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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule No. 10 - Témoignages du 8 février 2012


OTTAWA, le mercredi 8 février 2012

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 16, pour étudier la cohésion et l'inclusion sociales au Canada.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie. Je suis un sénateur originaire de la Nouvelle-Écosse et je préside ce comité. Je vais maintenant demander à mes collègues de se présenter, en commençant par le vice-président, à ma gauche.

Le sénateur Eggleton : Je suis Art Eggleton, vice-président et sénateur de Toronto.

Le sénateur Cordy : Je suis Jane Cordy, sénateur de Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Martin : Je suis Yonah Martin, de Vancouver, Colombie-Britannique. Bienvenue.

Le sénateur Demers : Je suis Jacques Demers, de la province de Québec.

Le sénateur Seth : Bienvenue. Je m'appelle Asha Seth. Je viens de Toronto.

Le sénateur Eaton : Je suis Nicky Eaton, de Toronto.

Le sénateur Seidman : Bon après-midi. Je suis Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le sénateur Callbeck : Je suis Catherine Callbeck, de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le président : Pour la gouverne de nos nouveaux membres, je vais prendre un instant pour rappeler que nous faisons une étude sur la cohésion et l'inclusion sociales au Canada. Nous avons terminé la première phase de cette étude, qui portait sur la pauvreté, le logement et l'itinérance dans les grands centres urbains, en déposant un rapport en décembre 2009. Le comité est alors passé à la deuxième phase, qui porte sur l'inclusion et la cohésion sociales.

Onze séances ont été prévues pour cette phase de l'étude et six d'entre elles ont eu lieu avant la dissolution du Parlement, le 25 mars 2011. Le comité a reçu, le 22 novembre 2011, un nouvel ordre de renvoi l'autorisant à poursuivre son étude. Cet ordre autorisait également le renvoi au comité des documents reçus, des témoignages entendus et des travaux accomplis par le comité sur ce sujet depuis le début de la première session de la 39e législature.

C'est notre septième séance. Je vais examiner l'ordre du jour avec mes collègues et rappeler que nous avons deux groupes de témoins. L'audition du premier groupe se terminera à 17 h 15 et nous commencerons alors, le plus tôt possible, l'audition du deuxième groupe, qui prendra fin à 18 h 15.

Est-ce d'accord, chers collègues?

Des voix : D'accord.

Le président : Nous allons entendre aujourd'hui ceux qui travaillent en première ligne pour aider les groupes exclus à participer plus activement à la vie sociale et économique de leur communauté. J'ai le plaisir d'accueillir Dwight Dorey et ses collègues, Angela Mojak et Jerry Peltier. Merci de vous joindre à nous aujourd'hui. Je crois que M. Dorey va faire une déclaration et que les trois témoins pourront répondre à nos questions. Monsieur Dorey, la parole est à vous.

Dwight Dorey, chef national adjoint, Congrès des Peuples Autochtones : Bon après-midi monsieur le président, sénateur Ogilvie et membres du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

J'aimerais prendre un moment pour reconnaître et remercier les Algonquins, qui nous accueillent aujourd'hui sur leurs terres ancestrales.

Je vous remercie de me permettre de vous parler de la question de l'inclusion et de la cohésion sociales au Canada, tout particulièrement dans le contexte de l'intégration économique des Autochtones vivant en milieu urbain.

Je m'appelle Dwight Dorey et je suis un Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse; je suis vice-chef national du Congrès des Peuples Autochtones. Depuis plus de 30 ans, je défends activement les droits des Autochtones hors réserve. Comme vous le savez, le Congrès des Peuples Autochtones est un organisme autochtone national qui représente les droits et les intérêts des Indiens, inscrits ou non, et des Métis des milieux urbain, rural, éloigné et isolé, qui vivent à l'extérieur des réserves au Canada. J'aimerais réaffirmer que nous appuyons les travaux de recherche liés à l'inclusion et à la cohésion sociales que ce comité a entrepris en se penchant sur les grandes villes du Canada et leurs populations autochtones.

Même si la situation a évolué favorablement depuis 1971, les problèmes sociaux continuent d'avoir des répercussions sur nos villes, nos sociétés et nos peuples. Compte tenu de l'avènement de technologies améliorées, l'accessibilité constitue une difficulté majeure et lève le voile sur l'écart grandissant qui existe entre les mieux nantis et les plus défavorisés.

Le Congrès des Peuples Autochtones réaffirme qu'il appuie les recommandations formulées dans le rapport du sous- comité sénatorial en ce qui a trait à la réduction de la pauvreté, à l'élaboration d'une stratégie nationale pour le logement et la lutte contre l'itinérance, à l'éducation des jeunes enfants, à la santé et, surtout, à la création d'un groupe de travail autochtone chargé d'établir des priorités pour les Autochtones vivant en milieu urbain. Comme nous l'avons déjà mentionné, nous aimerions offrir notre aide en vue de la création et de la mise en place de ce groupe de travail.

Il est essentiel à l'amélioration de l'évaluation et des programmes sociaux de suivre la recommandation voulant que l'on offre un plus grand soutien à Statistique Canada pour la collecte, l'analyse et la diffusion de données exactes; cette mesure est également importante pour le congrès, qui continue de l'appuyer. Ces données et renseignements sont nécessaires à la prise de décisions importantes étayées par des faits en ce qui concerne les politiques et les programmes destinés aux Autochtones vivant en milieu urbain.

Nombre d'initiatives de recherche ont été menées concernant les indicateurs liés aux jeunes Autochtones et leur incidence sur la criminalité chez ces jeunes. Les résultats de ces initiatives confirment les résultats de recherche obtenus sur les plans de la santé et de la sociologie, à savoir que l'exclusion, la pauvreté et l'oppression sont des causes de la criminalité.

Grâce aux travaux du Congrès des Peuples Autochtones sur de nombreuses activités criminelles de gangs de jeunes Autochtones, on a découvert que les jeunes ne décident pas nécessairement en leur âme et conscience de prendre part à de telles activités. Ils sont issus des secteurs défavorisés des centres urbains, et le fait d'avoir baigné toute leur vie dans ce milieu les amène à adopter les comportements qui trop souvent le caractérisent. Nous commençons à constater que certains gangs comptent dans leurs rangs des jeunes dont les parents faisaient ou font encore partie de ce milieu criminalisé.

Plus les jeunes Autochtones sont fiers et sentent que leur identité culturelle est reconnue, moins ils sont susceptibles de devenir alcooliques ou toxicomanes, de se joindre à un gang ou de prendre part à des activités criminelles.

Par conséquent, nous découvrons que les jeunes Autochtones sont laissés pour compte dans le système d'éducation actuel. Le moment n'est-il pas venu d'utiliser les résultats de ces recherches approfondies et d'élaborer des modèles de solution pour s'attaquer aux problèmes de la pauvreté, de l'éducation et de l'emploi chez les Autochtones vivant en milieu urbain?

On a démontré qu'il existe un lien entre la pauvreté et la maladie. Les résultats de nombreuses années de recherche sur les causes des problèmes sociaux et des problèmes de santé graves nous ont amenés à cette conclusion. Il y a donc des exemples d'exclusion sociale et de manque de cohésion communautaire dans les collectivités où les deux variables sont présentes.

Tel qu'il a été mentionné antérieurement, le Canada refuse toujours d'accorder aux peuples autochtones le pouvoir de légiférer partout sur les terres décrites à l'article 91.24 en ce qui touche les Métis et les Indiens non inscrits, conformément à l'article 35 de la Loi constitutionnelle. Par conséquent, plus de 600 000 Métis et Indiens non inscrits se trouvent maintenant dans une impasse en matière de compétence où il y a peu de programmes gouvernementaux en place pour les peuples autochtones, voire aucun programme de ce type.

Selon les résultats préliminaires de l'Enquête régionale sur la santé des Autochtones (2008-2010) réalisée par Services économiques TD, Recensement du Canada et Statistique Canada, le ralentissement économique de 2008 a duré plus longtemps et s'est révélé plus difficile pour les populations autochtones que pour le reste de la population canadienne.

Statistique Canada, dans sa publication du 13 mai 2010 intitulée Le point sur la situation des autochtones sur le marché du travail, indiquait que le taux de chômage chez les peuples autochtones en 2009 était près de deux fois supérieur à celui des populations non autochtones du Canada. En effet, pour l'année en question, le taux de chômage des peuples autochtones était de 13,9 p. 100 en comparaison à 8,1 p. 100 pour les non-Autochtones.

Le 28 avril 2010, les premiers ministres du pays et les chefs des cinq organisations autochtones nationales se sont réunis à Toronto et se sont vu remettre un rapport produit par des ministres provinciaux et territoriaux et des représentants autochtones, intitulé Cadre d'intervention pour favoriser l'éducation et le développement économique des Autochtones et mettre un terme à la violence faite aux femmes et aux filles autochtones.

Ce rapport et les recommandations qui en découlent ont été adoptés et les représentants ont été chargés de mettre en œuvre les mesures recommandées et de se concentrer sur trois objectifs, dont un que j'aborderai aujourd'hui : le développement économique et la diminution de l'écart de revenu.

Dans le domaine du développement économique, les premiers ministres ont demandé au Groupe de travail sur les affaires autochtones d'étudier les possibilités régionales concernant l'infrastructure, le micro-financement et le partage des revenus tirés des ressources, ainsi que la mise en commun des pratiques exemplaires en matière de développement économique.

Les ministres et les chefs concernés ont confirmé qu'il est essentiel, pour améliorer les conditions socioéconomiques et réduire l'écart qui continue de séparer les peuples autochtones et les Canadiens non autochtones, d'établir un processus solide axé sur la collaboration qui suppose la participation des ministres provinciaux et territoriaux des Affaires autochtones, des chefs des organisations autochtones nationales ainsi que du gouvernement fédéral.

De plus, il a été convenu que les membres du groupe de travail et le gouvernement fédéral ont de nombreuses priorités en commun. Dans les domaines prioritaires communs où des politiques et des programmes existent déjà ou sont envisagés, la participation du gouvernement fédéral est essentielle à l'atteinte de résultats concrets et mesurables pour tous les peuples autochtones du Canada. La participation du gouvernement du Canada est également essentielle à la mise en œuvre efficace des recommandations énoncées dans le rapport.

En plus de sa participation aux activités du Groupe de travail sur les affaires autochtones, le congrès a élaboré une stratégie de développement économique qui prévoit des mesures axées sur les résultats; je vais vous parler à l'instant de deux des recommandations en cause.

La première recommandation porte sur le développement de l'entrepreneuriat autochtone. À cet égard, le congrès fournira des services de soutien aux entreprises autochtones nouvelles et de plus longue date, notamment en ce qui touche les évaluations d'entreprises, les plans d'affaires et de marketing ainsi que le mentorat pour les propriétaires.

La deuxième recommandation consiste à mettre l'accent sur le développement du capital humain autochtone. Le congrès y contribuera en veillant à ce que les peuples autochtones bénéficient d'un plein accès à des initiatives de perfectionnement des compétences et de formation adaptées à leurs entreprises et en prenant part à l'exécution de programmes de formation qui permettront aux entrepreneurs d'acquérir les compétences dont ils ont besoin dans le domaine des affaires pour détenir et gérer des entreprises fructueuses.

Ces recommandations et ces mesures peuvent facilement être appliquées par tous les organismes provinciaux et territoriaux du congrès.

Nous avons là une véritable occasion de sensibiliser la population aux problèmes économiques auxquels sont confrontés les peuples autochtones et de travailler en collaboration avec le gouvernement fédéral par l'intermédiaire du Groupe de travail sur les affaires autochtones et avec les équipes provinciales en vue d'examiner et de régler certains de ces problèmes.

Je crois que l'avenir est rempli d'espoir et que tous les peuples autochtones se tailleront une place en tant que collectivités contributives, distinctes et compétentes dotées des outils politiques nécessaires pour protéger leurs identités, leurs cultures et leurs sociétés. En terminant, nous vous demandons de faire tout votre possible pour éviter que les générations autochtones actuelles et futures ne sombrent dans l'oubli.

Je vous remercie. Je vous ai remis un livre. Il date un peu vu qu'il a été publié en 2005, mais vous pourrez y trouver, je pense, un grand nombre des questions que vous avez examinées en ce qui concerne les débouchés économiques des peuples autochtones. Cela pourrait vous intéresser. Merci.

Le président : Merci infiniment, monsieur Dorey.

