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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 17 - Témoignages du 16 mai 2012


OTTAWA, le mercredi 16 mai 2012

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 14, pour faire une étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada (sujet : Essais cliniques).

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, la séance est ouverte.

[Français]

Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie et je préside le comité. J'invite mes collègues à se présenter. Commençons par le vice- président, à ma gauche.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, sénateur de Toronto et vice-président.

Le sénateur Hubley : Elizabeth Hubley, sénateur de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Campbell : Larry Campbell, sénateur de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Cordy : Jane Cordy, sénateur de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Martin : Bonjour, Yonah Martin, également de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Housakos : Leo Housakos, du Québec.

Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le président : Bonjour, chers collègues, j'aurais sans doute dû signaler que je suis de la Nouvelle-Écosse.

Aujourd'hui, nous avons deux témoins qui feront des exposés. Nous sommes enchantés de vous accueillir. Je vais donner votre nom et vous inviter à vous présenter. Tel qu'entendu au départ, je vais demander à la Dre Miriam Shuchman, présidente du Comité d'éthique de la recherche au Women's College Hospital, à Toronto, de prendre la parole en premier.

Dre Miriam Shuchman, présidente, Comité d'éthique de la recherche, Women's College Hospital, à titre personnel : Merci. Il est très agréable d'être parmi vous. Je comparais surtout grâce à mon travail de journaliste en soins de santé. J'ai été correspondante nationale pour le New England Journal of Medicine, et j'ai été correspondante pigiste pour le Journal de l'Association médicale canadienne et un certain nombre d'autres périodiques dans le domaine médical

Pour ces publications, j'ai écrit des articles sur la réglementation des essais cliniques portant sur les médicaments et les instruments médicaux, et ce sont certains de ces articles qui m'ont valu d'être invitée à témoigner.

Je travaille aussi comme médecin au niveau universitaire. Je suis psychiatre, et je préside le Comité d'éthique de la recherche au Women's College Hospital de Toronto, mais ce n'est pas ce qui m'amène ici aujourd'hui. Je vais vous entretenir de sujets que j'ai traités comme journaliste.

Je vais donc parler de certains échecs ou scandales, si vous préférez, dans le contexte des essais cliniques. La raison, c'est que, comme journaliste, c'est là-dessus qu'on finit par écrire. On traite de ce qui fait la nouvelle, de ce qui a mal tourné. Je tiens à dire dès le départ que je suis clinicienne et que je passe une journée par semaine dans un des services d'urgence psychiatrique les plus occupés au Canada. Je suis donc très consciente de la nécessité des essais cliniques, et je m'inspire des résultats de ces essais dans le traitement de mes patients. Malgré tout, je vais vous parler aujourd'hui des échecs, des problèmes qui ont surgi au cours d'essais.

L'un des problèmes que je serai amenée à décrire, c'est le manque d'information à la disposition du grand public, des médecins et de l'ensemble de la collectivité sur les questions dont je vais parler.

Le tout premier échec que je vais décrire, et qui est probablement familier à beaucoup d'entre vous, est sans doute un des cas les plus graves de réaction négative chez les humains au cours de la dernière décennie. Il s'agit du problème du TGN1412 au Royaume-Uni. Il s'agissait d'essais cliniques de phase I menés par une très grande organisation de recherche contractuelle, Parexel, pour le compte d'une toute petite pharmaceutique en Allemagne. Dans ce cas, il y a eu une catastrophe clinique, car cinq ou six hommes se sont retrouvés aux soins intensifs, et certains on même perdu des doigts ou le bout de certains doigts. Le problème était très grave.

Si j'en parle ici aujourd'hui, c'est parce que le Royaume-Uni a consacré beaucoup de temps aux enquêtes pour savoir ce qui s'était passé au juste. L'Allemagne a également fait enquête, et il y a beaucoup d'information disponible pour quiconque veut se renseigner davantage.

Ce qui m'inquiète, c'est que quelque chose de semblable risque de se produire ici. Lorsque j'ai écrit sur le sujet et mené des entrevues, j'ai constaté que les éthiciens et scientifiques au Canada ne croyaient pas que la situation fût plus sûre chez nous qu'au Royaume-Uni. Depuis, tout le monde a renforcé les sauvegardes à cause de ce problème, mais je crois que nous serions moins renseignés, que le monde serait moins renseigné parce que les limites imposées à l'information disponible au Canada sont plus rigoureuses qu'au Royaume-Uni.

Le problème suivant au sujet duquel j'ai écrit est celui d'un certain John Dennis, au Québec. Je ne l'ai pas interviewé et je n'ai pas pu le trouver, mais l'affaire a fait la nouvelle parce qu'il a menacé d'intenter des poursuites contre une entreprise qui fait des essais, Anapharm : en participant à des essais de phase I pour lesquels il était volontaire et rémunéré, il a dû soudain être transféré vers le service d'urgence de McGill à cause d'un problème cardiaque. Il a estimé par la suite que l'incident avait été tellement inattendu qu'il y avait lieu de poursuivre l'entreprise. Il a réclamé 95 000 $. Nous n'avons pas la moindre idée de ce qui s'est passé. Lorsque j'ai écrit sur le sujet, j'ai discuté avec un avocat de Fasken Martineau, au Québec, qui a dit que ces affaires ne sortent presque jamais au grand jour. Le peu que nous savions sur cet incident ne se sait presque jamais. Ces problèmes se règlent invariablement à l'amiable, avec une consigne de silence.

J'évoque ces faits pour poser des questions : y a-t-il des incidents graves qui se produisent au Canada? Oui, bien sûr. En entendrons-nous parler? Non. Ceux qui mènent ces essais devraient être tenus de déclarer les incidents. Il s'agit d'essais de phase I. Les faits devraient être signalés. Le problème qui est arrivé à John Dennis aurait dû être déclaré à Santé Canada. Il aurait dû être signalé aussi au comité d'éthique de la recherche qui surveillait les essais, comité qui doit nécessairement exister. Aucune partie de cette information n'est à la disposition du public. Les comités d'éthique ne fournissent pas d'information au public, pas plus que Santé Canada ne le fait, au sujet des incidents malheureux.

Une autre affaire dont je vais parler a été abondamment traitée dans les émissions d'information. En 2006, une entreprise importante qui faisait des essais, SFBC, recherchait des patients au Québec pour des essais de phase I. Comme un journaliste de Bloomberg l'a révélé, un des hommes se trouvait dans une salle avec quelqu'un qui a commencé à cracher du sang. Vous êtes peut-être nombreux à en avoir entendu parler. Six ou sept jours plus tard, le médecin qui menait les essais a décidé d'y mettre fin. À ce moment-là, tellement de gens avaient été en contact avec cet homme qui expectorait du sang parce qu'il était atteint de tuberculose, que, d'après un rapport de l'entreprise que j'ai trouvé affiché comme présentation PowerPoint sur le Web, 21 participants avaient été exposés à la contamination. Beaucoup de membres du personnel avaient été exposés. Il a fallu soumettre bien des gens, participants ou personnel, à un traitement prophylactique contre la tuberculose.

Santé Canada a mené une enquête approfondie qui a mené à une révision de la politique. Si nous sommes au courant, c'est parce qu'on peut trouver l'information sur le Web. Je vous ai donné les indications dans ma documentation. Le document s'intitule Mise à jour à l'intention des promoteurs d'essais cliniques : exigences pour le dépistage de la tuberculose chez des volontaires en bonne santé dans le cadre d'essais cliniques de phase I. Les exigences ont été modifiées à la lumière de l'enquête, mais le grand public, les médecins, les patients qui se prêtent à des essais et les entreprises qui veulent mener ce genre d'essais sont incapables de trouver quoi que ce soit sur l'enquête. Je ne comprends absolument pas que cette information ne soit pas à la disposition du public. Par contre, lorsque je travaillais pour le New England Journal of Medicine, j'écrivais la plupart du temps aux États-Unis. J'ai passé beaucoup de temps à la FDA, à assister aux travaux de ses groupes consultatifs et à ses audiences. Il y avait là une plus grande transparence.

Je voudrais parler d'une question très récente qui a défrayé la manchette. Vous savez peut-être que, tout juste la semaine dernière, la FDA a lancé un avertissement au sujet de l'opération du Dr Zamboni pour la sclérose en plaques. C'est là une situation où les patients sont tout à fait conscients de la nécessité d'essais cliniques. Ce sont les patients atteints de sclérose en plaques qui sentent ce besoin, et ils ne se limitent pas aux essais; ils vont ailleurs pour subir cette opération dont vous êtes certainement tous au courant.

La semaine dernière, le scientifique principal de la division des dispositifs à la FDA a lancé un avertissement, disant que la FDA avait reçu deux rapports sur des incidents graves qui s'étaient produits à cause de cette opération. Dans un cas, il y a eu une attaque grave et dans l'autre un décès. Il voulait donc s'assurer que les patients comme les cliniciens sachent que cette opération présente de grands risques. Vous en avez peut-être entendu parler à la CBC. Vous aurez peut-être lu quelque chose à ce sujet dans le Globe and Mail. Si on consulte l'information sur le site Web de la FDA, on lit dans le message d'avertissement qu'une lettre de mise en garde a été envoyée à un médecin qui pratique cette opération à Albany, à New York. Cela nous intéresse, car, comme vous le savez l'opération ne se fait pas au Canada, mais Albany n'est pas située très loin de l'Ontario. Il est certain que nos patients y seront allés.

On peut cliquer sur la lettre, la lire et voir exactement ce que fait ce médecin et ce qui inquiète la FDA : il utilise des endoprothèses. Il emploie donc un dispositif dans un contexte que la FDA considère comme expérimental. Or, il ne peut pas faire cela sans l'approbation de la FDA et sans l'approbation de l'IRB, son équivalent du comité d'éthique de la recherche. L'opération a donc été interdite. Le médecin doit satisfaire aux exigences de la FDA avant de pouvoir recommencer. N'importe quel patient ou membre de sa famille qui le souhaite peut trouver cette lettre. La question est d'une actualité brûlante pour quiconque est atteint de sclérose en plaques ou connaît quelqu'un qui en souffre. N'importe qui peut trouver cette lettre.

Santé Canada vient de publier un autre rapport sur ses inspections. Nous savons que le ministère fait des inspections et qu'il a mis fin à des essais. J'ai interviewé plusieurs personnes à Santé Canada qui ont parlé de ces essais qui ont été interrompus. Si la même situation s'était produite chez nous, nous n'aurions pas pu le savoir. C'est très inquiétant.

Réagissant à l'alerte, à l'avertissement de la FDA, la ministre de la Santé du Canada a dit, et il était tout à fait normal qu'elle le fasse, puisque des journalistes l'interrogeaient : « Je me fie à l'avis de médecins et de scientifiques qui surveillent continuellement les recherches les plus récentes. » Mais quels sont ces avis? Qu'est-ce qui nous a menés là? Nous n'arrivons pas à le trouver.

Je connais le nom du scientifique principal de la FDA qui a lancé cet avertissement. Son nom est indiqué. Je peux appeler les attachés de presse et demander à lui parler. Du reste, je lui ai déjà parlé par le passé.

Ma thèse, c'est que nous tous, patients, cliniciens et collectivité, devons être plus au courant des faits. Nous devrions pouvoir remédier à ce problème.

Je voudrais dire un mot très rapidement d'un désastre mettant en cause une organisation de recherche contractuelle. Si je veux le faire, c'est que j'ai écrit sur ces organisations, qui sont presque une boîte noire dans le domaine des recherches cliniques. On connaît fort peu de choses à leur sujet. Elles répugnent à accorder des entrevues, à fournir de l'information à ceux qui font des reportages à leur sujet. Je le sais parce que mon article est largement cité, même si je l'ai publié en 2007. Il n'y a vraiment pas grand-chose qu'on puisse écrire à leur sujet.

