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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 16 - Témoignages du 10 mai 2012


OTTAWA, le jeudi 10 mai 2012

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 29, pour faire une étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie et je suis un sénateur de Nouvelle-Écosse. Je vais demander à mes collègues de se présenter en commençant par ma droite.

[Français]

Le sénateur Verner : Josée Verner, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Seidman : Judith Seidman, de Montréal, Québec.

Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

[Français]

Le sénateur Demers : Jacques Demers, sénateur du Québec.

Le sénateur Poirier : Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Martin : Yonah Martin, de Colombie-Britannique. Bienvenue.

Le sénateur Cordy : Jane Cordy, de l'Atlantique moi aussi, de Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Callbeck : Catherine Callbeck, de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, de Toronto, vice-président du comité.

Le président : Merci, chers collègues. Je souhaite la bienvenue aux témoins. Nous allons poursuivre l'étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada et plus particulièrement sur les essais cliniques. Je vais vous présenter à tour de rôle, quand je vous demanderai de présenter votre exposé. Je vais commencer par la gauche, ce qui veut dire que Mme Silversides va parler la première.

Ann Silversides, journaliste indépendante, Politiques de la santé.

Ann Silversides, journaliste indépendante, Politiques de la santé, à titre personnel : Pour commencer, j'aimerais remercier le comité de m'avoir invitée à présenter un exposé sur ce sujet important. En tant que journaliste, j'ai fait des recherches et j'ai beaucoup écrit au fil des années au sujet des essais cliniques, en particulier pour le Journal de l'Association médicale canadienne, mais également pour le Conseil canadien de la santé, le BMJ et d'autres publications.

Je pense que j'ai une perspective valable, étant donné que je suis une observatrice curieuse sur le plan professionnel, que j'ai lu beaucoup et que j'ai fait des entrevues avec une grande variété de personnes. En tant que journaliste, je me suis efforcée d'examiner les intérêts des citoyens canadiens et de braquer les projecteurs sur les organismes du secteur public et les sociétés privées afin de les encourager à mieux servir l'intérêt public.

Cela étant dit, cela fait plusieurs années que j'ai écrit de longues études sur les divers aspects des essais cliniques pour le JAMC — toute une série d'articles — aussi, mes observations seront de nature générale, mais néanmoins utiles, je l'espère.

Cependant, pour me préparer au présent témoignage, j'ai fait un peu de rattrapage et j'ai lu notamment les transcriptions des délibérations du comité. Il me semble que les choses n'ont pas beaucoup changé, tout au moins pour les aspects que j'ai étudiés et mis en valeur dans mes articles.

Afin d'établir le contexte, je pense qu'il est utile de souligner certains éléments, même s'ils peuvent paraître évidents. On continue à réclamer de plus nombreux essais cliniques au Canada ou tout au moins à maintenir les activités actuelles dans ce domaine. Les raisons invoquées sont les avantages économiques — ces activités occasionnent des apports de capitaux et soutiennent une main-d'oeuvre qualifiée, ainsi que diverses entreprises commerciales, organismes de recherche à contrat, et cetera, qui ont vu le jour pour offrir leurs services au secteur des essais cliniques au Canada.

Cette promotion est conforme à la tendance, en grande partie incontestée, selon moi, vers la commercialisation de la recherche au Canada.

Il demeure que la grande majorité des essais cliniques sont financés par l'industrie — 80 p. 100 selon un article datant de 2008 — et les organismes subventionnaires, le principal étant les IRSC, ne financent toujours pas beaucoup les essais lancés à l'initiative des chercheurs. Seulement une faible portion de leur budget est consacrée au financement des essais cliniques — moins de 4 p. 100.

La plupart des essais cliniques se déroulent dans des centres universitaires et visent souvent à faire approuver des succédanés, ne faisant par conséquent pas beaucoup avancer la science ou l'arsenal thérapeutique.

Généralement, les essais cliniques parrainés par l'industrie comparent un médicament à un placebo. Les essais ouverts qui permettent de comparer deux médicaments — et de fournir ainsi des renseignements utiles sur leurs avantages respectifs en matière d'efficacité et de sécurité — demeurent rares. Je suppose que les compagnies pharmaceutiques ne sont pas intéressées à participer à de tels essais et que le financement public de tels ECR est coûteux.

Bien entendu, il y a des points positifs. Je crois que vous avez entendu parler du Canadian Stroke Consortium qui regroupe des médecins chercheurs qui ont pour tâche d'évaluer les protocoles d'essai soumis par les compagnies pharmaceutiques afin de décider si l'essai mérite d'être approuvé avec des changements ou doit être rejeté.

En revanche, l'absence de divulgation des résultats des essais continue d'être un gros problème, comme vous le savez certainement, compte tenu des malades qui ont couru des risques et ont souffert en raison de la suppression des résultats d'essais, par exemple dans le cas de la prescription généralisée des inhibiteurs spécifiques du recaptage de la sérotonine, en particulier chez les adolescents.

La FDA et maintenant l'Agence européenne des médicaments, à la suite d'une décision récente, dépassent de loin Santé Canada pour ce qui est de rendre publiques les informations concernant les essais de médicaments.

Santé Canada a régulièrement été rappelée à l'ordre, notamment par un comité parlementaire composé de membres de tous les partis, pour avoir privilégié les intérêts commerciaux des compagnies pharmaceutiques, au détriment du bien-être des patients. Vous savez probablement que l'Association canadienne des journalistes a décerné à Santé Canada son prix annuel de Loi du silence à quatre reprises, en raison de ses lacunes en matière de divulgation des résultats.

Les compagnies pharmaceutiques et biotechnologiques « fabriquent des médicaments et des appareils dans un but lucratif. Cela peut entrer en conflit avec le devoir d'intégrité scientifique des chercheurs et l'obligation qui leur est faite de veiller au bien-être des participants ». Ce n'est pas moi qui le dis; c'est une citation de la version préliminaire de la deuxième édition de L'énoncé de politique des trois Conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains. Je dois avouer que je n'ai pas encore lu la version finale de ce document.

Malgré le scepticisme croissant entourant l'industrie pharmaceutique, je suppose que le grand public continue de penser que les essais cliniques permettent d'augmenter les connaissances et d'améliorer les soins aux patients et que les personnes qui y participent sont animées par des motifs altruistes.

Ces suppositions ont été sérieusement remises en question par des révélations concernant la suppression de certains résultats d'essais cliniques. Je me souviens que la généticienne Patricia Baird de UBC m'avait dit au cours d'une entrevue qu'à la suite de ces révélations et compte tenu des pratiques actuelles, elle craignait que le contrat social qui autorise la réalisation de recherches sur des sujets humains soit remis en question.

Les motifs qui poussent certaines personnes à participer à des essais cliniques sont variés et différents selon la phase de l'essai. Par exemple, on recrute des volontaires pour la phase I d'essais de médicaments testés pour la première fois chez l'humain parmi la population étudiante et pauvre, grâce à des publicités dans les transports en commun et sur la dernière page des journaux gratuits. Le principal attrait de la participation est le fait d'être payé. Il y a ici un risque évident d'exploitation. Les personnes qui participent à la phase IV, celle des essais réalisés après la mise des médicaments sur le marché, cherchent essentiellement à obtenir un médicament qu'elles n'auraient peut-être pas les moyens de se payer, étant donné qu'il a déjà été approuvé.

Que savons-nous de ce que vivent les personnes qui participent à des essais? La protection des participants aux recherches est source d'inquiétude et de controverse au Canada depuis des années et des années. Dès 2004, Santé Canada était en mesure de me dire que les essais parrainés par l'industrie s'élevaient à 86 p. 100, mais le ministère était incapable de me dire où ces essais avaient eu lieu et encore moins combien de personnes y avaient participé. Je pense qu'aujourd'hui ces informations sont tout aussi rares.

Vous connaissez sans doute la fameuse déclaration de Michael McDonald, professeur à UBC, auteur du célèbre rapport de la Commission du droit sur la recherche impliquant des humains. Il a déclaré qu'au Canada, nous en savons plus sur les essais impliquant des animaux que sur les essais faisant appel à des humains. Je soupçonne que ce soit toujours le cas.

J'ai été intéressée d'apprendre que certains participants potentiels à des essais cliniques refusent de participer tant qu'ils n'ont pas reçu des garanties écrites que les résultats des essais seront publiés dans un certain délai. Je suppose malgré tout que c'est plutôt rare.

Je vais vous citer un article que j'ai écrit il y a quelques années :

« De nombreuses études ont démontré l'existence de la tendance chez les patients qui participent à des essais à avoir des préjugés optimistes et des idées fausses sur le plan thérapeutique. Par exemple, on a découvert que de nombreux patients ne connaissaient pas les conséquences de la randomisation. D'autres pensent que les chercheurs prendront des décisions en fonction du traitement susceptible de donner les meilleurs résultats pour les patients, plutôt que dans l'intérêt du projet de recherche. »

J'aimerais terminer en disant que les récentes compressions fédérales, dont ont été victimes les groupes du secteur de la santé tels que le Réseau canadien pour la santé des femmes, auront un effet négatif sur la diffusion des informations concernant entre autres la sécurité des patients et les essais cliniques. Le Réseau pour la santé des femmes réclame des lignes directrices claires pour l'inclusion des femmes dans les essais cliniques et pour la divulgation des résultats.

C'est grâce à une modeste bourse du Réseau pour la santé des femmes que j'ai pu réaliser une recherche et rédiger un rapport sur la transparence et le processus d'approbation des médicaments à Santé Canada, document qui est devenu un chapitre dans l'ouvrage intitulé The Push to Prescribe Women & Canadian Drug Policy. Merci.

Le président : Je vais maintenant donner la parole à Trudo Lemmens, Chaire Scholl en droit et politique de la santé, Faculté de droit, Université de Toronto.

[Français]

Trudo Lemmens, chair Scholl en droit et politique de la santé, Faculté du droit, Université de Toronto, à titre personnel : Je suis honoré d'être invité à témoigner sur ce sujet très important.

[Traduction]

De bons soins de santé ne peuvent exister sans des données fiables. La sécurité et l'efficacité des produits sont difficiles à établir dans le contexte contrôlé des essais cliniques. L'analyse et l'interprétation des données sont complexes. Il est essentiel de disposer de meilleurs comptes rendus sur les événements indésirables et d'analyses indépendantes après l'entrée sur le marché, mais l'accès aux données résultant des essais cliniques produites par l'industrie et souvent cachées, ainsi que leur analyse, sont cruciaux pour combattre les obstacles graves à la santé publique découlant de la prescription excessive et de la surconsommation de produits pharmaceutiques. Dans une lettre envoyée récemment à PLoS Medicine, un journal médical de premier plan, les dirigeants de plusieurs organismes de réglementation des médicaments en Europe ont réclamé une plus grande transparence.

Les déclarations inexactes, les manipulations subtiles ou la simple absence de disponibilité d'importantes données sur l'efficacité et la sécurité sont associées aux pratiques publicitaires problématiques. Il n'est pas exagéré de dire que ces pratiques ont eu des conséquences sur la santé de centaines de milliers de personnes. On oublie souvent de mentionner que le manque de fiabilité des données a également d'énormes conséquences sur les coûts. Il faut tenir compte non seulement du coût des soins accordés aux personnes touchées, mais également du gaspillage d'argent. Par exemple, un récent article publié dans PLoS Medicine a soulevé des doutes au sujet de la synthèse des données produites par l'industrie sur laquelle se sont fondées les décisions prises par l'organisme de santé publique de faire des réserves de Tamiflu en prévision de la pandémie de grippe.

Les chercheurs n'ont pas pu avoir accès à l'ensemble des données sur lesquelles la compagnie Roche appuyait ses prétentions, mais ils ont souligné qu'il existait des raisons de douter de ces prétentions, l'une d'entre elles étant que la FDA ne partageait pas le point de vue de la compagnie, l'autre étant que certains événements indésirables avaient été minimisés dans les études publiées. Les réserves de médicaments ont coûté des milliards de dollars. Je citerai uniquement les chiffres concernant les États-Unis, à savoir 1,5 milliard de dollars pour les États-Unis uniquement. Doshi et ses collègues commentent avec un certain cynisme que « si l'on en croit la FDS, l'efficacité du médicament n'est guère supérieure à celle de l'aspirine ».

Notre système de réglementation des médicaments repose en grande partie sur l'industrie pour la production, l'analyse et la distribution de données importantes sur la sécurité et l'efficacité. C'est un facteur important. Il serait judicieux de faire une distinction entre ceux qui ont un intérêt dans les résultats des données et ceux qui les produisent. Les gouvernements devraient contrôler plus directement la conception, le déroulement, l'analyse et le compte rendu des essais cliniques. Pour cela, il faudrait réorganiser le système et modifier l'obligation de compte rendu et les relations contractuelles entre l'industrie pharmaceutique et ceux qui réalisent les essais. Cela ne peut se faire du jour au lendemain.

Par contre, d'autres mesures pourraient s'appliquer immédiatement. Par exemple, la transparence complète des données provenant des essais cliniques encouragera des échanges et des débats entre la communauté scientifique, les organismes de réglementation, les organismes qui financent les soins de santé, les défenseurs des patients et l'industrie, et pourrait contribuer à réduire l'utilisation des données comme outils de marketing. En outre, cela permettrait aux organismes chargés de la réglementation pharmaceutique, aux sujets de la recherche et aux comités d'éthique de la recherche de savoir quels sont les essais cliniques qui ont déjà été entrepris, permettant ainsi de réduire la redondance des essais inutiles qui exposent les sujets de recherche à des risques potentiels. Enfin, cela permettrait aux chercheurs de détecter beaucoup plus tôt les problèmes liés à certains médicaments. Il existe plusieurs exemples où l'accès précoce à de petits essais cliniques aurait pu alerter les chercheurs au sujet de certains problèmes graves et aurait pu contribuer à éviter des milliers de blessures et de morts prématurées. Je pourrais vous parler de certains de ces exemples. J'ai apporté des documents à ce sujet.