Le sénateur Eggleton : Nous nous intéressons surtout à l'inclusion et à la cohésion sociales dans le contexte de nos villes, car on nous dit que la majorité des Autochtones du pays vivent maintenant dans les villes. Vous avez parlé un peu de certaines des pressions et difficultés que suscite la vie en milieu urbain, hors réserve. Je voudrais d'abord vous poser une question au sujet du problème des bandes de jeunes. Vous avez mentionné dans votre exposé que certains de ces jeunes suivent les traces de leurs parents.

Je crois que votre organisme a un Conseil des jeunes Autochtones et j'aimerais donc savoir ce qu'il fait, ou ce que le congrès fait, pour surmonter ce problème et quelle est l'aide supplémentaire que nous pourrions, ou que le gouvernement pourrait apporter pour résoudre le problème des bandes de jeunes dans nos villes.

M. Dorey : Le congrès a un conseil des jeunes qui se réunit de temps à autre. Le problème est que nous manquons toujours de ressources pour faciliter le genre d'activités auxquelles les jeunes aimeraient participer. À part les réunions qu'il tient périodiquement au niveau national pour discuter de certains de leurs sujets d'intérêt commun, il travaille ensemble pour élaborer des projets et des propositions en vue d'organiser diverses activités centrées sur le problème des bandes de jeunes et les mesures de prévention dans ce domaine.

Le sénateur Eggleton : Travaille-t-il avec la police ou d'autres organismes communautaires?

M. Dorey : Oui. Cela varie d'une région à l'autre pour ce qui est des initiatives et des activités locales des jeunes. Dans certaines régions, il y a un peu plus de cohésion et il travaille avec les forces policières, les centres d'amitié et les autres organismes qui sont là pour soutenir les jeunes.

Le sénateur Eggleton : La communauté aide-t-elle à faire le lien avec le reste de la société ou a-t-elle tendance à s'intéresser uniquement à sa propre situation au lieu d'essayer de nouer des relations plus étroites avec la police et d'autres organismes communautaires?

M. Dorey : Cela varie, selon la situation. Dans certaines grandes villes, il y a davantage de participation interculturelle et intersectorielle. Dans les petites localités, ce n'est pas toujours aussi important, mais cela dépend des activités qui soutiennent les initiatives entreprises dans ces régions pour aider les jeunes, que ce soit des programmes ou des services provinciaux ou municipaux.

Le président : Monsieur Peltier, voudriez-vous ajouter quelque chose à ce sujet?

Jerry Peltier, conseiller national, Congrès des Peuples Autochtones : Juste une brève observation, monsieur le sénateur. Nous avons eu deux tribunes nationales, l'année dernière et l'année d'avant. L'une a eu lieu à Winnipeg et l'autre à Regina. Nous pourrions sans doute vous faire part des conclusions de ces deux réunions importantes. Toutes les personnes qui travaillent dans le domaine de l'application de la loi ou qui s'occupent des détenus avaient été invitées. Des policiers y ont participé. Il y a eu aussi d'autres groupes de soutien. Nous comptons organiser d'autres réunions lorsque nous obtiendrons des ressources supplémentaires.

Le sénateur Eggleton : Dans le domaine du développement économique, dans quelle mesure le racisme, la discrimination et les préjugés contre les personnes autochtones posent-ils un problème? Est-ce en augmentation ou en diminution? À quel point est-ce répandu dans les villes?

M. Dorey : Ce problème existe encore, sans aucun doute. Il se pose dans de nombreux domaines. Cela varie aussi d'une ville à l'autre. Nous constatons souvent que pour cette raison, les personnes de notre peuple ont tendance à rester entre elles.

Le sénateur Eggleton : Très bien, mais elles doivent rejoindre le reste de la société pour obtenir certains emplois et elles sont donc confrontées à ce problème.

Je peux comprendre que les gens qui ont beaucoup de difficulté à joindre les deux bouts, à obtenir un emploi décent et le genre de services dont ils ont besoin, par exemple au niveau municipal, ont tendance à ne pas trop participer aux activités de l'ensemble de la société. Lorsque je siégeais au conseil municipal de Toronto et que j'étais maire de Toronto, je ne me souviens pas de qui que ce soit d'origine autochtone, mais j'ai peut-être oublié. Je me souviens d'un policier qui était d'origine autochtone. Les Autochtones ne participent pas suffisamment à l'ensemble de la société et ne s'y sentent peut-être pas suffisamment à l'aise étant donné toutes les autres difficultés qu'ils ont à joindre les deux bouts, à obtenir un emploi et à nourrir leur famille, et cetera. Est-ce encore un obstacle important pour l'interaction entre les Autochtones et l'ensemble de la société? C'est ce que j'essaie d'établir.

M. Dorey : D'après ma propre expérience, le problème se pose encore. Il y a toujours certains membres de notre communauté qui arrivent bien à progresser et à s'intégrer, si vous voulez, sans toutefois s'assimiler, mais il est rare, je dirais, que quelqu'un puisse y arriver. Une bonne partie de notre population ressent la différence culturelle. Si ce n'est pas de la discrimination directe, c'est quand même assez évident, ce qui leur cause des difficultés. Nous constatons, dans divers secteurs, que ceux qui font un effort pour s'intégrer, que ce soit comme policiers, dans l'armée ou ailleurs, arrivent à y entrer, mais souvent, ils ne restent pas là bien longtemps et cela reste donc un problème.

M. Peltier : Le congrès est un organisme national politique et je pense que l'Association nationale des centres d'amitié serait mieux en mesure de répondre au genre de questions que vous posez. Je crois qu'elle comparaît devant vous aujourd'hui.

Le sénateur Eggleton : Elle comparaît après vous.

M. Peltier : Elle est en première ligne et surtout sur le terrain. Elle pourrait vous donner quelques réponses.

Le sénateur Eaton : Dans le cadre du rapport auquel nous avons travaillé l'année dernière, nous avons appris qu'en ce qui concerne les soins de santé communautaires, par exemple, tout marchait bien quand l'initiative venait des Premières nations qui faisaient appel à des experts selon les besoins, quand l'initiative venait d'elles. Ce n'était pas des programmes imposés ou venant de l'extérieur. Avez-vous des programmes, ou avez-vous conçu vous-mêmes des programmes pour lesquels vous manquez de financement ou de personnel? Je suppose que vous devez compter sur la nouvelle génération, celle qui va actuellement à l'école, pour améliorer les choses. Pour ce qui est des gens de notre âge, les choses sont ce qu'elles sont.

Avez-vous des programmes que vous voudriez lancer et qui ont besoin d'un soutien financier ou d'un soutien spécialisé?

M. Dorey : Nous en avons quelques-uns, mais comme la plupart de ces activités ont lieu au niveau provincial ou territorial, nos filiales provinciales-territoriales participent largement à l'élaboration de programmes qui sont...

Le sénateur Eaton : Adaptés à chaque communauté locale?

M. Dorey : Oui, et qui tiennent compte des besoins de la communauté, de la culture et de ce genre de choses. À l'occasion, nous participons à l'élaboration et à la promotion de programmes à l'échelle nationale, mais ce n'est pas très souvent.

Le sénateur Eaton : Par exemple, quand vous rencontrez le gouvernement fédéral, lui proposez-vous des idées de programmes d'éducation — ce qui constitue sans doute le principal obstacle — dans les domaines qui intéressent les jeunes Autochtones? Allez-vous dire au gouvernement fédéral : « Voici ce dont nous avons besoin pour que tel pourcentage de nos enfants aillent à l'école », ou « Voici ce dont nous avons besoin pour obtenir de meilleurs soins de santé »?

M. Dorey : Nous le faisons dans une certaine mesure, encore une fois parce que l'éducation relève principalement des provinces. Nous nous occupons des gens qui vivent hors réserve.

Le sénateur Eaton : S'ils vivent hors réserve, le gouvernement fédéral ne s'occupe pas d'eux, n'est-ce pas? Ils relèvent de la province?

M. Dorey : Si vous êtes Indien non inscrit ou Métis, c'est largement le cas. Cela dit, certains de nos organismes provinciaux ont quand même quelques programmes orientés vers la culture, surtout pour les enfants d'âge préscolaire et les plus jeunes.

M. Peltier : Récemment, comme vous le savez sans doute, dans le cadre du nouveau mandat du gouvernement actuel, le rôle du ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord Canada a été modifié. C'est maintenant Affaires autochtones et Développement du Nord et le ministre des Affaires indiennes et du Nord a de nouveaux pouvoirs. Les autorités peuvent maintenant rencontrer directement les représentants du Congrès des Peuples Autochtones.

Nous discutons avec le gouvernement fédéral et nous préparons une feuille de route pour pouvoir travailler ensemble au niveau national. En même temps, nous rencontrons aussi les gouvernements provinciaux et leurs ministres des Affaires autochtones. Un gouvernement ne peut pas s'en charger à lui seul; il faut un partenariat entre les autorités fédérales et provinciales et, bien entendu, les municipalités.

Le sénateur Eaton : Ai-je raison de croire qu'il vaut mieux que les programmes émanent de vous plutôt que de quelqu'un de l'extérieur qui vous les impose?

M. Peltier : Assurément.

Le sénateur Cordy : Si nous prenons les problèmes sociaux qui, bien souvent, ont malheureusement un effet négatif sur les Autochtones qui vivent en milieu urbain, il est difficile de les considérer séparément, car tous ces éléments doivent être réunis pour améliorer la situation.

L'ancienne enseignante que je suis souhaite revenir sur ce que le sénateur Eaton a dit au sujet de l'éducation. Vous avez des taux de scolarisation plus faibles et les statistiques que je vois montrent qu'un grand nombre d'étudiants autochtones abandonnent leurs études secondaires ce qui crée déjà un obstacle pour leur inclusion dans la société.

En tant que comité qui étudie l'inclusion sociale — et il est triste de voir où en est l'inclusion des peuples des Premières nations dans notre société en 2012 —, que devrions-nous suggérer ou recommander sur le plan social, en ce qui concerne particulièrement l'éducation, mais aussi l'ensemble des enjeux sociaux, pour assurer l'inclusion des Autochtones dans nos régions urbaines?

M. Peltier : Je peux essayer de répondre en partie à votre question. Vous recevrez sans doute la visite de l'Association des collèges communautaires du Canada. Je pense qu'elle est déjà venue ici. Nous l'avons rencontrée, nous lui avons parlé et nous travaillons en collaboration avec elle. Nous partageons notamment les mêmes inquiétudes au sujet du renouvellement du Transfert canadien en matière de programmes sociaux. Le Transfert canadien en matière de programmes sociaux, qui transfère des fonds aux provinces et aux territoires, finance l'éducation postsecondaire ainsi que l'aide sociale, les services sociaux, le développement de la petite enfance, l'apprentissage des jeunes enfants et les services de garde à la petite enfance. Nous voulons être consultés et participer aux discussions si des fonds sont transférés aux provinces.

Une réunion des premiers ministres des provinces a eu lieu, il y a environ trois semaines. Les dirigeants autochtones n'ont pas été invités, mais nous y sommes allés quand même. Pour revenir à votre question, pour répondre aux besoins de nos communautés et de nos populations autochtones, nous devons être présents à ces réunions et participer à ce processus.

Le sénateur Cordy : Devrions-nous recommander qu'en ce qui concerne le Transfert canadien en matière de programmes sociaux, les peuples autochtones participent aux discussions?

M. Peltier : Certainement.

Le sénateur Cordy : Pensez-vous que cela vous aiderait particulièrement sur le plan de l'éducation?

M. Peltier : Nous avons vu, par le passé, que les fonds que le gouvernement fédéral transférait aux provinces se perdaient dans l'enveloppe globale des transferts. Lorsque nous avons enfin accès à cet argent pour les membres de notre communauté, il a déjà servi, en grande partie, à payer les coûts d'administration et autres.

S'il existe un moyen de réserver une partie de cet argent en fonction de notre population, à partir des statistiques et des renseignements disponibles, les peuples autochtones en obtiendraient un certain pourcentage par habitant.

Le sénateur Demers : Après avoir entendu M. Peltier, je voulais parler des jeunes et des bandes, mais il est peut-être préférable d'aborder cette question avec le prochain groupe. Je vais attendre, car M. Peltier a dit que ce serait préférable.

Le sénateur Callbeck : Vous avez mentionné la réunion d'avril 2010 avec les premiers ministres. Un rapport présenté à cette occasion contenait des recommandations au sujet du développement économique, de l'éducation et de la violence faite aux femmes et aux enfants. Vous ajoutez dans votre mémoire que les premiers ministres ont donné des instructions au Groupe de travail sur les affaires autochtones.

