Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 13 - Témoignages du 29 mars 2012
OTTAWA, le jeudi 29 mars 2012
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour faire une étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada (sujet : Les essais cliniques).
Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Traduction]
Je m'appelle Kelvin Ogilvie, je suis un sénateur de la Nouvelle-Écosse et je préside le comité. Je demanderais maintenant à mes collègues de se présenter.
Le sénateur Seidman : Judith Seidman, de Montréal, Québec.
[Français]
Le sénateur Demers : Jacques Demers, de Hudson, Québec.
[Traduction]
Le sénateur Merchant : Pana Merchant, de la Saskatchewan.
Le sénateur Callbeck : Catherine Callbeck, de l'Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, de Toronto. Je suis en outre vice-président du comité.
Le président : Aujourd'hui, nous tenons notre deuxième réunion sur la phase des essais cliniques de notre étude générale des produits pharmaceutiques au Canada, des médicaments sur ordonnance. Aujourd'hui, nous avons la chance d'accueillir des représentants des Instituts de recherche en santé du Canada et de Santé Canada. Pour les IRSC, nous entendrons le Dr Alain Beaudet, président des IRSC, et le Dr Robert Peterson, directeur exécutif du Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments, qui relève du mandat général des IRSC.
Pour Santé Canada, nous recevons à nouveau Barbara Sabourin, directrice générale, Direction des produits thérapeutiques, qui est accompagnée par le Dr John Patrick Stewart, directeur général par intérim, Bureau des essais cliniques, et Kimby Barton, directrice du Bureau de cardiologie, allergologie et des sciences neurologiques.
Bienvenue à tous.
Nous avons convenu que le Dr Beaudet commencerait les exposés. Nous entendrons deux déclarations liminaires régulières, puis nous ouvrirons le débat à mes collègues du comité.
[Français]
Dr Alain Beaudet, président, Instituts de recherche en santé du Canada : J'aimerais remercier le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie de me permettre de lui donner un aperçu de l'importance de la recherche clinique pour le système de soins de santé au Canada et du rôle proéminent que jouent les instituts de recherche en santé du Canada dans ce domaine.
On entend par « recherche clinique » toute recherche prospective par laquelle on évalue le résultat d'interventions diagnostics ou thérapeutiques chez des sujets humains. Donc les essais cliniques, il est important de le rappeler, ne se limitent pas uniquement aux médicaments. Ils peuvent aussi porter sur des cellules ou d'autres produits biologiques, des dispositifs médicaux ou des techniques de pointe en pratique médicale ou chirurgicale.
[Traduction]
L'excellence scientifique du Canada en recherche clinique est reconnue dans le monde entier. Mentionnons par exemple que l'effet des publications du Canada relativement aux investissements en recherche clinique est le plus marqué au monde. Le Canada occupe aussi le quatrième rang mondial pour ce qui est du nombre de lieux de recherche clinique.
Les Canadiens ont tiré d'immenses avantages des investissements publics et privés dans la recherche clinique. Les professionnels de la santé suivent une formation clinique perfectionnée dans l'environnement d'enquête scientifique créé par la pratique de la recherche clinique. La culture d'une pratique fondée sur les données, qui constitue la base de notre système de santé, découle de l'élaboration et de la pratique de recherche clinique. Grâce à la recherche clinique, les Canadiens ont rapidement accès aux médicaments et aux traitements les plus innovateurs. La recherche clinique est essentielle pour commercialiser des produits innovateurs qui améliorent la compétitivité et la productivité du Canada. Plus important encore, la recherche clinique nous aide à repérer les tests et les traitements inefficaces, nous permettant ainsi d'offrir aux Canadiens des services de santé sûrs et économiques.
Les travaux des Drs Shamir Mehta et Salim Yusuf, par exemple, des chercheurs financés par les IRSC à l'Université McMaster, ont montré que la simple injection d'un médicament peu coûteux et rarement utilisé comme la réviparine, un anticoagulant, dans les deux heures suivant l'apparition des premiers symptômes de crise cardiaque prévient les AVC chez les patients qui ont déjà subi une attaque et réduit les taux de décès de 30 p. 100.
Je pourrais citer de nombreux autres exemples de cas où la recherche clinique a amélioré la qualité et l'efficience des soins de santé, mais nous pouvons faire encore mieux. De fait, nous savons que jusqu'à 50 p. 100 des interventions cliniques ont une efficacité limitée ou non démontrée et que jusqu'à 25 p. 100 des patients reçoivent des soins inutiles et parfois même dangereux. C'est donc une responsabilité fondamentale que d'accroître l'évaluation clinique non seulement dans le domaine des innovations, mais aussi pour les pratiques actuelles, pour vérifier si nous faisons plus de bien que de mal.
La position concurrentielle du Canada en recherche clinique est toutefois menacée. Depuis cinq ans, la recherche clinique et les investissements généraux de R-D du secteur privé au Canada — qui représentent 3 milliards de dollars annuellement — n'ont pas augmenté, malgré la croissance des investissements dans le monde. Des pays comme la Chine, l'Inde et le Brésil, plus peuplés que le Canada et qui ont des marchés plus grands que les nôtres, se sont imposés comme des partenaires de R-D privilégiés. Les décisions de R-D sont de plus en plus souvent prises dans les sièges sociaux des compagnies à New York, à Londres et à Zurich, et notre position concurrentielle faiblit rapidement.
[Français]
Les secteurs public et privé jouent un rôle déterminant dans le renforcement de la capacité de recherche clinique au Canada. Or, tous deux sont confrontés aux mêmes obstacles, notamment la rareté de l'expertise requise en biostatistique, en gestion des essais cliniques et en économie de la santé, une infrastructure de recherche clinique insuffisante et un manque de coordination et d'efficacité au niveau du recrutement des patients et de l'évaluation éthique des essais multicentriques.
Voila pourquoi, en collaboration avec les provinces et territoires, les organismes universitaires dans le domaine des soins de santé et les représentants de l'industrie, les IRSC ont élaboré une stratégie de recherche axée sur le patient. Lancée par la ministre de la Santé en août 2011, cette stratégie vise à nous assurer que la recherche aura un impact plus senti sur les traitements et les services fournis dans les cliniques, les hôpitaux et les cabinets de médecin partout au Canada.
Une meilleure intégration des données de recherche dans la pratique clinique se traduira par de meilleurs résultats en matière de santé et une amélioration du système de soins de santé au Canada.
[Traduction]
Depuis le lancement de la stratégie, en août, nous avons déjà réalisé des progrès sensibles. En partenariat avec Rx&D et l'ACISU, nous avons mis au point une entente d'essai clinique dans le but de simplifier les délais de démarrage pour les essais cliniques, ce qui devrait intéresser les investissements privés à nos lieux d'essai clinique.
En janvier, nous avons lancé, en partenariat avec Génome Canada, une initiative de 67,5 millions de dollars pour personnaliser la médecine et transformer un système générique et réactif en un système de soins prédictifs, préventifs et de précision. Un tel système devrait produire de meilleurs résultats en matière de santé et réduire la toxicité attribuable aux réponses variables ou négatives aux médicaments.
Il y a 15 jours, la ministre Aglukkaq a annoncé le renouvellement du partenariat des IRSC avec Les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada, les Rx&D, pour renforcer la recherche clinique au Canada. Dans le cadre de cette entente de collaboration renouvelée, les IRSC doubleront leurs investissements pour le porter à 150 millions de dollars sur cinq ans, avec l'objectif complémentaire des membres des Rx&D d'investir une somme équivalente pendant la même période. Cet investissement vise à renforcer notre capacité de réaliser des essais cliniques financés tant par le secteur public que par le secteur privé, ce qui rendrait le pays plus attrayant pour les investissements dans ce domaine et se traduirait par de meilleurs résultats en santé, un système de santé plus viable et des retombées économiques plus importantes.
Pour terminer, je dirai quelques mots au sujet du Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments des IRSC. Ce réseau a été créé dans le cadre du Plan d'action du gouvernement du Canada pour assurer la sécurité des produits alimentaires et de consommation. Le Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments corrige certaines carences du Canada en ce qui concerne la surveillance post-approbation des médicaments sur ordonnance. Pour ce faire, il améliore les données de recherche sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments qui sont à la disposition des gestionnaires de régime d'assurance-médicaments, des décideurs, des responsables de la réglementation et d'autres intervenants. Il accroît en outre la capacité de mener des recherches de grande qualité dans ce domaine. Le réseau améliore aussi les études de preuve de valeur des médicaments approuvés. Ces études visent à éclairer des décisions relatives à l'utilité d'un nouveau médicament.
Les nouvelles données produites par le Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments devraient fournir aux décideurs une source d'information supplémentaire importante pour évaluer l'innocuité des médicaments en fonction de leur intérêt thérapeutique. Ces données appuient aussi les décisions concernant le remboursement public des coûts des médicaments et l'utilisation optimale des médicaments au Canada.
Le Dr Robert Peterson, directeur exécutif du Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments des IRSC, comme l'a dit le président, est ici aujourd'hui et répondra à toutes les questions que vous pourriez lui poser sur cette initiative de recherche essentielle.
Barbara Sabourin, directrice générale, Direction des produits thérapeutiques, Direction générale des produits de santé et des aliments (DGPSA), Santé Canada : Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, merci. C'est un plaisir d'être ici aujourd'hui et d'avoir l'occasion à nouveau d'exposer le rôle de la réglementation dans le domaine de la recherche clinique. Notre mission consiste à favoriser la santé des Canadiens et l'efficacité du système de santé en réglementant les produits pharmaceutiques et en assurant aux Canadiens un accès à l'information afin qu'ils puissent faire des choix éclairés.
La recherche clinique permet aux Canadiens et aux Canadiennes d'avoir accès plus tôt à de nouveaux traitements potentiellement utiles. Les Canadiens et les Canadiennes peuvent aussi recevoir de meilleurs soins médicaux parce que les connaissances ainsi produites accroissent la capacité de diagnostiquer, de traiter et de prévenir les maladies. Ces connaissances précieuses sont obtenues aux diverses étapes de la mise au point du médicament, qui ensuite, servent à établir l'innocuité, l'efficacité et la qualité du produit et deviennent les preuves sur lesquelles sont fondées les demandes de commercialisation.
La recherche menant à de nouveaux médicaments commence lorsque des scientifiques mettent au point diverses substances chimiques ou biologiques au moyen d'analyses de laboratoire et d'essais sur les animaux mesurant l'effet de ces substances à diverses doses. Supposons que les résultats obtenus à cette phase pré clinique montrent qu'une substance produit l'effet désiré et n'est pas toxique, le promoteur, c'est-à-dire la personne ou l'entreprise responsable de la recherche, s'adresse alors à la Direction des produits thérapeutiques ou à la Direction des produits biologiques et des thérapies génétiques pour obtenir l'autorisation de réaliser un essai clinique.
Les demandes d'essai clinique contiennent des données et de l'information préliminaires visant à prouver l'innocuité, l'efficacité et la qualité du traitement expérimental, tel un médicament par exemple. Les études sont réalisées à diverses fins, comme administrer un traitement expérimental à des humains pour la première fois, évaluer l'efficacité d'un médicament chez des malades ou obtenir plus d'information sur le profil avantages/risques d'un médicament ou d'un traitement expérimental.
Santé Canada autorise l'essai clinique seulement lorsque le protocole est scientifiquement acceptable, et que la prise du médicament dans les conditions d'utilisation prévues ne présente pas de risques inacceptables pour les sujets des essais. Le Règlement sur les aliments et drogues requiert que les essais doivent être réalisés conformément aux bonnes pratiques cliniques qui sont des normes reconnues à l'échelle internationale qui guident les promoteurs aux étapes de la conception et du déroulement d'une étude sur des humains. Le Règlement requiert aussi que le protocole soit approuvé par un comité d'éthique de la recherche et qu'un exemplaire de la déclaration exposant les risques et les avantages soit remis aux sujets.