L'importance de la transparence des données découlant des essais cliniques est reconnue de manière internationale. En 2004, l'Organisation mondiale de la Santé a réclamé l'enregistrement prospectif mondial des essais cliniques et a mis sur pied un registre international des essais cliniques afin de faciliter le partage mondial des données. Des organismes internationaux imposent désormais l'enregistrement des essais et le compte rendu des résultats dans le cadre des exigences en matière d'éthique de recherche. C'est le cas notamment de la Déclaration d'Helsinki de l'Association médicale mondiale, ou des exigences préalables à la publication dans les revues médicales. Toutefois, des exigences claires en matière de transparence, des mécanismes de contrôle et d'application sont essentiels, étant donné que nous avons la preuve que la gouvernance modérée ne donne pas de bons résultats. Lorsque les États-Unis ont introduit pour la première fois leurs exigences souples en matière d'enregistrement des essais en rapport avec des maladies graves et constituant un danger de mort, on a constaté que de nombreux essais, réalisés notamment dans l'industrie, n'ont pas été enregistrés ou dûment enregistrés, et que leurs résultats n'ont pas été publiés.

Au Forum ministériel mondial sur la recherche pour la santé qui s'est déroulé en 2008 à Bamako, l'Organisation mondiale de la Santé a demandé aux États d'« élaborer, définir et appliquer les normes, les règlements et les meilleures pratiques afin que les processus de la recherche soient responsables, équitables et transparents, y compris... l'enregistrement des essais cliniques ». Plusieurs pays comme les États-Unis, l'Argentine, le Brésil et l'Union européenne disposent de règlements stricts qui exigent l'enregistrement des essais cliniques et le compte rendu des résultats. En 2007 — il y a donc cinq ans — la U.S. Food and Drug Administration Amendments Act a introduit des pénalités sévères, notamment une pénalité de 10 000 $ par jour et par violation, pour non-enregistrement ou non-publication des résultats des essais de phase II à phase IV des produits pharmaceutiques et du matériel médical. Cela a permis également à de nombreux commentateurs juridiques, dont moi-même, d'affirmer que les accords de commerce international n'empêchent pas le Canada d'offrir un meilleur accès aux données provenant des essais cliniques.

Au Canada, le respect de la Déclaration d'Helsinki est implicitement lié au concept de bonnes pratiques cliniques. Le nouvel Énoncé de politique des trois Conseils de 2011 exige toujours l'enregistrement des essais et le compte rendu des résultats. Cependant, ces deux aspects ne sont pas faciles à appliquer — ils reposent beaucoup sur des comités d'éthique de la recherche qui sont en grande partie surchargés et non réglementés — et ils demeurent vagues sur les exigences en matière d'enregistrement et de compte rendu des résultats. Par exemple, l'EPTC ne lie que les institutions financées par le gouvernement fédéral. Ces initiatives ne seront pas suffisantes pour imposer une exigence de conformité aux compagnies qui sont souvent réticentes à publier leurs essais importants ou les données qui en résultent, en raison d'énormes intérêts financiers.

Par ailleurs, on peut s'inquiéter également des événements intervenus récemment aux Instituts de recherche en santé du Canada. Ma collègue pourra vous parler plus longuement de la suppression en 2011 par les IRSC de leur politique en matière d'enregistrement et de divulgation des résultats des essais contrôlés et non contrôlés. Tout de suite après avoir supprimé cette politique, les IRSC ont réorganisé leur Direction de l'application des connaissances et supprimé le poste d'un des scientifiques qui avait contribué le plus aux initiatives de transparence qui avaient valu aux IRSC les félicitations de la communauté internationale. Tout cela survient à une époque où les IRSC font plus que jamais la promotion des partenariats entre l'industrie et l'université, par exemple dans le cadre de la Stratégie de recherche axée sur le patient et de son programme de recherche en collaboration avec l'industrie. L'application de règles strictes et exécutoires en matière de transparence est essentielle pour la crédibilité et la fiabilité des recherches effectuées par les IRSC en collaboration avec l'industrie. Lorsque les IRSC s'associent à l'industrie pour effectuer des essais cliniques et mettre au point des médicaments, comme ils le font dans le cadre de ses nouvelles initiatives, il est plus indispensable que jamais d'appliquer des règles de fonctionnement extrêmement claires, ainsi que des normes de surveillance et d'application.

En conclusion, le Canada devrait immédiatement suivre l'exemple d'autres pays tels que les États-Unis et le Brésil et mettre en oeuvre des règles strictes de transparence à toutes les recherches en matière de santé. Entre-temps, les IRSC devraient reprendre leur rôle de chefs de file internationaux et réaffirmer plus que jamais l'engagement indéfectible à l'égard de la transparence qui leur a valu une large reconnaissance sur le plan international, engagement auquel adhéraient les scientifiques qui travaillaient antérieurement avec cette organisation. Je vous remercie de votre attention.

Le président : Merci beaucoup.

Je vais maintenant me tourner vers Françoise Baylis, professeure et chaire de recherche du Canada, Faculté de médecine, Université Dalhousie.

Françoise Baylis, professeure et chaire de recherche du Canada, Faculté de médecine, Université Dalhousie, à titre personnel : Merci de m'avoir invitée à venir témoigner aujourd'hui devant le comité.

Comme vous le savez, la recherche médicale est un important bien collectif — je souligne qu'il s'agit bel et bien d'un bien public — et je suis ravie que le comité s'intéresse à cette question. Je suppose que cet intérêt vise à faire en sorte que les chercheurs au Canada contribuent à la production de connaissances médicales socialement utiles.

Dans ma déclaration, je vais traiter brièvement de deux questions distinctes. Tout d'abord, je parlerai rapidement de la question de la transparence et de l'accessibilité des données obtenues au cours d'essais cliniques en soulignant l'absence d'exigences fermes en matière d'enregistrement des essais cliniques. Deuxièmement, je parlerai de l'incapacité du Canada à promouvoir efficacement la recherche faisant appel aux femmes enceintes, population distincte qui est actuellement constamment ignorée sur les étiquettes de produits et qui ne bénéficie pas des avantages d'une médecine factuelle. Par ailleurs, je commenterai brièvement les politiques et pratiques concernant la contraception obligatoire pour les femmes en âge de procréation.

Il est important de faire un bref récapitulatif de ce qui s'est produit dans le secteur de l'enregistrement des essais cliniques. En décembre 2010 a eu lieu la publication de l'Énoncé de politique des trois Conseils, l'EPTC 2. Le 20 décembre, simplement quelques semaines après la publication de l'EPTC 2, les IRSC ont publié la Politique sur l'enregistrement et la divulgation des résultats des essais contrôlés et non contrôlés financés par les IRSC. Cette politique avait pour objectif « d'accroître la transparence et l'accessibilité des essais en améliorant l'enregistrement et la divulgation de leurs résultats ». C'est un objectif important et louable.

Cependant, en mars 2011, soit à peine trois mois plus tard et à la surprise de plusieurs, ce document a été abrogé et, je pense même, carrément détruit. Il est impossible de le trouver sur le site web des IRSC. Ce document n'existe tout simplement plus; il est impossible à trouver, mis à part peut-être pour un exemplaire caché quelque part.

À l'époque, la raison donnée par le vice-président du Portefeuille de l'application des connaissances et sensibilisation des IRSC, M. Ian Graham, était que le chevauchement avec EPTC 2, document publié trois mois plus tôt, porterait à confusion et entraînerait une application incohérente des exigences.

Par la suite, le président des IRSC, Alain Beaudet, a expliqué lui aussi la décision de la même manière, affirmant que ce changement était motivé par la volonté des IRSC d'harmoniser l'ensemble de leurs politiques en matière d'éthique de la recherche sur l'humain et d'intégrer leurs exigences opérationnelles aux programmes pertinents, lorsqu'une telle opération était appropriée et réalisable.

Plus récemment, le 29 mars de cette année, M. Beaudet a déclaré dans son témoignage devant votre comité :

Nous avons décidé que nos politiques — nous en avions une pour les essais, une pour les cellules souches et une pour les Autochtones — devraient être intégrées à la politique unique des trois Conseils. Évidemment, ces politiques ont plus de poids si elles sont intégrées à celle des Conseils que si elles sont simplement locales.

Ces déclarations me laissent perplexe, au moins pour trois raisons différentes. Premièrement, il n'y a pas un seul document de référence au Canada sur la recherche avec des humains. En 2010, lorsque l'EPTC 2 a été approuvé par les trois organismes fédéraux de subvention à la recherche, les IRSC ont annoncé que les lignes directrices des IRSC pour la recherche en santé chez les peuples autochtones étaient remplacées par l'EPTC 2. Il est absolument vrai que ce document a disparu.

Plus tard, comme je l'ai déjà mentionné, en mars 2011, les IRSC ont abrogé leur politique sur l'enregistrement et la divulgation des résultats des essais contrôlés et non contrôlés. Cependant, les IRSC n'ont rien fait en ce qui a trait aux lignes directrices concernant les cellules souches. Il s'agit d'une politique indépendante. Il me paraît important de souligner ce fait puisqu'on nous affirme par ailleurs que l'existence de plusieurs politiques risque d'engendrer la confusion.

Deuxièmement, alors que la première politique des IRSC sur l'enregistrement des essais cliniques était mise au point, comme je l'ai dit auparavant, afin d'accroître la transparence et l'accessibilité, l'EPTC 2, tel qu'il se présente actuellement, n'atteint pas ce but. Permettez-moi de citer encore une fois le témoignage du Dr Beaudet qui a assuré votre comité qu'il n'y a « que quelques éléments mineurs de la politique originale des IRSC qui ne sont pas encore intégrés à la politique des trois Conseils parce que nous avons dû consulter d'autres conseils et les comités d'éthiciens du pays qui révisent la politique ».

Selon moi, on peut constater une diminution importante de la norme et je vous ai préparé un tableau qui, à mon avis, le prouve. Ce tableau compare les normes contenues dans la politique originale des IRSC et celles de l'EPTC 2. Je pense que vous constaterez qu'il existe clairement une énorme différence.

L'EPTC 2 exige simplement que les données soient consignées dans un « registre public reconnu et facilement accessible ». Par ailleurs, la politique originale des IRSC exigeait la fourniture du nom du registre et du numéro d'identification pour que les informations enregistrées dans de multiples registres puissent être réunies en une même base de données nationale, afin que l'on puisse savoir quels étaient les essais cliniques en cours, alors que l'EPTC 2 demande seulement que ces informations soient fournies aux comités locaux d'éthique de la recherche. Cela signifie que les informations seront éparpillées un peu partout dans le pays et qu'il sera impossible de les réunir dans une base de données nationale. Cependant, l'absence totale de certaines normes est encore plus inquiétante que ces normes diluées. Je vous prie de noter les énormes différences entre les exigences de l'EPTC 2 et celles de l'énoncé de politique original des IRSC.

Troisièmement, il n'y a aucune raison que l'EPTC 2 et la politique originale des IRSC ne puissent pas coexister. L'argument de la confusion possible me paraît fallacieux puisque les IRSC ne craignent pas une telle confusion entre l'EPTC 2 et les lignes directrices relatives aux cellules souches. Dans ce secteur, la coexistence de deux séries de règles semble être possible.

Permettez-moi de parler rapidement de l'inclusion des femmes enceintes dans les recherches, étant donné que c'est un sujet qui m'est cher. Il est largement reconnu que la grossesse est un critère d'exclusion presque automatique à la participation à la recherche, peu importe le coût de l'exclusion ou l'ampleur ou la probabilité des risques que présente la participation. L'exclusion presque complète des femmes enceintes de la recherche sur les médicaments et les produits biologiques fait en sorte qu'il y a peu de données d'essais cliniques sur lesquelles les fournisseurs de soins de santé peuvent s'appuyer pour recommander un traitement aux femmes enceintes. Cela comprend les femmes qui ont déjà des problèmes de santé et qui deviennent enceintes, mais également les femmes enceintes en bonne santé, qui contractent une maladie. Selon moi, ces femmes ont droit à un traitement fondé sur des preuves. Il existe de bonnes raisons de poursuivre de telles recherches. Je ne vais pas m'attarder à ces raisons que j'ai résumées dans mon mémoire.

Si les femmes enceintes doivent utiliser des médicaments et des produits biologiques pour se soigner, j'affirme qu'il serait juste que nous étudiions ces médicaments et produits biologiques auprès de cette population. De façon plus générale, nous devons apprendre à prendre des décisions éclairées sur les risques pendant la grossesse et éventuellement prendre des risques calculés dans certains contextes.

Cet objectif nécessitera l'apport de changements de la part des chercheurs au moment de la mise au point des essais, de la part des CER en ce qui a trait aux examens d'éthique de la recherche, de la part des groupes d'experts en éthique de la recherche en ce qui a trait au contenu des lignes directrices relatives aux recherches, de la part des commanditaires, comme les IRSC, afin d'en faire une priorité, de la part des fabricants qui conçoivent et financent de telles recherches, et de la part du gouvernement pour tenir compte des questions de responsabilité.

Je mentionne tous ces obstacles afin de bien montrer que je comprends qu'il ne s'agit pas d'un sujet facile à appréhender, mais que nous ne pouvons pas ignorer les besoins des femmes enceintes.

Enfin, je terminerai par quelques brèves remarques concernant la contraception obligatoire. Quoi qu'en disent les lignes directrices, il est pratique courante au Canada et ailleurs que les chercheurs demandent aux femmes aptes à porter un enfant d'utiliser des contraceptifs pendant qu'elles participent à des essais cliniques. Cette pratique est extrêmement problématique pour plusieurs raisons. Pensons par exemple aux femmes qui ne sont pas du tout sexuellement actives, à celles qui ne sont pas sexuellement actives dans une relation hétérosexuelle et à celles qui sont actives dans une relation hétérosexuelle avec un partenaire masculin vasectomisé. Pourquoi ces femmes devraient-elles être tenues d'utiliser des contraceptifs oraux? Pensons aux femmes qui ont subi une hystérectomie ou une ligature des trompes, les femmes qui ont certains types d'infertilité ou les femmes dont le partenaire masculin souffre d'un certain type d'infertilité. Le fait de demander à ces femmes d'utiliser des contraceptifs comme condition de leur participation à la recherche est insultant et ne devrait être autorisé sous aucun prétexte.

