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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule No. 11 - Témoignages du 8 mars 2012


OTTAWA, le jeudi 8 mars 2012

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 28, pour étudier l'inclusion et la cohésion sociales au Canada.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, la séance est ouverte. Je tiens à vous rappeler que nous sommes ici pour poursuivre notre étude sur l'inclusion et la cohésion sociales au Canada. Nous recevons aujourd'hui un certain nombre de témoins que je vais vous présenter lorsque je leur demanderai de prendre la parole.

Avant cela, je voudrais présenter les membres du comité. Je suis le sénateur Ogilvie, de Nouvelle-Écosse. Je suis le président du comité.

Je vais demander à mes collègues de se présenter, en commençant à ma droite.

Le sénateur Seidman : Je suis Judith Seidman, de Montréal, Québec.

Le sénateur Demers : Jacques Demers, de Montréal, Québec.

Le sénateur Dyck : Lillian Dyck, de Saskatchewan.

Le sénateur Merchant : Pana Merchant, de Saskatchewan.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, de Toronto. Je suis le vice-président du comité.

Le président : Merci, chers collègues.

Comme personne n'a demandé à commencer en premier, j'ai décidé que je vais, une fois de plus, demander aux intervenants de prendre la parole en commençant à ma gauche. Cela veut dire que nous commencerons par Statistique Canada. Il y a trois personnes de Statistique Canada : M. Turner, Mme Dauvergne et Mme McAuley.

Si j'ai bien compris, madame McAuley, c'est vous qui allez prendre la parole.

Julie McAuley, directrice, Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada : Oui. Merci de nous inviter à présenter un exposé au comité. Mes collègues m'aideront à répondre à vos questions.

Nous allons commencer par le premier acétate.

À partir des données reçues des services de police de tout le Canada, nous pouvons voir les tendances du taux de criminalité traditionnel, à gauche, et l'indice de gravité des crimes, à droite.

Le taux de criminalité traditionnel déclaré par la police mesure les changements dans le volume de crimes. Après avoir atteint son point culminant en 1991, le taux de criminalité déclaré par la police a diminué de façon régulière. L'indice de gravité des crimes suit les changements dans la gravité des crimes déclarés par la police. Comme le montre cet acétate, tant pour la criminalité générale que pour la criminalité des adolescents, l'indice de gravité a diminué de façon constante depuis 1998, la première année pour laquelle nous avons des données.

Nous savons, d'après les données fournies par la police, que le taux de criminalité traditionnel et l'indice de gravité des crimes ont tendance à être plus élevés dans les provinces de l'Ouest et dans le Nord du pays. Le troisième acétate montre une répartition géographique générale similaire pour 13 régions métropolitaines de recensement. Nous avons choisi ces RMR pour assurer une représentation régionale dans les données qui vous sont présentées aujourd'hui.

En 2010, Regina affichait l'indice de gravité des crimes le plus élevé, suivie par Saskatoon et Winnipeg. Ces villes figuraient également parmi celles qui avaient les taux de criminalité globale les plus hauts.

Comme la tendance de la criminalité globale, le taux de criminalité des adolescents a diminué au cours de la dernière décennie. En 2010, ce taux a diminué de 7 p. 100 par rapport à l'année précédente et de 11 p. 100 par rapport à il y a 10 ans. Comme l'indique le quatrième acétate, si nous examinons les taux de criminalité déclarés par la police, par région métropolitaine de recensement, nous constatons que même si Regina et Saskatoon avaient les taux de criminalité chez les jeunes les plus élevés, certaines RMR de l'Est du pays, comme Moncton et Charlottetown, ont eu également des taux de criminalité chez les jeunes supérieurs à la moyenne.

La police a déclaré 554 homicides en 2010, soit 56 de moins que l'année précédente, ce qui a donné le taux d'homicides le plus bas enregistré au Canada depuis 1966. Cette baisse du taux d'homicides est principalement attribuable à la Colombie-Britannique où il y a eu 35 homicides en moins. Une bonne partie de cette diminution peut être attribuée à Vancouver où il y a eu 25 homicides en moins en 2010.

Thunder Bay est la région métropolitaine de recensement qui a déclaré le taux d'homicides le plus élevé en 2010, suivie de Saskatoon et de Regina.

Le taux de tentatives de meurtre est toujours resté plus élevé que le taux d'homicides, mais ces deux infractions ont continué d'afficher des tendances similaires d'une année à l'autre. En 2010, il y a eu 693 tentatives de meurtre au Canada, soit 14 p. 100 de moins qu'en 2009.

Passons au sixième acétate. Si nous examinons le taux moyen d'homicides au cours des 10 dernières années par région métropolitaine de recensement, nous voyons que les taux d'homicides les plus élevés se trouvent généralement dans les RMR de l'Ouest. L'homicide n'est pas seulement un phénomène des grandes villes. Même si près du tiers des homicides commis au Canada en 2010 ont eu lieu à Toronto, à Montréal et à Vancouver, le nombre d'homicides survenus dans ces villes par rapport à la taille de leur population — autrement dit, leur taux — a été en dessous de la moyenne nationale pour 2010. De plus, le taux d'homicides dans les RMR a été plus bas que dans les autres régions.

La police a déclaré 170 homicides commis avec une arme à feu en 2010, contre 180 l'année précédente. Cela correspond à la diminution générale du nombre d'homicides reliés aux armes à feu constatée au cours des trois dernières décennies, comme le montre le septième acétate. Une bonne partie de la diminution des homicides reliés aux armes à feu depuis le début des années 1980 peut être attribuée à une diminution des homicides commis avec des carabines ou des fusils.

Il y a eu aussi un déclin général des homicides non reliés à des armes à feu au cours des trois dernières décennies. Les homicides à l'arme blanche ont été presque aussi fréquents que les homicides commis avec des armes à feu en 2010, mais le nombre d'homicides à l'arme blanche déclarés par la police a diminué au cours des 30 dernières années.

Les armes à feu sont plus souvent utilisées pour commettre des homicides dans certaines régions du pays que dans d'autres. Si l'on prend les 10 plus grandes régions métropolitaines de recensement du pays, en 2010, les taux d'homicides reliés aux armes à feu les plus élevés ont été enregistrés à Winnipeg, Toronto, Edmonton et Vancouver. Les homicides reliés à des gangs sont plus souvent commis avec des armes à feu. Parmi les 10 régions métropolitaines de recensement les plus grandes, ce sont Winnipeg et Vancouver qui ont déclaré les taux d'homicide relié à des gangs les plus élevés, suivies de Montréal, Toronto et Edmonton.

Comme le montre le neuvième acétate, les services de police canadiens ont déclaré 1 473 crimes haineux en 2009, soit 42 p. 100 de plus que l'année précédente. Cette hausse est surtout attribuable à l'augmentation du nombre de crimes haineux déclarés par la police à Ottawa, Toronto, Kitchener-Cambridge-Waterloo et Montréal.

À l'échelle nationale, plus de la moitié des crimes haineux déclarés par la police en 2009 étaient motivés par la race, 29 p. 100 par la religion et 13 p. 100 par l'orientation sexuelle. Il y a néanmoins des différences dans la répartition des trois principaux facteurs de motivation des crimes haineux d'une RMR à l'autre. Par exemple, à Toronto, 54 p. 100 des crimes haineux ont été motivés par la race contre 71 p. 100 à Calgary et 62 p. 100 à Ottawa. Winnipeg et Montréal sont les villes où il y a eu la plus forte proportion de crimes haineux motivés par la religion tandis que Vancouver et Winnipeg ont eu la plus forte proportion de tous les crimes haineux motivés par l'orientation sexuelle.

L'Enquête sociale générale sur la victimisation, de 2009, a posé aux Canadiens des questions sur leur perception de leur sécurité personnelle et de la criminalité. Dans l'ensemble, 93 p. 100 des Canadiens se sont déclarés satisfaits de leur sécurité personnelle, soit la même proportion qu'en 2004, la dernière fois où ces données ont été recueillies.

L'enquête demandait aux Canadiens s'ils se sentaient en sécurité dans leur quartier lorsqu'ils accomplissaient certaines activités, y compris lorsqu'ils étaient seuls chez eux le soir, lorsqu'ils marchaient seuls la nuit tombée et lorsqu'ils attendaient ou utilisaient un moyen de transport en commun. Comme le montre le onzième acétate, en 2009, 90 p. 100 des personnes qui marchaient seules dans leur quartier la nuit se sentaient en sécurité. Ce résultat est le même dans la plupart des régions métropolitaines de recensement.

Toutefois, les Canadiens semblent se sentir moins à l'aise lorsqu'ils utilisent ou attendent un moyen de transport en commun la nuit, comme le montre la page 12. Cinquante-huit pour cent des Canadiens qui utilisaient les transports en commun dans leur ville ont dit ne pas se sentir inquiets lorsqu'ils attendaient ou utilisaient un moyen de transport en commun la nuit.

Quand on leur a demandé quel était le niveau de criminalité dans leur quartier par rapport à ce qu'il était cinq ans plus tôt, 62 p. 100 des Canadiens ont dit qu'il était resté le même tandis que le quart croyaient que la criminalité avait augmenté, comme le montre l'acétate 13. Moins de un répondant sur dix croyait que la criminalité avait diminué dans son quartier. Les résidents d'Edmonton, de Vancouver et de St. John's étaient parmi ceux qui étaient les plus portés à percevoir une hausse de la criminalité dans leur quartier tandis que les répondants de Regina, de Montréal et d'Ottawa- Gatineau figuraient parmi ceux qui croyaient que la criminalité avait diminué.

Encore une fois, merci de nous avoir permis de faire un exposé devant le comité. Cet exposé est terminé.

Le président : Merci. Je vais donner la parole à M. Dale McFee.

Chef Dale McFee, président, Association canadienne des chefs de police : Mesdames et messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord vous remercier de m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui. Comme vous le savez, la sécurité est une chose à laquelle tous les Canadiens tiennent beaucoup. Je vais essayer de vous présenter le point de vue d'un chef de police, du président de l'ACCP et d'une personne qui a assumé diverses responsabilités au sein de sa communauté.

Je voudrais aborder le sujet de l'inclusion sociale. La criminalité, ou la peur de la criminalité, fait obstacle à une participation plus importante dans la communauté, autrement dit à l'inclusion, surtout pour les personnes qui risquent l'exclusion comme les aînés, les Canadiens handicapés, les immigrants, les minorités visibles et les femmes.

Au niveau municipal, les services de police canadiens jouent un rôle clé pour assurer la sécurité dans les villes. Nous faisons beaucoup plus que maintenir la paix; nous participons activement à des programmes visant à favoriser une plus grande confiance entre nous et les communautés minoritaires. De plus, le maintien de la sécurité dans les collectivités canadiennes exige une collaboration entre les services de police, les groupes communautaires et les citoyens.

Je voudrais parler particulièrement des pratiques prometteuses et des mesures municipales dans le domaine de la prévention de la criminalité, de l'approche communautaire et des services offerts aux victimes d'actes criminels.

Comme j'ai voyagé aux quatre coins du pays et que je siège actuellement à un conseil international, je dirais d'abord que la police canadienne est de haute qualité et reconnue sur la scène internationale pour son professionnalisme. C'est d'ailleurs tellement vrai qu'un grand nombre de policiers canadiens sont détachés dans le monde entier.

Si vous le permettez, je commencerai par notre situation économique actuelle. Les universitaires nous disent qu'il y a un lien étroit entre l'évolution de la police et les marchés financiers. Ce lien remonte à la forme originale des services de police mis en place pour protéger les marchés financiers. Ce lien existe depuis le début et les aléas que connaît actuellement l'économie mondiale nous placent dans une situation particulière. Cette situation peut être bonne ou mauvaise selon le point de vue. J'adopte un point de vue positif en disant que le moment est parfaitement choisi pour innover dans la façon dont on assure la sécurité des Canadiens.

L'ACCP a tenu des ateliers sur ce sujet dans les différentes régions du pays. Il est devenu évident que la sécurité de la collectivité ne se limite pas à la police. Cela dit, la police y joue un rôle important, et parfois exclusif, sur le plan de l'application de la loi en ce qui concerne aussi bien le crime organisé que la sécurité routière et tout ce qui se trouve entre les deux, des domaines dans lesquels nous avons réalisé d'importants progrès et nous continuons à devenir plus efficaces.

Allons plus loin et posons la vraie question que je crois nécessaire de mieux comprendre. Qui est responsable de la sécurité de la collectivité? Je crois que 90 p. 100 des gens diraient que c'est la police, mais pourtant le Rapport sur la santé dans le monde définit la violence comme le premier problème de santé dans le monde. Quand j'ai siégé à notre conseil de santé régional où m'avait nommé le premier ministre de la Saskatchewan, la violence n'était pas considérée du point de vue de la santé et je ne crois pas qu'elle le soit non plus dans la perspective canadienne. Je ne veux pas dire que la santé a pour rôle d'assurer la sécurité de la collectivité car en réalité, chacun a un rôle à jouer et cela exige des objectifs communs pour différentes raisons.

Je participe constamment à des discussions sur les moyens de faire face efficacement à la criminalité dans la collectivité. Apparemment, la plupart des gens, y compris la classe politique, examinent la question de deux points de vue : les uns préconisent la manière forte, c'est-à-dire la répression et l'incarcération; les autres préconisent la manière douce, soit la prévention et l'intervention. Les deux approches exigent des décisions difficiles et sont absolument obligatoires pour obtenir le maximum de résultats. Nous croyons en un juste équilibre entre les deux points de vue ou, devrais-je dire, une approche intelligente de la criminalité ou de la sécurité de la collectivité.

Je dis souvent que ce ne sont pas les arrestations qui arrêteront les problèmes. En même temps, nous n'allons pas cesser les arrestations. Il y a des gens qui doivent aller en prison. Cela ne veut pas dire que nous ne faisons rien pour eux; il y a, bien entendu, des bons programmes dans les établissements.

Quand nous avons lancé le projet Community Mobilization, à Prince Albert, je crois que nous avons trouvé une formule qui peut changer la donne, car si elle est bien appliquée, c'est une approche novatrice de l'intervention et de la prévention.

Je me pose la question suivante : « Quelles conditions faudrait-il réunir pour qu'on n'ait pas besoin de moi? » Pour répondre à cette question, nous devons comprendre quels sont les facteurs qui rendent l'intervention policière nécessaire.

