postl l'a dit, parfois, cela peut être arbitraire.
Cela étant dit, je pense qu'il est valable d'établir des cibles, parce que cela permet très certainement de concentrer les efforts des provinces et des territoires sur un élément particulier. Cela peut se faire toutefois au détriment d'autres secteurs parce que les secteurs prioritaires reçoivent beaucoup d'attention, tandis que les autres secteurs, qui peuvent être tout aussi importants, n'en reçoivent pas autant. Il faut trouver un juste équilibre. Il ne faut pas imposer un trop grand nombre de cibles qui vous empêchent d'allouer des ressources à d'autres types de problèmes liés au temps d'attente.
Le sénateur Eggleton : Y a-t-il des éléments particuliers que vous ajouteriez au prochain accord?
M. Sussman : Encore une fois, je mettrais davantage l'accent sur le cancer.
Le sénateur Eggleton : Le cancer fait partie des cinq éléments d'origine.
M. Sussman : Oui, mais il s'agit d'une cible très limitée, et je pense qu'elle pourrait être élargie. De mon point de vue, il y a des cibles sur l'accès à un médecin de famille. Il sera important que les Canadiens aient un accès en temps voulu aux fournisseurs de soins. Il ne s'agit que de quelques-uns des secteurs.
M. McNamara : J'ai parlé du domaine de l'orthopédie. Nous avons réalisé 16 p. 100 plus de chirurgies dans les six premiers mois de la présente année que durant les six premiers mois de l'année précédente. Parallèlement, notre liste d'attente s'est accrue de 30 p. 100. Il est très difficile d'atteindre une cible lorsqu'on fait face à ce genre de demandes.
En essayant de trouver une solution aux listes d'attente, nous avons également établi des cliniques d'évaluation orthopédique qui s'occupent de réaliser une préévaluation et de déterminer quels patients n'ont pas besoin d'une opération. On peut faire appel à d'autres types de soins, comme la physiothérapie, pour faire en sorte que les patients n'aient pas à subir une chirurgie. Manifestement, si vous allez consulter un chirurgien, il voudra vous opérer, tandis que si vous consultez un interniste, il voudra vous donner un médicament. C'est la façon dont ils ont été formés. Ce n'est pas quelque chose de mauvais, c'est tout simplement la façon dont nous assurons les services.
Pour ce qui est de l'avenir, je me pencherais sur la question de l'accès à un fournisseur de soins, même s'il ne s'agit pas nécessairement d'un médecin. Il y a de nombreux autres fournisseurs de soins, y compris les infirmières praticiennes, les infirmières praticiennes en médecine familiale, et même dans certains cas, les pharmaciens. Il faut trouver une façon différente d'assurer les services. Si l'on mesure tout à l'aune du médecin de famille, cela continuera de créer des problèmes et nous n'en aurons jamais en nombre suffisant.
En outre, nous pourrions rajouter sur la liste l'accès aux soins en santé mentale et aux services de toxicomanie. Voilà des secteurs pour lesquels nous devrions établir des cibles. Dans notre province, et probablement dans de nombreuses provinces, nous ne faisons pas un très bon travail à cet égard. Même si un certain nombre d'entre nous développent des stratégies, je pense qu'il reste encore beaucoup de travail à faire.
Le sénateur Merchant : Dans nos audiences, on entend constamment parler des améliorations dans la prestation des soins en temps voulu, et de la réduction des temps d'attente. Que font vos ministères pour assurer un suivi en matière de qualité? Le fait de réaliser davantage de chirurgies ne constitue pas forcément une mesure de la qualité.
La semaine dernière, l'OCDE n'a pas donné de très bonnes notes au Canada dans certains domaines. La semaine dernière, le Dr Butler-Jones nous a donné comme exemple l'examen réalisé à Vancouver. Il y a eu un suivi des opérations de la cataracte, et il s'est avéré qu'un quart des patients qui avaient subi cette opération étaient en fait plus mal en point après la chirurgie qu'avant. Il a voulu savoir comment cela était possible et il a conclu que pour certains patients dont les yeux fonctionnaient toujours bien, la chirurgie n'aurait pas été nécessaire, mais, parce qu'ils avaient des cataractes, ils pouvaient se prévaloir de cette chirurgie.
Nous savons que de nombreuses personnes se rendent à la Clinique Mayo parce qu'elles ont l'impression d'y recevoir des services de qualité. Je ne sais pas si vous faites des calculs, mais cela doit représenter une perte importante pour notre économie. Savez-vous de quelle quantité d'argent notre pays est privé parce que les patients recherchent la qualité?
M. McNamara : En Nouvelle-Écosse, nous nous y sommes pris sur le tard, mais nous avons formé une équipe chevronnée au sein de notre ministère. Le président, le Dr Pat Crosskerry, est probablement un expert international en matière de qualité et de sécurité pour les patients et a accompli beaucoup de travail, particulièrement dans le domaine de la médecine d'urgence.
Nous avons élaboré des normes pour les services d'urgence partout dans la province. Je crois que notre province est la seule qui se soit dotée d'une gamme complète de normes qui comprend la formation, l'équipement et les résultats escomptés. Il nous faudra quelques années pour terminer le processus une fois que la formation sera mise en branle.
En matière d'interventions chirurgicales, nous savons que certaines interventions exercées dans notre province sont inappropriées. Nous savons que des patients en souffrent. Nous savons que certaines personnes ne sont pas bien traitées. Nous nous fions sur notre expérience avec le cancer pour nous orienter. Au cours de la prochaine année, nous allons changer la façon dont nous procédons et nous allons arrêter d'offrir certaines opérations chirurgicales.
Nous devons aussi prendre le temps d'aider les gens à comprendre que les traitements qu'ils voient à la télévision ne sont pas la bonne voie à suivre. C'est très difficile. Nous savons également que toutes les décisions que nous prenons en matière de soins de santé ont des répercussions sur les revenus de certaines personnes. Quand on arrête d'offrir une intervention, des travailleurs enregistrent des pertes de revenus, et il est difficile d'avoir leur appui. Nous devons trouver un autre moyen de les payer ou nous devons les inciter à voir les choses autrement.
Prenons l'exemple des chirurgies rectales dans notre province. Je sais que nous avons recours à des chirurgies rectales inappropriées pour le cancer. Nous devons changer cela. Je suis persuadé que nous ne sommes pas la seule province dans cette situation.
M. Sussman : Je crois que vous avez raison. Toutes les provinces, et c'est sans contredit le cas au Manitoba, commencent à se concentrer davantage sur la qualité. Chaque ministère compte des divisions ou des bureaux qui se concentrent davantage sur la qualité. Les comités principaux des conseils d'administration des autorités régionales en santé du Manitoba sont maintenant les comités de contrôle de la qualité. Le Manitoba mise grandement sur la sécurité des patients : nous faisons un suivi des incidents graves et nous les affichons afin d'essayer d'en tirer des leçons.
Dans mon exposé, j'ai parlé d'un programme intitulé « Faire le pont entre les soins généraux et spécialisés ». Il s'agit de voir ce dont un spécialiste a besoin avant de recevoir une demande de consultation d'un médecin de famille afin que des renseignements pertinents soient échangés et que l'évaluation initiale du patient soit juste. Nous avons lancé ce programme dans certains domaines en particulier, et notre intention est de l'appliquer à tout le système.
Nous avons aussi lancé des initiatives qui analysent les listes d'attente de divers types de procédures et qui tentent de déterminer si le service correspond aux besoins des patients.
Par contre, il est évident qu'il s'agit d'un système très vaste et complexe, et nous en sommes encore aux balbutiements en ce qui a trait à la promotion de la qualité dans tout le système. Nous sommes tous très conscients du travail que l'IHI fait aux États-Unis. Si vous vous rendez dans ce pays, vous constaterez que chaque État compte des initiatives d'envergure dans le domaine.
Je suis d'accord pour dire qu'il s'agit d'un domaine où nous devons continuer à nous concentrer.
Le sénateur Callbeck : J'ai quelques questions, et l'une d'entre elles porte sur le système de renseignements sur les médicaments. Le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard utilisent le même système, mais qu'en est-il des autres provinces? Ont-elles des systèmes différents? L'objectif est-il que toutes les provinces utilisent le même système, ou allons-nous nous retrouver avec des pommes et des oranges?
M. McNamara : Nous avons des pommes et des oranges. Ça dépend des orientations de chaque province. Dans certains cas, cette orientation se fonde sur le fournisseur et le groupe qui parvient à mieux vendre un produit. Dans d'autres cas, cette orientation se fonde sur les utilisateurs qui ont une préférence.
Une des difficultés qui revient souvent, c'est qu'on croit que ces systèmes existent pour les patients qui en sont propriétaires, mais ce n'est vraiment pas le cas. Ces systèmes, dans bien des cas, appartiennent aux fournisseurs. Voici un des changements que nous devons apporter : dans tout ce que nous faisons, nous devons passer d'un système axé sur les fournisseurs à un système axé sur les patients. Au Canada, notre plus grand problème est que nous sommes trop axés sur les fournisseurs.