Pourquoi ne pas tout simplement faire confiance aux femmes qui disent ne pas être sexuellement actives si elles ont été informées des risques, si elles les comprennent et si elles préfèrent l'abstinence plutôt que l'utilisation de contraceptifs oraux? Ce serait une meilleure façon d'éviter les grossesses. Cependant, la pratique actuelle relativement à la contraception obligatoire est souvent discriminatoire parce qu'elle ne s'applique qu'aux femmes. Sur le plan éthique, il n'est absolument pas justifié d'imposer cette exigence générale aux femmes aptes à porter un enfant. Si le risque de porter préjudice au foetus est la préoccupation dans de tels cas, j'estime qu'il est important de reconnaître la contribution masculine potentielle à ce préjudice.

Je vous remercie de votre attention.

Le sénateur Eggleton : Merci à tous les trois pour vos exposés. Vous avez brossé un tableau tout à fait différent de celui que nous ont présenté les témoins que nous avons entendus avant vous. J'ai même lu d'autres écrits de M. Lemmens, dans l'American Journal of Law and Medicine, au sujet de la transparence des essais cliniques et des problèmes que cela soulève au niveau des droits de la personne, dans un contexte international, je suppose. Les commentaires sont nombreux au sujet des États-Unis, mais certains de ces commentaires s'appliquent, bien entendu, au Canada. Vous nous avez présenté un compte rendu incisif, c'est le moins que l'on puisse dire.

Quant à la question de la transparence, les représentants de Santé Canada et des IRSC qui sont venus témoigner nous ont laissé entendre que tout se passait bien et que, même si nous n'avons pas les mêmes exigences que les Européens ou les Américains en matière d'enregistrement, tout se déroule normalement — tout au moins dans la plupart des cas ou pour les choses importantes — même si l'enregistrement n'est pas obligatoire et exigé par la loi.

Selon le Dr Beaudet qui représentait les IRSC, tous les essais cliniques sont maintenant ouverts et transparents. C'est pourquoi je ne comprends pas ce que signifie l'élimination de cette politique dont vous avez parlé.

Aidez-moi à voir où sont les lacunes. Nous entendons ici deux sons de cloche. Est-ce que certains aspects donnent de bons résultats en termes de transparence tandis que d'autres aspects laissent à désirer? Vous pouvez peut-être nous aider à comprendre ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Êtes-vous en faveur d'exigences obligatoires — d'après ce que j'ai entendu jusqu'à présent, je pense que vous l'êtes — afin d'augmenter la transparence? Où se situent les principaux problèmes sur le plan de la transparence?

M. Lemmens : Vous demandez si je recommande l'application d'exigences obligatoires et ma réponse est affirmative. Je peux vous donner des exemples concrets d'études qui se sont penchées sur les résultats obtenus par l'application d'une gouvernance modérée composée de lignes directrices et de recommandations. Cela ne fonctionne pas. Les lignes directrices et les mesures souples sont suivies effectivement par les gens qui sont de toute façon enclins à l'équité et à la transparence. Les mesures non coercitives posent également problème à l'industrie qui ne sait pas dans quelle mesure ses concurrents vont respecter les mêmes règles. Certaines études montrent que l'enregistrement et la divulgation des résultats n'ont pas lieu, même quand des organismes de réglementation comme la FDA, organisme assez puissant, incitent fortement les compagnies et d'autres organismes à enregistrer leurs essais cliniques. Des études ont montré que lorsqu'il n'y a pas de pénalité ou lorsque le contrôle est insuffisant, les normes ne sont pas suivies. Les exigences réglementaires strictes sont absolument essentielles.

C'est la voie qu'a suivie la FDA. J'ai indiqué dans mon exposé que la FDA impose des pénalités financières pouvant atteindre 10 000 $ par infraction et par jour. Aux États-Unis, une entreprise qui oublie d'enregistrer un essai clinique ou qui décide de passer outre ou encore qui ne déclare pas dans les délais requis les résultats de ses essais cliniques peut avoir à payer une pénalité de 10 000 $ par jour manqué pour le compte rendu des résultats qu'elle a omis de divulguer. Par conséquent, je pense qu'une réglementation stricte est possible et même nécessaire.

Par ailleurs, on a pu constater que les essais qui sont restés cachés et dont les résultats n'ont pas été largement publiés ont eu des conséquences très inquiétantes et ont nui à la santé et au bien-être de dizaines, centaines et milliers de personnes qui ont été victimes de ces médicaments — je n'exagère pas, ces chiffres sont cités dans des rapports consacrés à certaines de ces controverses. Si nous avions eu plus d'information, si la communauté scientifique avait été mieux informée, elle aurait été en mesure de faire le lien entre diverses séries d'essais cliniques, pas seulement au Canada, mais peut-être également à l'échelle internationale. Elle aurait été en mesure de réclamer d'autres recherches ou d'alerter également les organismes de réglementation pour qu'ils interviennent.

C'est pourquoi je dis oui, je suis en faveur d'une réglementation stricte, de l'imposition stricte d'essais cliniques, de l'enregistrement et de la divulgation des résultats. Je pense que le problème est grave simplement parce que nous savons que les entreprises ont parfois intérêt à ne pas divulguer des données très pertinentes sur la sécurité et l'efficacité des médicaments. Pourquoi? Parce que cela permet souvent la promotion des utilisations non indiquées sur l'étiquette des produits pharmaceutiques qui sont déjà sur le marché. Je pense que le problème est grave.

Le sénateur Eggleton : L'industrie est-elle réticente?

M. Lemmens : Oui, l'industrie est réticente, mais pour être franc, je pense que si les règles étaient claires et sans ambiguïté, elle se conformerait.

En fait, comme j'ai mentionné dans l'article, la FDA fait une exception pour les essais de phase I. Les commentateurs affirment que l'on devrait aller plus loin et inclure les essais de phase I dans les mesures obligatoires d'enregistrement et de divulgation des résultats.

Dans certains cas que j'ai mentionnés, les chercheurs se sont en fait penchés sur les promotions dont certains médicaments avaient déjà fait l'objet par le passé. Je peux vous citer l'exemple des anti-arythmisants qui étaient couramment prescrits dans les années 1980. Ces médicaments avaient fait l'objet, en 1980, d'un important essai clinique dont les résultats n'ont pas été publiés avant 1993. Rétrospectivement, les chercheurs pensent aujourd'hui que si les résultats de cet essai clinique réalisé en 1980 avaient été disponibles, nous aurions pu comprendre immédiatement que la prescription de ce médicament posait un problème grave. Ces anti-arythmisants ont provoqué, selon l'article, entre 20 000 et 75 000 morts chaque année aux États-Unis dans les années 1980. Cette pratique ayant été jugée extrêmement dangereuse, ce médicament a cessé d'être prescrit dans les années 1990.

Le sénateur Eggleton : Je vais maintenant me tourner vers Mme Silversides. Vous avez mentionné que Santé Canada et d'autres organismes souhaitent augmenter notre participation aux essais cliniques, étant donné que nous avons perdu du terrain dans ce domaine, comme quelqu'un l'a dit hier. La réticence à exiger la pleine transparence et à la rendre obligatoire est-elle liée en partie à l'impression que le Canada doit être plus ouvert s'il veut obtenir plus d'essais cliniques? Selon vous, quelle est la raison de cette réticence?

Mme Silversides : Je suis journaliste; je ne suis pas censée me lancer dans de telles hypothèses.

Le sénateur Eggleton : J'ai toujours pensé que les journalistes se livraient à ce genre de réflexion.

Mme Silversides : Je vais me contenter de citer des gens et de mentionner des faits.

C'est une hypothèse intéressante. J'ai en fait écrit pour le BMJ un article qui révélait le premier l'élimination de la politique des IRSC sur les essais cliniques.

Pourquoi ai-je dit cela? J'ai été surprise que le Dr Beaudet remette en question ce que j'avais écrit. Je signalais tout simplement dans l'article que l'élimination de cette politique intervenait au moment même de la négociation du nouvel accord avec pharma, l'accord quinquennal. C'est à ce moment-là que la politique a été supprimée. Il y a de quoi éveiller les soupçons.

J'aimerais ajouter brièvement un commentaire à ce qu'a dit M. Lemmens au sujet de l'inefficacité des lignes directrices. L'an dernier, les IRSC m'ont accordé une bourse de journalisme en santé pour étudier les analgésiques délivrés sur ordonnance. Comme vous le savez, nous sommes aux prises avec une véritable épidémie causée par l'accoutumance grave à certains médicaments, en particulier l'OxyContin. C'est à ce moment-là que sont sorties les lignes directrices concernant la prescription des opioïdes. Il ne s'agit pas exactement d'essais cliniques, mais l'adoption de ces lignes directrices n'a entraîné aucun changement. Les médecins ne les utilisent pas. Avec le temps, on a mis au point des algorithmes pour aider les médecins, mais les lignes directrices ne donnent aucun résultat. Tant que l'observation des lignes directrices n'est pas prescrite par la loi, tant que l'on n'exige pas la divulgation, ou, dans ce cas particulier, de modifier la prescription des médicaments, on n'obtient pas de résultat. C'est un exemple de plus qui vient prouver l'inefficacité de l'approche qui privilégie les lignes directrices et les recommandations en matière de soins de santé, et en particulier en ce qui a trait aux médicaments sur ordonnance.

Le sénateur Eggleton : Dans sa réponse, j'aimerais également que Mme Baylis nous dise si elle croit qu'il faudrait que les fabricants de produits pharmaceutiques, les chercheurs soient tenus par la loi, par une réglementation, d'effectuer des essais faisant appel à des femmes enceintes.

Mme Baylis : Je crois que la question des essais faisant appel à des femmes enceintes est extrêmement compliquée, comme j'ai essayé de l'indiquer à la fin, en signalant le nombre de personnes qui doivent participer au processus. Il y a deux types d'approche différents : la carotte et le bâton.

Dans certains cas, il faut un gros bâton, étant donné qu'il n'y a pas vraiment de motivation pour faire de la recherche auprès de cette population qui est sans toute très restreinte. La plupart des femmes, si elles ont de la chance, ne demeurent enceintes que neuf mois exactement. Par conséquent, elles ne constituent pas, une fois qu'elles ne sont plus enceintes, un groupe de défense très fort; et, très franchement, les compagnies pharmaceutiques peuvent très bien se permettre de ne pas conquérir cette partie du marché. En fait, les compagnies sont plutôt incitées à inscrire sur leurs étiquettes « Non recommandé pour les femmes enceintes », tout en reconnaissant que les femmes enceintes peuvent être malades. Elles peuvent faire de l'hypertension ou du diabète, et peuvent être diabétiques avant d'être enceintes, elles peuvent aussi souffrir de dépression. Elles peuvent avoir tous ces besoins en matière de santé, mais les compagnies pharmaceutiques se protègent derrière la mise en garde qu'elles adressent aux femmes enceintes. Par contre, que peut faire un médecin de famille ou un obstétricien/gynécologue qui soigne une femme atteinte de la maladie de Crohn? Doit-il lui dire : « Je suis désolé, je ne peux rien faire pour vous puisque vous êtes enceinte; revenez me voir dans neuf mois »?

On ne peut pas agir de la sorte et cela ne se passe pas comme ça. Nous avons de la sympathie pour ces femmes, mais le contexte est tel que nous n'avons pas de bonnes informations à leur sujet. Nous ne disposons que d'informations parcellaires, des exposés de cas ou des connaissances acquises au fil de l'expérience. Il y a des façons de pousser l'industrie pharmaceutique à agir en lui donnant des incitatifs, mais on peut décider également de légiférer.

Si vous le permettez, j'aimerais attirer l'attention sur les commentaires qui ont été faits par mes deux collègues et sur le schéma qui se trouve à la fin de mon mémoire concernant les essais cliniques. On découvre dans ce schéma le lien qui unit les trois conseils de financement au Groupe d'experts en éthique de la recherche et je pense qu'on peut y voir une sorte de conflit d'intérêts structurel.

Ils rendent des comptes à eux-mêmes. Ils fixent les lignes directrices qu'ils doivent respecter. Il s'agit d'un mécanisme essentiellement interne et le Groupe d'experts en éthique de la recherche fait rapport aux trois présidents du CRSH, des IRSC et du CRSNG. Dans ce contexte, il faut vraiment surveiller les buts et objectifs premiers et se demander ce qui peut arriver en cas de conflit entre les intérêts de la communauté des chercheurs, les intérêts des Canadiens et les intérêts d'un groupe particulier. Cela soulève des questions qui méritent d'être examinées de façon générale sous l'angle des lignes directrices adoptées à l'interne comme s'il s'agissait de lignes directrices professionnelles, en comparaison des règles et des règlements qui s'appliquent à l'échelle de tout le pays et pas seulement à ceux qui ont reçu un financement de ces organismes.

Le sénateur Eggleton : Merci.

Le sénateur Callbeck : Je vous remercie tous les trois d'être venus témoigner aujourd'hui.

Madame Silversides, j'aimerais vous poser une question concernant un article publié en 2011 dans le Journal de l'Association médicale canadienne et intitulé « Clinical trial participation poses ethical, practical issues ».

Vous avez dit ici que la Faculté de médecine de l'Université de Toronto interdit d'offrir ou d'accepter des commissions à titre d'intermédiaire et pour l'achèvement des essais.

D'abord, qui accepte les commissions d'intermédiaire? Qui sont exactement les intermédiaires? Les médecins ou d'autres professionnels de la santé?

Mme Silversides : Les commissions d'intermédiaire?

Le sénateur Callbeck : Les commissions à titre d'intermédiaire et pour l'achèvement des essais.

Mme Silversides : Vous m'obligez à faire travailler ma mémoire, madame la sénatrice. En fait, ce n'est pas 2011, parce que je n'ai pas collaboré depuis quelque temps, au moins deux ans, avec le JAMC.

