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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 14 - Témoignages du 25 avril 2012


OTTAWA, le mercredi 25 avril 2012

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 14, pour faire une étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada. (sujet : Essais cliniques)

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je suis Kelvin Ogilvie, sénateur de la Nouvelle-Écosse. Je vais demander à mes collègues de se présenter en commençant par le sénateur Eggleton, vice-président du comité.

Le sénateur Eggleton : Bonjour, je suis le sénateur Art Eggleton, de Toronto.

Le sénateur Merchant : Je suis le sénateur Pana Merchant, de Regina, en Saskatchewan.

Le sénateur Callbeck : Je suis le sénateur Catherine Callbeck, de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Dyck : Je suis le sénateur Lillian Dyck, de la Saskatchewan.

Le président : Sénateur Demers, puis-je vous demander de vous présenter?

Le sénateur Demers : Je suis le sénateur Demers, du Québec. Excusez-moi, nous venons tout juste de quitter la salle du Sénat.

Le sénateur Martin : Je suis le sénateur Yonah Martin, de Vancouver, en Colombie-Britannique. Soyez les bienvenus.

Le président : Je vous remercie. Nous poursuivons notre étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada. Le sujet qui retient plus particulièrement notre attention est celui des essais cliniques. Quatre exposés vont nous être présentés aujourd'hui. Nous les écouterons selon la séquence prévue à l'ordre du jour. Je présenterai chaque témoin au moment où il prendra la parole.

Nous allons commencer par Peter Brenders, président et chef de la direction de BIOTECanada.

Peter Brenders, président et chef de la direction, BIOTECanada : Je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée de prendre la parole devant vous.

BIOTECanada est une importante organisation qui compte à titre de membres plus de 250 entreprises, établissements de recherche et universités se consacrant au développement commercial durable de la biotechnologie au Canada.

Les essais cliniques constituent, comme vous le savez, les étapes essentielles et finales du développement de technologies de la santé. Au Canada, on compte actuellement 66 entreprises émergentes pour un total de 152 produits au stade des essais cliniques. Beaucoup d'entreprises de biotechnologie parmi nos membres axent leurs efforts sur la recherche et la fabrication de nouveaux médicaments pour les maladies rares ou touchant une assez petite portion de la population. Les besoins médicaux peu satisfaits constituent une des priorités de nos membres. En outre, il est avéré que les produits créés par nos membres sont aussi utiles à l'industrie dans une perspective mondiale.

Le professeur Robert Kneller, de l'Université de Tokyo, a publié dans le numéro d'automne 2010 de la revue Nature Reviews Drug Discovery, une étude portant sur une décennie de création de nouveaux médicaments. Il a relevé que :

Les entreprises de biotechnologie et les universités qui ont établi un partenariat avec celles-ci sont responsables d'un nombre disproportionnellement élevé de découvertes de nouveaux médicaments innovants.

Il souligne que les entreprises de biotechnologie ont pris davantage de risques que les autres en matière d'innovation scientifique, avec 70 p. 100 des produits au stade précoce et 62 p. 100 des médicaments faisant l'objet d'un examen prioritaire.

Il est certain que le développement en matière de biotechnologie est extrêmement risqué. Je vous présenterai, dans quelques instants, des statistiques à ce sujet. Si l'on tient compte de cela, mais aussi du fait qu'il est plus facile de faire des affaires dans un autre domaine, on comprend que le développement de ces produits constitue un défi supplémentaire pour les entreprises. Ne vous y trompez pas : ce sont les entreprises elles-mêmes qui investissent. Le simple fait qu'elles aient des activités de développement témoigne de l'engagement et de la persistance de ces entreprises innovatrices.

Comme vous l'avez maintes fois entendu, les produits qui parviennent au stade des essais cliniques n'obtiennent pas tous l'autorisation de commercialisation. En fait, une étude récente de BIO, notre équivalent états-unien, en partenariat avec BioMedTracker, a porté sur les données de toutes les entreprises pharmaceutiques et biotechnologiques, ouvertes comme fermées. On a passé en revue 4 275 médicaments, soit environ 7 350 indications au stade des essais cliniques, d'octobre 2003 à décembre 2010. On s'est aperçu que le taux de réussite n'est que de 9 p. 100. Cela signifie que sur 100 produits au stade des essais cliniques, seulement 9 sont commercialisés.

Le taux de réussite varie en fonction des phases et des indications. Vous avez en effet sans doute déjà entendu parler des diverses phases du développement d'un essai clinique. En phase 1, 63 p. 100 des produits accèdent à la phase 2, puis seulement 33 p. 100 passent de la phase 2 à la 3. Ensuite, 55 p. 100 passent de la phase 3 au processus réglementaire, et enfin, seulement 80 p. 100 obtiennent une autorisation de commercialisation. Voilà à quoi correspond le taux de 9 p. 100 que j'ai évoqué à l'instant.

Ils ont également constaté des taux de réussite radicalement différents d'une maladie à l'autre. Cela va de 5,6 p. 100 en oncologie à 13,4 p. 100 pour les maladies infectieuses. C'est dire que les essais cliniques et les maladies ne sont pas tous égaux.

On fait souvent état des nombreux hauts et bas dans le développement de produits, mais, au Canada, nous avons la chance de voir réussir de nombreuses entreprises : QLT, Biovail, Anormed, Enobia, Theratechnologies, Aspreva, IDB, Biomedical, Angiotech et Cardiome, pour n'en nommer que quelques-unes parmi celles qui concluent des ententes afin de permettre aux patients de bénéficier de leurs produits. Ce ne sont là que quelques exemples.

Beaucoup d'entreprises et de produits échouent ou traversent des périodes difficiles. Nous préférons nous attarder à ce qui est positif et rappeler aux Canadiens la persévérance de notre industrie, les grandes choses qu'elle a accomplies et tout ce qu'elle peut encore réaliser.

En raison des coûts considérables qu'entraîne le processus complet des essais cliniques, les petites et moyennes entreprises de biotechnologie doivent diversifier leurs sources de financement. Compte tenu de l'insuffisance de capital- risque, il s'agit de créer des partenariats ou de négocier des ententes de licence avec des multinationales pharmaceutiques afin de réunir les fonds nécessaires et obtenir de l'aide en matière de marketing, l'accès à des canaux de distribution et une expertise en matière réglementaire. Ce type de collaboration est aujourd'hui essentiel. Il s'agit de jumeler les différentes expertises que nous possédons au Canada afin de créer de nouveaux médicaments, tout en bénéficiant des capacités scientifiques, de développement et de commercialisation d'une structure plus importante. Si l'on se fie aux récentes réussites, l'année 2012 verra se nouer de nombreuses ententes. L'industrie a passé, au seul premier trimestre, pour plus de 2 milliards de dollars de contrats.

Enobia, de Montréal, et Alexion, une entreprise du Connecticut, ont conclu un accord d'une valeur de plus d'un milliard de dollars. Les deux entreprises ont pour objectif commun de transformer la vie de patients atteints de troubles graves et très rares.

Nous avons pu voir Zymeworks, de Vancouver, conclure avec Merck un accord de 187 millions de dollars, poursuivant leurs efforts en vue de créer de nouveaux traitements en oncologie et pour des troubles immunitaires.

Xenon, à Vancouver, a conclu, avec Genentech, filiale de Roche, une alliance stratégique qui va permettre de consacrer plus de 600 millions de dollars à la découverte de composés et de diagnostics compagnons pour le traitement de la douleur.

Tout récemment, Angiochem, de Montréal, a conclu avec GSK un accord portant sur 300 millions de dollars. Les deux sociétés entendent collaborer au développement et à la commercialisation de traitements pour les maladies lysosomales.

La biotechnologie compte. Nos entreprises du domaine de la santé génèrent au Canada pour plus d'un milliard de dollars d'activités de R-D, contribuant ainsi à aider les Canadiens à accéder à de nouveaux traitements prometteurs. En dépit de l'accroissement mondial des connaissances et de la concurrence dans le secteur de la biotechnologie, les sociétés canadiennes axent leurs efforts sur la croissance et sur l'exécution de stratégies de succès, et ce, malgré un marché de capitaux désastreux et un contexte de fonctionnement difficile.

Je conclurai cette intervention en appelant le Canada à prendre des engagements politiques à long terme en vue de susciter les investissements, de faire croître encore davantage la capacité de recherche-développement et de créer un contexte permettant aux sociétés émergentes et à leurs partenaires mondiaux de faire du Canada leur lieu d'épanouissement.

Le président : Je vais maintenant passer la parole au consortium Hoffmann-La Roche Ltd. — Genentech. J'invite Nita Arora, directrice régionale, Gestion des services affiliés, Amérique du Nord, à prendre la parole.

Nita Arora, directrice régionale, Gestion des services affiliés, Amérique du Nord, Hoffmann-La Roche Ltd. : Monsieur le président, honorables sénateurs, au nom de Hoffmann-La Roche Ltd., qui est, aux États-Unis, également connu sous le nom de Genentech, je suis heureuse d'avoir l'occasion de prendre la parole devant vous.

La société Roche, établie en Suisse, est une des principales sociétés de biotechnologie au monde, un chef de file du domaine de la médecine personnalisée. Je tiens à vous remercier du temps que vous consacrez à l'étude des questions qui influent sur les essais cliniques au Canada. Cette étude vient à point nommé, car le domaine des essais cliniques est en rapide évolution.

En tant que directrice régionale de la recherche clinique en Amérique du Nord, à Hoffmann-La Roche Ltd., je suis particulièrement bien placée pour observer la situation en matière d'essais cliniques. Je fais partie d'un groupe de cinq chefs régionaux qui représentent les intérêts et veillent au développement de notre entreprise dans 65 pays. Les discussions que nous avons au sein de ce groupe et les décisions que nous sommes amenés à prendre me permettent de connaître les points forts et les points faibles des diverses régions du monde en ce domaine.

Au cours des cinq dernières années, nous avons constaté un très grand enthousiasme pour les essais cliniques menés au Brésil, en Russie, en Inde et en Chine, et une véritable tendance se dessine en ce sens. Ces pays, où la population de patients apparaît illimitée et où les coûts de fonctionnement sont inférieurs, semblaient devoir nous permettre de répondre aux besoins croissants en matière de données recueillies dans le cadre d'essais cliniques, tout en permettant aux entreprises pharmaceutiques de maintenir à leur niveau actuel les coûts de recherche, voire les réduire. Or, la situation s'est avérée, dans ces pays, plus complexe que nous ne l'avions prévu. Je précise d'emblée que, contrairement à ce que certains avaient anticipé, les problèmes que nous avons rencontrés n'ont rien à voir avec une qualité insuffisante ou avec des déficiences au niveau de l'éthique.

Où, parmi ces pays, le Canada se situe-t-il de manière générale, en matière d'essais cliniques? Le Canada possède de nombreux atouts et a pu, dans le cadre de nos efforts de recherche, contribuer un nombre important de patients à nos essais cliniques. La main-d'œuvre a un niveau d'instruction élevé, l'environnement de recherche est stable et les chercheurs sont de haut niveau. Ce qui est également important pour les chercheurs, c'est que la population du Canada est très hétérogène et que le niveau des soins de santé y est élevé.

Roche est, de manière générale, satisfaite des essais cliniques qu'elle a menés au Canada. Cela dit, nous avons l'impression qu'au Canada, en matière d'essais cliniques, les milieux de la recherche se sont montrés passablement passifs, ne faisant guère d'efforts pour accroître la participation du Canada à ce genre d'essais. Bien que les institutions canadiennes exigent des sociétés pharmaceutiques des montants de 30 à 45 p. 100 supérieurs à ce que leur coûtent les essais cliniques, elles réinvestissent relativement peu d'argent dans la mise en place de structures ou de processus qui leur permettraient d'être mieux en mesure d'attirer à l'avenir de nouveaux essais cliniques.

Les expérimentateurs canadiens ont beaucoup compté sur la réputation qu'ils ont d'obtenir des données de bonne qualité, et ont fini par s'attendre à ce que leurs réussites passées continuent à faire du Canada un lieu privilégié pour les essais cliniques. Ils ne se sont pas rendu compte de l'ampleur des efforts et des moyens extraordinaires consentis par d'autres pays afin d'obtenir, eux aussi, des données d'excellente qualité, mais à un moindre coût, et dans des délais plus courts.

Le choix du pays où vont se dérouler des essais cliniques dépend de trois facteurs tout simples : les délais, le coût et la qualité.

Le premier critère, et le plus important, est la capacité, pour un pays, d'obtenir des données de qualité, c'est-à-dire à la fois exactes et non biaisées. Le fait que les chercheurs canadiens puissent recueillir uniformément des données de haute qualité est naturellement un point fort dont on peut à juste titre être fier.

Le deuxième facteur servant à déterminer le lieu de réalisation des essais cliniques est le coût de tels essais dans un pays donné. Les phases 2 et 3 des essais cliniques comptent pour l'essentiel des coûts de développement d'un médicament, et de telles considérations sont par conséquent soigneusement étudiées, toutes les mesures possibles étant prises pour assurer l'intégrité des données, tout en réduisant le coût des essais.