Le sénateur Callbeck : Le gouvernement fédéral devrait-il jouer un rôle?
M. McNamara : Pardon?
Le sénateur Callbeck : Diverses provinces ont des systèmes différents. Supposons qu'une personne déménage d'une province à une autre. Supposons que j'habite l'Île-du-Prince-Édouard et que je déménage en Ontario. Un médecin ontarien n'aura pas accès aux renseignements relatifs à mes médicaments. Le gouvernement fédéral devrait-il jouer un rôle pour tenter d'assurer une certaine uniformité?
M. McNamara : Le gouvernement fédéral peut nous aider énormément en assurant au moins l'interopérabilité entre les systèmes. Nous pourrons avoir des systèmes différents dans chaque province. L'interopérabilité serait une façon complexe et coûteuse d'assurer ce genre de système. Selon moi, c'est la voie à suivre, et pas seulement pour les renseignements relatifs aux médicaments, mais aussi pour d'autres volets.
Prenons l'exemple des dossiers médicaux électroniques de la Nouvelle-Écosse où il n'y a qu'un système. Il y a toujours des conflits parce que certains médecins veulent avoir le choix. Dans d'autres provinces... Je ne connais pas très bien la situation au Manitoba, mais je sais que, en Ontario, c'est très ouvert et que tout fournisseur peut offrir un système. C'est problématique pour certains d'entre nous. Nous essayons de garder le cap sur un système unique. Le temps nous dira si nous y parviendrons.
M. Sussman : Je pense qu'il serait difficile d'avoir un système uniforme dans tout le pays parce que chaque province a son propre système de santé dont les règles et la couverture diffèrent quelque peu des autres provinces.
J'aimerais clarifier ce qui suit. Si on regarde le financement de l'Inforoute Santé du Canada, on constate que le portail a établi des barèmes par rapport aux renseignements sur la santé et certaines normes qui devraient se retrouver dans le système de renseignements sur les médicaments; je crois que cela va garantir une qualité de l'information uniforme. L'information pourrait ne pas être exactement la même. La question de l'interopérabilité entre les provinces va s'échelonner sur une période à beaucoup plus long terme. Je crois qu'on a réalisé d'énormes progrès.
Comme je l'ai mentionné, j'ai été sous-ministre en 2001, soit avant que l'accord ne soit signé. Je ne connais la situation qu'au Manitoba, mais je peux vous dire que les investissements en technologie de l'information étaient minimes. Grâce à l'arrivée de l'Inforoute Santé du Canada et son financement, mais aussi grâce à sa promotion de certaines normes, nous avons vu la création rapide de systèmes d'information et nous faisons du progrès dans tous ces domaines. Ce qui m'inquiète davantage, c'est si nous pourrons terminer ce travail. Je ne veux pas dire par là qu'il n'est pas important d'assurer l'interopérabilité, mais je crois qu'il est essentiel que tous ces systèmes se retrouvent dans toutes les provinces.
Le sénateur Callbeck : J'aimerais poser la même question quant aux temps d'attente. Quand on parle des temps d'attente et qu'on compare les provinces entre elles, s'agit-il de pommes comparées à des pommes ou de pommes comparées à des oranges? Est-ce que toutes les provinces utilisent la même définition?
Monsieur Sussman, vous avez parlé de cancer. Si j'ai bien compris ce que vous avez dit, la période d'attente commence lorsque le patient consulte son médecin de famille et se termine lorsqu'on l'opère.
M. Sussman : Dans notre stratégie sur le cancer, ce sont les repères que nous utilisons.
Le sénateur Callbeck : Par contre, lorsqu'on compare les autres temps d'attente entre provinces, la définition utilisée est-elle uniforme?
M. McNamara : Je ne dirais pas qu'elle est uniforme à 100 p. 100. Il y a une certaine uniformité, mais il y a aussi certaines différences.
C'est une question d'interprétation; ça dépend des systèmes utilisés. Ça dépend de la précision avec laquelle on consigne l'information et de la capacité des personnes à consigner les données dans les systèmes d'information de gestion. Il est difficile de coder les données. Les coûts administratifs au Canada — on dit souvent qu'ils sont élevés — comprennent même les coûts de prévention des infections et les coûts associés à la sécurité des patients. Il ne s'agit pas d'administration dans l'acception qu'on lui connaît. À cause de cette ventilation de coûts, j'imagine que nous donnons parfois des conseils malavisés.
Le sénateur Cordy : La communauté est heureuse d'entendre des provinces dire qui sont les fournisseurs de soins de santé. Vous êtes deux excellents témoins, et je tiens à vous remercier.
J'aimerais vous poser des questions portant sur la santé mentale et les maladies mentales. Je faisais partie du comité quand nous avons mené une étude sur la santé mentale et les maladies mentales chapeautée par le sénateur Kirby. Les choses ont bien changé depuis parce que, à l'époque, je doute que deux sous-ministres de deux provinces différentes se soient déplacés pour venir nous parler de santé mentale. Nous avons réalisé du progrès à cet égard. L'un d'entre vous a mentionné la Commission de la santé mentale. C'était une recommandation du comité, et le sénateur Kirby en a été le premier président — et il l'est toujours.
D'autres témoins nous ont parlé de santé mentale et de maladie mentale. Qu'est-ce que nous devrions recommander à la ministre d'inclure dans ce nouvel accord? Cet accord doit faire preuve de souplesse. M. McNamara a parlé de souplesse parce que chaque province est différente. Par contre, nous avons besoin de normes nationales que les provinces et les territoires respecteront pour le traitement et le bien-être des patients atteints de maladie mentale. Un Canadien sur cinq souffrira d'un problème de santé mentale à un moment dans sa vie.
M. McNamara : En ce qui a trait à la santé mentale, j'aimerais que les personnes touchées aient accès à au moins un professionnel de la santé quand elles en ont besoin. Il arrive que l'état de santé des patients empire parce qu'ils n'ont pas accès à un professionnel rapidement. Il faut étudier ce que nous pouvons faire en matière d'intervention précoce.
Deuxièmement, pensez aux personnes atteintes de maladie mentale. Avec quels problèmes doivent-elles composer? Elles sont itinérantes, n'ont pas de demeure où habiter et ont un faible revenu. Même pour ce qui est de l'accord sur la santé, nous devons nous assurer qu'il ne se fera pas au détriment des autres transferts. Si on élimine les solutions de logement, nous allons accroître le problème d'itinérance et de santé parce que cela va devenir le dernier recours pour la plupart de ces personnes. Selon moi, il faut miser sur un accès rapide aux professionnels et sur les autres facteurs qui peuvent aider. Je crois que de nombreuses personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale ont besoin d'un toit, de conseils, d'appui et d'un ami. Nous devons déterminer comment nous pourrons leur offrir tout cela.
M. Sussman : Je suis d'accord avec M. McNamara. Les médecins de famille au Manitoba me disent qu'une grande partie de leur charge de travail concerne les problèmes de santé mentale de leurs patients. Nous devons trouver des solutions. Il y a des modèles qui aident les médecins de famille, qui sont ceux qui offrent le plus d'aide en santé mentale dans le cadre de leur pratique. Ils ont affaire à beaucoup plus de gens que les psychiatres ou les travailleurs en santé mentale. Il faut trouver des façons de les appuyer dans leur travail.
Je suis d'accord avec M. McNamara. Il faut un service qui entoure les gens qui ont des problèmes de santé mentale persistants. Il faut un appui pour ce type d'initiatives. Il faut du logement. Il faut aussi faire des efforts en matière de promotion de la santé mentale et de prévention de la maladie mentale. Nous ne le reconnaissons pas souvent. C'est un problème qui est encore beaucoup sous-déclaré.
Je pense que la Commission sur la santé mentale a été un premier pas important. Elle a eu lieu à un moment où il devenait clair pour toutes les administrations à quel point c'était important. Elle a contribué à améliorer la situation.
Le sénateur Cordy : Monsieur McNamara, vous avez parlé d'un ami ou d'un défenseur des droits. Il n'est pas nécessaire que ce soit le médecin de famille, et je pense que c'est ce que M. Sussman disait. Nous avons besoin d'un service qui entoure les gens. Vous l'avez très bien dit.
M. Sussman : Je ne propose pas qu'il faille que cela soit un docteur. Je pense qu'il faut qu'il y ait une vaste gamme d'aide disponible. Et je crois qu'il est essentiel que nous aidions les médecins de famille.