Était-il fait mention du gouvernement fédéral dans ce rapport ou dans cette stratégie cadre à l'égard de ces trois enjeux?

M. Peltier : Je peux sans doute répondre à cette question, car je fais partie du Groupe de travail sur les affaires autochtones où je représente le Congrès des Peuples Autochtones. Le chef Dorey a seulement été élu en octobre et ce dossier est donc assez nouveau pour lui.

J'ai participé à ces discussions. Le gouvernement fédéral y a fait une apparition. Je crois que le ministre Strahl est venu parler du plan d'action fédéral et de sa stratégie de développement économique, mais le gouvernement fédéral est resté silencieux depuis. Il n'a plus participé au groupe de travail depuis ce moment-là.

Le sénateur Callbeck : Dans les recommandations formulées dans le rapport intitulé Cadre d'intervention pour favoriser l'éducation et le développement économique des Autochtones et mettre un terme à la violence faite aux femmes et aux filles autochtones, le gouvernement fédéral était-il mentionné?

M. Peltier : Nous travaillons à une entente-cadre qui sera présentée aux ministres provinciaux et territoriaux responsables des affaires autochtones à l'occasion d'une réunion qui aura lieu en avril prochain, à Toronto. Nous recommanderons alors aux premiers ministres provinciaux et aux dirigeants autochtones la tenue d'une conférence des premiers ministres sur l'éducation.

Le sénateur Callbeck : Les recommandations de ce rapport ont été adoptées, mais aucune d'elles ne faisait mention du gouvernement fédéral. Vous parlez du développement économique et vous mentionnez le microfinancement. Avez- vous eu le temps d'explorer ces questions ou des programmes ont-ils été mis sur pied pour les Autochtones?

M. Peltier : Non, ce travail est en cours.

Le sénateur Callbeck : Vous nous avez parlé des recommandations concernant le développement économique. Quelles étaient les recommandations au sujet de la violence faite aux femmes et aux filles, de même qu'au sujet de l'éducation, qui étaient les deux autres objectifs?

M. Peltier : L'association nationale des femmes pilote ce dossier du côté autochtone. Nous y participons, mais c'est elle qui est chargée de ce dossier.

Le sénateur Callbeck : D'accord, pour la violence. Mais pour l'éducation?

M. Peltier : Comme je l'ai dit, pour ce qui est de l'éducation, nous préparons une entente-cadre qui sera présentée aux premiers ministres et ces derniers écriront ensuite une lettre au premier ministre pour lui demander la tenue d'une conférence des premiers ministres à ce sujet.

Le sénateur Callbeck : Vous allez recommander la participation du gouvernement fédéral?

M. Peltier : Absolument.

Le sénateur Martin : Comment les Autochtones qui vivent hors réserve et les Indiens non inscrits des centres urbains ont-ils accès aux ressources et aux services à leur disposition? Êtes-vous présents dans les villes comme les centres d'amitié? Avez-vous un bureau ou est-ce plutôt un service à distance, par exemple par Internet? Par exemple, à Vancouver, la ville d'où je viens, comment la communauté autochtone fait-elle pour obtenir les services et les ressources que vous fournissez?

M. Dorey : Le congrès a une filiale en Colombie-Britannique qui s'appelle United Native Nations of B.C. et qui a des bureaux au centre-ville de Vancouver. Les personnes qui recherchent des programmes et des services en ville vont là-bas. Dans bien des cas, les centres d'amitié ont davantage de programmes et de services pour leur clientèle urbaine que les organisations, mais nous en avons quelques-uns.

Le sénateur Martin : Vos filiales et les centres d'amitié des régions travaillent-ils ensemble sur certains dossiers?

M. Dorey : C'est exactement ainsi que cela fonctionne. Cela varie d'une ville à l'autre selon les programmes ou les activités auxquels chacun participe.

Le sénateur Martin : Je m'intéresse à la communauté autochtone urbaine. Les gens sont-ils informés des ressources à leur disposition? Savent-ils qu'ils peuvent avoir accès à ces ressources? Comment les rejoignez-vous pour qu'ils soient informés de tous les programmes existants? L'accès à l'information pourrait être un obstacle dans bien des cas. Quel genre de programme communication avez-vous pour assurer une bonne diffusion de l'information?

M. Dorey : Dans les centres urbains, l'information est plus facilement accessible, de même que les programmes et services disponibles. Dans les régions rurales et les petites villes, c'est un peu plus difficile. Certains de nos organismes et filiales offrent des programmes et services étendus pour rejoindre les gens. Dans d'autres cas, ce n'est pas offert. Une bonne partie de l'information sur l'accès aux programmes et leur disponibilité est diffusée à l'occasion des réunions communautaires ou simplement par le bouche à oreille.

M. Peltier : Pour poursuivre sur la diffusion de l'information ou la recherche de renseignements, les groupes de travail du gouvernement provincial ont, dans leur site web, une rubrique d'information ou d'exemples de réussites où les gens peuvent obtenir ce genre de renseignements. Je crois que le gouvernement fédéral en a une aussi. De nos jours, grâce à Facebook, les gens peuvent facilement échanger ces renseignements.

Le sénateur Martin : Il peut y avoir un choc culturel pour les personnes qui arrivent en ville. J'ai eu l'occasion de poser des questions à une étudiante du secondaire autochtone qui m'a parlé du choc qu'elle éprouve chaque fois qu'elle retourne dans la réserve, l'été. Quel genre de renseignements diffuse-t-on dans les réserves pour ceux qui songent à partir? Dans le cas des immigrants, les fournisseurs de services aux immigrants offrent des services de préparation et d'éducation avant le départ.

Ces lacunes ont-elles été comblées? On pourrait préparer les gens à l'avance pour affronter ce choc culturel.

M. Dorey : Quand nos enfants vont en ville pour faire des études postsecondaires, ils ont à leur disposition un très solide réseau d'appui et d'information. Néanmoins, quand les gens décident soudainement d'aller chercher un emploi, par exemple, le soutien n'est pas très présent. Cela dit, cela dépend des ressources disponibles, que ce soit par l'entremise de notre filiale provinciale ou du centre d'amitié local. Il y a des programmes et des services de ce genre et la plupart des membres de notre communauté cherchent à les obtenir. Ils communiquent avec les personnes de la région.

Le sénateur Martin : L'accès à l'information ne vous pose pas de problème. Pensez-vous qu'il est facile d'avoir accès à l'information?

M. Dorey : Oui.

Le sénateur Seidman : Chef Dorey, dans votre mémoire, vous proposez deux recommandations émanant de votre stratégie de développement économique. Je voudrais savoir ce que le CPA considère comme le principal obstacle qui empêche la population autochtone de mieux participer à l'économie en milieu urbain.

M. Dorey : C'est surtout une question de ressources. Par exemple, nous sommes en train d'envisager l'embauche d'agents de développement économique dans chacun de nos organismes affiliés et même d'avoir quelqu'un au niveau national. Nous n'avons pas encore ce genre de personnel ni les moyens de le rémunérer.

Pour ce qui est du développement économique, tout ce que nous pouvons faire se résume à peu près à diriger les gens, par exemple vers Entreprise autochtone Canada ou à la banque locale qui a un responsable des prêts aux Autochtones ou un service de ce genre. Notre intervention se limite à peu près à cela en ce qui concerne le développement économique.

Le sénateur Seidman : Quel est, selon vous, le principal obstacle que doivent surmonter les jeunes Autochtones des villes pour mieux participer au développement économique et à l'économie?

M. Dorey : C'est vraiment l'accès aux ressources, tant sur le plan des capitaux que du soutien par l'intermédiaire, comme je l'ai dit, d'agents de développement économique, par exemple, dont ce sera le rôle.

Le sénateur Seidman : Avez-vous des suggestions particulières, deux ou trois principales suggestions pour que nous puissions mieux soutenir les Autochtones vivant hors réserve qui essaient de participer à l'économie.

M. Dorey : Oui. Comme je l'ai dit, nous demandons au gouvernement fédéral des ressources pour embaucher des agents de développement économique au sein de chacune de nos filiales provinciales. Nous pensons que ce serait l'initiative la plus bénéfique pour aider ces personnes en ayant quelqu'un sur place chargé de jouer ce rôle, qui pourra orienter les gens, qu'ils soient à la recherche d'un prêt d'entreprise ou d'une formation commerciale. Ces personnes auront pour rôle de soutenir ce genre d'initiatives.

Le sénateur Seth : Monsieur Dorey, je voudrais poser une question. Quand les Autochtones quittent la réserve pour aller vivre en ville, ont-ils des problèmes médicaux qui ne sont pas soignés par un professionnel de la santé? Lorsqu'ils arrivent de la réserve, il se peut qu'une faible estime de soi ou un manque de confiance en eux les conduise à une dépression. Ont-ils besoin de soins médicaux particuliers ou, si c'est le cas, cherchent-ils à obtenir une aide médicale? Pensez-vous qu'il y a des difficultés de cet ordre?

M. Peltier : Je peux essayer de répondre à votre question. Tout d'abord, je pense qu'il y a des centres de santé autochtones pour la population autochtone. Je suppose que la population non inscrite est celle qui a le plus besoin d'aide, et le chef Dorey y a fait allusion, du fait qu'elle n'est pas reconnue en vertu de l'article 91.24.

Pour ce qui est de mon expérience personnelle, je viens de la communauté mohawk, de Kanesatake. Quand je viens à Ottawa, si j'ai besoin de voir un médecin et d'obtenir une ordonnance, nous partons du principe que nos droits sont mobiles et que la santé est un droit issu de traités. Néanmoins, lorsque nous quittons notre communauté, j'ai constaté, la semaine dernière, à Ottawa, qu'on n'acceptait pas notre carte d'Indien inscrit, celle que je porte, pour reconnaître que nos soins de santé, nos médicaments prescrits doivent être couverts.

Je ne sais pas si c'était seulement dans la pharmacie où je suis allé, mais je suis sûr que ce problème se pose dans certains cas.

Le sénateur Seth : Je suis moi-même une professionnelle de la santé, un médecin. Je vois quelques patients qui viennent de régions différentes. Ils sont entièrement couverts, y compris pour les soins dentaires. Ils sont beaucoup plus couverts que nous ne le sommes en tant que non-Autochtones. J'ai parfois l'impression que le suivi est plus problématique que la prescription de médicaments et le reste. Je n'ai pas l'impression que les ordonnances sont remplies. Les Autochtones ont, en réalité, la priorité. Par conséquent, mon expérience est différente et je suppose que cela dépend de l'utilisation que les gens veulent en faire. L'ouverture est totale en ce qui concerne le domaine médical. Les Autochtones obtiennent un plein appui.

M. Peltier : Je suis certain que les professionnels de la santé autochtones, qui sont mieux renseignés, pourront répondre à certaines de ces questions.

Le sénateur Seth : Très bien, merci.

Le président : Chef Dorey, j'ai été vraiment impressionné par vos deux recommandations, car je crois vraiment que c'est le nœud du problème, et si vous pouviez y donner suite, elles serviront à faire reconnaître aux gens la nécessité d'une meilleure formation pour participer au développement de l'entrepreneuriat. En fait, vos recommandations correspondent à ce que l'on fait dans d'autres segments de la société pour les faire avancer. Il s'agit de développer l'entrepreneuriat et de mettre en place les soutiens voulus afin que les possibilités d'entrepreneuriat puissent être exploitées quand l'occasion se présente.

Je sais qu'en Nouvelle-Écosse, il y a eu un certain nombre d'initiatives autochtones vraiment fructueuses dans le domaine commercial et ailleurs. Bien entendu, il y en a aussi dans d'autres régions du pays, mais je suis surtout au courant de ce qui s'est passé en Nouvelle-Écosse.

Y a-t-il des possibilités pour ceux qui ont réussi à lancer des entreprises? En fait, nous avons certaines réserves qui gèrent d'importants projets en Nouvelle-Écosse et ailleurs. Cherche-t-on à amener les personnes qui sont à l'origine de ces réussites ou qui ont réussi dans divers secteurs des affaires dans les communautés autochtones à jouer le rôle de mentor auprès des autres membres de la communauté afin de servir de base à vos deux recommandations?

M. Dorey : Oui, ce sont de bonnes questions, monsieur le président.

Le Conseil canadien pour le commerce autochtone est en place depuis un certain nombre d'années. Je suis un ancien membre du conseil d'administration de cet organisme et c'est précisément le genre d'initiatives qu'il facilite sur le plan du mentorat. Le conseil compte un grand nombre de membres d'entreprises autochtones prospères qui jouent ce rôle et servent de modèles aux jeunes entrepreneurs de toutes les communautés autochtones, avec un certain succès.