Les essais cliniques menés au Canada sont onéreux par rapport à la plupart des autres pays, principalement en raison des coûteuses infrastructures nécessaires pour recruter un petit nombre de patients.

Une des difficultés provient du fait qu'au Canada, les institutions et les médecins évoluent dans des environnements cloisonnés. Ils n'ont donc accès qu'à leurs propres patients et ne peuvent prédire le nombre de patients qu'ils finiront par pouvoir recruter. Si l'on veut avoir accès à un bassin plus large de patients correspondant aux conditions requises pour tel ou tel essai clinique, il faut développer plus largement les réseaux et les procédures d'aiguillage permettant d'orienter les patients vers les essais cliniques correspondants.

Le recours aux technologies permettant de constituer les archives électroniques nécessaires à la création de bases de données provinciales, ou d'une base de données nationale permettant d'identifier les patients susceptibles de bénéficier de tels ou tels essais cliniques, et de les en informer, assurerait au Canada un rôle de chef de file en ce domaine.

Le troisième et dernier facteur servant à choisir le pays où vont se dérouler les essais cliniques est la rapidité. Nous savons que les patients doivent pouvoir bénéficier le plus tôt possible des médicaments novateurs. À cet égard, Roche est bien située pour donner aux patients accès aux traitements nécessaires dans des délais qui n'ont jamais été aussi brefs. Le nouveau traitement de santé personnalisé contre le mélanome métastatique en est un bon exemple. Jamais, dans l'histoire de la société Roche, un médicament n'a été aussi rapidement homologué.

C'est au niveau des délais que le Canada a le plus de chances de conforter ses positions. Nous sommes tout à fait favorables au programme pilote lancé par les Instituts de recherche en santé du Canada en vue d'élaborer un modèle national d'entente d'essai clinique. Cela devrait permettre de réduire le temps qu'il faut pour négocier un essai clinique — actuellement de quatre à six mois. De nombreux autres pays ont déjà recours à une entente nationale, et nous espérons que le Canada fera bientôt de même.

La création d'un comité national de déontologie, à qui il appartiendrait de se prononcer, après étude, sur les projets d'essai clinique, permettrait également d'éliminer les retards et les tracasseries administratives importantes qui sont imposées aux chercheurs. Un tel modèle national a été retenu par la plupart des pays européens, ce qui leur donne une avance de trois à cinq mois pour le lancement des essais.

Je vais conclure en insistant sur l'importance cruciale des essais cliniques dans le processus permettant aux patients d'avoir accès aux médicaments dont ils ont besoin. Le paysage évolue rapidement, et si le Canada ne déploie pas les efforts nécessaires pour créer des conditions favorables aux essais cliniques, il risque de passer à côté des investissements correspondants et de ne plus avoir accès aux médicaments novateurs que les patients attendent.

Le processus de développement mis en place par Roche donne de l'espoir à de nombreux patients. Chaque jour, des patients nous font savoir qu'ils comptent sur nous pour leur procurer les traitements qui les maintiendront en vie. D'autres pays s'attachent actuellement à répondre aux besoins dont j'ai fait état tout à l'heure. La société que je représente espère que le Canada va, sans attendre, prendre les dispositions qui s'imposent. C'est un espoir que partage la chercheuse que je suis.

Russell Williams, président, Rx&D : Comme vous ne l'ignorez sans doute pas, Rx&D est l'association nationale qui représente l'industrie pharmaceutique innovatrice.

[Français]

Nos membres recherchent, découvrent, développent et fabriquent des médicaments et vaccins qui sauvent et changent des vies au bénéfice des Canadiens et des Canadiennes. La liste de nos membres comprend des compagnies pharmaceutiques internationales, mais aussi des entreprises innovatrices canadiennes de biotechnologie en démarrage.

[Traduction]

Les membres de Rx&D forment le plus important secteur d'investissement dans la recherche sur la santé au Canada. Notre industrie réalise la recherche la plus intensive à l'échelle mondiale. Au cours des 20 dernières années, nous avons investi plus de 20 milliards de dollars dans des entreprises de recherche canadiennes. En 2010 seulement, nous avons investi 1,3 milliard de dollars dans des activités de R-D à travers le Canada, et environ 75 p. 100 de cette somme était consacrée aux essais cliniques.

Aujourd'hui, les membres de Rx&D mènent des centaines d'essais cliniques dans plus de 2 000 endroits au pays, avec la participation de plusieurs milliers de cliniciens et de chercheurs offrant directement des soins à des dizaines de milliers de Canadiens. Ces essais cliniques donnent de l'espoir aux Canadiens et rendent de réels services à notre système de soins de santé. Ils permettent aux cliniciens et scientifiques de faire avancer la science par l'apprentissage de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas dans le traitement de la maladie.

[Français]

Ces essais cliniques économisent de précieuses ressources dans le système de santé aujourd'hui, et il en sera de même dans l'avenir.

[Traduction]

En raison des changements démographiques, les maladies chroniques et l'incidence de maladies liées à l'âge deviennent de plus en plus répandues dans la société canadienne. En même temps, les gouvernements fédéral et provinciaux concentrent leurs efforts sur la prévention et le traitement des maladies en recourant à l'éducation et aux campagnes de vaccination. Dans ces campagnes, notre industrie travaille en première ligne de la santé publique de concert avec les gouvernements et les fournisseurs de soins de santé. Ces facteurs, jumelés à la réforme des soins de santé primaires et autres efforts de réforme, ont pour résultat — et continueront d'avoir pour résultat — l'utilisation croissante de thérapies médicamenteuses comme intervention préférée et de première ligne pour que les Canadiens demeurent productifs et en bonne santé.

Contrairement aux inquiétudes de certains décideurs politiques, cette situation devrait être considérée comme une occasion. En effet, avec l'utilisation appropriée des médicaments — fournir au patient le bon médicament, et ce, au bon moment — notre secteur peut contribuer à la viabilité de notre système de santé. L'utilisation efficace des médicaments réduit la nécessité d'un recours à des interventions plus coûteuses, telles que des chirurgies invasives, de longs séjours à l'hôpital et des visites inutiles au service des urgences ou chez le médecin.

Des fonctionnaires de Santé Canada vous ont précédemment donné une description détaillée du processus d'essais cliniques. De même, le Dr Beaudet, des IRSC, a replacé dans un contexte saisissant l'importance des essais cliniques pour le programme canadien dans les domaines de la science et de la santé. Les IRSC ont aussi parlé de la position du Canada pour attirer des essais cliniques dans un environnement international de plus en plus complexe, concurrentiel et difficile, ainsi que vient de nous l'expliquer la représentante de Roche.

[Français]

Comme vous le savez déjà, le modèle d'affaires de notre industrie subit une transformation sans précédent sur le plan international, et le Canada n'est pas immunisé contre ces changements.

[Traduction]

Toutefois, ce qui émerge au Canada, c'est l'occasion de tirer profit de ce modèle d'affaires sans cesse stimulé par l'innovation et les partenariats pour livrer des résultats historiquement, durablement et profondément meilleurs en santé pour les Canadiens. Partout dans le monde, nos membres consolident leurs installations de fabrication et mondialisent leurs chaînes d'approvisionnement. Au milieu de ces changements, notre nouveau modèle d'affaires entraîne dans son sillage un nombre sans précédent de partenariats avec des universités, des hôpitaux et des centres de recherche de premier plan dans le domaine des sciences de la santé.

Cependant, le Canada doit faire des choix de politiques éclairés et les faire rapidement si nous voulons être en mesure d'attirer plus d'essais cliniques entre nos murs. S'il y a un message que je voudrais faire passer aujourd'hui, c'est qu'il y a urgence en la matière et qu'il ne faut pas tarder à agir. Je ne saurais trop insister sur le fait que la concurrence que se livrent les pays développés et les pays en développement est féroce et impitoyable pour attirer une plus grande part des 110 milliards que chaque année notre industrie dépense en R-D, principalement pour les essais cliniques. Comme je le disais tout à l'heure, le Canada reçoit, de cet argent, environ 1,3 milliard de dollars, essentiellement pour les essais cliniques. Si nous souhaitons attirer une plus grande part des montants en cause, il nous faut agir sans tarder.

Lundi dernier, nous avons remis à votre Comité le plan d'action tripartite pour attirer davantage d'essais cliniques. Ce plan a été développé conjointement par Rx&D, les IRSC et l'ACISU, Association canadienne des institutions de santé universitaires. Ce plan, que je vous encourage à lire dans le détail, et auquel je ferai sans doute allusion un peu plus tard, découle du tout premier Sommet sur les essais cliniques tenu ici à Ottawa en septembre. C'est un plan d'action remarquable. Pour le mettre en œuvre, nous avons besoin de l'engagement inébranlable et soutenu des gouvernements, de l'industrie, des universités, des centres de recherche sur la santé et de tous les autres intervenants pertinents.

[Français]

Lorsque l'industrie pharmaceutique cherche à investir, et on peut investir dans n'importe quel pays, elle se base sur les forces relatives de trois secteurs : la capacité scientifique, la stabilité du régime de propriété intellectuelle et un environnement politique qui encourage, récompense et soutient l'innovation.

[Traduction]

À dire vrai, les cliniciens et chercheurs canadiens sont reconnus dans le monde entier pour leur capacité à repousser les frontières du savoir biomédical. De la participation de Sir Frederick Banting à la découverte de l'insuline en 1921 au séquençage du virus du SARS en 2003 en Colombie-Britannique, nos talents sont de classe mondiale. Nous pouvons aussi nous vanter d'avoir des universités et des hôpitaux modernes et concurrentiels à l'échelle internationale, qui ont la capacité de conduire des recherches de pointe grâce aux investissements continus de la part des gouvernements et du secteur privé.

Toutefois, durant la dernière décennie, le nombre d'essais cliniques menés au Canada et le nombre de patients inscrits n'ont cessé de diminuer. Le monde nous dépasse à un rythme soutenu. Une partie de ce déclin est directement attribuable à notre régime de propriété intellectuelle. Nous avons pris du retard par rapport aux autres pays en matière de protection des découvertes et de l'innovation. Pour aider à inverser cette tendance, le Canada doit saisir l'occasion que lui offrent les négociations de l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne. Il y a trois dossiers auxquels nous devrions nous attaquer : la reconnaissance, par simple souci d'équité, d'un droit d'appel efficace pour les innovateurs; le rétablissement de la durée des brevets pour les produits pharmaceutiques; enfin, le renforcement de la protection des données, en portant, comme l'ont fait les Européens, de 8 à 10 ans le délai de protection.

Ce qui nous amène au troisième facteur qui stimule les investissements pharmaceutiques : un environnement politique qui, dit simplement, est pro-innovation. Les éléments de cet environnement doivent inclure : un paradigme d'évaluation de la santé qui comprend et valorise l'importance de l'innovation; un régime de remboursement qui donne aux citoyens et résidents pleinement accès aux médicaments les plus récents et aux vaccins novateurs; un cadre fiscal qui reflète et favorise les initiatives internationales et les multi-partenariats.

Hélas, bien que le dernier budget comprenne de très intéressantes initiatives, certains des changements apportés aux règles du programme RS & DE ne font rien pour l'avancement des essais cliniques dans notre pays. Cela va à l'encontre de certaines des orientations du budget. Il nous faut, enfin, une stratégie nationale sur les essais cliniques qui mesure et commercialise la performance et l'excellence, qui simplifie l'administration tout en protégeant la sécurité des patients, et qui normalise la formation sur place et l'accréditation.

[Français]

Nous nous sommes engagés à faire notre part pour améliorer l'environnement et l'excellence des essais cliniques. C'est pourquoi nous avons récemment renouvelé notre partenariat avec les Instituts de recherche en santé du Canada pour une période de cinq ans, et nous nous sommes engagés à essayer de doubler notre investissement, comme l'ont annoncé les IRSC, jusqu'à 150 millions de dollars chacun, pour un total de 300 millions de dollars.

[Traduction]

Pour conclure, nous vous laissons sur trois idées : premièrement, la raison d'être des essais cliniques est inattaquable : elle vise à amener sur le marché les nouveaux médicaments, vaccins et appareils que notre industrie crée par l'intermédiaire de processus rigoureux pour nous permettre de sauver, d'améliorer et de prolonger des vies humaines.

Deuxièmement, les essais cliniques nous permettent d'investir dans notre ressource naturelle la plus importante, les Canadiens. J'entends par cela nos chercheurs, nos médecins, nos infirmières et tous ceux et celles qui manifestent la faculté illimitée d'améliorer la condition humaine grâce à la science et à l'innovation.

Et enfin, ainsi que je le disais tout à l'heure, et comme vous avez pu l'entendre dans le cadre d'autres exposés, les investissements dans les essais cliniques sont extrêmement mobiles et peuvent transformer la santé humaine. La complaisance et les demi-mesures paralysent notre capacité à soutenir la concurrence; le meilleur moment pour apporter des changements concertés et concrets, c'est maintenant. Il nous faut un plan d'action clair. Nous vous prions de mettre en évidence l'urgence de la situation dans le premier rapport que vous allez remettre en juin.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, vous verrez que si nous parvenons à avancer dans ce dossier, l'industrie pharmaceutique livrera des résultats à la hauteur de ceux qu'elle a pu obtenir dans le passé; nous parviendrons à attirer davantage d'essais cliniques au Canada et à faire fructifier les importants résultats scientifiques que nous avons su obtenir jusqu'ici.