Il y a certains modèles importants. Nous avons un modèle de soins partagés dans lequel des travailleurs en santé mentale et des psychiatres agissent comme personnes-ressources pour une clinique de médecine familiale. Les travailleurs en santé mentale voient des patients à la clinique, et le psychiatre est disponible pour discuter avec les cliniciens et, si nécessaire, voir le client. Nous n'aurons jamais assez de psychiatres — certainement pas à court terme — pour offrir le niveau de service nécessaire, alors il faut trouver une façon d'en optimiser l'utilisation. C'est basé sur un modèle qui a, je crois, débuté à Hamilton et qui connaît beaucoup de succès.
Le sénateur Cordy : Monsieur McNamara, j'ai aimé vous entendre dire que nous aurions peut-être besoin d'une évaluation quinquennale. Je repense à l'époque où cet accord est entré en vigueur, en 2004, et cela ne semble pas si loin, mais regardez les changements qui ont eu lieu dans le secteur des soins de la santé depuis. Vous avez fait une excellente suggestion.
Le sénateur Champagne : Vous avez tous deux parlé des chirurgies inutiles. Dans ma province, le Québec, on a déclaré qu'au cours des dernières années il y a eu énormément de césariennes inutiles. Est-ce un phénomène que vous constatez chez vous également?
M. McNamara : Oui, pour nous aussi. Nous venons d'examiner cet aspect. Nous avons aussi examiné les hystérectomies, et le taux est plus élevé qu'il le devrait. Nous sommes en train de réfléchir à la façon de corriger la situation pour réduire le nombre de ces chirurgies.
M. Sussman : Nous voyons la même chose dans certaines régions du Manitoba. Nous avons essayé de corriger la situation. Dans une de nos régions de santé, les données sont complètement différentes du reste de la province ou du pays. Nous discutons avec le conseil régional de santé pour savoir pourquoi les taux sont si élevés.
Le sénateur Champagne : Une chirurgie est une chirurgie. Elle coûte très cher. Et une salle d'opération est utilisée pour quelque chose qui n'est peut-être pas nécessaire, alors que quelqu'un d'autre attend pour une chirurgie qui est peut-être urgente.
Monsieur McNamara, dans votre exposé, vous dites qu'il est essentiel que les provinces aient leur mot à dire dans la détermination des cibles futures. Qu'est-ce qui devrait être désigné comme cible et qu'est-ce qui ne devrait pas l'être?
M. McNamara : Les cataractes ne doivent manifestement pas être là. Voilà un exemple.
Le sénateur Champagne : Permettez-moi d'exprimer mon désaccord, puisque je suis la prochaine.
M. McNamara : Nous savons aussi que les cataractes se manifestent chez les gens de plus en plus jeunes, pour des raisons évidentes.
Lorsque nous travaillons ensemble, nous devons chercher à utiliser des preuves en fonction des systèmes de soutien que nous avons au Canada, tout en nous demandant ce qui doit être fait et qui aura des incidences sur la vie des gens. Comment agir différemment, qu'il s'agisse de prévention ou autre? Dans le dernier accord, de nombreux éléments ont été choisis au hasard, sans y avoir beaucoup réfléchi. Nous avons quelques années pour travailler ensemble. Je pense que les provinces doivent discuter et travailler ensemble afin que nous puissions, de façon collective, trouver des problèmes que nous pouvons proposer en ce qui concerne les objectifs que nous souhaitons atteindre ensemble.
Comme je l'ai mentionné, ça peut être différent. Comme M. Sussman l'a dit, nous avons besoin d'une stratégie concernant le vieillissement, ce qui est très important sur la côte Est en raison de notre population.
Lorsque j'ai examiné les statistiques, j'ai aussi trouvé intéressant le fait que si nous prenons les gens les plus malades dans la population des personnes âgées, on les trouve sur la côte Est et en Alberta. C'est un peu cocasse, parce que la province la plus riche et les provinces les plus pauvres ont les pires résultats en ce qui concerne les personnes âgées. Ça signifie que notre système ne fonctionne pas, de sorte que l'argent n'est pas la seule réponse.
Ce que j'essaie de vous dire, c'est que les provinces doivent discuter avec les bons spécialistes pour déterminer ce qui doit être proposé et ce qui, selon nous, en fonction des preuves, peut être appuyé en vue d'établir les bons points de repère.
Le sénateur Champagne : Vous avez mentionné le besoin de souplesse lors de la mise en œuvre de ces nouvelles cibles. Parlez-vous de souplesse entre les provinces, dans votre propre province ou ailleurs?
M. McNamara : J'ai utilisé l'exemple des « jeunes » par rapport aux « vieux » — comme la Colombie-Britannique par rapport à la Nouvelle-Écosse. Ça ne signifie pas que les deux groupes ne sont pas représentés dans chaque province; nous savons, par exemple, que de nombreux jeunes de 14 à 19 ans utilisent beaucoup les services de santé en raison de leur mode de vie, entre autres.
Nous pouvons établir un niveau de base national pour aider les personnes âgées, mais on peut dire que les aînés sont plus ciblés dans de nombreuses provinces et que les jeunes le sont davantage ailleurs. C'est de cela que je parle lorsque je mentionne la souplesse, mais ça pourrait tout de même faire partie de la série de mesures en général.
Le sénateur Champagne : Monsieur Sussman, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Sussman : Souvent, les Manitobains se demandent comment avoir accès à certains types de fournisseurs de soins. Je suis d'accord avec M. McNamara : ce n'est pas nécessairement un médecin de famille, ça peut être toute une gamme de praticiens.
J'entends également souvent des gens nous dire qu'ils ont un fournisseur de soins, mais qu'ils ne peuvent pas le voir lorsqu'ils en ont besoin. Ils disent qu'ils finissent par se retrouver à l'urgence ou dans une clinique sans rendez-vous parce qu'ils ne peuvent pas avoir de rendez-vous après les heures normales d'ouverture ou qu'ils ne peuvent obtenir un rendez-vous que dans trois semaines. Souvent, si on se sent malade, mais que ce n'est pas une urgence, on ne peut pas nécessairement attendre trois semaines.
Je pense que l'accès rapide à un fournisseur de soins est l'un des aspects sur lesquels les provinces doivent se concentrer. Nous le faisons, mais il pourrait être nécessaire d'obtenir de l'aide pour atteindre certaines des cibles dans ce domaine.
Autre chose : chaque province fera face à un nombre considérable de patients atteints de maladies chroniques. À l'heure actuelle, étant donné que nous ne réussissons pas aussi bien que nous le devrions à gérer ces maladies, nous commençons à voir des gens qui se présentent dans les salles d'urgence ou qui sont hospitalisés.
Si un système de soins de santé primaire exhaustifs était en place et comportait les mesures appropriées pour surveiller les maladies chroniques, ces gens ne se présenteraient pas à l'hôpital. C'est un problème important au Manitoba, en particulier en ce qui concerne nos collectivités des Premières nations et nos collectivités éloignées du Nord.
Le sénateur Champagne : Utilisez-vous la cybermédecine avec les gens du Nord ou ceux qui vivent loin des grands centres?
M. Sussman : Nous avons un service de télésanté important, mais ça continue d'être un problème important. Il y a des problèmes de compétence qui entrent en ligne de compte lorsque vient le temps de déterminer qui est responsable de la prestation des services de santé dans les réserves. S'agit-il du gouvernement fédéral ou du Manitoba?
Honnêtement, nous constatons une surreprésentation des membres des Premières nations dans nos hôpitaux; bon nombre de ces personnes sont atteintes de maladies chroniques, comme le diabète, par exemple, qui ne sont pas gérées aussi bien qu'elles devraient l'être.
Lorsqu'on les accueille dans notre système, ces personnes sont plus malades, elles doivent subir davantage d'amputations. C'est un problème important, car nous n'avons pas les bons indicateurs ni les bons services pour fournir du soutien aux personnes atteintes de maladies chroniques et pour les aider à gérer leur condition avant qu'elles deviennent très malades. Il ne s'agit pas seulement des Premières nations. Je pense que c'est un problème dans tout le système. Toutefois, il est mis en lumière au Manitoba, en particulier lorsqu'on va dans un hôpital et qu'on constate cette surreprésentation.
[Français]
Le sénateur Verner : J'aimerais aborder une question qui attire l'attention des populations desservies par les provinces en matière de soins de santé : il s'agit de la reddition de comptes.
J'aimerais connaître votre évaluation des mesures incluses dans l'accord en santé en matière de reddition de comptes. Voyez-vous des modifications à y apporter afin de donner un meilleur portrait des progrès accomplis pour que les Canadiens et les Canadiennes puissent être tenus au courant de ce qui se passe?
[Traduction]
M. McNamara : Comme je l'ai dit dans mes remarques préliminaires, nous estimons qu'il faut rendre des comptes aux contribuables. C'est important et c'est notre responsabilité. Je sais que toutes les provinces ne sont pas d'accord. Certaines aimeraient avoir davantage leur mot à dire sur la façon dont l'argent est utilisé; c'est leur prérogative.