Si j'examine les appels que mon propre service de police a reçus à Prince Albert, en Saskatchewan, 27 p. 100 étaient de nature criminelle. Sur ces 27 p. 100, 5 p. 100 ont conduit à une accusation criminelle. Néanmoins, 73 p. 100 de la totalité des appels entraient dans la catégorie que nous définissons comme les comportements antisociaux, les comportements qui, sans intervention ou sans responsabilisation, mènent souvent à un comportement criminel. Le comportement antisocial est souvent relié à la toxicomanie, à la violence familiale, à la perturbation de la paix publique, au logement, à la santé mentale, et cetera. Si j'examine ces questions de plus près, je dois me demander : « Les policiers peuvent être considérés comme des experts dans combien de ces domaines? » Le plus souvent, la réponse est qu'il n'y en a aucun.

En tant que premiers intervenants, il est naturel que les policiers prennent en charge la situation. Néanmoins, c'est là qu'a lieu le changement innovateur : la prise en charge est remplacée par le leadership. Les services de police assument le leadership en faisant appel aux ressources compétentes pour résoudre le problème afin de réduire le risque qu'il se reproduise ou d'intervenir rapidement avant qu'un crime grave ne soit commis.

La majorité de ces 73 p. 100 d'appels sont prévisibles; s'ils sont prévisibles, ils sont donc le plus souvent évitables. Néanmoins, pour qu'ils soient évitables, nous devons nous diriger vers une approche structurée qui confère à tous les intervenants — police, santé, éducation, services sociaux, et cetera — la possibilité de voir la situation dans son ensemble et d'intervenir rapidement au niveau local ou régional. Malheureusement, à l'heure actuelle, nous attendons généralement que les gens entrent dans le système pour leur dire ce qu'ils doivent améliorer chez eux ou dans leur famille.

Pensez à ce que peut apporter une intervention intersectorielle lorsque nous savons qu'une personne est en difficulté et que nous lui demandons ce que nous pouvons faire pour l'aider. La plupart des gens savent ce dont ils ont besoin; bien des gens sont capables de prendre des bonnes décisions avec un peu de chance et s'ils obtiennent l'aide nécessaire au bon moment, mais pourtant, nous attendons.

Lorsque nous sommes allés avec les 11 membres de notre équipe intersectorielle à Glasgow, en Écosse, avec notre plan d'entreprise, nous avons trouvé une région qui avait 15 indicateurs clés identiques aux nôtres et qui avait connu cinq années de succès. Nous nous sommes inspirés de ce que les autorités locales avaient appris, de leurs pratiques exemplaires pour améliorer encore notre modèle. Nous avons maintenant enregistré d'importants succès dont je pourrai vous parler plus tard.

Notre pays est diversifié. Il faut que nous puissions intervenir au niveau communautaire ou régional et résoudre efficacement les anomalies grâce à l'innovation. Au lieu de parler de faire des dépenses, nous devons parler de faire des investissements.

Pour préparer notre retraite, nous investissons notre argent là où nous obtiendrons le meilleur rendement d'après les recherches et les données probantes recueillies. Nous suivons ensuite nos placements pour nous assurer que notre avenir est sûr. Pourquoi ne pas faire la même chose sur le plan de la sécurité? Déterminez qui sont les intervenants, établissez en priorité une formule de financement rentable qui peut être appliquée là où c'est nécessaire. C'est une question dont j'ai parlé un peu partout au Canada plus d'une centaine de fois. C'est une simple question de bon sens, mais malheureusement, ce n'est pas une pratique courante.

Je suis Métis et j'ai des liens solides avec la communauté autochtone. Quand j'étais en Écosse, j'ai eu la révélation que nos problèmes n'étaient pas des problèmes propres aux Premières nations, mais des problèmes propres aux marginaux. Si nous voulons un succès durable, il faut en revenir au principe de base de l'investissement : plus vous investissez tôt, plus vous gagnerez.

Nous devons changer notre façon de voir les choses. Nous ne suggérons pas de faire un nouvel investissement, mais plutôt de réinvestir. Les organismes non gouvernementaux et communautaires nous disent que l'économie actuelle offre d'importantes possibilités de réinvestissement, en grande partie du fait du dédoublement des services. Il existe certainement des façons plus rentables et plus efficaces d'intervenir, mais les bonnes décisions exigent une certaine réflexion.

Si c'est une question d'argent, je pourrais suggérer quelques moyens de résoudre le problème. Le premier serait une taxe de 1 p. 100 sur l'alcool. L'alcool est, de loin, le principal facteur qui contribue à un grand nombre de ces problèmes. Au Canada, les ventes d'alcool se chiffrent à 20 milliards de dollars par année. Pensez-y.

Il s'agit d'appliquer une approche pour résoudre les problèmes complexes qui se posent dans un grand nombre de nos collectivités et de se servir du financement disponible pour nous assurer que nos objectifs et nos priorités sont les mêmes et qu'ils seront des catalyseurs de changement. L'adoption de cette approche entraînera un alignement et des changements aux niveaux local et régional et avec le temps, ces changements conduiront à l'efficience et à d'importantes économies. C'est ce qui correspond à un modèle d'investissement plutôt qu'à un modèle de dépenses.

L'ACCP a tenu, un peu partout dans le pays, ses ateliers Economics of Community Safety dont certains thèmes communs sont ressortis. En résumé, ce sont les suivants : Pouvons-nous trouver une approche meilleure ou plus efficace? La sécurité de la collectivité ne se limite pas à la police. Quel rôle le secteur privé peut-il jouer dans la nouvelle approche? Nous devons mieux promouvoir le rôle que la police joue dans la sécurité de la collectivité et son importance pour le maintien de la sécurité dans les communautés.

Tels sont les thèmes de nos discussions, surtout dans le contexte des incertitudes économiques.

Pour conclure, je me ferais un plaisir de fournir plus de précisions ou de répondre à vos questions. Je pense que le moment est bien choisi pour continuer à mettre l'accent sur les services, mais l'innovation est la clé qui permettra d'assurer une meilleure prestation des services. Nous avons une excellente occasion de supprimer les obstacles et d'établir des objectifs et des priorités intersectoriels qui nous permettront d'intervenir de façon rentable et plus efficace.

Le président : Merci, monsieur McFee. Je vais maintenant donner la parole à Heidi Illingworth, directrice générale du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes.

Heidi Illingworth, directrice générale, Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes : Bonjour. Merci de nous avoir invités à comparaître devant le comité sénatorial ce matin. Nous avons le plaisir de présenter le point de vue du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes, ou CCRVC, au sujet de la sécurité dans les villes et nos opinions reflètent directement ce que nous disent les victimes et les survivants de crimes que nous desservons.

Nous vous avons remis ce matin un mémoire dans lequel nous formulons plusieurs recommandations qui, croyons- nous, auront un effet positif sur les victimes de crimes et la justice sociale au Canada.

Pour améliorer l'inclusion et la cohésion sociales au Canada, nous croyons nécessaire de répondre aux préoccupations des citoyens concernant la sécurité. Nous nous soucions particulièrement des personnes victimes de violence et de criminalité et du fait qu'elles constituent un groupe exposé au risque d'exclusion.

Notre centre est un organisme non gouvernemental national sans but lucratif qui défend les intérêts des victimes; nous apportons un soutien et une aide directs à de nombreuses victimes des différentes régions du pays. Nous desservons chaque année environ 1 200 nouveaux clients qui contactent notre bureau au moyen de notre ligne sans frais et par courriel.

Nos préoccupations tournent autour du fait que malgré la diminution de la criminalité au Canada, tant sur le plan de la gravité que du nombre de crimes déclarés par la police en 2009 et 2010, les actes de violence commis dans toutes les collectivités du pays, et surtout leurs effets durables sur les victimes demeurent très inquiétants.

Nous voudrions mettre en lumière certaines des statistiques résultant de l'Enquête sociale générale sur la victimisation de 2009. Ce qu'elle a révélé et ce qui nous inquiète c'est que la victimisation violente reste stable au Canada et que le signalement des crimes violents diminue.

En 2009, près de 1,6 million de Canadiens, soit 6 p. 100 de la population âgée de 15 ans et plus dans les 10 provinces, ont déclaré avoir été victimes d'une agression sexuelle, d'un vol qualifié ou d'une agression physique au cours des 12 mois précédents. Cette proportion était semblable à celle de l'enquête précédente, en 2004.

Comme vous le savez peut-être, les études indiquent que, pour diverses raisons, les victimes préfèrent parfois ne pas signaler le crime à la police. Par exemple, toujours selon l'ESG de 2009, 69 p. 100 des victimes de crimes violents, 62 p. 100 des victimes de violence à la maison et 71 p. 100 des victimes de vol de biens personnels ne portent pas plainte.

Nous sommes très inquiets de la surreprésentation des Autochtones parmi les victimes, notamment les femmes et les enfants autochtones vivant en milieu urbain, en raison de l'augmentation de leur population dans les zones urbaines. Qu'on songe aux plus de 600 femmes autochtones disparues ou assassinées au Canada. Selon l'étude de 2009 de Statistique Canada sur la victimisation avec violence chez les Autochtones dans les provinces canadiennes, les agressions sexuelles représentent plus d'un tiers des incidents violents faisant une victime autochtone. En fait, les agressions sexuelles ont été signalées à raison de 70 incidents pour 1 000 personnes comparativement à 23 incidents pour 1 000 personnes dans la population non autochtone.

Nous tenons à souligner que les effets de la violence sont graves. Beaucoup de nos clients sont socialement isolés en raison de leur victimisation. Leurs amis et leurs familles ne comprennent pas le traumatisme qu'ils ont subi et s'attendent à les voir retrouver leur équilibre et reprendre le cours de leur vie rapidement. Beaucoup de personnes qui ont été victimes de violence n'ont pas accès à des services de soutien dans leur collectivité pour diverses raisons, sans parler de l'aide psychologique qui leur permettrait d'aller de l'avant. Dans bien des cas, les victimes ignorent l'existence de ces importants services, n'y ont pas accès facilement ou n'ont pas les moyens de payer, par exemple, des séances de counseling pendant de longues périodes. Les mesures sociales prises au profit des victimes et des survivants immédiatement après la perpétration du crime peuvent avoir des effets sur leur guérison ultérieure et il est crucial que les victimes se sentent soutenues et écoutées.

Beaucoup de victimes ne peuvent pas retourner travailler immédiatement en raison des conséquences physiques de la violence ou des répercussions négatives sur leur santé mentale telles que l'anxiété et le trouble de stress post- traumatique. Les conséquences économiques de la victimisation sont graves et plongent souvent les survivants dans une situation socioéconomique inférieure à celle qui était la leur avant la perpétration du crime.

Les survivants ont souvent l'impression d'être de nouveau victimisés par les enquêtes policières, les reportages dans les médias aussi bien que par le procès ou la condamnation du délinquant. Ils ont le sentiment que le système de justice pénale du Canada n'est pas équilibré et qu'ils n'ont pas vraiment le droit de s'exprimer et d'être entendus. Les victimes observent que le système juridique est obsédé par les droits des accusés, tandis que les victimes et les personnes auxquelles il a été fait du tort ne sont que de simples spectateurs. Cela ajoute au sentiment d'aliénation et d'exclusion chez certaines victimes.

Nous croyons important de vous parler du coût de la criminalité au Canada. Compte tenu des effets produits par les crimes violents que nous constatons tous les jours, nous appuyons vigoureusement les mesures prises pour réduire la victimisation au Canada. Selon les études effectuées par le ministère de la Justice, le coût de la criminalité au Canada se serait élevé à 99,6 milliards de dollars, en 2008 dont 68,2 milliards, soit 68 p. 100, ont été assumés par les victimes. Le coût pour les victimes recouvre les pertes tangibles représentées par les biens endommagés ou volés, la perte de revenu et de productivité et les services de soins médicaux ainsi que les coûts intangibles comme la douleur, la souffrance et la perte de vie.

Il est également important de parler du coût de l'incarcération des délinquants au Canada. C'est effarant. Selon le Service correctionnel du Canada, on compte actuellement environ 13 000 délinquants en détention dans les établissements pénitentiaires et 8 800 délinquants purgeant leur peine dans la collectivité. Selon le dernier rapport annuel du SCC, le coût d'incarcération d'un délinquant dans un établissement correctionnel était d'environ 114 000 $ en 2011. C'est un fardeau énorme pour la société, et nous devons donc veiller à n'incarcérer que les délinquants les plus violents et les plus dangereux jusqu'à ce qu'ils soient réadaptés et puissent revenir dans la société et y assumer les responsabilités d'un bon citoyen.

Comme la plupart...

Le président : Je vais devoir vous interrompre. Vous avez dépassé le temps alloué alors que vous en êtes seulement à la moitié de votre mémoire. Comme c'est un document écrit, pourriez-vous en souligner les principaux éléments? Nous pourrons vous poser des questions plus tard.

Mme Illingworth : J'ai presque terminé. J'en suis presque aux recommandations. Je ne suis pas directement le texte.

Le président : Merci.

Mme Illingworth : Comme la plupart des délinquants retournent un jour ou l'autre dans la société, il est indispensable qu'ils trouvent un emploi et contribuent de façon constructive à l'économie si l'on ne veut pas qu'ils récidivent. Dans notre mémoire, nous soulignons particulièrement deux types de criminalité en milieu urbain qui nous inquiètent, soit les gangs de jeunes et la violence conjugale.

Je voudrais vous faire part rapidement de nos recommandations concernant le développement social. Nous pensons qu'elles permettront d'accroître la cohésion et l'inclusion sociales au Canada et, par conséquent, qu'elles réduiront la violence dans les régions métropolitaines de recensement.

La première consiste à reconnaître et à intégrer l'importance de l'inclusion sociale et de l'acceptation d'autrui dans les programmes éducatifs pour tous les âges. Il faut notamment pour cela élaborer et diffuser à l'échelle nationale des messages et des campagnes contre l'intimidation, la violence et la consommation de drogues, encourager l'organisation d'activités sportives unisexes pour réduire les stéréotypes et les préjugés masculins et féminins et apprendre aux jeunes enfants et aux adultes qui viennent d'immigrer comment reconnaître les obstacles liés aux stéréotypes sexuels dans la société canadienne et comment les déconstruire. Nous voulons assurer l'éducation et la réussite de tous les étudiants. Il faudra mieux financer les initiatives comme les programmes Reach Ahead et Bon Départ.

Notre deuxième recommandation concerne le rôle des centres communautaires et l'instauration de programmes de sensibilisation dans les centres communautaires pour renseigner et éduquer la population sur la victimisation et lui enseigner comment prendre des mesures de protection personnelle. Nous voulons faire comprendre qu'il est important de signaler les activités criminelles et nous voulons faire connaître les ressources communautaires et gouvernementales.