En quoi consistent les commissions d'intermédiaire? Les intermédiaires font le recrutement; je crois que c'est le rôle des organismes de recherche sous contrat.

M. Lemmens : C'est exact. Il y a quelques années, j'ai écrit deux articles sur les commissions d'intermédiaire, le premier dans PLoS Medicine et le deuxième dans le Journal of Law, Medicine & Ethics. C'est à la demande d'un clinicien, un professeur d'université spécialisé en soins gériatriques que j'ai collaboré avec un collègue ainsi qu'avec Paul Miller, un autre collègue qui était étudiant à cette époque, pour étudier cette question. Nous nous sommes penchés sur la pratique jusqu'à un certain degré. Nous n'avons pas fait de recherche en sciences sociales, nous nous sommes limités aux aspects juridiques.

Il est intéressant de noter que le gériatre m'a demandé d'étudier le sujet parce qu'il se sentait, dans le contexte des soins gériatriques, confronté avec le fait — ce sont ses propres termes — qu'il est de plus en plus difficile de trouver du personnel qui se consacre suffisamment aux soins cliniques. Il a affirmé que bon nombre de ses collègues effectuent des essais cliniques. Selon lui, alors qu'il est déjà difficile d'obtenir des soins gériatriques dans notre société, les essais cliniques réalisés sur des personnes âgées sont si répandus et si payants qu'il est difficile de trouver du personnel qui se concentre suffisamment sur les soins cliniques. C'était son point de vue.

Nous nous sommes penchés sur la question et nous avons trouvé des rapports, notamment aux États-Unis en provenance de comités comme le vôtre qui avaient étudié le phénomène des commissions accordées à des intermédiaires. Les médias ont beaucoup parlé des incitatifs financiers utilisés pour recruter des patients, incitatifs parfois augmentés pour les intermédiaires capables de recruter des patients plus rapidement que les autres.

Cela place-t-il les médecins en porte-à-faux par rapport au devoir qu'ils ont à l'égard de leurs patients? Vous avez soulevé une question importante.

Le sénateur Callbeck : Cependant, ces incitatifs financiers, qui sont les intermédiaires? Simplement des médecins ou d'autres professionnels de la santé?

M. Lemmens : Ce sont aussi des professionnels de la santé. Nous avons essentiellement des témoignages anecdotiques, mais lorsque nous avons étudié cette question, nous avons appris par exemple que des infirmiers et infirmières avaient reçu certains incitatifs pour faire en sorte qu'un patient qu'ils soignaient à l'hôpital soit recruté par le médecin avec lequel l'infirmier ou l'infirmière travaillait. Ce ne sont pas seulement les médecins, il y a aussi d'autres professionnels de la santé, mais je pense que ce sont surtout les médecins qui servent d'intermédiaires, parce que ce sont eux qui dirigent les essais cliniques dans nos hôpitaux. Par conséquent, ce sont les premiers contacts, les premiers recruteurs et les personnes qui ensuite participent également à certains de ces essais cliniques.

Le sénateur Callbeck : Il est question de commissions à titre d'intermédiaire et pour l'achèvement des essais. Est-ce que l'on parle ici de deux commissions différentes? Le médecin obtient une commission pour avoir trouvé le patient et ensuite?

Mme Silversides : Il en reçoit une autre pour avoir terminé les essais.

Le sénateur Callbeck : Par conséquent, il y a deux commissions différentes.

Mme Silversides : Je pense que oui, parce que s'ils ne terminent pas les essais, ils ne reçoivent pas de commission à la fin.

Le sénateur Callbeck : Dans le même article, un médecin prétend recevoir 2 000 $ par patient recruté pour un essai. Est-ce un chiffre généralement accepté?

Mme Silversides : Comme je vous l'ai dit, je dois vraiment faire un effort de mémoire, mais je ne pense pas que nous ayons beaucoup de détails à ce sujet. En fait, je ne sais pas si l'on a mentionné le nom de la personne qui a fait ce commentaire, mais nous disposons de très peu d'information sur le montant d'argent payé aux médecins.

Il est intéressant que vous preniez cet article comme exemple, parce que la première partie de l'article avait été réécrite par mon réviseur à l'époque. C'est sans doute la raison pour laquelle je ne travaille plus pour cette publication. En effet, la version publiée de cet article adoptait un ton plus sensationnaliste qui ne me convenait pas.

Le sénateur Callbeck : Étant donné que ces commissions sont versées, pensez-vous que les résultats des essais cliniques soient exacts? Quelle est votre opinion au sujet de ces paiements?

Mme Silversides : À mon sens, ces paiements présentent le risque d'inscrire à des essais des patients qui ne sont pas vraiment admissibles. Je sais que d'autres personnes ont soulevé cette question, mais cela ne devrait pas nécessairement remettre en question les résultats de tous les essais cliniques.

M. Lemmens : Permettez-moi de rajouter rapidement mon propre commentaire. Il est difficile de savoir exactement ce qui se passe. Les médecins sont dédommagés convenablement pour, disons, le temps supplémentaire qu'ils passent à remplir des formulaires, si bien que c'est très facile à cacher. Si vous versez une commission, vous pouvez tout simplement la faire passer pour le paiement d'heures supplémentaires, mais dès le moment où la commission devient un incitatif pour recruter des patients supplémentaires, on court certainement le risque de déformer les critères d'inclusion. Par conséquent, le groupe de participants peut comprendre des personnes qui ne devraient pas faire partie de l'essai. Nous savons tous que le consentement éclairé est un moyen imparfait de s'assurer que tous les gens participent librement à une activité qu'ils souhaitent véritablement entreprendre.

Il y a vraiment un risque que certains participants soient gentiment contraints de prendre part à l'essai. Étant donné que les gens aiment faire confiance à leur médecin, deux problèmes peuvent se présenter : les critères d'inclusion peuvent être biaisés et certains patients qui ne souhaiteraient pas prendre part à un essai et qui préféreraient une médication classique, sur le marché depuis plusieurs années et à laquelle on attribue une certaine efficacité et sécurité, sont désormais poussés à participer à un essai clinique au cours duquel ils pourraient être amenés à prendre un médicament qui n'est pas efficace.

Mme Baylis : Une des choses dont il faut être conscient sans doute est que les comités d'éthique en matière de recherche chargés d'examiner les propositions de recherche avant qu'elles soient présentées dans la communauté se penchent souvent sur les transactions financières, mais ont généralement tendance à se limiter aux transactions entre le chercheur et le sujet de recherche. Par exemple, les participants peuvent percevoir des honoraires à la fin de l'essai, de manière à les encourager à poursuivre jusqu'au bout, mais très souvent — certains comités d'éthique de la recherche le font mieux que d'autres — les membres des comités n'examinent pas les contrats ni les ententes contractuelles entre la compagnie qui parraine l'essai et le chercheur lui-même, si bien qu'ils n'ont pas nécessairement toutes les informations concernant ces incitatifs financiers, et il serait sans doute possible d'éliminer certaines préoccupations en précisant quel devrait être le rôle du comité d'éthique de la recherche pour obtenir et exiger l'accès à ces documents contractuels.

Le sénateur Callbeck : Est-il si difficile de manière générale de trouver des personnes qui acceptent de participer à des essais cliniques?

Mme Baylis : Tout dépend de l'essai, mais je pense qu'il est important pour vous de savoir que certains essais sont montés, entérinés par un comité d'éthique de la recherche et n'ont jamais lieu parce qu'il est impossible de recruter un seul participant. C'est la raison pour laquelle on voit apparaître des initiatives mondiales, des essais multicentriques, et cetera. C'est également la raison pour laquelle des gens se sont plaints de la multiplicité des comités d'éthique de la recherche locaux au Canada. Le premier auquel vous vous adressez vous donne une réponse favorable, le deuxième refuse votre projet et le suivant vous demande d'y apporter trois changements d'ici dimanche.

C'est un processus long et sinueux et les gens qui sont intéressés par une recherche de qualité se demandent comment le processus peut varier autant d'une institution à l'autre. Certaines questions générales concernant la gouvernance en matière d'éthique de la recherche au Canada méritent d'être examinées.

Le sénateur Seidman : Je crois que vous avez utilisé le mot « perplexe », madame Baylis, et nous nous sentons tous un peu perplexes, étant donné que nous avons noté de nombreuses contradictions ou des perspectives différentes sur de nombreuses questions évoquées par les témoins que nous avons entendus. Le mot « contradictions » n'est peut-être pas le mot juste, mais je pense qu'on peut parler de « perspectives différentes ». Je vous remercie pour toutes les informations que vous nous avez données et j'aimerais maintenant vous poser quelques questions très précises. Si vous ne pouvez pas nous donner la réponse sur-le-champ, vous pourrez nous faire parvenir plus tard de la documentation à ce sujet. Je vous en serais reconnaissante.

Sur la question de la transparence, pas plus tard qu'hier, on nous a dit que l'enregistrement des essais ne pose pas de problème, puisque tous les grands essais doivent être enregistrés sur le plan international. Si je vous ai bien comprise, vous dites qu'il y a des problèmes ici même au Canada, mais je voudrais savoir plus précisément s'il existe une sorte de démarcation parmi le type de données, les données exactes qui devraient être réunies pour assurer la sécurité des patients et même pour constituer des informations de base sur les patients, leurs familles et les médecins au Canada? S'il existe une démarcation entre le type de données qui devraient être recueillies dans le système dont nous parlons pour l'enregistrement des essais cliniques et les informations courantes recueillies dans le cadre de ces essais, j'aimerais vraiment que vous nous en fournissiez la liste plus tard.

Je ne sais pas si nous voulons nous lancer dans l'examen de ce type d'information.

Le président : Je vais poser la question à Mme Baylis.

Mme Baylis : On ne s'entend pas actuellement sur la quantité d'informations que l'on pourrait ou devrait réunir. Il y a certaines préoccupations au sujet des renseignements exclusifs, et cetera; par conséquent, les points de vue sont divergents.

À mon avis, il y a une chose importante qui devrait retenir votre attention. Si vous me le permettez, je vais prendre quelques instants pour commenter le tableau que je vous ai présenté, afin d'expliquer le type de préoccupations que je vous encouragerais à examiner. Actuellement, on exige un registre public reconnu et facilement accessible par Internet. Selon moi, il n'est même pas question d'imposer certains types de normes. Par contre, la politique originale des IRSC exigeait que le registre soit accepté par l'OMS ou par l'ICMJE — c'est-à-dire l'International Committee of Medical Journal Editors.

Une des normes requiert le sceau d'approbation de l'OMS et de l'ICMJE, alors que l'autre exige simplement d'être facilement accessible sur Internet. À mon sens, il y a déjà là un problème en matière de normes.

On cherche à donner l'impression que des essais qui ont été acceptés respectent déjà des normes minimales en matière de divulgation.

J'aimerais attirer votre attention sur un autre aspect important, le premier élément, Enregistrement prospectif des essais. Une fois que l'enregistrement est fait, ces données sont transmises aux IRSC. Par conséquent, un comité comme le vôtre pourrait demander aux IRSC de lui fournir des données sur tous les essais cliniques enregistrés au Canada. Les IRSC seraient au moins en mesure de vous répondre : « Nous avons financé tel nombre d'essais. Ils sont inscrits dans six registres différents qui ont tous été approuvés par l'OMS/ICMJE, et cetera, et nous pouvons vous fournir ces données. »

Avec les règles qui sont actuellement en vigueur, vous pourriez vous adresser à mon institution ou à celle de M. Lemmens pour obtenir ce type de données, mais elles seraient difficiles à obtenir.

En tant que chercheure dans ce domaine, si je veux savoir quels sont les essais cliniques en cours, je vérifie sur le site ClinicalTrials.gov. La liste des essais est affichée sur ce site. C'est vraiment important pour certains essais particuliers. J'ai fait de nombreuses recherches et j'ai beaucoup écrit sur l'essai clinique de Geron, sur les cellules souches. Vous avez peut-être lu dans les journaux que la firme de biotechnologie a mis fin à son essai à mi-parcours. Il s'agissait d'un essai de phase I et, selon moi, cette firme a abandonné ses patients. J'ai été en mesure de poser ce jugement parce que j'ai pu vérifier que ce laboratoire avait prévu à l'origine de faire appel à 10 patients pour cet essai clinique. Cela n'a pas été le cas. Les chercheurs se sont arrêtés à la moitié. Ils avaient quatre patients d'inscrits et ils nous ont dit : « Ne vous inquiétez pas; nous serons en mesure de vous fournir les mêmes données que si nous avions terminé les essais. » J'ai répondu : « Minute! Vous aviez besoin de 10 patients, oui ou non? » On ne peut pas dire après-coup que l'on avait choisi le chiffre de 10 un peu au hasard. Quand on avance un chiffre, on a sans doute de bonnes raisons d'avoir opté pour ce chiffre plutôt qu'un autre. En interrompant les essais à mi-chemin, on nuit à l'effort de production de connaissances.

Si l'on revient à la politique originale des IRSC, on s'aperçoit qu'elle exige que les IRSC soient mis au courant de tout arrêt ou abandon d'un essai. Il y avait toutes sortes de critères à respecter. Désormais, il n'y a plus rien de tout cela.

On nous dit : « En effet, toutes les données ne sont pas là, mais elles seront fournies plus tard. » Or, toutes les données manquantes sont assez importantes. La seule partie conservée, la seule partie commune est un énoncé général selon lequel les essais cliniques doivent être consignés dans un registre. À part cela, il n'y a aucune autre norme. Il est impossible de constituer des données nationales et tous les autres éléments sont manquants.

Le président : Permettez-moi d'interrompre ici le débat, parce que je pense qu'il faut être juste envers les témoins que nous avons déjà entendus. Une distinction avait été faite entre les preuves fournies dans le cadre des essais de nature internationale et celles qui proviennent d'un volet canadien.