Il s'agit dans ce cas d'un antibiotique, le Ketek, dont cette organisation s'est occupée. Cette fois-ci, ce n'est pas une mauvaise nouvelle sur une organisation de recherche contractuelle. Dans ce cas, la surveillante de l'organisation a fait un excellent travail. Je veux simplement faire comprendre que ces organisations jouent un rôle essentiel dans ce secteur d'activité et y occupent une grande place, de sorte que le comité ne peut accomplir son travail sans examiner sérieusement le rôle de ces organisations en 2012.

Dans le cas du Ketek, qui a ensuite été lié à un problème d'insuffisance hépatique, l'entreprise qui développait le médicament était une partie de ce qui est devenu aujourd'hui Sanofi-Aventis. Cette entreprise a confié les essais à une très grande organisation de recherche contractuelle, PPD, ou Pharmaceutical Product Development. Une surveillante de PPD a eu des soupçons de fraude. Elle a appris ensuite qu'il y avait eu fraude à l'un des endroits où les essais étaient menés, en Géorgie, je crois. Elle a prévenu ses supérieurs. Tous ont informé l'entreprise, Sanofi-Aventis. Lorsque la FDA a fait enquête, par la suite, elle a constaté que la fraude était si vaste — et il y avait même des intentions criminelles —, que le médecin qui dirigeait ce site d'essais a été emprisonné pendant quatre ou cinq ans. C'était très grave.

À l'époque, même si la surveillante a prévenu l'entreprise, celle-ci n'a pas arrêté les essais à cet endroit. Elle a laissé le médecin continuer de diriger ce site d'essais, et elle n'a pas retiré non plus les données de ce médecin dans la soumission présentée à la FDA pour faire approuver le médicament. Avec le recul, on peut dire que ce fut une très mauvaise idée, puisque le médicament a été approuvé et a été lié ensuite à un problème grave d'insuffisance hépatique. Nous savons beaucoup de choses sur cet incident, car le sénateur Charles Grassley que vous devez être nombreux à bien connaître, a essayé de faire au sud de la frontière la même chose que vous. Il a appelé cette jeune femme, la surveillante de chez PPD, à témoigner. Comme elle était sous serment, elle a dit exactement ce qui s'était passé. Elle et son supérieur avaient communiqué avec l'IRB, qui avait répondu : « Nous allons suivre l'affaire, mais nous ne pouvons pas intervenir. » Par la suite l'IRB a essayé de prétendre n'avoir aucune trace de cet appel. Lorsqu'ils sont allés vérifier, les enquêteurs du Congrès ont trouvé un document confirmant que cet appel avait bien eu lieu.

En ce qui concerne cette organisation de recherche contractuelle, PPD, elle a été vendue en octobre à des entreprises de capital-investissement pour 3,9 milliards de dollars. C'est loin d'être la plus grande organisation de cette nature. La plus importante est Quintiles, qui doit maintenant valoir une vingtaine de milliards de dollars. Ce sont de très grandes entreprises. Aujourd'hui, il est impossible de faire des essais cliniques importants ou un grand nombre de petits essais de phase I sans faire appel à ces organisations. Je tiens simplement à ce que vous le sachiez, parce qu'on ne sait pas beaucoup de choses à leur sujet.

En guise de conclusion, je dirai que c'est pour moi un grand honneur de comparaître. Je suis psychiatre. Votre comité a été à l'origine de la Commission de la santé mentale et de la stratégie dont nous entendons parler depuis quelques semaines. Je connaissais donc le nom du comité. Je suis très honorée d'être parmi vous.

Je suis très heureuse que vous examiniez le secteur des essais cliniques. Je vous laisse sur une citation. Lorsque j'ai écrit sur les obstacles à surmonter pour faire des essais cliniques au Canada, et je sais que c'est là une de vos grandes préoccupations, j'ai dit qu'il fallait soumettre les essais à 200 comités d'éthique de la recherche avant de les réaliser au Canada. Il peut donc arriver qu'ils ne démarrent même pas. J'ai discuté avec Ray Saginur, qui doit comparaître devant le comité ou a déjà comparu, je crois. Il est ici, à Ottawa, et il s'occupe de l'Ontario Cancer Research Ethic Board. Selon lui, pour régler ces problèmes et combler ces lacunes, il faut assurer un leadership national, il faut que quelqu'un prenne la parole et dise que nous allons mieux faire les choses. C'est mon espoir. J'espère que le comité pourra susciter ou assurer ce leadership. Il faut que quelque chose change dans l'information que nous avons sur les essais cliniques et leurs modalités.

Le président : Merci. Ce sera maintenant le Dr Joel Lexchin, professeur à l'École de politique et de gestion de la santé, à l'Université York.

Dr Joel Lexchin, professeur, École de politique et de gestion de la santé, Université York, à titre personnel : Merci beaucoup de me permettre de comparaître. Je vais aborder certains points que le Dr Shuchman a traités, mais je le ferai sous un angle un peu différent.

Je vais vous donner un peu plus d'information sur mes antécédents, comme le Dr Shuchman l'a fait. Je suis moi aussi un médecin qui exerce la profession. Je travaille dans un service d'urgence du centre-ville de Toronto. Je vois des patients, je prescris des médicaments et, tout comme ma collègue, je suis conscient de l'importance d'essais cliniques bien faits pour que je puisse choisir le meilleur traitement pour mes patients.

J'étudie depuis une trentaine d'années divers aspects de la politique pharmaceutique. J'ai écrit à ce sujet, non comme journaliste, mais plutôt comme universitaire. Je voudrais vous communiquer quelques-uns de mes points de vue.

Une chose qu'il faut admettre, à propos des essais cliniques, c'est que beaucoup d'exigences à ce sujet sont régies par l'ICH, c'est-à-dire l'International Conference on Harmonization.

L'ICH est une organisation qui représente l'industrie pharmaceutique dans trois pays et régions, soit les États-Unis, l'Union européenne et le Japon, ainsi que les organismes de réglementation de chacune de ces régions, c'est-à-dire la FDA et l'Agence européenne des médicaments, mais le nom de l'équivalent japonais m'échappe. Le Canada a statut d'observateur, ce qui lui permet de participer, mais non de voter.

Au fil des ans, l'ICH a publié de nombreuses lignes directrices sur la conduite des essais cliniques, et Santé Canada en a adopté un bon nombre. Certaines font néanmoins l'objet de controverses. Ainsi, l'ICH a recommandé des essais plus courts sur les animaux pour vérifier le caractère carcinogène d'éventuels médicaments. Il y a donc controverse au sujet d'un certain nombre de lignes directrices. La difficulté, c'est que Santé Canada les adopte sans aucune forme de débat public. Un avis est peut-être publié dans la Gazette du Canada, mais les milieux médicaux et les groupes de consommateurs ne sont pas invités à donner leur point de vue. Les lignes directrices sont donc plus ou moins adoptées derrière des portes closes.

Je voudrais maintenant passer à quelque chose de plus récent : la modification des droits, la façon dont le Canada perçoit des frais d'utilisation auprès des pharmaceutiques pour l'évaluation des données sur les essais cliniques que ces sociétés présentent.

Comme vous le savez probablement, chaque fois qu'une pharmaceutique veut mettre un produit sur le marché, elle doit verser un certain montant, et ces droits ont changé récemment. Ce changement est lié à une autre modification : la rapidité avec laquelle Santé Canada doit examiner les données soumises par les pharmaceutiques.

Avec le nouveau régime de droits, les examens ordinaires de médicaments doivent être achevés en 300 jours ouvrables tout au plus, tandis que, dans le cas des médicaments prioritaires, les examens sont limités à 180 jours. Si Santé Canada dépasse la limite de plus de 10 p. 100 en moyenne — autrement dit, de 30 jours pour un examen ordinaire et de 18 jours ouvrables pour l'examen d'un médicament prioritaire —, l'année suivante, le montant exigible en droits diminuera d'un pourcentage égal à celui du dépassement de la durée limite.

Des indications en provenance des États-Unis montrent que, lorsque la FDA qui a des règles à peu près semblables, approche de la limite de temps, elle semble accélérer ses examens et faire abstraction de certains renseignements qui se trouvent dans les données produites par les pharmaceutiques. Par conséquent, ces médicaments sont approuvés près de la date limite aux États-Unis — où des délais identiques aux nôtres s'appliquent —, et les médicaments approuvés en-deçà de deux mois d'écart par rapport à la date limite, présentent plus de problèmes de sécurité que ceux qui sont approuvés moins près de la date limite.

On craint que la même chose ne se produise au Canada. Santé Canada risque de s'inquiéter de sa capacité de toucher des droits et donc d'accélérer l'approbation s'il semble qu'il va dépasser les délais. Les médicaments ainsi approuvés pourraient présenter plus de problèmes.

Je reviendrai tout à l'heure sur la question des délais.

La Dre Shuchman a parlé des comités d'éthique de la recherche, les CER. Ces comités suscitent plusieurs préoccupations. Les essais cliniques doivent leur être soumis. Jusqu'à maintenant, Santé Canada n'a établi aucun critère sur le choix des membres ni, à vrai dire, sur les modalités de leur travail. Les critères dépendent des établissements.

Fait encore plus inquiétant, cependant, il y a maintenant beaucoup d'essais cliniques qui sont retirés aux établissements universitaires, où ils se sont faits par le passé, et réalisés dans la collectivité, où il n'y a pas de CER. Ceux-ci sont rattachés à des établissements comme des hôpitaux et des facultés de médecine, entre autres.

Réagissant à cette situation, toutes les provinces sauf l'Alberta ont mis en place des CER privés à but lucratif. Ils sont dirigés comme des entreprises. On craint, mais la question n'a pas été étudiée assez longtemps pour qu'on sache si ces inquiétudes sont justifiées, que les CER à but lucratif ne comptent sur l'argent reçu de la pharmaceutique qui veut mener des essais. S'ils refusent trop d'essais, ils risquent de perdre de la clientèle et de voir diminuer leurs bénéfices. On redoute donc que les CER à but lucratif ne soient plus conciliants que ceux des établissements lorsqu'il s'agit d'approuver des essais.

Santé Canada a en place un système de surveillance des essais cliniques en cours. Sauf erreur, il surveille environ 2 p. 100 des essais cliniques, mais si on prend connaissance de l'information, et la dernière vient du rapport du vérificateur général publié à l'automne dernier, les critères qui guident le choix des essais à surveiller sont flous. Santé Canada se contente de dire qu'elle examine les essais où les sujets courent les plus grands risques, mais comment décider quels essais exposent les sujets aux plus grands risques? On l'ignore.

On vient de me faire signe d'accélérer. Je vais sauter un peu plus loin.

Le président : Ne laissez rien tomber d'essentiel.

Dr Lexchin : Je tiens à renchérir sur ce que la Dre Shuchman a dit du secret de l'information. Toutes les données sur les essais cliniques que Santé Canada reçoit des pharmaceutiques, toute l'information sur la sécurité et l'efficacité des médicaments sont considérées comme confidentielles par le ministère. On estime qu'il s'agit d'information non clinique, mais commerciale. Par conséquent, même aux termes de la Loi sur l'accès à l'information, il est impossible de faire publier ces renseignements à moins que les sociétés n'y consentent.

Il y a le problème de ce qu'on appelle l'enregistrement des essais cliniques. Il y a de bons éléments de preuve qui donnent à penser que, par le passé, les pharmaceutiques cachaient des essais cliniques, ne publiant jamais ceux qui étaient défavorables. On a mis en place un système d'enregistrement des essais cliniques dès que ceux-ci débutent. En juin 2005, Santé Canada a commencé à étudier la question : faudrait-il que tous les essais cliniques réalisés au Canada soient enregistrés? Le ministère poursuit son étude; après sept ans ou presque, il n'a pris aucune décision.