Il est essentiel de mettre en place des programmes destinés à aider la population à trouver et à obtenir une aide financière publique en cas de victimisation et d'accroître l'accès aux services qui aident les victimes de crime et facilitent leur réadaptation, notamment en finançant les centres de guérison spécialisés. Nous avons entendu parler de ces centres il y a deux semaines quand la Commission des peuples autochtones a fait des recommandations provisoires. Nous croyons essentiel d'offrir aux jeunes des programmes de développement des compétences et de formation professionnelle ainsi que des activités en dehors de l'école. Nous aimerions que des infirmières en santé publique des centres communautaires travaillent dans les communautés à risque.

Enfin, pour réduire la récidive et la victimisation, il faut offrir des mesures incitatives pour la réadaptation des délinquants et accroître l'aide qui leur est fournie lorsqu'ils retournent vivre dans la collectivité. Nous croyons qu'il faudrait inciter les délinquants à terminer leur formation générale pendant leur incarcération afin d'accroître leurs possibilités de trouver un emploi à leur mise en liberté. Nous devrions créer des programmes obligatoires de traitement de la toxicomanie pour les délinquants incarcérés et assurer un suivi auprès d'eux lorsqu'ils sont mis en liberté, en leur imposant des tests de dépistage de drogue au cours de la période de réinsertion. Il faut également faciliter et accroître l'accès des délinquants et ex-délinquants à des programmes de santé mentale et de counseling pour favoriser leur réinsertion sociale. Merci.

[Français]

Daniel Sansfaçon, directeur, Politiques, recherche et évaluation, Centre national de prévention du crime, Sécurité publique Canada : Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous sur cette question de la sécurité urbaine dans le cadre de votre étude sur la cohésion et l'inclusion sociale.

Le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes à Sécurité publique Canada a pour mission de développer et de diffuser des connaissances pratiques pour aider les gouvernements, les institutions, les organisations sans but lucratif et les collectivités locales à mettre en œuvre des pratiques efficaces de prévention du crime.

[Traduction]

Les données déjà présentées par mes collègues du CCSJ, que je n'ai pas besoin de répéter, ont clairement démontré que la criminalité n'est pas répartie au hasard aux quatre coins du pays. De plus, il est important de souligner que la criminalité a tendance à se concentrer dans un nombre limité de quartiers, en fait, surtout dans les quartiers des centres-villes.

Plusieurs caractéristiques démographiques et socioéconomiques différencient les quartiers à forte criminalité des quartiers à faible criminalité. Il y a notamment un pourcentage plus élevé de célibataires, de personnes vivant seules, de familles monoparentales et de personnes qui ont récemment déménagé, un accès limité aux ressources socioéconomiques, des désavantages économiques plus importants et une plus faible proportion de personnes ayant un haut niveau d'instruction.

D'après les études, certaines personnes risquent de façon disproportionnée de souffrir d'exclusion sociale. Vous avez certainement entendu parler de certains facteurs de risque qui comprennent notamment un faible revenu, des conflits familiaux, le placement extra-familial ou les problèmes scolaires, des antécédents d'incarcération ou l'appartenance à une minorité ethnique. Les groupes qui risquent le plus l'exclusion sociale sont notamment caractérisés par un faible revenu et une forte dépendance à l'aide sociale.

Ces groupes sont principalement des parents vivant seuls, des personnes âgées sans attaches, des Autochtones vivant hors réserve, des immigrants récents et des personnes ayant des handicaps qui limitent leurs possibilités d'emploi ainsi que des enfants et des adolescents qui vivent dans la pauvreté.

L'inégalité et l'exclusion sociales sont des facteurs sous-jacents de la criminalité et de la répression et un certain nombre d'études montrent une forte corrélation entre les désavantages sociaux et économiques et des taux plus élevés de criminalité, de violence chez les jeunes et de victimisation. De plus, il y a énormément de chevauchement entre les facteurs de risque d'exclusion sociale et la criminalité chez les jeunes, particulièrement sur les plans familial, scolaire et communautaire. Par exemple, les conflits conjugaux et familiaux, la séparation parent-enfant et le placement extra-familial des enfants, une assiduité et des résultats scolaires médiocres et un quartier défavorisé sont autant de facteurs qui contribuent aussi à augmenter la probabilité de délinquance juvénile. Quelques statistiques très importantes touchent les Autochtones, surtout en ce qui concerne le nombre d'enfants autochtones qui font l'objet d'un placement extra-familial.

Une étude relativement récente a montré qu'environ 20 000 enfants autochtones âgés de moins de 17 ans sont actuellement pris en charge par le gouvernement, soit trois fois plus que le nombre d'enfants qui étaient dans les pensionnats à l'apogée de leurs activités. D'autres études montrent que les enfants autochtones pris en charge par le gouvernement sont huit fois plus nombreux que les enfants non autochtones. C'est particulièrement pertinent, quand nous savons que les enfants qui font l'objet d'un placement extra-familial risquent beaucoup plus de suivre plus tard la trajectoire de la délinquance juvénile. L'exclusion sociale peut aussi être reliée à un risque accru de victimisation. Des études ont fait valoir que les jeunes qui vivent dans la rue, par exemple, risquent d'être victimes de crimes en raison de leur exclusion sociale résultant de leur accès limité au logement, à l'emploi et aux espaces publics.

Étant donné qu'un grand nombre de facteurs de risque qui sous-tendent l'exclusion sociale sont les mêmes que ceux qui contribuent à la délinquance juvénile, les programmes qui visent à prévenir la criminalité chez les jeunes ont de bonnes chances d'avoir des effets positifs sur l'exclusion sociale. L'attention portée à ces facteurs de risque et aux programmes visant à y remédier aidera à réduire le risque d'exclusion sociale et la criminalité dans les collectivités canadiennes.

[Français]

C'est dans ce contexte que le CNPC finance la mise en œuvre à travers le pays et l'évaluation d'un certain nombre de projets de prévention du crime dans diverses collectivités.

Le CNPC dispose présentement d'une enveloppe de financement à hauteur de 44 millions de dollars qui nous permet de soutenir présentement 135 projets communautaires de prévention, dont un nombre important dans des zones urbaines à travers le pays. La grande majorité de ces projets met en œuvre des interventions ciblées auprès de populations à risque afin de prévenir leur entrée dans des trajectoires de délinquance et surtout, dans des trajectoires à plus long terme.

Je vous donne ici certains exemples par le biais de documentation laissée à la greffière du comité, de projets qui sont actuellement financés par le CNPC.

[Traduction]

Les responsables du projet Prevention Intervention Toronto, par exemple, ont élaboré et mis en œuvre un programme communautaire intégré et ciblé, fondé sur des données probantes, pour prévenir et réduire la prolifération des gangs dans certains quartiers de Toronto, surtout dans les quartiers défavorisés. Le programme comprend notamment une évaluation des risques auxquels ces jeunes sont exposés, des possibilités de formation intensive en groupe pour favoriser le développement de compétences prosociales, un soutien pratique pour la famille des jeunes participants afin de l'aider à réduire les facteurs de risque et la mise en place de facteurs de protection qui favoriseront une inclusion sociale positive.

[Français]

À Montréal, le CNPC finance le programme de suivi intensif à hauteur de 7,4 millions de dollars sur cinq ans, qui requiert un travail en multidisciplinarité, donc avec tout une série d'acteurs et qui, lui aussi, a pour objectif de réduire la délinquance, notamment de gangs chez les jeunes de 15 à 25 ans, et qui travaille à la fois à l'intégration de la prévention de la répression et à l'intervention de manière à coordonner les efforts des divers acteurs dans la communauté, et notamment dans certains quartiers de Montréal.

[Traduction]

Enfin, le CNPC a accordé 2,5 millions de dollars sur quatre ans à la municipalité régionale de Halifax pour le Youth Advocate Program. Ce programme est une réussite, comme l'a montré l'évaluation qui a été faite, et il a d'ailleurs été repris depuis par la municipalité régionale de Halifax. Cette initiative a réduit le niveau d'isolement, de stress et d'impulsivité dans les groupes visés et a augmenté leur résilience et leurs compétences sociales. De plus, le CNPC met au point et diffuse des outils pour aider les acteurs locaux des collectivités des quatre coins du pays à mettre en œuvre des programmes de prévention de la criminalité fondés sur des données probantes. Il s'agit notamment d'outils d'évaluation des risques, d'outils de diagnostic de la sécurité des quartiers, de recueils de pratiques prometteuses et exemplaires et de guides pour faciliter la mise en œuvre et l'évaluation de ces interventions.

Pour conclure, ces projets et de nombreux autres que le CNPC soutient dans les collectivités grandes et petites contribuent à éviter que les enfants et les adolescents s'orientent vers la délinquance à long terme, ils réduisent la victimisation, ils stimulent la vitalité des collectivités et ils améliorent l'inclusion sociale en augmentant la sécurité dans la collectivité.

[Français]

Merci de votre attention. Il me fera plaisir de répondre à vos questions.

[Traduction]

Le sénateur Eggleton : Merci pour vos exposés. Vous avez tous présenté une perspective différente de l'inclusion sociale et vous nous avez fourni un grand nombre de statistiques et de renseignements troublants. Néanmoins, dans certains cas, vous avez aussi présenté des idées sur les mesures à prendre pour remédier à certains de ces problèmes et rendre nos collectivités et nos villes plus inclusives, et surtout pour résoudre certains des problèmes des groupes vulnérables.

Je vais poser quelques questions précises. Monsieur Sansfaçon, vous avez dit que vos travaux sur différents projets ont été financés au moyen d'une enveloppe de financement du gouvernement fédéral qui se chiffre à 44 millions de dollars par année. Combien de demandes ont été présentées et quelles ont été les sommes réclamées? Vous soutenez 135 projets communautaires pour 44 millions de dollars, mais de quel ordre sont les demandes présentées?

M. Sansfaçon : Je pourrais vous fournir ces renseignements ultérieurement. Je dois avouer que je n'ai pas sous la main de renseignements sur le nombre de demandes et les montants d'argent qu'elles représentent par rapport à l'enveloppe disponible. Je vais en prendre note et vous fournir ce renseignement.

Le sénateur Eggleton : Je vous en serais reconnaissant, car je voudrais savoir si cela répond aux besoins. Certains des projets auxquels vous avez travaillé semblent assez prometteurs.

Monsieur McFee, vous avez indiqué combien l'aspect social de votre travail est important. Vous avez dit qu'environ 73 p. 100 des appels ne concernent pas ce que nous considérons comme des actes criminels et qu'il y a beaucoup de problèmes familiaux. Vous avez parlé des services spécialisés nécessaires pour faire face à certains de ces problèmes dans le domaine de la santé, de l'éducation et des services sociaux. Je suppose que vous avez réussi à décloisonner les services et à coordonner certains d'entre eux, mais en tant que chef pour l'ensemble du Canada, diriez-vous que c'est un phénomène général ou qu'il reste encore beaucoup de chemin à faire?

M. McFee : Il reste beaucoup de chemin à faire, mais nous avons commencé. J'ai parlé de ce que nous faisons à Prince Albert, en particulier, mais aussi dans l'ensemble du pays. Vous frappez en plein dans le mille quand vous parlez du cloisonnement. À Prince Albert, nous avons les services de santé, les services sociaux, les services éducatifs, les services de police et le Conseil du Grand Prince Albert qui travaillent maintenant tous sous un même toit à un modèle de gouvernance que nous avons repris dans notre plan d'entreprise.

Dès que quelqu'un a des renseignements, pourquoi ne pas les utiliser pour aller demander à une famille en crise ce que nous pouvons faire pour l'aider? La réponse habituelle, un peu partout, est qu'on attend qu'elle ait des problèmes pour lui dire comment y remédier. Si cela représente 73 p. 100 de nos activités, pourquoi ne pas intervenir quand nous pouvons produire le plus d'effets, alors que c'est la façon la plus simple de dépenser notre argent?

Il faut un changement d'attitude et je pense qu'il s'opère lentement. Quand nous avons une crise financière ou des difficultés, c'est le moment ou jamais d'agir, compte tenu de la relation avec les marchés, pour revoir, corriger et innover là où nous pouvons le mieux intervenir collectivement.

Pour ce faire, il faut avoir des priorités et des objectifs communs et les personnes les plus compétentes et les plus brillantes. Nous avons besoin d'une politique qui ne nous interdit pas d'intervenir, mais qui nous permet d'agir en faisant appel aux personnes compétentes.

Par exemple, nous avons une centrale d'appels. Nous répondons aux appels dans un délai de 24 à 48 heures. Ce sont des choses qui irritent les citoyens. Il y a un élément supplémentaire. Tous les organismes sont regroupés sous le même toit pour examiner les problèmes systémiques; si des changements législatifs sont requis, que pouvons-nous faire? N'établissons pas les stratégies de façon isolée. À mon avis, il arrive trop souvent que les stratégies sont mises au point de cette façon et même si c'est efficace pour l'organisme en question, c'est aux dépens de l'intérêt commun. S'il s'agissait d'une décision commerciale, ce ne serait pas la bonne.

Nous savons dans quels domaines nous sommes experts. J'ai siégé au conseil de santé, j'ai été entrepreneur et j'ai animé, pendant des années, un groupe d'entrepreneurs de la Saskatchewan dont les chiffres d'affaires variaient entre 5 et 250 millions de dollars. Il faut examiner le problème sur tous les plans et trouver une approche qui est rentable, mais surtout, qui est efficace et nous permet d'obtenir des résultats. Je peux dire avec 95 p. 100 de certitude que c'est possible, mais j'ajouterais que pour les 5 p. 100 restants, nous commettrons des erreurs. Néanmoins, tirons la leçon de nos erreurs au lieu d'y voir une raison de ne rien faire.

Le sénateur Eggleton : Ce n'est peut-être pas sur le même sujet, mais Statistique Canada nous dit que la criminalité est en baisse. On nous l'a encore répété aujourd'hui et je l'ai entendu dire bien des fois, pourtant, les budgets de la police semblent augmenter. Pourquoi?

M. McFee : Nous allons examiner les deux parties de cette question. La criminalité n'est pas en baisse dans l'ensemble du pays. Je vis en Saskatchewan et, comme vous l'avez entendu, la criminalité pose un sérieux problème. Elle pose un problème en Saskatchewan et dans le nord du Manitoba. J'ai pris la parole à Iqaluit où j'étais avec les dirigeants des Territoires du Nord-Ouest. Le problème se pose au Yukon, au Groenland et dans toute la région septentrionale.