L'argument était que dans de tels essais, toutes les observations sont publiées, en conformité de la norme internationale relative aux essais, en particulier ceux qui ont un volet aux États-Unis. Le site web que vous avez cité était un des exemples qui nous ont été donnés. Quelle que soit la politique des IRSC, ces essais sont nécessaires pour fournir des observations sur une tribune internationale afin qu'elles soient reconnues, publiées, et cetera.

Si je comprends bien, il faut faire la distinction entre les essais internationaux qui ont un volet canadien et les essais qui se déroulent dans le système canadien dont vous avez signalé certaines lacunes.

Mme Baylis : Je pense que c'est exact. Cependant, je tiens à souligner qu'il est important à mon avis que nous soyons en mesure, en tant que nation, de gérer nos propres données, qu'elles proviennent d'un contexte ou d'un autre. À mon avis, c'est un point important.

Le président : Je ne conteste pas votre point de vue. Je pensais qu'il était important de rappeler ce que nous ont dit les autres témoins et de souligner l'existence des deux catégories. Je n'avais pas l'intention de contester votre point de vue.

M. Lemmens : Une simple précision. C'est seulement partiellement vrai. J'ai mentionné que certains pays avaient imposé des exigences strictes en matière d'enregistrement et de compte rendu des résultats, mais ce n'est pas le cas de tous les pays.

Le président : Là encore, je tiens à être clair : Des témoins nous ont parlé des pays qui ont des exigences claires. S'il existe un volet canadien, les données relatives à ce volet doivent être publiées de la même manière. Nos témoins n'ont pas dit que tous les autres pays avaient ce type de norme.

M. Lemmens : Mais tout dépend de la nature de l'essai international.

Le président : Absolument. Nous sommes bien d'accord, mais je voulais que ce soit clair pour le compte rendu.

Mme Silversides : Je voulais répondre au sénateur. J'ai peut-être mal compris, mais je pense que vous avez demandé également quelles étaient les données fournies aux patients et au public.

Le sénateur Seidman : Oui.

Mme Silversides : On ne peut pas leur fournir des informations exactes si ces mêmes informations ne sont pas mises à la disposition des chercheurs qui souhaitent les exploiter. Nous avons de multiples exemples de données d'essais cliniques qui ont été supprimées. Par conséquent, les patients et pas seulement les médecins, ne savent pas qu'ils courent un risque. Les médecins ne savent pas qu'ils placent leurs patients dans une situation de risque et les patients ne savent pas qu'ils courent un risque parce que les données ne sont pas disponibles et qu'ils ne peuvent pas les examiner.

Cela soulève également la question de la surveillance après la mise sur le marché, étant donné que les essais cliniques ne couvrent qu'une quantité très limitée de personnes. Des conséquences imprévisibles peuvent se produire après que le médicament est mis en vente. C'est un aspect extrêmement important. Je sais que vous vous penchez là-dessus par la suite.

Le sénateur Seidman : Est-ce que je dois attendre le second tour?

Le président : Non. Je vous ai interrompue.

Le sénateur Seidman : Merci.

J'ai une autre question à laquelle on a déjà fait allusion. Il s'agit de la fragmentation de la l'infrastructure dont Mme Baylis a parlé en ce qui a trait par exemple aux comités d'éthique.

Hier, nous avons eu tout un débat au sujet de l'adoption d'une normalisation nationale et d'une réduction des formes multiples ou des nombreux comités qui rendent la démarche peut-être plus confuse et qui ralentissent la mise en oeuvre des tests cliniques en raison des niveaux si nombreux et des si grandes différences dans les diverses régions du pays.

Nous avons parlé des responsabilités en matière d'élaboration de ce type de normalisation nationale. Certains ont proposé que le gouvernement fédéral exerce un rôle de leadership. D'autres ont proposé que ce rôle incombe aux associations professionnelles. Il a été question par exemple de l'AMC.

Cependant, le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada est une des entités dont il n'avait pas été question dans la discussion mais dont on a parlé par la suite. Nous savons que le collège administre la formation des médecins et un grand nombre de normes applicables à cette profession dans le pays, surtout aux spécialistes qui travaillent dans des institutions universitaires, par exemple et qui prennent part à des essais cliniques.

Compte tenu de la fragmentation de l'infrastructure, en particulier en ce qui a trait aux contrats d'essais cliniques et aux comités d'éthique, comment envisagez-vous l'élaboration d'une sorte de système national? Qui devrait en prendre la direction et le Collège royal a-t-il un rôle à jouer?

Le président : Je vais d'abord donner la parole à Mme Baylis et ensuite continuer avec les autres interventions.

Mme Baylis : J'ai été en relation professionnelle avec le Collègue royal dans le domaine de l'éducation, en particulier au niveau de l'internat. En conséquence, je ne suis pas certaine que je lui confierais cette responsabilité.

Dans d'autres contextes, il y a deux forces motrices principales dans le domaine de la recherche. L'une d'entre elles est la production de connaissances sûres, fiables, de qualité et solides. L'autre force que nous recherchons est la protection des sujets humains qui font cette contribution à la production de connaissances.

J'ai affirmé ailleurs qu'il est important, selon moi, de confier la tâche de déterminer ce qui constitue une recherche sérieuse, d'un point de vue scientifique, aux conseils subventionnaires qui ont pour responsabilité de reconnaître cette recherche et de la financer. En ce qui a trait aux questions d'éthique et de surveillance, compte tenu de l'existence probable de stratégies scientifiques susceptibles de ne pas protéger les sujets — et la société dans son ensemble tente de trouver le juste équilibre entre ces deux intérêts très légitimes — il est préférable de ne pas placer le deuxième groupe d'intérêt concernant la protection des sujets de la recherche sous la responsabilité des conseils chargés de son financement. Laissons les conseils subventionnaires faire ce qu'ils font sans doute le mieux, c'est-à-dire repérer les excellentes recherches et les financer, et confions la protection des sujets de la recherche à la responsabilité d'une organisation distincte.

M. Lemmens pourra en parler, mais cette formule a été adoptée dans plusieurs autres régions, notamment dans le Sud. Les États-Unis disposent de deux organismes différents. J'avais proposé que cette responsabilité incombe à Santé Canada, mais le ministère n'a montré aucun intérêt en vue de l'adoption d'une telle responsabilité, après avoir pourtant entendu cette proposition à plusieurs reprises — puisque je l'ai formulée régulièrement depuis cinq ou 10 ans. Je me demande dans quelle mesure cette attitude n'est pas due à certaines inquiétudes liées à une éventuelle responsabilité civile en lien avec les résultats des essais. J'y pense parce que c'est la même chose dans le cas de la participation de femmes enceintes aux essais cliniques. La responsabilité civile est une des raisons pour lesquelles elles ne sont pas invitées à prendre part à de telles recherches. Cependant, si la société estime qu'il est important d'effectuer cette recherche ou d'autres recherches avec la population, nous devons imaginer l'instauration d'une assurance sans égard à la responsabilité et adopter une toute nouvelle formule visant à définir notre engagement vis-à-vis de la protection des sujets de recherche, tout en cherchant à obtenir des connaissances qui seront utiles à la communauté dans son ensemble. Si nous pouvions trouver une solution, nous serions en mesure d'améliorer beaucoup d'activités de recherche au pays.

M. Lemmens : Il est clair que c'est un des secteurs au Canada où nous faisons face à une question de compétence. À mon avis, il y a des mesures immédiates que l'on peut prendre dans certains domaines de recherche. Dans le domaine des essais cliniques, la Loi sur les aliments et drogues et les règlements qui en découlent couvrent déjà une partie des activités cliniques et permettent à Santé Canada de surveiller ou d'exercer un certain contrôle sur les activités des essais cliniques. Dans le cas des essais cliniques réalisés en vue de l'homologation d'un médicament, je pense que Santé Canada et le gouvernement fédéral pourraient réglementer fermement les comités d'éthique de la recherche, dans la mesure où ils supervisent des essais cliniques dans le contexte de l'homologation d'un médicament ou d'un appareil médical.

Il existe d'autres modèles. Évidemment, avec le renvoi à la procréation assistée, on ne sait pas exactement quel est le support que le gouvernement fédéral peut utiliser pour exercer sa compétence sur la recherche en général. Cela sera probablement assez difficile. Le système propre à la protection de la vie privée est aussi un modèle intéressant, puisque le gouvernement fédéral a adopté la Loi sur la protection des renseignements personnels qui a donné aux provinces une certaine latitude en matière de protection de la vie privée pour adopter des régimes réglementaires harmonisés avec le régime fédéral.

Je pense que la collaboration fédérale-provinciale est essentielle et sera indispensable, non seulement dans le cas des essais cliniques de médicaments, mais également dans d'autres domaines de recherche. Je crois qu'il existe des modèles intéressants que nous pouvons découvrir et d'intéressants exemples de provinces qui ont adopté des lois à ce sujet. Par exemple, Terre-Neuve a pris l'initiative en adoptant une loi — mais j'ignore dans quelle mesure l'ensemble de la structure a été mise en oeuvre — qui impose une structure obligatoire d'examen en matière d'éthique de la recherche, avec un seul comité pour l'ensemble de la province. Ce modèle est certainement beaucoup plus facile à appliquer à Terre-Neuve qu'en Ontario, mais il n'en reste pas moins que l'Ontario pourrait en faire beaucoup plus. À mon avis, on constate aussi un manque de leadership dans certaines provinces. La collaboration fédérale-provinciale peut être essentielle, mais le Parlement fédéral pourrait adopter des règles beaucoup plus strictes applicables dans le secteur des essais cliniques de médicaments qui est affligé, comme nous le savons, par des problèmes graves.

Le sénateur Cordy : Merci à tous les trois de nous donner tant de matière à réflexion.

Madame Silversides, j'ai été intéressée par votre commentaire concernant la rareté des essais comparatifs au Canada. Il existe des essais comparant un médicament avec un placebo, mais pas d'essais comparant deux médicaments l'un à l'autre. Nous avons souvent entendu parler de cas de Canadiens traités par un médicament qui leur convenait bien mais qui, étrangement, n'était plus disponible quelque temps avant l'expiration de la licence, puis remplacé par un autre médicament beaucoup plus coûteux. Est-ce à cela que vous faites allusion quand vous parlez d'essais comparatifs?

Mme Silversides : Non, l'essai comparatif consiste à comparer les produits de deux fabricants différents destinés à soigner le même trouble médical et conçus à cet effet. Un essai comparatif vise à évaluer la sécurité et l'efficacité des deux médicaments. C'est tout à fait différent du phénomène que vous avez évoqué.

Je suis intéressée par le cas que vous avez mentionné. Voulez-vous parler d'un médicament dont le brevet est échu et pour lequel il n'existe aucun médicament générique de remplacement?

Le sénateur Cordy : Oui.

Mme Silversides : Je ne connais pas bien cette question. Est-ce que l'un ou l'autre d'entre vous pourrait répondre?

Mme Baylis : Je vais profiter de l'occasion pour mentionner que nous avons ici au Canada quelques personnes qui s'intéressent à l'éthique de la recherche et qui ont fait d'importantes contributions aux études internationales consacrées aux essais contrôlés et aux succédanés. Elles se sont penchées également sur l'utilité, lorsqu'on effectue une recherche sur un nouveau composé, de le comparer au meilleur produit disponible plutôt qu'à un placebo. Ces recherches complètent les travaux d'un autre Canadien, Benjy Freedman, sur la notion de pondération clinique, travaux qui ont été repris à l'échelle internationale.

Si vous ne l'avez déjà fait, je vous encouragerais à inviter le Dr Jonathan Kimmelman de l'Université McGill qui a écrit beaucoup d'articles non seulement sur ce sujet, mais aussi sur d'autres sujets concernant les essais de phase I et de phase II, ainsi que la qualité des données. Je crois que son article consacré aux essais de phase IV, paru la semaine dernière dans Science, devrait intéresser les membres du comité.

Le point que vous avez soulevé est important dans un régime de soins de santé financé par le gouvernement où ce qui nous intéresse, ce sont les connaissances médicales socialement utiles. Sur le plan social, ce n'est pas intéressant de disposer d'un autre succédané qui coûte 50 p. 100 de plus. Ce serait peut-être utile s'il coûtait 50 p. 100 de moins, mais cela ne va pas toujours dans cette direction. Vous avez soulevé un point important sur lequel il faut réfléchir au moment de la conception de l'essai.

Le sénateur Cordy : Madame Silversides, vous avez dit et on nous a rapporté également que le nombre d'essais cliniques au Canada est à la baisse. Nous avons vu des tableaux qui témoignent de cette baisse. Vous avez dit que l'on assiste à une tendance vers la commercialisation des essais cliniques. Est-ce une bonne ou une mauvaise chose?

Mme Silversides : J'ai parlé de la commercialisation de la recherche, en particulier de la recherche biomédicale en général, mais pas de la commercialisation des essais.

Le sénateur Cordy : Qu'entendez-vous par là?

Mme Silversides : Une bourse Atkinson en politique publique m'a permis de me pencher sur la question de la recherche biomédicale entreprise dans l'intérêt public et j'ai écrit un article publié dans The Walrus il y a quelques années sur la tendance à la commercialisation de la recherche en général au Canada. Ma conclusion était que tout le monde pense que c'est le chemin à emprunter.

En effet, nous devons tabler sur les recherches excellentes que font les scientifiques canadiens, mais il faut aussi se poser des questions sur le type de commercialisation, pour qui et dans l'intérêt de qui, et cetera.

Le sénateur Cordy : Je me sens interpellée par les commentaires de M. Lemmens et de Mme Baylis au sujet des IRSC et de la suppression de la politique et des règles concernant l'enregistrement et la divulgation des résultats. Les documents ont disparu et sont impossibles à retracer. Cela m'inquiète, parce que beaucoup d'essais cliniques sont faits sous la tutelle des IRSC. Sera-t-il difficile d'obtenir les informations? Je crois que vous avez dit, madame Baylis, que la documentation sera éparpillée un peu partout et qu'il sera difficile d'obtenir les données.