S'il ressort de l'essai clinique que l'intérêt thérapeutique potentiel du médicament l'emporte sur les risques, par exemple les risques.d'effets indésirables ou de toxicité, le promoteur peut décider de soumettre une Présentation de drogue nouvelle à la Direction des produits thérapeutiques. La présentation de drogue nouvelle fournit de l'information et des données sur l'innocuité, l'efficacité et la qualité du médicament. Elle renferme également les résultats des études précliniques et cliniques et des renseignements sur la production du médicament, son emballage et son étiquetage, ainsi que ses propriétés thérapeutiques alléguées et ses effets secondaires.
La Direction des produits thérapeutiques fait un examen approfondi de toute cette information pour évaluer les avantages et les risques potentiels du médicament. Si, au terme de l'examen, la conclusion est que les avantages l'emportent sur les risques et qu'il existe des moyens d'atténuer les risques, un Avis de conformité et un numéro d'identification du médicament sont émis pour le médicament, ce qui permet alors au promoteur de commercialiser son produit au Canada et de mentionner que celui-ci est officiellement approuvé au pays.
Depuis 2001, un délai par défaut de 30 jours est prévu pour l'examen de toutes les demandes d'essai clinique. L'établissement d'un délai plus court est avantageux pour tous les Canadiens et Canadiennes en ceci que la réalisation d'un essai clinique peut donner plus rapidement accès à des traitements novateurs. Il revient à Santé Canada de veiller à ce que les décisions soient prises en temps opportun afin de prévenir tout effet dissuasif sur la recherche et le développement de médicaments à usage humain au Canada.
Ces dernières années, la mondialisation des maladies a suscité la mondialisation de la recherche. Les essais sur les matériels médicaux et les médicaments sont maintenant réalisés partout dans le monde, et cette situation a eu des effets bénéfiques sur la santé mondiale. Toutefois, dans un tel contexte, il est difficile pour les promoteurs d'essais cliniques canadiens de soutenir la concurrence de l'étranger. Santé Canada continue donc, à titre de chef de file mondial, d'appuyer des initiatives visant à faciliter et à coordonner la collaboration en matière scientifique, à encourager la coopération entre l'administration fédérale et ses partenaires provinciaux et à établir un dialogue avec les parties intéressées pour trouver des moyens novateurs de relever les défis associés à la mondialisation de la recherche.
La tendance internationale favorisant la transparence en matière d'essais cliniques est devenue un enjeu de taille au Canada et ailleurs. Il existe un consensus mondial sur l'importance d'enregistrer les protocoles et de communiquer les résultats pour améliorer l'accès à l'information sur les essais cliniques et permettre ainsi aux patients et aux fournisseurs de soins de prendre des décisions éclairées en matière de santé.
Depuis 2007, Santé Canada encourage l'enregistrement des essais cliniques et la communication d'information au sujet de ces études dans les registres publics reconnus par l'Organisation mondiale de la santé. En 2001, de nouvelles dispositions réglementaires encadrant les essais cliniques sont entrées en vigueur, et Santé Canada s'était engagé à en évaluer les répercussions dans un délai de trois à cinq ans. En 2006, ce ministère a effectué un examen exhaustif, auquel les parties intéressées ont participé, pour déterminer ce qu'il devait améliorer dans son cadre de réglementation.
Il a ensuite publié, en 2008, un document exposant une série de mesures ciblées prévoyant la révision des lignes directrices à l'intention de l'industrie, l'amélioration des processus relatifs aux demandes et un accès accru à l'information sur les essais cliniques. À cet égard, diverses initiatives sont en cours pour accroître l'efficience, simplifier la présentation des déclarations, encourager la présentation de données électroniques et apporter aux promoteurs des précisions sur les lignes directrices.
Les médicaments approuvés au Canada sont le fruit de travaux de recherche clinique de qualité. Les résultats des essais cliniques sont un élément clé du processus d'approbation et une importante source d'information sur l'innocuité et l'efficacité d'un médicament. C'est pour ces raisons que Santé Canada appuie les chercheurs dans leurs travaux cliniques en veillant sans relâche à lever les obstacles réglementaires inutiles et qu'il favorise la transparence quant aux preuves fournies à l'égard d'un médicament comme moyen d'aider les patients et les fournisseurs de soins à faire des choix importants.
Ces efforts pour faciliter ainsi la recherche au pays et appuyer nos chercheurs produisent des résultats bénéfiques pour les Canadiens et les Canadiennes, mais la quête d'efficience ne doit pas mettre en danger la sécurité des sujets d'essais cliniques. En tant qu'organisme de réglementation, Santé Canada reconnaît que la sécurité ne peut être assurée qu'avec la participation du gouvernement, de l'industrie, des comités d'éthique de la recherche, des fournisseurs de soins et des patients. Nous sommes résolus à atteindre notre cible d'excellence de classe mondiale en matière de nonnes de sécurité et de qualité et nous continuons également d'accorder une grande importance à la participation des parties intéressées, car leur apport oriente les travaux et les programmes et contribue à l'efficience de la mise au point de médicaments.
Merci de votre attention. Nous répondrons avec plaisir à vos questions.
Le sénateur Eggleton : Bonjour, et merci d'être venus. Je commencerai par les IRSC. Je remercie le Dr Beaudet des contributions que son organisation a apportées à notre examen de l'accord sur la santé. Les IRSC sont souvent mentionnés dans le rapport, et j'espère que vous avez eu l'occasion de le lire.
Je veux vous parler de médecine personnalisée, un sujet que vous avez évoqué dans quelques-uns de vos commentaires. C'est un domaine passionnant, mais d'après ce que j'ai pu comprendre, hier et aujourd'hui, ce régime d'essais cliniques et tout le système de traitement semblent très compliqués, du moins pour un non-initié.
Dans quelle mesure pouvons-nous nous adapter? Avec quelle rapidité pouvons-nous créer une médecine personnalisée, compte tenu du système en place à Santé Canada?
Dr Beaudet : C'est une excellente question. C'est un défi, mais cela existe déjà. Déjà, vous le savez, nous pratiquons une médecine personnalisée dans certains domaines, notamment en cancérologie, où nous prescrivons certains médicaments seulement après avoir déterminé la présence des récepteurs appropriés à ce qu'expriment les cellules cancéreuses et donc que le patient réagira au traitement. Cela signifie que nous ne soumettons plus les patients à des traitements auxquels ils ne répondront pas et qui pourraient avoir des effets secondaires.
C'est déjà un avantage utilisé dans certains secteurs. Évidemment, nous parlons de l'avenir. L'immense avantage de la médecine personnalisée — c'est ce que nous espérons — est qu'elle nous mènera à de nouvelles façons de procéder aux essais cliniques et nous permettra d'effectuer ces essais sur un plus petit nombre de patients extrêmement bien définis. En raison de l'homogénéité génétique accrue, nous croyons d'une part que l'effet sera plus évident sur un plus petit échantillon. D'autre part, nous pourrons cibler et commercialiser les médicaments, après leur approbation, en fonction de populations très précises, ce qui réduira l'exposition inutile de patients qui ne répondent pas aux médicaments qu'ils prennent actuellement. Il y a un double avantage. Vous pourrez cibler le médicament et le tester sur un petit échantillon de patients plutôt que de soumettre à cet essai des patients qui n'ont pas les caractéristiques biologiques voulues pour y réagir.
Deuxièmement, quand l'efficacité du médicament a été prouvée et que le médicament est approuvé, vous pourrez vraiment cibler ces patients plutôt que d'administrer à toute la population des médicaments qui, dans certains cas, seront parfaitement inutiles. Évidemment, le mécanisme de réglementation — et vous pourriez certainement répondre à cela mieux que moi — devra s'adapter à ces changements, mais c'est la direction que nous prenons. Je crois qu'il est important pour nous, et c'est ce que nous faisons, d'appuyer la recherche pour repérer et découvrir non seulement de nouveaux marqueurs biologiques et de nouveaux marqueurs génétiques, mais aussi de nouvelles façons d'intégrer harmonieusement les médicaments personnalisés dans la pratique clinique.
Le sénateur Eggleton : Comment nous comparons-nous à d'autres compétences, les États-Unis ou l'Europe, dont il est assez souvent question dans le contexte, ici, pour le développement de la médecine personnalisée? Est-ce que nous collaborons aussi avec eux dans une certaine mesure, dans ce dossier?
Dr Beaudet : Nous nous comparons certainement favorablement pour ce qui est de la recherche. Nous comptons parmi les pays les plus avancés en matière de recherche. Quant à la mise en œuvre, je dirais que certains pays d'Europe sont plus avancés que nous. Nous devons accroître notre investissement dans ce secteur de recherche. C'est pourquoi nous avons décidé, avec Génome Canada, d'investir massivement pour suivre le rythme du Royaume-Uni, des États-Unis, de l'Australie et de l'Union européenne.
Le sénateur Eggleton : Madame Sabourin, pouvons-nous maintenir le rythme en ce qui concerne le cadre de réglementation et la mise en œuvre de la recherche aux IRSC?
Mme Sabourin : Pour ce qui est de la médecine personnalisée, selon moi, il y aura un continuum de changements et d'évolution dans la façon dont les essais cliniques sont conçus et dont les médicaments sont mis au point. Certes, si une personne ou un groupe réagit à un médicament particulier en raison d'une caractéristique génétique, nous pouvons nous adapter à la situation dans le cadre de réglementation actuel. Nous avons des exemples de médicaments qui ont été approuvés en même temps que les tests diagnostiques correspondant pour que seules les personnes qui possèdent le type génomique correct pour y répondre reçoivent ce médicament.
Dr John Patrick Stewart, directeur général par intérim, Bureau des essais cliniques, Direction des produits thérapeutiques (DPT), Santé Canada : Il importe de signaler que dans notre cadre de réglementation actuel, les mandats d'essai clinique relèvent du promoteur — les centres universitaires, les compagnies pharmaceutiques. Ceux-ci doivent présenter des hypothèses et définir des protocoles d'essai pour examiner une question. Si une compagnie pharmaceutique met au point une thérapie prometteuse qui serait adaptée à la médecine personnalisée, elle peut définir un protocole et le présenter à l'organisme de réglementation pour évaluer s'il convient de la commercialiser au Canada. L'objectif de l'organisme de réglementation est d'examiner le protocole pour voir s'il sert les intérêts des participants de l'essai clinique, s'il ne les expose pas à des risques indus et si les objectifs de l'essai sont réalistes. Ce sont les critères prépondérants en fonction desquels nous examinons les essais cliniques. Si le protocole contient des données scientifiques qui appuient l'hypothèse et justifient le niveau d'exposition auquel les sujets seraient exposés, Santé Canada ne s'opposera pas à cet essai.
Notre mandat consiste à suivre l'évolution scientifique pour pouvoir évaluer ces protocoles et déterminer si l'hypothèse et les études réalisées à l'appui des protocoles sont appropriées et sécuritaires.
Le sénateur Eggleton : Je lis un passage sur l'opportunité d'un conseil d'éthique de la recherche à chaque site d'essai clinique. Les conseils d'éthique de la recherche ne peuvent pas être affiliés au promoteur et ils doivent satisfaire à diverses autres conditions, je le vois ici, en ce qui concerne la façon dont il est désigné ainsi que sa composition. Qui le désigne? Est-ce vous? Est-ce Santé Canada? Qui fait cela?
Mme Sabourin : Je vais laisser mon collègue, le Dr Stewart, vous répondre. Nous avons un rôle distinct; nous avons un rôle de réglementation.
Dr Stewart : Le règlement stipule qu'avant le début d'un essai clinique, le conseil d'éthique de la recherche doit avoir approuvé le protocole, et ce, pour chaque site. Il incombe au promoteur de trouver un conseil d'éthique la recherche qui répond aux critères fixés. Le règlement précise les caractéristiques du conseil — qui en fait partie — alors tant qu'un conseil d'éthique respecte les caractéristiques décrites dans le règlement, le promoteur peut faire appel à ce conseil. De nombreux centres et hôpitaux universitaires ont des conseils d'éthique de la recherche. Il y a aussi des conseils plus importants, à but lucratif, qui se chargent de ce travail.
Le sénateur Eggleton : L'organisation est laissée au promoteur. Même si l'on dit que le conseil ne peut pas être affilié au promoteur, le promoteur a la responsabilité de le constituer.
Dr Beaudet : La responsabilité juridique relève du promoteur, et le promoteur peut être l'hôpital, une université ou un centre scientifique universitaire.