Selon le point de vue du gouvernement de la Nouvelle-Écosse, nous n'avons pas peur de rendre des comptes. Nous estimons que si nous utilisons l'argent des contribuables, nous devons être responsables de la façon dont nous nous y prenons pour fournir des soins de qualité aux patients, et nous devons également nous assurer que les contribuables utilisent les systèmes de façon adéquate.
M. Sussman : Je suis d'accord. Je pense qu'il y a une grande responsabilité, beaucoup plus que les gens ne sont prêts à l'admettre, je pense.
L'Institut canadien d'information sur la santé publie des renseignements qui comparent les différents niveaux de service et les résultats obtenus partout au pays. Nous publions aujourd'hui des quantités phénoménales d'informations sur nos sites Web. Nous publions les incidents critiques et les résumés de ce qui s'est passé pendant ces incidents. Nous publions les délais d'attente. Tout le monde publie et divulgue de plus en plus d'informations au sujet des systèmes. Nous surveillons constamment ce que font les autres provinces.
Dans les provinces, la santé est le principal enjeu. Cette question revient chaque jour à la Chambre pendant la période des questions — le plus souvent, à de nombreuses reprises.
Je pense qu'il faut continuer de faire évoluer le système, mais je suis quelqu'un qui croit que la reddition de comptes s'est améliorée. Avons-nous toujours les bonnes mesures en place? Je ne pense pas — nous devons déterminer ensemble ce que sont les bonnes mesures; mais le système comporte un bon mécanisme de reddition de comptes.
Il ne fait peut-être pas toujours ce qui se doit, mais c'est ainsi qu'il a évolué, et on peut en rendre compte. Je pense que nous pourrions devoir apporter des changements aux mesures de reddition de comptes, mais pour ce faire, on doit s'entendre; or, les fournisseurs de services et les familles ne conviennent pas toujours des changements à apporter.
Le sénateur Seidman : J'ai été ravie de vous entendre parler de certaines des choses intéressantes que vous faites dans vos provinces. Je vous remercie beaucoup de nous en avoir fait part.
J'aimerais qu'on aborde la discussion sous un autre angle : « Vive la différence ». Les provinces devraient être en mesure d'innover et d'être créatives dans la prestation des services de santé à leurs citoyens.
Vous avez tous deux parlé de mesures novatrices que vous avez adoptées ou que vous vous préparez à mettre en œuvre dans le domaine, par exemple, des soins primaires. Je suis fière de dire qu'au Québec, il y a à peine une semaine, le gouvernement a adopté une mesure législative donnant aux pharmaciens le droit de renouveler les ordonnances et même de prescrire des médicaments. Les détails restent à régler, mais je trouve l'initiative extrêmement inspirante. Je me suis dit qu'il s'agissait là d'une façon créative d'offrir des services, qui pourrait même permettre un accès plus rapide à un service aussi simple que le renouvellement d'une ordonnance.
C'était mon préambule. Étant donné l'importance de l'innovation, comment le prochain accord pourrait-il encourager les provinces et les territoires à innover et à expérimenter, ainsi qu'à mettre en commun leurs résultats avec le reste du pays?
M. McNamara : Personnellement, je pense qu'on réinvente souvent la roue, dans chacune des provinces. Selon moi, nous devons optimiser la mise en commun des pratiques exemplaires entre les provinces. C'est quelque chose que nous, sous-ministres, pouvons faire. Une plus grande coopération nous permettra de mettre en commun nos bonnes idées. En fait, à notre réunion de la semaine dernière, un ministre a proposé qu'à la prochaine réunion, nous présentions nos bonnes idées. Nous n'avons pas toujours l'occasion de nous en vanter. Vous avez parlé des pharmaciens; la Nouvelle- Écosse a adopté cette approche il y a environ un an, et nous sommes ravis que cette initiative aille de l'avant. On pourrait aller encore plus loin.
Par exemple, nous élargissons également les modèles de soins, afin d'encourager les professionnels à pratiquer dans tous les champs d'activité, au niveau le plus bas, qu'il s'agisse d'une infirmière, d'une infirmière auxiliaire autorisée, d'un médecin ou autres. C'est un nouveau concept. C'est difficile à faire adopter parce que nous traitons encore avec des syndicats et d'autres intervenants dont le mandat est protégé. Il faudra du temps pour y arriver. Nous avons récemment ajouté les ambulanciers paramédicaux à notre système, et nous avons d'ailleurs la chance d'avoir un système où les intervenants sont hautement qualifiés. C'est le même utilisé à l'Île-du-Prince-Édouard et au Nouveau- Brunswick, ce qui est fort utile. Pour ajouter cette composante au système, il nous a fallu négocier longuement avec les collèges pour déterminer qui pourrait faire quoi, comment les professionnels interagiraient, quelle serait la hiérarchie, si une infirmière pouvait suivre les ordres d'un ambulancier paramédical, et cetera. Tout cela prend du temps, mais nous avons ainsi pu faire progresser notre système.
Toutes les mesures nous incitant à être plus novateurs et à mettre en commun nos pratiques nous seraient d'une aide précieuse.
M. Sussman : Honnêtement, je pense que la meilleure façon d'appuyer l'innovation, c'est de maintenir un financement stable. Je pense que c'est ce qui a véritablement servi de catalyseur à l'innovation.
Parfois, si je remarque qu'un indicateur montre que notre système ne réussit pas aussi bien que celui d'une autre province, ma première question sera : « Que font les autres provinces? Quels enseignements pouvons-nous tirer de leur expérience? » Je pense que c'est ce qu'un financement stable et une indexation prévisible nous permettent de faire. On innove énormément, pas seulement dans la pratique clinique, mais également dans l'administration. La Saskatchewan déploie des efforts extraordinaires pour accroître l'efficacité et la productivité de son système. Elle met résolument l'accent là-dessus. Nous avons copié son système, qui lui-même s'inspirait de la politique « Releasing Time to Care » du Service national de la santé, qui permet aux infirmiers et infirmières de passer plus de temps avec leurs patients. La politique repense leur travail et leur permet de passer beaucoup de temps à fournir des soins, plutôt qu'à traquer des fournitures ou autre chose. Les résultats sont extraordinaires; nous le constatons au Manitoba. Nous venons de mettre en place ce programme, à une échelle beaucoup plus petite qu'en Saskatchewan. Nous mettons tous l'accent sur la pérennité du système. Pour qu'il perdure, nous devons promouvoir l'innovation. Cependant, pour y arriver, nous devons pouvoir compter sur un financement prévisible. Autrement, tout fonctionnera au ralenti.
D'un autre côté, un budget serré stimule l'innovation. Je ne propose pas que l'enveloppe soit illimitée, parce qu'un budget restreint stimule effectivement l'innovation. Cependant, il doit être prévisible, c'est impératif.
Le sénateur Demers : Dans le dernier accord, on parlait du système de santé mentale des Canadiens.
Maintenant plus que jamais, les sans-abri — et corrigez-moi si j'ai tort — souffrent de problèmes de santé mentale. Je suis convaincu que vous avez des statistiques là-dessus, ce que je n'ai pas. Pourquoi ne pas s'y attarder? Je ne dis pas que vous en faites fi, parce que vous l'avez abordé sous un angle très positif dans votre exposé. Chaque année, j'offre mon temps à la Mission Old Brewery, au Québec. Partout dans les provinces, on compte des établissements de ce genre qui viennent en aide aux gens qui souffrent de ces problèmes. On leur donne de la nourriture, mais ils dorment dans le métro. C'est un grave problème dans notre société. Que fait-on pour y remédier? Pourquoi ne traitons-nous pas ce problème comme un des enjeux majeurs de notre société?
M. Sussman : C'est effectivement important. Au Manitoba, ceux qui ont le plus souvent recours aux soins d'urgence ou au système de santé en général sont souvent des sans-abri aux prises avec des problèmes de santé mentale. Ce qui est intéressant, c'est que la Commission de la santé mentale appuie la recherche de la prestation de services en fonction d'un modèle accordant la priorité au logement, c'est-à-dire qu'il faut donner un toit et du soutien à ces gens. Au Manitoba, le projet Chez Soi a été mis en œuvre par la Commission de la santé mentale, qui a fait de même dans diverses régions du pays. L'organisation se sert de cette initiative pour faire de la recherche et voir quels seront les résultats. L'idée, c'est d'offrir un toit et de l'appui à ces gens. Leur chez-soi est le fondement auquel diverses mesures d'aide viennent se greffer.
Au Manitoba, comme je l'ai dit, nous avons mis sur pied un groupe intersectoriel, qui comprend notamment des agents de police, et nous avons dressé une liste de certains des utilisateurs chroniques des salles d'urgence. Le fil conducteur est souvent les problèmes de santé mentale et le sans-abrisme. Je pense qu'on s'intéresse de plus en plus à cette question, mais ce n'est pas suffisant. Le problème, c'est que le financement de ce programme tire à sa fin. Les provinces devront trouver des solutions pour payer la note. Il s'agit certes d'un modèle qui, du moins initialement, semble fonctionner très bien.