Mme Baylis : Je pense que le problème est un peu plus complexe. Je pense, comme Mme Silversides l'a dit, qu'en fait les IRSC ne financent pas la totalité des essais cliniques; tout cela se passe dans le secteur privé. Ce qui rend la situation canadienne complexe — je m'appuie maintenant sur un commentaire fait par M. Lemmens — c'est que nous nous appuyons sur des lignes directrices plutôt que sur des textes de loi et qu'en conséquence nous devons nous rappeler que ces lignes directrices s'appliquent étroitement dans le domaine particulier où ces organismes exercent leur autorité. Les lignes directrices des IRSC, si elles existaient toujours, s'appliqueraient uniquement et strictement parlant aux essais cliniques financés par les IRSC. Cela étant dit, il est toujours important de rappeler qu'il s'agit par conséquent des essais financés par les IRSC ou d'essais réalisés dans des institutions ou par un chercheur recevant des fonds des IRSC, ce qui n'est pas toujours facile à déterminer.

Une société privée peut installer ses laboratoires et son équipe de chercheurs dans une entreprise entièrement distincte et privée et échapper ainsi à l'application de la moindre norme en matière d'éthique de la recherche. Cela peut être acceptable dans la mesure où il existe des réseaux, mais ce qui préoccupe certains éthiciens comme moi, c'est que dès que l'on sort du système et que l'objectif est d'attirer des recherches lucratives au pays, on risque un nivellement par le bas. Il n'est pas nécessaire d'effectuer les recherches dans une institution, ni de les confier à des chercheurs financés par les IRSC. Ces recherches peuvent être effectuées par une entreprise entièrement privée qui échappera à tout cadre de réglementation, étant donné qu'il s'agit de lignes directrices, déjà difficiles à appliquer, visant la recherche financée par ces organismes ou effectuée dans des institutions financées par ces organismes. Je pense que le problème est plus compliqué quand on ne sait pas exactement où la recherche est effectuée, ni par qui, d'autant plus qu'au Canada, nous n'avons pas de loi à ce sujet comme dans d'autres pays.

Le sénateur Cordy : Vous pensez donc que nous devrions avoir une loi?

Mme Baylis : Je pense qu'il serait utile de légiférer certains aspects des essais cliniques. Je pense que c'est important de le faire pour ne pas perdre cette activité de vue, ce qui pour moi signifie renforcer la protection des personnes qui participent aux recherches plutôt que de chercher à faire des profits. Nous devons bien faire cette distinction. Il s'agit d'une question de santé et non pas d'économie. Il me semble que cette distinction est floue dans le contexte contemporain, en particulier quand on cherche à attirer des capitaux étrangers, comme l'a dit Mme Silversides. Il est important aussi de noter la phase des essais. Si l'on envisage cette situation sous l'angle de l'investissement, les phases I, II et III font appel à la capacité et à la puissance intellectuelle des Canadiens. C'est à ce niveau que nous faisons vraiment des contributions importantes à la production de connaissances. La phase IV, qui porte sur les essais après la mise sur le marché, consiste souvent simplement en des déplacements de capitaux, des efforts de publicité et autres. Je ne dis pas que ces objectifs ne soient pas valables, mais je considère qu'ils sont très différents sur le plan de notre contribution.

Le sénateur Dyck : Madame Baylis, dans votre réponse au sénateur Cordy, vous avez parlé des différentes catégories de chercheurs. Vous avez indiqué que les scientifiques financés par les IRSC oeuvrent plus probablement dans un campus universitaire. Il peut arriver aussi que des chercheurs non financés par les IRSC travaillent dans une université, par exemple dans le cadre d'un triangle ou un parc scientifique. Ces chercheurs ne sont pas tenus de suivre les mêmes lignes directrices. Savons-nous combien sont-ils dans ces deux principaux camps?

Mme Baylis : Non, mais dans l'exemple que vous avez donné, il est tout à fait possible que ces chercheurs soient repérés. C'est la ligne qui échappe toujours dans l'Énoncé de politique des trois Conseils. On peut soutenir que cette politique s'appliquerait à un chercheur financé personnellement par les IRSC ou à une institution qui reçoit un financement des IRSC. Tout dépend de l'interprétation que l'on a du protocole d'entente signé avec l'institution. Les IRSC pourraient dire : « Oui, c'est un parc scientifique, mais il se trouve sur le campus de l'Université de Toronto; nous finançons l'Université de Toronto. Par conséquent, les chercheurs sont concernés par le protocole et devront donc suivre les règles. » L'interprétation n'est pas toujours faite en ce sens et nous nous faisons bien entendu rabrouer dans certains contextes, quand les gens sont convaincus qu'ils sont visés ou non par ces lignes directrices. Cet exemple n'est pas nécessairement le plus éloquent. Ce serait mieux de prendre l'exemple d'un laboratoire qui s'installerait en région et qui engagerait indépendamment des spécialistes pour faire la recherche. Les dirigeants de ce laboratoire pourraient ensuite prétendre que rien ne les oblige à suivre les lignes directrices. Ce n'est pas tout à fait vrai et un avocat pourrait leur dire que certains règlements s'appliquent, mais nous ne disposons pas d'un cadre législatif obligatoire qui s'applique à la recherche chez les humains.

Mme Silversides : J'aimerais ajouter une précision. En réponse aux demandes émanant des médecins sollicités pour prendre part à des essais cliniques et qui se posaient des questions en matière d'éthique et de rémunération, l'AMC a mis au point une série de lignes directrices destinées aux médecins de ville qui sont sollicités en grand nombre. Lorsque j'ai écrit mon article, tout au moins, ils étaient très nombreux à être sollicités pour participer à des essais à l'extérieur du cadre universitaire.

M. Lemmens : Un des problèmes que rencontrent les cliniciens-chercheurs, tient au fait que ces nombreux essais cliniques sont réalisés à l'extérieur du cadre universitaire. Il est certain que les chercheurs universitaires ont intérêt à garder un lien avec la recherche clinique, étant donné que cette activité génère des capitaux pour l'institution. Avec la nouvelle orientation adoptée par les IRSC, ce qui nous ramène également à la question précédente, on peut s'inquiéter de voir s'estomper la frontière entre la recherche d'intérêt plutôt universitaire et la recherche mise au point et contrôlée par l'industrie. Par exemple, la nouvelle Stratégie de recherche axée sur le patient, ainsi que d'autres initiatives de financement des IRSC, souligne la nécessité de collaborer avec l'industrie. Il n'y a rien de mal à collaborer avec l'industrie. Le problème vient du fait que ce programme central encouragera par exemple une plus grande collaboration dans le cadre des essais cliniques de haute qualité, l'élaboration de meilleures lignes directrices, une meilleure transmission des connaissances et des soins de santé améliorés et axés sur le patient. Dans le cadre des controverses soulevées par la non-publication des données, beaucoup de problèmes étaient liés à des essais de mauvaise qualité ou à la dissimulation des résultats des essais, à l'absence de lignes directrices claires et à des essais cliniques qui n'étaient pas suffisamment axés sur le patient. À mon avis, il sera difficile d'appliquer les lignes directrices si nous ne disposons pas d'un appui solide de la part du législateur.

Le sénateur Martin : Je partage le point de vue de ma collègue, le sénateur Seidman, et je pense que le témoignage que vous nous livrez aujourd'hui nous offre une perspective différente sur ce sujet extrêmement important.

On nous dit, depuis quelque temps, combien il est important de conserver les essais cliniques au Canada à un certain niveau concurrentiel avec le reste du monde. Nous évoluons dans un marché mondial. Cependant, on nous dit aussi aujourd'hui qu'il est très important de préserver la qualité de ces essais cliniques et d'établir des normes permettant de conserver le produit de ces recherches réalisées au Canada.

Madame Silversides, vous avez dit qu'en 2004, 87 p. 100 des essais étaient parrainés par l'industrie?

Mme Silversides : Ces renseignements nous proviennent de Santé Canada, en 2004, je crois. Le ministère m'a fourni les données correspondant à 2002. Je pense qu'en fait le pourcentage était de 86 p. 100.

Le sénateur Martin : Pensez-vous qu'il est demeuré à peu près identique?

Mme Silversides : C'est ça le problème; je n'ai pas beaucoup écrit sur le sujet. Les dernières statistiques dont je dispose sont de 80 p. 100. Il y a peut-être une légère amélioration, mais c'est à peu près la même chose.

Le sénateur Martin : Je crois que d'autres collègues ont posé cette question ou une question semblable. Si nous voulons que le Canada conserve son avantage concurrentiel et garde ses essais au pays — c'est tellement important pour la population canadienne — nous devons nous efforcer de maintenir la qualité de ces essais cliniques.

Mme Silversides : Et protéger la santé des Canadiens.

Le sénateur Martin : Exactement.

J'aimerais vous poser une question sur l'inclusion des femmes enceintes. Bien qu'elles semblent être un sous-groupe, ou un groupe plus restreint, c'est par elles que nous sommes tous venus au monde, et c'est donc un groupe réellement important qu'il ne faut pas négliger. Que pouvons-nous faire pour améliorer la proportion de ces femmes enrôlées dans les essais? Que pouvons-nous faire au Canada, précisément, pour veiller à ce qu'elles ne soient pas exclues, mais plutôt incluses?

Mme Baylis : Nous devons changer la prémisse initiale. À l'heure actuelle, les femmes enceintes sont d'office exclues des essais cliniques. J'aimerais que l'on commence avec la prémisse que tout le monde a droit aux soins de santé et que tout le monde peut participer aux essais cliniques. Si vous voulez exclure une population, il vous incomberait d'établir le bien-fondé de l'exclusion. Il est des cas où il est parfaitement légitime d'exclure les femmes enceintes. Si vous faites des recherches avec ce que l'on appelle un médicament de catégorie X — l'Accutane en est un exemple — vous ne voudrez pas englober de femmes enceintes dans cet essai. Si vous menez un projet de recherche avec la Thalidomide, vous ne voudrez certainement pas englober des femmes enceintes dans cet essai. Il existe de bons motifs de vouloir exclure certaines populations, mais je peux vous dire que j'ai examiné de nombreux essais pour lesquels on considérait l'exclusion comme allant de soi : « Bien sûr, nous allons exclure toutes les femmes enceintes ». Si une compagnie pharmaceutique commandite cet essai, on peut comprendre qu'elle veuille le faire, mais alors il incombe au comité d'éthique de la recherche de demander pourquoi. Vous devez nous donner une justification, et nous déterminerons ensuite si elle est acceptable ou appropriée. C'est un problème pratique. Je viens de publier un article dans Clinical Investigation, avec Scott Halperin, qui est un spécialiste des essais. Nous cherchons à répondre à la question pragmatique de la conception des essais. Nous cherchons à répondre à la question : si vous acceptiez notre position pour des raisons d'éthique et pensiez que c'est la bonne chose à faire, comment vous y prendriez-vous concrètement?

Nous préconisons notamment que, une fois arrivé à un essai de phase III, ce qui signifie que les phases I et II ont été accomplies et que l'on dispose déjà de bonnes données sur l'innocuité et l'efficacité dans la population en général, aux fins de la phase III on s'adresserait à cette population nouvelle, celle des femmes enceintes, pour l'inclure.

Au fur et à mesure que vos connaissances progressent, vous commencez à en accumuler aussi sur les femmes enceintes, de telle façon qu'une fois que votre médicament est mis sur le marché, vous êtes en mesure de l'offrir également aux femmes enceintes. C'est à ce moment, pour en revenir à une remarque précédente du sénateur Eggleton, que vous pouvez choisir de manier la carotte ou le bâton. Vous pouvez dire à la compagnie qu'elle ne sera pas autorisée à mettre son médicament sur le marché tant qu'il n'est pas offert à toute la population, ou bien que l'autorisation sera temporaire, ou bien que la compagnie bénéficiera d'un traitement préférentiel sur le plan de l'homologation si elle fait telle chose pour telle population, ce qui représente alors davantage une carotte. Il pourrait y avoir différents moyens de s'y prendre dans la pratique. Mais il faut tout d'abord la volonté — si vous acceptez mon argument que les femmes malades peuvent tomber enceintes, que des femmes enceintes peuvent tomber malades, et qu'elles méritent l'accès à des médicaments ayant fait leurs preuves.

Le sénateur Martin : Pour y parvenir, faut-il impérativement modifier la réglementation ou la loi?

Mme Baylis : Il faut des changements à tous les niveaux. Il faut changer les lignes directrices que les comités d'éthique de la recherche doivent suivre, il faut sensibiliser mieux les membres de ces comités, et les IRSC doivent en faire une priorité. Les IRSC ont la faculté de décréter que c'est une priorité pour la population et consacrer une partie de leur budget à l'investissement dans ce domaine.

Comme je l'ai dit, le gros enjeu est ce que l'on va imposer aux fabricants qui, à un moment donné, vont faire valoir qu'ils ont des responsabilités envers leurs actionnaires, et leurs avocats leur diront certainement que ce n'est pas là quelque chose de très rentable pour la compagnie. C'est pourquoi je pense que c'est un problème aussi complexe. Cependant, il faut bien ouvrir le débat si l'on veut trouver les moyens d'avancer.

Le sénateur Martin : Si c'est tellement compliqué, a-t-on déjà déployé des tentatives dans le passé? Est-ce que l'on avance dans cette direction? Il semble qu'il faille une volonté et tout un processus pour trouver une réelle solution.

Mme Baylis : C'est absolument vrai, mais dans certains domaines quelques essais ont commencé. Par exemple, on en a entrepris en rapport avec la dépression et l'emploi de certains produits pharmaceutiques pour la traiter, et cetera.

Permettez-moi de prendre un peu de recul et de vous citer un exemple récent que tout le monde peut comprendre. Songez à la pandémie de H1N1 que nous avons connue. Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais des conseils contradictoires étaient alors donnés aux femmes enceintes. D'abord, on leur a dit de ne pas s'inquiéter, de simplement prendre le vaccin avec adjuvant; puis en cours de route, on leur a dit : « Non, non, ne faites pas cela. Prenez plutôt le vaccin sans adjuvant ».