Enfin, je tiens à faire remarquer que les essais cliniques, bien qu'ils soient très utiles, ont un certain nombre de limites en ce qui concerne l'échantillon des patients qui y prennent part. Les participants ont tendance à venir d'une population relativement homogène. L'échantillon n'est pas représentatif de tous ceux qui se feront prescrire le médicament lorsqu'il sera sur le marché. Par conséquent, lorsque le médicament arrive sur le marché, nous savons peut-être comment il agira sur les hommes et femmes de 40 à 60 ans qui participent aux essais, mais nous ne connaissons rien de ses effets sur la personne de 85 ans qui prend cinq ou six autres médicaments ou sur l'enfant de huit ans. À cause de ces limites des essais cliniques, il est essentiel d'avoir un bon système de surveillance de la sécurité des médicaments, une fois qu'ils sont sur le marché. Or, Santé Canada consacre trois fois plus d'argent à l'examen des demandes de nouveaux médicaments qu'à la surveillance de la sécurité des médicaments existants. Il y a trois fois plus de personnes qui examinent les demandes de nouveaux médicaments qu'il n'y en a qui surveillent la sécurité des médicaments déjà sur le marché.

Comme dernier point, je voudrais revenir sur la question des délais. J'ai signalé que, dans le cas des nouveaux médicaments soumis à l'examen ordinaire, le délai est de 300 jours. L'examen des médicaments prioritaires demande 180 jours. Si on considère ce qu'il advient de ces médicaments, une fois sur le marché, on constate que, pour les médicaments soumis à l'examen ordinaire, un médicament sur cinq sera affecté d'un avertissement sérieux en matière de sécurité. Par contre, dans le cas des médicaments prioritaires examinés en 180 jours, la proportion est de un sur trois.

Il semble donc qu'il y ait des choses qui échappent à Santé Canada, même s'il est censé étudier les données sur les médicaments prioritaires avec la même rigueur que celles qui portent sur les médicaments soumis à l'examen ordinaire, puisque la proportion des avertissements sérieux est de un sur cinq dans un cas et de un sur trois dans l'autre.

Merci beaucoup d'avoir pris le temps de m'écouter. Ce sera un plaisir de répondre à vos questions.

Le sénateur Eggleton : Je m'adresse d'abord au Dr Lexchin pour tirer au clair un ou deux points. Vous dites que, lorsque Santé Canada va prendre un nouveau règlement, elle le fait paraître dans la Gazette du Canada, ce qui est normal aux termes de la loi, mais que votre objection, c'est que le ministère ne fait appel à personne pour se faire conseiller. Il appartient à chacun de prendre l'initiative. Est-ce que c'est bien ce que vous voulez dire?

Dr Lexchin : Oui. Les règlements ne sont pas forcément mauvais ou bons, mais comme dans tous les changements, surtout lorsqu'il s'agit d'essais cliniques qui ont une incidence sur la façon dont les médicaments seront examinés ensuite et utilisés, s'ils sont approuvés, il faut qu'il y ait débat. Il est alors possible de signaler les points forts et les faiblesses, et cela ne doit pas se faire uniquement à l'interne, mais aussi avec la participation de ceux qui travaillent sur le terrain et de ceux qui devront consommer les produits.

Le sénateur Eggleton : Cette question de droits et de délais et la possibilité de réduction des droits si le ministère n'étudie pas les demandes rapidement, d'où cela vient-il? Vous avez dit que les États-Unis avaient les mêmes dispositions. Cette formule est-elle appliquée au plan international? Pourquoi procédons-nous de cette manière? Ce que vous avez essayé de faire ressortir, m'a-t-il semblé, c'est que, pour éviter d'être pénalisé ou de perdre ses droits, au moins en partie, le ministère accélère le processus vers la fin, ce qui peut aller à l'encontre de l'intérêt public.

Dr Lexchin : D'abord, il n'y a pas que le Canada qui exige des droits. À peu près tous les organismes de réglementation des pays industrialisés imposent des frais aux usagers. Actuellement, le Canada s'efforce de financer 50 p. 100 du budget de fonctionnement au moyen de ces droits. Dans l'Union européenne, je crois que c'est 100 p. 100. Au Royaume-Uni, c'est également 100 p. 100, et aux États-Unis, c'est 66 p. 100.

Au Canada, la décision a été prise en 1994, dans le cadre des efforts de Paul Martin visant à réduire le déficit. Le gouvernement a amputé le budget et les crédits parlementaires de Santé Canada, et, pour combler le manque à gagner, des frais d'utilisation ont été mis en place.

Par contre, que je sache, ce lien entre les droits et les délais d'examen des demandes portant sur de nouveaux médicaments n'existe qu'au Canada et aux États-Unis. Au Canada, ces modifications n'ont été apportées qu'il y a un an, sauf erreur, si bien que nous ne savons pas encore quel sera l'effet sur l'activité de Santé Canada. Aux États-Unis, il existe des éléments raisonnablement solides, comme je l'ai dit, qui font ressortir une influence sur les examens. Si la date limite approche, on fait le travail trop rapidement pour éviter de perdre de l'argent.

Le sénateur Eggleton : D'où cela provient-il? Des pressions de l'industrie?

Dr Lexchin : Non. L'agence a besoin d'un certain montant pour pouvoir fonctionner. Elle doit pouvoir prévoir ses besoins pour l'avenir, pas seulement cette année, mais aussi l'an prochain et dans deux ans. Si elle se dit qu'elle va perdre 10 p. 100 de ses revenus en dépassant les délais, elle s'inquiète.

Dre Shuchman : Je voudrais parler de la question des délais. Nous discutons de Santé Canada, mais il y a les éléments commerciaux du gouvernement qui ont déployé de grands efforts pour attirer les essais cliniques, les entreprises qui font des essais cliniques et les spécialistes de ces essais au Canada. Il suffit d'aller en ligne pour voir les brochures qui sont distribuées aux réunions. Ils font valoir que nous avons des délais plus courts, que nous allons approuver en sept jours des essais de phase I, que nous allons faire telle autre chose en 30 jours, et c'est comme cela que nous faisons venir l'industrie au Canada. Certains se plaignent du fait que nous perdons du terrain face à la Chine, au Brésil et à d'autres pays, mais ont l'impression que les choses se feront plus rapidement. Il ne s'agit pas simplement de dire : « Nous avons pris un engagement, et nous faisons mieux d'accomplir le travail. » En ce sens, il appartient à l'agence de respecter les délais qu'elle a annoncés.

Le sénateur Eggleton : Est-ce que nous mettons en danger la sécurité parce que nous essayons d'avoir plus d'essais cliniques chez nous?

Dre Shuchman : Je n'irais pas jusque-là, mais je dirais qu'il y a une tension. Nous ne voulons pas perdre d'essais cliniques. Dans certains domaines, et en tout cas pour les maladies chroniques, les essais sont importants si nous voulons que les patients puissent obtenir les traitements. Il y a une tension : faut-il faire le travail rapidement, ou risquons-nous de perdre les essais?

Dr Lexchin : Je dirais que si le comité veut formuler des recommandations, l'une d'elles devrait porter sur l'étude des effets de ce lien entre les droits et les délais.

Le sénateur Eggleton : C'est de l'information utile.

Comment en sommes-nous arrivés à des comités d'éthique de la recherche à but lucratif? Je croyais que ces comités étaient rattachés aux hôpitaux et autres établissements.

Dr Lexchin : Ils le sont.

Dre Shuchman : Je vais essayer de parler de cette question. Je crois que nous avons des vues légèrement différentes.

Le sénateur Eggleton : Qui paie ces comités et qui les met sur pied?

Dre Shuchman : Parmi les comités d'éthique de la recherche privés, le plus important est Western, qui est énorme. Il est présent dans le monde entier. C'est aussi le comité privé à but lucratif qui est utilisé surtout par les grandes universités américaines. Je ne voudrais pas que vous pensiez qu'il y a une distinction entre ce qui est universitaire et ce qui ne l'est pas. Il y a des universités aux États-Unis où c'est la FDA qui est intervenue ou encore HHS, le département de la Santé et des Services sociaux, disant que certains essais étaient entachés d'erreurs de conduite ou mal exécutés. Le HHS peut interrompre toute la recherche à l'université. Il dit : ces patients n'ont pas donné un consentement correct; il ne se fera pas de recherche à l'université tant que nous ne saurons pas que les sujets humains sont suffisamment protégés. C'est ce qui est arrivé à la Duke University et à l'Université de Boston. Ce sont des centres de la première importance. À certains endroits comme à l'Université de Boston, les gens se sont dit : « Nous n'allons pas essayer de faire présider et diriger nos CER par des universitaires bénévoles. Nous voulons des spécialistes qui font ce travail pour gagner leur vie, qui doivent le faire bien, sans quoi ils ne seront pas payés. » Ils se sont tournés vers le CER Western. La dernière fois que j'ai vérifié, il y a deux ans, toutes les recherches sur des sujets humains qui présentaient des risques étaient confiées à un CER privé, une CER privé à but lucratif. Je ne connais aucun CER privé qui soit sans but lucratif. Tous sont à but lucratif. Là encore, il y a cette même tension : d'une part, ce sont des gens du privé, et non des universitaires et, d'autre part, comme c'est tout ce qu'ils font, ils soutiendront qu'ils font le travail de façon professionnelle.

Dr Lexchin : La Dre Shuchman a raison. Pourquoi avons-nous ces CER? Parce que beaucoup de médicaments qui sont étudiés maintenant n'ont pas à être administrés à l'hôpital. Tout médicament pris par voie orale peut faire l'objet d'essais cliniques avec des patients qui sont recrutés par des médecins sur le terrain. Si on veut soumettre à des essais un nouvel antibiotique pour les infections de l'oreille chez l'enfant, on peut recruter 100 ou 200 pédiatres qui travaillent sur le terrain, et qui feront participer leurs patients à ces essais. Les CER ont été conçus dans le cadre d'établissements. Il n'y a rien qui ne soit pas fondé sur des établissements sinon en Alberta, où, je crois, c'est le College of Physicians and Surgeons qui a mis sur pied un CER sans but lucratif qui se charge des approbations pour tous les essais qui se font dans la province en dehors des établissements.

Le sénateur Eggleton : De quels mécanismes de surveillance ces CER à but lucratif sont-ils dotés?

Dre Shuchman : Les mêmes que les CER ordinaires, ce qui n'est pas suffisant : Santé Canada peut inspecter tout CER quand elle le veut. Le ministère a pour objectif d'inspecter beaucoup plus de CER qu'il ne le fait. Je ne peux pas vous dire combien sont inspectés dans le public et dans le privé, mais ce renseignement se trouve peut-être dans son rapport récent. C'est là un élément de surveillance. Autre élément : on ne peut pas avoir un CER, que ce soit une entreprise à but lucratif installée aux États-Unis ou un CER universitaire chez nous, qui ne respecte pas l'Énoncé de politique des trois Conseils. Comme vous le savez, on fait un effort pour que les choses se passent ainsi, mais rien ne le garantit.

Le sénateur Cordy : Cette question m'intéresse également. Si une entreprise à but lucratif se fait payer par une pharmaceutique qui a un médicament à mettre sur le marché, je suppose qu'il n'y a pas beaucoup d'information. A-t-on fait une étude pour voir si les taux d'approbation des CER à but lucratif étaient comparables à ceux des CER sans but lucratif? Y a-t-il de l'information à ce sujet?

Dre Shuchman : Il y en a. L'information qui existe est très intéressante, mais elle est limitée. Voici une précision que vous devez connaître : les CER en milieu universitaire ne sont pas gratuits. Aucune pharmaceutique ne peut mener des essais dans un centre universitaire sans payer, et les centres universitaires veulent de l'argent. Ils sont donc en situation de conflit également. Ils ne veulent pas perdre les sociétés pharmaceutiques ni leurs essais. Par exemple, lorsque l'Université de Toronto a modifié ses règlements après l'affaire Nancy Olivieri, elle a commencé à perdre des essais. Il y a eu un problème d'argent.

Que savons-nous des CER privés à but lucratif? Une merveilleuse étude a été réalisée par le General Accounting Office, aux États-Unis. En avez-vous entendu parler?

Le sénateur Cordy : Non.