M. McNamara : J'aimerais ajouter quelques mots. Je suis d'accord avec ce que dit M. Sussman. Je pense que nous devons en faire davantage.
J'aurais une anecdote intéressante à vous raconter. Nous avons un programme qui, par l'entremise de l'une de nos autorités sanitaires de district, s'adresse aux jeunes de moins de 35 ans. Les participants souffrent tous de maladie mentale. On a tenu un banquet pour rendre hommage aux employeurs de ces jeunes. Quatre-vingt-cinq employeurs ont participé; il s'agissait surtout de petites entreprises, qui engageaient les gens du programme quelques heures par jour.
Une des personnes qui avait soumis la candidature de son superviseur pour l'obtention d'un prix travaillait chez Tim Hortons, au Cap-Breton. Il a dit à quel point il était fier de son travail, qui consistait à nettoyer le stationnement. Il a dit qu'il faisait un si bon travail qu'on l'avait récompensé en le laissant nettoyer également le stationnement d'un Tim Hortons quelques pâtés de maisons plus loin. Il nettoyait le premier stationnement, prenait un café double crème double sucre, puis se rendait au prochain. Il a soumis la candidature de son superviseur parce qu'il était très bon avec lui.
Nous devons en faire davantage pour réinsérer les gens qui souffrent de maladie mentale dans nos collectivités. Or, le gouvernement est celui qui y arrive le moins. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse n'embauche pas de personnes handicapées autant qu'il le devrait. Autour de la table, je ne vois pas de ces gens qu'on pourrait intégrer. C'est en partie attribuable à l'ancienneté et à d'autres facteurs, mais il faut trouver une façon de sortir de cette impasse. Si nous ne prêchons pas par l'exemple, nous ne pouvons pas nous attendre à ce que d'autres emboîtent le pas.
Le sénateur Martin : J'aimerais qu'on parle de l'efficacité de l'accord de 2004 à atteindre les résultats escomptés. Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il faut repenser la prestation des services de santé, ce qui comprend le recours à différents professionnels et à un système très intégré. D'autres témoins ont parlé d'« équipes multidisciplinaires » et « transdisciplinaires », de même que de « nouveaux modèles », et d'« innovation », ce que vous avez tous deux mentionné.
On peut considérer l'accord comme un moyen d'atteindre les résultats escomptés, c'est-à-dire améliorer l'état de santé de la population, accorder la priorité à la santé plutôt qu'aux maladies et adopter des mesures préventives, ou considérer l'accord comme un outil qui permet aux provinces et aux territoires de collaborer et de communiquer.
Quels éléments de l'accord actuel ont permis aux provinces et aux intervenants d'atteindre certains des objectifs, tels que la reddition de comptes? Que pouvons-nous ajouter ou améliorer dans le prochain accord qui nous permettra de réussir encore mieux? Vous avez parlé de reddition de comptes, mais je pense qu'on peut faire mieux. Avons-nous besoin d'un libellé plus clair, de cibles plus nettes, de mécanismes précis ou de modèles?
M. Sussman : Je ne tiens pas à m'acharner là-dessus, mais du point de vue du système de prestation des services de la province, nous élaborons effectivement des cibles. Je sais que chaque administration s'inspire des pratiques exemplaires mises en place partout dans le monde et met en œuvre des modèles qui ont réussi ailleurs.
Je ne peux insister suffisamment sur l'importance d'avoir une source de financement prévisible et stable. En ce qui concerne les soins primaires, les personnes âgées et les maladies chroniques, le libellé pourrait effectivement être plus clair. Il s'agit là de priorités pour chacune des provinces et des territoires.
L'accord peut offrir à la fois une aide et des outils. Peut-être que les choses n'évoluent pas assez rapidement au goût de certains, mais il est question ici de transformer de vastes systèmes qui ont été élaborés au fil de nombreuses années. Il faut comprendre que le processus pour réorienter ces systèmes est long et complexe.
L'accord devrait appuyer ces transformations, l'innovation et la réorientation vers le type de soins appropriés.
M. McNamara : Je conviens qu'il faut investir davantage dans la prévention et les maladies chroniques. Il est prouvé que si les adultes qui deviennent diabétiques faisaient 30 minutes d'exercice par jour, on pourrait réduire l'incidence de la maladie de 30 à 50 p. 100. Comment y arriver et changer de direction? Nous dépensons de fortes sommes sur le diabète. Si on ne fait rien, cette maladie sera le prochain tsunami.
La communauté autochtone en Nouvelle-Écosse n'est pas aussi nombreuse qu'ailleurs, mais nous comptons tout de même une population importante. Il nous faut comprendre le rôle de Santé Canada et le rôle des provinces. Il y a parfois confusion sur les réserves à savoir qui fournit quoi. Nous en arrivons au payeur de dernier recours. Il est injuste pour cette population de ne pas tirer cela au clair.
À titre d'exemple, nous avons offert un programme de soins à domicile qui n'était pas fourni dans la communauté autochtone. J'ai rencontré des représentants de Santé Canada afin d'obtenir d'eux l'engagement qu'ils n'allaient pas réduire le financement pour les Autochtones dans le cas où nous offririons des soins à domicile dans les réserves. Il faut envisager la chose différemment.
Nous devons appuyer les habitants du Nord et les Autochtones, mais du même coup, chaque province doit régler ses enjeux.
Le sénateur Martin : Je comprends qu'il faille un financement stable. Nous en avons beaucoup parlé et une variété de témoins nous ont dit la même chose. Cependant, nous avons aussi entendu que ce n'est pas uniquement une question de financement, que nous devons comprendre où l'argent est dépensé pour avoir une plus grande transparence et une meilleure reddition de comptes. Je n'ai pas l'impression d'avoir reçu des réponses claires sur ce que l'on pourrait formuler ou inclure qui nous permettrait d'atteindre une plus grande transparence et reddition de comptes, afin de nous assurer que l'argent aille là où on en a besoin. Il y a un manque de clarté. Je constate que c'est un système complexe et énorme, et plus nous entendons d'intervenants, plus nous nous rendons compte des aspects complexes. La transparence et la reddition de comptes sont deux éléments qui reviennent encore et encore.
M. McNamara : Il faut examiner le dernier accord. Les provinces se sont vues déjouer par certains qui ont obtenu des augmentations de salaire. Plutôt que d'ajouter de nouveaux programmes, une grande partie de l'argent a été affectée à l'augmentation de salaire des fournisseurs existants. Je ne veux pas dire que les gens ne méritent pas d'augmentation de salaire, mais il faut s'occuper de cette question de salaire.
Par exemple en Nouvelle-Écosse, en 2006-2007, nous avons reçu 103 millions en fonds nouveaux, dont 26 millions pour les dépenses non salariales, 61 millions pour les dépenses salariales et 15 millions pour les dépenses liées au programme. La reddition de comptes fait en sorte que nous devons dépenser l'argent de façon optimale plutôt que de faire fausse route et d'enrichir les administrateurs, les médecins, les infirmières ou les préposés au nettoyage.
Le sénateur Braley : J'estime que nous avons un très bon système de soins de santé dans l'ensemble, mais je vais vous mettre au défi avec un certain nombre de choses.
Une hausse de 6 p. 100 des fonds fédéraux est impossible. Faudra-t-il laisser tomber d'autres programmes sociaux ou l'éducation? Nous n'avons simplement pas l'argent. Comment un système de soins de santé peut-il accaparer un pourcentage de plus en plus grand? Dans certains cas, les provinces ont obtenu un 2 p. 100 supplémentaire. Il est impossible de continuer ainsi sans supprimer d'autres programmes. Un pourcentage du PNB doit être utilisé.
En ce qui a trait au rapport coût-efficacité, je comprends que nous faisons tous des compromis et que les salaires accaparent une grande part. Lorsque les médecins requièrent plus de temps pour faire quelque chose, ils viennent demander plus d'argent, mais que se passe-t-il lorsque ces médecins requièrent moins de temps pour faire quelque chose? L'opération d'une cataracte dans une province coûte 300 $. On peut réaliser cette opération en 15 minutes aujourd'hui et les frais devraient être de 80 $. Cela peut être fait par un technicien à l'aide d'un laser. Je ne comprends pas pourquoi nous payons encore aujourd'hui. Ne doit-on pas gérer les coûts? Agissons-nous correctement pour le travail fait et le service fourni? Vous dites essentiellement qu'il faut des ententes distinctes, puisque chaque province est différente. Je crois que c'est ce qui se passera si nous continuons à recevoir ces rapports. Je suis persuadé que le gouvernement dira : « Oh, bonté divine, ils estiment que ceci est plus important que cela. » On pourrait en arriver à une entente avec chaque province. Ce n'est pas ce que nous souhaitons.