Le président : Je vais maintenant donner la parole au Dr Ward-Able, d'Amgen Canada Inc.

Dr Clive Ward-Able, directeur exécutif, Recherche et développement, Amgen Canada Inc. : Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui. Je n'ai pas pu vous remettre de notes, car ce n'est qu'hier matin qu'on m'a averti de la tenue de cette séance.

Amgen est la société de biotechnologie la plus importante du monde. Elle existe depuis 30 ans environ et est spécialisée dans les affections graves, telles que le cancer, la polyarthrite rhumatoïde, la rénopathie chronique et l'ostéoporose post-ménopausique. Tout ce qu'elle fait est basé, entre autres, sur deux valeurs qui me paraissent essentielles. La première est le fait que son activité repose sur la connaissance scientifique, et l'autre est qu'elle accorde la première place aux patients. Voilà les deux principes de notre action.

Je suis directeur exécutif, recherche et développement, d'Amgen Canada Inc., notre filiale canadienne, établie à Mississauga. En ce qui concerne les essais cliniques, nous sommes particulièrement fiers d'occuper, dans le monde, la deuxième place en matière de recrutement de patients. Vous pourriez légitimement vous demander comment il peut en être ainsi au Canada, mais nous recrutons à l'échelle mondiale de 6 à 7 p. 100 des patients participant à des essais cliniques. En matière de ventes, la part du Canada est d'environ 3 p. 100, mais notre chiffre est le double de cela. Cela explique d'ailleurs en partie pourquoi je prends aujourd'hui la parole devant vous.

D'après moi, notre succès est essentiellement dû à la cohérence des résultats que nous obtenons, à la qualité de nos données et de l'environnement dans lequel se déroulent les essais cliniques.

Notre département de recherche et développement pérennise au Canada environ 200 emplois. Nous avons, à Burnaby, en Colombie-Britannique, un département qui se consacre aux recherches précliniques, mais nous employons environ 130 personnes pour les essais cliniques. Je ne compte là que le personnel de l'entreprise. Nos investissements contribuent en outre à l'activité d'un certain nombre de chercheurs au sein de divers centres de recherche, et à celle du personnel annexe.

J'ai une raison de plus de prendre la parole devant vous, car ce matin justement, nous avons eu, avec notre département des opérations et du développement, notre première téléconférence à l'échelle mondiale. Nous avons ainsi pris connaissance des efforts en vue de répartir les essais cliniques à travers le monde. En cela notre principal souci est de réduire les coûts et de faire des économies. Comme le disait tout à l'heure ma collègue de chez Roche, la rapidité, le coût et la qualité sont des facteurs cruciaux pour toute entreprise qui souhaite recruter des patients.

Sur le plan de la rapidité, le Canada a été jusqu'ici généralement bien noté, mais là encore, la situation appelle un certain nombre d'améliorations. Sur le plan de la qualité, nous avons toujours été bons et c'est pour cela que des essais cliniques continuent à être menés au Canada. Toutefois, nous n'avons plus d'avantage sur les concurrents, car les autres pays sont en train de nous rattraper. Madame Arora a parlé tout à l'heure des pays BRIC, mais nous sommes également concurrencés par d'autres pays développés. Ils se sont tous rendu compte qu'il est important pour l'économie d'attirer des essais cliniques et que ces essais sont en outre indispensables à la santé des citoyens.

Pour ce qui est des coûts, le Canada compte maintenant parmi les pays les plus chers, sinon le pays où le coût des essais cliniques est le plus élevé. Il va falloir réagir à cela, car nous ne pouvons voir nos prix constamment augmenter au détriment des investissements à consentir dans d'autres domaines.

Je voudrais maintenant aborder certains aspects. Beaucoup de choses ont déjà été dites, et vous allez peut-être croire que je fais une digression, mais selon moi, c'est très important. Il est question des essais cliniques et de l'importance de faire comprendre au public la valeur des médicaments qui leur sont proposés. Comment faire pour démontrer la valeur d'un médicament? La question est très importante, car elle concerne la pérennité de nos soins de santé. Comment assurer l'avenir de notre système de soins de santé, à court terme certes, mais également à plus longue échéance? La valeur est une notion assez subjective et, en interrogeant successivement les payeurs, les patients et les fournisseurs, on obtient sur ce point des réponses différentes.

Qu'il s'agisse de médicaments préventifs, de médicaments thérapeutiques ou de médicaments palliatifs, tous ont une valeur différente. Le plus important est de faire comprendre la valeur de ces médicaments par rapport à l'emploi qu'il en est fait, et nous n'y sommes jusqu'ici pas parvenus. C'est sur ce plan que je vous lance un appel.

Ce qu'il nous faut absolument, et en cela le Canada a pris du retard par rapport à d'autres pays, ce sont les moyens d'archiver électroniquement les dossiers des patients, et de constituer des bases de données permettant de démontrer que les interventions pharmaceutiques ont effectivement donné les résultats souhaités.

Je précise que le Canada dispose en cela d'importants atouts. Nous avons en effet les meilleurs spécialistes en pharmaco- économie, en économie des soins de santé et en médecine fondée sur des données probantes, concepts d'ailleurs en grande partie développés ici au Canada. Nous disposons en outre d'un système de soins de santé qui, si nous parvenions à archiver efficacement les données, nous fournirait tous les renseignements nécessaires pour démontrer la valeur de tel ou tel médicament. Je tenais à vous en dire un mot, car cela me paraît être très important pour l'avenir.

Je voulais en outre vous parler brièvement de la valeur des essais cliniques. Comme je le disais tout à l'heure, nous avons environ 170 personnes qui s'y consacrent, mais ce n'est pas tout. Nous nous sommes aperçus qu'en investissant dans ces divers centres, nous leur donnons les moyens de procéder à leurs propres essais cliniques et de mener des travaux de recherche. On a par ailleurs constaté que, dans la région où ils ont lieu, les essais cliniques ont pour effet d'augmenter le niveau des soins de santé.

J'ai également évoqué tout à l'heure la question du coût des essais cliniques. Comme le disait Mme Arora, les coûts indirects sont eux aussi en augmentation. La situation à cet égard est cependant caractérisée par un manque de transparence, et il nous faudrait comprendre davantage pourquoi les coûts augmentent tellement.

La seconde question concerne les incitations fiscales. Sur le plan des encouragements fiscaux à la recherche, le Canada était à une certaine époque, sinon le pays le plus avancé, du moins un des trois premiers. Or, la situation s'est dégradée en termes relatifs étant donné que d'autres pays ont fait en ce domaine de gros progrès. Cela dit, je ne vais pas nécessairement évoquer les changements apportés au programme RS & DE, car ce n'est peut-être pas si intéressant pour les dirigeants de mon entreprise.

Les initiatives tendant à rendre l'environnement plus favorable aux essais cliniques relèvent en grande partie des provinces, mais il y a, je pense, une ou deux choses que le gouvernement fédéral pourrait faire pour influencer la situation. Je vous demande trois choses : encourager de toutes les manières possibles la mise en place de dossiers électroniques et la création d'une base de données accessible; appuyer les efforts d'amélioration des encouragements fiscaux relatifs à la recherche réalisée ici au Canada, y compris les recherches de phases 2 et 3 — car est essentiel lorsqu'il s'agit de passer du laboratoire aux essais cliniques; et faire tout ce que vous pouvez pour agir sur les coûts afin que le Canada soit en mesure d'affronter la concurrence. Cela permettrait d'attirer au Canada davantage de travaux de recherche et, partant, davantage d'investissements en recherche, ce qui permettrait en outre de créer des emplois. Je vous remercie.

Le président : Merci beaucoup madame et messieurs. Vos exposés étaient excellents. Je suis certain que mes collègues ont beaucoup de questions. Sans plus attendre, donc, j'ouvre la période des questions avec le vice-président, le sénateur Eggleton.

Le sénateur Eggleton : Je commencerais par l'exposé du Dr Ward-Able. Vous dites que nous sommes bons sur les plans de la vitesse et de la qualité — vous citez d'ailleurs plusieurs choses que nous semblons faire très bien —, mais vous dites aussi que nous ne sommes pas concurrentiels sur le plan des coûts. Vous avez suggéré trois solutions possibles. En ce qui concerne les dossiers de santé électroniques, je suis d'accord. De fait, dans notre dernier rapport au sujet de l'Accord sur la santé, nous avons recommandé d'accélérer l'adoption des dossiers médicaux électroniques.

Les encouragements fiscaux relatifs à la recherche s'ajouteraient-ils à la RS&DE? Est-ce une sorte de version de la RS&DE, ou suggérez-vous quelque chose de nouveau? Et la troisième chose que vous recommandez, c'est de limiter les coûts, ce qui est très général. Pouvez-vous nous dire plus précisément comment le gouvernement peut contribuer à limiter les coûts?

Dr Ward-Able : Je vais commencer par votre dernière question. Je ne crois pas que le gouvernement lui-même puisse faire grand-chose à cet égard, mais je pense que vous pouvez favoriser l'environnement. Ces coûts relèvent des institutions. À titre de contexte, je vous dirais que j'ai beaucoup participé à des travaux, en Ontario et avec Essais cliniques Ontario, dans le cadre desquels nous avons effectivement avancé la possibilité de mesures — et je suis loin d'être un financier — selon lesquelles l'institution leur verse des fonds, leur procure un incitatif fiscal ou autre chose qui leur permette de réduire leurs coûts.

On peut aussi exiger de la transparence en ce qui concerne ces coûts, parce que nous ne les connaissons pas tous. Ils seront déclarés en tant que pourcentage, comme l'a mentionné M. Williams, de ce que seraient les coûts pour le patient, que ce soit 35 ou 40 p. 100. Certains ont vraiment augmenté.

Je n'ai rien d'autre de précis à vous suggérer que de tenir compte de cela et de le soumettre aux institutions. Nous avons peut-être besoin de quelqu'un d'autre pour le faire.

Votre autre question concernait la RS&DE. Premièrement, je trouve que la façon dont les critères ont été interprétés récemment est très rigoureuse et n'est plus ce qu'elle était. Des changements à la RS&DE ont été suggérés dernièrement, chose dont M. Williams pourra nous parler plus en détail je crois. Il en résulte que c'est moins attrayant pour les investissements de multinationales. Certains ont fait valoir que cela ne devrait peut-être pas s'appliquer aux recherches de la phase 2 et de la phase 3. Personnellement, je trouve que c'est crucial. Comment faire passer quelque chose du banc d'essai au patient? Il faut passer par les phases 2 et 3; ce sont des recherches translationnelles. C'est incontournable.

Le sénateur Eggleton : J'aimerais poser une question à M. Williams de Rx&D. Vous avez commencé par parler des investissements, du degré d'investissement fait, dont à peu près 75 p. 100 sont consacrés aux essais cliniques. Puis, vous avez dit que si nous voulons saisir l'occasion, nous devons faire beaucoup d'autres choses. Je vois ici votre rapport, votre plan d'action. Vous avez énuméré ces choses, et vous nous en avez présenté quelques-unes aujourd'hui. Il y a même des choses qui, selon certains, exigeraient de gros changements de la part du gouvernement, notamment le prolongement de la protection de huit à 10 ans, parallèlement aux normes européennes, et des choses du genre, qui sont bien entendu controversées dans une certaine mesure. Au numéro 8 de votre document, on voit aussi l'optimisation de la protection de la propriété intellectuelle.

Certains avanceraient que les entreprises membres de Rx&D n'ont jamais respecté l'entente initiale remontant à 1987 pour ce qui est d'amener la recherche au niveau des 10 p. 100. De fait, l'an dernier, on pouvait voir dans le rapport annuel du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, le CEPMB, que moins avait été investi en recherche appliquée que l'année précédente, et que c'est le cas pour toutes les phases des essais cliniques.

Comment expliquez-vous cela? Pourquoi le gouvernement voudrait-il contribuer à faciliter certains des changements suggérés alors qu'en apparence, vous n'avez pas tenu les engagements que vous aviez pris initialement?

M. Williams : J'apprécie votre question, et surtout la façon dont vous l'avez formulée en parlant d'apparence. Les faits sont très clairs. Dans ce rapport de l'an dernier, on parle d'un rapport supplémentaire.

Vers le milieu des années 1980, quand cette entente qui représentait une progression vers le régime de PI actuel est intervenue entre le secteur et les gouvernements, ils ont essentiellement affirmé que nous allions rattraper les normes mondiales d'il y a 20 ans, mais qu'une part de 10 p. 100 des ventes allaient être investies dans la R-D. L'entente stipulait aussi que cela s'appliquait dans la mesure où les conditions du marché demeuraient les mêmes; or, ces conditions ne sont pas demeurées les mêmes.