Si je passais en revue avec vous cette prise de décision, je vous montrerais qu'elle n'était fondée en rien sur de bonnes données robustes. Elle était fondée entièrement sur les circonstances du moment. Si vous remontez en arrière et regardez ce que nous savions sur la base des essais cliniques, des modèles animaux et des preuves anecdotiques et cetera, nous aurions dû prendre des décisions stratégiques différentes, et c'est cela qui est important. La façon dont nous menons les recherches et produisons les connaissances est importante pour la santé des Canadiens, et elle est importante car elle influence directement les politiques adoptées concernant ce que nous offrons ou non aux Canadiens. Je pense que parfois, lorsque l'on s'enflamme au sujet des aspects économiques de cette problématique complexe, il ne faut pas perdre de vue l'essentiel, qui est de savoir comment nous pouvons améliorer la santé des Canadiens.

Le sénateur Martin : Une dernière question à ce sujet. Si vous ne connaissez pas la réponse, vous pourrez peut-être nous la communiquer plus tard. Que fait-on à l'étranger pour mieux englober cette population?

Mme Baylis : Les femmes enceintes en particulier?

Le sénateur Martin : Oui.

Mme Baylis : Nous tous dans le monde militons pour cela. Je peux vous citer un groupe de chercheuses aux États-Unis, appelé The Second Wave, qui intervient auprès de leur gouvernement pour que l'on prête attention à cette population. Je dirais que c'est vrai partout dans le monde. Une grande différence est que, si vous regardez les lignes directrices internationales, ce que je propose y est déjà intégré. La prémisse est que les femmes enceintes sont incluses, il faut justifier leur exclusion, vous avez donc déjà une déclaration publique internationale conforme à ce que je préconise. Le problème que je mets en évidence n'est pas propre au Canada, il se pose dans le monde entier. Cependant, nous pourrions faire preuve d'initiative dans ce domaine. Si vous cherchez un moyen de vous distinguer et d'attirer un certain corps de chercheurs, il y a moyen de concevoir un système qui les intéressera.

Le sénateur Poirier : Je ne suis pas régulièrement membre de ce comité; je remplace quelqu'un. Il se pourrait donc que je pose des questions qui ne sont pas en rapport avec l'étude. Si c'est le cas, je suis sûre que quelqu'un me reprendra.

Depuis quelques années, on voit les gens se tourner de plus en plus vers les médicaments naturels, par opposition aux médicaments chimiques, pour se soigner. Je serais curieuse de savoir si l'on fait autant de recherches sur l'innocuité des vitamines et des produits de médecine naturelle. Réalise-t-on des essais cliniques? Quelle est la différence? Les lignes directrices sont-elles les mêmes ou y a-t-il une différence?

Le président : Je vais statuer que la question se situe en dehors du sujet de notre étude, celui des essais cliniques. C'est un domaine entièrement distinct. Une loi portant sur les produits naturels est en préparation, et c'est un aspect totalement différent. Les renseignements de toutes sources mis à l'épreuve lors d'un essai clinique seront traités de la même manière que ce qui nous a été indiqué en réponse à ces questions.

Le sénateur Poirier : Merci, monsieur le président. Je suis nouvelle au comité, une simple remplaçante, et je ne le savais pas.

Le président : J'ai l'impression que le comité se penchera là-dessus à l'occasion d'une autre étude ultérieure.

Le sénateur Wallace : Il me paraît assez évident, à en juger d'après ce que chacun d'entre vous a dit, que vous êtes en faveur d'un régime réglementaire rigoureux au Canada, par opposition à un régime exclusivement d'auto-gouvernance et, plus particulièrement, de simples lignes directrices. Cela paraît certainement raisonnable, vu la gravité des questions mises en jeu.

Une grande partie de tout cela était nouveau également pour moi. Vous avez signalé certains aspects que je n'ai pas pleinement saisis. Il y a cette distinction entre la recherche financée par les IRSC et celle menée par les sociétés privées de manière indépendante, et la question est de savoir quelles obligations sont imposées à ces compagnies qui font la recherche et dans quelle mesure elles sont astreintes aux règles des IRSC.

Monsieur Lemmens, dans vos réponses vous avez dit que pour instaurer ces normes, pour établir les exigences relatives à l'enregistrement des essais et à la communication des résultats, certaines initiatives sont en cours, mais que cela ne s'appliquerait pas aux sociétés privées. Vous avez dit aussi que certaines des initiatives déjà prises ne suffiraient pas à contraindre les sociétés qui ont souvent un énorme intérêt financier à ne pas enregistrer les essais cliniques ou à ne pas rendre publiques les données.

Autour de quoi tourne cet énorme intérêt financier? Est-ce le souci qu'ont les compagnies de protéger le brevet ou brevet en instance qu'elles prennent sur ces produits? Est-ce la raison principale pour laquelle elles voudraient garder l'information confidentielle? J'ai plusieurs questions, mais je vais commencer par celle-ci.

M. Lemmens : Ce que j'entendais par ma remarque sur les contraintes d'enregistrement des essais de l'EPTC, c'est qu'elles ne s'appliquent pas aux sociétés privées. Des pressions indirectes s'exerçaient en faveur de l'enregistrement des essais cliniques et de la communication des résultats parce que Santé Canada demande, dans le contexte d'une bonne pratique clinique, que les sociétés, les partenaires de l'industrie, respectent la Déclaration de Helsinki. Or, celle-ci impose des obligations très générales. Il faut enregistrer un essai clinique et communiquer les données qui en résultent. Elle prévoit quelques obligations générales relatives à l'éthique de la recherche clinique, mais il est difficile de voir comment quelqu'un qui violerait les règles pourrait être sanctionné au Canada.

Les lignes directrices de la CIH-BPC, la Conférence internationale sur l'harmonisation — Bonnes pratiques cliniques, représentent un document d'orientation dans le contexte canadien, mais n'est pas un règlement au sens strict. Il existe quelques difficultés à faire respecter les normes internationales reconnues mais adaptables à l'échelle nationale.

Au niveau international, l'Organisation mondiale de la Santé a pris des initiatives importantes et décrit de façon très détaillée les éléments essentiels devant être enregistrés dans le contexte des essais cliniques, mais là encore une fois ce n'est pas directement exécutoire dans le contexte canadien.

Pourriez-vous me rappeler quelle était votre deuxième question?

Le sénateur Wallace : Vous avez dit que les sociétés à capital entièrement privé subiraient un désavantage financier énorme. Je me demande quel est ce désavantage. En particulier, vous avez dit tout dernièrement que les États-Unis et le Brésil ont des règles applicables à toute la recherche sanitaire, et je suppose donc aussi à ces sociétés privées. Comment se fait-il que ces pays aient ignoré les préoccupations que ces compagnies semblent avoir au Canada, pour imposer ces règles aux États-Unis et au Brésil?

M. Lemmens : Parfois on accepte tout simplement certaines affirmations. Par exemple, j'ai participé à une audience à l'Organisation mondiale de la Santé où il était question de l'enregistrement des essais et de la communication des résultats. Un représentant de l'industrie a affirmé que cela pourrait nuire à la protection conférée par les brevets, ainsi que d'autres intérêts financiers et investissements dans les résultats des essais cliniques, mais d'autres représentants de l'industrie l'ont contesté. Si vous songez en outre que l'industrie a accepté de façon générale l'enregistrement des essais à l'échelle internationale, et si vous considérez les arguments que nous avons présentés dans le document distribué, je ne pense pas qu'il soit fondé de dire que les brevets s'en ressentiraient, car les brevets sont déposés bien avant le début des essais cliniques.

Pour être juste envers l'industrie, en ce sens que c'est l'industrie innovatrice qui investit dans la réalisation d'essais cliniques, il faut admettre que ces derniers coûtent cher. C'est une dépense que l'autorité de réglementation impose aux compagnies.

Encore une fois, si vous lisez les arguments que nous développons dans notre texte, les données sont déjà protégées. Les fabricants de médicaments génériques, par exemple, ne peuvent pas simplement prendre les données d'essais cliniques existantes pour faire homologuer leurs produits. Nous avons, aux États-Unis, au Canada et en Europe, des régimes de protection des données qui dépassent même la durée des brevets dans le cas de produits pharmaceutiques particuliers.

La protection de l'investissement dans les données est déjà suffisamment assurée, et je dirais donc que les brevets ne sont pas la raison pour laquelle les compagnies sont réticentes. Je pense que c'est plutôt dû au fait que l'on peut utiliser les données. On peut même utiliser les résultats d'essais cliniques comme des outils de commercialisation. Cependant, si les résultats sont négatifs, vous n'avez aucune incitation à les rendre publics, de les publier dans la littérature scientifique, et de faire savoir au monde : « Notre médicament n'est peut-être pas si efficace ». Vous voyez qu'il y a une sorte de désincitation financière à publier l'information.

Le sénateur Wallace : Oui, et au Canada nous voulons encourager la recherche par essais cliniques dans notre pays. Si nous établissions un régime réglementaire qui allait leur faire fuir le pays et si les compagnies pouvaient effectuer les mêmes recherches aux États-Unis ou ailleurs, nous en tiendrions évidemment compte. Cependant, j'ai l'impression — en particulier vis-à-vis des États-Unis et peut-être aussi du Brésil — que le type de régime réglementaire que vous visez serait approprié, et ne semble pas s'écarter de ce que font déjà les autres grands pays; par conséquent, il n'y aurait pratiquement aucun risque de perdre cette activité et cet excellent travail au Canada.

M. Lemmens : Le Canada était jadis — mais davantage au niveau de lignes directrices peu contraignantes — un chef de file. Ceux travaillant dans les IRSC ont promu l'enregistrement des essais et la communication des résultats, participé à des débats intenses au niveau international sur ce qu'il convient d'enregistrer, ce qui devrait être transparent, et ce à quoi la communauté scientifique devrait avoir accès. Par exemple, les Déclarations d'Ottawa, dont des gens au sein des IRSC s'étaient fait les champions, et les Collaborations de Cochrane ont été l'une des grosses influences qui ont amené l'Organisation mondiale de la Santé à instaurer son système d'enregistrement des essais.

Cependant, si vous considérez les mêmes chercheurs qui ont milité pour cela, de nombreux spécialistes préconisent aujourd'hui aller plus loin que les États-Unis. Le Canada était à l'avant-garde, et nous devrions aujourd'hui, du moins au niveau législatif, voir ce que nous pourrions faire pour améliorer encore le système. Il subsiste un important volet qui, même dans le contexte américain, n'est pas nécessairement publiquement accessible, à savoir les essais précoces de phase I. On lit dans la littérature des arguments convaincants en faveur de l'accès public à ces essais-là aussi.

Mme Silversides : J'étais à l'Université Dartmouth à titre de journaliste juste après le retrait de la politique des IRSC. Il y avait là des chercheurs de plusieurs pays et je dois dire que ce retrait a réellement engendré des ondes de choc. Cette décision a retenu beaucoup d'attention à l'échelle internationale car le Canada était perçu comme un chef de file dans ce domaine. Cela a eu un grand retentissement, pas seulement dans notre pays.

Le sénateur Demers : Madame Baylis, pourriez-vous expliquer au comité, je vous prie, pourquoi Santé Canada devrait obliger les fabricants de médicaments et les chercheurs, au moyen d'une réglementation, à concevoir et mener des essais cliniques de plus petite envergure conçus spécialement pour les femmes enceintes?

Mme Baylis : Me demandez-vous d'expliquer ce que j'entends par là?

Le sénateur Demers : Oui, s'il vous plaît. Merci.

Mme Baylis : En gros, je dis qu'il faut un stimulant ou un incitatif sous une forme ou une autre car il importe de reconnaître que cette partie de la population canadienne aussi a besoin de disposer de bons médicaments. Ma préoccupation à l'heure actuelle c'est qu'il n'y a absolument aucune incitation dans le système à faire en sorte que les femmes enceintes aient cet accès. Je demande donc s'il existe des façons dont des organisations, des personnes, et des centres de pouvoir pourraient déclarer que c'est là une priorité?

Mme Silversides : J'ajoute ceci : En l'absence de tels essais, comme la professeure Baylis l'a dit, on en est réduit à prescrire quantité de médicaments hors-indication aux femmes enceintes, et l'on constate beaucoup de conséquences imprévues parce que ces usages n'ont jamais été étudiés. Cela renforce son argument.

Le président : J'aimerais poser quelques questions pour obtenir un complément de réponses à plusieurs questions déjà posées.

Concernant la question du sénateur Demers, qui fait suite à d'autres remarques faites par des sénateurs et vous-même, et au sujet des sous-groupes clairement identifiables tels que les enfants et les femmes enceintes en particulier, vous, professeure Baylis, avez mentionné les deux approches, celle de la carotte et celle du bâton. L'une des carottes qui ont déjà été portées à notre attention au cours de cette étude est un prolongement de la durée du brevet d'environ six mois — je crois, dans l'exemple qui a été donné — lorsque des enfants sont englobés dans un essai.

Professeure Baylis, vous nous avez donné une idée de la complexité rencontrée lorsqu'on veut inclure des femmes enceintes et des femmes dans les essais cliniques. Cependant, en outre, les enfants et certains sous-groupes présentent des caractères physiologiques considérés différents de ceux de la population générale adulte. Tout indique que des efforts supplémentaires doivent être déployés pour garantir la protection de ces personnes lors d'un essai clinique, avec davantage d'observations et ainsi de suite, ce qui entraîne un léger allongement du délai d'obtention de l'agrément éventuel.

Est-ce qu'un petit prolongement de la durée d'un brevet est un exemple raisonnable d'emploi de la carotte dans ces domaines?

Mme Baylis : Je pense que oui. L'exemple que vous donnez, dans le cas des enfants, est l'une des façons d'inciter à faire ce travail. J'ai jadis travaillé à temps plein à l'hôpital pour enfants, au début des années 1990. Je militais alors activement pour des recherches auprès d'enfants, faisant valoir que les enfants ne sont pas seulement des petits adultes, que leur organisme est réellement différent et qu'il faut y prêter attention. Environ 10 ans plus tard, j'ai mené le même combat en faveur de recherches couvrant les femmes, en disant que les femmes ne sont pas seulement des hommes avec des hormones. Mon argument aujourd'hui est que les femmes enceintes ne sont pas juste des femmes avec des gros ventres.