Le sénateur Eggleton : Il pourrait aussi s'agir du fabricant.
Dr Beaudet : C'est le conseil d'administration de l'hôpital, par exemple, qui désigne les membres du conseil d'éthique local. Cela peut également contribuer à expliquer pourquoi l'évaluation éthique d'un essai multicentres peut être complexe. Si vous avez 140 lieux, vous devrez réaliser jusqu'à 140 évaluations pour un seul essai. De plus en plus, nous essayons de simplifier le processus sans, évidemment, compromettre la protection éthique et la protection du patient.
Ce qui se passe maintenant au niveau provincial, c'est que l'on établit certains comités d'éthique généraux — par exemple, un conseil d'éthique pour les études sur le cancer en Ontario. Je crois qu'un jour, il faudra que ces organismes reconnus utilisent tous la même norme pour que nous puissions rapidement obtenir une approbation éthique nationale pour ces études multicentres sans nuire à notre compétitivité, car vous imaginez bien le temps qu'il faut pour obtenir l'approbation de tous ces conseils.
Le président : J'y reviendrai ultérieurement, quand ce sera mon tour. Toutefois, le sénateur Eggleton a mentionné que la compagnie pouvait choisir le conseil d'éthique. Pourriez-vous nous préciser cela, relativement aux lieux où se déroule l'essai clinique et à la compagnie qui possède le brevet? Y a-t-il vraiment une distinction?
Dr Beaudet : Oui. Évidemment, il y a un contrat entre la compagnie — si c'est un essai privé — et les divers lieux qui participent à l'essai clinique.
Le président : C'est ce que je voulais savoir. C'est donc le site qui a son propre conseil d'éthique?
Dr Beaudet : C'est le site. Cela vaut aussi pour les études financées publiquement. Avant d'envoyer l'argent, nous vérifions s'il y a un conseil compétent à chaque site.
Le président : C'était un aspect important de sa question. Je voulais vérifier s'il avait reçu une réponse complète.
Le sénateur Seidman : J'aimerais revenir à certaines des questions que j'ai posées hier pour essayer d'en savoir plus. Je parlais justement de transparence quand nous avons commencé la discussion. Ma question s'adresse à Santé Canada et aux IRSC, mais elle varie un peu selon l'organisation.
Dans le cas des IRSC, je crois qu'en 2004, les IRSC avaient instauré l'enregistrement de tous les essais cliniques. En 2011, cette politique a été retirée et remplacée par un Énoncé de politique des trois Conseils. Cela n'est pas encore adopté ou appliqué, alors je me demandais quelle était la situation actuelle aux IRSC, en ce qui concerne l'enregistrement des essais cliniques.
Dr Beaudet : Excellente question. Nous n'avons rien retiré. Nous avons cristallisé les choses. Comme vous le savez, nous avons révisé la politique des trois Conseils sur l'éthique pour la protection des sujets humains.
Nous avons décidé que nos politiques — nous en avions une pour les essais, une pour les cellules souches et une pour les Autochtones — devraient être intégrées à la politique unique des trois Conseils. Évidemment, ces politiques ont plus de poids si elles sont intégrées à celle des conseils que si elles sont simplement locales.
Je tiens à vous rassurer au sujet des essais cliniques — et c'est intégré à la politique —, tous les essais cliniques doivent être inscrits dans un registre public avant le recrutement des premiers participants.
Il n'y a que quelques éléments mineurs de la politique originale qui ne sont pas encore intégrés à la politique des trois Conseils parce que nous avons dû consulter d'autres conseils et les comités d'éthiciens du pays qui révisent la politique. Je sais que cela sera un jour intégré. Je veux éviter tout malentendu : nous ne retirons ni n'assouplissons nos normes. Nous voulons simplement les officialiser et leur donner plus de poids, nous voulons qu'elles soient appliquées à toutes les études qui relèvent de la compétence des trois Conseils, pas seulement à celles des IRSC.
Le sénateur Seidman : Je comprends. C'est une précision très utile. Il y a eu beaucoup de publicité qui disait le contraire de cela.
Dr Beaudet : Je le sais.
Le sénateur Seidman : Je m'adresse maintenant à Santé Canada à ce sujet. Un article publié dans le journal de l'Association médicale canadienne demandait à Santé Canada de rendre obligatoires l'inscription des essais cliniques et la publication des résultats. Les auteurs de cet article indiquaient qu'il n'y avait aucun obstacle juridique à ces publications et que les contraintes étaient institutionnelles. Que pouvez-vous dire au sujet de ces obstacles à l'inscription des essais cliniques et à l'accès aux résultats?
Mme Sabourin : Je commencerai par parler de ce que nous publions déjà. Nous publions tous les trois mois des statistiques sur le nombre de demandes d'essai clinique que nous avons reçues et le nombre que nous avons approuvé. Cette information est toujours disponible, et ce, depuis un certain temps déjà.
Nous venons de publier un rapport d'inspection cumulatif des résultats des inspections d'essai clinique pour, je crois, les cinq ou six dernières années. Cela est affiché sur le site web de Santé Canada. Tous nos documents d'orientation décrivent les attentes de Santé Canada en termes de réalisation d'essais cliniques, et cela est publié sur notre site web. Par ailleurs, il y a aussi des communications sur le risque. Si vous avez besoin d'informer les Canadiens au sujet d'un aspect particulier d'un médicament commercialisé ou qui pourrait faire l'objet d'essais cliniques et si cette information doit être diffusée rapidement, cela sera sur le site web.
Pour les médicaments commercialisés, les résultats des essais cliniques sont résumés dans certains sommaires des motifs de décision. En outre, les monographies de produit, qu'on peut consulter dans la base de données sur les produits pharmaceutiques, fournissent l'essentiel des résultats en termes d'avantages et de risques de ces produits. L'information sommaire est déjà accessible.
Quant aux essais concrets réalisés au Canada actuellement, nous encourageons l'enregistrement des essais cliniques et la divulgation de l'information dans deux registres d'accès public reconnus par l'Organisation mondiale de la santé depuis 2007. Le nombre d'essais enregistrés au Canada ne cesse de croître. Le Bureau des essais cliniques a également révisé le texte des lettres adressées aux promoteurs pour indiquer qu'ils peuvent commencer leurs essais et les encourager à les enregistrer dans les 21 jours suivant le début des travaux. Nous continuons à évaluer les options, notamment des options réglementaires, pour rendre obligatoire l'enregistrement des essais cliniques dans le cadre de notre initiative de modernisation. Nous avions élaboré le projet de loi C-51, qui est mort au Feuilleton. Il prévoyait certains pouvoirs pour essayer de rendre obligatoire l'enregistrement et d'autres types de publication de l'information. Nous envisageons maintenant d'autres options qui nous permettraient de progresser en ce sens.
Le sénateur Seidman : Je veux simplement des précisions. Est-ce que pour toute cette information les chercheurs sont tenus de verser au registre les changements de protocole, la fin de l'essai, le retrait de patients ou même les événements indésirables? Est-ce que cela fait partie du processus d'enregistrement?
Dr Stewart : Notre règlement contient des exigences précises pour que soient déclarés aux responsables de la réglementation les événements indésirables, les changements touchant la sécurité des participants ou la fin de l'essai. Il n'exige pas des promoteurs qu'ils déclarent si un essai est terminé ou le fait qu'ils ne l'ont jamais vraiment commencé, pour quelque raison que ce soit.
Dans les registres internationaux, nous recommandons l'inscription volontaire, mais la décision est laissée au promoteur. Des indications sont données au sujet de l'information qu'il faudrait fournir. Il existe évidemment des documents concernant l'intérêt de communiquer non seulement le fait que l'essai a débuté, quels en sont les objectifs et quels sont les lieux des essais cliniques, mais aussi les résultats. J'ignore si certaines autorités ont des exigences de déclaration.
Le sénateur Merchant : J'ai une autre question sur la transparence, parce que vous avez déjà répondu à nombre de mes questions.
Dans nos notes, il est dit que certains essais cliniques sont réalisés en public en Europe et aux États-Unis. Qu'est-ce que cela signifie? C'est ce qui est écrit. Je ne comprends pas.
Mme Sabourin : Monsieur le président, je vais essayer de préciser ce point.
Je crois que le sénateur parle des comités consultatifs d'expert. Aux États-Unis, les audiences de ces comités sont généralement publiques, et en outre il existe une procédure pour afficher à l'avance leur ordre du jour sur leur site web.
Au Canada, nous avons nous aussi plusieurs comités consultatifs scientifiques permanents formés de spécialistes externes dans divers domaines. Nous publions également sur notre site web, à l'avance, l'ordre du jour de leurs réunions et nous publions les comptes rendus de décisions.
En règle générale, toutefois, nous ne tenons pas pour l'instant un grand nombre de ces réunions en public. De temps à autre, nous devons organiser une réunion publique, et les membres du public peuvent alors demander d'y assister.
Les membres peuvent demander d'assister à titre d'observateur aux réunions de tous ces comités consultatifs scientifiques, et le président peut l'autoriser ou non. Je crois que c'est l'information dont vous parlez.
Le sénateur Merchant : Merci de cette précision.
J'ai quelques questions sur la surveillance post-commercialisation. Est-ce quelque chose dont nous traiterons aujourd'hui?
Le président : Non, je vais mettre ces questions de côté jusqu'au moment où nous aborderons ce segment particulier.
Le sénateur Merchant : Dans ce cas, j'ai terminé, car toutes mes questions portaient sur la transparence.
Le président : Merci beaucoup, sénateur.
Le sénateur Campbell : Comme je ne suis pas un membre régulier du comité, il se pourrait que ma question ne soit pas pertinente. N'hésitez pas à me le dire.
Je m'intéresse aux études essais cliniques sur les maladies rares, en particulier les maladies infantiles. Je m'intéresse à ce que nous faisons au Canada pour ce qu'on appelle les médicaments orphelins, pour les personnes dont la maladie est si rare qu'elle frappe dans moins d'un cas sur 2 000, mais qui touche quand même 3 millions de Canadiens. Je sais qu'en Europe il existe une autorité, l'Agence européenne du médicament. Avons-nous quelque chose comme cela au Canada?
Mme Sabourin : Au Canada, pour l'instant, nous n'avons pas de cadre distinct pour les médicaments orphelins. C'est à l'étude, et nous avons largement consulté en lien avec notre initiative de modernisation pour savoir ce que nous pourrions faire différemment pour ces médicaments. Nous continuons à y réfléchir.
Est-ce que mes collègues ont quelque chose à ajouter au sujet des essais cliniques pour les maladies rares et de ce que l'on fait ici?
Dr Stewart : Les demandes d'essai clinique pour une maladie rare sont évaluées comme les autres demandes. Nous examinons dans le document les données à l'appui de l'hypothèse, de l'étude proposée, du concept. Nous savons que les maladies rares, les médicaments orphelins, présentent un certain nombre de difficultés, notamment parce qu'il n'y a généralement qu'un petit nombre de patients dans le monde. Il y a peut-être 20 ou 30 patients au Canada qui sont atteints de cette maladie, et ils peuvent se trouver à 12 endroits différents. Comme il vous faut des lieux d'essai clinique, la réalisation d'un tel essai clinique présente des problèmes d'ordre logistique. Nous pouvons faciliter les choses, mais les difficultés administratives et logistiques sont considérables.
Toutefois, du point de vue de l'évaluation d'un protocole, nous agissons comme nous le ferions pour tout autre protocole. Est-ce dans l'intérêt des participants à l'essai clinique? Est-ce que cela leur fait courir un risque indu? Les objectifs sont-ils réalistes? Nous connaissons certainement les efforts de l'AEM et de la FDA. Ces agences fournissent des conseils sur les protocoles, et cetera, et cela nous aide. Si un protocole qui nous est présenté a déjà été commenté par d'autres compétences, cela nous est généralement utile. Cela nous confirme le concept du protocole, le caractère réaliste des objectifs.
Le sénateur Campbell : À cet égard, ces autres organismes offrent des encouragements pour inciter les entreprises à chercher des médicaments pour les maladies rares. J'espère que nous en faisons autant.