Si les coûts éclatent, le gouvernement fédéral pourrait dire : « Nous allons nous occuper de la recherche dans tel et tel domaine et nous allons réduire nos taxes par un montant donné. Vous pourrez en tant que provinces taxer et il faudra dire aux gens pourquoi vous taxez en fonction des services qu'ils reçoivent. »
De plus, il faut de la concurrence. Il faudrait peut-être des cliniques privées. La semaine dernière, j'ai été à la Clinique Mayo, la clinique de Cleveland et deux cliniques à Vancouver, celles de Cambie et de Granville, pour voir comment se déroulent les choses là-bas. Ça permettrait de retirer un élément du système pour fournir des services à plus de gens.
Je vous ai lancé un tas de choses qu'il faudra remettre en question. Le gouvernement fédéral ne peut simplement pas continuer à avoir des hausses de 6 p. 100.
Le président : Il faudra peut-être scinder ce tas de choses en deux parties. Tout d'abord, il y a la question de l'aspect réaliste des niveaux de financement futurs. Ensuite, il y a la question des fournisseurs de rechange possibles pour des services qu'il faut offrir à la population.
M. McNamara : Revenons à la hausse : en vertu de la Loi canadienne sur la santé, il y avait un partage égal et maintenant, le gouvernement fédéral ne paie que 22 p. 100. Pour dire les choses franchement, la raison pour laquelle il y a ces hausses, c'est afin que les provinces puissent récupérer une partie de ce qui a été perdu.
Pour ce qui est d'avoir d'autres fournisseurs, l'étude réalisée par un économiste de l'Ontario indique que les soins de santé publics font bien les choses. Ce qu'il faut, c'est de la concurrence entre nous. Peut-on gagner en efficience? Assurément. Aujourd'hui, c'est davantage axé sur le fournisseur que sur le patient. Ces gains en efficience se réaliseront au fur et à mesure que nous mettrons l'accent sur les patients et sur une meilleure qualité.
L'année passée en Nouvelle-Écosse, les régies régionales de la santé se sont vu imposer des augmentations de 0 p. 100. L'an prochain, ce sera moins 3. À ces deux occasions, elles ont dû ajouter 1 p. 100 d'augmentation de salaire, en plus de l'indemnité de vie chère, c'est donc en réalité 3 p. 100 cette année et moins cinq l'année prochaine. Nous y arrivons grâce à des gains en efficience. Parallèlement, nous avons besoin de fonds pour nous occuper des autres aspects puisque la province a du mal à joindre les deux bouts.
M. Sussman : Comme M. McNamara l'a mentionné, malgré l'accord de 2004, le pourcentage venant du fédéral a tout de même diminué. En moyenne, nos augmentations de dépenses en soins de santé ont été d'environ 6,8 p. 100 par année depuis les 10 dernières années. Ainsi, le pourcentage du fédéral versé au Manitoba continue à diminuer, et je crois que c'est le cas dans presque toutes les provinces. De plus, le nombre de services que nous offrons a augmenté dans presque toutes les provinces.
J'estime que vous soulevez un bon point relativement au rapport coût-efficacité. Il y a une énorme tâche à accomplir dans nos systèmes de santé et cela inclut Santé Canada. Il faut étudier le rapport coût-efficacité et l'optimisation des investissements. Nous commençons à porter attention à ce genre de choses.
Le sénateur Braley : À première vue, on pourrait économiser 25 à 35 p. 100 si les choses étaient bien faites. C'est un coup d'œil préliminaire que j'ai jeté au coût des soins de santé. Je ne sais pas si c'est vrai et je ne puis dire que c'est vrai, mais quand je suis tombé sur des exemples comme la cataracte et d'autres éléments, à première vue, cela m'a affolé, du simple point de vue de la vérification. C'est une question qui me préoccupe beaucoup.
Le président : Aujourd'hui, nous ne discutons pas de la question des pourcentages.
M. Sussman : Je suis tout à fait d'accord que de grandes sommes peuvent être économisées grâce à une amélioration de la productivité et des gains en efficience. C'est quelque chose que regardent toutes les administrations.
Le sénateur Braley : Qui en a la responsabilité?
M. McNamara : J'ose croire que c'est une responsabilité qui nous incombe à tous.
Le sénateur Braley : Dans toutes les provinces? Y a-t-il un système établi dans chaque ministère?
M. McNamara : Nous avons commencé à aborder la question. Lorsque les gouvernements font l'objet de pressions, personne ne les appuie. J'en parle souvent dans mes discours. Peu importe l'enjeu, lorsqu'un lobby exerce des pressions, le pauvre politicien subit les contrecoups. Les professionnels et les autres groupes se taisent. Prenons l'exemple du traitement de libération, à tort ou à raison, et de ce qui s'est passé. Les ministres ont-ils obtenu du soutien? Personne, incluant les groupes professionnels, n'ont offert du soutien. Il faut de l'aide pour que les gouvernements puissent dire non.
Par exemple, chaque fois qu'un gouvernement dit que les services d'urgence sont une priorité, les médecins rétorquent : « Si nous n'avons pas les fonds supplémentaires, nous quittons la province. » Cela se produit dans toutes les provinces.
Le sénateur Braley : Y a-t-il dans les provinces un mécanisme relativement à l'efficacité en matière de coût qui permette de voir les économies réalisées? Pourquoi renégociez-vous les opérations de cataractes lorsqu'il y a de si grands écarts? Ils gagnent un million de dollars par année en ce moment.
M. McNamara : C'est ce que nous faisons, mais ce n'est pas facile. C'est un processus de négociation.
Le sénateur Braley : Il n'y a jamais rien de facile.
M. Sussman : À vrai dire, c'est le dilemme auquel nous faisons face depuis 10 ans, nous tentons de stabiliser un système datant des années 1990 qui était en mauvais état partout au pays.
C'est le cas dans chaque administration aujourd'hui. J'ai déjà mentionné les initiatives de la Saskatchewan qui visent des améliorations dans tout le système. Nous avons commencé à nous orienter sérieusement en ce sens. Nous travaillons de concert avec le Conseil des affaires du Manitoba qui est composé des principaux dirigeants en affaires et des présidents de certaines des plus grandes entreprises au Manitoba, afin d'examiner comment nous pouvons faire avancer ce dossier dans la province.
Nous avons tous des budgets serrés, alors nous commençons tous à nous concentrer davantage sur l'efficacité en matière de coûts. Le dossier des cataractes démontre la complexité de la question, car vous devez négocier avec des médecins qui sont des praticiens autonomes, qui sont très mobiles et qui peuvent déménager s'il existe un environnement plus attrayant pour eux. Le problème se pose peut-être moins dans une province comme l'Ontario, mais c'est un problème important dans une province comme le Manitoba.
Le sénateur Braley : Dans ce cas-là, je formerais un technicien.
Le président : Avant de passer au second tour, j'aimerais faire un résumé. Nous avons entendu beaucoup de choses aujourd'hui, mais j'aimerais résumer et revoir certains de ces points.
J'aimerais revenir à l'observation du sénateur Braley à la suite de votre commentaire, monsieur Sussman, selon lequel vous aimeriez une hausse de 6 p. 100 pour toute la durée du nouvel accord. Dans votre réponse au sénateur Braley, vous avez dit que votre province a connu une augmentation annuelle de 6,8 p. 100. Vous ne pouvez certainement pas croire que, dans l'économie d'aujourd'hui, dans l'économie de votre province, dans l'économie nationale, ce genre de situation est durable d'un point de vue économique global.
Pour faire suite à la question du sénateur Callbeck, j'aimerais revenir sur la question des renseignements sur les médicaments et l'idée de transfert. Nous avons vu un certain nombre d'exemples concernant l'idée que chaque patient — et il y a des endroits dans le monde où cela se fait aujourd'hui — a sa propre disquette, une clé USB aujourd'hui, qui contient des informations à jour et qu'il transporte avec lui. Il n'est pas important d'avoir un système pour transférer les renseignements. Ça revient à ce que vous disiez, monsieur McNamara, lorsque vous avez suggéré que les renseignements devraient appartenir au patient pour qu'il puisse les transférer d'un système à l'autre. Or, il importe peu que les systèmes ne soient pas compatibles puisque, en fait, la plupart des systèmes peuvent traduire les données et les renseignements contenus sur une clé USB. Il semble que ce serait quelque chose qu'on pourrait proposer. Je ne veux pas lancer la discussion maintenant, je ne fais que relever quelques points.