Dre Shuchman : Ce bureau a essayé un coup monté. Il s'est aperçu que ces CER privés à but lucratif surgissaient partout, et ils étaient si nombreux qu'il était difficile de les suivre. Le bureau a donc décidé de monter un coup. Il a cherché trois CER qui semblaient douteux; il l'a fait en vérifiant les sites Web et la teneur de ce qu'ils annonçaient : « Nous allons faire le travail très rapidement, 10 fois plus rapidement. » Il a proposé un dispositif fictif très dangereux. C'était complètement fictif. Le dispositif n'existait pas. S'il avait existé, il aurait pu faire beaucoup de mal, si on se fie à la description qui en a été faite. On a dit qu'il faisait l'objet d'essais sur des femmes atteintes du cancer du sein, ou d'autre chose.

Le protocole a été envoyé aux trois REB visées. Il n'y avait pas que le dispositif qui était fictif. Tout le reste l'était également. L'adresse de la société était fictive. Elle était censée être inscrite auprès de la FDA, mais elle ne l'était pas. Quiconque aurait fait les vérifications d'usage, à la réception d'un protocole, aurait dépisté quelque chose.

Parmi les trois CER, l'un a refusé immédiatement. Le deuxième n'a pas tardé à faire la même chose. Le troisième a approuvé. Ce CER a été cité devant le Congrès et n'a pas tardé à faire faillite.

On a invoqué cette étude pour faire valoir la même chose que ce que dit le Dr Lexchin : il se peut qu'il y ait là un vrai problème. Il nous faut des données. Or, que je sache, nous n'en avons pas. Il n'y a eu que ce coup monté.

Dr Lexchin : Oui, l'information est anecdotique. Là encore, c'est un domaine auquel le comité pourrait s'intéresser. Il pourrait recommander qu'on fasse des recherches sérieuses, qu'on voie les types d'essais qui sont soumis aux CER sans but lucratif par opposition aux CER à but lucratif, qu'on vérifie les taux d'approbation ou les modifications exigées avant que les essais ne puissent se faire.

Comme la Dre Shuchman l'a dit, on ne peut pas obtenir ces données pour l'instant.

Le sénateur Cordy : Est-ce que le gouvernement contrôle 2 p. 100 des essais cliniques? C'est bien ce que vous dites?

Dr Lexchin : Santé Canada se donne comme objectif d'inspecter 2 p. 100 des essais cliniques qui sont réalisés chaque année au Canada. Je crois que le rapport du vérificateur général dit que le ministère n'atteint pas cet objectif parce que, pour l'instant, il n'a pas les ressources voulues.

Dre Shuchman : C'est juste. Le ministère vient de publier un rapport d'inspection plus récent, mais, d'après ce rapport, l'objectif n'est toujours pas atteint.

Le sénateur Cordy : Il ne nous donne pas d'information non plus?

Dr Lexchin : Il nous en donne. Il dit combien d'essais visés par des inspections présentent des lacunes graves ou peu graves. Je crois que ce sont les deux catégories. Mais il ne précise pas de quelles lacunes il s'agit.

Dre Shuchman : Je voudrais faire entendre un autre son de cloche. Au sud de la frontière, la FDA peut soumettre un CER à une inspection, mais l'OHRP peut le faire aussi. Il s'agit de l'Office for Human Research Protection du département de la Santé et des Services sociaux. J'ai discuté avec quelqu'un de là-bas, une étrangère qui vient souvent au Canada. Elle dit que chaque fois qu'elle vient chez nous, il y a quelqu'un dans l'établissement qu'elle visite qui l'interpelle et lui dit : « Vous devriez venir inspecter ce CER. » Peu importe l'établissement. Elle doit toujours répondre : « Nous ne pouvons pas le faire. Nous n'avons pas le pouvoir. » La FDA ne peut pas aller faire une inspection si des essais cliniques sont en cours. C'est un organisme américain, qui ne peut donc pas venir chez nous inspecter un CER. Il reste qu'on a l'impression qu'il n'y a pas assez de contrôles.

Le sénateur Cordy : Il arrive que Santé Canada accélère l'examen d'un médicament. Quels sont les critères? Comment s'y prend-il? Prenons l'exemple des patients atteints de sclérose en plaques. Vous avez parlé du rapport de la FDA qui faisait état de deux personnes chez qui on a installé des endoprothèses et qui sont décédées. Il est bon que le public le sache.

Toutefois, nous avons le médicament Tysabri, qui a donné des infections au cerveau à 232 personnes et en a tué 49. Le gouvernement fédéral, au Canada, a accéléré l'examen de ce médicament. Le Gilenya, destiné aux patients atteints de sclérose en plaques, a tué 11 personnes et fait maintenant l'objet d'un nouvel examen. Qu'entend-on par là?

Il y a sans doute trois questions. D'abord, comment et pourquoi est-ce qu'on accélère l'examen d'un médicament? Deuxièmement, le Gilenya a tué 11 personnes et fait maintenant l'objet d'un nouvel examen à Santé Canada; qu'est-ce que cela veut dire, « nouvel examen »? Troisièmement, obtenons-nous de l'information, s'il y a un nouvel examen? Les personnes atteintes de sclérose en plaques sont dans un dilemme : faut-il opter pour l'angioplastie veineuse, qui a tué deux personnes, ou prendre le Tysabri ou le Gilenya, qui a tué bien plus de patients?

Dr Lexchin : Les critères actuels pour le choix des médicaments qui font l'objet d'un examen prioritaire ou accéléré, c'est qu'ils doivent présenter des avantages thérapeutiques importants par rapport aux traitements existants de maladies graves. Par exemple, on n'obtiendrait pas un examen accéléré pour un nouvel antibiotique pour traiter les infections à l'oreille, mais on pourrait probablement l'obtenir pour un nouveau médicament pour traiter le cancer du pancréas, puisque c'est une bien vilaine maladie. Ce sont les critères appliqués par Santé Canada.

Il est cependant difficile, parfois, de comprendre comment les critères sont appliqués dans le concret. Si on compare par exemple Santé Canada à la FDA, Santé Canada utilise plus parcimonieusement les examens accélérés; environ le tiers des médicaments font l'objet d'un examen prioritaire. Aux États-Unis, la proportion est de la moitié.

Pourquoi les autorités font-elles ces distinctions? La question est intéressante parce qu'il n'y a aucune donnée qui permette d'y répondre.

Que veut-on dire par « nouvel examen »? Nous ne le savons pas vraiment. Selon quels critères le ministère de la Santé décide-t-il si des médicaments sont peu sûrs ou s'il y a lieu de lancer une mise en garde à leur sujet? Ces décisions se prennent à l'interne, et aucune donnée n'est rendue publique.

Le gatifloxacine, un antibiotique, est un produit qui a été retiré du marché. Il l'a été un mois après la publication d'une mise en garde. Que s'est-il passé en un mois pour qu'on passe d'un message qui dit qu'il faut prescrire un médicament avec circonspection à un autre qui dit que le médicament est à ce point dangereux qu'il faut le retirer du marché? Nous l'ignorons. Des médicaments sont retirés du marché sans qu'il y ait eu de mise en garde préalable. Que s'est-il passé? Est-ce que Santé Canada ignorait qu'il y avait des problèmes de sécurité? N'a-t-il pas tenu compte des questions de sécurité?

Le président : Les problèmes qui surgissent après l'approbation feront l'objet d'une étude entièrement distincte. Je vais donc vous interrompre ici.

J'ai permis une partie de l'échange parce qu'il s'agissait de nouvelles informations sur l'examen accéléré. Mais j'ai une longue liste ici, et les réponses prennent beaucoup de temps. Je voudrais qu'on puisse poser toutes les questions.

Le sénateur Seth : J'ai deux questions à poser au Dr Lexchin. Vous avez dit au cours de votre exposé que les médicaments soumis à un examen ordinaire en 300 jours à Santé Canada avaient une chance sur cinq d'être retirés du marché à cause de problèmes de sécurité. Vous avez parlé aussi des médicaments prioritaires, examinés en 180 jours; ils ont une chance sur trois de présenter les mêmes problèmes.

Pendant combien de temps Santé Canada et ses directions générales devraient-ils examiner les nouveaux médicaments et les nouveaux médicaments prioritaires pour qu'on puisse faire diminuer ce très haut pourcentage de problèmes de sécurité?

Dr Lexchin : Je ne crois pas que ce soit une question de temps. C'est plutôt le sérieux de l'examen qui est en cause. La conclusion qu'on tire des statistiques que j'ai données? L'examen en 180 jours ne peut pas être assez approfondi pour qu'on remarque les indices qui laissent présager les problèmes de sécurité que ces médicaments peuvent présenter une fois qu'ils sont sur le marché. Il est raisonnable que ceux qui ont une maladie grave pour laquelle le traitement n'est pas satisfaisant souhaitent que les médicaments arrivent sur le marché rapidement. Par contre, lorsqu'on examine les données, il faut faire preuve de la même rigueur que dans le cas des médicaments soumis à l'examen ordinaire.

Le sénateur Seth : Ne pensez-vous pas qu'une proportion de un sur cinq, c'est trop pour mettre des produits sur le marché? On impose aux patients des risques élevés.

Dr Lexchin : Cela se résume encore à la question de savoir quelles personnes se prêtent aux essais cliniques. Les pharmaceutiques veulent pouvoir montrer que leurs médicaments fonctionnent, et la façon la plus facile de le faire, c'est de supprimer autant que possible le « bruit » qui brouille le signal. On veut des gens qui ont des maladies clairement diagnostiquées. On ne veut pas de gens qui prennent d'autres médicaments. On ne veut pas de personnes vraiment trop jeunes ou âgées, parce qu'elles présentent des différences physiologiques. De la sorte, on réduit l'échantillon de ceux qui participent aux essais. Selon les estimations, il y a peut-être une personne sur 100 qui a une maladie qui participera à des essais cliniques; puis, les médicaments sont mis sur le marché. Une fois sur le marché, il n'y a aucune restriction sur les patients à qui les médecins vont prescrire les médicaments. Si un nouveau médicament arrive sur le marché, je peux le prescrire à ma grand-mère de 95 ans, si j'en avais une, mais elle n'aurait pas participé aux essais. Il est donc inévitable que des problèmes de sécurité surgissent.

Dre Shuchman : Je voudrais ajouter quelque chose. Nous n'avons aucun patient ici, mais le Dr Lexchin a parlé du cancer du pancréas. Si un membre de votre famille était atteint de ce cancer...

Le sénateur Seth : Vous essaieriez n'importe quoi.

Dre Shuchman : Ce n'est pas le risque en soi. C'est le risque du médicament par opposition au risque de la maladie. La maladie va tuer le patient; le médicament va peut-être le faire aussi.

Le président : Je me permets d'intervenir. Le Dr Lexchin parle de la représentativité de ceux qui participent aux essais cliniques et de la question des sous-ensembles. Nous avons discuté de la question à fond. Vous faites remarquer que cela peut fort bien avoir un lien avec les problèmes qui surgissent après l'approbation. Nous examinerons la question en détail. Vous avez été très clair, et nous avons entendu ce point de vue un certain nombre de fois. Il en a été pris bonne note dans les délibérations.

Le sénateur Seth : Vous avez dit que Santé Canada n'avait pas l'obligation de faire savoir comme étaient analysées les données sur l'efficacité et la sécurité reçues des pharmaceutiques parce que ces données sont considérées comme des renseignements commerciaux confidentiels. Comment peut-on, même aux termes de la Loi sur l'accès à l'information, refuser des lignes directrices aussi importantes à ceux qui étudient et utilisent ces produits? Quelle mesure est-il possible de prendre pour améliorer la transparence en ce domaine?

Dre Shuchman : Voici ce que j'ai à dire à ce sujet. Lorsque j'ai interviewé Agnes Klein, de Santé Canada, elle m'a fait remarquer que nos lois étaient différentes. Le ministère se sent contraint par les lois, et il faudrait peut-être une équipe de juristes pour voir quelles sont les possibilités offertes par nos lois. Je dirai qu'il est essentiel que l'information soit disponible. Là où elle est disponible, au sud de la frontière, elle est cruciale.