Si vous prenez la courbe démographique — la Saskatchewan a une courbe inversée. Cela a du bon et du mauvais. Néanmoins, l'approche que nous essayons d'adopter à Prince Albert est la suivante : construisez une structure afin de pouvoir offrir vos services au niveau régional ou local. Pour prendre l'exemple du franchisage, prenez un McDonald's à Ottawa et un autre à Singapour. Tout y est pareil, le « M », le système de cuisson aussi, mais le menu est différent.

Nous devons créer une structure allant jusqu'au niveau local et régional, car c'est à ce niveau qu'on peut agir. La police est le seul service qui est régional et local. L'éducation est provinciale, la santé est fédérale ou provinciale. Les services sociaux sont provinciaux.

Néanmoins, pour revenir à votre question, l'autre partie concernait l'augmentation des budgets. La négociation collective y est pour quelque chose. Il y a des dépenses nécessaires pour faire fonctionner un service de police. Néanmoins, si vous prenez l'ensemble des recettes fiscales, la sécurité de la collectivité coûte 20 cents sur chaque dollar. La santé, 55 cents à 60 cents, d'après ce qu'on m'a dit. Si vous prenez les économies et les gains d'efficience que l'on peut faire sur tous ces plans grâce à un objectif commun, je pense que cela représente beaucoup d'argent que nous pouvons réinvestir sans apport de nouveaux fonds. Il s'agit de voir à la fois si nous devons faire plus dans le secteur privé pour être plus rentables et comment nous pouvons assurer la prestation de nos services.

Le sénateur Eggleton : Quand vous dites qu'à votre avis, la criminalité ne diminue pas, parlez-vous du nombre de crimes plutôt que des taux de criminalité?

M. McFee : Je parle de certaines régions du pays. C'est seulement cela. Les résultats globaux ne disent pas ce qui se passe au niveau local ou régional, car nous avons des problèmes en Saskatchewan. Lorsque je parle aux gens de la Saskatchewan, leurs préoccupations ne sont pas les mêmes qu'en Ontario.

Le sénateur Eggleton : Si nous avons du temps pour un deuxième tour, j'aurais des questions à poser également à Statistique Canada.

Le sénateur Merchant : Bienvenue à vous tous.

D'après ce que nous avons entendu ce matin, il semble y avoir un écart entre les taux réels, les taux de criminalité que vous avez déclarés et l'impression des Canadiens que la criminalité est en hausse. Dans l'ensemble, je pense que vos statistiques montrent qu'en fait, la criminalité est en baisse.

Que pouvons-nous faire? Sur le plan de la santé, par exemple, nous voulons recourir à la prévention. Nous venons de faire une étude sur la santé et nous avons insisté sur la nécessité de prévenir les problèmes au lieu d'avoir à les guérir lorsqu'ils surgissent. Y a-t-il une chose que le gouvernement devrait faire pour aider les gens à comprendre la situation? Selon votre enquête, les gens ont l'impression que la criminalité augmente. C'est ce que nous entendons dire constamment. Pourquoi y a-t-il un écart entre ce qui se passe sur le terrain et la perception des gens, et que pouvons- nous faire pour y remédier?

Mme McAuley : Je pourrais peut-être clarifier ce que j'ai dit. Si vous prenez la page 13 de notre mémoire, 62 p. 100 des Canadiens ont déclaré, lorsqu'on leur a posé la question en 2009, dans le cadre de l'Enquête sociale générale, qu'à leur avis, la criminalité dans leur quartier était restée stable et seulement le quart d'entre eux croyaient qu'elle avait augmenté. Environ un répondant sur 10 — c'était à peu près 6 p. 100, donc moins de 1 sur 10 — croyait que la criminalité avait diminué dans son quartier.

C'était pour les cinq dernières années; nous avions posé la même question en 2004. Nous l'avons posée de nouveau en 2009. La majorité des gens estimaient que la criminalité était restée stable dans leur quartier, au cours de cette période de cinq ans.

Le sénateur Merchant : Je pensais que vous aviez cité un chiffre plus élevé dans votre exposé.

Mme McAuley : Tout dépend si vous répartissez le taux entre les diverses activités, mais même alors, la majorité des Canadiens se sentaient en sécurité dans leur quartier. Le problème se posait pour les personnes qui utilisaient les transports en commun et on leur a demandé si elles craignaient d'utiliser les transports en commun.

Le sénateur Merchant : Comme je viens de la Saskatchewan, je m'intéresse beaucoup à vos programmes. J'ai vraiment aimé votre exposé, car j'ai eu l'impression que vous abordiez ces questions dans une démarche équilibrée.

Pensez-vous qu'il y a un décalage entre ce que vous attendez de nous — car après tout, c'est nous qui prenons les décisions — et ce que nous faisons? Si c'est le cas, en quoi ne comprenons-nous pas exactement la meilleure chose à faire et qu'est-ce que vous souhaiteriez que nous fassions différemment?

M. McFee : C'est une excellente question. Je ne parlerais pas de décalage, car j'apprécie le travail que vous faites en essayant d'entendre tous les points de vue. Néanmoins, je pense qu'il y a vraiment une meilleure façon de s'attaquer à certains problèmes. Les services de santé, les services sociaux et la police doivent cesser de travailler en vase clos les uns par rapport aux autres.

La protection de la vie privée est devenue un obstacle. Nous comprenons tous qu'il faut protéger la vie privée et respecter un juste équilibre et nous avons tous des règles à suivre. Si chaque organisme possède des renseignements essentiels sur l'enfant ou la personne en difficulté, pourquoi ne nous en servons-nous pas avant que ces personnes ne se retrouvent dans le système? Le système est extrêmement coûteux. En ce qui concerne les délinquants de ressort fédéral dans ma province, quelque 988 personnes ont été portées disparues dans ma petite ville de la Saskatchewan et 60 p. 100 d'entre elles viennent de foyers de groupe. Certains de ces foyers de groupe coûtent 11 500 $ par enfant alors qu'une famille d'accueil coûte 650 à 700 $.

Je pense qu'il serait préférable de réunir tout le monde, non pas pour se moquer les uns des autres, mais pour trouver une meilleure solution. J'ai fait plus d'une centaine d'exposés sur ce que nous avons constaté en Écosse. Nous sommes partis avec une équipe de 11 personnes travaillant dans les services sociaux, la santé et l'éducation. Nous avons trouvé une nouvelle approche et une meilleure solution. Le gouvernement provincial et le premier ministre de la province ont donné leur appui en nous accordant un financement et nous sommes à la recherche d'un peu d'argent du côté du fédéral.

Mais surtout, tous les organismes ont dû repenser leur façon de travailler et cesser de protéger leur territoire — nous compris — pour voir comment traiter efficacement et de façon plus efficiente les cas qui représentent 73 p. 100 des coûts en essayant d'aider ces personnes, car c'est de cela qu'il s'agit.

Je vais vous donner un exemple. Nous recevons le cas d'une jeune fille de 14 ans. Les renseignements proviennent du secteur de l'éducation. Ses résultats scolaires sont passés d'excellents à médiocres, elle s'endort en classe, elle a disparu et les autorités pensent qu'un problème de dépendance se pose dans son foyer. Qu'est-ce qu'un enseignant peut faire? L'enseignant ne peut vraiment rien faire.

Le cas est signalé à la centrale. La police consulte ses terminaux mobiles. Nous trouvons la jeune fille ivre, effondrée dans un banc de neige et complètement gelée parce qu'un citoyen n'a pas appelé les autorités.

Les services sociaux vérifient leurs dossiers et constatent qu'ils se sont rendus au domicile de la jeune fille à huit reprises au cours des deux derniers mois. En quelques mots, le lendemain un policier, un travailleur en toxicomanie et en santé mentale et un travailleur social vont voir la famille. Nous avons téléphoné. La famille ne voulait pas de l'école, pour ne pas se sentir embarrassée. D'accord. Que pouvons-nous faire pour vous aider? La fille se met à pleurer et la mère aussi. La mère a été victime de violence conjugale au cours des six derniers mois. La nuit où la fille a été retrouvée effondrée dans un banc de neige, elle avait une ceinture autour du cou. Elle a quitté la maison en pensant que sa mère serait morte à son retour. Nous l'avons poussée à nous le dire.

La police peut intervenir dans les cas de violence conjugale parce que c'est son rôle. Les services sociaux viennent et demandent une ordonnance d'intervention d'urgence. Les services de logement viennent et changent les serrures sur les portes. Les services d'éducation viennent parce que la mère suit des cours pour poursuivre ses études et n'y est pas souvent allée au cours des derniers mois. Il faut réparer ces relations. Cette famille n'est plus dans le système depuis 10 mois alors qu'elle y avait été 13 fois en deux mois. Quelle valeur cela a-t-il? Des millions. Je pense donc que c'est une meilleure approche.

Le sénateur Demers : Chef, j'apprécie vraiment votre philosophie. J'espère que vous ferez des émules. J'ai visité plusieurs prisons du Québec ces dernières années. Lorsque nous parlons, en groupe, aux autorités provinciales et fédérales, c'est une autre histoire, mais lorsque nous parlons à un ou deux jeunes gens, une des choses dont ils se plaignent le plus concerne la réinsertion et les comptes à rendre pour certaines des choses qu'ils font encore en prison.

Quand j'avais 12 ans — et j'en ai maintenant 67 — j'ai appris à respecter les policiers et tout cela, et je n'ai jamais eu maille à partir avec la justice. Je ne m'en vante pas, c'est simplement la réalité. Je suis certain que nous ne serions pas là si ce n'était pas le cas. Où en sommes-nous sur le plan de la réinsertion? Vous connaissez peut-être le pourcentage de jeunes qui passent des prisons provinciales aux prisons fédérales, car au fédéral, c'est pour les peines de deux ans et plus, tandis qu'au provincial, c'est deux ans moins un jour. Qu'en pensez-vous, chef?

M. McFee : Vous touchez à un point vraiment essentiel, à savoir comment vos convictions s'ancrent dans votre cerveau. Cela vient probablement de vos parents. N'oubliez pas qu'aujourd'hui, bon nombre d'enfants n'ont pas de modèle de rôle parental. Les services sociaux jouent ce rôle. Si les parents ne sont pas là, comment pouvons-nous les aider? Comment pouvons-nous aider la famille? Comment pouvons-nous aider la famille à être plus solide? Il est certain que l'établissement fédéral fait un bon travail pour assurer la réinsertion et la réintégration, mais cela nous ramène précisément à ce que j'ai dit. Il ne s'agit pas d'adopter la manière forte et de se contenter d'arrêter et d'incarcérer. Il ne s'agit pas d'adopter la manière douce et de se contenter de prévenir et d'intervenir. Il faut un juste équilibre. Il faut lutter intelligemment contre la criminalité. Il faut faire les deux. Certaines personnes doivent aller en prison, mais il ne faut pas les oublier là. Il faut les réadapter. Il y a tous ces gens qui entrent dans le système et comme un juge me l'a dit, 90 p. 100 d'entre eux sont de pauvres malheureux. Comment les faire sortir du système? Certains ont besoin d'aller en prison et nous n'allons pas arrêter de les incarcérer, mais comment faire sortir un bon nombre de ces personnes du système, leur donner de meilleures chances d'y arriver et en même temps être plus efficients, avoir plus d'argent, mais surtout, être plus satisfaits de notre travail, car nous avons le sentiment d'améliorer les choses.

Des initiatives similaires sont prises. Un de mes agents m'a amené un jeune qui était au tribunal l'autre jour et qui avait à son actif 19 manquements à ses conditions de probation. Il a été incarcéré pour la 19e fois. Je ne sais pas si c'est la 21e fois qui permet de comprendre, mais nous devrions peut-être repenser certaines des choses que nous faisons.

Je pense qu'une famille stable, une attention portée au bon moment et pas seulement à la fin, c'est-à-dire au moment de l'incarcération, sont des choses absolument nécessaires.

Le sénateur Seidman : Je voudrais vous demander plus de précisions au sujet de deux exemples qui nous ont été donnés et qui soulignaient tous les deux l'importance d'une approche multisectorielle.

Chef McFee, vous avez parlé des programmes de sensibilisation et de l'importance de l'innovation et vous avez fait mention d'un programme très particulier. Je pense que vous avez commencé à en parler. C'était peut-être votre centrale d'appels. Je n'en suis pas certaine. Vous en avez parlé dans votre exposé. Vous dites que lorsque vous êtes allé avec les 11 membres de votre équipe intersectorielle à Glasgow, en Écosse, avec un plan d'activité, vous avez trouvé un secteur où il y avait 15 indicateurs clés. Vous avez pris certaines des choses que vous avez apprises, des pratiques exemplaires et vous les avez adaptées pour améliorer encore votre modèle. Vous avez fait mention de succès importants dont vous pourriez nous parler plus tard. J'aimerais que vous en parliez plus précisément, si vous le voulez bien.

M. McFee : Notre taux de criminalité a augmenté régulièrement. L'année dernière, il est tombé à 11,3 p. 100. Les poursuites ont diminué de 12 p. 100. Le nombre de familles auprès desquelles les services sociaux ont été appelés à intervenir a diminué de 32 en moins au cours d'une période de 11 mois. L'intervention auprès de quarante représente une année de travail. Nous faisons appel à des universitaires pour avoir des mesures plus précises, mais je ne peux pas dire que nous le faisons de façon isolée. Les statistiques sont suffisamment précises pour permettre de supposer que les résultats se recoupent. Le trimestre dernier, j'ai siégé au conseil de santé. Les visites aux urgences de l'hôpital ont diminué de 10 p. 100. Nous enregistrons une réduction générale de 10 à 11 p. 100. Des résultats aussi similaires permettent de faire des hypothèses raisonnables. Nous avons maintenant chargé des universitaires de faire des mesures plus précises que les nôtres.

Nos indicateurs sont les mêmes qu'en Écosse. En Écosse, j'ai eu ce que j'appelle une révélation. L'Écosse compte 15 indicateurs clés. C'est pourquoi nous sommes allés là-bas. Le VIH et d'autres problèmes ont pris d'énormes proportions et tout correspondait à ce que nous avions chez nous. Nous sommes revenus d'Écosse, qui est une société blanche et homogène où il y a très peu de mouvement. Nous avons une importante population des Premières nations. Nos problèmes ne sont pas attribuables aux Premières nations et je pense qu'on le leur reproche injustement. C'est la marginalisation, la toxicomanie, la santé mentale, et cetera. Toute notre approche consiste à intervenir le plus tôt possible, au bon moment. Je peux vous envoyer une vidéo que nous venons de réaliser et qui montre que nous avons accompli beaucoup, si le comité le souhaite.