Ma deuxième question, et c'est un aspect dont j'ignorais jusqu'à l'existence avant de participer aux travaux de ce groupe, concerne la quantité de médicaments mis au point dans un but précis. Lorsque nous cherchons un traitement pour quelque chose et qu'au bout du compte nous constatons qu'il est sans effet, ce médicament est relégué aux oubliettes. En Colombie-Britannique, du moins, nous avons constaté que nombre de ces médicaments sans application concrète peuvent être utilisés dans la recherche sur les maladies rares. Est-ce que nous pouvons intervenir d'une quelconque façon pour que cela soit fait plus souvent? Il doit y avoir un registre central pour tous ces médicaments qui n'ont pas vraiment d'application. Est-ce qu'il y a une autre façon d'agir, ou est-ce simplement scandaleux?
Dr Beaudet : De fait, ce n'est pas scandaleux du tout. C'est une excellente idée, et l'on appelle cela repositionner les médicaments. Quelques grandes initiatives viennent d'être lancées au Royaume-Uni, parrainées par le Medical Research Council et les National Institutes of Health. Elles examinent, cela et nous envisageons d'en faire autant. Il ne s'agirait pas nécessairement de maladies rares. Cela pourrait comprendre les maladies rares, mais il s'agit de prendre des médicaments qui ont souvent franchi la phase I, celle de l'innocuité chez les patients, et dont nous savons qu'ils sont sans danger pour les patients, et qui pourtant, comme vous le dites, sont jugés inefficaces à la phase II pour le trouble visé.
Il faut donc donner accès à ces médicaments aux chercheurs, pour qu'ils les traitent dans des systèmes de criblage à haut rendement pour leur trouver d'autres utilisations possibles, seuls ou même combinés à d'autres. L'ajout de ces médicaments pourrait peut-être modifier, par exemple, la résistance d'une bactérie aux antibiotiques.
Cela est très prometteur, et nous envisageons sérieusement la possibilité de faciliter cette activité. Évidemment, nous n'en sommes pas propriétaires et les problèmes liés à la protection sont considérables. Les compagnies ont la propriété intellectuelle de ces médicaments, alors il faut régler cette question pour accéder aux médicaments, mais plusieurs compagnies sont tout à fait intéressées à collaborer avec ce travail externe parce qu'elles ne veulent plus travailler sur ces produits, elles sont prêtes à confier ces produits à la communauté de la recherche pour qu'ils soient repositionnés.
Voulez-vous ajouter quelque chose?
Dr Robert Peterson, directeur exécutif, Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments : Je serai bref. C'est une excellente question. Les essais cliniques préalables à la commercialisation, comme vous l'avez signalé, portent sur l'élaboration d'un produit dans un but précis. Après que la décision de passer ou non à l'étape de la commercialisation a été prise, l'accent porte sur les résultats en matière de santé.
Non seulement nous devons trier un grand nombre de produits qui n'ont pas nécessairement atteint leurs objectifs lors des premiers essais cliniques pour déterminer s'il convient de les reprendre dans d'autres essais cliniques, mais en outre nous devons étudier des combinaisons de produits. La notion qu'un produit donné peut guérir une maladie est peut-être adéquate dans certains cas, mais aujourd'hui elle pose de sérieux problèmes quand nous cherchons à appliquer un protocole de traitement qui fait intervenir de nombreux produits.
Cela complique le travail de la phase pré-commercialisation, car il faut obtenir la collaboration de nombreuses compagnies. Quand nous voulons promouvoir une étude plus axée sur les résultats pour les patients, nous pouvons contourner ces obstacles commerciaux et choisir les meilleurs traitements.
Je vous fournis un très bon exemple, celui du Groupe de recherche en oncologie pédiatrique, qui a obtenu des succès incroyables dans la lutte contre le cancer chez les enfants sans que ses travaux soient assujettis aux décisions d'un promoteur commercial. Il est plutôt dirigé par des spécialistes en oncologie pédiatrique, qui choisissent les produits en fonction de leur expérience antérieure et des essais cliniques selon ce qui leur paraît le plus utile.
Le sénateur Campbell : J'espère voir quelques changements bientôt. Nous avons examiné la question, mais nous n'avons pas réussi à éliminer les embâcles. Merci beaucoup.
Le sénateur Callbeck : Ce matin, on m'a interrogée sur le financement et les coûts des essais cliniques. C'est généralement l'industrie pharmaceutique qui assume les coûts, n'est-ce pas? Est-ce qu'elle paie la totalité des coûts ou seulement un pourcentage donné?
Dr Beaudet : Il y a des essais cliniques qui sont menés par l'industrie pharmaceutique et il y en a qui sont financés par les fonds publics. Les IRSC financent des essais cliniques, et certains de ces essais sont très coûteux. On peut tester des médicaments, tester ou comparer des médicaments déjà commercialisés et comparer leur efficacité, comparer leurs effets secondaires, leurs résultats. Nous parrainons un certain nombre d'essais cliniques qui portent sur divers types de traitement, des nouvelles pratiques, il n'y a pas que l'industrie pharmaceutique qui appuie les essais cliniques. Certains organismes caritatifs interviennent également pour les essais cliniques qui relèvent de leur domaine.
Le sénateur Callbeck : Est-ce que tous les essais cliniques de nouveaux médicaments sont financés par l'industrie pharmaceutique?
Dr Beaudet : Oui. Ces nouveaux médicaments sont la propriété des compagnies, et il n'incombe pas au secteur public de subventionner la compagnie X pour tester un nouveau médicament.
Le sénateur Callbeck : Les personnes qui participent à l'essai reçoivent-elles le médicament gratuitement pendant ces essais?
Dr Peterson : Dans la plupart des cas, cela s'inscrit dans la promotion de l'essai clinique. Là encore, nous parlons des essais qui visent à présenter un produit à Santé Canada en vue de le commercialiser. Il y a de nombreux essais qui sont menés par la suite, et le produit peut alors être payé par le système de santé. Il peut être payé par d'autres sources que le promoteur.
Le sénateur Callbeck : D'autres sources que le promoteur, donc le gouvernement fédéral. Y en a-t-il d'autres?
Dr Peterson : Comme le disait le Dr Beaudet, il y a de nombreuses fondations de recherche qui ont un domaine précis, la recherche cardiovasculaire, les neurosciences; il y a des fondations hospitalières et d'autres groupes d'intérêts à vocation philanthropique. La Vancouver Foundation, par exemple, distribue un bon financement aux particuliers qui s'intéressent à des populations spéciales.
Le sénateur Callbeck : Avez-vous une idée du pourcentage du financement qui vient de ces organisations?
Dr Peterson : Non, mais je pourrai le chercher et vous fournir cette information. La réponse sera stratifiée selon que le promoteur commercial veut commercialiser le médicament ou que le médicament a déjà été approuvé. Les choses changent énormément à cette étape.
Le sénateur Callbeck : Y a-t-il eu beaucoup de changements ces dernières années? Est-ce que les organisations se sont plus engagées dans ce type de recherche, ou est-ce que cela demeure constant?
Dr Peterson : Je ne sais pas si elles sont plus engagées. Comme je le dis, la Société canadienne du cancer, la Fondation des maladies du cœur du Canada ont depuis très longtemps la vocation spécifique d'améliorer les résultats en matière de santé dans leurs domaines respectifs.
Ce que nous constatons, c'est que la recherche supplémentaire s'intensifie après la commercialisation du produit, et ce, pour la raison suivante.
Pour commercialiser une nouvelle molécule, il faut réaliser des essais cliniques très spécifiques. Vous ne pouvez poser qu'une ou deux questions très précises pendant un essai clinique, mais lorsque le produit est présenté au système de santé canadien, il surgit de nombreuses questions que le promoteur n'était pas tenu d'examiner et de régler pour satisfaire à ses obligations réglementaires. Donc, il n'y a pas que les organisations qui financent la recherche qui interviennent alors, mais aussi des organisations comme les IRSC, qui collaborent avec de nombreux décideurs du système de santé pour examiner cette foule de questions supplémentaires.
Le sénateur Callbeck : D'accord. J'ai une question au sujet de deux ou trois points qui ont été soulevés.
Si j'en crois les notes que nous avons ici, il n'est pas nécessaire que la demande d'essai clinique soit approuvée par le conseil d'éthique de la recherche au moment de sa présentation. C'est exact?
Mme Sabourin : Oui, c'est exact.
Le sénateur Callbeck : Toutefois, il y a une échéance obligatoire de seulement 30 jours?
Mme Sabourin : Oui, nous avons 30 jours pour examiner la demande et nous y opposer. En règle générale, si nous nous y opposons, nous présentons nos questions au promoteur. Toutefois, nous pouvons produire ce que nous appelons une lettre de non-opposition.
Le sénateur Callbeck : Alors, la demande n'est pas acceptée à moins d'avoir quelle approbation?
Le président : Je crois qu'il conviendrait de préciser les étapes. Madame Sabourin, vous parlez d'autoriser un essai, mais vous ne réalisez pas l'essai. Vient ensuite l'étape suivante, où le comité d'éthique intervient.
Mme Sabourin : Oui. Je vais demander au Dr Stewart de nous expliquer cela.
Dr Stewart : Le Titre 5 du Règlement sur les aliments et drogues stipule qu'avant de réaliser un essai clinique, avant que le promoteur ou l'enquêteur qualifié commence à administrer des doses aux patients, il faut avoir non seulement l'autorisation de Santé Canada, mais aussi l'approbation d'un conseil d'éthique de la recherche pour le protocole et pour chaque lieu d'essai. Le règlement ne précise pas l'échéancier, l'ordre dans lequel tout cela doit se faire, mais en règle générale c'est d'abord Santé Canada qui intervient. Santé Canada, s'il ne s'oppose pas au concept du protocole, produira la lettre, puis l'approbation du comité d'éthique de la recherche sera demandée. Il s'écoule souvent un certain temps entre la réception de la lettre et le début de l'essai, en raison de diverses difficultés logistiques et notamment de l'approbation du conseil d'éthique de la recherche.
Le règlement — je le précise — stipule que si par le passé le protocole a fait l'objet de critiques de la part d'un conseil d'éthique de la recherche, et cela s'est déjà vu, le promoteur doit le déclarer à l'organisme de réglementation au moment où il présente sa demande.
Mme Sabourin : Si vous me le permettez, j'ajouterai que sauf erreur, les conseils d'éthique de la recherche ont assez bien collaboré au pays pour essayer d'établir quelques normes que les conseils respecteraient dans tout le pays pour assurer une certaine cohérence.
Le sénateur Callbeck : Merci.
Le sénateur Seth : Ce sujet est très intéressant. J'imagine que si vous exercez la médecine depuis quelque temps déjà, ces questions vous viennent à l'esprit.
Quand une compagnie pharmaceutique procède à un essai clinique, à quelle étape demande-t-elle à des médecins de tester le médicament? Le savons-nous? Quelle est cette étape?
Mme Sabourin : Je vais commencer, puis je demanderai au Dr Stewart de compléter ma réponse. Les essais cliniques comprennent trois phases principales, et les médecins interviendraient plutôt, selon moi, aux phases II et III, pour collaborer ou proposer des lieux, mais mes collègues en savent plus que moi à ce sujet.
Dr Stewart : Il existe une démarche internationale très claire pour élaborer un nouveau médicament. Avant de l'administrer à un être humain, il faut réaliser de nombreuses études pour prouver le concept, son efficacité, son innocuité sur les animaux et ses promesses si le modèle animal s'avère exact.
Lorsqu'une compagnie pharmaceutique qui élabore un nouveau médicament veut utiliser des humains, elle s'adresse à l'organisme de réglementation, en l'occurrence Santé Canada, pour demander l'autorisation de commencer la recherche chez l'humain. Le règlement exige entre autres qu'un enquêteur qualifié soit présent à chaque lieu où l'essai clinique se déroule. Par définition, aux termes du règlement l'enquêteur qualifié est un médecin ou un dentiste.