Voici un exemple, le muraglitazar. Ce médicament a failli être approuvé. Selon la politique de la FDA, lorsqu'un groupe consultatif étudie un produit, toute l'information sur ce produit est mise en ligne deux jours avant la réunion du groupe pour que tout le monde puisse en prendre connaissance. Deux jours avant la réunion consacrée à ce médicament, des gens qui étaient très renseignés, des cardiologues en vue, ont pris les données et les ont analysées très rapidement. Le groupe s'est réuni et il a ensuite approuvé le médicament. Dans les trois semaines suivant la publication des données, les cardiologues qui avaient examiné la question ont publié leur analyse dans le Journal of the American Medical Association. Ils disaient que le médicament serait dangereux à cause de ses effets sur le cœur. Grâce au fait que ces données étaient à leur disposition, ils avaient soumis à une nouvelle analyse les mêmes données, celles que la FDA avait étudiées. Le médicament n'a pas été approuvé.

Le président : Ce que vous voulez dire, c'est qu'il est essentiel que l'information soit disponible.

Dre Shuchman : Effectivement.

Le président : Et que la publication des résultats des essais est essentielle.

Dre Shuchman : Non, il ne s'agissait pas de publication. Il s'agissait de données que la pharmaceutique avait soumises à l'agence pour faire approuver le médicament. Une fois qu'il est acquis que la FDA va tenir une réunion, les données sont disponibles, mais ce n'est pas une étude qui a été publiée.

Le président : Néanmoins, il est essentiel que les données soient disponibles, n'est-ce pas?

Dr Lexchin : Oui, il est essentiel que les données soient disponibles. Voici un autre exemple, très rapidement. Il s'agit de l'utilisation des inhibiteurs sélectifs de recaptage de la sérotonine pour traiter la dépression chez les enfants et les adolescents. Ces produits n'ont jamais été approuvés, ni par la FDA, ni par Santé Canada. Si on examine les données publiées, on est porté à conclure que ces médicaments ont probablement un modeste avantage et ne sont pas terriblement dangereux. Par contre, si on consulte les données non publiées, autrement dit les études qui sont dans les tiroirs de la FDA et de Santé Canada et si on en tient compte dans l'analyse, la conclusion change du tout au tout : ces médicaments ne sont pas efficaces, et ils risquent d'être nocifs.

Le président : En somme, il n'y a pas que l'information produite à l'appui du médicament. C'est toute l'information acquise pendant les essais qui devrait être rendue publique, n'est-ce pas? C'est bien ce que vous dites?

Dre Shuchman : C'est exact.

Dr Lexchin : Oui, exception faite des éléments qui empiéteraient sur la vie privée. Ce genre de chose.

Le président : Bien entendu.

Le sénateur Seth : Pendant le déroulement des essais?

Dr Lexchin : Non, une fois que les essais sont terminés et qu'elle a été communiquée à Santé Canada, l'information devrait être rendue publique pour que tous y aient accès.

Le sénateur Hubley : Dr Lexchin, ma question porte sur le recrutement des médecins pour les essais. Je voudrais savoir comment cela se passe. Qui se charge du recrutement? Les médecins sont-ils suffisamment informés sur les essais pour prendre l'importante décision d'y soumettre certains de leurs patients?

Y a-t-il un problème de responsabilité des médecins, si les essais ne prennent pas un tour favorable? Y a-t-il eu des incidents où des patients ont exercé des recours contre les médecins?

Dr Lexchin : Je ne peux pas répondre à la deuxième question. Je ne crois pas qu'il existe des données à ce sujet au Canada.

Les modalités de recrutement des médecins dépendent de l'endroit où les essais ont lieu. S'il s'agit d'essais sur des médicaments contre le cancer qui se déroulent dans un établissement universitaire, on s'adresse aux oncologues qui traitent le type de cancer en question. On leur communique le protocole — qui précise qui peut participer ou ne peut pas le faire — et on leur demande de discuter avec leurs patients. Il y a d'habitude une infirmière préposée aux essais. Une fois qu'un patient a dit qu'il est disposé à envisager la possibilité de participer, l'infirmière lui explique les divers risques associés aux essais, précise qu'il peut se retirer à tout moment, s'il le décide. Ce genre de chose.

De nos jours, les essais dans la collectivité sont en grande partie confiés aux organisations de recherche contractuelle dont la Dre Shuchman a parlé, et ce sont ces organisations qui cherchent les médecins. Ces médecins ne sont pas vraiment des chercheurs. Ce sont des gens qui se disent prêts à participer aux essais et qui trouvent des patients.

Le sénateur Hubley : Ils sont payés pour ce service?

Dr Lexchin : Ils le sont. Le montant varie. Je ne crois pas que qui que ce soit ait essayé de voir combien les médecins touchent. Toute l'information a un caractère anecdotique.

Le sénateur Wallace : Docteure Shuchman, vous avez donné des exemples saisissants d'échec dont des patients ont fait les frais dans des essais de la phase I. Cela me fait penser aux normes qui existent, à la rigueur des normes qui s'appliquent. Je présume qu'elles s'appliquent à toutes les étapes, mais à partir de la phase I, jusqu'au processus d'approbation de cette phase. Avez-vous quelque chose à dire des normes qui s'appliquent pour que le patient qui accepte de faire partie des essais à la phase I ait le réconfort de savoir que des normes acceptables s'appliquent jusqu'à l'approbation des essais de la phase I?

Dre Shuchman : Je peux dire que, après l'horrible drame qui est survenu en Angleterre, on a passé beaucoup de temps, ici même, aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Europe, à examiner la structure des essais pour voir ce qui avait cloché. Cette conception particulière ne serait plus jamais utilisée pour un tout nouveau médicament, et cela s'est su largement dans le domaine des essais cliniques. Bien des gens doivent savoir en quoi consistait cette conception et pourquoi elle ne sera plus jamais employée. De la sorte, des normes sont élaborées et appliquées. J'ignore si cela répond à votre question.

Le sénateur Wallace : S'agit-il d'une série de cas particuliers? Cela dépend d'un produit particulier? De façon générale, y a-t-il une sorte de norme globale à respecter à laquelle peuvent s'intégrer chacune des normes particulières?

Dre Shuchman : Je ne crois pas que, à nous seuls, nous puissions vous apporter ces connaissances. Je le répète, ce qui se passe au sud de la frontière m'est plus familier, mais il existe une initiative appelée la Clinical Trials Transformation Initiative. J'ignore si vous avez des contacts avec ses représentants. C'est Rob Califf qui la dirige. Il s'agit d'un partenariat qui réunit la Duke University et la FDA. Ces gens-là étudient justement ces questions. Ils essaient de poser des questions empiriques sur la façon dont nous devrions mener les essais cliniques. L'initiative reçoit beaucoup de fonds de la FDA pour faire ce travail.

Il y a aussi un rapport très récent, paru en avril, de l'Institute of Medicine. Il traite de la façon dont nous devrions transformer l'activité des essais cliniques, et il pose précisément ces questions : quelles sont les normes que nous devrions appliquer aussi bien aux chercheurs qui se trouvent dans la collectivité qu'aux chercheurs universitaires, et aussi aux essais proprement dits.

Ce sont des questions auxquelles se sont intéressés bien d'autres esprits brillants. Le Dr Lexchin a écrit beaucoup de choses qu'ils examinent. Bien des gens ont réfléchi à ces questions, et vous pourriez examiner ce qu'ils ont fait.

Dr Lexchin : Tout ce que j'ajouterais aux propos de la Dre Shuchman, c'est que les essais de la phase I sont différents de ceux des phases II et III. À la première phase, il y a normalement des participants volontaires rémunérés. Ce sont des essais modestes qui portent en somme sur des questions comme la posologie. Étant donné que les participants se font payer, il est possible que certains de ceux qui se portent volontaires ne soient pas les candidats idéaux pour prendre part aux essais. On recrute également des étudiants de niveau collégial parce qu'ils ont besoin d'argent, mais on risque alors d'avoir des gens qui participent parce qu'ils ont besoin d'argent, et qui mentent sur leur état de santé parce qu'ils ont besoin d'argent. Cela arrive-t-il souvent? Personne ne le sait.

Le sénateur Wallace : Dans ces conditions, je suis convaincu que tous les patients sont tenus de signer une décharge avant de prendre part aux essais.

Dr Lexchin : Effectivement.

Le sénateur Wallace : Au Canada, avons-nous des normes sur l'information de base, et même une information très précise à communiquer au patient pour que la décharge soit une décision éclairée?

Dre Shuchman : Les normes applicables au Canada se trouvent dans l'Énoncé de politique des trois Conseils, dont une deuxième édition vient de paraître. On a estimé qu'une grande partie des points qui devaient retenir l'attention, comme l'information exacte à communiquer aux patients et par qui, pour qu'ils reçoivent une information objective, et la durée de la période de réflexion, par exemple. L'Énoncé en traite.

Dr Lexchin : Une seule mise en garde : ce que font les trois Conseils est nécessaire, mais si on discute avec les gens après qu'ils ont signé un formulaire et ont été informés du document qu'ils signent, on constate que les gens ne comprennent toujours pas ce qu'ils viennent de signer.

Le sénateur Wallace : Juste. C'est exactement cela.

Une dernière question, docteure Shuchman. Vous parlez de l'insuffisance de l'information fournie au public sur les essais et les résultats qui en découlent, par exemple. Une fois qu'un patient a accepté de participer à des essais de phase I et peut-être à des phases ultérieures, exige-t-on, au Canada, que le patient reçoive de l'information sur ce qui survient après les essais? S'ils entendent parler de certains résultats, il se peut que des patients veuillent se retirer, mais s'ils ne sont pas au courant de certaines conséquences défavorables qui peuvent survenir, ils continuent comme si de rien n'était. Avons-nous donc des dispositions au Canada exigeant que l'information leur soit fournie?

Dre Shuchman : C'est une question d'éthique en évolution. Elle se rattache à la rubrique du « compte rendu des résultats », à l'idée voulant que les patients qui prennent volontairement le risque de participer à des essais aient le droit de connaître les résultats. Que je sache, toutefois, tout ce qui est exigé, c'est que le comité d'éthique de la recherche connaisse ce qu'on prévoit comme compte rendu des résultats. Pour la plupart des chercheurs, il s'agira de publier, de diffuser l'information en faisant connaître les conclusions. Une impression se dégage selon laquelle nous devons savoir comment les résultats seront communiqués aux participants.

Le sénateur Wallace : Conviendriez-vous tous deux que, de façon ordinaire, les patients doivent recevoir l'information nouvelle qui découle des essais?

Dre Shuchman : Pouvez-vous expliquer ce que vous voulez dire?

Le sénateur Wallace : Oui. Par suite des essais en cours et des données à la disposition de la société pharmaceutique, s'il ressort des éléments préoccupants pour certains patients ou qui les concernent, il faudrait que ces renseignements leur soient communiqués au fur et à mesure, au lieu qu'on attende jusqu'à la fin des essais. On les informerait à un stade plus précoce, et ils souhaiteraient peut-être alors mettre fin à leur participation.

Dre Shuchman : L'une des difficultés, à propos de ce que vous dites, c'est qu'il est possible qu'on ne sache rien du tout. Que veut dire un scientifique lorsqu'il prétend savoir telle ou telle chose? Il est possible qu'il ne sache rien avant la fin des essais. Il est donc possible qu'il n'y ait rien à signaler qui présente quelque intérêt.

Là où cette question se pose largement, et le Dr Lexchin aura peut-être quelque chose à ajouter à ce sujet, c'est dans le cas des recherches génétiques, car on demande alors aux participants de donner des échantillons. Les chercheurs conservent ces échantillons. Il existe alors un vif intérêt pour ce qu'on fera si, cinq, sept ou neuf ans après, on découvre un lien génétique. Comment communiquer alors cette information aux participants? Il n'y a pas de réponse, mais c'est une question qui suscite un très vif intérêt.