Pour ce qui est de votre première question, je me reporterais de nouveau à mon livre. Un des auteurs est John Borrows, qui était professeur de droit à l'Université de Victoria sur le sujet de la gouvernance et de la justice autochtone. Dans son chapitre intitulé « Challenge, Change and Development in Aboriginal Economies », il y a un paragraphe concernant le capital que je vais vous citer. Il dit ceci :

Le principal obstacle direct au succès économique des Autochtones est peut-être le manque d'accès au capital naturel ou physique. Le capital naturel ou physique comprend à la fois les ressources financières (p. ex., les capitaux d'investissement, un revenu collectif regroupé dans des organismes de crédit, des bâtiments ou des machines) et des ressources naturelles (p. ex., les terres, les minerais ou l'eau). Une communauté peut avoir un vaste éventail de ressources physiques, mais la production exige un bon ensemble de capital fixe et variable.

Cela va de pair avec l'initiative que nous avons entreprise pour essayer de trouver des ressources afin d'avoir des agents de développement économique spécialement chargés d'aider la population vivant hors réserve, dans les grands centres urbains, et de l'aider à avoir accès au capital, à la formation et au mentorat. Le mentorat est particulièrement important.

Le président : Merci infiniment, car je pense que ce sont deux recommandations très importantes et je suis ravi d'entendre votre réponse à ma question.

Vous avez laissé au prochain groupe de témoins le soin de répondre à une ou deux questions et nous allons donc probablement avoir un peu de difficulté à respecter l'horaire établi. Le sénateur Eggleton voulait poser une question de plus. S'il peut le faire brièvement, nous allons essayer d'y répondre rapidement et conclure cette session.

Le sénateur Eggleton : Moi aussi, je pense que vous avez deux excellentes recommandations. Si cela aide les Autochtones urbains à être moins marginalisés et mieux intégrés dans nos villes, ce sera une excellente chose.

J'ai une brève question concernant certains chiffres. Vous dites que le taux de chômage est de 13,9 p. 100 chez les Autochtones contre 8,1 p. 100. Connaissez-vous le taux pour les jeunes? Le chômage chez les jeunes est généralement un peu plus élevé et il y a beaucoup de jeunes dans la communauté autochtone. Connaissez-vous les chiffres comparatifs?

M. Dorey : Non, pas précisément pour les jeunes, mais j'ai récemment reçu quelques statistiques du secteur du tourisme de Saskatchewan. Le Sask Trends Monitor estime que, d'ici 2013, 15 p. 100 de la population active âgée de 25 à 59 ans sera autochtone. D'ici 2023, on estime que 21 p. 100 de la population active âgée de 25 à 59 ans sera autochtone.

Ces prévisions montrent que ce sont les jeunes qui s'installent dans la région et c'est une situation vraiment préoccupante.

Le sénateur Eggleton : Nous devons veiller à ce qu'ils obtiennent des possibilités d'emploi.

M. Dorey : Absolument.

Le président : Cela nous ramène au début de votre rapport, à savoir les déterminants requis pour qu'ils puissent entrer sur le marché du travail, obtenir la motivation, la formation et le désir d'accéder à une formation et des services de soutien pour pouvoir participer pleinement.

Je tiens à vous remercier tous les trois, au nom du comité, pour la franchise avec laquelle vous avez répondu aux questions et pour nous avoir aidés à comprendre la véritable importance des enjeux fondamentaux qui concernent non seulement les personnes qui vivent dans les villes, mais, comme nous pouvons le voir, l'ensemble de la communauté, même s'il y a des aspects particuliers que vous avez illustrés ici aujourd'hui.

M. Dorey : Je tiens à vous remercier infiniment, sénateur, de nous avoir invités ici. Encore une fois, je vous suggère de prendre tous un exemplaire de ce livre. Ceux qui ont contribué à cette publication sont de bien meilleurs experts que moi et pourraient répondre à certaines de vos questions.

Le président : Merci beaucoup.

Notre prochain groupe de témoins est maintenant en place. Monsieur Cachene, je vous invite à faire votre déclaration.

Larry Cachene, chef, Première nation de Yellow Quill, Conseil tribal de Saskatoon : Merci, monsieur le président. Je voudrais d'abord remercier le Sénat de nous avoir invités pour parler des problèmes des peuples autochtones dans les centres urbains. Ces problèmes sont nombreux. J'en aborderai le maximum pendant le temps à ma disposition. Je vous remercie et je vous souhaite bon après-midi.

La Première nation de Yellow Quill, qui fait partie du Conseil tribal de Saskatoon, a ouvert des bureaux urbains à Saskatoon et, il y a un peu plus d'un an, à Regina pour s'occuper de tout un éventail de questions. Je vais aller droit au but. Nous devons commencer à inciter notre population autochtone de la ville à participer à l'apprentissage et à la formation disponibles et également à faire face aux problèmes personnels et sociaux auxquels elle est confrontée. Nous avons établi notre bureau pour résoudre ces problèmes. Il y a ceux qui touchent les services à l'enfance et à la famille ainsi que les problèmes de toxicomanie que nous connaissons lorsque nous allons vivre en ville. Comment y faire face en tant que communauté ou en tant que municipalité? Étant donné les problèmes que nous connaissons, nous voulons jouer un rôle plus important dans ce qui se passe au niveau provincial ou municipal.

Nous devons commencer à nous pencher sur ces problèmes et leurs causes premières. Pour le moment, nous demandons à notre population de courir avant de savoir marcher et nous devons donc lui conférer les compétences voulues pour avancer, les compétences personnelles dont elle a besoin pour faire face à tout un éventail de problèmes.

Nous nous penchons sur les services à l'enfance et à la famille, la toxicomanie et le logement social qui ne suffit pas à répondre à la demande dans nos villes. Comment loger décemment les personnes qui arrivent en ville?

Nous avons aussi notre financement de l'enseignement postsecondaire qui est utilisé au maximum. Nous voulons commencer à résoudre tous ces problèmes et questions. Yellow Quill a la chance d'avoir des travailleurs sociaux qui viennent de sa communauté pour l'aider dans son bureau urbain.

Nous examinons l'aspect personnel, le développement des personnes. Quels sont les problèmes auxquels elles sont confrontées et comment les résoudre; quels sont les programmes qu'il faut mettre au point à l'interne? Nous avons dans la province des programmes qui sont inefficaces. Pourquoi sont-ils inefficaces? Nous voulons répondre à cela et pouvoir commencer à élaborer nos propres programmes afin qu'ils aient des effets bénéfiques pour nos membres.

Je pense que les points de contact que nous avons mis en place en ouvrant nos bureaux urbains de Saskatoon et Regina sont un bon début. Néanmoins, le principal problème est celui des ressources financières dont nous avons besoin pour élaborer des programmes et des services de soutien. Nous n'en avons pas pour le moment, mais nous voulons établir des programmes ou des propositions pour gérer et créer des services dans notre ville.

Nous avons parlé un peu du développement économique qui est nécessaire. Si nous ne développons pas nos communautés, notre développement économique sera retardé. Nous mettrons beaucoup plus de temps à avancer, à développer nous-mêmes nos ressources.

Vous avez la Saskatchewan où les bandes veulent acheter des terres et conclure des partenariats avec l'industrie minière, mais il y a des restrictions. Les ventes n'ont pas lieu ou les offres ne sont pas acceptées pour les terres contenant des ressources minérales comme la potasse, le pétrole ou le gaz. Il y en a très peu. Je connais une Première nation de la Saskatchewan, la Première nation Gordon, qui veut acheter des terres pour son développement économique, mais qui ne peut pas le faire. Il y a donc des restrictions sur ce plan.

Nous devons considérer toutes les questions dont j'ai parlé dans leur ensemble. Si nous commençons à en régler une, mais pas l'autre, nous ferons encore un pas en arrière.

Prenons les besoins de notre communauté sur le plan de l'éducation; un des sénateurs a demandé tout à l'heure si nos étudiants sont préparés à quitter la communauté. Certaines communautés ont la chance de pouvoir le faire. Je sais que notre communauté cherche davantage à préparer l'enfant à apprendre l'anglais et les mathématiques, mais cela ne suffit pas à concurrencer les autres ou à faire des études postsecondaires.

Il faudrait que l'enseignement des mathématiques et des sciences soit meilleur dans nos communautés. Si nous ne pouvons pas embaucher des enseignants, cela nous empêchera d'avancer. Nos enfants ne peuvent pas avoir accès à l'enseignement postsecondaire, ils ne sont pas prêts ou les portes ne sont pas ouvertes pour eux si nous n'avons pas les programmes voulus dans nos écoles.

Je vais m'arrêter là pour le moment et nous pourrons sans doute répondre aux questions par la suite.

Jeffrey Cyr, directeur exécutif, Association nationale des centres d'amitié : Compte tenu du temps limité dont nous disposons, mes propos liminaires seront brefs.

Je commencerai par remercier la nation des Algonquins d'accueillir notre réunion sur leur terre traditionnelle. Comme vous le savez, je m'appelle Jeff Cyr; je suis membre de la nation métisse du Manitoba et directeur exécutif de l'Association nationale des centres d'amitié. Je remercie le comité de son invitation et de l'occasion qui nous est ainsi offerte de présenter le point de vue de notre organisation.

Permettez-moi, à titre de préambule, de poser une question importante : à quoi ressemble la vie des populations autochtones urbanisées au Canada? À cette question il faut, hélas, dire qu'il s'agit généralement d'une vie triste et sans espoir.

Le sort des Autochtones urbanisés au Canada ne diffère pas beaucoup de celui qui est réservé aux Autochtones vivant en région rurale, éloignée ou isolée. Certes, on enregistre çà et là quelques exemples de vies réussies, de personnes qui ont trouvé un emploi, qui ont leur propre entreprise ou qui jouissent d'une bonne santé. Malheureusement, pour la plupart d'entre nous, les conditions de vie se caractérisent par un niveau d'instruction et d'alphabétisation médiocres, et par une préparation insuffisante à la vie professionnelle, malgré les financements accordés par le gouvernement fédéral au titre, notamment, de la SFCEA, la Stratégie de formation pour les compétences et l'emploi destinée aux Autochtones.

Notre santé est généralement mauvaise et nous sommes, davantage que le reste de la population, victimes de façon endémique de nombreuses maladies telles que le diabète. Quant à nos jeunes, il leur faut faire un choix difficile entre s'associer aux bandes de délinquants et essayer de se construire une vie meilleure, une vie plus saine.

J'aimerais pouvoir dire que les Autochtones urbanisés en âge de travailler constituent une population dynamique, jouissant du plein emploi dans la stabilité, hautement alphabétisée, dont les membres ont, pour la plupart, achevé le cycle secondaire; j'aimerais pouvoir vous dire que cette population est composée de familles en pleine santé et ayant franchi le seuil de la pauvreté; malheureusement, encore une fois, tel n'est pas le cas. Toutefois, les centres d'amitié font œuvre utile face à cette situation.

Dans l'ensemble du Canada, les centres d'amitié ont travaillé d'arrache-pied depuis des décennies — ils ont été créés dans les années 1950, si bien qu'ils ont soixante ans d'existence — pour réaliser les objectifs de prospérité que j'ai évoqués; mais il nous reste encore du chemin à parcourir pour les atteindre. Cependant, nous ne nous décourageons pas, notre engagement est sans faille et nous ne baisserons pas les bras.

L'Association nationale des centres d'amitié est composée de 121 centres communautaires répartis à l'échelle du pays. Ces 121 centres d'amitié reçoivent quotidiennement l'assistance de sept associations provinciales et territoriales, de même que de notre bureau national, situé ici même, à Ottawa.

Les origines de notre mouvement remontent aux années 1950, et ses racines se trouvent à Toronto, à Winnipeg et à Vancouver. Il continue de s'étendre et de s'efforcer de répondre aux besoins changeants des Premières nations, des Métis et des Inuits urbanisés dans l'ensemble de notre pays.

Toutefois, les centres d'amitié ne se bornent pas à apporter une aide précieuse aux populations autochtones qui recourent aux quelque 1 200 programmes qu'ils mettent en œuvre; notre mouvement s'attache à offrir des possibilités d'emploi aux niveaux local et régional. À l'échelle nationale, le mouvement des centres d'amitié emploie plus de 2 600 personnes, dont 72 p. 100 de femmes.