Par ailleurs, nous avons eu des formulaires restrictifs dans le pays, ainsi que des gels de prix pendant 15 de ces 20 ans. Si vous examinez ces chiffres — et nous l'avons fait avec le CEPMB, les IRSC et Industrie Canada, avec une définition appropriée de « recherche » et non pas seulement notre définition —, on peut voir qu'en raison de la façon dont le règlement avait été établi, nous avons sous-déclaré nos recherches à raison de 20 p. 100. Quand le CEPMB disait que nous investissions un milliard, c'était 1,3 milliard. Cela ne compte pas les autres engagements. L'étude démontre que nous avons tenu notre engagement tous les ans et que nous l'avons dépassé bien des années.

Je vous remercie de votre question car vous avez raison, il y a des détracteurs — je ne les nommerai pas — qui sont déterminés à faire croire que cela n'a pas été le cas.

Par exemple, dans le débat actuel au sujet du budget, s'il faut compter les ventes aux fins de la RS&DE, il y a plusieurs façons de le faire. Pourquoi nous fondons-nous sur toutes les ventes? Peut-être que cela devrait être un pourcentage des ventes des médicaments brevetés. Quelle est la définition légitime de « recherche »? D'après les règles de la RS&DE de l'époque, et elles viennent d'être changées, on pouvait déduire 50 p. 100 de certains éléments de la recherche. Par définition, il y a une autre part de 50 p. 100 qui n'est pas comptée dans ce rapport.

Donc, pour mettre les choses au clair, je vous affirme que nous avons honoré cet engagement de notre mieux, que nous continuons de l'honorer et que nous continuerons de l'honorer.

En deuxième lieu, en réalité, aucune règle ne dit que si nous avons 3 p. 100 du marché, nous devrions avoir 3 p. 100 de la R-D; mais pourquoi ne pas nous diriger vers cela? Pourquoi ne pas agir et faire concurrence aux autres pays? Selon moi, nous devrions avoir une meilleure formule de PI que l'Europe, mais je ne suis pas venu témoigner devant vous pour changer ces règles. Nous essayons d'obtenir des conditions de PI égales à celles de l'Europe. Je crois que le Canada et le système de soins de santé peuvent croître. Il est beaucoup plus probable, en raison de toutes les bonnes choses — comme nos scientifiques, notre système de soins de santé, nos bases de données et notre expertise —, que nous allons attirer ces essais cliniques, et ces fonds peuvent augmenter. L'annonce des 200 millions de dollars de Roche ne sera pas l'exception; elle pourrait bien devenir la règle.

Nous avons respecté nos engagements, et les affaires iront là où l'environnement appuie l'innovation. Voilà pourquoi j'ai mentionné le budget. Le budget a fait beaucoup pour l'innovation et la recherche cette année. Les changements apportés aux règles de la RS&DE présentent un problème; ils transmettent malheureusement un autre message. Nous allons composer avec cela et nous demeurons déterminés. Voilà pourquoi, avec les IRSC, nous avons dit que nous doublerons notre engagement au cours des cinq prochaines années. Pourquoi? Parce que c'est logique pour les soins de santé et le développement économique, et parce que le Canada en bénéficiera.

Le sénateur Callbeck : Merci de votre présence aujourd'hui, et de vos exposés. Madame Arora, vous avez parlé des essais cliniques dans d'autres pays, le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine. Vous avez parlé de coûts inférieurs, puis vous avez dit que la situation dans ces pays était plus complexe que prévu. J'aimerais que vous m'en disiez davantage à ce sujet.

Mme Arora : Merci de votre question. La situation est légèrement différente selon le pays. Au Brésil, un des problèmes que nous avons constatés est l'absence d'uniformité dans les normes de soins. Selon une des conditions de participation aux essais cliniques. La société pharmaceutique doit couvrir tout ce qui transcende la norme des soins et continuer à le couvrir tant et aussi longtemps que le patient prend le médicament. Dans bien des cas, cela se poursuit plusieurs années après l'essai clinique.

Au Brésil, quand il n'y a pas de norme de soins, on demande à la société pharmaceutique d'assumer tous les coûts des soins du patient associés à la maladie précise ciblée, ainsi qu'à toute autre maladie. À toute fin pratique, le patient est pris en charge à vie.

Le Brésil connaît une croissance est très rapide et compte un très gros segment de population à revenus moyens; il représente donc une population de patients très importante pour nous. C'est la situation là-bas.

En Inde, le problème est simplement lié à la protection des brevets. L'Inde a pris la décision de suivre la voie des médicaments génériques à tout prix, et elle a résilié les brevets. Il y a donc une forte réticence à aller en Inde.

Je dirais que la Chine a fait un travail remarquable en concentrant ses efforts sur ses besoins. Cependant, tout le monde va en Chine maintenant, et il est très difficile d'obtenir une main-d'œuvre qui parle l'anglais et qui connaît bien l'environnement mondial. Les Chinois trouvent donc difficile de participer à certains des essais mondiaux.

Le sénateur Callbeck : Qu'en est-il de la Russie?

Mme Arora : Les choses vont effectivement très bien en Russie. Une fois de plus, ils ont été très disciplinés. Ils comprennent les règles et ils veulent gagner la partie; alors ils réussissent très bien.

Le sénateur Callbeck : Merci beaucoup de vos explications.

Monsieur Brenders, vous avez parlé de coûts. Dans votre troisième paragraphe, vous dites « Et ne vous y trompez pas : ce sont les entreprises elles-mêmes qui investissent. »

Les sociétés pharmaceutiques investissent, mais il y a aussi de l'argent gouvernemental dans cela, jusqu'aux Instituts de recherche en santé du Canada, et je ne sais pas avec certitude s'il y a d'autres fonds gouvernementaux; peut-être que vous pourriez répondre à cela. En plus, à ce que je sache, il y a des fondations, comme celle qui lutte contre le cancer, qui investissent des sommes considérables dans les sociétés pharmaceutiques. Savez-vous combien à peu près?

M. Brenders : Je peux certainement vous donner une idée de ce qu'il en est. Sans aucun doute, les gouvernements investissent beaucoup dans les étapes initiales de la recherche exploratoire, la recherche fondamentale dictée par la curiosité. Cependant, ce n'est pas du développement. Il s'agit plutôt de « trouver un concept de quelque chose qui pourrait fonctionner », mais quand on part de cette idée précoce, il faut valider la cible et trouver des candidats principaux. Cependant, ils doivent être testés à fond. Il faut faire tous les travaux précliniques, sans compter entreprendre la phase des essais cliniques elle-même. Nous parlons de millions de dollars.

J'examine cela du point de vue de nos sociétés précommerciales, les 66 dont j'ai parlé. Elles cherchent à obtenir des fonds du capital privé, d'investisseurs providentiels. Ce qui est bien au Canada, c'est que nous avons des programmes — des choses comme le PARI, 50 000 $ ici ou 100 000 $ là — qui nous aident à prendre une idée dans le contexte universitaire et à la tester pour déterminer si elle peut être validée. C'est très bien. À l'étape suivante, ces sociétés ont besoin de 2 à 5 millions de dollars de capital de risque pour tester le concept davantage, et elles dépensent cet argent dans nos institutions, nos hôpitaux et nos universités. Elles externalisent le travail. Une bonne partie de notre argent que ces sociétés dépensent est consacré à des activités externalisées. À ce stade précoce de leur existence, elles sont virtuelles. Après, elles passent à leur tour de série A, cherchant à obtenir entre 5 et 10 millions de dollars. Au tour de série B, elles vont aller chercher entre 20 et 50 millions de dollars, puis elles passent à leur tour de série C ou D. Prenons une société comme Enobia qui, au cours des essais de la phase 2, a obtenu 150 millions de dollars. Cependant, avant de pouvoir terminer ses essais de la phase 2, elle a dû conclure une entente de 1 milliard de dollars avec Alexion. Ce produit en est toujours à la phase 2.

Ce sont là de bons exemples des coûts réels du développement et de ce qu'il faut pour développer un produit. Ne vous y trompez pas. Même Enobia a reçu quelques subventions initiales de recherche, ce qui est précieux parce que, à ce stade initial où une société a six mois de comptant en banque et essaie de payer le loyer tout en gardant les lumières allumées, une subvention de 10 000 ou 20 000 dollars la garde en vie. Beaucoup de cadres supérieurs sont rémunérés en capital-actions et non pas en argent.

Le sénateur Callbeck : L'argent provenant du gouvernement et des fondations est seulement destiné au stade initial?

M. Brenders : Oui.

Le sénateur Callbeck : J'ai entendu dire que, dans l'industrie pharmaceutique, il en coûte plus d'un milliard de dollars pour commercialiser un médicament. Cependant, des détracteurs allèguent que ce milliard de dollars englobe beaucoup plus de choses qu'il ne devrait. Je lis ici que les profits que l'entreprise aurait réalisés si elle avait investi son argent ailleurs englobent les revenus consacrés à des produits qui réussissent, et ainsi de suite.

Quand vous parlez du coût, de quel coût parlez-vous exactement?

M. Brenders : C'est une excellente question, parce que les études mentionnées sont souvent l'étude DiMasi faite à l'université Tufts en 2003, je crois, et ils en ont fait une deuxième en 2007. Ces études ont examiné tous les coûts pondérés. Il y a beaucoup d'études qui portent sur les coûts de développement des médicaments. Vous pouvez prendre l'exemple d'un produit d'une société comme Enobia qui a réuni 140 millions de dollars, puis a dû aller en chercher 600 autres, puis encore 400, et elle n'a même pas encore un produit à commercialiser. Combien ce produit lui coûte-t-il? Un milliard de dollars a été mis dans ce produit, et elle n'en est pas encore au bout de ses peines.

Est-ce que tout est dépensé là? L'argent va à plusieurs investisseurs. Quand on voit que 91 médicaments sur 100 ne se rendent pas sur le marché, on peut se demander qui paie ces 91 échecs? Ils sont intégrés. À un moment donné, pour nos petites sociétés qui en sont au stade précommercial et qui sont à la recherche de communautés d'investissement, les grandes sociétés pharmaceutiques ne sont pas la source. Ces petites sociétés veulent devenir Genentech, mais elles doivent trouver des investisseurs et, en général, les investisseurs, qu'il s'agisse d'investisseurs providentiels, du capital de risque ou d'autre chose, s'attendent à réaliser un certain rendement sur leur investissement, et donc c'est plus que de la charité. Ils investissent dans un grand nombre de choses en sachant que beaucoup d'entre elles vont échouer. Et quand ils en ont une qui réussit vraiment bien, ils espèrent que leur gain compensera leurs pertes et leur fera réaliser un profit de 9 ou 10 p. 100.

Alors, quel est le coût? Si aucune erreur n'est commise depuis les premiers pas jusqu'au bout, peut-on le faire pour 500 millions? Peut-être, mais personne ne l'a fait jusqu'à présent.

L'objectif de toute société est de minimiser ce coût. Je connais deux ou trois sociétés qui viennent de conclure un autre tour de 30 millions de dollars; alors elles n'ont pas à s'inquiéter des 18 prochains mois. Elles veulent s'assurer de dépenser très efficacement ces 30 millions, car il n'y a pas vraiment d'autre bassin de fonds, et il serait très difficile de réunir encore une telle somme. Elles vont donc être très circonspectes en choisissant où elles vont faire leurs essais. En envisageant le Canada, elles vont demander « Combien de patients avez-vous, et quel est votre prix? », réagir en disant « Et en plus vous voulez 40 p. 100 là-dessus? Non merci. » Elles vont aller dépenser ces fonds ailleurs, car elles gèrent leurs coûts judicieusement. Elles aiment la qualité, et elles aiment la possibilité d'aller vite — quoique probablement pas toujours aussi vite qu'elles le voudraient. Il faut le faire avec efficacité parce que, s'il faut trop de temps, le brevet arrive à échéance et il n'y a plus de produit.

Le sénateur Merchant : Je crois que c'est Mme Arora qui a parlé de rapidité. Peut-être que vous parliez d'un autre processus, mais je suis certaine que toute compagnie qui met au point un médicament veut commercialiser celui-ci le plus rapidement possible.

Je me suis souvent demandé — et je ne suis pas sûre que cela existe —, si nous accordons la priorité à l'accélération des médicaments susceptibles de sauver la vie. Par exemple, si, aujourd'hui, nous découvrions la pénicilline et, en même temps, une autre compagnie passait par toutes les étapes pour développer Accutane, qui est un produit pharmaceutique pour la peau du visage, déploierions-nous des efforts particuliers pour commercialiser plus rapidement les médicaments susceptibles de sauver la vie? Et serions-nous disposés, peut-être, à prendre plus de risques avec un médicament qui présente un potentiel de plus grands bienfaits pour l'humanité? Je ne sais pas vraiment s'il y a des pays qui font cela.

Mme Arora : Absolument, cela se fait partout dans le monde. Là encore, quand je parle de mélanomes métastatiques, ces patients ont une faible espérance de vie et ils sont dans un état critique qui les prive de toute autre option.