Nous avons vu beaucoup de rapports sur la question des chirurgies inutiles. C'est une question sur laquelle les provinces devraient s'attarder de façon rigoureuse. Non seulement y a-t-il des dépenses inutiles, mais il y a aussi le fait que les chirurgies comportent des risques, et nous savons qu'un grand pourcentage d'entre elles mènent à d'autres interventions médicales et à des coûts. C'est un incitatif extrêmement important pour les provinces de regarder la question. Les patients et nous aussi en tant que citoyens subissons des interventions chirurgicales dont nous n'avons pas besoin. Les répercussions à long terme sont grandes.
Monsieur Sussman, j'ai aimé l'exemple que vous avez utilisé, l'idée qu'un ambulancier paramédical pourrait effectuer une visite à domicile. Lorsque j'étais enfant et que je vivais dans une région rurale de la Nouvelle-Écosse, le médecin effectuait des visites à domicile. Les ambulanciers paramédicaux pourraient donc agir de la sorte d'une façon plus dynamique.
Encore une fois, vous avez tous deux souligné les questions de compétence qui entrent en jeu lorsqu'on commence à traiter de ces questions. Nous devrions pouvoir résoudre ces enjeux si, en fait, il existe un aspect pratique.
Comme vous le savez sûrement, on nous a donné plus d'une fois en exemple la chirurgie de la cataracte. Grâce à la technologie, l'opération d'une heure est passée à 15 minutes. Malgré cela, le coût d'une chirurgie n'a pas baissé et il a apparemment augmenté. Les autres spécialistes ont voulu profiter d'une situation semblable. Il doit certainement y avoir un moyen pour les provinces, peut-être avec l'aide du fédéral, de s'opposer à ce qu'on aurait jadis appelé de l'extorsion. Cela a dû avoir des répercussions draconiennes sur le système de soins de santé.
Enfin, il y a la question d'innovation que vous avez tous deux soulevée. Monsieur Sussman, je crois que vous étiez très enthousiaste à l'idée. Il nous semble que des idées novatrices sont en cours de développement dans différents domaines. Il semble que ce soit un phénomène relativement récent. Il y a eu de l'innovation au fil du temps, mais c'est l'accroissement de la quantité qui est un phénomène plutôt récent.
Nous remarquons qu'une idée novatrice dans un domaine n'est pas une innovation jusqu'à ce que cette idée soit appliquée de façon plus générale dans le système. Certaines des questions de mes collègues visaient à trouver des façons d'utiliser ce nouvel accord pour inciter et appuyer le transfert d'une idée qui semble novatrice pour qu'elle soit utilisée plus largement dans le système, et ainsi vraiment devenir une innovation qui permette de réaliser des économies partout dans le système. Je voulais résumer ces points, non pas pour en débattre, mais pour savoir si vous avez d'autres exemples précis à soulever rapidement relativement à ces questions. Nous serions très heureux de les entendre.
Commençons un deuxième tour, avec le sénateur Eggleton.
Le sénateur Eggleton : Monsieur Sussman, vous avez dit que le Manitoba avait été déçu du manque d'engagement du gouvernement fédéral, en 2006, par rapport à la Stratégie nationale sur les produits pharmaceutiques, dans le cadre de l'engagement pris dans l'accord de 2004. Ce qu'on nous a dit jusqu'à présent, au sujet de cette stratégie, portait principalement sur des stratégies d'acquisition, de même que sur la possibilité que le gouvernement fédéral participe à la couverture des médicaments onéreux. Vos deux provinces ont un programme de ce genre, si j'ai bien compris, de même que la plupart des provinces, mais il n'existe pas encore de programme fédéral pour la couverture des médicaments onéreux.
Il y a aussi la question de l'assurance-médicaments, un programme national de plus vaste ampleur. J'aimerais que vous m'en parliez.
Je vais ajouter également la question du prix des médicaments génériques, puisque cette question a été soulevée. Le gouvernement fédéral exerce un certain contrôle sur le prix des médicaments brevetés — ceux qui ont une marque de commerce — par le truchement de la commission d'examen des prix des médicaments. En ce qui concerne le prix des médicaments génériques, par contre, on nous dit maintenant que ces prix sont relativement élevés comparativement à ceux des autres pays.
Sur la question des médicaments, j'aimerais que vous me parliez de la stratégie sur les produits pharmaceutiques.
M. Sussman : Vous avez raison sur le fait qu'un certain nombre de provinces ont des programmes de couverture des médicaments onéreux. D'après ce que je sais, toutes les provinces ne sont pas dotées d'une stratégie d'assurance- médicaments. Bien qu'il existe un mécanisme d'examen commun à l'égard des médicaments onéreux contre le cancer, par exemple, auquel toutes les provinces participent, il n'existe pas de mesures en ce qui concerne les médicaments très coûteux et de plus en plus ciblés. On trouve maintenant des médicaments très coûteux destinés à une population très limitée en fonction de caractéristiques génétiques. Ce sont deux éléments pour lesquels il nous faudrait une stratégie nationale, et il faudrait aussi un soutien national pour le travail qui est déjà en cours.
Nous sommes très préoccupés par le coût élevé des médicaments génériques. Au Manitoba, nous avons essayé de mettre en place ce que nous appelons un processus de gestion de l'utilisation des médicaments génériques, afin d'essayer d'en réduire le coût et de ne pas tenir compte seulement de l'aspect commercial. Nous utilisons ce processus tant pour les médicaments génériques que pour les nouveaux médicaments. Notre démarche est un peu différente de celle des autres provinces, car nous essayons de voir comment ces médicaments pourraient être utilisés, quels en sont les aspects commerciaux et quelle est la valeur de ces médicaments. Nous voulons garantir l'approvisionnement pour les Manitobains tout en nous assurant que les coûts demeurent concurrentiels par rapport à ceux des autres provinces. Nous avons constaté que cette mesure a donné de très bons résultats pour ce qui est de réduire la croissance de nos budgets de produits pharmaceutiques, qui était auparavant l'un des éléments dont la croissance était la plus marquée dans notre régime de soins de santé. Au cours des dernières années, ce budget est devenu beaucoup plus gérable.
M. McNamara : En ce qui concerne les médicaments génériques, nous avons adopté le processus mis en place en Ontario, avec une norme de 35 p. 100 plutôt que de 25 p. 100, et cela nous a permis de réduire nos coûts. Quant à l'examen de l'utilisation des médicaments, nous avons maintenant une équipe qui travaillera à des mesures semblables à celles mises en place au Manitoba.
Pour ce qui est des grandes sociétés pharmaceutiques et des producteurs de médicaments génériques, je m'inquiète entre autres d'une pratique qui a cours aux États-Unis et qui, j'en suis sûr, se répand au Canada. C'est ce qu'on appelle « payer pour retarder », qui consiste pour les grandes sociétés à verser de l'argent aux producteurs de médicaments génériques afin de ralentir la mise en marché de certains médicaments génériques en partageant la différence entre les coûts. Ce sont les contribuables qui en font les frais.
Deuxièmement, il y a le fait que certaines sociétés se servent de personnes vulnérables dans leur publicité pour vendre de nouveaux médicaments qui, dans certains cas, ont des résultats minimes, mais dont le coût est énorme. J'en ai examiné un exemple, c'était le cas d'une personne qui souffrait d'un cancer en phase terminale. Le médicament que la société avait proposé à cette personne lui aurait permis de vivre un mois de plus, tout au plus. Ce patient est arrivé, il m'a placé des photographies de ses enfants sous les yeux et m'a dit « leur expliquerez-vous pourquoi vous ne voulez pas me prescrire ce médicament? » Voilà le genre de pression que les grandes sociétés pharmaceutiques exercent.
On a même vu les sociétés pharmaceutiques écrire des lettres. Dans une de ces lettres, on avait fait une erreur et on avait laissé un blanc à remplir. C'est la société pharmaceutique qui avait rédigé la lettre. Dans un autre cas, l'un de nos organismes de charité nationaux faisait de la publicité pour un médicament. Il disait qu'il exerçait des pressions. Nous avons appelé l'organisme de charité et nous avons demandé si nous pourrions obtenir un exemplaire du communiqué de presse. On nous a répondu que la société pharmaceutique ne l'avait pas encore envoyé.
Ce à quoi le gouvernement fédéral peut nous aider, c'est à voir comment on peut changer ces pratiques et faire en sorte que ceux qui prennent l'argent des contribuables fassent preuve de plus de transparence.
Le sénateur Eggleton : Que pensez-vous d'ajouter au prochain accord une stratégie générale pour les produits pharmaceutiques?
M. McNamara : D'après ce que je sais, dans le dernier accord, les parties s'étaient entendues pour ne pas avoir une telle stratégie. Le gouvernement fédéral et les provinces étaient en désaccord. Je n'étais pas là à cette époque, mais d'après les documents historiques que j'ai lus, c'était une question d'argent. Quand la question de l'argent a été discutée, le gouvernement fédéral a fait machine arrière, puis les provinces ont décidé de ne pas aller de l'avant.
Le sénateur Eggleton : Aimeriez-vous que le gouvernement fédéral continue de jouer un rôle dans ce domaine?