Le sénateur Seidman : Avez-vous un modèle écrit, par exemple, de votre programme et la preuve qu'il a donné de bons résultats et qu'il est clairement multisectoriel?

M. McFee : Oui.

Le sénateur Seidman : J'aimerais beaucoup avoir ce modèle, et je suis sûre qu'il en est de même pour le comité, que ce soit sous forme de vidéo ou de texte ou quoi que ce soit d'autre. Ce serait formidable. Merci.

Mon autre question s'adresse à M. Sansfaçon. Je voudrais vous poser la même question que celle que je viens de poser au chef McFee, car vous avez mentionné un programme, à Montréal, qui est multidisciplinaire et multisectoriel. C'est la première fois, dites-vous, que les représentants de ces systèmes travaillent ensemble. Si vous pouviez m'en dire plus, préciser pourquoi ce programme a du succès et en quoi il consiste exactement, je vous en serais reconnaissante.

M. Sansfaçon : En fait, c'est le programme que j'ai mentionné dans mon exposé. J'ai remis à la greffière quelques exemples de certains projets qui, dans un certain sens, correspondent très bien à ce dont le chef McFee a parlé. Il s'agit, tout d'abord, de pouvoir établir ce dont on a vraiment besoin et, si je peux utiliser ce terme, de cibler les personnes les plus vulnérables et nécessiteuses. Les services sociaux savent qui elles sont, la police sait qui elles sont et les éducateurs aussi, mais ils ne parlent pas toujours entre eux. Par exemple, quand ce programme a été élaboré à Montréal, il y a maintenant trois ans, c'était pour travailler avec une clientèle particulière de jeunes qui étaient déjà dans les centres de jeunes de Montréal, des jeunes qui avaient déjà malheureusement une certaine expérience des gangs de jeunes. Comme je l'ai dit, les travailleurs de ces centres savaient qui étaient ces jeunes, la police savait qui ils étaient et les travailleurs de rue de Montréal-Nord, par exemple, le savaient également, mais ils ne parlaient pas entre eux. Comme certaines personnes l'ont mentionné, cela pose des problèmes sur le plan de la protection de la vie privée et de la possibilité d'échanger ces renseignements. Il est possible de les surmonter et c'est ce que démontre l'expérience faite à Montréal. Grâce à des protocoles d'entente, ces organismes peuvent travailler ensemble, et comme ils travaillent ensemble ils peuvent être efficaces pour intervenir auprès des personnes qui en ont besoin, au bon moment. C'est, à notre avis, ce qui contribue au succès.

Il y a d'autres exemples dont certains ont été évalués. Il y a notamment les services intégrés et je dirais que ce modèle est très semblable à celui que le chef McFee a décrit. Encore une fois, c'est le même principe. Vous entourez ces populations vulnérables d'un ensemble des services pour procéder à l'intervention requise au bon moment. Vous augmentez ainsi vos chances de succès. Nous nous ferons un plaisir de vous fournir plus d'exemples par écrit.

Le sénateur Seidman : J'allais justement vous dire, comme au chef McFee, que si vous avez des documents au sujet de ces programmes et la preuve qu'ils donnent des résultats, nous aimerions les recevoir. Merci.

Le sénateur Callbeck : Merci d'être venus aujourd'hui. Vous nous avez certainement fait part d'excellentes réflexions et d'idées qui nous aideront pour notre étude. Madame McAuley, je sais que vous n'avez pas ce renseignement ici. Je viens de l'Île-du-Prince-Édouard.

Je remarque que Charlottetown apparaît dans un grand nombre de vos statistiques. À la page 10, à propos des crimes haineux rapportés par la police par type de motivation, Charlottetown n'est pas mentionnée. Avez-vous ces chiffres et pouvez-vous les envoyer au comité? J'aimerais les voir, s'ils sont disponibles.

Mme McAuley : Nous vous avons remis une série de publications. Ils s'intitulent Juristat. L'un d'eux a pour titre « Les crimes haineux déclarés par la police au Canada » et indique le nombre de crimes haineux par région métropolitaine de recensement, mais Charlottetown n'est pas une région métropolitaine de recensement. Nous l'avons incluse aujourd'hui pour avoir une représentation régionale. Toutefois, nous pourrions consulter les services de police pour voir s'il y a eu des incidents dans cette région si cela peut vous être utile.

Le sénateur Callbeck : Je vous en serais reconnaissante. Merci beaucoup.

Monsieur McFee, vous avez parlé de l'équipe multisectorielle que vous avez constituée à Prince Albert, en Saskatchewan. Cela a-t-il coûté beaucoup d'argent supplémentaire? Avez-vous pu le faire dans le cadre des budgets existants?

M. McFee : C'est une excellente question. C'est les deux. Il fallait que je trouve une nouvelle façon de procéder. Je dis toujours que les cerveaux vous mènent ici, le réseautage vous mène là et que le pouvoir et l'influence apportent les changements.

Je faisais partie du conseil de santé et il fallait que j'emmène tout le monde en Écosse, ce qui n'a pas été facile. Nous aurions pu payer pour qu'un des autres services y aille, mais c'était un investissement plutôt qu'une dépense. En fait, cela ne coûte pas très cher. La province donne 450 000 $. Elle paie pour le directeur général, un employé de soutien et deux analystes. L'un d'eux est un analyste tactique et l'autre a une formation sur le rendement social de l'investissement et peut mesurer ce que nous investissons dans notre communauté. C'est ce que finance la province.

Nous demandons au gouvernement fédéral — et nous sommes toujours à la recherche de cet argent — 250 000 $ pour des coûts ponctuels de véhicules, d'ordinateurs, et cetera. Il faut bâtir la franchise, l'équiper. Notre gouvernement provincial s'occupe de la protection des renseignements personnels. Nous avons tous signé un protocole d'entente et le premier ministre a demandé à notre procureur général d'examiner la loi pour s'assurer que nous pouvons le faire. La sécurité l'emporte sur la vie privée, mais en réalité, nous le faisons pour les bonnes raisons. Il faut que les gens se sentent à l'aise. Nous devons en tenir compte et nous le comprenons. Nous y travaillons.

Le dernier élément consistait à dire à tous les organismes qu'ils devaient mettre leur personnel à notre disposition, plus 25 000 $ comme budget de fonctionnement. Ce n'est rien, compte tenu de leurs budgets. Tout le monde a des intérêts en jeu, tout le monde a investi dans le programme et tout le monde a son mot à dire sur ce que nous essayons de faire.

La différence entre ce que dit Mme Illingworth et ce que nous essayons de faire, c'est que nous construisons une structure qui peut être reproduite ailleurs et qu'on peut changer les priorités et les besoins dans toute communauté. C'est la clé. Ce dont j'ai besoin n'est pas la même chose que ce dont Moose Jaw a besoin. Ce dont j'ai besoin n'est absolument pas identique à ce dont Toronto ou l'Île-du-Prince-Édouard ont besoin. Néanmoins, si vous avez une structure fondée sur ce principe, vous pouvez vous en servir pour répondre aux besoins aux niveaux local et régional. Voilà la différence.

Nous avons examiné la situation un peu partout au Canada et trouvé un petit nombre d'excellents programmes auxquels tout le monde participe, mais cette organisation n'est pas un programme policier. C'est un programme communautaire dirigé par un conseil de gouvernance d'où je ne peux pas retirer mes ressources si je suis occupé ailleurs. Autrement dit, les ressources sont réservées aux besoins de notre collectivité qui sont établis par ce comité.

Je pense que cette formule a un véritable potentiel. Le programme est en place depuis seulement un an, mais nous constatons des résultats positifs. Le meilleur résultat est que tous les organismes constatent maintenant qu'il faut agir ensemble, constamment et non pas juste de temps en temps, pour résoudre le problème des introductions par effraction ou de la violence conjugale. C'est ce que nous devons faire pour remédier à la situation dans nos collectivités.

Le sénateur Callbeck : Je vous en félicite et c'est certainement nécessaire pour tout décloisonner.

M. McFee : Merci.

Le sénateur Callbeck : Madame Illingworth, je voudrais vous poser une question au sujet des initiatives de réinsertion. Vous avez fait un grand nombre de recommandations. L'une d'elles concerne l'éducation et je suis d'accord pour dire que c'est extrêmement important pour qu'une personne ne récidive pas à sa sortie de prison. Si elle reçoit une éducation, cela l'aidera énormément. L'analphabétisme et la criminalité sont reliés.

Vous parlez d'offrir des petits incitatifs aux délinquants pour qu'ils acquièrent une formation de base pendant leur détention. De quel genre d'incitatifs parlez-vous? Parlez-vous de privilèges?

Mme Illingworth : Non. Cela pourrait se passer dans le milieu institutionnel. Il pourrait s'agir de modifier les conditions d'accès, par exemple en limitant le nombre de fois que les détenus peuvent se rendre à la bibliothèque ou à la cantine, ou de trouver des incitatifs pour les maintenir motivés à achever leurs études. Comme vous l'avez dit, l'incapacité de trouver un emploi lorsque les détenus retournent vivre dans la communauté est un facteur très important de récidive.

Le sénateur Callbeck : Je suis entièrement d'accord avec vous. C'est extrêmement important, car je crois que le niveau de scolarité moyen des détenus dans un pénitencier fédéral correspond à la septième année. Nous avons beaucoup à faire à ce chapitre.

Le deuxième aspect consiste à offrir des programmes obligatoires de lutte contre l'alcoolisme et la toxicomanie pendant l'incarcération, voire après la libération.

En ce moment, ces gens ont-ils la possibilité de suivre des programmes portant sur la maîtrise de la colère, la toxicomanie, et cetera?

Mme Illingworth : Oui, mais aucun programme n'est obligatoire dans le système fédéral. Au moment où un délinquant entre dans le système, on établit le traitement et le plan correctionnel à suivre dans chaque cas. C'est à ce moment-là que l'on recommande les programmes qu'il devrait suivre pendant son incarcération, en fonction des facteurs criminogènes. Mais, à l'heure actuelle, les détenus ne sont pas tenus de suivre les cours sur la toxicomanie, la gestion de la colère, la violence familiale, ou tout autre motif pour lequel ils ont été incarcérés.

Le sénateur Callbeck : Ces programmes existent dans tous nos établissements fédéraux. Qu'en est-il des établissements provinciaux?

Mme Illingworth : Non, les systèmes provinciaux sont très différents, compte tenu du surpeuplement des établissements. À Ottawa, au Centre de détention d'Ottawa-Carleton, je crois que la capacité est de 250 personnes, mais on y compte en ce moment plus de 600 personnes. Les peines purgées sont habituellement de courte durée et il n'y a donc pas beaucoup de temps pour entreprendre un véritable programme ou un traitement avant que ces personnes retournent dans la communauté sous une forme ou une autre de probation.

Le sénateur Callbeck : On y est détenu pour des peines allant jusqu'à deux ans. Disons que la personne doit demeurer incarcérée pendant deux ans moins un jour. Aura-t-elle droit à un programme quelconque?

Mme Illingworth : D'après nos constatations et ce que nous avons entendu, je dirais qu'il n'y en a que très peu. Une fois de plus, il s'agit d'un aspect où il conviendrait peut-être d'inviter à comparaître des experts du système provincial, car ils pourraient sans doute nous donner davantage de précisions à ce sujet.

Le sénateur Callbeck : Les délinquants n'ont pas le temps de terminer leur formation générale ou leur alphabétisation?

Mme Illingworth : Je ne connais pas le système provincial aussi bien que le fédéral.

Le sénateur Dyck : Merci infiniment à tous nos témoins de la matinée. Nous avons obtenu un excellent aperçu, des statistiques jusqu'au travail de la police, en passant par des modèles communautaires novateurs à l'intention des victimes et des jeunes. J'ai été vivement impressionnée par toutes vos présentations. J'ai quelques questions concrètes à vous poser.

Premièrement, comme je suis de la Saskatchewan, les commentaires de M. McFee m'ont particulièrement touchée. Comme vous travaillez à Prince Albert, vous vous trouvez dans une position exceptionnelle, car c'est probablement la localité où l'on retrouve le plus grand pourcentage d'Autochtones au pays. Néanmoins, comme il ne s'agit pas d'une grande région métropolitaine de recensement, elle ne figure pas dans vos statistiques. Parmi vos statistiques, vous avez dit que les Prairies et le Nord affichaient les taux d'homicide les plus élevés. À Saskatoon et à Regina, nous sommes aux prises avec deux à trois homicides par 100 000 habitants.

En plus d'avoir la population plus nombreuse d'Autochtones — qui, nous le savons sont incarcérés à un rythme alarmant — il y a une importante représentation de jeunes, et vous avez signalé cela également, monsieur McFee. Environ 50 p. 100 de la population autochtone est âgée de 25 ans ou moins. Il doit y avoir des occasions de suivre des programmes de prévention visant le bien-être des jeunes et des enfants, mais j'oublie qui a mentionné cela dans la dernière partie de sa présentation.

J'adresserai donc ma grande question à vous, monsieur McFee : dans votre modèle de programme pivot, qui est plus holistique — et je vous applaudis très certainement pour cela; le modèle semble excellent — comprenez-vous des programmes comme celui que M. Sansfaçon a mentionné pour l'Est du Canada? Existe-t-il des programmes analogues en Saskatchewan?

M. McFee : Oui. Je pourrais vous prendre une bonne partie de la journée pour répondre à votre question, mais je vais m'efforcer de raccourcir.

Nous devons changer notre façon de faire, car nous établissons nous-mêmes nos statistiques et elles sont plus élevées que celles de Saskatoon et Regina. La réalité, c'est que de 32 à 42 p. 100 des arrestations dans ma région ont lieu dans le nord de la Saskatchewan. D'ici une dizaine d'années, 50 p. 100 de la population du nord de la Saskatchewan sera âgée de moins de 15 ans.

Je m'adresse à mon conseil en disant « Si ce chiffre représente un tiers de la population en ce moment, quand est-ce qu'il représentera 50, 60 ou 70 p. 100 de la population? La crise ne se fera pas attendre. Elle est déjà là. » Si vous prenez huit ans et utilisez une simple formule pour doubler ce chiffre, comme vous feriez avec vos placements, et par comparaison à Saskatoon, Moose Jaw et Regina — les quatre grandes régions urbaines de la Saskatchewan — le nombre d'appels à nos services par habitant doublerait en huit ans, suivant les données obtenues sur huit ans, à moins que nous ne changions la situation. Comment pouvons-nous nous permettre de payer pour cela? Nous ne le pouvons pas.