De fait, on peut réduire les échéanciers de plusieurs façons. Ce que Roche Genentech a fait, c'est d'abord de combiner les phases. Normalement, on passe par la phase 2 et la phase 3, puis on commercialise. Cependant, Roche a reconnu que c'était tellement crucial qu'elle a combiné ces étapes. Bien sûr, il doit d'abord y avoir des conversations avec la FDA, l'Union européenne et Santé Canada, et absolument, les données appropriées doivent être produites et elles doivent être de haute qualité. Ce n'est pas parce qu'un médicament est le dernier recours pour les patients qu'on peut commercialiser un médicament dangereux. Ces échanges doivent avoir lieu entre les organismes de réglementation et l'industrie pharmaceutique. Les organismes de réglementation nous aident à comprendre ce que sont les exigences minimales avant d'évaluer les données, de les diffuser, puis d'aller de l'avant dans le processus d'approbation.

Oui, il y a une voie rapide, tant dans la tenue des essais cliniques que dans le processus d'approbation réglementaire.

Le sénateur Merchant : Il y a au sein du public une impression — et c'est peut-être la réalité — que lorsque les choses ne vont pas bien dans les essais cliniques, les chiffres sont manipulés. Dans le cas de Vioxx, par exemple, un procès a révélé que certains des aspects négatifs avaient été cachés. Que font vos compagnies pour informer le public et le convaincre davantage que ces essais cliniques sont menés de façon déontologique?

Je sais que, dans une certaine mesure, c'est sujet à interprétation, parce que différents experts interprètent les choses différemment. Comment gérer cela? Quand il est question des essais cliniques, bien des personnes sont sceptiques.

Mme Arora : Les gens seraient abasourdis de voir à quel point notre industrie est réglementée. Presque tous les aspects de ce que nous faisons sont assujettis à des règles et à des lignes directrices internationales. Cela ne varie pas d'un pays à l'autre, d'une étude à l'autre, ni d'une population étudiée à l'autre. Pour pouvoir participer à ces essais mondiaux, il faut répondre à des normes mondiales des plus rigoureuses.

En ce qui concerne la protection et le maintien de la qualité des données, plusieurs choses entrent en jeu. Tout d'abord, les essais de tous ces médicaments sont à l'aveugle, et pas seulement pour le patient ou l'expert clinique, mais pour nous aussi et pour plusieurs paliers de l'organisme. J'ai vu des cas où, pour une raison regrettable, l'essai à l'aveugle a été rompu. Dans ces cas, on est immédiatement retiré de l'étude, ou le patient en question ne peut plus faire partie de la protection des données.

Je comprends cette impression. Nous avons encore beaucoup à faire en matière d'éducation. C'est un aspect que le gouvernement et l'industrie pharmaceutique pourraient développer ensemble en éduquant les gens au sujet de leurs droits et de la façon dont ils sont protégés, que ce soit par des comités d'éthique, des textes de loi ou des organismes de réglementation.

Je vous assure que chacun des aspects des essais cliniques est assujetti à des règles, et que nous suivons les normes les plus rigoureuses à cet égard.

Ken Hughes, vice-président, Affaires scientifiques et réglementaires, Rx&D : Je conviens que nous ne faisons peut-être pas ce qu'il y a de mieux pour expliquer à quel point le système des essais cliniques est bien réglementé et respecte les normes d'éthique. Tous les essais cliniques sont soumis à de multiples niveaux de contrôle, même dans le système canadien. Avant même qu'un patient voie quoi que ce soit dans un essai clinique, un examen scientifique est fait à tous les centres concernés. Les réalités scientifiques sont également passées en revue en vertu d'un contrat de recherche. Il faut passer devant des comités d'éthique de la recherche dans toutes les régions où l'on est actif, déclarer tout conflit d'intérêt et établir un plan de surveillance des données et de l'innocuité. Tout cela avant même la soumission à Santé Canada qui fera alors son propre examen. De plus, il faut obtenir une lettre de « non-objection » de Santé Canada pour pouvoir revenir devant le comité d'éthique de la recherche et devant le comité de surveillance des données et de l'innocuité avant même de pouvoir administrer quoi que ce soit à un patient.

De multiples niveaux de contrôle, tous très élevés, sont en cause ici, et à eux s'ajoute le fait que les études se font à l'aveugle pour que les médecins ne sachent pas ce qui est administré aux patients, que les patients ne sachent pas ce qui leur est administré et que les personnes qui traitent les données n'aient jamais vu les patients. Ces contrôles se font à de multiples niveaux.

Le problème ne réside pas dans la qualité des contrôles en ce qui concerne la protection de la sécurité des patients, il réside dans l'opérationnalisation de ces systèmes.

Je me distancerai un peu de ce que dit le Dr Ward-Able. Bien que je sois entièrement d'accord en ce qui concerne la qualité, les échéanciers au Canada laissent à désirer parce que les aspects éthiques ne sont pas coordonnés et les ententes d'essais cliniques ne sont pas coordonnées, et cela fait perdre du temps. Il n'y a donc pas de problème en ce qui concerne la qualité des aspects éthiques; c'est la mise en œuvre de ces aspects éthiques qui fait que nous ne sommes pas concurrentiels.

[Français]

Le sénateur Verner : Merci beaucoup à vous tous d'être ici cet après-midi. Vous venez juste de parler de coordination; ma question s'adresse à M. Williams et concerne le plan d'action produit à la fin mars. Doit-on comprendre que, dans l'élaboration de votre plan d'action, les provinces et les territoires ont été consultés également?

M. Williams : Oui, ils doivent faire partie de la solution. Le Dr. Hughes a mentionné les conseils de revue des éthiques comme exemple et chaque province travaille à réduire le nombre des conseils, mais même si on peut corriger cela dans chaque province, ce sera dix provinces plus les territoires. Quand les compagnies d'un niveau mondial essaient de trouver le meilleur endroit pour faire des investissements, cela ne remet pas en question les revues d'éthique, mais on essaie de déterminer combien on en a besoin. Effectivement, les provinces jouent un rôle vraiment important.

Le sénateur Verner : Avez-vous défini dans votre plan quelles seraient les différentes responsabilités des différents ordres de gouvernement ou vous n'êtes pas allé aussi loin?

M. Williams : C'est assez clair. Le vrai rôle est au niveau provincial, mais le rôle au niveau fédéral peut être celui de leadership et de coordonner les démarches à mettre en place. Parce qu'au siège social — encore une fois, je n'ai jamais été invité à un échelon décisionnel à un siège social, mais de ce que j'ai entendu, c'est qu'ils ne font pas de différence entre Montréal, Québec, Toronto ou Calgary, mais plutôt s'ils ont investi au Canada. Si le Canada peut présenter un système plus simple, plus direct, et même ce n'est pas juste les conseils de revue, mais aussi les contrats. Dans plusieurs autres juridictions, on utilise un contrat. Cela peut aider la rapidité d'une décision. Et même certaines provinces, comme Terre- Neuve-et-Labrador, ont adopté une loi qui a trait à un temps limité pour prendre une décision. Je crois que le message est assez clair; le Canada veut avoir ces investissements

Le sénateur Verner : Ce serait une belle discussion à avoir à la conférence des ministres de la Santé fédérale- provinciale. J'imagine que c'est ce que vous souhaiteriez?

M. Williams : Oui, et même plus haut que cela, parce que les essais cliniques entrent dans l'écosystème de recherche de sciences de vie au Canada et c'est une partie tellement importante. Il faudra une stratégie. Comme Mme Arora l'a mentionné, la Russie fait bien parce qu'elle est disciplinée et commence à travailler sur la vitesse, la qualité et l'administration. Si le Canada met ce même système en place, avec la qualité des sciences que nous avons dans chaque université au Canada, on peut vraiment gagner. De plus, notre système de santé nous donne une base d'information; je ne sais pas si je peux dire qu'elle est la meilleure, mais presque, pour les données. Avec cette combinaison, on peut gagner.

[Traduction]

Le sénateur Martin : Merci beaucoup. C'est un sujet qui m'a touchée personnellement récemment, car un de mes proches a subi le processus d'essai de médicaments par tâtonnement.

La santé mentale est un domaine où il semble que les patients ont besoin d'un plus grand choix de médicaments. Je prends l'exemple d'Abilify, un médicament qui est prescrit depuis peu. Les renseignements que j'ai entendus en tant que soutien du patient étaient très limités par rapport à ceux que j'ai entendus par la suite dans un message télévisé qui énumérait les effets secondaires.

Ma question est reliée à celle de mon collègue au sujet des essais cliniques et des règlements sur la divulgation ou la transparence, de tous ces genres de risques, de ce que les patients doivent savoir et de la mesure dans laquelle le système dans son ensemble doit être complexe. Je ne parle que d'une expérience personnelle ici concernant un médicament, et de la surprise que m'a causée un message publicitaire au sujet d'Abilify qui énumérait toute une série de risques et d'effets nocifs potentiels, par contraste avec les renseignements que j'avais effectivement reçus.

Pouvez-vous nous parler un peu des règlements régissant le genre de transparence requise après que le médicament ait fait l'objet de tous les essais, et de ce qu'il advient des renseignements provenant des essais? Aussi, j'aimerais que vous commentiez l'énoncé suivant : « Au Canada, ni la Loi sur les aliments et drogues ni son règlement d'application n'exigent l'enregistrement des essais cliniques menés au Canada, mais les IRSC exigent l'enregistrement de ceux qu'ils subventionnent. »

Je suppose que je mets en doute le degré de transparence au Canada en ce qui concerne l'enregistrement et les essais cliniques.

Le président : Je vous demande de ne répondre qu'en ce qui concerne les essais cliniques. Nous n'en sommes pas encore aux règlements post-approbation et aux questions du genre; donc, veuillez vous limiter à la partie de la question qui a directement trait à la transparence des renseignements provenant des essais cliniques, et à la question précise portant sur les essais cliniques.

M. Williams : Je peux amorcer une réponse. Les membres de Rx&D se sont engagés en tant que membres de la FIIM, notre groupe international, à afficher tous les essais cliniques dans un seul site web. Le site est international, et on peut y accéder à partir d'un lien dans notre site. Je vais vérifier encore, mais il est là depuis un bon moment; nous le modifions continuellement. À ma connaissance, ce site se présente en cinq langues, et il est subdivisé par maladie.

C'est un pas dans la bonne voie. Je comprends votre question. Cela est relativement récent — depuis trois ou quatre ans. L'information est accessible.

J'aurais aimé commenter l'autre aspect, mais vous m'avez dit de ne pas le faire. Je le mets donc de côté.

Le président : Nous nous pencherons là-dessus plus tard, et vous serez de retour parmi nous, ou vous en aurez l'occasion.

M. Williams : J'ai un autre point, puis peut-être que le Dr Ward-Able aimerait préciser quelque chose. Vous avez parlé de choix. Les Canadiens ne savent pas ce que nous ne savons pas. Nous n'avons pas dans ce pays un aussi bon choix que bien des Canadiens supposent. Nous avons mené une étude internationale, que je soumettrai volontiers au comité. Je n'en ai pas assez d'exemplaires, mais je vous en ferai parvenir après la présentation.

Nous sommes à la traîne pour ce qui est des médicaments de qualité, et ce, pour la plupart des maladies, y compris dans le domaine de la santé mentale; cela est dit ici. Nos médicaments ne sont pas disponibles. L'examen prend plus de temps; nous ne disposons pas de l'environnement d'essais cliniques que nous voulons. Ensuite, plus tard, la décision d'inscription dans la liste est plus longue à venir que partout ailleurs. Par conséquent, les gens ne disposent pas des mêmes choix. Je réserve mes autres remarques pour mon prochain passage ici.

Le sénateur Martin : Si nous comparons le Canada à d'autres pays, diriez-vous qu'il est au même niveau?

M. Williams : Il est au même niveau. Je pense qu'en tant qu'industrie, nous essayons tous de faire mieux. C'est ce que je vous dis. Quand quelque chose est mis sur Internet, tout le monde y a accès. Les choses se sont améliorées récemment.

Dr Ward-Able : Puis-je ajouter quelque chose? C'est propre aux essais cliniques lors des premières étapes de développement, donc les premiers stades. C'est une des raisons pour lesquelles nous faisons la recherche. C'est ce que sont la phase 1 et la phase 2, essentiellement : on cherche à déceler les effets indésirables tout au long du processus.

J'aimerais souligner de nouveau ce qu'a dit M. Hughes au sujet des comités de surveillance de l'innocuité des médicaments. Pour presque tous les essais, ils font un examen régulier des effets indésirables déclarés par les patients au cours de leur essai clinique. Ainsi, ils peuvent examiner ces données et être en mesure de voir s'il se passe quelque chose.

Plus on avance dans la phase, plus on en apprend au sujet du profil des effets secondaires ou effets indésirables. Au début d'une nouvelle étude, on informe le patient avant de passer à l'essai suivant. Ensuite, on passe à la demande d'autorisation de mise en marché, puis on obtient l'autorisation, ce qui nous amène à ce dont nous ne parlerons pas maintenant.

Le sénateur Martin : Il y a donc divulgation tout au long du processus, et c'est transparent.

Dr Ward-Able : Oui. Il est important de penser aux comités de surveillance des données et de l'innocuité, parce que c'est ce qu'ils recherchent précisément.

Mme Arora : J'aimerais ajouter quelque chose. Un des aspects de tous nos essais est ce que nous appelons la surveillance. La société paie des surveillants qui vont régulièrement examiner les dossiers médicaux et comparer les renseignements qui doivent être inscrits dans les formulaires de recherche clinique.