Dr Lexchin : Je n'ai rien à dire sur cette question particulière, mais l'un des points que la Dre Shuchman a soulevés concernait les résultats des essais qui sont diffusés par publication. Le problème ici, ou l'un des problèmes, c'est que, pendant les essais, les priorités de la pharmaceutique peuvent changer. Il peut y avoir une fusion, ce qui entraînera une réorientation des initiatives de recherche en cours. Il y a eu un certain nombre de cas où des essais cliniques en cours ont été interrompus à cause d'une modification des priorités, si bien que personne ne sait si le produit à l'étude était sûr ou efficace, simplement parce que les données n'ont pas été recueillies. Les participants, qui sont des volontaires, restent dans le noir parce qu'on ne peut pas produire assez de données pour qu'on sache à quoi s'en tenir, et les cliniciens ont perdu leur temps, en définitive, parce qu'ils ne peuvent connaître les résultats.

Le sénateur Campbell : Voilà qui est extrêmement intéressant. Combien y a-t-il d'essais cliniques par année au Canada?

Dre Shuchman : Les données que j'ai communiquées dans un de mes articles sont dépassées. Les choses bougent si vite dans ce domaine. Je crois que c'était un article de 2008 ou de 2009. Je l'ignore.

Le sénateur Campbell : Une idée approximative?

Le président : Le comité a cette information. Elle porte sur une certaine période et précise les modifications par catégorie et par industrie. Nous ferons tenir un exemplaire au sénateur.

Le sénateur Campbell : Si j'ai posé la question, c'est que je ne suis pas un membre permanent du comité. Je m'étonne que nous acceptions qu'il y ait des problèmes pour un médicament sur cinq. La proportion me renverse; et ces médicaments sont mis sur le marché et les gens s'en servent. Je comprends le cas du cancer du pancréas. Je comprends tout à fait; bien franchement, je prendrais le risque d'utiliser n'importe quoi. Mais bien des médicaments ne sont pas de cet ordre. Ils sont destinés à traiter des maladies diverses. Est-ce que je dramatise?

Dre Shuchman : J'allais dire qu'on ne peut pas mener des essais cliniques et ne pas s'attendre à des incidents négatifs. J'ai l'impression que vous vous intéressez aux problèmes qui surgissent après la mise en marché. La difficulté typique dont on entend parler, c'est que ces problèmes ne se manifestent pas lorsque le médicament fait l'objet d'essais avant la mise en marché. C'est une fois qu'il est sur le marché qu'on découvre beaucoup de choses.

Le sénateur Campbell : Une fois qu'il arrive sur le marché de masse.

Dre Shuchman : C'est mon impression.

Le président : Les questions cruciales que les témoins ont cernées sont parmi celles que nous avons définies comme des domaines à examiner, lorsque nous avons lancé cette étude. Les raisons qui expliquent le fait qu'un médicament sur cinq présente des problèmes sont assez complexes, et on entre alors dans les questions dont les témoins ont parlé. Nous ferons une étude très détaillée, car il y a beaucoup de facteurs qui interviennent, notamment la façon dont les médicaments sont prescrits. C'est une affaire compliquée, et nous allons tenter d'y voir clair en nous intéressant expressément aux problèmes de surveillance après approbation, aux réactions adverses aux médicaments et aux utilisations non prévues. Il est clair que nous concentrerons nos efforts là-dessus. Vous touchez là un domaine d'une importance extrême, mais nous étudierons ces questions en suivant des approches bien définies.

Le sénateur Campbell : Je ne vais pas insister à propos des médicaments pour maladies orphelines et des médicaments en vente libre. Je voudrais savoir ce qui se passe à ce sujet. L'une des difficultés, c'est que nous ignorons ce que nous avons. Il y a des gens qui font des essais de médicaments pour la dépression, par exemple, et ils n'obtiennent pas de bons résultats. Nous ne savons pas si ces médicaments n'auraient pas marché avec quelque autre maladie. C'est l'une des choses qui m'intéressent.

Le sénateur Housakos : Docteur Lexchin, une précision. Au cours des échanges, en réponse aux questions du sénateur Cordy, vous avez dit, je crois, que Santé Canada ne validait, n'examinait et n'inspectait que 2 p. 100 des essais cliniques. Est-ce exact?

Dr Lexchin : Santé Canada inspecte 2 p. 100 des essais. Ce que le ministère dit dans ses documents publics, c'est qu'il veut inspecter les essais qui exposent les patients aux plus grands risques, mais il ne donne pas les critères qui guident ses décisions à cet égard.

Le sénateur Housakos : Comment cela se compare-t-il à ce qui se passe aux États-Unis ou en Grande-Bretagne?

Dre Shuchman : Pour ce qui est de la Grande-Bretagne, je ne suis pas sûre. Les États-Unis appliquent une norme plus exigeante. De plus, ils ont des inspecteurs à l'extérieur de chez eux, car il y a des essais dont les résultats seront soumis à la FDA, mais qui se déroulent à l'extérieur de l'Amérique du Nord. Les États-Unis ont des inspecteurs en Chine et au Brésil. Nous n'avons pas d'inspecteurs à l'extérieur du Canada.

Le sénateur Housakos : Quel serait le pourcentage aux États-Unis, par rapport à nos 2 p. 100?

Dre Shuchman : J'ignore ce chiffre, mais Santé Canada n'atteint pas son objectif de 2 p. 100. Lorsque j'ai écrit sur le sujet, il dépassait à peine le 1 p. 100. Je crois qu'il y a eu amélioration, mais j'ignore dans quelle mesure. Aux États- Unis, le taux est beaucoup plus élevé.

Le sénateur Housakos : Les inspections de Santé Canada sont-elles aléatoires? Le ministère utilise-t-il des critères?

Dr Lexchin : Je le répète, il est censé y avoir des critères, mais Santé Canada ne les donne pas publiquement. Il se contente de dire qu'il cible les essais qui font courir les risques les plus graves aux patients. Vous pourriez demander à Santé Canada ce que cela veut dire.

Dre Shuchman : Puisque les chiffres vous préoccupent, je vous dirai que Santé Canada n'est pas seul à inspecter les essais au Canada, car il y a des essais chez nous qui sont sanctionnés par la FDA. L'agence a donc des inspecteurs qui viennent au Canada. Je ne crois pas qu'il y ait un seul hôpital à Toronto où il n'y a pas d'inspections de la FDA.

Le président : Nous devons comprendre qu'il s'agit d'une inspection aléatoire des essais qui sont fondés sur des protocoles qui sont censés avoir été élaborés. Ce n'est pas la seule façon dont la réalisation d'essais peut être approuvée. C'est comme une vérification des processus en place. Là encore, c'est un peu compliqué, mais le problème qui nous est présenté doit retenir notre attention.

Le sénateur Seidman : Docteurs Shuchman et Lexchin, vous avez parlé tous les deux des organisations de recherche contractuelle, les ORC. Pourrions-nous voir cela plus en détail, s'il vous plaît? Il y a une tendance de plus en plus marquée à y recourir, avez-vous dit. Je voudrais savoir si cela a un impact sur la qualité et la sécurité des essais cliniques, à votre avis.

Dre Shuchman : Comme nous l'avons dit, il n'y a à peu près aucune donnée là-dessus. Lorsque j'ai écrit à ce sujet pour le New England Journal of Medicine, je me suis entretenue avec des économistes, dont un avait fait passablement d'interviews. Il avait donc des données qualitatives. Un sujet de préoccupation ressort de la comparaison avec les pharmaceutiques, qui, avant de pouvoir faire appel aux organisations de recherche contractuelle, faisaient elles-mêmes le travail. L'une des grandes différences qui ont été observées, c'est que ceux qui faisaient le travail chez les pharmaceutiques travaillaient là depuis longtemps, qu'ils travaillaient sur le même produit et que, souvent, ils suivaient le produit pendant tout son cycle de vie. Ceux qui travaillent pour les ORC sont le plus souvent des jeunes. Ils n'ont pas été au service de leur organisation très longtemps, et ils n'y resteront pas. Le taux de roulement pendant une série d'essais donnée peut facilement atteindre 100 p. 100, et le taux de roulement pendant le cycle de développement d'un médicament est massif. L'une des différences, c'est simplement le déroulement chronologique, la connaissance de l'historique.

L'un des économistes a parlé, à propos de ce phénomène, de la perte de compétences dans l'entreprise pharmaceutique. D'un côté, on avait des gens qui étaient au service d'une pharmaceutique pendant 20 ans et possédaient une grande expertise dans un domaine donné, et de l'autre, des jeunes fraîchement émoulus de l'université qui ne tardaient pas à passer à autre chose. L'effectif avait donc des compétences moindres. Personne n'a fait état de préoccupations en matière de sécurité. Il y en avait au sujet de ce dont nous venons d'entendre parler, les comités d'éthique de la recherche; les organisations de recherche contractuelle, comme il s'agit de très grandes entreprises à but lucratif, veulent obtenir la réalisation d'essais et acceptent des essais mal conçus, alors que les universitaires peuvent être plus portés à discuter parce qu'ils ne veulent pas publier des essais mal conçus qui entacheront leur réputation.

L'un de ceux qui ont parlé avec moi de cette question pourrait venir ici. Il s'agit de Muhammad Mamdani. Il a travaillé pour Eli Lilly, aux États-Unis, pendant un moment avant de revenir à St. Michael's. Il percevait une importante différence dans les relations avec les PDG. J'ignore si cela peut vous éclairer.

Dr Lexchin : Une seule chose à ajouter. Pour ce qui est de l'intérêt pour la publication de données, les ORC, ceux qui y travaillent comme employés et ne sont pas des universitaires, ne se soucient pas de savoir si les données produites seront publiées ou non dans les journaux médicaux ou dans un cadre universitaire, alors que les universitaires s'intéressent à la publication parce que la diffusion de l'information fait partie de leur travail. Cela contribue à la promotion, à la capacité d'obtenir des subventions de recherche. Un autre problème des ORC, c'est qu'ils risquent de faire diminuer l'incitation à publier.

Le sénateur Seidman : Devrait-il y avoir une sorte de surveillance des ORC ou une forme de réglementation?

Dre Shuchman : Il y a peut-être une surveillance, mais je ne suis pas au courant. Chose certaine, lorsque j'ai écrit sur le sujet, la FDA était très inquiète parce que c'était là un élément du système qui n'était pas contrôlé. L'agence ne faisait aucune inspection. Elle n'avait pas de moyen clair d'exercer une surveillance. À l'heure actuelle, il y a peut-être une certaine surveillance, au moins au sud de la frontière, mais je ne suis pas au courant.

Quant à moi, je suis particulièrement inquiète parce que nous savons si peu de choses. Par ailleurs, ces entreprises ont des raisons de former leur personnel. Elles engagent des jeunes dès qu'ils sortent de l'université et elles leur font suivre beaucoup de formation, parce qu'elles veulent que le travail se fasse et qu'il se fasse rapidement. Cela ne peut pas se produire en milieu universitaire. Ce qui existe, ce sont des organisations universitaires de recherche contractuelle. On ne peut pas dire qu'il n'y a pas d'ORC. N'importe quel joueur important au Canada ou au sud de la frontière a sa version universitaire d'une organisation de recherche contractuelle.

Le sénateur Seidman : Savons-nous quelle est la proportion des essais cliniques qui sont menés par des ORC au Canada?

Dr Lexchin : D'après mes chiffres, environ les deux tiers de tous les essais cliniques réalisés au Canada sont faits dans la collectivité. Et à peu près tous sont menés par des ORC.

Le président : Je crois que nous avons entendu parler d'une proportion de 80 p. 100 contre 20. L'élément qui doit intervenir ici, c'est que, si le groupe des 80 p. 100 utilise un hôpital ou des installations régis par des chercheurs des IRSC, il doit respecter la même norme qu'eux. Lorsque nous disons ces choses-là, nous devons faire attention à ce dont nous parlons.

Dr Lexchin : Avant de parler de règlements, il faut avoir de meilleures données pour savoir s'il y a lieu ou non d'imposer une réglementation.

Le sénateur Seidman : J'allais poser cette question sur les IRSC et les différences observées dans les recherches qu'ils parrainent.