La mission générale de nos centres d'amitié consiste à améliorer les conditions et les perspectives des populations autochtones urbanisées du pays. Nos agents administrent tout un éventail de programmes : programmes scolaires et d'éducation de la petite enfance dont le programme Nouveau départ; programmes d'alphabétisation; programmes s'adressant aux jeunes; programmes de santé, y compris en santé mentale et en bien-être personnel; et programmes de soutien à l'emploi et au développement économique. Toutes ces activités contribuent de façon essentielle à faire participer les membres des populations autochtones à la croissance de l'économie canadienne.

S'il est vrai que, tout au long de leurs décennies d'activité, les centres d'amitié ont su offrir ces services essentiels, nous restons confrontés à de nombreuses difficultés, ce qui explique en partie notre comparution devant vous aujourd'hui. Ces difficultés tiennent, pour certaines, aux réalités démographiques, et pour d'autres à nos capacités organisationnelles.

Permettez-moi de rappeler que la portion urbanisée de la population autochtone du Canada continue d'augmenter : en 1996, elle représentait 47 p. 100 de la population autochtone; en 2001, elle en constituait 49 p. 100; en 2006, 54 p. 100; aujourd'hui, elle est estimée à près de 60 p. 100. On voit donc que la majeure partie des Autochtones vivent dans les centres urbains. J'ajoute que notre population est extrêmement jeune, puisqu'elle compte 40 p. 100 de moins de 25 ans.

Ces réalités démographiques mettent à très forte contribution les capacités humaines et budgétaires des centres, notamment du fait que l'enveloppe de financement de base accordée par le gouvernement fédéral aux centres d'amitié autochtones est plafonnée à 16 millions de dollars depuis 1986.

Durant la période 2011-2012, les centres d'amitié ont dispensé plus de 2,6 millions de prestations aux Autochtones qui se sont adressés à eux. Il s'agit en soi d'un résultat remarquable, mais je m'enorgueillis en outre du fait que les centres d'amitié sont allés chercher huit fois plus que notre budget initial de 16 millions de dollars : en d'autres termes, pour chaque dollar obtenu du fédéral au titre de la programmation de base, 8 $ proviennent d'autres sources, qu'il s'agisse des niveaux provincial ou municipal, ou encore du secteur privé.

En 2009, l'assemblée annuelle de l'Association nationale des centres d'amitié, l'ANCA, a adopté une résolution portant sur la pauvreté et sur l'exclusion sociale. Cette résolution disait, en substance, que la pauvreté, phénomène largement répandu au sein des populations autochtones urbanisées, est liée à des facteurs contextuels qui caractérisent ces populations : problèmes d'emploi, inégalités, logements inadéquats, insuffisance du bagage éducatif; elle révélait également que la pauvreté est l'un des principaux facteurs débouchant sur l'exclusion sociale.

Suite à l'adoption de cette résolution, nous avons décidé d'entreprendre, à l'échelle de notre organisation, une étude portant sur la pauvreté et sur l'exclusion sociale. Nous avons appris que, pour 94 p. 100 des répondants, l'exclusion sociale est un problème concernant leurs clients, tandis que 58 p. 100 des répondants déclarent que l'exclusion sociale est un facteur prépondérant à l'origine de la pauvreté.

La même étude a mis en relief les principales raisons de l'exclusion sociale des populations autochtones urbanisées. Certaines de ces raisons ont été évoquées lors du témoignage précédent : le racisme, les préjugés, la création de stéréotypes, les limites de l'instruction et de l'alphabétisation, la pauvreté et le chômage, les carences des politiques et des programmes gouvernementaux destinés à venir en aide aux populations autochtones, et la réticence des instances gouvernementales à intégrer les populations aborigènes à leurs politiques.

Il faut essentiellement retenir de cette étude que la pauvreté et l'exclusion sociale dont font l'objet les populations autochtones urbanisées du Canada constituent un très grave problème pour des dizaines de milliers d'enfants, de jeunes et de familles monoparentales dans leur existence quotidienne. L'étude indique également que la pauvreté et l'exclusion sociale ont des conséquences dévastatrices pour la santé, l'équilibre social, l'éducation, le bien-être économique et l'avenir des populations autochtones urbanisées de notre pays.

Interrogés sur les remèdes qu'il conviendrait d'apporter à cette situation, les répondants ont donné des réponses assez directes : augmenter les financements et élargir les programmes de soutien direct aux services de promotion de l'emploi et de la formation en milieu urbain; améliorer la prise de conscience à l'égard de la situation des Autochtones; faire une place accrue au volet autochtone dans les programmes scolaires; enfin, intensifier les programmes concourant à une meilleure alphabétisation et à une meilleure instruction au sein des populations autochtones.

Nous avons apporté un exemplaire de l'étude, que je remettrai au greffier une fois l'exposé terminé.

Mais revenons, si vous le voulez bien, à la question initiale : À quoi ressemble la vie des populations autochtones urbanisées? Je pourrais la reformuler ainsi : à quoi pourrait ressembler la vie des populations autochtones urbanisées du Canada? Si nous voulons que la population autochtone urbanisée puisse effectuer des choix éclairés, nous devons lui fournir de bons points d'appui; or, les centres d'amitié sont les mieux placés pour ce faire. En effet, les centres d'amitié constituent des passerelles entre la population autochtone urbanisée et l'économie.

Que faut-il faire pour que le Canada tire parti de cette ressource humaine très importante, et, ce faisant, apporte une amélioration concrète aux modes de vie de plus de 60 p. 100 des Autochtones? Investir dans les centres d'amitié. Ainsi, nous mettrons à profit la capacité existante et nous prendrons appui sur nos succès — puisque succès il y a déjà. À titre d'exemple, nous pourrions administrer des initiatives telles que la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain, de concert avec nos centres d'amitié. Nous pourrions appuyer et élargir l'accès des centres d'amitié aux sources de financement — je pense en particulier au programme FSCEA déjà évoqué, dont l'accès à travers les centres d'amitié ne peut être obtenu que dans une seule région de notre pays. Nous pourrions aussi soutenir l'innovation et le changement à l'échelon communautaire; enfin, je rappelle que les centres d'amitié, grâce à leur polyvalence, sont capables de promouvoir les perspectives d'emploi et de formation tout en aidant les Autochtones à occuper des emplois.

L'association nationale lance un appel au gouvernement du Canada afin qu'il coopère avec nous à édifier la prospérité des populations autochtones urbanisées. Nous sommes des partenaires compétents, nous avons déjà fait nos preuves et le moment est venu d'agir ensemble. Je tiens à souligner que l'association nationale est un exemple unique de réseau offrant des services aux Autochtones urbanisés à l'échelle du pays et que nous sommes les seuls à être capables d'affronter ce défi. En outre, nous n'avons pas d'équivalent ailleurs dans le monde, qu'il s'agisse de la taille de l'organisation ou de la nature des prestations.

Le mouvement des centres d'amitié existe bel et bien et il représente, encore une fois à l'échelle mondiale, un véritable modèle en matière de prestation de services aux populations autochtones urbanisées. Pour conclure, j'ajouterai simplement qu'investir dans l'infrastructure des centres d'amitié, c'est investir dans la cohésion sociale au niveau communautaire, car les centres d'amitié sont les foyers de cette cohésion dans 121 villes à travers tout le Canada.

Je vous remercie de votre attention.

Le président : Merci.

J'invite à présent Leona Carter, directrice du Bureau des relations avec les Autochtones, Services à la communauté, Ville d'Edmonton, à faire son exposé.

Leona Carter, directrice, Bureau des relations avec les Autochtones, Services à la communauté, Ville d'Edmonton : En premier lieu, je tiens à rendre hommage aux Premières nations du territoire auquel nous rendons visite aujourd'hui.

[Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.]

Je remercie les membres du comité permanent de l'occasion qui nous est offerte et salue les témoins qui comparaissent en même temps que moi. Je viens d'une ville qu'on appelle aujourd'hui Edmonton et qui, depuis environ 8 000 ans, est un lieu de rassemblement traditionnel pour les tribus nord-américaines. À ce jour, nos populations autochtones continuent de migrer vers Edmonton.

Notre organisation regroupe des populations appartenant à diverses Premières nations, avec toutefois une prédominance Crie; plus de la moitié d'entre nous sommes des Métis, nous comptons une population inuite en expansion, et nous n'oublions jamais le sort de nos frères et de nos sœurs non inscrits. Nous avons en commun une histoire et certaines perceptions du monde; cependant, nos langues, nos coutumes et nos cultures se caractérisent par leur grande diversité.

Les Autochtones du Canada convergent tous vers Edmonton pour y trouver un emploi, recevoir une éducation et améliorer leur qualité de vie. En 2006, nous avons dépassé le seuil de 5 p. 100 de la population d'Edmonton, constituant ainsi la deuxième population autochtone du Canada en importance. Près de la moitié d'entre nous avons moins de 25 ans et plus d'un quart ont moins de 15 ans. Enfin, notre croissance démographique est trois fois supérieure à celles des autres habitants d'Edmonton.

Les membres de notre communauté restent confrontés à de nombreuses difficultés. Deux documents, à savoir le rapport intitulé Your City, Your Voice, que la municipalité d'Edmonton a achevé en 2006 en collaboration avec des partenaires, ainsi que l'Aboriginal Edmonton Statistical Story, que nous avons publié en 2009, témoignent des problèmes persistants que sont la pauvreté, le logement, l'emploi, la santé, l'éducation, la justice et une espérance de vie tronquée. Bien que le niveau d'instruction de notre communauté ne cesse de s'améliorer, la population autochtone d'Edmonton connaît de façon chronique le chômage, le sous-emploi et la faiblesse du revenu.

Jusqu'au milieu des années 1990, la municipalité ne se préoccupait guère d'améliorer le sort des populations autochtones d'Edmonton. Cependant, au cours de cette même décennie, on a vu apparaître au sein du conseil municipal la volonté politique nécessaire pour admettre l'existence de cette carence, ce qui a conduit à la sage décision de constituer le premier comité chargé des affaires des Autochtones urbanisés d'Edmonton. Cet engagement déterminé de nos élus se poursuit aujourd'hui sous l'égide de notre maire et de notre conseil municipal, et il a débouché sur une initiative en collaboration visant à amorcer, avec la communauté autochtone, un dialogue concret et cohérent, de même que sur l'édification de relations d'une forme nouvelle et de modalités innovantes de travail en commun.

Ce dialogue au niveau communautaire n'aurait pas été possible sans l'engagement direct des trois paliers de gouvernement et d'autres parties prenantes. Aujourd'hui, la volonté de la municipalité d'Edmonton à œuvrer avec la communauté autochtone se trouve consacrée dans la déclaration du conseil municipal de 2005, dont le thème est le renforcement des relations entre la Ville d'Edmonton et les populations autochtones urbanisées, ainsi que dans l'accord sur la relation de concorde avec la population autochtone urbanisée, conclu en 2006. Cette volonté est en outre illustrée : par la création du poste de consultant municipal en matière d'ouverture envers les populations autochtones dans le secteur des ressources humaines, toujours en 2006; par l'initiative tripartite de participation de la main-d'œuvre autochtone; par la création du Bureau municipal des relations avec les Autochtones, qui constitue une première au Canada; et, enfin, par l'incorporation des concepts autochtones aux plans stratégiques de la municipalité, à savoir The Way Ahead, en 2009, et The Way We Live, en 2010.

Citons, parmi les priorités de l'administration municipale, l'amélioration des relations avec la communauté autochtone, le perfectionnement des procédures d'embauche et de maintien en poste des Autochtones au sein des effectifs municipaux, l'amélioration des services aux populations autochtones prescrits par la ville, ainsi que des initiatives de soutien au développement communautaire, l'appui au comité des affaires des Autochtones urbanisés de la ville d'Edmonton et les conseils de soutien aux initiatives autochtones.

Nous avons travaillé en étroite collaboration — et, pensons-nous, de façon efficace — avec nos homologues chargés des relations avec les Autochtones de l'Alberta comme avec ceux du bureau de l'Interlocuteur fédéral. Par ailleurs, la stratégie relative aux Autochtones urbanisés concernant les consultations communautaires, la planification conjointe, les mécanismes de collaboration avec la communauté autochtone ainsi que la collaboration des instances gouvernementales avec la communauté sur les questions de grande ampleur que rencontre la communauté autochtone, représentent autant d'éléments importants pour les progrès à accomplir.

Les récentes consultations avec les paliers provincial et fédéral ainsi que les discussions tenues au niveau municipal indiquent que certains secteurs de premier plan se prêtant à la coopération intergouvernementale pourraient englober la fourniture rapide et facile d'accès à des services d'aide à l'adaptation pour les nouveaux arrivants dans la ville, la mise en valeur de la main-d'œuvre autochtone ainsi que des initiatives de tutorat et de formation en vue de l'emploi conformes aux engagements de l'Initiative sur la participation des Autochtones au marché du travail de notre ville, parallèlement aux initiatives de développement économique, à celles portant sur la culture et sur le tourisme, et à l'augmentation graduelle des ressources allouées aux organisations autochtones et à celles leur offrant des prestations.