Je tiens à vous le préciser parce que, si un médecin omet par inadvertance d'inscrire des renseignements concernant un effet indésirable dans le formulaire d'observation — le document qui est transmis à la société —, les surveillants sont censés noter cette omission et voir à ce que le médecin entre tous ces renseignements. Cela ajoute des centaines de millions de dollars au coût de l'essai clinique dans son ensemble, mais il s'agit de veiller à ce que l'expert clinique respecte les critères du protocole, c'est-à-dire les consignes les plus rigoureuses de bonnes pratiques cliniques, qui s'appliquent à l'échelle mondiale.

Là encore, il y a une véritable détermination à ce que ce ne soit pas des médecins et un personnel infirmier surmenés qui veillent à ce que toutes les données correspondent exactement. Les sociétés pharmaceutiques embauchent de gros effectifs pour s'assurer que tout cela est fait.

Le sénateur Cordy : Il ne fait pas de doute que l'amélioration des produits pharmaceutiques au fil des ans, ou du moins au cours des dernières années, a grandement changé la vie des Canadiens, et pour le mieux dans la plupart des cas. Merci pour le travail que vous faites.

Pour en revenir à la question du sénateur Martin, le numéro de février 2012 du Journal de l'Association médicale canadienne contenait un article qui disait que l'enregistrement des essais cliniques devrait être obligatoire. J'en déduis qu'il n'est pas obligatoire et que vous faites vos divulgations de façon strictement volontaire. Est-il suffisant que ce soit volontaire, ou ai-je tort de penser que ce n'est pas volontaire, mais obligatoire?

M. Hughes : C'est une bonne question à laquelle j'aimerais répondre directement. C'est obligatoire en pratique. Rx&D a un code, et tous les membres doivent respecter ce code, qui est entièrement aligné sur l'Énoncé de politique des trois Conseils sur la transparence en matière d'essais cliniques. Pour participer à des essais cliniques, nous devons mettre les renseignements dans une base de données publique et nous devons aussi publier les résultats. Les renseignements sur tous les essais cliniques qui existent et sur leurs résultats sont accessibles.

Le fait est qu'un grand nombre des organismes coparrains exigent déjà la publication des résultats comme condition de leur participation. Il en résulte qu'en pratique, à plusieurs niveaux, pour tous les essais qui sont menés, tous les résultats sont accessibles à quiconque s'y intéresse.

Le sénateur Cordy : Il est redondant que Santé Canada le fasse parce que quelqu'un le fait déjà.

M. Hughes : Oui.

Le sénateur Cordy : Madame Arora, vous parlez dans votre exposé de la création d'un comité d'éthique. Pouvez- vous nous en dire davantage à ce sujet? Je crois que d'autres, notamment M. Williams, l'ont mentionné plus tôt. Nous avons parlé de la qualité, du temps et des coûts. Comment un comité d'éthique national pourrait-il améliorer l'efficacité? Je crois que vous avez dit que c'est ainsi en Europe, n'est-ce pas?

Mme Arora : En effet. Je crois qu'il serait très avantageux pour le Canada d'avoir un comité d'éthique national. À l'heure actuelle, il faut aller à une institution, et chaque institution avec laquelle on traite a son propre comité d'éthique. Elle a ses propres processus et ses propres échéanciers administratifs. Dans bien des cas, ces institutions ferment l'été, bien que les essais cliniques ne s'arrêtent pas l'été.

Les types de choses pour lesquelles elles veulent plus de renseignements et celles dont elles se préoccupent varient d'une institution à l'autre. Donc, nous constatons qu'il faut consacrer énormément de temps à répondre à un comité d'éthique à la fois.

Le degré de protection ne varie pas d'un emplacement ou d'un patient à l'autre. Ils sont tous protégés, bien sûr, par le comité d'éthique. Cependant, le processus administratif et la nature des questions posées, eux, varient au point où cela fait perdre énormément de temps. Si on a 25 ou 30 emplacements, on peut devoir aller à 30 emplacements différents. En général, il y en a qui sont regroupés. À tout le moins, cela commence à se produire à une échelle régionale, ce qui facilite les choses.

Il faut aussi payer l'examen déontologique, ce qui n'est pas un problème parce que c'est dans l'intérêt des sociétés pharmaceutiques de s'assurer que nous respectons les normes d'éthique les plus rigoureuses. En revanche, j'aimerais bien en avoir pour mon argent. À tout le moins, il serait bien d'obtenir la réponse dans un délai acceptable.

Je crois que, parfois, les comités d'éthique, malgré leur désir de protéger le patient, oublient qu'il y a un patient qui attend désespérément de participer à un essai clinique. Aucun aspect administratif d'un comité d'éthique ne devrait retarder ce processus.

M. Hughes : J'ajouterai, très simplement, que c'est le temps qu'il faut consacrer aux conversations. S'il y a un comité, on a une conversation. S'il y en a 25, on a 25 conversations. Elles sont différentes, et même si elles étaient identiques, elles ont un effet sur le temps et les coûts associés aux essais.

De même, les contrats de recherche sont négociés à chaque emplacement d'essai, et chacun est légèrement différent. Il faut donc avoir 25 conversations sur ce plan aussi, plutôt qu'une seule qui mènerait au même résultat. Cette conversation porterait sur les aspects déontologiques et contractuels, c'est-à-dire exactement les mêmes sujets pour les 50 conversations qu'il faut avoir.

M. Williams : Je crois qu'il serait très utile que nous nous éloignions de cette formule — et non pas des comités d'éthique; tout le monde s'entend là-dessus. Le problème, c'est que si nous avons 15 personnes dans la salle qui conviennent toutes que le nombre de ces conversations est excessif et qu'il ne devrait n'y en avoir qu'une seule, elles diront toutes que ce devrait être la leur. Par conséquent, s'il y a une chose que les dirigeants peuvent faire ici, c'est de saisir l'occasion de résoudre ces deux problèmes pour que nous n'ayons qu'un seul comité d'éthique et un seul contrat type. Cela faciliterait grandement les choses, ainsi que l'application et le respect de tous les critères. Personne ici ne demande qu'on prenne des raccourcis; il s'agit simplement de n'avoir qu'une seule démarche.

Le sénateur Cordy : Le processus semble lourd et ralentir les choses pour le patient.

M. Williams : Absolument.

Le sénateur Cordy : Comme quelqu'un l'a dit plus tôt, on oublie le patient.

M. Brenders : Ces essais menés au Canada font partie d'essais mondiaux. Nous ne faisons rien de différent ici. La même chose se passe dans les principaux marchés. D'un point de vue purement concurrentiel, s'il y a d'une part un processus organisé et simplifié dans le contexte des grandes populations aux États-Unis ou en Europe et d'autre part, une entreprise précommerciale dont le temps et le comptant sont limités et qui n'a pas le temps d'attendre l'automne pour enrôler des patients parce qu'elle n'a que 12 mois de comptant et qu'elle en perdrait deux, on comprend que les perdants dans ce contexte sont les patients Canadiens.

Le sénateur Dyck : Merci de vos exposés cet après-midi. Madame Arora, je suis intriguée par votre affirmation voulant que certains ont l'impression que le milieu de la recherche au Canada fait preuve de passivité dans sa démarche relative aux essais cliniques. La passivité de ce milieu pourrait-elle contribuer au fait que le Canada est à la traîne sur le plan de la participation? L'interaction entre les scientifiques cliniciens et les scientifiques en recherche fondamentale aux différentes institutions entre-t-elle en jeu ici? Y a-t-il des façons d'optimiser cette interaction, ou encore de récompenser les cliniciens différemment? Y aurait-il lieu d'offrir un encouragement pour attirer certains cliniciens parce qu'ils n'ont pas la même motivation que les scientifiques en recherche fondamentale?

Mme Arora : Cette passivité s'explique de plusieurs façons. Premièrement, nos médecins sont surmenés et fatigués. Pour eux, les essais cliniques deviennent presque un deuxième emploi bénévole à temps partiel. Bien qu'ils soient motivés au départ par un véritable amour de la recherche clinique, ils finissent par constater que le fardeau administratif et les efforts que leur impose la participation à ces essais cliniques complexes sont tellement lourds qu'ils ne sont plus en mesure de faire les deux.

Il y a un autre aspect en cause. Pour certains d'entre eux, le travail continue à leur être offert, mais ils sont en mesure de diriger les choses parce qu'ils sont des leaders d'opinion ou qu'ils sont bien connus à l'échelle mondiale. Ils ne comprennent pas vraiment les répercussions de ce qui se passe ailleurs dans le monde. Les raisons sont nombreuses.

Sur le plan de la science fondamentale, il y a encore beaucoup d'intérêt et les choses ont tendance à aller un peu plus vite que dans le cas des essais cliniques. Je crois que cela est un des aspects du fardeau — le fardeau administratif — imposé à ces cliniciens. Là encore, si les institutions pouvaient appuyer ces experts cliniques à partir de leur budget d'administration, ceux-ci n'auraient pas à faire toutes les activités qu'ils ont à faire pour le processus contractuel, le processus éthique, la documentation ou la recherche des patients. Toutes ces activités leur sont imposées, et elles représentent beaucoup de travail.

Le sénateur Dyck : J'aimerais poser une question connexe. Monsieur Williams, vous avez dit que nous avons besoin d'un environnement stratégique qui favorise les récompenses et encourage l'innovation. Vous dites qu'il s'agit de raisons administratives reliées notamment à l'obtention des approbations déontologiques et autres choses du genre. L'environnement stratégique dont vous parlez en fait-il partie? Pouvez-vous expliquer cela davantage?

M. Williams : Il y a un certain nombre d'éléments. Ces deux-là en font certainement partie. Un autre exemple dont j'ai parlé est l'accès aux médicaments au Canada. Si nous avions une politique dont l'industrie et le gouvernement ont convenu et en vertu de laquelle — une fois réglés les problèmes entourant l'obtention d'essais cliniques ici, et une fois éliminés certains des obstacles dont nous avons parlé —, si la valeur du médicament est prouvée à l'issue des essais cliniques, ce médicament serait offert par l'intermédiaire des formulaires provinciaux? Pouvez-vous imaginer cela? Il s'agit de prouver d'abord la validité du médicament. À l'heure actuelle, même quand on passe par les essais cliniques — et c'est la raison d'être des essais cliniques —, on n'arrive pas à ce résultat. D'autres pays ont commencé à dire que, si on mène chez eux des essais cliniques qui prouvent la valeur d'un médicament, ils commenceront à utiliser ce médicament. Le Canada ne fait pas cela. Pourtant, ce pourrait être un autre élément d'un plan d'action qui encouragerait la recherche. Il y a aussi un certain nombre d'autres choses que nous pourrions faire.

M. Brenders : Les produits orphelins sont un exemple de bonne politique. Nous sommes le dernier pays développé au monde à n'avoir aucune plate-forme pour le traitement des maladies rares, des maladies orphelines, qui ont été négligées. La moitié des produits approuvés dans l'Union européenne et aux États-Unis ne sont pas entrés au Canada. Nous n'avons aucun cadre de travail nous permettant de gérer ces produits. Ce sont des produits qui peuvent traiter trois ou quatre états débilitants. Les sociétés sont disposées à les rendre accessibles et à les importer ici, mais notre processus est en retard de 30 ans.

Nous avons eu des échanges avec Santé Canada visant à faire élaborer des règlements, et nous sommes très optimistes à cet égard. Cependant, il ne s'agit là que d'une simple politique. Si nous voulons vraiment encourager l'utilisation au Canada de nouveaux traitements et de nouveaux débouchés, nous devons le reconnaître, comme les autres pays l'ont fait. Il suffit d'adopter le modèle de ce qui a déjà été fait et de faciliter ces traitements et essais au Canada.

Le sénateur Seidman : J'aimerais que vous commentiez ceci : « Les médicaments ne sont généralement approuvés que pour les populations sur lesquelles on dispose de résultats d'essais cliniques, ce qui signifie souvent que leur utilisation n'est pas approuvée pour les femmes enceintes et les enfants. Une fois approuvés, toutefois, ils peuvent être prescrits à ces groupes. Le coût des essais valables pour ces groupes et les problèmes éthiques qu'ils posent ainsi que les frais qu'il faut engager pour faire approuver l'administration du médicament à d'autres groupes ont un effet dissuasif sur l'industrie. » Pouvez-vous commenter cela, s'il vous plaît?

M. Hughes : Je ferai une première remarque, puis j'inviterai le Dr Ward-Able à commenter cela plus en détail.

Vous avez tout à fait raison; les besoins d'une certaine population constituent une difficulté sur le plan des effets cliniques. On comprend pourquoi cela commencerait chez les adultes, puis irait en descendant. Il y a des programmes post- approbation et des programmes connexes qui reconnaissent ces difficultés.

Je sais que le Dr Ward-Able a une compréhension plus précise de ces aspects, qu'il pourrait peut-être nous exposer.

Dr Ward-Able : Ce sont là des populations très précises et hautement délicates. Il n'est pas question d'administrer un médicament non testé à une femme enceinte ou à un enfant en plein développement quand on ignore les effets que cela aurait.