Dr Lexchin : Les recherches des IRSC sont contrôlées par des pairs. On ne peut obtenir de fonds des IRSC que s'il y a un contrôle par les pairs. Les essais réalisés par les pharmaceutiques ou les ORC ne font pas l'objet d'un contrôle par les pairs. Il n'y a pas de concurrence pour obtenir des fonds.

Le président : À en juger d'après certaines des réactions autour de la table, il est important de comprendre que les lignes directrices des IRSC traitent de la nature de l'ouverture des essais. Il n'est pas question que les IRSC mènent les essais, mais ils veillent à ce que les essais soient conformes aux mêmes normes d'ouverture et autres, si on utilise des installations où des chercheurs reçoivent des fonds des instituts.

Dre Shuchman : Je ne voudrais pas non plus que vous pensiez que, parce qu'il y a des fonds des IRSC, aucune ORC ne participe. Si les IRSC financent des essais dans tout le pays, à 300 endroits, il est probable qu'une grande ORC intervienne.

Le sénateur Martin : Nous discutons de beaucoup de choses intrigantes. Je voudrais revenir un peu sur les ORC. Je comprends que nous devions posséder de meilleures données pour voir comment il faut s'y prendre pour assurer une réglementation.

Est-ce qu'il y a des ORC américaines ou de propriété étrangère qui mènent des recherches au Canada? Nous avons des essais cliniques qui se font à l'étranger, mais y a-t-il des ORC étrangères qui sont présentes chez nous?

Dre Shuchman : Absolument.

Le sénateur Martin : Ces ORC m'intéressent, mais je crois que nous garderons cette question-là pour une autre fois.

Docteur Lexchin, en ce qui concerne la Gazette du Canada, quand vous parlez de l'adoption des lignes directrices qui sont publiées par l'entremise de l'ICH — et il s'agirait d'avis publiés dans la Gazette du Canada —, il semble que tout se fasse derrière des portes closes, mais après la publication dans la Gazette du Canada, l'information est à la disposition du public. Pour ce qui est des praticiens de la médecine et de l'industrie, estimez-vous qu'il y a une rupture dans la communication de l'information disponible et qu'ils ne la consultent pas? Est-ce que le processus est en soi trop limitatif? Faudrait-il qu'il fasse appel à ces autres intervenants?

Dr Lexchin : La publication dans la Gazette du Canada est bonne, mais cela se résume à annoncer ce qu'on va faire, sans qu'on demande aux gens de contribuer à la discussion sur le bien-fondé de ce qui va se faire.

Il faut publier, mais il faut aussi inviter les parties intéressées à faire valoir leurs observations sur ce qu'on prévoit faire. La plupart des gens ne seront pas intéressés étant donné que, dans la plupart des cas, ce sont des documents d'un très haut degré de technicité, mais il peut y avoir des chercheurs qui ont des opinions sur les normes qui seront modifiées, et il faudrait entendre leur point de vue, me semble-t-il.

Le sénateur Martin : Pour ce qui est du processus, a-t-on demandé à Santé Canada de faire participer plus largement la collectivité ou les chercheurs au lieu de se contenter d'une publication dans la Gazette du Canada? Est-ce qu'il y a eu des efforts pour rendre le processus plus favorable à la participation?

Dr Lexchin : Bien honnêtement, je n'en sais rien, mais je ne le crois pas.

Le sénateur Martin : C'est peut-être une question que nous pourrions examiner de plus près, ou peut-être pourrions- nous recommander que le processus fasse intervenir des chercheurs et des médecins de façon que la formule que nous implanterons au Canada soit ce qu'il y a de mieux pour l'ensemble du système. C'est très complexe, je le comprends, mais j'aurais pensé que, grâce à la publication dans la Gazette du Canada entre la première et la deuxième étape, il serait possible d'avoir un apport du public, par exemple.

Dr Lexchin : Je ne pense pas que Santé Canada demande la participation du public lorsqu'il va adopter les lignes directrices de l'ICH.

Permettez-moi de dire clairement que ce n'est pas une mauvaise chose qu'il y ait une harmonisation internationale des modalités d'exécution des essais cliniques. Cela veut dire que tout le monde suit les mêmes normes. Néanmoins, il faut parfois que les normes soient discutées de façon à éviter que nous ne fassions des choses qui posent des problèmes par la suite.

Le président : N'est-il pas vrai que, lorsque quelque chose est publié dans la Gazette du Canada, il y a une période de 75 jours pour la présentation d'observations?

Dr Lexchin : Je le crois, mais j'ignore si Santé Canada tient compte des observations.

Le président : C'est une autre question. Ce que je veux dire se rapporte à la question du sénateur : la possibilité de présenter des observations. En réalité, il y a une période de 75 jours. Ce qu'on fait de ces observations, c'est une autre question.

Dr Lexchin : Très bien.

Le sénateur Martin : La question de la sous-représentation de certains groupes dans les essais cliniques est toute autre. Vous avez parlé de divers échecs, par exemple. Avez-vous des aperçus à nous donner, des idées venant notamment des États-Unis ou d'ailleurs qui seraient utiles au Canada pour accroître la représentation de ces groupes, des mesures qu'on pourrait prendre à cet égard?

Dre Shuchman : C'est une question cruciale. Je crois qu'il faut lui accorder une certaine attention au Canada. À propos des groupes vulnérables, il est clair qu'il nous faut davantage de données. Vous avez entendu parler des groupes pédiatriques, et je crois que vous avez également entendu parler des femmes enceintes. Dans mon domaine en particulier, celui de la psychiatrie, nous avons des données sur les anomalies congénitales, mais nous n'en avons aucune sur les femmes parce que nous n'avons pas d'essais cliniques sur les femmes enceintes. Il y a des groupes vulnérables sur lesquels nous avons besoin de données, et nous n'en avons pas.

Votre question porte sur les moyens de faire participer ces groupes aux essais, de veiller à ce qu'ils aient leur place pour éviter qu'ils ne soient exposés à de trop grands risques. Il y a des façons de s'y prendre. Comme on vous l'a dit, on peut prévoir des incitatifs pour les entreprises et les chercheurs. On peut aussi recourir à la réglementation. Il faut se servir de la carotte et du bâton pour finir par avoir les données dont on a besoin. C'est un gros problème.

Dr Lexchin : Assez récemment, Santé Canada a publié des lignes directrices sur la participation des femmes aux essais cliniques. Il pourrait aller plus loin. Lorsqu'on étudie un médicament et qu'il est sur le point de faire l'objet d'essais cliniques, on a une idée raisonnable, compte tenu de la maladie à traiter, de la population qui va finir par recevoir le médicament, une fois qu'il sera sur le marché. On pourrait publier des lignes directrices disant par exemple : nous prévoyons que la plupart de ceux qui utiliseront ce médicament auront 65 ans ou plus; si cette population ne participe pas à vos essais, il est peu probable que vous ayez une réaction favorable de notre part. Santé Canada pourrait publier d'autres lignes directrices sur ceux qui devraient participer aux essais cliniques.

Le sénateur Martin : C'est là un nouveau point.

Le président : Je m'attarde un peu à cette question. Nous avons entendu beaucoup de témoignages à ce sujet, ce qui n'est pas étonnant. Il a été recommandé que tous les essais comprennent des représentants des sous-groupes nettement identifiés, si on peut dire, comme les personnes à la psychologie différente, les jeunes, les femmes enceintes, les femmes en général, de plus en plus, et les aînés.

Il a été proposé également que les données recueillies soient présentées de façon à montrer les résultats des sous- groupes séparément, en dehors des résultats globaux des essais. En d'autres termes, les données sont recueillies globalement et cela correspond aux résultats généraux pour toute la population participant aux essais cliniques. Si, parmi les participants aux essais, il y a un certain nombre de jeunes, de femmes, d'aînés, faudrait-il qu'on donne d'une part les résultats généraux et d'autre part les résultats des sous-groupes? Est-ce une chose que vous recommanderiez?

Dre Shuchman : Le comité peut-il faire appel à un statisticien ou à un spécialiste de la méthodologie? Je ne suis ni l'un ni l'autre, mais c'est là une question qui doit être vigoureusement débattue dans les milieux universitaires, car ce dont vous parlez, c'est de l'analyse des sous-groupes. Dans le sous-groupe, l'échantillon est plus petit. Les conclusions sont donc beaucoup moins assurées, et moins elles le sont, moins on est disposé à s'y fier.

C'est l'opinion d'une profane en statistique sur le problème, mais il faudrait considérer chaque étude précisément et voir si le nombre de personnes de plus de 65 ans y est assez élevé pour qu'une analyse du sous-groupe soit utile. Ou bien, ce que les agences peuvent faire, et c'est ce qu'elles feront, comme le Dr Lexchin l'a dit, c'est réclamer d'autres essais.

Le président : J'avançais cette proposition en supposant qu'on a assez de participants dans les sous-groupes pour que les résultats soient statistiquement valables. C'est évident. Il faut que les résultats soient utiles.

Voici ce que je demande : si tel est le cas, êtes-vous favorable à l'idée que cette information soit aussi donnée par sous-groupe?

Dre Shuchman : Je voudrais parler de réalités concrètes. Le problème le plus pressant qui empêche les essais cliniques de réussir, qui fait que bien des essais qui sont entrepris ne sont jamais terminés, c'est qu'il est impossible de recruter suffisamment de patients. C'est la grande difficulté à surmonter pour ceux qui veulent réaliser des essais cliniques. Il peut être très difficile de trouver suffisamment de femmes et d'enfants.

Le président : Docteure Shuchman, je le comprends, mais je vous pose une question théorique.

Je me tourne vers le Dr Lexchin. Nous avons beaucoup entendu parler des sous-groupes. À supposer qu'on puisse mener des essais assez importants, avec des participants assez nombreux de sous-groupes précis, envisageriez-vous de publier les données par sous-groupe, en plus des résultats globaux? Cela vous semblerait-il valable?

Dr Lexchin : Au bout du compte, oui. Si on se donne la peine de dire aux sociétés qu'elles doivent faire un certain recrutement, il est normal qu'on veuille avoir les données. Cela donnerait aux médecins une idée des personnes qui peuvent prendre le médicament ou qui doivent l'éviter.

Le président : Docteur Lexchin, je voudrais aborder aussi la question des comités d'éthique de la recherche. Il en a beaucoup été question ici aujourd'hui, et je voudrais que notre comité comprenne de quoi il retourne. Par exemple, un comité a un rôle très important à jouer lorsqu'il s'agit de décider si des essais seront menés à tel endroit qui est de son ressort. Est-ce exact?

Dr Lexchin : Oui.

Le président : Est-ce qu'une des questions dont le comité d'éthique de la recherche s'occupe est le document remis aux participant, pour ce qui est des explications plus ou moins détaillées de ce à quoi ils doivent s'attendre?

Dr Lexchin : Oui. Il faut soumettre ce document au comité d'éthique de la recherche pour s'assurer qu'il le juge acceptable.

Le président : Un comité donné d'éthique de la recherche tente d'établir, pour un endroit particulier, par exemple un établissement universitaire, que les éléments qu'il juge convenir à des essais viables et parfaitement éthiques ont été respectés pour les essais en cause?

Dr Lexchin : Exact.

Le président : L'un de vous a fait des observations sur la viabilité de ces comités sous l'angle des résultats globaux des essais. Nous avons entendu parler de la question des comités d'éthique multiples qui interviennent à propos d'une même série d'essais. C'est l'une des difficultés qui peuvent freiner la mise en route des essais cliniques.

Vous avez également parlé des préoccupations que suscitent les essais dont les normes ne sont peut-être pas suffisantes, avec les conséquences que cela peut avoir. En tiendriez-vous compte s'il y avait une exigence normalisée et fort bien connue à l'égard des comités d'éthique? Par exemple dans le cas d'une province où nous savons qu'il y a de multiples sites d'essais et de multiples comités d'éthique. Les comités d'éthique auraient des exigences normalisées que le promoteur des essais cliniques devrait satisfaire pour que les essais aient lieu dans la province, disons, pour s'en tenir à un seul endroit.

Estimez-vous que, à terme, il y aurait un avantage pour le patient, si le processus d'approbation par le comité d'éthique était normalisé, dans une province donnée, pourvu que l'exigence d'approbation soit un processus ou un document tout à fait public?