À titre d'exemple, notre conseil municipal a récemment pris en considération un financement de base au bénéfice d'une organisation autochtone de gouvernance permettant à notre communauté de travailler en coopération avec des instances gouvernementales, des entreprises, des agences et des organismes du secteur privé, mais aussi avec des initiatives de promotion de la jeunesse et du leadership prenant appui sur les loisirs et les sports comme support de motivation, et avec des initiatives de conscientisation et de reconnaissance qui rehaussent la perception des apports économiques, sociaux et culturels des Autochtones.

Nous avons établi de nouveaux partenariats et obtenu de la population autochtone qu'elle s'allie aux efforts d'autres groupes soumis à des préjugés raciaux dans le cadre de l'initiative pour l'éradication du racisme à Edmonton. Signalons également que la société de développement économique d'Edmonton et la chambre de commerce d'Edmonton se montrent de plus en plus intéressées à accroître la participation des jeunes Autochtones au monde des affaires.

La transformation est engagée, et nous voyons se joindre à nous de nouveaux partenaires dont l'action est bénéfique. Certes, si nous voulons redresser ce qui a été fait au cours de 150 ans d'histoire, il va falloir nous y mettre tous ensemble. Mais, à n'en pas douter, les perspectives sont là pour promouvoir les intérêts des populations autochtones, et cela d'une manière qui profitera à tous les habitants d'Edmonton et à tous les Canadiens.

Les problèmes que nous devons affronter au coude à coude sont légion, et ce sont des problèmes ardus. Il nous faudra œuvrer avec constance afin de dissiper les mythes et les stéréotypes négatifs concernant les peuples autochtones qui empêchent leur pleine inclusion et qui empêchent de leur fournir services et débouchés en matière d'emploi au même titre qu'aux autres citoyens. Il faut également que l'histoire des Autochtones soit partagée sans relâche avec tous les autres Canadiens. Pour cela, il convient de réécrire les livres d'histoire et de placer celle des Autochtones au centre de notre mémoire collective de Canadiens. Nous pouvons le faire en veillant à ce que soient diffusés les anecdotes et les moments d'histoire qui mettent en valeur le patrimoine autochtone, que ce soit à travers les noms de rues et d'édifices publics ou grâce à des repères visuels illustrant le passé de nos villes. Ainsi, nous favoriserons la naissance d'un sentiment d'appartenance et de fierté au sein de notre population autochtone. Quant au non-Autochtones, ils s'en trouveront enrichis et encouragés à adopter une culture d'inclusion et d'ouverture à l'apprentissage interculturel.

Il faut que soient mises en valeur les contributions positives des Autochtones. Nous habitons Edmonton, là où nous nous sommes sentis honorés d'accueillir, en 2007 et à nouveau en 2011, la remise annuelle des Prix nationaux d'excellence décernés aux Autochtones. Nous pensons qu'en encourageant de telles manifestations à l'échelon local, nos jeunes s'identifieront aux Autochtones dont le parcours de vie a été exemplaire et suivront leurs traces; ainsi, nous aurons de meilleures chances de les voir devenir avocats, scientifiques, enseignants, banquiers, entrepreneurs et médecins. En 2011, rien que pour l'université de l'Alberta, 26 nouveaux médecins ont fait leur entrée dans la profession : voilà qui donne confiance et insuffle à notre jeunesse la volonté de se lancer dans la vie.

Il faut aussi mettre en place des services soigneusement planifiés et adéquatement financés afin de jeter une passerelle pendant la période de transition qui sépare le séjour dans la réserve et l'adaptation à la vie urbaine, avec les difficultés que présente celle-ci; je pense en particulier, mais pas seulement, aux besoins liés au logement, à l'emploi, à l'éducation et à la santé. Justement, à Edmonton, une organisation autochtone et d'autres organisations de prestations de services ont récemment fondé un partenariat en vue de fournir cette aide, tellement nécessaire, à la transition. C'est ainsi que la province et la municipalité ont collaboré à la mise au point d'un guide d'accueil afin d'aider les Autochtones à mieux se couler dans le moule urbain à Edmonton.

Il importe également d'affronter le problème du racisme qui sévit en milieu scolaire ou au travail, mais aussi dans les rapports concernant le logement, dans les médias et, de façon plus générale, dans nos communautés. Les manifestations du racisme et de la discrimination sont encore très répandues; parfois, le racisme avance à visage découvert, mais bien plus souvent, son action est subreptice et systémique.

Il convient, enfin, d'accroître les perspectives d'accès des Autochtones à l'éducation et à la recherche à Edmonton, à travers les universités et à travers d'autres institutions postsecondaires.

Pour conclure, permettez-moi de raconter que l'an dernier, lors d'une consultation entre les paliers fédéral, provincial et municipal qui s'est tenue à Winnipeg, j'ai été fortement inspirée par les propos d'un gestionnaire municipal qui s'est dit d'avis que l'amélioration des relations au niveau des Autochtones dépendra de la reconnaissance, par le gouvernement, du fait que notre système de gouvernance doit se transformer afin de répondre aux besoins des citoyens que nous disons vouloir servir.

En tant qu'Autochtone moi-même, je me suis fait dire pendant la majeure partie de ma vie que les peuples autochtones allaient devoir changer s'ils voulaient profiter pleinement de la chance d'être Canadiens. Aujourd'hui, l'expérience — et, j'espère, la perspicacité — me dit que notre gouvernement travaille avec ses partenaires pour modifier la situation et que c'est l'authenticité de la collaboration avec les Autochtones qui déterminera notre succès. Afin d'atteindre nos objectifs concernant les peuples autochtones, il faut, à mes yeux, que les trois paliers de gouvernement collaborent à des initiatives durables de soutien aux communautés autochtones afin que nous retrouvions notre identité, notre langue, notre culture, notre prospérité et notre économie.

Merci de votre attention. Je vous suis reconnaissante de l'attention que vous m'avez accordée et de vos marques de considération.

Le sénateur Demers : Vous avez présenté un exposé d'une qualité et d'une clarté remarquables, qui exprimait votre vision de façon limpide, notamment votre questionnement sur ce que vous réserve l'avenir. Vous nous avez dit recevoir la même somme depuis 1986, à savoir 16 millions de dollars, si bien que vous n'avez pas pu obtenir le complément de financement nécessaire pour aider les enfants des centres d'amitié. Est-ce que j'ai bien compris ce que vous avez dit? Le montant qui vous est alloué pour venir en aide à des adolescents qui réclament votre assistance n'a pas été augmenté depuis 1986? Est-ce bien cela?

M. Cyr : C'est bien cela.

Sénateur Demers : Cela fait donc 26 ans.

M. Cyr : C'est certainement un peu plus que cela. À un certain moment c'était transféré à l'interne. Il y a plusieurs années, ça s'appelait le programme des migrants autochtones; il a été transféré au programme des centres d'amitié autochtones, puis son administration a été confiée à mon organisation, soit à l'association nationale. Nous apportons ce financement à nos centres d'amitié. Cela n'a pas changé depuis 1996. Il n'y a pas eu d'augmentation corrélée au coût de la vie. Par conséquent, un directeur général travaillant en première ligne gagne la même chose qu'en 1985. Les gens ne sont pas correctement payés pour le travail qu'ils font. Heureusement que le bénévolat est très fort au sein de notre mouvement. Tous les administrateurs des centres d'amitié sont bénévoles. Les conseils nationaux d'administration travaillent bénévolement. Le président de mon conseil national n'est pas rémunéré. Aucun membre de conseil n'est payé pour son travail. Ce sont des organisations créées par les peuples autochtones pour les peuples autochtones.

C'est là qu'on en arrive au vrai problème, car en 2012, ces 16 millions représentent 132 000 $ par centre. Il n'est pas étonnant qu'ils aient des difficultés administratives. Essayez donc de faire fonctionner un centre avec 132 000 $. C'est difficile. D'après nos estimations, il faudrait entre 230 000 et 240 000 $ pour y parvenir. Ils compensent en gérant plusieurs programmes à la fois, que ce soient des programmes éducatifs de la petite enfance comme Bon départ, les écoles secondaires alternatives en Ontario ou des programmes de loisirs, de sports, de soins médicaux ou encore des programmes pour les parents. Vous avez cité toutes sortes de programmes. Il y a également les programmes pour les aînés. De ce fait, ils ne sont pas en mesure de mettre en œuvre d'autres actions qu'ils souhaiteraient proposer dans les centres. Ils sont surtout préoccupés par la survie du centre. Ils font face à des difficultés toute l'année, certains s'en sortent un peu mieux que d'autres. Cela dépend des municipalités et de leur emplacement.

Vous avez raison : c'est 16 millions de dollars depuis les années 1980 et ça n'a pas changé. Cela fait plus d'une décennie que nous interpellons le gouvernement fédéral en lui disant : « Vous avez déjà investi. C'est votre argent qui se trouve ici, l'argent du gouvernement fédéral. Vous devriez continuer à investir. Vous devriez améliorer les choses, car c'est là que la communauté se construit. Si vous voulez bâtir des communautés, il faut prendre en compte les réalités des grandes villes. »

Le sénateur Demers : Vous avez très peu de ressources malgré ces bénévoles, qui ont quand même besoin de gagner leur vie, il est donc inéluctable de voir des gangs se former et se multiplier là où vous n'êtes pas en mesure d'intervenir. Vous parvenez à ouvrir vos portes à une partie d'entre eux, mais pour la plupart, ils font face à un mur. C'est un réel problème, n'est-ce pas?

M. Cyr : Oui.

Le sénateur Eggleton : Vos présentations étaient impressionnantes. J'aimerais, monsieur Cyr, obtenir un exemplaire de la vôtre. Y figurent plusieurs données statistiques que j'aimerais examiner en plus de votre rapport.

Il y a plusieurs années, à l'époque où ce comité rédigeait son rapport intitulé Pauvreté, logement, itinérance : les trois fronts de la lutte contre l'exclusion, nous avons entendu parler de ce gel. Je ne me souviens plus si c'était vous ou quelqu'un d'autre qui nous en avait parlé.

M. Cyr : Je crois que vous présidiez le comité à l'époque.

Le sénateur Eggleton : Oui, tout à fait. C'est vous qui nous aviez dit que votre subvention du fédéral avait été gelée, et malheureusement cette situation n'a pas changé, mais malgré tout vous faites beaucoup de bon travail.

J'ai maintenant une question pour Leona Carter.

Ce que vous faites à Edmonton est impressionnant. Pouvez-vous me dire si d'autres villes ont des comités des affaires des autochtones urbains comme le vôtre et soutiennent des initiatives autochtones? Si d'autres villes le font, quelles sont-elles et pouvez-vous m'en dire plus?

Mme Carter : Il y en a très peu. Calgary a un comité des affaires des autochtones urbains également. Cela fait trois ans que la Ville de Thunder Bay a embauché une personne qui fait le même type de travail que moi afin d'être le lien entre la communauté autochtone et les services de la ville.

À ma connaissance, ce sont les seules villes qui font ce type de travail actuellement.

Le sénateur Eggleton : À votre connaissance, il n'y a rien dans les trois grandes, Toronto, Montréal, Vancouver?

Mme Carter : Pas que je sache.

Le sénateur Eggleton : Je crois que la plus forte population autochtone urbaine est à Toronto, même si ce n'est pas en termes de pourcentage de la population, n'est-ce pas?

Mme Carter : Winnipeg fait actuellement du bon travail avec les jeunes. Ils ont également une entente avec la communauté autochtone.

Le sénateur Eggleton : Votre travail, qui est assez complet, vous amène-t-il à intégrer des membres de la communauté autochtone au sein de la plus grande communauté? Et ici, lorsque je dis « intégration », je parle vraiment d'interaction. Je ne parle pas du tout d'assimilation de la culture ou quoi que ce soit. Par exemple, cela pourrait se manifester au travers d'Autochtones devenant membres de conseils, se portant candidats au conseil municipal, ou travaillant avec l'administration de la ville, d'une façon ou d'une autre, pour devenir des modèles de la société. Le fait d'avoir des relations au sein de l'administration locale peut aider les gens à mettre en place des programmes et assister les centres d'amitié, entre autres choses. Faites-vous quelque chose de ce type?