Vous avez tout à fait raison. C'est bien ce que nous avons vécu, à savoir que différentes populations étaient privées des avantages de la recherche. Au cours des 20 dernières années, nous avons connu des transformations dans notre société qui font que nous comprenons que la recherche est potentiellement bénéfique, pas seulement pour nous, les Canadiens, qui pouvons bénéficier de ces connaissances, mais qu'il y a aussi des avantages pour les participants eux-mêmes à la recherche. Il importe que nous accordions notre attention à la société tout entière. Oui, je pense que c'est parfaitement juste.

Le président : Merci.

Professeur Lemmens, vous nous avez donné un certain nombre d'exemples d'enjeux relatifs à la réglementation, aux lignes directrices et aux choses de cette nature, et vous avez mentionné plusieurs autres pays. Vous avez plus particulièrement mentionné les États-Unis et le Brésil. L'Europe est évidemment une autre grande entité où les essais cliniques sont rigoureusement réglementés. J'aimerais vous demander à vous, et à vos collègues et au groupe des témoins que nous recevons aujourd'hui, de nous indiquer ce que vous estimez être des exemples de pratiques exemplaires dans la réglementation des essais cliniques, et de nous les communiquer. Je ne vous demande pas de désigner qui les cumule toutes. Je demande simplement quels aspects de l'approche des essais cliniques d'un pays vous considérez être comme de très bons modèles sur certains points précis, pas sur le tableau d'ensemble, en sus de toutes les remarques générales et spécifiques que vous avez faites aujourd'hui. Si vous pouviez y réfléchir, tous les trois, nous vous en serions reconnaissants.

La question d'une approche commune des exigences des comités d'éthique est très intéressante. Nous avons entendu des arguments convaincants en faveur de la création d'un comité d'éthique commun pour assurer que des essais cliniques continuent d'être menés au Canada. Des témoins nous ont dit que, du point de vue de la compétitivité, le délai de réalisation d'un essai clinique est un facteur important pour ces compagnies qui veulent mettre une nouvelle substance chimique sur le marché.

Cependant, dans vos réponses, vous avez introduit un autre volet potentiellement intéressant en soulignant qu'il est important de protéger le patient lors de l'essai clinique. N'est-ce pas là une autre raison d'avoir des exigences éthiques normalisées, clairement publiées et facilement compréhensibles relativement au traitement des patients lors d'un essai clinique, afin de garantir leur protection. L'on nous a dit que, parfois, des douzaines de comités d'éthique différents participent à la détermination des exigences dans ce domaine. On peut imaginer que dans le cas d'essais très restreints, qui peuvent être le fait d'universitaires, il peut n'y avoir guère de supervision externe de l'agrément éthique accordé à un essai donné.

Existe-t-il un aspect de la protection des patients qui pourrait bénéficier d'exigences standardisées et partout diffusées régissant l'octroi des agréments à des essais cliniques par les comités d'éthique?

M. Lemmens : Les choses bougent partout dans le monde et différents modèles cohabitent. Je dirais qu'il est clair que la tendance, par exemple dans la plupart des pays de l'Union européenne, est au passage à une structure de comités d'éthique davantage contrôlée par les pouvoirs publics, ces derniers prescrivant comment les comités d'éthique de la recherche doivent être organisés, qui peut en être membre et quelle est leur juridiction territoriale. J'enseigne un cours sur la gouvernance pharmaceutique et j'explique aux étudiants qui n'ont jamais réellement réfléchi à la question des comités d'éthique de la recherche que dans notre pays, dans plusieurs provinces, vous pouvez déposer votre projet d'essai clinique auprès d'un comité d'éthique de la recherche commerciale ou d'un comité d'examen institutionnel. Votre demande peut être rejetée mais il vous suffit simplement alors de vous adresser au comité suivant. Les gens sont abasourdis de l'apprendre.

Je ne prétends pas que les comités d'éthique de la recherche commerciale sont nécessairement pires et d'autres nécessairement meilleurs ni qu'il n'y a pas dans ce pays de bons comités d'éthique de la recherche fonctionnant de manière appropriée, mais comme système, c'est assez surprenant. Si la protection des sujets de la recherche et leurs droits et leur bien-être sont la finalité de ces comités d'éthique de la recherche, pour reprendre leurs propres termes, il est très étrange que l'on puisse avoir une concurrence commerciale entre ces comités pour s'attirer des clients, ce qui peut se répercuter indirectement sur la santé des Canadiens. En tant que consommateur, cela ne me rassure pas.

Mme Baylis : Je recommande au comité la lecture du rapport intitulé, je crois, Allez de l'avant, rédigé par le Forum des promoteurs, un autre des documents qui a été effacé. Je peux vous en trouver une copie si vous êtes intéressés.

Le président : Sous la table.

Mme Baylis : Une de mes collègues à l'Université Dalhousie, Jocelyn Downie, a travaillé sur ce projet. Je mentionne son nom car elle a également participé au rapport de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université sur la débâcle Nancy Oliveri. Elle a peut-être quelques idées intéressantes à ce sujet.

Mon sommaire du rapport Allez de l'avant dit en substance que le système est défectueux et doit être réparé. Il faudrait envisager comme solution des comités régionaux pour certains domaines de recherche, peut-être, et des comités nationaux pour d'autres domaines. Par exemple, les comités nationaux prêtent attention à des aspects tels que les résultats enregistrés pour un médicament, mais aussi aux connaissances requises autour de la table pour en faire un examen approprié. Dans un domaine de recherche nouveau, ces experts peuvent être en très petit nombre.

La recherche sur les cellules souches est un exemple classique. Lorsque nous faisons de le recherche sur les cellules souches des embryons dans le contexte d'essais cliniques, non pas la dérivation mais plutôt l'implantation dans des patients, combien de personnes dans ce pays sont suffisamment à l'écart de cette recherche — pour ne pas avoir de conflit d'intérêts — tout en possédant également l'expérience et les compétences pour faire le travail. Je fais valoir que l'on ne peut s'en remettre pour cela aux divers comités d'éthique de la recherche locaux prenant chacun ses décisions propres. Ce peut être un exemple d'un domaine où il faudrait une supervision nationale. Après 10 ou 15 années d'expérience, on pourrait peut-être déléguer au niveau régional, et pour les examens plus routiniers au niveau local, si vous voulez vraiment garder un système étagé. C'est un exemple facile permettant de montrer que le système ne peut continuer tel quel si le but est de protéger les sujets de recherche et de veiller à leurs intérêts. Surtout dans le cas des cellules souches, je signale que c'est là un aspect qui échappe à L'énoncé de politique des trois conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains et qui relève exclusivement des IRSC. Vous pouvez dire que c'est bien car il n'y aura qu'un seul comité — un comité de surveillance — se penchant là-dessus, mais alors je soulève la question du conflit d'intérêts, car c'est interne aux IRSC.

Le président : Nous avons ce document.

Mme Baylis : Excellent.

Le président : Vous avez tous deux fourni des renseignements que je suis ravi de voir consignés au dossier.

Dans l'une de vos réponses, professeur Lemmens, et je ne cherche pas à vous faire dire ce que vous ne dites pas, j'ai relevé des termes qui sont généralement employés dans le monde du commerce concurrentiel. Je crois que vous avez dit que tout le monde doit se conformer à des règles clairement définies et que l'industrie y est généralement favorable car toutes les entreprises doivent se plier aux mêmes règles clairement définies.

Cependant, dans le cas des essais cliniques, si l'on se contente de lignes directrices par opposition à un règlement, il se peut bien que dans l'esprit des entreprises en concurrence, et je crois que c'est sous-entendu, que tout le monde ne va pas nécessairement appliquer les normes les plus strictes à l'intérieur de ces règles et que, par conséquent, certaines entreprises pourraient connaître un désavantage concurrentiel.

Pensez-vous que s'il existait des règles très clairement définies s'appliquant très clairement à toutes les sociétés voulant entreprendre des essais cliniques, l'industrie n'y serait pas fondamentalement opposée? À votre avis, quelle serait la réaction de l'industrie à une telle approche?

M. Lemmens : Je ne puis parler au nom de l'industrie. Tout dépend de laquelle vous parlez.

Le président : Parlez de façon générale de l'industrie pharmaceutique. Je ne vous demande pas de faire de distinction.

M. Lemmens : Il faut savoir qu'il existe un autre secteur important : l'industrie des essais cliniques. Elle réalise des milliards de dollars de chiffre d'affaires.

Le président : Je m'en tiens aux sociétés qui introduisent la molécule chimique.

M. Lemmens : Il peut y avoir des opinions divergentes, mais j'ai déjà entendu d'aucuns au sein de l'industrie pharmaceutique dire qu'ils réalisent qu'il y a beaucoup de gaspillage et beaucoup d'investissements dans les essais cliniques de nature concurrentielle et que l'on réalise plus d'essais qu'il ne serait vraiment nécessaire s'il s'agissait uniquement d'obtenir des données intéressantes pour l'approbation réglementaire. Peut-être si les essais étaient davantage rationnalisés et mieux organisés, nous en aurions un moins grand nombre, nous aurions des essais mieux centrés et, peut-être, une moindre nécessité d'y investir.

Le président : Merci. Je veux aborder la question plus large des types d'essais cliniques. Nous en avons parlé un peu plus aujourd'hui, mais tout au long de nos audiences différents exemples nous ont été donnés. Nous avons clairement établi aujourd'hui qu'autour de 80 p. 100 des essais cliniques effectués au Canada sont commandités par les compagnies pharmaceutiques, pour des raisons évidentes. J'aimerais parler des 20 p. 100 restants, qui peuvent relever principalement de la compétence des IRSC.

Hier, on nous a donné des exemples de très petits essais cliniques entrepris pratiquement à l'initiative exclusive de médecins. Ils sont souvent dus au fait que des médecins tombent sur des renseignements post-commercialisation sur un médicament homologué indiquant certaines réactions positives avec d'autres indications. Un médecin seul ou un groupe de médecins dans un hôpital donné peuvent demander la permission de mener une étude très restreinte auprès d'un groupe de patients triés sur le volet pour déterminer si le médicament apporte ou non des bienfaits.

En outre, nous savons qu'au Canada, dans les centres de recherche, de nombreuses recherches de pointe sur les maladies rares sont menées, particulièrement sur les maladies d'origine génétique, dont il n'existe peut-être que deux ou trois, quatre ou cinq, moins de 10 cas à la fois au Canada. La recherche nécessaire pour traiter certains de ces cas peut ne bénéficier initialement qu'à un très petit nombre de personnes.

Est-ce que, dans cette situation, les IRSC pourraient faire preuve de quelque flexibilité concernant certains aspects de l'essai clinique, ou bien considérez-vous qu'une bonne approche globale de l'éthique devrait s'appliquer de façon identique à ces essais restreints?

M. Lemmens : Il est intéressant que vous mentionniez la génétique et la pharmacogénomique. Tout le mouvement vers des médicaments personnalisés va engendrer davantage de difficultés pour l'organisation de vastes essais cliniques. Vous aurez des essais d'envergure plus restreinte. On s'attend donc à voir des essais de plus petite ampleur sur des groupes de patients plus petits.

Je dirais qu'il peut se poser des problèmes pratiques empêchant d'organiser des essais plus vastes dans ce domaine, et l'autorité de réglementation des médicaments peut avoir à déterminer quels éléments probants suffiraient à prendre certaines décisions dans ce domaine. C'est là une question scientifique et pratique relative à la fiabilité des éléments probants et la manière d'organiser ces essais cliniques, mais je ne vois pas d'emblée de raisons de déroger à la transparence des essais cliniques. Au contraire, je dirais qu'il devient d'autant plus important de savoir ce qui se passe à l'échelle internationale.

Je veux souligner également que ce mouvement international vers l'enregistrement des essais cliniques permet également aux chercheurs de réellement nouer des liens qui étaient difficiles à tisser auparavant. L'informatique nous offre des outils fabuleux pour suivre ce qui se passe dans divers pays auprès de petits groupes de patients et nouer des contacts qui n'auraient pas été possibles auparavant, ou du moins pas avec la même facilité.

Je dirais que dans ce domaine particulier, la collaboration internationale et la transparence sont même encore plus importantes.

Le président : Merci. Je vous remercie au nom de mes collègues de vos exposés et de la franchise de vos réponses. Il se pose manifestement de vastes questions auxquelles seul le temps pourra peut-être nous apporter des réponses absolues, mais il existe manifestement quantité de domaines où les choses sont très claires, et vous nous avez grandement aidés à nous en informer aujourd'hui.

Je vous ai posé une question particulière à laquelle je vous demande de réfléchir après votre retour, mais, au nom du comité, j'aimerais vous demander aussi si, après la réunion, il vous vient à l'esprit un sujet évoqué aujourd'hui concernant lequel vous regrettez de ne pas avoir cité un exemple ou un aspect particulier, de bien vouloir nous en faire part par écrit.

Mme Baylis : Je vous encourage à prendre connaissance d'une proposition. C'est une proposition internationale connue sous le nom de Health Impact Fund, qui représente une nouvelle façon, totalement originale, d'inciter les grosses compagnies pharmaceutiques à s'intéresser aux maladies rares, avec instauration d'un mécanisme de financement mondial donnant priorité aux connaissances médicales possédant une valeur sociale. C'est une initiative étonnante, si elle est jamais réalisée. Je sais que des pourparlers internationaux sont en cours avec l'OMS et un Canadien est l'un des coparrains de cette initiative. Je pense que ce serait réellement intéressant pour vous d'examiner ce projet et de voir comment il pourrait être appliqué dans le contexte canadien.

Le président : C'est le genre d'exemple que nous vous demandons de fournir. Je vais mettre fin à la séance, mais je vous demande de nous communiquer ultérieurement ces exemples. Je vous remercie infiniment, au nom du comité.

(La séance est levée.)


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