Pour dire les choses autrement, estimez-vous qu'il y a un danger à adopter une norme unique dans une province pour les comités d'éthique?

Dre Shuchman : Je ne perçois aucun danger. L'un des articles que j'ai lus récemment disait qu'une soixantaine d'articles traitent des données sur les comités d'éthique de la recherche. Ils montrent ce que vous avez tous entendu dire : les comités ne sont pas d'accord, chacun souhaite obtenir des modifications différentes dans le formulaire de consentement; et comme il y a beaucoup de comités, le processus s'en trouve ralenti, même si chacun d'eux s'efforce de faire du bon travail.

Ce que vous proposez, me semble-t-il, c'est un effort d'harmonisation pour que tous les comités fonctionnent de la même manière. À titre de présidente de l'un d'eux, je dois dire qu'il faut compter avec les personnes qui font partie des comités. Il vaudrait la peine d'essayer. Ce serait préférable à la situation actuelle, mais je crois que le modèle de l'Ontario Cancer Research Ethic Board, c'est-à-dire un comité central doté de spécialistes et épaulé par des bénévoles, mais pas uniquement des bénévoles, est le meilleur modèle tant sur le plan des compétences qui sont indispensables, que sur celui de la rapidité de la réaction.

Politiquement, il ne sera peut-être pas possible d'en arriver là; mais, toujours selon la perspective de la politique, vous pourriez au moins commencer par le stade des normes. Je suis convaincue qu'il vaut la peine d'essayer. Ce serait mieux que ce que nous avons.

Dr Lexchin : Sauf erreur, dans certains pays scandinaves, lorsque des essais sont menés à divers endroits, il existe tout de même un seul examen éthique. On n'a donc pas besoin de traiter avec 20 comités qui exigent une vingtaine de modifications différentes.

Le président : C'est très utile. L'Ontario Cancer Research Ethic Board comparaîtra devant le comité.

Je voudrais revenir sur une partie de votre témoignage. Je ne savais pas trop comment comprendre ce que vous avez dit de la clarté et de l'ouverture en matière d'information. Il me semble que vos propos pouvaient s'interpréter ainsi : plus il y a de transparence, mieux c'est en ce qui concerne les essais cliniques.

Cela voudrait dire que si tous les aspects des essais et leurs résultats devaient être rendus publics rapidement, mis à la disposition du public, cela pourrait mieux garantir que, en fin de compte, les essais seront bénéfiques pour la population. Je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche. Je voudrais qu'on parle de transparence et je voudrais voir où vous vous situez à cet égard.

Dre Shuchman : Je suis tout à fait convaincue que plus la transparence sera grande, plus il y aura d'information qui circule, plus les experts du domaine en profiteront, soit sur le plan clinique, soit dans ces essais. Nous en saurons plus que nous n'en aurions su si l'information était restée l'apanage d'une agence donné ou d'un comité donné d'éthique de la recherche.

Dr Lexchin : Dans le même ordre d'idées, je dirai qu'aux États-Unis, où on peut avoir accès aux données non publiées, il y a suffisamment d'éléments pour montrer que si les essais cliniques font l'objet d'une publication en fonction des résultats, il arrive parfois que les résultats soient différents, dans la publication, des résultats communiqués à la FDA. Les essais négatifs présentés à la FDA deviennent des essais positifs; si les essais présentés à la FDA sont négatifs, il y a plus de chances qu'ils ne seront pas publiés que s'ils avaient été positifs. Ce qui veut dire que, pour des cliniciens comme nous, lorsque nous considérons les éléments de preuve pour prendre une décision sur l'utilisation d'un médicament, sur les modalités d'utilisation, il se peut que nous n'ayons qu'un sous-ensemble de tout ce qui existe.

Le président : Si j'ai bien interprété vos propos, il serait important que même l'information sur les essais interrompus soit disponible, n'est-ce pas? J'ai peut-être mal interprété ce que vous avez dit.

Dre Shuchman : Je crois que c'est le Dr Lexchin qui l'a dit, mais je suis d'accord. Cela se rattache à ce qu'a dit le sénateur : nous avons des essais dont les résultats restent sur les tablettes. On a fait un certain travail, et il serait utile de le savoir. Oui, je voudrais que les données soient disponibles.

J'allais ajouter une chose qui se rapporte également à la transparence. Nous avons parlé des patients. Un mouvement se dessine dans le domaine des essais cliniques : on veut faire participer les patients davantage et à un stade plus précoce pour qu'ils aient leur mot à dire dans la conception des essais. Les comités d'éthique de la recherche comptent des membres de la collectivité, mais à ce stade, le protocole est déjà défini. Un moyen d'assurer une plus grande transparence serait de faire intervenir les patients à un stade plus précoce.

Dr Lexchin : Je me permets d'ajouter qu'il est important que les données soient rendues publiques non seulement pour les médicaments qui sont approuvés, mais aussi pour les autres, car il se peut qu'un médicament rejeté soit semblable à un produit qui est déjà sur le marché. Si le nouveau produit n'est pas approuvé, qu'est-ce que cela veut dire pour le médicament déjà disponible? De la même façon, des sociétés peuvent revenir à la charge deux ou trois ans plus tard et le médicament est alors approuvé. Qu'est-ce qui a changé? Quelles données nouvelles ont permis de passer d'un refus à une autorisation de mise sur le marché? Si on n'a pas de données sur les médicaments rejetés, on ne peut pas répondre à ces questions.

Le sénateur Eggleton : Je voudrais dire un mot de la concurrence dont les essais cliniques font l'objet. Quelques témoins ont soulevé la question. Selon eux, nous perdons du terrain; les essais ne sont plus aussi nombreux; ils ont présenté des données statistiques. Je me pose des questions sur quelques petites choses dont nous avons parlé plus tôt, au sujet des droits et des sanctions. Les droits sont plus faibles au Canada, d'après ce que vous dites, que dans certains autres pays. Il y a aussi les sanctions, un facteur qui intervient au Canada et aux États-Unis. Comment est-ce que tout cela joue? Voici à quoi je veux en venir, au fond : si nous nous mêlons de promouvoir les essais cliniques chez nous, quels sont les bons aspects de cette initiative et quels sont les moins bons? Est-ce que la sécurité ou l'efficacité en souffriront, si nous essayons de rendre notre pays plus attrayant pour la tenue d'essais cliniques? Dites-moi ce qu'il y a bon et de mauvais à s'engager dans ce type de concurrence.

Dr Lexchin : Une précision. Les droits sont ce que Merck doit payer pour mettre un nouveau médicament sur le marché. La société présente ses données à Santé Canada et doit lui verser 350 000 $, je crois, pour l'examen de ces données. Voilà en quoi consistent les droits. Cela n'a rien à voir avec les essais cliniques, qu'ils se fassent au Canada ou non.

La réponse à votre question? Cela dépend. Il y a des avantages. Il y a aussi des problèmes à essayer d'obtenir plus d'essais cliniques. Un avantage, c'est que nous recevons beaucoup d'argent pour former des scientifiques et des médecins canadiens. Nous ne voulons pas qu'ils quittent le Canada. S'ils ne peuvent pas faire ce qu'ils estiment être leur travail chez nous, il se peut qu'ils partent aux États-Unis, au Royaume-Uni ou ailleurs. Nous les perdrons et, avec eux, nous perdrons l'argent que nous avons investi dans leur formation. Nous voulons garder ces gens au Canada, car cela fait partie de nos moyens de bâtir la société et d'améliorer les soins médicaux.

Par ailleurs, est-ce que je tiens vraiment à attirer des essais cliniques sur le dixième inhibiteur ECA, un médicament qui traite l'hypertension? La réponse est non, parce que nous avons déjà neuf médicaments de ce type et que nous n'avons pas besoin d'un dixième. Le dixième n'est proposé que parce que la pharmaceutique y voit un moyen de faire de l'argent. Si nous voulons attirer des essais, nous voulons qu'il s'agisse d'essais de grande qualité, des essais qui portent sur des produits qui auront ou pourront avoir une influence marquante sur le traitement des Canadiens et des essais qui utiliseront vraiment les compétences de ceux que nous avons formés.

Si la question se résume à choisir de faire ou de ne pas faire des essais cliniques, ces gens-là feront des essais sur ce dixième inhibiteur de l'ECA, mais cela ne les intéresse pas vraiment. C'est une façon de garder le laboratoire en activité, mais ce n'est pas un travail qu'ils tiennent vraiment à faire.

Dre Shuchman : Nous appelons souvent ce type d'essais des essais de commercialisation. Vous avez peut-être déjà entendu l'expression. Ils ne se font que pour faire connaître le médicament au clinicien, au fond, mais ils n'ajoutent aucune information importante. Par contre, il y a des maladies dans mon domaine, comme la psychose, et dans d'autres domaines, comme celui du cancer, qu'on ne voudrait jamais traiter dans un cadre où on n'a pas accès à des essais cliniques, étant donné que les traitements existants ne sont pas très bons.

Le sénateur Eggleton : Parlez-moi des inconvénients. Vous m'avez dit que c'était une bonne idée de garder chez nous des gens compétents et bien formés, mais quels sont les inconvénients? En voyez-vous?

Dr Lexchin : L'inconvénient, c'est qu'on gaspille le temps des gens. Si on fait des essais cliniques seulement pour faire des essais cliniques, un grand nombre d'entre eux ne seront pas très intéressants. Pour des raisons tout à fait légitimes, les pharmaceutiques élaborent des produits qui promettent d'être lucratifs, mais ce ne sont pas forcément les produits qu'il est le plus indispensable de mettre sur le marché.

Un autre point encore, à propos de la lutte pour obtenir des essais cliniques. Même s'il y a un certain nombre d'avantages indéniables pour le Canada, par exemple pour la formation de scientifiques ou encore pour les installations médicales, il y a des facteurs qui nous rendent la tâche difficile, comme la force du nombre.

L'Inde compte 1,2 milliard d'habitants et la Chine 1,5 milliard. Si une pharmaceutique veut faire des essais, elle cherche à recruter rapidement un grand nombre de personnes. Où les fera-t-elle? Ce sera plus rapide en Inde ou en Chine qu'au Canada, et les coûts seront considérablement moins élevés. Selon un article, un centre de première qualité en Inde coûte environ le cinquième de ce que coûte un centre de seconde qualité aux États-Unis.

Le président : Docteur Lexchin, vous avez encore abordé une question complexe, celle des essais répétitifs.

D'après des témoignages que nous avons entendus et des éléments qui nous ont été présentés dans des mémoires, le problème, c'est que, à certains endroits, le nombre d'essais cliniques pourrait devenir inférieur à la masse critique. Les médecins doivent maintenir une infrastructure s'ils veulent pouvoir faire des essais cliniques de qualité. Les essais répétitifs et banals peuvent aider à garder des chercheurs dont la formation est très poussée afin qu'ils puissent faire des essais sur de nouveaux médicaments. C'est un autre élément, n'est-ce pas?

Dr Lexchin : Effectivement. Ce ne sont pas tous les médicaments qui sont des percées ou qui marquent un progrès majeur sur le plan thérapeutique. Il est vrai qu'on accepte de faire des essais sur des médicaments répétitifs et banals, simplement pour garder les laboratoires en activité, mais on veut aussi en limiter le nombre en encourageant les essais portant sur des produits qui peuvent être utiles.

Le président : Merci beaucoup. Vous nous avez apporté beaucoup d'information utile. Si, après votre départ, vous songez à des aspects particuliers ou à des exemples, en plus de ce que vous nous avez dit, en ce qui concerne la transparence, nous serions heureux que vous nous communiquiez cette information. Un certain nombre d'éléments que vous avez cernés, eh bien nous les avons déjà vus dans les témoignages ou nous les verrons avant la fin de notre étude. Là- dessus, au nom de mes collègues, je tiens à vous remercier beaucoup d'avoir comparu et d'avoir témoigné avec une grande franchise. La séance est levée.

(La séance est levée.)


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