Mme Carter : C'est le cœur de notre travail. Je suis contente que vous ayez fait une différence entre assimilation et intégration. Nous ne tentons pas d'assimiler. Nous visons à intégrer. Nous préservons nos différences culturelles et les partageons avec le reste de notre communauté.

C'est un processus de sensibilisation. Notre travail consiste à sensibiliser nos collègues pour qu'ils aient un meilleur rapport avec la communauté autochtone, mais également à sensibiliser la communauté autochtone pour qu'ils aient un meilleur rapport avec les services de la ville et les politiciens. Cela ne s'était jamais vu auparavant. Nous avons eu un Autochtone qui s'est présenté aux élections municipales.

Nous voyons cela de plus en plus; les gens s'adressent directement au maire et au conseil municipal. Cela ne se faisait pas auparavant.

Le sénateur Eggleton : Les portes sont-elles en train de s'ouvrir?

Mme Carter : Oui. Il y a de plus en plus d'Autochtones qui se voient nommés pour siéger à des comités municipaux. Tout cela est très nouveau. Cela ne fait que cinq ou six ans, mais nous y travaillons, c'est en pleine expansion.

Le sénateur Eggleton : Est-ce que le maire et le conseil se voient satisfaits de la tournure que prennent les choses?

Mme Carter : Absolument.

Le sénateur Eggleton : Cela est positif pour eux et pour la communauté autochtone.

Monsieur Cyr, j'ai posé une question à la délégation précédente au sujet du Conseil des jeunes Autochtones. Il me semble que vous avez un tel conseil; ainsi, pouvez-vous me dire, pour rebondir sur la question du sénateur Demers, comment cela vous aide pour gérer la question des gangs de jeunes?

M. Cyr : Je décrirai le Conseil des jeunes Autochtones et son fonctionnement. Il a été créé il y a 22 ans au niveau national et il y a bien sûr des variations régionales. Au niveau de mon conseil d'administration, il y a un siège réservé à un jeune, ce poste est pourvu par élection à l'assemblée annuelle.

Le conseil des jeunes, selon les priorités qu'il établit, travaille sur des questions spécifiques liées aux besoins de sa région. Il se trouve que, cette année, à l'association nationale, c'est la prévention du suicide. Il n'y a pas de lien direct avec les gangs. Il traite de problématiques identifiées auprès des jeunes de leur communauté. Il met en place des formations pour la prévention du suicide, que le bureau national aide à proposer.

Il apporte également le point de vue des jeunes dans une gamme d'autres programmes, comme le programme fédéral Connexions culturelles pour la jeunesse autochtone. Il a été renommé, car jusqu'à voici trois ou quatre ans, il s'agissait de l'Initiative des centres urbains polyvalents pour les jeunes Autochtones. Ce sont les jeunes qui formulent des recommandations sur les propositions, pas les anciens du mouvement, mais des jeunes qui le font pour les jeunes. Ils passent par nous pour obtenir les approbations. Ils sont très fortement engagés.

Ces programmes jeunesse visent tous types d'activités, que ce soit de l'enseignement culturel au développement des compétences. Je voudrais vous parler d'un livre, qui s'intitule Success Stories; il a été écrit par nos jeunes et il raconte comment les centres d'amitié les ont sortis de la rue et de la drogue et, dans de nombreux cas, leur ont sauvé la vie. Les jeunes ont monté tout cela, et en ont même fait un film. C'est très touchant de voir qu'ils ont pu renouer avec la cohésion sociale au sein de la communauté, au travers du réseau d'amitié, et comment cela a changé leur vie. Ce n'est pas directement lié aux gangs, mais ça a certainement une incidence sur les circonstances qui les poussent à rejoindre ou non un gang.

Le président : Merci. Peut-être pourriez-vous nous fournir un échantillon à cet effet.

Le sénateur Martin : Merci beaucoup pour ces réflexions et pour votre présentation d'aujourd'hui. J'ai une question qui s'adresse à la fois au chef Cachene et à M. Cyr.

En ce qui concerne les centres d'amitié, ayant moi-même beaucoup travaillé avec des organismes à but non lucratif, j'applaudis sincèrement les bénévoles qui font partie du programme. Je suis sûre qu'après 60 ans d'activité, vous devez compter de nombreux partenaires communautaires et avoir un excellent effectif de bénévoles. Comme vous avez réussi à faire fonctionner les centres d'amitié aussi efficacement avec un budget limité, je veux vous féliciter pour votre leadership et féliciter tous vos bénévoles.

Pour beaucoup de ces organismes à but non lucratif, à l'étape de la demande de fonds publics, il n'est pas tant question d'examiner les formulaires déposés que le budget opérationnel global. Quelle part de ce budget correspond à des commandites du secteur privé et comment diversifier ces ressources? Avez-vous une branche spécialisée dans la collecte de fonds? À Vancouver, il y a des centres de services et des centres sociaux, mais il y a aussi une fondation qui, toute l'année durant, prend toutes sortes d'initiatives pour recueillir des fonds. La parade Walk with The Dragon, par exemple, permet de recueillir des centaines de milliers de dollars. C'est une grande manifestation multiculturelle à laquelle participent des gens extérieurs à la communauté. C'est un événement populaire annuel et un moyen efficace pour aller chercher de l'argent. Si vous êtes dans une logique de survie, vous n'aurez peut-être pas l'énergie ni les ressources pour vous concentrer là-dessus, mais à ce moment-là que faites-vous pour diversifier vos sources de financement?

M. Cyr : Pour répondre à la question, il faut séparer les différentes composantes du mouvement. Il y a 121 centres d'amitié locaux. Beaucoup sont des organismes de bienfaisance à part entière qui s'occupent de collecter des fonds de leur côté; elles le font avec sérieux et connaissent un certain succès. Les fondations de bienfaisance à ce niveau-là interviennent auprès des collectivités locales. Il y a aussi des collectes de fonds et l'argent qui provient d'autres sources de revenus. J'y reviendrai.

À l'échelon national, ce genre d'action est devenue impérative parce que le financement fédéral n'est ni constant ni prévisible. Cela fait maintenant 10 mois que nous travaillons à la mise sur pied de notre propre fondation de bienfaisance. En ce qui nous concerne, cette fondation doit nous permettre de financer le conseil de jeunes, car son financement a été suspendu. Nous cherchons le moyen de conserver ce conseil des jeunes et cette voix nationale dont le travail est très important.

Pour ce qui est des autres options de financement, les innovations ne manquent pas. Par exemple, au sein du mouvement des centres d'amitié, il est actuellement beaucoup question d'innovation sociale, d'entrepreneuriat social et d'économie sociale. Nous y travaillons. Au Québec, il y a récemment eu une grande conférence coparrainée par le gouvernement provincial; Paul Martin, l'ancien premier ministre, est venu apporter son soutien. On y a parlé d'économie sociale et de la manière de structurer ces initiatives. Nos membres en Ontario ont aussi entamé un nouveau processus et ils travaillent sur l'économie sociale.On peut parfois prendre cela pour du développement communautaire à l'ancienne mais il y a plus de règles établies sur la façon de faire. L'Association des centres d'amitié de Colombie Britannique, un autre de nos membres, s'est également engagée dans un processus d'économie sociale et a commencé à réfléchir à des contrats d'incidence sociale, en essayant d'imaginer comment le gouvernement de la province pourrait investir et faire des économies dans la santé, les services sociaux et ces autres secteurs. Quand on parle d'exclusion sociale, on parle d'effets énormes sur le système de sécurité sociale. Ce sont les plus gros utilisateurs. Les 20 p. 100 ou 20 quintiles les plus pauvres ont l'accès le plus important au système de santé.

Nous essayons de trouver des moyens d'entrer en contact avec les gouvernements provinciaux et fédéraux et d'interagir avec eux — nous avons eu plus de succès avec les gouvernements provinciaux — pour trouver des formes différentes de financement ou pour montrer qu'investir dans ces initiatives communautaires est une meilleure manière d'investir les fonds. Il y a une diversité d'entrepreneuriat social. Les centres d'amitié sont connus pour favoriser la création d'entreprise. Les gens viennent, s'impliquent, acquièrent des compétences et se détachent pour aller créer leur entreprise. Je pourrais en citer une douzaine qui l'ont fait, rien qu'à Ottawa. Il se passe aussi beaucoup de choses à ce niveau.

Le sénateur Martin : Ce que vous décrivez est impressionnant. C'est remarquable que l'innovation soit là, qu'il y ait un effort permanent pour diversifier et que vous fassiez ce que vous faites, je vous en félicite. Vous n'avez pas mentionné le financement municipal. Est-ce que les villes participent?

M. Cyr : Oui, elles participent. Encore une fois c'est inégal à l'échelle du pays. Certaines villes sont conscientes et engagées, comme la ville d'Edmonton, et nous aimerions voir cela davantage avec les centres d'amitié qui s'y trouvent. Dans les villes comme Thomson ou Duncan en Colombie-Britannique, par exemple, les centres d'amitié sont fondamentaux. La ville est très engagée car c'est parfois le principal employeur. À Duncan, le centre d'amitié est une de nos grandes réussites. Il possède 13 immeubles au centre-ville. Ils peuvent être grands dans ce contexte. Beaucoup des centres d'amitié ne sont pas encore à ce niveau. Cela prend des années à développer et nous voyons l'accroissement du financement de base comme un moyen de leur donner la liberté de faire ce genre de choses.

Les municipalités ont eu raison de ne pas soumettre les centres d'amitié à l'impôt foncier. On se trouve parfois dans cette situation et cela nous aide. Parfois nous avons des problèmes avec le gouvernement fédéral qui essaye de supprimer un financement une fois qu'il est couvert. Nous devons être attentifs à avoir une bonne coordination et communication. L'important c'est la coordination. À Edmonton, ils sont en train de parler de coordination entre les différents niveaux de gouvernement, ce que j'aimerais voir plus souvent.

Le sénateur Martin : C'était ma prochaine question. Où en est la coordination?

M. Cyr : Elle est insuffisante. En gros, on peut faire beaucoup plus pour s'assurer que nous ne dupliquons pas les services et les prestataires, et en règle générale éviter de refaire des choses qui sont déjà en cours. Vous divisez alors vos ressources et vos efforts, ce qui n'est pas bénéfique. Je sais que je suis hors sujet et que j'abuse de votre temps mais la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain par exemple, est une bonne idée je pense, mais elle gagnerait à être adossée aux centres d'amitié et à travailler de concert avec eux pour que nous ne soyons pas en train de recréer des structures de gouvernance qui n'ont pas lieu d'être.

Le sénateur Martin : Chef Cachene, pour les étudiants qui passent des collectivités au postsecondaire, pensez vous qu'un passage plus précoce serait une meilleure approche, si c'est possible? Plus ils sont jeunes, plus la transition et l'adaptation sont faciles. La jeune fille que j'évoquais tout à l'heure est une élève du secondaire, qui a quitté la réserve et qui a bien réussi cette transition. Pensez-vous que l'âge soit un facteur de réussite pour les étudiants?

M. Cachene : C'est possible, mais cela crée un autre problème. Nos étudiants partent à la ville et un de nos étudiants va en postsecondaire, je crois que nous fournissons environ 900 $ par mois pour que cette personne puisse se loger et prendre les transports publics et malgré cela il lui faudra bien gérer son budget. La transition sera peut-être plus facile, mais je crois que les problèmes les plus difficiles à résoudre seront toujours là.

Le sénateur Martin : S'ils avaient un soutien familial. Merci.

Le sénateur Eaton : Chef, votre communauté est-elle située à Edmonton? Est-ce une collectivité? Est-elle en dehors d'Edmonton?

M. Cachene : Non, en fait nous sommes dans le centre de la Saskatchewan.

Le sénateur Eaton : Oh, pardonnez-moi.

M. Cachene : Nous sommes à trois heures à l'est de Saskatoon.

Le sénateur Eaton : Désolée, je n'arrive pas lire.

Tous les centres d'amitié, l'intégration, les jeunes de plus en plus nombreux qui quittent les collectivités pour les villes, est-ce que tout cela remonte à la Loi sur les Indiens? Est-ce vrai que vous n'êtes plus soutenus lorsque vous quittez la collectivité? Vous n'avez pas les mêmes financements que les communautés qui sont dans les collectivités?

M. Cachene : Ce n'est pas tant la Loi sur les Indiens que les traités et les obligations qui viennent avec ces traités. À l'heure actuelle nos traités sont transférables, ils nous suivent lorsque nous emménageons en ville. La seule chose à l'heure actuelle qui nous suive est la pauvreté et les questions sociales qui les accompagnent.