Il y a des raisons de reconfigurer le système. Les économies d'échelle sont importantes — que pouvons-nous faire plus efficacement? — et il est des chiffres qui finissent invariablement par nous échapper.

Si nous nous penchons sur des pratiques fondées sur des données probantes — en revenant à la solution d'une augmentation des prix de l'alcool — si nous voulons vraiment payer pour cela, et si nous avions des normes rigoureuses voulant que l'on doive payer pour des solutions éprouvées, je pourrais vous suggérer trois manières de payer pour cela avec de nouveaux fonds. L'une d'elles serait par la vente d'alcool — 587 millions de dollars en Saskatchewan par an pour des solutions éprouvées. Une caisse de bière pourrait coûter 23,23 $ au lieu de 23 $. Je ne pense pas que trop de gens en feraient une maladie. S'ils trouvent la hausse excessive et arrêtent de boire pour cela, ce serait cela de gagné.

En bref, il ne peut pas s'agir d'argent. Il faut de l'argent mais l'argent ne doit pas être le point de départ du débat. Il nous faut trouver des choses qui fonctionnent, éprouvées, insister sur ces choses et les relier à la population. C'est là la grande différence entre la Saskatchewan, Iqaluit, Nunavut — toutes les personnes qui passent par le nord de la Saskatchewan — comme nous l'avons mentionné ici, les différences.

Nous devons avoir la capacité d'agir à l'échelon local et régional. Il nous faut pouvoir être en mesure d'utiliser l'approche du cygne noir, l'approche suivie face aux anomalies. Nous pouvons prendre ce qui fonctionne dans une optique nationale et l'utiliser, mais il faudra innover pour pouvoir travailler localement, selon la structure et le cadre de travail qui nous conviendra.

Les gens à l'échelon local et régional peuvent changer si on les habilite à le faire. Néanmoins, l'application au niveau national d'une stratégie qui s'est révélée efficace pour Toronto pourrait ne pas convenir à tous égards, lorsque les caractéristiques démographiques sont inversées dans une région et certaines composantes de cette stratégie pourraient ne pas être assez efficaces pour répondre aux besoins. Le modèle doit être quelque chose de conséquent mais il faut ensuite obtenir la participation locale et régionale pour le mener à bien.

Cet aspect est absolument critique en Saskatchewan. Si nous faisons les choses comme il faut, nous avons là également la population active de l'avenir. J'ai parlé avec Cameco ici l'autre jour. Il est important de faire participer le secteur privé également. Si vous prenez la valeur financière d'une famille et ce que nous utilisons pendant des générations et vous le comparez au coût d'infrastructure et au point de pourcentage de la TPS qui nous a permis de résoudre cela — je crois que si vous mesuriez le coût, il serait beaucoup plus élevé que celui de l'autre infrastructure.

Le sénateur Dyck : Désirez-vous faire un commentaire, monsieur Sansfaçon?

M. Sansfaçon : Si vous le permettez, j'ai deux ou trois aspects à soulever.

Outre la structure, nous avons également besoin d'interventions fondées sur des données probantes et c'est ce que le CNPC s'efforce de développer. Il ne s'agit pas, si je puis m'exprimer ainsi, d'une stratégie centrale pour Ottawa, pas plus que pour l'Est du Canada. Nous avons des programmes dans des collectivités partout au pays. Dans les territoires du Nord, dans le Nord de la Saskatchewan ou au Manitoba, tout comme pour le centre-ville de Toronto et Montréal. Comme je l'ai dit dans ma présentation, il y a 136 interventions communautaires différentes qui sont en train d'être mises en œuvre et mises à l'essai dans notre pays.

La question c'est qu'il faut, au sein de la structure, veiller à ce que les personnes qui vont travailler avec ces enfants et ces jeunes dans le besoin offrent les types d'intervention qui conviennent. Il faut veiller avant tout à ne pas faire de mal; et ensuite, à ce que l'intervention fasse autant de bien que possible.

En règle générale, les types d'interventions au niveau de la prévention auxquelles nous faisons allusion coûteront en moyenne de 5 000 à 8 000 $ par an pour la prestation de services à ces enfants et à ces jeunes vulnérables. Il s'agit d'un montant infime si vous songez à ce qu'il en coûtera autrement, c'est-à-dire s'ils ont des démêlés avec la justice, s'ils font des victimes et s'ils aboutissent dans le système carcéral fédéral.

Dans ce contexte, par exemple, auprès des jeunes Autochtones dans des provinces telles le Manitoba, la Saskatchewan, l'Alberta et la Colombie-Britannique, il existe de nombreux projets où en plus de demeurer attentifs aux besoins des collectivités, nous nous sommes en mesure de savoir ce qui peut fonctionner auprès de ces enfants et ces jeunes dans ces collectivités, et qui pourrait être durable à long terme. Certes, nous sommes tout à fait d'accord, nous ne pouvons subsister à coup de projets uniques. Il faut un effort plus systématique pour continuer à réduire les coûts de la criminalité et de la victimisation au pays.

[Français]

Le sénateur Verner : Tout d'abord, merci beaucoup à vous tous d'être ici ce matin. Ma question s'adresse particulièrement à Mme Illingworth, et le chef McFee aura peut-être des commentaires à ajouter.

Je viens de la ville de Québec. Récemment, on a beaucoup entendu parler, dans les médias, de certaines situations sur lesquelles j'aimerais avoir vos commentaires.

Bien sûr, nous sommes tous pour la réhabilitation sociale. Il faut faire beaucoup de prévention et d'éducation afin d'éviter qu'il y ait une hausse dramatique des crimes.

Je sais que des programmes existent pour les victimes de crimes. Récemment, deux crimes se sont produits dans la région de Québec. Dans le premier, il s'agit d'une policière qui a été victime d'une tentative de meurtre de la part d'un individu qui faisait une fixation sur les femmes en uniforme. Dans le deuxième, c'est un jeune homme qui a été victime d'abus sexuels et physiques pendant des années, des décennies, une histoire d'horreur digne d'un mauvais film. Tous les deux ont appris que les agresseurs ont choisi d'aller dans des maisons de transition pour compléter leur réhabilitation; le problème est que la maison de transition est à quelques minutes à peine de leur domicile.

Malgré tous les efforts qui ont été fournis pour aider les victimes à réapprendre à vivre malgré le drame qu'elles ont subi, n'est-on pas en train de les retourner dans une situation d'exclusion? Ces deux personnes s'exprimant très librement dans les médias disent qu'elles ont toutes deux recommencé à avoir peur de sortir pour aller à l'épicerie ou de marcher dans leur quartier le soir.

Que pensez-vous du choix qui est donné au criminel qui sort de prison d'aller dans une maison de transition à quelques pas ou à quelques minutes à peine du lieu de résidence de leur victime? Auriez-vous des suggestions à faire à ce sujet?

[Traduction]

M. McFee : C'est un excellent argument. Je crois que les réponses que je donnerai à cela reviennent essentiellement à ce que nous disions à l'égard de l'équilibre.

Ces gens doivent être tenus responsables. En définitive, la raison pour laquelle l'ACCP s'est prononcée en faveur de la loi omnibus, c'est qu'il y a dans ce pays des gens capables de choses viles et certains d'entre eux doivent aller en prison. Cela ne veut pas dire qu'il faille interrompre leur réinsertion. Nous ne pouvons pas les oublier, car il y a peut-être une raison pour laquelle ils sont devenus ainsi. En même temps, lorsqu'ils dérangent la société et menacent des personnes innocentes, il faut que la responsabilisation fasse partie du message.

Un autre domaine que nous devons travailler pour une approche intelligente à l'égard de la criminalité réside dans l'équilibre. Personne ne devrait quitter une réunion en pensant que nous devrions suivre l'une ou l'autre de ces options. Nous devons absolument nous concentrer sur l'intervention et la prévention ou sur la responsabilisation, l'arrestation et l'incarcération. Il s'agit de faire l'équilibre. Jusqu'à ce que nous fassions cela efficacement, nous devons laisser de côté le débat de savoir s'il faut suivre une approche « dure » ou « indulgente » à l'égard de la criminalité. Il peut s'agir là d'un excellent rôle pour le Sénat, qui est un organe décisionnel ultime. Nous devons empêcher que les gens discutent de cet aspect car il les oblige à prendre position. Ils se rangent d'un côté ou de l'autre, ce qui est contreproductif pour ce que nous essayons de faire.

En revenant au point que vous avez soulevé, il y a des atrocités contre lesquelles il faut lutter. Il faut qu'il y ait une responsabilisation et les gens doivent être responsables de leurs actions tout comme nous, les agents de police, nous sommes tenus responsables si nous outrepassons notre mandat; nous sommes tenus de rendre compte.

Par ailleurs, si nous avions pu voir le calendrier des activités de ces personnes, nous aurions pu leur demander — c'est-à-dire par rapport au moment où elles sont passées de l'autre côté — comment elles sont arrivées à ce point-là? Je puis pratiquement vous garantir que, si vous mettiez cet échéancier sous forme de tableau, vous constateriez que de nombreuses interventions auraient pu être faites de manière plus précoce et nous aurions obtenu des résultats positifs chez ces personnes. Néanmoins, nous avons attendu à ce qu'elles soient en prison pour tenter leur réadaptation par la suite. Parfois c'est trop tard — ce qui ne veut pas dire qu'il faut oublier ces gens-là. Je ne connais pas les détails à ce sujet, mais moi j'aurais tendance à insister sur l'équilibre assorti de responsabilisation.

Mme Illingworth : Dans notre centre, nous parlons aux victimes que vous avez décrites à chaque mois. Elles s'inquiètent à l'idée que les délinquants pourraient retourner dans leur collectivité, où ils vivront très près de chez elles.

En ce moment même, nous travaillons dans notre centre sur un document destiné au Bureau national pour les victimes qui donnera aux victimes des conseils pratiques sur les mesures à prendre lorsque cela leur arrive, lorsqu'elles craignent pour leur sécurité, lorsque le délinquant est sur le point d'être libéré ou revient avec une forme de liberté sous condition ou, dans certains cas, lorsque la peine est sur le point de s'achever et que le délinquant échappera désormais à la surveillance de tout agent de probation ou de liberté sous condition.

Nous sommes en train de mettre au point une brochure qui sera distribuée partout au pays, en anglais et en français, pour que les victimes sachent comment agir dans chaque cas. Certaines des suggestions pratiques consistent à planifier la sécurité, à communiquer avec la police pour la mettre au courant du retour d'une personne qui pourrait être dangereuse; parler avec l'agent de liberté sous condition; obtenir le soutien de la police pour que la personne s'engage à ne pas troubler l'ordre public; et des choses de ce genre, ainsi qu'obtenir le soutien des services locaux offerts aux victimes pour veiller à leur sécurité.

Nous avons un modèle holistique dont nous avons parlé pour les jeunes délinquants où les personnes qui risquent d'avoir des problèmes lorsque les délinquants reviennent dans la collectivité. Il nous faut le même modèle holistique pour les victimes afin de veiller à leur sécurité lorsque les délinquants retournent dans la collectivité. Nous aimerions que l'on s'en occupe davantage.

[Français]

Le sénateur Verner : Vous n'avez pas le sentiment que, pour ces victimes, il s'agit d'un retour à la case départ?

[Traduction]

Mme Illingworth : Oui, dans certains cas, c'est certainement retourner à zéro. C'est habituellement les victimes qui doivent modifier leurs habitudes et songer à leur sécurité personnelle.

Dans un cas où nous avons aidé, la police a placé des caméras chez la femme en question. Ils lui ont placé un bracelet à la cheville de sorte qu'il lui suffisait de le toucher pour que la brigade des armes spéciales et tactiques se rende immédiatement chez elle, car cela voudrait dire que le délinquant s'y trouvait et qu'il avait l'intention de la tuer. Son auto a également été équipée d'un dispositif GPS. Il semble que toutes les interventions l'ont visée elle, et non pas le délinquant, qui est sur le point de finir de purger sa peine. La police essaie de restreindre ses mouvements au moyen d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public, mais il lutte contre la mesure.

Il est décidément difficile pour les victimes de poursuivre leur vie et d'avoir une existence normale quand elles sont tellement préoccupées de leur sécurité dans leur collectivité. C'est là que les services locaux aux victimes et la police locale peuvent beaucoup aider les familles et les personnes qui craignent pour leur sécurité.

Le président : Avant de poursuivre avec mes collègues, les statistiques sont en train de jouer un grand rôle ici en termes de l'information et des commentaires que nous sommes en train d'entendre ce matin.

J'aimerais reprendre la question car les statistiques ont été utilisées pour suggérer que le crime est en train de diminuer dans notre pays, et cetera. La question a d'abord attiré mon attention il y a environ trois ans quand j'ai vu un des principaux rapports de Statistique Canada, qui affirmait que le crime était en déclin. Fort de mon expérience en Nouvelle-Écosse, je me suis abstenu d'y croire. Je n'y croyais certainement pas pour ce qui était de la collectivité autour de moi, car le nombre de crimes signalés dans le journal local sur une base hebdomadaire avait beaucoup augmenté depuis un certain nombre d'années, et il m'a suffi d'un coup d'œil pour m'en apercevoir. Il s'agissait pour la plupart de cambriolages et de vols liés au commerce des stupéfiants, et ainsi de suite; ils font partie d'un tout.

Je me suis donc penché sur la manière dont Statistique Canada obtient ses données. J'ai également cherché à savoir comment les données étaient obtenues par la police partout au pays. Je me méfie de l'exactitude absolue — je me fie aux tendances peut-être, jusqu'à un certain point — mais je souhaite vous poser une question bien précise.

Dans votre diapositive 6, vous montrez « Le taux moyen d'homicides, par région métropolitaine de recensement 2000- 2010 », et Halifax affiche moins de 2 par 100 000 habitants. Selon les données, la population de la région métropolitaine du Grand Halifax est d'environ 350 000 habitants. Cela voudrait dire qu'il y a eu environ sept homicides par an en cet espace de temps. Je m'aperçois qu'il s'agit d'une moyenne pour la période. Laissez-moi vous donner deux chiffres concrets.