En fin de compte, il faut obtenir un bon profil de sécurité pour la population adulte, puis remonter prudemment dans ces populations. C'est très difficile. En plus, pour les essais cliniques, le recrutement de femmes enceintes et d'enfants est extrêmement difficile.

Pour en revenir à ce que M. Brenders disait, si on a une maladie extrêmement rare et qu'il n'y a pas d'autre solution, on peut procéder ainsi, mais il en résulte souvent une sorte de situation de médicament orphelin, ce qui exige une permission spéciale. Le processus est complètement différent.

Le sénateur Seidman : En juin 2011, le Journal de l'Association médicale canadienne a publié un éditorial à ce sujet. Outre plusieurs choses dont je ne parlerai pas maintenant parce qu'elles portent en majeure partie sur l'utilisation hors indication et sur des aspects qui n'ont pas trait à ce dont nous parlons présentement, l'article disait que des enfants canadiens avaient été enrôlés dans certains essais cliniques qui ont servi à produire des preuves pour que la FDA approuve des médicaments et que, pourtant, seuls les enfants américains profitent des résultats de ces études. Pour une raison obscure, les résultats des études américaines ne sont pas appliqués au Canada.

Dr Ward-Able : Je suppose que cela ne peut être dû qu'au fait que l'usage indiqué n'avait pas été approuvé au Canada, car ces renseignements transcendent toutes les frontières; ils sont internationaux.

Le sénateur Seidman : Je m'en tiendrai à cela pour le moment.

En plus de ce qui a été dit précédemment au sujet des questions de transparence, j'aimerais parler d'un article paru dans le numéro de février 2012 du Journal de l'Association médicale canadienne, qui laisse entendre qu'il n'y a pas d'obstacle juridique aux divulgations dont nous avons parlé ici au sujet de l'enregistrement des essais cliniques et de la date des rapports, et que ces obstacles relèvent plutôt des sociétés. De fait, l'article affirme que chaque proposition par Santé Canada d'une transparence accrue des essais cliniques a été rejetée par l'industrie pharmaceutique sous prétexte que cela porterait atteinte aux intérêts propriétaux.

Pouvez-vous parler de ce que pourraient être les obstacles propriétaux à l'enregistrement des essais cliniques et à l'accessibilité de leurs résultats?

M. Williams : Comme je l'ai dit, nous nous dirigeons vers l'inscription dans une liste de tous les essais cliniques dans le monde. Entre parenthèses, je dois vous dire que je n'accepte pas toujours ce que je lis dans ce journal, et que nous lui faisons part de nos commentaires.

Il y a des enjeux propriétaux, et nous devons faire preuve de prudence dans la course à la transparence. Nous devrions nous assurer que les gens peuvent obtenir les bons renseignements au bon moment, et ce, facilement. Bien qu'il y ait des éléments du processus de divulgation qui soient propriétaux, nous publions les résultats.

Je ne considère pas que cela constitue le problème que certains détracteurs y voient. Nous avons fait connaître publiquement cette position.

Le sénateur Seidman : Les États-Unis et l'Europe n'exigent-ils pas déjà l'enregistrement et la divulgation des données des essais cliniques, ainsi que beaucoup d'audiences publiques? J'essaie de bien comprendre ce que pourraient être les problèmes.

M. Williams : Certains de ces renseignements sont publiés. Comme je l'ai dit, nous avons maintenant un site web qui présente une liste transfrontalière.

M. Hughes : Vous avez raison; l'Europe et les États-Unis exigent la publication des résultats. Nous le faisons dans le cadre de notre accord déontologique qui est harmonisé à l'énoncé des trois Conseils et l'engagement de nos collègues à la FIIM. Vous pouvez le légiférer, cela existe déjà. Quiconque veut trouver les essais peut y accéder.

Le président : J'aimerais faire un lien direct avec la question du sénateur Seidman. Vous parlez de données qui seraient produites dans un essai européen, par exemple, pour lequel la publication est requise, et vous mettez cela dans votre site web.

Que se passe-t-il s'il y a un essai clinique canadien du même médicament qui mène à la collecte et à l'observation de données? Il se peut qu'un sous-segment de la population atteint ici soit différent des autres. Pour donner suite à la question du sénateur Seidman, êtes-vous obligés de présenter cela dans le site?

M. Williams : À ma connaissance, la réponse est oui. Si je me trompe, je vous reviendrai là-dessus.

Le sénateur Seidman : Merci, monsieur le président.

M. Williams : Je m'assurerai que mes renseignements sont solides.

Mme Arora : Quand nous menons des essais à l'échelle mondiale, nous ne faisons pas vraiment de distinction entre les pays en ce qui concerne les niveaux de leurs normes. Il est plus facile pour nous de créer des processus qui respectent une seule norme, et cette norme doit être la plus rigoureuse. Quand un pays impose des exigences supplémentaires très précises, nous les respectons aussi. Dans une perspective mondiale, nous mettons l'information dans un site mondial où elle est à la disposition de tout le monde.

Le sénateur Seidman : Merci.

Le président : J'aimerais revenir à la question des médicaments orphelins qui a été soulevée. Je veux mieux comprendre la réponse qui nous a été donnée.

Le Canada reconnaît-il adéquatement les données produites dans des essais cliniques menés dans d'autres pays en ce qui concerne l'approbation de l'utilisation d'un tel médicament au Canada?

Pendant que vous y pensez, on a laissé entendre, dans la réponse à la question sur les médicaments orphelins, que le fait qu'un médicament a été bien testé dans le cadre d'un processus d'essai dans un autre pays ne mène pas forcément à l'approbation de son utilisation au Canada.

Pouvez-vous répondre à tout cela?

M. Brenders : Pour ce qui est de la reconnaissance des données, quand on lui soumet une demande concernant un produit orphelin, la direction des produits biologiques de Santé Canada est très bonne pour ce qui est de comprendre et d'interpréter les données aux fins de l'enregistrement. Je ne crois pas que vous serez confrontés à des problèmes à ce niveau. La direction travaille bien, et elle comprend ce qui se passe dans les autres pays.

Mais pour ce qui est de bénéficier des résultats obtenus ailleurs et de s'en servir pour appuyer le traitement des dossiers de médicaments orphelins plus rapidement que d'autres, ou établir des examens prioritaires automatiques et d'autres mesures, comme cela se fait dans d'autres pays, non, le Canada ne le fait pas.

Surtout dans le cas des maladies orphelines, les essais doivent se faire à l'échelle mondiale; il n'y a qu'une poignée de patients dans le monde qui sont disponibles pour cela. Ce sont donc des essais limités. Ils seront présentés, mais il n'y a pas d'encouragement, d'incitatif, ni de processus créatif visant à faire entrer ces dossiers au Canada. Par conséquent, le Canada devient un marché très tardif, de fin de file, pour la présentation de ces médicaments. Ce qui ne veut pas dire qu'une société ne pourrait pas les rendre disponibles en vertu du Programme d'accès spécial.

La direction reconnaît les données; c'est un groupe compétent qui comprend cela. Il y a des produits orphelins qui sont approuvés au Canada.

Je ne pense pas qu'il y ait des plaintes à ce sujet. Mais quand il est question d'un produit qui pourrait traiter trois patients au Canada, disons, comment justifier faire une demande dont tout le processus coûte un demi-million de dollars quand il est beaucoup plus facile de rendre ce produit accessible par le truchement du Programme d'accès spécial?

La question fondamentale se situe non pas au niveau des essais ou de l'enregistrement, mais par la suite, sur le marché. Étant donné que les produits orphelins n'ont pas été reconnus comme étant uniques et qu'ils sont traités comme n'importe quel médicament courant, la pénétration du marché au Canada est lamentable, c'est le moins qu'on puisse dire.

M. Williams : Pour ajouter à ce que M. Brenders a dit, il n'est pas réaliste de s'attendre à ce que Santé Canada puisse avoir la même production que la FDA. Celle-ci est 10 fois plus grosse, et pourtant nous étudions les mêmes données scientifiques et les mêmes molécules.

On a commencé à coordonner certaines de ces activités. En fin de compte, la décision doit être souveraine. Je crois que ce que Mme Arora a dit est important. Il ne faut pas oublier les patients. En ce qui concerne le processus d'approbation, nous avons presque au Canada, depuis une ou deux décennies, l'attitude que « c'est bien d'être les derniers ». Si vous me permettez une analogie avec le hockey, il a été dit que si Santé Canada bâtissait une équipe, il ne choisirait que des gardiens de but. Mais c'est le passé, et il ne mérite pas cela maintenant, parce qu'il essaie d'améliorer et de coordonner tout cela. Il n'est pas logique de répéter continuellement la même analyse partout dans le monde.

Le président : Vous nous laissez sur toute une image. Je vais vous demander à tous deux de bien vouloir assurer un suivi et nous transmettre un sommaire de ces préoccupations. Monsieur Brenders, vous avez tout expliqué très clairement, mais nous vous serions reconnaissants de nous fournir ce résumé. Cette question est importante pour nous, et nous aimerions avoir une version très claire de ces aspects.

M. Brenders : J'aimerais ajouter un autre élément de contexte qui se rapporte aux essais cliniques. Je trouve que Mme Arora l'a bien dit. Les sociétés sont très soucieuses des patients qu'elles enrôlent dans leurs essais cliniques, et elles veulent en prendre soin. Cependant, après les essais et une fois le produit approuvé et disponible, on s'attend souvent à ce que, en fin de compte, les patients retournent dans le système normal. Or, dans le cas des maladies orphelines, ce n'est pas ce qui se produit, parce que l'accès sur le marché est très difficile.

Par conséquent, toute société qui souhaite mener des essais cliniques pour une maladie orpheline ici doit vraiment y penser à deux fois. Elle pourrait se trouver à soutenir ce patient au Canada pour la vie, dans un contexte de maladie chronique. Ce n'est pas une chose qui améliore notre position concurrentielle.

Qu'est-ce qui aiderait le Canada? Élaborer un processus qui encourage et appuie les essais cliniques et la recherche dans le domaine des maladies orphelines...

Le président : Nous passons beaucoup de temps sur le sujet, et il y a d'autres questions. Vous nous avez donné une bonne description, et vous y ajoutez autre chose. Ce que je vous demande, c'est de nous présenter cela par écrit de sorte que ce soit très clair. Et si M. Williams est disposé à complémenter votre travail, nous l'apprécierons. Cette question est importante pour nous, monsieur Brenders, et nous apprécierions beaucoup ce sommaire détaillé, y compris maintenant les renseignements supplémentaires que vous alliez nous donner.

M. Brenders : Bon. Je le ferai avec plaisir.

Le président : Je reviens à M. Williams, au sujet du document que vous nous avez soumis en préparation de la séance, et que nous avons lu. Vous citez un certain nombre de recommandations pour votre plan d'action. Les leçons de la vie nous ont appris qu'il doit y avoir un certain leadership ou quelqu'un aux commandes pour que les actions passent du plan à la réalité. Je ne vois pas dans ce document que vous avez attribué ce rôle. Je pourrais en déduire que vous voyez peut-être un certain rôle pour le gouvernement. Le cas échéant, quel serait le ministère qui devrait prendre les commandes?

Il est possible que je me trompe entièrement. Pouvez-vous me dire quelle était votre intention en présentant ce document, et qui sera le moteur de l'implantation de ce plan d'action?

M. Williams : J'espérais que vous vous porteriez volontaire. Je demanderai au Dr Hughes d'en parler plus en détail.

Vous avez tout à fait raison : c'est une démarche pluridisciplinaire. Il se peut qu'un de nos problèmes soit l'absence d'un leadership bien défini. Nous avons une responsabilité, les gouvernements ont une responsabilité, les universitaires ont une responsabilité, et nous tournons en rond.

Je crois que le gouvernement fédéral peut avoir un rôle de rassembleur, de coordonnateur et d'instigateur dans ce contexte. Mais en fin de compte, les gens doivent assumer leurs responsabilités.

Dans le document, nous avons essayé de déterminer les secteurs qui le font. Vous avez raison : il n'y a pas de chef de file.

M. Hughes : Le plan d'action concernant les essais cliniques relève clairement de la stratégie de recherche axée sur le patient dont le Dr Beaudet a parlé dans son témoignage. Les IRSC, Rx&D et l'ACISU travaillent ensemble à l'aspect pratique de la mise en œuvre de ce plan. Il y a un comité directeur de la SRAP dont cela relève et avec lequel nous traitons tous, et il est le moteur de cette initiative. Il s'agit vraiment d'une équipe tripartite pluridisciplinaire qui fait avancer les choses.

Le gouvernement fédéral pourrait contribuer en créant l'environnement susceptible de nous aider à faire avancer les choses quand nous avons besoin de cette aide. Comme l'a si bien dit le Dr Beaudet, l'industrie, les hôpitaux et le monde universitaire s'accordent très bien dans leur intention de faire progresser ce dossier.

Le président : Vous avez donc une idée de qui est à la tête dans ce dossier?

M. Hughes : Absolument. Il y a un groupe de gestion, un comité directeur issu des trois groupes.

Le président : Merci beaucoup. Il y a beaucoup dans cela et, comme je l'ai mentionné, je ne l'ai pas décelé dans le document.