Le sénateur Eaton : Si j'étais un jeune et que je choisissais de rester dans la collectivité, aurais-je un meilleur financement que si je quittais la collectivité pour partir en ville?

M. Cachene : Non, il n'y a pas d'amélioration, ni d'un côté ni de l'autre.

Je vais prendre un exemple. Pour notre budget logement, nous recevons 387 000 $. Cela fait probablement 15, 20 ans que cette allocation existe.

Le gouvernement affiche de bonnes intentions pour développer des politiques, du style : vous devez commencer à assurer vos maisons. Ça diminue notre budget logement de 110 000 $.

Vous savez tous, je pense, que notre installation de traitement de l'eau a dû être remplacée il y a deux ans. Le montant de l'assurance pour cette installation est prélevé là aussi sur notre budget logement.

Nous parlons peut-être de 160 000 $ à déduire de notre budget logement. Cela s'applique à tous les programmes. Il y a des prescriptions incontournables auxquelles il faut se conformer et qui s'appliquent au niveau des collectivités.

Maintenant si vous allez en ville, où sont les programmes? Par rapport au nombre de gens dans les villes, ici le centre d'amitié fonctionne avec 130 000 $ par an, et vous avez d'autres secteurs comme les programmes sur les dépendances, sur l'éducation et la formation qui font face aux mêmes pénuries. Ça ne s'améliore ni d'un côté ni de l'autre.

Le sénateur Eaton : Je ne veux pas polémiquer avec vous. Je pensais simplement qu'après avoir quitté la réserve on était financièrement laissé à soi-même, selon la manière dont la bande utilise les crédits fédéraux. Êtes-vous en train de dire qu'il n'y a pas de différence, qu'on vive ou non dans la réserve?

M. Cachene : Non. La répartition des fonds est fixée d'avance. Il y a très peu d'argent pour l'emploi et la formation. Pour payer des études dans un établissement d'enseignement, il faut puiser dans les fonds destinés aux études postsecondaires.

Ma communauté compte 2 700 membres inscrits, dont 800 vivent sur place et 1 600 vivent hors réserve. La moitié environ des électeurs admissibles sont des jeunes. Nous devons examiner les niveaux de financement et déterminer ce qui est convenable.

Nous avons été invités à soumettre des propositions relativement à la stimulation de l'emploi. On nous a dit que la nôtre était parmi les meilleures, mais qu'il nous fallait l'étayer et la resoumettre. Nous avons renvoyé la proposition, pour apprendre dans la foulée qu'il n'y avait plus d'argent et qu'il nous faudrait attendre à l'année prochaine.

Nous cherchons à créer une main-d'œuvre solide, mais nous n'avons pas le financement supplémentaire nécessaire pour y parvenir. Nous pensons maintenant nous tourner vers le secteur industriel. Il y a de grands employeurs en Saskatchewan, comptant des dizaines de milliers d'employés, avec qui nous pourrions former des partenariats. Nous examinons cette possibilité et les emplois offerts par ces industriels pour nous préparer en conséquence.

Nous voulons être en lice pour ces emplois. Nous devons préparer nos étudiants, nos jeunes, pour qu'ils puissent décrocher ces emplois au mérite.

Le sénateur Callbeck : Merci de vous être déplacés. Vos réponses aux questions et votre mémoire ont été très instructifs.

Monsieur Cyr, parlons des centres d'amitié. Vous avez parlé de 16 millions de dollars. En réponse à une question, vous avez mentionné que vous êtes en train de créer une fondation parce que vous avez perdu le financement accordé au conseil des jeunes. Ce financement faisait-il partie des 16 millions de dollars?

M. Cyr : Non.

Le sénateur Callbeck : Ça représentait combien?

M. Cyr : À l'origine, le conseil était financé par l'entremise du programme Urban Multipurpose Aboriginal Youth Centre. C'était un petit montant d'environ 70 000 à 80 000 $ par année. Ensuite, notre centre a été financé par Cultural Connections for Aboriginal Youth, puis les lignes directrices ont été modifiées et il est devenu impossible de financer ce genre de chose. Ça a complètement disparu. C'est un tout nouveau programme.

Nous assistons à un resserrement constant des critères par le gouvernement fédéral et il est difficile de suivre le mouvement. Je vais vous donner un petit exemple.

Le financement des fêtes a été exclu de ce programme. Il est illogique de vouloir encourager les connexions culturelles chez les jeunes autochtones et d'éliminer du même souffle le financement des fêtes qui sont pourtant une activité culturelle principale. Le resserrement des paramètres complique énormément la vie des organisations autochtones.

Comme le chef a dit, en plus de tout ça, la production de rapports est un fardeau. Ça pèse très lourd. Nous mettons cette fondation sur pied pour mobiliser le milieu des affaires et le mouvement philanthropique autour des thèmes de la jeunesse autochtone, de la main-d'œuvre de demain et en fait de l'avenir du Canada. Comment vous aidez-nous à aider les jeunes? C'est une question qui concerne particulièrement le Conseil national des jeunes Autochtones parce que celui-ci est formé de jeunes de toutes les régions. Il est coûteux de les rassembler pour discuter de ces enjeux : au moins 20 000 à 30 000 $ par réunion. De nos jours, cette somme couvre seulement les frais de transport et le travail des participants sur place.

Ils rentrent ensuite chez eux; n'oubliez pas qu'ils sont bénévoles et que ce sont des jeunes en plus. Ils ne sont pas payés pour faire ça. Ils tiennent aussi des réunions avec leurs conseils régionaux de jeunes qui manquent aussi de financement à l'échelon régional parce que tous les conseils font partie du même programme dont le financement a été réduit.

Dans le cas des jeunes, le combat est incessant et c'est pour ça que nous cherchons d'autres solutions. Il faudra plusieurs années pour que la fondation soit fonctionnelle et qu'elle fasse ce qu'elle est censée faire.

Le sénateur Callbeck : Quand a-t-elle été établie?

M. Cyr : Nous sommes en train de la créer. Nous en avons presque terminé avec l'aspect juridique, en liaison avec notre avocat. Comme vous le savez sans doute, des amendements ont récemment été apportés à la Loi sur les sociétés sans but lucratif, et la structure de notre conseil ainsi que nos documents doivent refléter ces changements. Nous pensons être prêts dans six à huit mois, peut-être 10, mais nous espérons que ce sera plus tôt.

Le sénateur Callbeck : Les sommes que le secteur privé verse aux centres d'amitié augmentent-elles de beaucoup d'année en année?

M. Cyr : Pas vraiment. Les sommes augmentent, mais pas de beaucoup selon moi. Je ne crois pas que ce soit assez.

Du côté provincial et local, nous aimerions que le secteur privé participe davantage, qu'il détermine comment il va aider les jeunes et contribuer à l'avancement de leur cause. Il y a bien des endroits où l'on exploite des ressources naturelles non loin des centres d'amitié. Ces centres ne se trouvent pas seulement en milieu urbain. La main-d'œuvre à laquelle vous avez facilement accès est celle des jeunes Autochtones. Sinon, on parle d'immigration. Je sais que l'immigration est à l'ordre du jour ces temps-ci. S'agissant de services offerts aux néo-Canadiens, il faudrait aussi penser à des services d'immigration ou d'émigration pour nos Autochtones. Comment bénéficient-ils de ces services? Sont-ils financés à la même hauteur? Je ne le pense pas. Nous devrions examiner la structure du financement. Ce serait certainement quelque chose à faire.

Le président : Monsieur Cyr, pour terminer, j'aimerais que vous m'en appreniez un peu plus sur l'association des centres d'amitié dont vous avez parlé. Vous nous avez décrit les divers domaines où elle intervient et les succès qu'elle a connus. Vous avez indiqué que c'est une association nationale. Ai-je bien compris, dans une de vos réponses au sénateur Callbeck, que l'association n'est pas une personne morale sans but lucratif?

M. Cyr : Au contraire, elle l'est.

Le président : Vous parliez d'un autre aspect. Parfait, je vous remercie.

Vous êtes officiellement constitués en organisme sans but lucratif. Pris globalement, vous êtes un organisme national. Vous avez parlé du financement assuré par le gouvernement fédéral. Est-ce que vous adressez directement vos demandes au gouvernement fédéral ou est-ce que vous passez par une autre organisation autochtone ou par le truchement d'un régime de financement pour obtenir ces sommes-là?

M. Cyr : Nous sommes en liaison directe avec le gouvernement. Nous faisons des demandes directes. Pour l'instant, nous nous adressons principalement à Patrimoine canadien. Nous faisons une demande globale et simultanée pour tous les centres d'amitié. C'est mon bureau qui assume la charge administrative de ce travail et qui dirige les demandes. Nous facilitons la tâche du gouvernement fédéral. Nous nous trouvons, essentiellement, à administrer le programme en son nom. Nous avons conclu une entente de contribution de 16 millions de dollars à laquelle viennent s'ajouter les autres programmes que nous administrons; nous répartissons tout cela ensuite. Nous fixons les conditions et les critères à l'interne; nous établissons comment les choses sont censées fonctionner et nous gérons tout cela entre nous. En cas de problème dans un centre d'amitié, nous nous tournons vers les associations professionnelles pour essayer de le régler.

Le président : Vous nous avez donné des exemples de centres d'amitié qui s'en sortent très bien, qui possèdent des actifs assez importants et ainsi de suite. Est-ce que chaque centre d'amitié est constitué en société sans but lucratif à part et est-ce que chaque centre est ensuite membre de l'organisation nationale? C'est un peu ça que cela ressemble?

M. Cyr : C'est tout à fait ça.

Le président : Merci. C'est très utile.

Je crois que vous avez répondu à la dernière question que je vous destinais et que j'allais formuler de différente façon. Cependant, je veux être bien certain de vous avoir compris.

Je voulais savoir si vous disposez d'un mécanisme permettant de recenser les pratiques exemplaires — comme une liste d'entrepreneurs florissants — pour les communiquer à tous les centres d'amitié, par exemple en dépêchant des mentors chargés de prendre la parole dans les différents centres.

Je pense que vous avez cité plusieurs exemples montrant que vous fonctionnez de la sorte, que vous repérez les pratiques exemplaires et que vous tentez ensuite de les communiquer aux différents centres d'amitié quand vous jugez que cela s'impose.

Ai-je bien compris ce dont il s'agit ou voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Cyr : La réponse courte est oui. Pour faire plus long, je dirais que tout dépend de notre niveau d'énergie et de ressources. Comme nous pouvons nous organiser autour de thèmes communs comme l'économie sociale et autres, il nous est possible d'isoler les pratiques exemplaires et d'échanger entre nous, au sein de ce que nous appelons « la famille » ou le mouvement des centres d'amitié, exemples et ressources. C'est ce que nous faisons régulièrement. Nous faisons office de plaque tournante en matière de recherches et de stratégies.

Grâce à notre réseau urbain de connaissances autochtones, nous effectuons des recherches en liaison avec cinq universités sur le thème de la collectivité. Les membres du réseau s'entendent sur les recherches à effectuer. Nous cherchons tout ce qui existe, que ce soit de nouvelles statistiques émanant de Statistique Canada, de tout ce que nous pouvons apprendre sur la migration, sur le logement dans les centres urbains — ou sur l'absence de logement — et sur ce genre de choses. Nous effectuons des recherches, formulons des stratégies, recensons les pratiques exemplaires, et le gouvernement fédéral a d'ailleurs récemment retenu les services de notre réseau. Nous collaborons avec les gouvernements fédéraux et les organisations autochtones du Canada, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, de même que des États-Unis, afin de dégager les pratiques exemplaires en matière de participation économique des peuples autochtones. Il est ici question de participation à l'économie et pas d'emploi. Nous voulons savoir comment les Autochtones participent à l'économie en général. À l'international, nous nous penchons de plus en plus sur ce genre de questions et cherchons à rassembler tout le monde.

Le président : Merci beaucoup. Madame Carter, chef Cachene et monsieur Cyr, à vous trois vous nous avez présenté des questions très importantes et avez formulé des idées fondamentales. Je tiens à vous remercier pour la clarté de vos exposés et le caractère direct de vos réponses. Nous avons trouvé tout cela très instructif.

Au nom du comité, je vous remercie tous trois de vous être déplacés et d'être venus nous donner un coup de main dans cette étude. Si, après votre témoignage, vous estimez devoir ajouter quoi que ce soit, n'hésitez pas à nous en faire part.

Je rappelle à mes collègues que le comité directeur se réunit tout de suite après cette séance, dans cette même salle.

(La séance est levée.)


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