En 2009, le nombre d'homicides à Halifax était de 13. En 2011, avant la fin de l'année, on en enregistrait 15. Cela semble indiquer qu'il y a des écarts importants entre la tendance suggérée par les informations de Statistique Canada et l'exactitude réelle de ces informations. Pourriez-vous faire un commentaire à cet égard?

Mme McAuley : Je dirais au comité de se reporter à l'article de Juristat que nous avons fourni intitulé L'homicide au Canada, 2010. À la fin, le tableau 2 contient une ventilation des homicides pour 2010 et 2009, ainsi qu'une moyenne sur 10 ans, de 2000 à 2009. En consultant ce tableau, vous constaterez que pour Halifax on comptait 12 homicides en 2009, et 11 en 2010.

Nous pouvons vérifier toutes les RMR et les tendances pour voir ce qu'il en est. Nous montrons la moyenne sur 10 ans parce qu'il y a pas mal de fluctuation qui se produit. On a essayé d'éviter de présenter les données pour une année en particulier qui auraient pu être bien différentes de la tendance observée sur dix ans. Si le Comité s'y intéresse, nous pouvons fournir cette information. Ces données sont facilement disponibles à Statistique Canada; nous ne faisons absolument rien pour les cacher. Elles sont corroborées auprès des services de police de qui nous recevons cette information. Nous avons également des données qui remontent jusqu'en 1981. Nous pouvons également nous pencher sur les chiffres précis pour chaque RMR, si le comité le désire.

Le président : Une autre question sur les statistiques avant de poursuivre nos propos.

Le sénateur Dyck : Puis-je poser une autre question?

Le président : Oui.

Le sénateur Dyck : À Saskatoon, le chef de police disait souvent que les taux d'homicides signalés dépendent de la date à laquelle ils sont en fait signalés. La personne aurait pu être tuée il y a cinq ans, mais le fait n'est pas signalé jusqu'à ce que l'on retrouve le corps. Cela joue également. En une même année, vous pouvez trouver deux cas qui étaient des cas demeurés en suspens depuis un certain temps. Par conséquent, les statistiques ne reflètent pas nécessairement le chiffre réel de l'année en question puisqu'il peut s'agir de cas anciens ou que cela peut dépendre du mois où les statistiques commencent.

Le président : Passons à autre chose. La question n'affecte pas ma question globale en termes de l'orientation suivie.

La deuxième question pour laquelle j'aimerais avoir des précisions c'est quand une même personne commet une série d'infractions l'amenant au crime le plus grave, est-ce que chacun de ces crimes sont signalés — c'est-à-dire, un cambriolage, menant au vol d'une auto, menant à une question de drogue, qui aboutit enfin à un meurtre — est-ce qu'on se contente de signaler le crime le plus grave? Est-ce que chacune des étapes de l'événement criminel est signalée comme crime distinct ou simplement comme un incident majeur?

Mme McAuley : Les données que nous montrons se fondent sur le crime le plus grave. Néanmoins nous recueillons des données jusqu'à concurrence de quatre incidents dans chacun des cas. Nous détenons ces informations également.

Le sénateur Cordy : Monsieur Sansfaçon, j'ai été navrée de prendre connaissance de la statistique sur le nombre d'enfants autochtones qui sont pris en charge. Vous nous avez dit qu'il y a environ 27 000 enfants autochtones de moins de 17 ans pris en charge et qu'il y en a trois fois plus qui sont inscrits dans des internats au moment où les opérations sont particulièrement intenses, soit plus qu'il n'y en a jamais eu dans l'histoire canadienne.

Nous avons présenté nos excuses aux peuples autochtones des Premières nations pour ce qui est arrivé à l'époque des internats — et c'était des excuses bien méritées et que nous aurions dû présenter il y a longtemps déjà — mais quand je constate qu'il y a actuellement 27 000 enfants autochtones pris en charge par le gouvernement, je me demande quels seront les effets et les coûts à long terme, sur le plan financier aussi bien que social.

Faudra-t-il que nous présentions d'autres excuses? Combien d'années a-t-il fallu pour présenter nos excuses la dernière fois? Elles étaient de mise depuis bien longtemps. Il est étonnant de constater que nous ne sommes pas en train d'investir de l'argent pour aider ces jeunes enfants autochtones qui sont pris en charge ou qui sont autrement vulnérables, au lieu de dépenser 113 000 $ par an pour les maintenir dans une prison à long terme. Cela m'inquiète gravement. Pouvez-vous vous étendre sur cette statistique?

M. Sansfaçon : Évidemment, comme je ne suis pas un expert dans le domaine de la prévention du crime, je ne suis pas nécessairement la personne la plus désignée pour parler des motifs pour lesquels autant d'enfants autochtones ont été pris en charge par l'État. Je ne suis pas non plus en position de vraiment faire un commentaire sur le degré d'investissement effectué pour venir en aide à ces familles et à ces enfants. Je suppose que mes collègues d'autres ministères dont les Affaires autochtones ou Santé Canada seront sans doute mieux placés que moi pour fournir davantage de précisions.

Cette statistique était pertinente pour nos fins en termes de prévention du crime. Les nombreux facteurs de risque que l'on sait reliés à des trajectoires de délinquance sont bien établis, particulièrement ceux qui incitent les jeunes à commettre des crimes qui vont au-delà de quelques simples infractions. La plupart des jeunes ne tombent pas dans la délinquance. Heureusement, l'immense majorité ne finissent pas par devenir des délinquants à l'âge adulte. Cela dit, il existe une petite proportion de jeunes délinquants qui commettent des crimes et leur trajectoire deviendra chronique et à long terme. Les recherches ont cerné un certain nombre de facteurs de risque, dont le fait d'avoir été pris en charge par l'État. Ces personnes sont beaucoup plus susceptibles de suivre une de ces trajectoires.

Il faut néanmoins deux mises en garde ici : premièrement, ce n'est pas un seul facteur de risque mais une combinaison de facteurs de risque qui augmentera les chances d'une trajectoire de délinquance plus tard dans la vie — cinq, six ou davantage de facteurs de risque sont présents dans la vie d'une même personne; et deuxièmement, ces facteurs peuvent être utilisés pour prédire les trajectoires individuelles.

Il s'agit de trajectoires de groupe, mais nous ne pouvons pas affirmer dès maintenant que le petit Joe deviendra un jeune délinquant. Nous pouvons néanmoins affirmer que, dans la mesure où ces facteurs s'accumulent au sein de certaines collectivités et de certains groupes, il sera plus susceptible de le devenir. À cet égard, le fait d'être pris en charge par l'État est certainement au nombre des indicateurs que les gouvernements reconnaîtront afin de consacrer des programmes à ces enfants et à leurs familles, plus particulièrement.

Le sénateur Cordy : Nous parlons d'enfants pris en charge comme étant un facteur de risque ou des candidats pouvant commettre un crime grave, ou autre, mais souvent la raison pour laquelle ils sont pris en charge réside dans de nombreux autres facteurs de risque qui se retrouvent au sein de la famille. C'est une statistique très troublante pour moi.

Madame Illingworth, en parlant des services offerts aux victimes, vous avez donné des exemples de personnes qui s'exposent à l'exclusion sociale. Est-on en train de suivre des pratiques exemplaires dans le domaine? Vous avez formulé certaines recommandations, mais y a-t-il des pratiques exemplaires pour les victimes de crime, voire pour les éventuelles victimes de crime? Vous nous avez en fait avancé quelques critères pour les gens particulièrement susceptibles de devenir des victimes d'actes criminels. Y a-t-il des programmes préconisant des pratiques exemplaires qui seraient en train de fonctionner partout au pays?

Mme Illingworth : Les programmes varient énormément d'une province et d'un territoire à l'autre. Par exemple, en Colombie-Britannique, nous avons des programmes de services aux victimes qui relèvent exclusivement de la police. Tous les services auxquels les victimes ont accès tout de suite après un crime sont offerts par la police; il n'y a plus de services relevant des tribunaux dans cette province. Il existe aussi des associations communautaires, comme la Ending Violence Association of BC qui fait beaucoup de travail communautaire pour lutter contre la violence faite aux femmes et qui intervient auprès de divers groupes.

Dans les diverses collectivités du Canada, les services offerts aux victimes de crimes varient énormément. Il existe certainement des pratiques exemplaires. Par exemple, ici à Ottawa, le Collège Algonquin offre un programme de victimologie sanctionné par un certificat remis aux diplômés qui entendent intervenir auprès des victimes de crimes. Il s'agit d'un programme de certificat d'une année qui offre une formation sur les traumatismes, sur ce que subissent les victimes et sur la meilleure façon d'intervenir auprès d'elles dans une optique communautaire.

On recueille aussi beaucoup d'information sur ce qui se fait ailleurs dans le monde. En Écosse, par exemple, le système est différent. Au Canada, les victimes doivent communiquer elles-mêmes avec les organismes pour avoir accès aux services. En Écosse, dès que la police arrive sur les lieux, tout se fait automatiquement. Des représentants des services aux victimes accompagnent les policiers et les victimes ont le choix de refuser leur aide si elles n'en veulent pas.

Il existe, de par le monde, de nombreuses façons d'offrir des services aux victimes; par exemple, la Société mondiale de victimologie et d'autres groupes formulent des recommandations sur la meilleure façon d'aider les victimes en permanence.

Le sénateur Cordy : Vous êtes des travailleurs de première ligne; notre comité a étudié la santé et la maladie mentales. Nous avons rencontré un certain nombre de chefs de police qui commencent à mettre en place des programmes parce qu'ils sont aux premières lignes quand vient le temps de désamorcer une situation dans laquelle peut être impliquée une personne atteinte d'une maladie mentale.

Chef McFee, vous avez dit qu'il est extrêmement important d'intervenir tôt et qu'il faut mobiliser le personnel. Je dirais que la plupart des chefs de police, sinon tous, souscrivent à vos propos. Comment faites-vous passer le message à la personne qui se trouvera en première ligne dans une telle situation?

J'ai parlé de maladie mentale, mais il pourrait s'agir d'une foule d'autres situations.

M. McFee : Tout à fait! Sans entrer dans les détails, il faut dire que la santé mentale et les changements dans ce domaine depuis quelques années dans ce pays ont des répercussions évidentes sur les services policiers. Il vaut mieux tenter de sortir ces personnes du système et les traiter dans un milieu où l'on dispose des compétences nécessaires.

Les services policiers sont prêts à intervenir 24 heures sur 24 et ont habituellement affaire à des gens qui n'affichent pas un comportement exemplaire. Nous sommes aux premières lignes et nous faisons certaines choses collectivement, à l'échelle du pays, pour offrir de la formation et accroître la sensibilisation, ce qui comporte évidemment une certaine sensibilisation d'ordre culturel. Il n'y a rien qui ressemble à une baguette magique qui permettrait de tout arranger. Il doit y avoir un élément de compréhension, mais il s'agit avant tout d'assurer un suivi en veillant à ce que les personnes en cause obtiennent le bon type d'aide au bon moment. Si on se contente de les laisser à elles-mêmes dans le système, de les oublier et d'attendre qu'elles franchissent les diverses étapes de ce système, on constate tout à coup, 8 ou 10 mois ou deux ans plus tard, qu'elles ont été condamnées et incarcérées ou qu'elles sont peut-être en détention provisoire, et qu'on a perdu du temps.

Le côté positif de la dimension qui relève de la santé mentale, c'est qu'on est conscient que la majorité de ces personnes éprouvent des problèmes bien avant que nous ayons affaire à elles; alors pourquoi ne revenons-nous pas à l'idée d'utiliser votre portefeuille d'investissement? Lorsque nous savons que nous voulons prendre notre retraite, nous savons que nous possédons un tel montant dont nous suivons l'évolution et les fluctuations. Pourquoi n'utilisons-nous pas la même approche en matière de santé mentale? Je crois que, globalement, nous pouvons apporter des améliorations. Je ne dis pas qu'il s'agit d'une responsabilité qui relève du secteur de la santé. On peut améliorer considérablement notre système, et nous faisons partie de la solution.

Le sénateur Seth : Merci à vous tous pour ces nombreux renseignements. Il s'agit en fait de trouver une solution à toutes ces situations perturbantes et, à vrai dire, de les prévenir. Pour ma part, je veux simplement suggérer de tenir compte du coût. Tout coûte tellement cher à l'échelon provincial, fédéral ou ailleurs. Y a-t-il une façon de réduire les dépenses au minimum et d'obtenir une meilleure aide?

Avez-vous déjà songé à mettre en place un programme intégré qui ferait intervenir les familles? Un programme auquel participeraient les parents, les jeunes, les enseignants et les travailleurs sociaux, de concert avec des psychologues ou un groupe de médecins. Comme je suis médecin, je vois parfois ce type de situations. Je crois qu'une aide intégrée et concertée ne coûte pas cher et qu'elle pourrait être facilement offerte dans un bureau. Ici encore, le mot clé est « engagement »; engager des enfants dans des programmes et des projets volontaires. Je crois que cette façon de faire s'avère fort utile à long terme. C'est ce que je constate lorsqu'on intervient auprès des enfants dès les premiers stades, avant qu'ils ne commencent à consommer toutes sortes de drogues et à adopter un comportement criminel.

Croyez-vous que toute cette attention que nous accordons à la population vieillissante et à la génération du baby- boom au Canada nous a amenés à délaisser les jeunes?

M. McFee : Vous soulevez des questions fort intéressantes. Ce qui m'a le mieux permis de comprendre cette situation c'est que, comme vous, qui êtes médecin, j'ai été membre d'un conseil de la santé. J'ai été homme d'affaires, entrepreneur et chef de police, et j'ai reçu une formation dans ce domaine. C'est une façon d'aborder les multiples facettes de la question. Il y a trois ans et demi, on nous a dit qu'on perdrait les deux tiers de nos effectifs. En fin de compte, il y aurait peut-être des morts et il serait peut-être impossible de rentrer à la maison parce que la grippe H1N1 arrivait. On se souvient tous de ce qui s'est passé. Tous les organismes se sont concertés, ont utilisé un modèle fondé sur des données probantes et nous ont dit quoi faire. Or, devinez quoi? L'impact a été minime.

Si vous recherchez des données probantes pour fonder votre action et que vous utilisez ce concept, que vous l'appliquez à la violence et que vous remplacez le H1N1 par la violence, croyez-vous que le résultat sera le même? Oui, absolument, à 95 p. 100. Comme l'a dit M. Sansfaçon, il faut utiliser des données probantes issues de la recherche. Il faut financer ces choses et se donner des cibles et des buts communs; c'est comme ça qu'on arrive à faire quelque chose. Il faut un changement de paradigme dans notre mode de pensée. On ne peut utiliser les méthodes du XIXe siècle pour intervenir dans une culture du XXe siècle. On peut célébrer nos réussites. Nous faisons des choses phénoménales, ce qui est bien. Toutefois, si nous innovons pour régler les problèmes qui subsistent et si nous tenons compte des recettes fiscales, on constate qu'il faut réinvestir beaucoup d'argent dans les personnes pour nous améliorer.