Les médecins s'engagent de plus en plus, je crois, à mesure que la portée de l'étude s'élargit. La phase I vise plutôt le comportement du médicament chez l'humain, les études de type pharmacologique, la compréhension des toxicités avec l'augmentation des doses. À la phase II, le médicament est administré à des patients atteints de la maladie, et l'on étudie son effet. C'est là que les médecins interviennent le plus. Le nombre de lieux et de patients exposés augmente, puis vous passez à la phase III. Vous avez alors déjà des données indiquant que ce médicament est efficace contre la maladie et vous examinez des preuves plus générales de cette efficacité, vous cherchez à mieux comprendre les effets indésirables moins courants. Les médecins sont donc beaucoup plus engagés parce qu'en règle générale les lieux sont multiples et l'étude est souvent d'envergure multinationale.
Le sénateur Seth : Quelle est la transparence pour le patient? Oui, nous savons que nous leur demandons leur signature, des autorisations, mais que se passe-t-il si un effet indésirable grave se manifeste chez le patient? C'est un problème juridique. Qui est responsable? Est-ce le médecin ou est-ce la compagnie pharmaceutique? Cela peut se produire et alors, évidemment, il faut interrompre la recherche. Que faisons-nous ensuite?
Le président : N'oubliez pas que nous parlons des essais cliniques.
Docteur Peterson, vous avez un commentaire?
Dr Peterson : Je parle d'expérience parce que j'ai siégé à un vaste comité d'éthique de la recherche. Je peux vous expliquer comment ce comité travaillait.
En règle générale, la formule de consentement, comme vous l'avez dit, doit être compréhensible pour les participants à l'étude et précisera exactement la responsabilité du promoteur et celle des enquêteurs au sujet de tous les préjudices qui pourraient découler de l'étude. S'il s'agit d'un promoteur commercial qui met un médicament au point en vue de le commercialiser, il est responsable des préjudices qui pourraient se produire pendant l'essai clinique et il est également tenu par la loi de déclarer tout effet indésirable.
En passant, ce ne sont pas seulement les effets indésirables liés à l'essai réalisé dans un centre canadien qu'il faut déclarer mais aussi, s'il s'agit d'une étude internationale, les effets indésirables survenus ailleurs pendant l'évaluation du médicament.
L'information concernant les événements indésirables qui touchent le patient serait communiquée au clinicien responsable des soins ainsi qu'au patient lui-même.
Nous exigeons — et souvent les organisations universitaires qui tiennent les essais cliniques le font aussi — qu'une indemnité soit prévue sous forme d'assurance prise par l'institution.
Le sénateur Seth : Merci.
Le président : J'aimerais poser trois questions précises. Mes collègues les ont déjà abordées, mais je voudrais des précisions.
Docteur Beaudet, j'aimerais revenir à quelque chose que vous avez bien expliqué au début, pour élargir un peu le débat. Vous avez mentionné l'importance d'un processus d'essai clinique et d'une structure organisationnelle efficaces, sinon les avancées de la recherche ne rejoignent jamais le public parce qu'elles doivent satisfaire à diverses normes et exigences avant d'être approuvées.
Nous savons aussi, pour ce qui est des perspectives de commercialisation, que le Canada est un marché relativement modeste en comparaison d'autres pays industrialisés. Donc, pour encourager la commercialisation d'un médicament qui serait utile aux Canadiens, nous devons faire valoir que notre pays est un bon endroit pour réaliser ces essais.
Je veux revenir sur ces questions, que vous avez tous utilement commentées. L'aspect précis qui m'intéresse, c'est que nous avons récemment constaté que nos centres de recherche médicale, ceux qui effectuent des essais cliniques, sont fort désorganisés quand il s'agit de mener un essai de grande envergure — et vous en avez parlé un peu aujourd'hui — parce que leurs processus pour créer les conseils d'éthique de la recherche diffèrent et suivent des échéanciers différents. Il y a des exigences fondamentales, mais chaque organisation élabore les siennes et, au bout du compte, elle doit satisfaire à ses exigences dans ce domaine particulier, et cela entraîne souvent des retards.
Si notre pays est connu pour ses retards attribuables à la désorganisation, il est fort possible que personne ne vienne réaliser d'essais ici. Pourtant, comme vous l'avez signalé, nous avons des chercheurs exceptionnels dans notre pays et nous avons une population très développée, qui doit pouvoir profiter rapidement de nouveaux médicaments efficaces.
Pourriez-vous nous préciser un peu les progrès réalisés en ce qui concerne la normalisation des protocoles de recherche et les exigences des conseils d'éthique de la recherche?
Docteur Beaudet, si vous voulez bien commencer...
Dr Beaudet : Vous l'avez très bien expliqué. C'est pour cette raison que nous nous engageons avec divers partenaires et entre autres des représentants des provinces, parce qu'elles sont responsables de la santé, des organisations caritatives, parce qu'elles appuient elles aussi les essais cliniques dans leurs domaines, et l'industrie pharmaceutique.
Nous avons créé un groupe de travail national pour définir ce que nous appelons une stratégie pour la recherche axée sur les patients, que vous connaissez sans doute. L'un des éléments consiste à améliorer la qualité de l'infrastructure de recherche pour les essais cliniques. Par infrastructure de recherche, nous entendons des infrastructures principalement humaines. Cela signifie appuyer les professionnels de la santé qui effectuent des études cliniques, assurer la formation de professionnels de la santé — pas seulement des médecins, mais aussi des infirmières, des physiothérapeutes, des dentistes, et cetera — en fonction des normes strictes de la recherche clinique que nous appliquons dans notre pays, et intensifier la collaboration au pays.
Comme vous le savez, l'un des problèmes dans notre pays est que notre population n'est pas très importante et, dans bien des cas, pour certaines maladies, qu'elle ne nous permet pas de recruter très efficacement et très rapidement. Il y a un énorme avantage à collaborer et à encourager les chercheurs à collaborer, pour développer la biostatistique. Cela a toujours été important, mais le devient plus encore à mesure que les principaux intervenants analysent les résultats des essais, automatisent leurs méthodes et recueillent des données.
Nous collaborons étroitement avec le secteur privé, le secteur public et les provinces pour créer cette infrastructure localement, dans les unités de soutien de la recherche clinique, et à l'échelle nationale, dans les réseaux de recherche thématique pancanadiens et les réseaux de recherche clinique. Nous pensons que cela nous permettra non seulement d'accroître la collaboration dans certains domaines, notamment la santé mentale et même plus précisément la dépression, mais aussi certainement d'accroître notre attrait pour le secteur privé. Les promoteurs pourront tout faire ici. Ils peuvent s'adresser au chef du réseau pour négocier rapidement la capacité de réaliser un essai dans tout le pays et de recruter plus rapidement.
J'ai déjà mentionné que nous essayons d'améliorer la rapidité et l'efficacité du processus d'évaluation éthique et de la passation des contrats, qui est lent. Nous progressons à cet égard.
Dr Stewart : Je mentionnerais à ce sujet qu'en septembre 2011, les IRSC, les Rx&D et l'Association canadienne des institutions de santé universitaires ont coparrainé une présentation examinant la logistique actuelle et d'autres difficultés liées à la réalisation d'essais cliniques au Canada. Il a été établi à ce moment que diverses initiatives distinctes pourraient être lancées pour améliorer la situation.
Je veux aussi ajouter qu'actuellement, l'Office des normes générales du Canada, Santé Canada et, je crois, les IRSC dirigent des activités d'élaboration de normes volontaires pour les conseils d'éthique de la recherche. Ce document décrira la composition et le comportement des conseils d'éthique de la recherche. Il s'agirait pour l'instant d'un processus volontaire. Si jamais l'on voulait accréditer les CER au Canada, il pourrait servir de point de référence.
Le président : Cela est très encourageant. À en croire les rumeurs, certaines de ces institutions n'auraient pas toujours bien collaboré par le passé, alors ce sont de bonnes nouvelles.
Docteur Peterson, j'aimerais revenir aux commentaires très précis que vous avez formulés au sujet de la surveillance des événements indésirables pendant les essais et de la question des essais tronqués. Vous nous avez proposé une excellente réponse. J'aimerais aller encore plus loin et savoir ce que vous pensez de la façon dont les médecins praticiens supervisent les groupes de patients locaux et les infirmiers, qui sont sans doute ceux qui dispensent les médicaments et les soins et qui sont peut-être les premiers à observer certains comportements inhabituels chez un patient.
Dans quelle mesure est-ce que nous améliorons l'efficacité pour que ces équipes reconnaissent qu'il s'agit probablement d'un événement indésirable qu'il faut signaler à l'étape du rapport que vous avez déjà mentionné? Vous n'avez pas à revenir là-dessus, mais est-ce que nous faisons des progrès à cet égard, pour reconnaître les événements indésirables?
Dr Peterson : Il n'est pas facile de répondre à cette question. Vous parlez de l'aspect le plus difficile de cette activité. Le règlement exige que soient déclarés les événements indésirables, graves ou inattendus qui surviennent pendant un essai clinique. Il faut tenter de distinguer entre ce qui chez un patient est une conséquence de la maladie et ce qui constitue un événement indésirable attribuable à la thérapie expérimentale.
Une brochure très détaillée est produite et révisée à l'intention des enquêteurs par Santé Canada, et aussi par les conseils d'éthique de la recherche lorsqu'ils tentent de déterminer la compétence de l'enquêteur local et des institutions locales pour réaliser cet essai en fonction de cet objectif précis : repérer les préoccupations relatives à la sécurité des patients.
Nous travaillons en outre dans un contexte où les essais cliniques sont souvent menés à l'aveugle, pour parvenir à une qualité optimale. L'enquêteur ne connaît pas le traitement, il ne sait pas s'il administre un placebo ou le nouveau traitement expérimental ni si l'essai comporte un volet qui utilise une thérapie établie et efficace. Le patient ignore ce qu'il reçoit. Par conséquent, quand le patient ou l'enquêteur signalent des événements indésirables, ils ne peuvent pas eux-mêmes tirer les conclusions que vous demandez peut-être, et nous ne pouvons rien déterminer avant cette étape s'il y a un problème. Ces événements sont ensuite déclarés à Santé Canada.
La solution à ce dilemme a souvent été, dans le cas d'essais cliniques qui pourraient entraîner des préjudices importants — et en passant, ces essais ne sont approuvés que si les produits sont très prometteurs au niveau des résultats — consiste à exiger la création de commissions de contrôle de la sécurité des données. Il s'agit de commissions qui sont indépendantes de la compagnie, indépendantes des enquêteurs et indépendantes de l'organisation pour laquelle, à des étapes précises des essais et qui, après le recrutement d'un certain nombre de patients ou au bout d'une certaine période, auront accès aux données recueillies jusqu'à ce moment. Il est arrivé par le passé que ces commissions recommandent l'interruption de l'essai pour des raisons de sécurité et elles continueront de le faire.
Par ailleurs, elles peuvent recommander d'interrompre l'essai parce que les avantages n'en ont pas été bien établis et qu'il n'est plus nécessaire de tenir les patients dans l'ignorance ou de leur administrer des placebos.
La réponse à votre question est complexe. Nous continuerons certainement à déterminer avec quelle rapidité nous pouvons déceler un effet indésirable et établir la nécessité d'une intervention. À ce moment, comme je l'ai dit, ce sont les événements graves et inattendus qui surviennent pendant l'essai qui nous intéressent.
Le président : Merci de cet aperçu très clair de la situation. J'ai une demande de suivi qui s'adresse aux Drs Beaudet et Peterson. Je pense que vous avez dit que vous le feriez, mais pourriez-vous nous fournir le pourcentage réel des essais qui sont parrainés par les IRSC, de ceux qui sont parrainés par les trois Conseils et de tous les autres?
Dr Beaudet : Le public et le privé, essentiellement.
Le président : Exactement. Merci beaucoup.
Le sénateur Eggleton : Nous avons commencé hier à parler des essais cliniques, ce qui se fait ici au Canada, mais aussi en collaboration, sur la scène internationale.
Je crois avoir demandé cela hier, mais je ne sais pas si l'on m'a répondu. Parmi les essais cliniques réalisés au Canada, combien sont uniquement nationaux, pendant les trois phases, et combien sont internationaux, c'est-à-dire réalisés en collaboration avec d'autres pays par exemple? Quelle part de cette activité est internationale?
Dr Beaudet : Pour ce qui est des essais de médicaments, la majorité sont de grands essais internationaux, en particulier à la phase III, certainement.