À la page 24, vous parlez de la transition vers un modèle d'entente d'essais cliniques, ce qui est aussi mentionné à d'autres endroits. Vous avez également indiqué espérer que l'examen et l'étude seraient terminés avant le 31 mars de cette année; or, rien encore n'a été publié ou diffusé. Y a-t-il des constatations que vous pourriez nous mentionner maintenant?

M. Hughes : Les données sont en cours de compilation et d'analyse. Je peux vous dire qu'effectivement, comme on s'y attendait, les choses sont complexes et il y a des difficultés que nous devons régler. C'est un des gros problèmes sur lesquels nous devons nous pencher ensemble.

Il y a aussi le fait que tout le monde a un avocat, et que chaque avocat aime changer les choses. C'est le contexte dans lequel nous sommes en train de mettre la dernière touche à ce qui sera le document commun d'entente d'essais cliniques.

Oui, les données ont été recueillies et sont en train d'être analysées.

M. Williams : À ce sujet, je ne sais pas si quelqu'un peut nous fixer une date limite à laquelle nous devrons nous être entendus, parce que ce va-et-vient pourrait se prolonger indéfiniment.

Le président : Je ne demandais pas une échéance, je voulais savoir s'il y avait déjà des constatations. La question d'une entente normalisée et d'exigences de comité d'éthique normalisées a été soulevée de plusieurs façons — et vous avez décrit cela ici. Il s'agit d'un seul comité d'éthique national, ou à tout le moins d'une démarche normalisée de sorte que les données que vous élaborez aux fins de la demande d'approbation par le comité d'éthique soient le même document que vous soumettriez même s'il y avait une demi-douzaine ou une douzaine de comités d'éthique différents, parce qu'ils exigeront tous les mêmes renseignements plutôt que chacun sa propre série d'exigences en matière de données.

M. Williams : Absolument. Nous ne pourrons pas rendre obligatoire l'utilisation d'une seule entente, mais nous pouvons la formuler à partir de bonnes consultations, de sorte qu'il soit logique de l'utiliser. Par la suite, son utilisation se répandra, ce qui en facilitera l'adoption. Si cela a fonctionné dans d'autres pays, cela peut fonctionner ici.

Le président : Merci. Un autre point a été soulevé aujourd'hui, et il est soulevé à presque toutes les séances : c'est celui de ce que j'appelle les groupes sous-représentés dans les essais cliniques. Aujourd'hui, il a été question des enfants et des femmes enceintes. Il y a aussi les personnes âgées, parce que le corps des aînés ne réagit pas de la même façon que celui des personnes d'âge moyen.

Je ne vous demande pas de parler davantage de cela aujourd'hui. En revanche, je vous demande de penser au défi que vous et les systèmes de soins de santé devez relever pour ce qui est de déterminer les réactions de ces groupes aux médicaments qui sont approuvés pour usage général.

Nous n'aborderons pas ce sujet aujourd'hui, mais nous sommes bien conscients du fait qu'une fois qu'un médicament est approuvé, il est approuvé. Ensuite, il est administré à des groupes pour lesquels aucun essai clinique n'a été fait. Je suis sûr que c'est une question à laquelle vos industries ont été confrontées à plusieurs reprises.

Si vous pouvez proposer des façons dont ces médicaments pourraient être testés auprès de ces groupes précis — enfants, femmes enceintes et aînés —, nous vous saurions gré de nous en faire part après la séance.

Mme Arora a une réponse à donner, et elle sera consignée dans le compte rendu, mais je vous demande aussi à tous de donner suite à la question.

Mme Arora : J'aimerais plaider une fois de plus en faveur d'un registre national ou d'une base de données nationale. Si nous pouvions consigner dans un tel outil les renseignements appropriés, nous aurions des données réelles. Nous avons déjà beaucoup de difficulté à attirer les patients dans les essais cliniques pour un éventail de raisons, mais en ce qui concerne les populations de patients très précises, c'est encore plus difficile.

Si nous pouvions recueillir ces renseignements, ils pourraient être accessibles à tout le monde, aux médecins et au gouvernement, ce qui permettrait de dire « nous pensions que c'est ça qui arriverait et ce n'est pas arrivé » ou « les enfants n'y réagissent pas comme prévu ».

Le président : C'est important sur deux plans. Nous traiterons délibérément des points que vous soulevez dans le cadre d'une étude future, mais je parle maintenant d'obtenir ces renseignements avant qu'ils ne soient diffusés.

Vous trouverez ici un public convaincu en ce qui concerne le dossier médical électronique. Nous avons déjà affirmé dans notre récent rapport à quel point c'est important, et la question des données pharmaceutiques et d'autres questions encore ont été soulevées dans le cadre de cette étude.

Ma question est d'ordre général; j'aimerais savoir où nous en sommes dans la possibilité de déterminer tôt les sous- segments de la population susceptibles de réagir négativement à un médicament qui pourrait être énormément bénéfique pour le reste de la population.

Au cours des 40 dernières années, il y a eu de nombreux exemples. Plus récemment, il a eu le cas de la fameuse catégorie de médicaments Vioxx, où la réaction d'un sous-segment de sous-segment de la population a fait en sorte qu'un médicament qui compte probablement parmi les plus bénéfiques a été retiré du marché, et que le reste de la population en est privé.

Entrevoyez-vous à l'avenir que le concept des médicaments personnalisés et les capacités d'analyse génétique pourront entrer en jeu tôt dans les essais, afin que les produits pharmaceutiques puissent avoir des effets bénéfiques supérieurs pour la population?

M. Brenders : Nous le constatons aujourd'hui. Nous voyons par exemple des produits orphelins. Il y a au Canada des sociétés précommerciales qui étudient des choses comme la maladie d'Alzheimer mais qui, au lieu de se concentrer sur sa manifestation la plus répandue, ont été capables de déterminer des sous-segments de cette population qui se distinguent particulièrement. Nous commençons à constater que les maladies générales ne sont pas si communes. En menant les tests génétiques, nous trouvons le marqueur pour ce secteur et nous commençons à incorporer des diagnostics associés. Nous avons au Canada des sociétés qui travaillent aux diagnostics associés. C'est l'avenir. Il est avantageux de mener ces recherches parce que, quand on peut identifier les sujets bons répondeurs ou éliminer les sujets non répondeurs, l'essai est plus rentable.

À l'heure actuelle, les investissements se font au stade précommercial. Le capital de risque va aux sociétés dont la thérapie est beaucoup plus ciblée. Comment isoler et identifier les sujets bons répondeurs et les sujets non répondeurs, ou ceux qui ont des réactions indésirables? Une bonne partie de ces recherches se fait présentement, et les résultats seront partie intégrante de l'orientation des traitements. Il y a déjà des exemples sur le marché. C'est vraiment l'avant- garde.

Mme Arora : Je voudrais confirmer que c'est le cas. Plusieurs de nos produits chez Roche sont de la catégorie des thérapies personnalisées. Le médicament contre le mélanome dont je vous parlais relève de la thérapie personnalisée, c'est-à-dire que le diagnostic et le traitement ont été approuvés en même temps.

Roche s'est engagée à ce que, d'ici 2020, 50 p. 100 de tous ses médicaments incorporeront un élément de thérapie personnalisée. Dans les domaines comme les maladies mentales, où les patients doivent prendre un médicament pendant une longue période avant qu'on sache s'il fonctionne, il est absolument crucial qu'on sache dès le départ si le patient bénéficiera de ce type de médicament.

Dr Ward-Able : La détermination des biomarqueurs qui pourraient nous dire quelles sont les meilleures populations s'apparente au développement d'un médicament. C'est de la recherche translationnelle. Il faut identifier le marqueur comme étant un marqueur possible, puis tester l'hypothèse. Ainsi, on fragmente les maladies en maladies multiples, et cela deviendra extrêmement complexe. C'est mon opinion.

Comme ce que Roche a fait, nous en avons découvert un, par un heureux hasard, avec un de nos produits contre le cancer colono-rectal, qui peut dire à des patients que le médicament ne les aidera pas et, en fait, pourrait leur faire du mal, et dire à d'autres patients que leurs probabilités de réaction positive sont bonnes. C'est merveilleux, parce que c'est simple et précis.

Malheureusement, ce n'est pas le cas de toutes les maladies et, malheureusement, il y a des dizaines et des centaines de gènes différents. C'est là où la base de données électronique pourrait aider. Plus on dispose de données, mieux on peut les analyser et analyser les résultats.

Le président : Deux sénateurs ont d'autres questions. Je vais les inviter à les poser et, si le temps le permet, je reviendrai à celle du sénateur Seth. Je veux que ces questions soient consignées dans le compte rendu. Ainsi, vous pourrez faire le suivi approprié, même s'il ne reste plus assez de temps pour que vous y répondiez.

Le sénateur Seth : Merci d'être parmi nous. Je suis désolée d'être arrivée tard et d'avoir raté la majeure partie de vos discussions.

Vous avez parlé de données électroniques. Je suis médecin et, tous les ans, nous entendons dire que les dossiers médicaux électroniques s'en viennent, mais ils sont toujours retardés. Quand seront-ils mis en œuvre?

Je sais qu'il y a un plan d'action et que vous avez dit que nous sommes très lents au Canada. Oui, dans ma pratique, je vois qu'il y a des médicaments qui sont utilisés dans d'autres pays et que nous n'avons pas encore au Canada. Peut- être que le travail que vous avez fait à l'échelle mondiale accélérera leur utilisation ici.

Une chose m'intrigue au sujet des essais cliniques. Dans vos essais, mesurez-vous les effets indésirables à long terme? Il est important que nous le sachions. Si un médicament est déjà sur le marché et que nous n'en connaissons pas les effets indésirables à long terme, il est important pour nous de faire un suivi auprès des patients. Cela nous cause des problèmes.

Le sénateur Eggleton : J'ai deux questions de suivi. L'une porte sur la transparence. Vous avez déjà répondu à quelques questions à ce sujet. L'Union européenne et les États-Unis ont rendu obligatoire la divulgation des renseignements. Il est proposé maintenant que le Canada fasse de même.

Vous répondez que nous n'avons pas besoin de le faire parce que vous fournissez déjà tous ces renseignements. Cependant, il arrive que rendre une chose obligatoire augmente le degré de confiance de la part du public. Avez-vous des objections à ce que nous fassions la même chose que l'Union européenne et les États-Unis?

M. Brenders : Proposez-vous de créer une base de données canadienne, ou affirmez-vous que la publication de ces renseignements est suffisante? Demandez-vous la répétition du travail ou une reconnaissance du travail?

Le sénateur Eggleton : Font-ils le travail en double? L'Union européenne a un régime et les États-Unis en ont un autre. Sont-ils différents ou y a-t-il chevauchement?

Le président : Monsieur Brenders, je n'ai pas compris votre réponse et j'aimerais que vous fassiez le suivi. Je crois que vous essayiez de comprendre la question.

M. Brenders : J'essaie de comprendre la question.

Le président : Je l'interprète en me fondant sur le sens des questions qui ont été posées à ce sujet. Prenons un essai clinique au Canada; existe-t-il une obligation de l'inscrire publiquement quelque part? Je crois bien que c'est la question. Vous l'avez expliqué clairement pour ce qui est de l'Europe, entre autres. Sénateur Eggleton, avez-vous une autre question?

Le sénateur Eggleton : Dois-je comprendre que la réponse est qu'il n'y a pas de problème?

Le président : Non, je vais leur demander un suivi écrit, car le temps presse.

Le sénateur Eggleton : Très bien.

Le président : Je veux que nous obtenions un sommaire clair. Manifestement, la façon dont les questions ont été posées et dont on leur a répondu a compliqué les choses.

Voici ce que nous voulons savoir : Y a-t-il une exigence d'enregistrer les données des essais cliniques menés au Canada et de les rendre accessibles publiquement? Nous avons clairement entendu ce que vous faites à l'échelle mondiale. Nous voulons maintenant savoir ce qu'il en est pour les essais cliniques menés au Canada.

Le sénateur Eggleton : Ma deuxième question porte sur la médecine personnalisée. La cadre réglementaire des essais cliniques relève actuellement de Santé Canada. Que faudrait-il changer pour faciliter la médecine personnalisée? À quel point le système actuel est-il adaptable à cela? Avez-vous fait des représentations auprès de cet organisme à ce sujet?

Le président : Vous avez ces questions. La greffière se chargera du suivi. Si vous pouvez comprendre toutes les questions, nous apprécierions vos réponses. En particulier, nous aimerions des éclaircissements sur la question des données recueillies dans le cadre des essais au Canada en ce qui concerne l'enregistrement des essais et la diffusion des renseignements soit en vertu d'une exigence, soit par le truchement de votre processus automatique dans vos sites web mondiaux.

Sur ce, je vous remercie de votre présence à cette séance. Vos exposés étaient très pertinents, ce que nous apprécions autant que la franchise de vos réponses. Nous aimerions que vous donniez suite à certains points précis parce que vos connaissances dans ces domaines nous sont extrêmement utiles. Je suppose instinctivement que ces questions sont un défi pour vous, surtout celles qui sont associées aux populations sous-représentées.

Au nom du comité, je vous remercie de votre présence aujourd'hui.

(La séance est levée.)


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