M. Sansfaçon : Vous avez tout à fait raison. Nous avons vraiment besoin d'équipes intégrées qui soient en mesure d'opérer le bon type d'interventions auprès des bonnes personnes au bon moment. Nous possédons, du moins on l'espère, des pratiques fondées sur des données probantes qui nous viennent d'autres pays. Nous tentons de les adapter au contexte canadien et d'en faire l'essai dans des collectivités partout au pays. L'une d'entre elles, qui nous vient d'Angleterre, est le programme d'intégration des jeunes qui, à mon avis, est très pertinent dans l'optique des recherches menées par ce comité.

Le programme est à certains égards une coquille vide. C'est un outil qui sert à regrouper les gens autour d'une table pour tenter de s'assurer que le système ne laisse tomber aucun enfant, contrairement à ce qui se produit malheureusement, sans que personne en particulier ne soit à blâmer. C'est tout simplement que personne n'est chargé de veiller à ce que les enfants et la famille fassent l'objet du bon type d'interventions. Grâce aux programmes d'intégration des jeunes, on adapte les interventions aux besoins de ces personnes, de ces enfants et de ces familles. Il n'y a pas d'approche universelle. Les approches correspondent aux besoins, mais on cherche à les conserver jusqu'à ce qu'on ait raison de croire que ces personnes n'ont plus besoin de nous et qu'elles ont peut-être échappé à la situation à risque dans laquelle elles se trouvaient. Nous pouvons vraiment changer les choses grâce à ce type d'interventions englobantes et d'équipes intégrées.

Le sénateur Martin : Excusez-moi — j'ai été retardée par une réunion.

Je suis d'accord en ce qui a trait à l'importance de l'approche et des équipes intégrées. Il pourrait s'agir d'une solution non négligeable à ce qui nous préoccupe. En tant qu'ancienne éducatrice, je sais que les dossiers des étudiants contiennent beaucoup d'indices qui pointent vers ce premier incident. Ça me rappelle les salles de classe, en tant que parent aussi; les jeunes sont si intelligents. Dès qu'ils apprennent les rouages du système, ils en profitent. Et ils connaissent ses failles. Ça produit une impression de porte tournante.

Je m'adresse à M. McFee au sujet du système de justice pénale pour les adolescents et les étudiants, en lien avec cela. Nous parlons d'intervention précoce, mais peut-être que les conséquences ou l'application de la loi devraient être claires dès cette première intervention. Je vous en parle parce que les infâmes frères Bacon fréquentaient l'école où j'ai enseigné. L'aîné, qui a été tué l'année dernière, était dans ma classe. On a fait des suppositions. Était-il sociopathe? Je peux vous dire qu'en 11e année c'était un élève impressionnable, mais travaillant. J'ai été très choquée d'apprendre ce qui se passait, mais je savais le rôle que jouaient les parents. Je me demande comment nous pourrions changer le système de justice pénale pour les adolescents afin de faire comprendre aux jeunes, dès les premières interventions, que la loi, c'est la loi. Et, puisque je défends cette opinion, je dois débattre avec les partisans de la ligne dure et les gens plus cléments. Je vois toutefois ce qui se passe à cause des adolescents en ce moment. Mon mari travaille auprès des jeunes à risque; ils connaissent le système comme le fond de leur poche.

M. McFee : Très bonne remarque. Je vais vous donner un exemple à ce sujet. Quand nous avons entrepris ce programme pour tenter d'intervenir de façon précoce, de comprendre les jeunes et de tendre la main aux familles, aux aînés et à un peu tout le monde, j'ai fait venir mon meilleur enquêteur sur les crimes graves à mon bureau. C'est un type qui a enquêté sur la plupart de nos cas de meurtres et que nous consultons à propos de toutes sortes de choses. Il a été bien entraîné. Je lui ai dit : « Je sais que tu peux résoudre les meurtres; maintenant, préviens-les. » Quand je lui ai annoncé que je le mutais à l'unité de la sécurité des familles, il m'a jeté un regard dubitatif.

Ceux qui ont la connaissance et l'expérience savent s'immiscer tout en gardant leur tact. Lui, il s'assied avec les parents et leur explique où leur enfant s'en va à partir de ce qu'il fait maintenant. Il leur conseille d'intervenir auprès de leur enfant. Beaucoup d'interventions avaient été faites auprès de la famille pendant la première année. Il leur parle de faits véritables, et il le fait avec respect. La plupart des parents sont réellement préoccupés, mais nous travaillons tous et nous refusons souvent de voir la vérité à propos de nos enfants et de leurs actes. Quand on s'appuie sur des indicateurs clés et qu'on dispose d'un système permettant de reconnaître ces indicateurs, il est parfois essentiel d'offrir toutes les ressources aux parents et de les rappeler à la réalité, et c'est exactement à cela que vous faites allusion.

Le sénateur Martin : Je crois que les programmes de prise de contact avec les jeunes dont vous parlez, ceux qui visent à les atteindre avant que d'autres ne le fassent, sont essentiels. J'en reviens à la théorie de l'attachement. J'ai vu des enfants sans père, par exemple, des étudiants internationaux comme des membres de familles monoparentales. Les jeunes qui entrent dans les cadets de l'air et les scouts ont des modèles masculins qui peuvent se substituer au père absent. J'ai été témoin de l'attachement qu'ils ont pour ce modèle masculin et il y a un lien avec leurs choix de vie. Les programmes que vous financez, ainsi que les gestes que nous pouvons poser dans les stades les plus précoces, sont critiques. Vous avez peut-être un commentaire à faire à ce sujet.

M. Sansfaçon : Je pourrais passer des heures à parler de ce sujet, comme l'a dit plus tôt M. McFee. Je vais vous donner trois exemples. Je serai aussi heureux de vous remettre de la documentation additionnelle, si vous aimez la lecture.

La suspension. Vous avez peut-être eu envie de le faire en tant que professeur. Vous l'avez peut-être même fait. Il est connu que les jeunes qui se font suspendre systématiquement sont très à risque. Il en est probablement ainsi parce que d'autres événements se produisent dans leur vie. Que doivent faire les professeurs? Ils ne sont pas travailleurs sociaux ni psychologues. Ils doivent s'occuper d'une classe et c'est déjà beaucoup de travail. Nous mettons actuellement un programme à l'essai dans différentes collectivités du pays. Il permet à des spécialistes de travailler avec ces jeunes qui se font suspendre systématiquement pour tenter de changer leur comportement et de trouver la source du problème. Nous tentons également de trouver l'intervention et le spécialiste appropriés à chacun d'eux.

Je pourrais aussi vous parler du programme SNAP, soit Stop Now And Plan, créé par le Child Development Institute de Toronto qui essaie de faire subir des tests à des enfants de sept à dix ans — de jeunes écoliers — qui montrent des signes d'agressivité et ont déjà été en contact avec la police. C'est signe qu'il se passe quelque chose. Ce n'est pas normal qu'un jeune de huit ans soit déjà en contact avec la police. Il faut envisager des interventions précises et ciblées qui tiennent également compte des problèmes familiaux, puisqu'on fait participer la famille.

Voilà quelques exemples de ressources qui enrichissent le choix d'options auxquelles peuvent graduellement recourir les praticiens du système scolaire et des services sociaux canadiens.

Le sénateur Martin : En ce qui concerne les parents de familles d'accueil et les enfants sous tutelle, ainsi que les étudiants internationaux, il y a deux grandes catégories de familles d'accueil : celles qui le font pour l'argent, car elles considèrent qu'il s'agit d'un revenu, et celles qui le font pour l'expérience. Le processus de sélection des parents de famille d'accueil et la surveillance des familles qui reçoivent des enfants doivent être bien gérés. Encore une fois, il y a deux types de familles : celles qui veulent utiliser le revenu pour faire vivre leur propre famille et celles qui tiennent vraiment compte de l'enfant et du système et qui veulent faire partie de la solution. C'est un aspect que nous devons aussi examiner, car j'ai vu différents types de familles prendre des enfants à leur charge.

Le président : Je crois bien qu'il s'agissait d'une remarque. Merci.

Je vais laisser le sénateur Eggleton poser une dernière question, puis je vais résumer la séance, que j'ai trouvée fort profitable, soit dit en passant.

Le sénateur Eggleton : Cela a été une excellente séance. Beaucoup d'idées proposées me plaisent. Celles des équipes et des approches intégrées, notamment. Elles semblent s'articuler autour d'un même thème. Et en même temps, le vieux proverbe « il vaut mieux prévenir que guérir » reste toujours aussi approprié. Ça ne coûte pas nécessairement plus cher; en fait, je pense bien que ça ne coûte pas plus cher. Il s'agit simplement de dépenser de façon sensée.

Ma dernière question s'adresse à Statistique Canada. Je veux revenir sur quelque chose que vous avez dit plus tôt. Je veux vous poser une question au sujet de l'étude menée au Macdonald-Laurier Institute par Scot Newark, un cadre dirigeant de l'Association canadienne des policiers et ancien procureur de la Couronne de l'Alberta. Il remet vos statistiques en question et avance que certaines d'entre elles réduisent à tort le nombre de crimes commis et que ce nombre a été modifié rétroactivement pour des raisons inexpliquées. Il met aussi en doute votre conclusion selon laquelle le taux de criminalité est faible et à la baisse au Canada. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?

Mme McAuley : Nous avons beaucoup parlé avec M. Newark au sujet de son rapport. Je vais demander à M. Turner de répondre également. Nous modifions rétroactivement certaines statistiques parce que les services de police nous fournissent de nouvelles informations. Ainsi, nous devons parfois modifier des statistiques publiées un an auparavant. C'est l'une des choses que M. Newark critique dans son rapport. Monsieur Turner, si vous voulez bien continuer.

John Turner, chef du programme d'analyse, Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada : En effet, comme le dit Mme McAuley, les services de police nous envoient des mises à jour un an après que nous ayons compilé les données et publié les statistiques sur le crime. En moyenne, les mises à jour font varier les statistiques de 0,5 p. 100 chaque année. Il n'y a donc pas d'effet majeur sur les statistiques publiées. Lorsque nous publierons les nouvelles statistiques sur le crime pour l'année 2011, nous modifierons légèrement celles de l'année 2010. Les ajustements sont d'environ un demi-point de pourcentage.

Le sénateur Eggleton : Estimez-vous que vos données sont assez représentatives de la réalité, quoi qu'en dise M. Newark?

M. McAuley : Tous les services de police vérifient nos informations avant qu'elles ne soient rendues publiques par le biais de nos diverses publications. Si l'un deux y trouve une erreur, il nous la signale et nous travaillons directement avec lui afin d'y remédier. L'Association canadienne des chefs de police, le Comité sur l'information et les statistiques policières — ou POLIS, un sous-comité de l'association — et tous les services de police endossent les informations que nous publions par l'entremise du Programme de déclaration uniforme de la criminalité, notre outil de divulgation du taux de criminalité et de l'indice de gravité de la criminalité.

M. McFee : J'allais justement mentionner que le Comité sur l'information et les statistiques policières est un partenaire important. Dans un autre ordre d'idées, j'entends dire un peu partout au pays que l'examen des statistiques peut se trouver légèrement restreint en fonction du nombre d'agents que compte une région. Si l'on y superposait les statistiques démographiques sur l'âge, et Statistique Canada dispose d'un bon indicateur selon lequel les crimes sont généralement commis par des gens âgés de 15 à 24 ans, on constaterait probablement ce qui se passe au pays et on pourrait ensuite établir des liens avec le taux de criminalité, et cetera.

Les données sont essentielles, et je crois que Statistique Canada fait du bon travail, mais nous cherchons toujours des moyens de faire certains ajustements pour obtenir un portrait plus réaliste.

Le sénateur Eggleton : Avons-nous les statistiques sur les 15 à 24 ans?

Mme McAuley : Il y a quelques informations dans les notes de l'exposé, mais nous pouvons en remettre de plus détaillées à la greffière si vous le voulez.

Le président : Je remercie tous les gens présents ici ce matin pour la contribution qu'ils ont apportée à l'étude. C'est un aspect très important dans la compréhension de la nature générale de la question et des solutions qui peuvent y être apportées.

Ce matin, vous avez suggéré l'application de différentes ressources en temps opportun pour déterminer les causes sous- jacentes des problèmes ou les raisons qui peuvent mener à des problèmes à long terme et pour traiter avec les jeunes tôt dans leur vie. Vous avez aussi parlé des nombreuses façons dont les choses se passent dans nos grandes villes et nos collectivités, et il y a des similitudes avec ce que nous avons entendu au cours des deux études que nous venons de terminer sur l'éducation postsecondaire et celle sur l'accord sur la santé que nous terminons en ce moment. Vous nous avez aussi parlé du fonctionnement en vases clos des grandes ressources de notre société. Nous en avons eu un exemple très clair au sujet de notre relation avec la santé en général : les principales composantes sont des vases clos qui communiquent très peu entre eux. Nous l'avons clairement observé dans le cas des déterminants qui ont d'importantes conséquences sur l'éducation et la motivation des jeunes à profiter des formations qui s'offrent à eux. L'éducation est évidemment un élément très important du sujet qui nous occupe aujourd'hui, au sens où elle est liée aux probabilités que les jeunes aient malheureusement affaire à la police dans notre pays.

Voici la question que je souhaite poser au nom du comité : Pouvez-vous nous fournir d'autres exemples de services communautaires qui réalisent des progrès dans leurs champs d'activités respectifs et de travail collectif réalisé dans les collectivités à l'égard des questions qu'ont évoquées M. McFee, Mme Illingworth et M. Sansfaçon de différentes façons ce matin? Tous les exemples concrets que vous pourrez fournir au comité l'aideront de façon considérable à formuler des recommandations fondées sur des cas réels.

J'invite bien sûr tous ceux qui auraient de nouvelles informations pertinentes à nous communiquer au sujet de ce dont nous avons discuté ce matin à les faire parvenir au comité.

De la part de mes collègues, je vous remercie sincèrement d'avoir témoigné ici ce matin et d'avoir répondu à nos questions de façon aussi directe.

Je déclare la séance levée.

(La séance est levée.)


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