M. McNamara : Tout à fait.
Le sénateur Eggleton : Que préféreriez-vous — un plan de couverture des médicaments onéreux ou une stratégie d'achat, ou encore un régime d'assurance-médicaments complet?
M. McNamara : Tout d'abord, il pourrait nous aider à modifier les règles afin que l'on puisse demander un examen de l'innocuité de certains médicaments — par exemple une comparaison de l'Avastin et du Lucentis. Cela pourrait nous être très utile dans certains cas. Deuxièmement, il pourrait nous aider à examiner l'efficacité des médicaments.
Comme M. Sussman l'a dit, nous offrons des médicaments contre le cancer; mais quand il s'agit de financer des médicaments, je veux savoir s'ils seront efficaces pour les patients. Allons-nous recommander ces médicaments à la ministre? S'il s'agit d'un nouveau médicament breveté qui n'offre qu'une amélioration très minime, je peux toujours utiliser le médicament plus ancien et beaucoup moins coûteux. Ce serait une autre façon de nous aider sans avoir à faire de gros investissements.
Le sénateur Callbeck : Dans la même veine, le plan de couverture des médicaments onéreux s'inscrivait dans le cadre de la Stratégie nationale sur les produits pharmaceutiques énoncée dans l'accord de 2004 sur les soins de santé; un groupe de travail fédéral-provincial avait fait beaucoup de travail dans ce dossier. Ce groupe de travail était coprésidé par le gouvernement fédéral. La ministre a comparu devant nous l'autre jour, et elle a déclaré que d'après le rapport publié en 2006, les parties n'étaient pas arrivées à s'entendre.
La question de la couverture des médicaments onéreux me préoccupe beaucoup, comme elle nous préoccupe tous. Le prix des médicaments augmente et trop de gens ont de la difficulté à payer leurs médicaments.
J'ai crû comprendre qu'après 2006, la majorité des provinces se sont dotées de leur propre plan de couverture des médicaments onéreux. J'ai posé la question à l'un des fonctionnaires de Santé Canada qui a comparu devant nous l'autre jour — à savoir si cela ferait partie du nouvel accord. Elle m'a répondu qu'il incombe aux provinces de déterminer les priorités qui seront négociées.
Croyez-vous que les provinces estimeront qu'il s'agit d'une priorité après l'expérience qu'elles ont vécue et maintenant que la plupart d'entre elles disposent de leur propre régime? Croyez-vous encore que ce sera une priorité pour le nouvel accord?
M. McNamara : Pour moi, c'est une priorité. Il existe des régimes de couverture des médicaments onéreux, mais ce ne sont pas les mêmes médicaments qui sont couverts dans chaque province. Il y a des différences.
J'ai examiné un peu plus tôt la correspondance échangée entre le ministre Tony Clement et l'honorable George Abbott, qui étaient les deux principaux négociateurs à l'époque où on a décidé de ne pas mettre en place cette mesure. Ils en sont arrivés à une impasse, car ils n'arrivaient pas à s'entendre sur la façon de procéder. Je ne les blâme ni l'un ni l'autre; je dis simplement qu'il faut négocier de nouveau cette question et avoir de vraies discussions.
Le sénateur Callbeck : Je suis tout à fait d'accord avec vous.
Le sénateur Cordy : Je voudrais parler de la question des soins palliatifs. Peu importe que l'on prenne des vitamines ou qu'on fasse beaucoup d'exercice, la question n'est pas de savoir si l'on va mourir, mais plutôt quand on mourra. Également, il y a des gens qui meurent dans tous les groupes d'âge, pas seulement chez les aînés.
Il est certain que les soins palliatifs coûtent moins cher au régime. En vaste majorité, les Canadiens souhaitent mourir dans leur foyer, même si dans les faits, seul un très petit pourcentage le font. La plupart des gens meurent à l'hôpital. L'accord devrait-il contenir des mesures à ce sujet?
Les soins palliatifs ne sont pas nouveaux; ils existent depuis longtemps. En Nouvelle-Écosse, nous offrons des soins palliatifs. Monsieur Sussman, quand j'ai lu vos notes biographiques, j'ai remarqué que vous aviez été chef des opérations à Winnipeg et que les soins palliatifs ont été l'un des premiers dossiers qui étaient de votre ressort. Je suis sûre que vous avez déjà rencontré le sénateur Carstairs, puisqu'elle vient de Winnipeg.
Cette question devrait-elle être inscrite dans l'accord? Cela me semble logique. C'est ce que souhaite la population. Cela coûte beaucoup moins cher que de garder les patients à l'hôpital, mais je crois néanmoins que ces soins ne sont pas offerts aussi rapidement qu'ils le devraient.
M. Sussman : Je suis d'accord sur le fait que ces soins ne sont pas offerts aussi rapidement qu'ils le devraient. Ceux qui ont eu recours aux soins palliatifs savent que c'est souvent un moment très difficile dans la vie des gens; et pourtant, les gens sont très reconnaissants que ces soins soient offerts, reconnaissants du soutien qui est offert à l'un de leurs proches pour qu'il puisse mourir soit chez lui, soit dans un centre de soins palliatifs. Ces soins sont souvent donnés à l'hôpital, vu la complexité de la gestion des symptômes, mais ils peuvent aussi être offerts dans un établissement de soins palliatifs. Toutefois, la plupart des gens meurent dans des services d'hôpital sans avoir accès aux soins palliatifs.
Il faut répandre l'usage de ces soins. Au Manitoba, c'est un problème qui touche plus particulièrement les gens de l'extérieur de Winnipeg. Nous avons un excellent programme de soins palliatifs à Winnipeg. Il faut encore y apporter certaines améliorations dans certains hôpitaux communautaires; mais surtout dans les hôpitaux de soins tertiaires, ces soins n'ont pas été offerts aussi fréquemment qu'il le faudrait au Manitoba.
Nous pourrions dresser une liste de 25 ou 35 éléments essentiels sur lesquels il faudrait se pencher. Je suis fortement convaincu qu'il faut avoir davantage de soins palliatifs, que nous ne posons pas vraiment la question et que nous n'avons pas la conversation difficile que cela exige. Nous commençons souvent des traitements qui n'offrent pas d'avantages réels pour éviter cette conversation, mais ce faisant, nous n'aidons pas convenablement la personne mourante.
Je crains par contre que l'accord s'éparpille et qu'il contienne tant de sujets que rien ne sera fait. Pour commencer, on ne sera pas capable de faire le suivi de toutes ces mesures; et deuxièmement, les provinces ne seront pas en mesure d'agir de façon ciblée dans tant de dossiers.
Si on décide de cibler des domaines précis, il faudra les limiter. Cela pourrait se faire dans le cas du dossier des aînés; même si la question des soins palliatifs ne touche pas exclusivement les aînés, c'est un élément important de ce dossier.
Le sénateur Cordy : Cela pourrait s'inscrire dans ce dossier général plutôt que comme dossier distinct.
M. Sussman : Oui.
M. McNamara : J'ajouterai brièvement que je ne suis pas tout à fait du même avis que M. Sussman à ce sujet. Je trouve que les soins palliatifs sont importants. Les soins de fin de vie sont l'un des services les plus coûteux que nous examinons. C'est extrêmement difficile.
Nous avons élargi notre programme de médicaments, ou nous le ferons au début de l'année prochaine, afin de pouvoir offrir gratuitement les médicaments aux patients qui sont en soins palliatifs. Je sais que d'autres provinces l'ont déjà fait. C'est une façon d'encourager les patients à rester chez eux. Auparavant, ils allaient à l'hôpital parce qu'autrement, ils devaient payer les médicaments.
Deuxièmement, il faudra accroître nos efforts pour éviter que les gens meurent au service d'orthopédie, puisque le personnel de ce service ne sait pas comment s'occuper d'eux. Ce n'est pas que le personnel est mauvais; ce sont de bonnes personnes qui n'ont pas reçu la formation pour cela. Nous devons faire mieux. Ces patients ont grandement contribué à nos communautés et nous devons trouver le moyen de les aider lorsqu'ils arrivent à la fin de leur vie.
Le président : Au nom de mes collègues, je vous remercie beaucoup de votre franchise sur les questions dont nous avons traité aujourd'hui. Vos réponses ont beaucoup ajouté aux témoignages que nous avons déjà reçus dans notre examen et nous permettent de bien comprendre les enjeux des provinces dans ce domaine très important.
L'aspect positif qui ressort de vos propos, c'est que vous avez tous deux indiqué qu'il est important que toutes les provinces travaillent de concert pour réaliser des progrès. Nous aurons l'occasion de rencontrer au moins l'un de vous de nouveau cette semaine et d'avoir, peut-être, une discussion plus étendue sur certaines de ces questions.
Cela dit, je remercie mes collègues d'avoir posé des questions précises.
(La séance est levée.)