Dans le cas de certaines pratiques, par exemple, il peut s'agir d'essais plus modestes, d'envergure nationale. Quant à la phase III des grands essais de médicaments, je crois que la majorité sont d'envergure internationale. Est-ce exact?
Dr Peterson : Oui, c'est vrai. De fait, quand nous parlons de grands essais, même si vous avez dit précédemment dans la discussion sur la génomique que les essais pouvaient être de taille plus modeste, dans le cas de nombreux nouveaux produits, l'avantage différentiel relativement aux thérapies établies peut aujourd'hui être très faible. Par conséquent, les essais cliniques doivent être de grande envergure et porter sur 15 000 ou 18 000 patients, contre 2 000 qui suffiraient pour un grand essai clinique traditionnel. Pour recruter autant de patients, il faut aller à l'international.
Quand nous parlons d'international, nous parlons pour certains médicaments de 50 ou 60 pays et de centaines de lieux où les essais sont menés. Par exemple, dans le cadre d'un essai clinique qui compte 18 000 patients recrutés, il peut y en avoir seulement 1 000 ou 2 000 au Canada.
Le sénateur Eggleton : Est-ce que les protocoles sont assez couramment utilisés dans le monde? Comment pouvons- nous être certains de respecter nos normes ici lorsqu'une partie de l'information vient d'ailleurs?
Dr Peterson : Le protocole est identique. Il doit être identique en ce sens. Il peut y avoir des écarts au niveau local, selon les considérations d'éthique de la recherche, mais le protocole lui-même est dans une large mesure identique.
Dr Beaudet : Je précise que certains de ces très grands essais internationaux sont dirigés par des Canadiens. Notre pays a une excellente réputation et un savoir-faire reconnu pour la direction de ces grands essais.
Le sénateur Eggleton : J'ai deux ou trois autres questions.
Le président : À ce sujet, vous décrivez un grand essai qui vise certains résultats et, comme on nous l'a expliqué hier, les compagnies peuvent rechercher des indications légèrement différentes selon les pays et alors la base d'essai clinique ne serait pas nécessairement identique. Êtes-vous d'accord? Nous voulons savoir si nous traitons d'une situation où la planification est toujours constante.
Dr Beaudet : Tout à fait.
Le sénateur Eggleton : Des collègues ont soulevé la question de l'enregistrement des essais cliniques et de la transparence. Nous avons parlé de l'énoncé de politique des trois Conseils. Si je comprends bien, d'après vos réponses, ici nous nous contentons d'encourager certaines choses alors qu'en Europe ou aux États-Unis, il faut les faire; c'est une exigence.
D'après vous, est-ce que nous ne devrions pas nous aligner, ou pensez-vous que ce système donne quand même des résultats suffisants?
Dr Beaudet : Les IRSC ne sont pas un organisme de réglementation, et je parle pour les IRSC. Je peux vous dire que les IRSC ne financeraient pas un essai qui ne respecte pas ces principes.
Le sénateur Eggleton : Et que se passe-t-il lorsqu'ils ne sont pas parrainés par les IRSC?
Mme Sabourin : Nous avons étudié cette question il y a deux ou trois ans. Premièrement, il y a de nombreux sites web où les essais cliniques peuvent être enregistrés. L'une de nos préoccupations, quand nous avons consulté ces sites, c'est que nous ne voulions pas accroître la confusion en ajoutant encore un site web où les Canadiens devraient s'inscrire.
Nous continuons d'envisager les options et de chercher des façons d'améliorer la transparence tout en essayant de ne pas alourdir le fardeau réglementaire du groupe.
J'ai également dit précédemment, en réponse à une question, qu'effectivement, comme vous l'avez dit, nous encourageons les promoteurs à enregistrer leurs essais sur ce site web. Après vérification, je peux vous affirmer qu'un grand nombre le font.
Dr Beaudet : Il faut comprendre aussi que tous les centres universitaires des sciences de la santé qui reçoivent des fonds des IRSC respectent l'énoncé de politique des trois Conseils, d'où son importance.
Il faut reconnaître que les essais financés par le privé sont réalisés dans des lieux qui respectent déjà ces règles éthiques.
Le sénateur Eggleton : J'espère que cela satisfait à vos exigences. Je lisais récemment quelque chose au sujet du rapport annuel 2010 du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. On disait que les demandes de recherche appliquée des compagnies pharmaceutiques, c'est-à-dire les Rx&D, y compris toutes les phases des essais précliniques et cliniques, accusaient un recul de 10 p. 100 relativement à 2009. Pouvez-vous expliquer cela? Est-ce que les IRSC ont pris en charge certaines des activités que ces compagnies ne mènent plus?
Dr Beaudet : Comme je l'ai dit dans mon introduction, c'est notamment parce qu'elles vont dans des pays où les patients sont plus nombreux, où le recrutement est plus rapide et les coûts moindres qu'au Canada. Je pense que nous devons améliorer notre efficacité et les attirer dans des créneaux où elles choisiront la qualité. Je ne pense pas que nous puissions faire concurrence à l'Inde pour ce qui est des coûts.
Dr Peterson : Je veux ajouter que les essais dont nous parlions, ceux dont la phase II et parfois la phase III sont réalisés à l'étranger, nécessitent un recrutement rapide de patients, souvent de patients peu au courant des traitements, et cela peut se faire dans ces pays.
L'accès au marché, la commercialisation du médicament et l'obligation de détenir une licence de Santé Canada sont des facteurs qui, par le passé, ont limité l'accès des patients et des fournisseurs de soins aux médicaments. Aujourd'hui, le coût des nouveaux médicaments est si élevé qu'un particulier peut rarement l'assumer seul.
Donc, outre l'approbation du médicament en vue de sa mise en marché, il faut prendre de nombreuses décisions, et ce sont les questions auxquelles j'ai fait allusion précédemment.
Par exemple, est-ce que ce médicament donne des résultats aussi bons ou meilleurs que celui qui est actuellement sur le marché et est-il moins coûteux? Le Canada examine ces questions qui se posent après l'autorisation de mise en marché pour que dans l'ensemble de notre système de santé nous prenions les bonnes décisions. C'est ce que mentionnait le Dr Beaudet en parlant des études qui contribuent à prouver la valeur. Comment peut-on comparer les résultats de ce médicament à ceux d'un autre? Est-ce qu'une province devrait assumer les coûts de cette activité? Y a-t-il une sous-population qui, apparemment, en profiterait plus rentablement? Nous examinons une foule de questions, et c'est là, compte tenu du grand nombre de lieux de recherche universitaires et privés au Canada, que nous pouvons rattraper le retard que nous avons commencé à voir face aux lieux d'essai à l'étranger, pour que la recherche revienne ici parce que les résultats obtenus dans le système de santé canadien sont considérés, dans le monde entier, comme représentatifs de ce qui se passera dans d'autres systèmes de santé.
Mme Sabourin : Quant aux statistiques sur les demandes d'essai clinique que nous avons reçues depuis cinq ans, nous avons constaté une certaine baisse du côté pharmaceutique. En 2011, nous avons reçu 537 demandes, contre 656 en 2007. Il y a donc un certain ralentissement. Toutefois, comme je l'ai dit hier, nous avons aussi assisté à une augmentation pour les produits biologiques. Alors quand vous examinez l'ensemble de l'industrie pharmaceutique, les produits chimiques et les produits biologiques qui sont proposés à Santé Canada, nous ne constatons pas de réduction du nombre des demandes.
Comme le mentionnait M. Glover, toutefois, le sens des statistiques et les montants consacrés à la recherche au Canada sont fonction du rapport que vous examinez. Du côté des coûts, toutefois, nous avons vu par le passé une certaine corrélation. Je ne pense pas vouloir citer de statistiques à ce sujet, mais nous avons constaté une convergence entre les essais et la situation économique au pays. En cas de ralentissement de l'économie en général, il y a un ralentissement des essais cliniques également.
Le sénateur Seidman : Je veux parler du consentement éclairé. Nous savons que le règlement exige du promoteur qu'il obtienne par écrit le consentement éclairé de tous les participants à l'essai. En principe, cette question relèverait des provinces. Y a-t-il une certaine normalisation entre les provinces? Est-ce que les provinces gèrent tout cela de la même façon ou y a-t-il des problèmes en ce qui concerne l'autorisation des essais cliniques?
Dr Beaudet : C'est à cela que nous faisions allusion précédemment, quand nous avons parlé de normalisation et d'établissement de normes. Nous espérons effectivement que l'établissement de ces normes au pays nous permettra un jour d'accréditer les divers comités d'examen éthique pour ne plus devoir en utiliser un si grand nombre. Comme chaque comité appliquera exactement les mêmes normes, vous pourrez accepter l'évaluation d'un autre comité. Cela serait difficile actuellement, en raison de l'absence de normes reconnues par tous les comités d'éthique dans toutes les provinces.
Dr Stewart : Quant au formulaire de consentement éclairé, les comités d'éthique ont le dernier mot sur ce qui convient, mais conformément à l'exigence du titre 5, l'énoncé de risque qui figure dans le formulaire de consentement est présenté à l'organisme de réglementation, et nous l'évaluons. Nous vérifions si les risques liés à la participation à l'étude sont fidèlement reflétés, en fonction de l'information sur le protocole qui est fournie dans la brochure de l'enquêteur. Si nous croyons que l'énoncé ne reflète pas exactement et en des termes adaptés aux participants ce que nous considérons comme les risques connexes, nous le mentionnons au promoteur.
L'approbation définitive relève du comité d'éthique, qui détermine si le document est éthique et reflète exactement les risques et les responsabilités pour le promoteur et le participant.
J'ajouterai pour terminer que la bonne pratique clinique contient une importante section consacrée au consentement éclairé et qu'elle le définit. Si nous allions inspecter un lieu d'essai clinique, nous évaluerions la bonne pratique clinique, qui comprend le consentement éclairé.
Mme Sabourin : Le rapport qui présente les résultats cumulatifs des inspections réalisées en fonction des bonnes pratiques cliniques comprend une section similaire, brève, sur le consentement éclairé et certaines des constatations qui ont été tirées dans tout le Canada à la suite de ces inspections.
Le sénateur Seidman : Je vais continuer de parler d'inspection. Nous avons abordé la question hier aussi. Pourriez- vous m'en dire un peu plus sur ce que comprend l'inspection? Je crois que vous avez dit hier que la norme était d'environ 1 p. 100 des essais. Je crois que vous avez dit que c'était une norme internationale. Pourriez-vous me préciser sur quoi porte une inspection?
Mme Sabourin : Je vais laisser le Dr Stewart vous répondre. Je veux toutefois préciser que selon moi, la norme internationale est d'environ 2 p. 100 pour les lieux d'essai inspectés annuellement, et c'est ce que nous essayons d'atteindre.
Dr Stewart : C'est la responsabilité de l'inspecteur, qui relève de la Direction des produits de santé et des aliments. Cette Direction a une unité de conformité aux bonnes pratiques cliniques dont le mandat consiste à évaluer les lieux d'essais cliniques et à déterminer s'ils respectent les exigences des bonnes pratiques cliniques. Elle compte un certain nombre d'inspecteurs régionaux qui visitent les lieux et évaluent les divers aspects de la recherche clinique, notamment la documentation, le formulaire de consentement approprié, le fait que les procédures définies dans le protocole sont adéquatement suivies, que l'étiquetage et le contrôle du médicament expérimental est bien fait, l'existence de préoccupations concernant la documentation de l'essai et s'il y a eu des événements indésirables, et dans l'affirmative si cet événement indésirable a été dûment signalé.
Les inspecteurs examinent toute l'activité pour déterminer si le lieu respecte le concept et la description du protocole, s'il se conforme aux exigences obligatoires des bonnes pratiques cliniques et s'il y a des incohérences mineures ou des préoccupations majeures. Ils visitent souvent plus d'une fois l'installation, selon la nature de leurs préoccupations, et ils discutent de leurs constatations de façon centralisée pour déterminer la suite à donner.
Le sénateur Seidman : Est-ce que les résultats des inspections sont rendus publics?
Mme Sabourin : Santé Canada a récemment publié un sommaire cumulatif des résultats de ces inspections indiquant le type d'observations qui ont été faites et le type de résultats observés. Toutefois, les résultats des inspections individuelles ne sont pas publiés à l'heure actuelle.
Le sénateur Seidman : Quels sont les résultats possibles de ces inspections?
Mme Sabourin : L'inspection établit la conformité aux bonnes pratiques cliniques ou la non-conformité à ces exigences.
Le sénateur Seidman : Il n'y en a que deux?
Mme Sabourin : En outre, normalement les observations sont présentées au directeur du lieu d'essai, pour qu'il puisse prendre les mesures correctives qui s'imposent, même si le lieu est jugé conforme.
Le sénateur Seidman : Nous avons aussi parlé hier des difficultés liées à l'obtention du genre de résultats que nous souhaitons pour les femmes et les enfants dans les essais cliniques. Souvent, ces patients ne sont pas inclus dans les essais, c'est un problème constant, une préoccupation concernant l'utilisation des médicaments et les réactions indésirables. Pourriez-vous nous en parler un peu, s'il vous plaît, et me dire si nous réalisons des progrès à cet égard?
Dr Peterson : Je suis heureux de pouvoir dire qu'il se fait beaucoup de travail dans ce domaine aux IRSC. Vous le savez, nous avons des instituts qui s'intéressent plus particulièrement aux enfants et au développement de l'enfant. Nous avons beaucoup travaillé dans le domaine pharmaceutique avec eux et nous leur avons octroyé un certain nombre de subventions depuis deux ou trois ans, particulièrement après l'instauration du Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments, pour nous concentrer sur les populations spéciales. Nous avons intégré ces populations, celles dont vous avez parlé, mais également les aînés et les Autochtones, que l'on a rarement l'occasion de trouver en nombre suffisant dans un contexte d'essais cliniques. Nous avons encore des difficultés, évidemment, lorsqu'un tout nouveau produit est commercialisé et que nous voulons en évaluer les avantages et les inconvénients pour tenter de limiter l'exposition des enfants. Nous devons recueillir de l'information d'abord chez les populations adultes.
Dr Stewart : Santé Canada est conscient de cet important problème qui doit être réglé. Nous en discutons certainement sur la scène internationale. En 2007, la Direction de la politique stratégique a organisé une conférence intitulée Context Matters : Gender, Diversity and Clinical Trials. Divers intervenants des secteurs public et privé se sont penchés sur les défis liés à la stimulation et à la facilitation de la recherche chez les sous-populations, par exemple les femmes.
À partir de là, Santé Canada a révisé son document d'orientation sur l'inclusion des femmes dans les essais cliniques. Le 9 janvier, Santé Canada a affiché l'ébauche de ce document sur son site web. Il sollicite les commentaires des intervenants externes. Ce document est beaucoup plus détaillé et de portée beaucoup plus vaste que celui qui est en vigueur actuellement, qui remonte à 1997.
Nous essayons de progresser dans ce dossier important et d'encourager les promoteurs. Si l'on projette d'utiliser le médicament dans une sous-population, par exemple pour les femmes, alors cette sous-population doit être adéquatement représentée dans les essais cliniques.
Mme Sabourin : On dit de ces initiatives qu'elles portent sur l'inclusion des enfants et d'autres sous-populations dans les essais cliniques. À l'étape de l'approbation du médicament, il importe également que de l'information soit disponible sur l'utilisation du produit dans cette population. Mme Barton pourrait peut-être compléter mes commentaires, ici, mais lorsqu'une utilisation est autorisée, par exemple pour la population pédiatrique, nous tenons à ce que les données d'essai appuient la fourchette d'âge proposée par le promoteur, et nous l'ajustons souvent.
Kimby Barton, directrice, Bureau de cardiologie, allergologie et des sciences neurologiques, Direction des produits thérapeutiques (DPT), Santé Canada : Au moment de l'approbation, nous indiquons clairement dans la monographie du produit quelles populations ont été étudiées dans le cadre des essais cliniques et lesquelles ne l'ont pas été.
Immédiatement au-dessous, vous avez une section intitulée « Gériatrie » et une section intitulée « Pédiatrie », qui indiquent avec précision l'information que nous avons au sujet de ces sous-populations.
À l'étape de la post-commercialisation, nous prenons les plans de gestion du risque qui sont présentés au moment de l'approbation. Souvent, ces plans de gestion du risque prévoient la collecte d'autres renseignements au sujet de ces sous- populations précises, pour que les promoteurs puissent signaler en continu aux autorités de réglementation toute question de sécurité particulière qui ferait surface.
Le sénateur Callbeck : Mais il y a trois phases dans les essais cliniques?
Dr Beaudet : Non, quatre.
Le sénateur Callbeck : Annuellement, environ combien de médicaments entament la première phase et combien terminent la quatrième?
Dr Stewart : Je peux vous fournir des statistiques générales là-dessus. Nous recevons environ 2 000 demandes d'essais cliniques par année, aux fins d'examen. Certaines portent sur des études de bioéquivalence, d'autres sur des études des phases I, II et III pour la mise au point d'un médicament en fonction d'un objectif précis, et certaines visent des modifications de protocole déjà approuvé. Actuellement, pour les essais cliniques de médicaments, 20 p. 100 des demandes portent sur la phase I, 37 p. 100, sur la phase II, et 43 p. 100, sur la phase III. La majorité des demandes des phases II et III se rapportent à des essais internationaux. Selon moi, 80 p. 100 de ces études menées non seulement au Canada, mais dans de nombreuses compétences étrangères.
Le sénateur Callbeck : J'essaie de savoir combien de nouveaux médicaments sont mis en marché chaque année.
Le président : Je crois qu'essentiellement la question du sénateur Callbeck vise de nouveaux médicaments qui entrent dans le système d'essai et ceux qui en ressortent avec une approbation.
Dr Stewart : Je pense que les Rx&D sont sans doute mieux en mesure de vous répondre. Je crois que le taux d'échec est assez élevé. L'initiative de la médecine personnalisée cherche à réduire ce taux, pour repérer les produits qui offrent de solides promesses dès le début et écarter ceux qui sont peu prometteurs.
Mme Sabourin : Je peux vous communiquer quelques statistiques. En 2011, nous avons approuvé 65 présentations de drogues nouvelles. Notre moyenne, ces cinq dernières années, était d'une quarantaine de présentations par année. Ces chiffres ne comprennent pas les produits biologiques, qui sont suivis séparément. Nous pouvons certainement fournir au comité des statistiques sur les approbations de drogues nouvelles et une ventilation pour les nouvelles substances actives, la première utilisation, et cetera.
Dr Peterson : Selon un certain nombre de publications internationales, un produit sur 11 qui font l'objet d'études cliniques est commercialisé, et nous pouvons vous indiquer ces publications. Toutefois, le taux d'échec est très élevé dans les études de phase II. C'est à ce moment qu'on se penche sur le malade et qu'on se demande quel avantage il en tirera et quel est le risque possible. Le taux d'échec est très élevé à la phase II, ce qui limite la suite.
Le sénateur Callbeck : Le passage des phases II à III est-il déterminé par le promoteur et par Santé Canada? Qui décide si l'on passe à la phase suivante?
Mme Sabourin : Le promoteur prend généralement une décision au sujet de la suite à donner aux travaux de mise au point de la molécule ou du médicament visé, et il présente une demande d'essai clinique pour cette phase, accompagnée d'un protocole qu'il juge approprié. Nous déterminons ensuite si nous acceptons la demande du promoteur ou si nous voulons d'abord un supplément d'information.
Le président : J'aimerais poursuivre la discussion dans un domaine au sujet duquel vous nous avez fourni d'excellents renseignements : la spécialisation. Nous avons parlé de médecine personnalisée et des récents efforts visant à intégrer la génétique. L'exemple du cancer est excellent, et j'y reviendrai à la fin.
J'aimerais connaître l'opinion des IRSC à ce sujet. Selon certains rapports, jusqu'à 50 p. 100 des patients qui participent à un essai clinique et près de 80 p. 100 des médecins qui supervisent ces essais savent très rapidement quels patients reçoivent un placebo. Cela s'explique principalement, comme je l'ai dit hier, du fait que presque tous les nouveaux médicaments produisent une réaction quelconque, ne serait-ce qu'une vague impression de chaleur, sinon quelque chose de plus grave. Les patients croient que s'il n'y a pas de réaction à un médicament, ils ne reçoivent pas le médicament, ils reçoivent le placebo.
S'il faut se fier à ces observations, cela nous ramène à la phase de l'essai clinique et à la question de l'efficacité de l'essai pour déterminer si une nouvelle substance est vraiment utile. Cela peut aussi influer sur les décisions relatives à la présence d'effets indésirables, en particulier si la personne se trompe.
J'aimerais parler des essais cliniques qui visent un médicament entièrement nouveau plutôt qu'un médicament existant. Évidemment, c'est une question éthique sérieuse que d'interrompe la thérapie d'un patient pour lui administrer un nouveau médicament. Qu'en pensez-vous?
Dr Peterson : Vous parlez d'essais contrôlés par placebo. L'utilité d'un essai contrôlé par placebo est qu'il permet de déterminer la supériorité. Il est mené à l'aveugle. Personne ne connaît la thérapie. L'analyse statistique de l'essai montre que cet essai est réussi si la thérapie expérimentale est supérieure, suivant des mesures prédéterminées, à la thérapie connue.
Il s'avère que les essais de supériorité les plus faciles à concevoir sont ceux qui utilisent un placebo, mais je m'empresse d'ajouter que l'utilisation d'un placebo aujourd'hui, compte tenu d'un certain nombre de considérations éthiques et autres, est rarement synonyme d'absence de traitement. Pour étudier un nouveau traitement, nous pouvons soit l'ajouter au traitement standard soit le substituer à un des éléments du traitement standard.
Dans ces cas, en passant, je signale que si le traitement standard est interrompu, les essais sont généralement de durée très limitée et ils sont souvent évalués en continu pour déterminer si une quantité suffisante d'information a été recueillie, afin de ne pas devoir soumettre plus de nouveaux patients que nécessaire à ce médicament. Tous ces facteurs entrent en jeu dans la conception de l'essai, pour assurer une qualité et une intégrité optimales. La méthode la plus probante pour montrer qu'un médicament a bien l'effet que le fabricant a déclaré, puisque personne n'a jamais essayé ce médicament auparavant, est l'essai de supériorité avec placebo dont j'ai parlé.
Pour tous les décideurs du secteur de la santé, d'ailleurs, le rendement dans l'absolu n'est pas une donnée très utile. Vous voulez plutôt précisément ce dont vous parliez, c'est-à-dire un produit de comparaison actif pour déterminer comment le rendement de ce nouveau médicament se compare à celui d'un médicament déjà commercialisé.
Nous sommes toutefois confrontés à un dilemme. Une compagnie n'est pas tenue de prouver que son médicament est supérieur à un autre. Ford n'a pas à prouver qu'il est meilleur que Toyota avant de mettre une nouvelle automobile sur le marché. Il lui suffit de respecter les normes de sécurité et d'efficacité. Souvent, ces essais comparatifs ne donnent pas de conclusions probantes. Ils peuvent montrer que les résultats obtenus sont identiques ou, suivant l'expression de statistique, « presque aussi bons que », et ce « presque » est un facteur que nous considérons non pertinent sur le plan clinique. À toutes fins utiles, cela est identique. Ce concept d'essai est beaucoup plus difficile, parce que l'intégrité optimale que vous pouvez obtenir est de montrer que votre médicament est meilleur qu'un autre. Quand une étude montre que votre médicament est presque aussi bon, les préoccupations concernent surtout le concept que vous avez défini.
Il existe divers barèmes — dont l'échelle de Jadad, et je vous fournirai des références là-dessus — qui évaluent réellement les critères utilisés dans la conception et l'exécution de l'essai clinique à l'intérieur d'une fourchette de 0 à 5 pour coter le niveau d'excellence de l'essai.
Le président : Je vais donner la parole dans un instant au Dr Stewart, mais uniquement à ce sujet. Évidemment, cela présenterait énormément d'intérêt pour ceux qui élaborent des formulaires et qui approuvent des choses dans le système de santé public, mais ce n'est pas notre sujet aujourd'hui. Ce n'est pas notre thème.
Dr Stewart : J'allais simplement répéter ce que le Dr Peterson a dit. De fait, concrètement, il y a très peu d'essais contrôlés par placebo. La majorité des essais sont des essais réalisés avec un agent de comparaison actif, ou ce que nous appelons des essais avec placebo ajouté. Disons que vous avez mis au point un nouveau traitement contre le cancer et qu'il existe un protocole de soins courant. Les participants aux deux volets de l'essai peuvent recevoir les soins courants, mais un groupe reçoit en plus le nouveau médicament ou le produit de recherche, et l'autre, un placebo. Les participants ignorent s'ils reçoivent le nouveau médicament ou le placebo. Cela s'appelle une étude avec placebo ajouté, et cette méthode est parfois utilisée.
Toutefois, le fait est que nombre de maladies ont un traitement standard dont l'efficacité a été démontrée dans le cadre d'essais adéquatement conçus et qui a un profil risques/avantages acceptable. Si vous commercialisez un nouveau médicament dans ce domaine, il n'est généralement pas considéré comme éthique de procéder à un essai contrôlé par placebo si, par exemple, un diabétique ne reçoit aucun autre traitement que votre médicament. Vous devez le comparer à un agent actif ou l'ajouter à un agent de comparaison actif. Ce sont les concepts les plus couramment utilisés pour la mise au point de médicaments.
Le président : Peut-on conclure que cette tendance est de plus en plus marquée?
Dr Stewart : Je crois que cela est assez constant. Sur la scène internationale, on discute beaucoup des essais contrôlés par placebo. Nous avons vu certaines situations particulières où un traitement actif n'a pas nécessairement l'effet prévu, par exemple dans le cas d'une infection d'oreille mineure, et certains organismes de réglementation peuvent alors exiger des essais contrôlés par placebo, mais en règle générale, oui, c'est une norme internationale.
Le président : Merci. Je voudrais maintenant passer à la médecine personnalisée, et d'un point de vue particulier.
Depuis quelque temps, depuis une dizaine d'années ou un peu plus, nous constatons qu'un analgésique qui aurait pu être très utile provoque des réactions indésirables importantes dans un sous-ensemble de population, et pas seulement dans un sous-ensemble de population, mais dans un sous-ensemble précis de cette population. La réaction affectait des patients cardiaques qui avaient des résultats cliniques sérieux. Même si en l'occurrence l'effet indésirable touche un sous-ensemble de sous-ensemble de population, le nombre de patients affectés dans ce sous-ensemble est suffisamment important, en raison de la nature de la maladie.
On imagine bien que si nous avions été en mesure de filtrer certains indicateurs dans ce sous-ensemble de la population et de les appliquer avant de prescrire le médicament approuvé — le médicament était approuvé et largement commercialisé... De fait, il y en avait plus d'un dans cette catégorie. Pensez-vous qu'un jour nous serons capables de dégager ces identificateurs plus tôt pendant les expériences sur un médicament approuvé, de sorte qu'un médicament — et il semble que cette classe particulière de médicament pourrait offrir d'énormes avantages pour calmer la douleur chez un pourcentage considérable de la population normale, mais évidemment les résultats indésirables qui sont survenus ont considérablement nui à son utilisation.
C'est un exemple évident de cas, si nous pouvions détecter cela rapidement — et peut-être que cela peut se faire à la phase de l'essai clinique, si certaines observations étaient plus clairement définies —, mais allons-nous, selon vous, arriver à un point où un tel produit, une entité chimique, pourrait être mieux identifiée en termes d'effets indésirables importants pour que nous puissions l'utiliser pour ce pourcentage beaucoup plus important de la population qui peut vraiment en profiter?
Docteur Beaudet, que dites-vous de cela?
Dr Beaudet : Vous nous demandez si, dans l'hypothèse où nous aurions été en mesure d'identifier les patients qui le supportaient mal, nous aurions pu continuer d'utiliser le Vioxx parce que nous savons que pour certaines personnes c'est le seul anti-inflammatoire qui ait un effet. C'est bien votre question?
Le président : Oui.
Dr Beaudet : On espère évidemment que la médecine personnalisée nous permettra de séparer et de stratifier les patients de telle sorte que nous pourrons effectivement déterminer à l'avance les effets secondaires possibles et exclure la population à risque.
Dr Peterson : Et j'ajouterais une distinction très importante en pharmacogénomique; nous pouvons identifier les patients qui réagiront et profiteront d'un produit selon leur constitution génétique. Nous pouvons aussi identifier les personnes qui pourraient en souffrir, pour les mêmes raisons.
Il est toutefois difficile de considérer cela dans les phases initiales des essais cliniques, et pour les raisons suivantes : si un produit ne profite pas à la majorité des patients dans l'essai clinique, il échoue; son développement est interrompu. Si un produit nuit à un nombre considérable de patients lors de l'essai clinique, tout s'arrête.
Nous traitons les patients avec des médicaments qui doivent produire des effets positifs au taux de 1 sur 5 — un patient sur cinq profite du traitement — et nous n'hésitons alors pas à l'inscrire à la liste de paiement pour cette raison, par exemple. Si vous devez traiter 100 patients pour obtenir un résultat de santé, des questions se posent. Toutefois, ce sont principalement des avantages qui s'accumulent pour un certain nombre de patients au sein d'une population. Une question de sécurité qui affecte une personne sur 10 000 peut effectivement justifier d'écarter un médicament qui aurait pu être utilisé judicieusement dans l'ensemble du système de santé, à condition de disposer d'un test diagnostique qui nous permettrait de déterminer qui, parmi ce groupe de 10 000 personnes, serait affecté. Vous parlez de quelque chose que nous aimerions bien arriver à faire.
Mme Barton : Le Dr Peterson a abordé un aspect que j'allais soulever. Certes, cette approche présente des avantages, mais elle a aussi des limites puisque souvent il faut valider une trousse diagnostique pour être certains que l'on cible la bonne population de patients.
Souvent, il faut aussi se demander ce qui se passe une fois que le produit est commercialisé. Dans bien des cas touchant l'innocuité d'un médicament, le problème était lié à une utilisation hors homologation, nous avons même parfois signalé que cette utilisation pouvait soulever des problèmes, et c'est parfois une question de pratique de la médecine. Au bout du compte, quand un produit est retiré du marché, c'est parce qu'il a été établi que le risque ne pouvait pas être atténué. Dans certains cas, même si nous savons qu'il ne faut pas l'utiliser dans une population donnée de patients, nous ne pouvons pas contrôler la façon dont le produit est utilisé. Cela devrait s'appliquer, selon moi, à la médecine personnalisée. Il y aura toujours cette possibilité d'utilisation hors homologation.
Le président : Comme l'a dit le Dr Beaudet, espérons que nous pourrons en arriver à un point où il sera possible de déterminer cela, parce que nous avons dans ce cas de nombreuses personnes qui tireraient d'énormes avantages d'un tel médicament. Nous avons vu, par exemple, des médicaments comme la thalidomide, qui ont eu des résultats terribles dans un domaine, mais qui sont le seul traitement existant pour d'autres troubles, et on l'utilise maintenant dans un domaine très important.
J'aimerais approfondir cette question et revenir à votre exemple de traitement contre le cancer. Je crois qu'il s'agit d'une percée remarquable, et j'espère que la mise au point progressera rapidement et que des médicaments terriblement coûteux ayant des effets terriblement négatifs sur les patients qui doivent les prendre même si la cure est souvent pire que le traitement lui-même, pour pouvoir cibler plus précisément les patients qui peuvent vraiment en profiter. Je crois que cela s'en vient — évidemment, dans le cas du cancer —, bien après l'approbation et bien après les essais cliniques, en tout cas.
Docteur Beaudet, je me demande s'il y a dans ma question quelque chose qui nous ramènerait aux essais cliniques, ou faut-il encore attendre que cela émerge à l'étape post-approbation?
Dr Beaudet : J'ajouterai simplement qu'en fait, vous abordez une question importante pour la médecine personnalisée. La médecine personnalisée ne se limite pas nécessairement à la seule génétique, et certainement pas à la pharmacogénomique, elle englobe aussi la protéomique et la mise au point de biomarqueurs. Il faut, comme vous l'avez dit, avoir également au moment de l'approbation du médicament un test diagnostique qui vous dira si vous avez une cible ou pas, autrement dit si le patient a des chances de répondre ou non, parce que si la cible n'est pas exprimée, c'est inutile; le médicament sera sans effet.
Docteur Peterson, voulez-vous ajouter quelque chose?
Dr Peterson : Non, sauf que nous sommes sur le point de pouvoir effectuer ce genre d'évaluations. Pendant longtemps, les essais cliniques nécessitaient une phase d'enrichissement avant le début des essais proprement dits. Vous pouvez prendre 1 000 patients, leur administrer le produit pendant une brève période et leur poser la question : avez- vous réagi à ce produit? Vous choisissez dans cette population uniquement ceux qui ont réagi; et ce sont eux, cette population enrichie, qui participeront à l'essai clinique, pour déterminer le profil avantages/inconvénients.
Cette façon de procéder est très efficace pour répondre rapidement à certaines questions. Par contre, cela ne vous dit pas comment repérer dans la population générale, après l'essai clinique, les patients qui répondront au traitement. C'est ce qui nous intéresse, nous voulons déterminer pourquoi, dans l'étude d'enrichissement, ces patients ont réagi alors que les autres n'ont pas réagi. Le but ultime serait le test diagnostique que Santé Canada mentionnait, qui vous permettrait de l'établir très tôt; et ici aussi, des tests pour évaluer l'innocuité et les avantages.
Mme Barton : Je veux mentionner que nous avons reçu des compagnies de recherche pharmaceutique du Canada de l'information qui indique que ce secteur de recherche revêt pour elles beaucoup d'importance et qu'un certain nombre d'entre elles élaborent actuellement des traitements accompagnés de trousses de diagnostic pour repérer ces gènes. De fait, récemment, nous avons approuvé un traitement contre le cancer et le test diagnostique connexe qui visaient une population précise, une sous-population génétique. Cela ne se fait pas uniquement à la phase post-commercialisation de produits approuvés, cela se fait aussi avant l'approbation.
Le président : Sénateur Seth, vous aviez une question?
Le sénateur Seth : Merci, monsieur le président. C'est une toute petite question qui me hante.
Comme nous ne faisons pas d'essais cliniques sur les femmes enceintes, mais que nous leur prescrivons certains médicaments, évidemment, comment prenons-nous ces décisions? Comment déterminons-nous qu'un médicament est sûr? Nous en discutons, mais nous n'avons pas d'essai clinique pour elles.
Le président : Sans commencer à discuter du processus post-approbation.
Dr Stewart : Il est souvent question de l'incitation à la recherche relativement à cette sous-population. Nous avons évidemment de nombreuses préoccupations en matière d'innocuité, d'éthique, et cetera. Nous considérons qu'il est très important de tenir des essais cliniques pour les réactions indésirables à des produits administrés à des patientes dont nous ignorions qu'elles étaient enceintes et qui, à la fin de l'essai, s'avèrent l'être. Cette information est précieuse, parce que maintenant nous avons une personne qui a été exposée pendant la grossesse et nous pouvons suivre l'effet de cette exposition du fœtus. Nous leur demandons souvent de le suivre pendant des années, pour voir comment l'enfant se développe et si le médicament a eu des effets.
Je pense qu'il nous faut déployer des efforts à divers niveaux pour trouver comment effectuer des recherches avec les femmes enceintes. Il y a bien des préoccupations en termes d'innocuité, d'éthique, de responsabilité légale, mais c'est une information précieuse. Par exemple, les antidépresseurs sont souvent prescrits à des femmes enceintes, et nous ne sommes pas certains de leur innocuité.
Le président : Je remercie mes collègues de leurs questions et, en leur nom, je tiens à vous remercier tous de la clarté et de la pertinence de l'information que vous nous avez fournie dans vos déclarations préliminaires et vos réponses. Cela nous sera extraordinairement utile.
Je vous rappelle aussi que si vous songez ultérieurement à quelque chose qui se rapporte aux questions que nous avons posées aujourd'hui et qui pourrait nous intéresser, en particulier s'il s'agit d'exemples précis ou de documents sur certains aspects, je vous invite, au nom du comité, à nous en faire part.
Sur ce, je déclare que la séance est levée.
(La séance est levée.)