Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 18 - Témoignages du 30 mai 2012
OTTAWA, le mercredi 30 mai 2012
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 16 h 14 pour faire une étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada.
Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Traduction]
Je tiens à faire remarquer qu'il s'agit d'une journée très occupée au Sénat; nous avons de nombreuses questions à traiter et certains de nos collègues seront un peu en retard. Mais votre témoignage est tellement important que je veux qu'il soit inscrit au compte rendu et qu'il ne soit pas interrompu par des événements inhabituels se produisant au Sénat cet après-midi.
Nous allons commencer. Je m'appelle Kelvin Ogilvie; je suis sénateur de la Nouvelle-Écosse et président du comité. Je vais demander à mes collègues de se présenter.
Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, sénateur de Toronto et vice-président du comité.
Le sénateur Martin : Yonah Martin, de Vancouver, Colombie-Britannique. Bienvenue.
[Français]
Le sénateur Verner : Josée Verner, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Seth : Asha Seth, de Toronto, Ontario.
Le sénateur Cordy : Je suis le sénateur Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Wallace : John Wallace, sénateur du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Callbeck : Catherine Callbeck, de l'Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur Dyck : Lillian Dyck, de la Saskatchewan.
Le président : La salle est en train de se remplir. Je rappelle à mes collègues que nous tenons la dernière d'une série de 11 réunions au cours desquelles nous avons étudié différents aspects des essais cliniques au Canada. Nous allons aborder aujourd'hui l'aspect éthique de la recherche, et nous sommes ravis de recevoir un groupe de personnes aussi éminentes.
À la suite d'une entente intervenue au préalable, nous avons un ordre de présentation. Je vais présenter nos témoins dans l'ordre où je vais les inviter à s'exprimer. Je vais donc commencer par l'Institut ontarien de recherche sur le cancer et le Dr Raphael Saginur, président du Comité de gouvernance de l'Ontario Cancer Research Ethics Board, qui témoignera, et Janet Manzo, directrice exécutive de l'Ontario Cancer Research Ethics Board.
Docteur Saginur, s'il vous plaît.
Dr Raphael Saginur, président, Ontario Cancer Research Ethics Board Governance Committee, Ontario Institute for Cancer Research : Merci, monsieur le président. Nous vous remercions de nous donner l'occasion de présenter le point de vue des comités d'éthique de la recherche, les CER. Compte tenu du temps imparti, cette présentation est une version raccourcie de notre mémoire écrit.
D'autres témoins vous ont fait part de leurs préoccupations concernant la perte d'investissements en R-D et la diminution du nombre d'essais cliniques menés au Canada. Le manque de coordination, ainsi que les retards et l'inefficience des évaluations éthiques des essais multicentriques préoccupent tout particulièrement les CER.
Nous invitons les membres du comité à prendre connaissance du document International and Canadian Activities Related to the Ethical Review of Clinical Trials préparé par Marianne Vanderwel pour Santé Canada en mars 2012 qui vous a été remis. Notre exposé mettra l'accent sur les progrès réalisés dans le travail des CER en Ontario, ainsi que sur les améliorations que l'on peut apporter, notamment des recommandations concernant les accréditations, l'harmonisation des règles régissant la recherche et l'éthique de la recherche, la mise en valeur du travail déjà en cours et une meilleure coordination nationale.
En 2003, le Réseau ontarien de recherche sur le cancer, maintenant connu sous l'appellation Institut ontarien de recherche sur le cancer ou IORC a mis sur pied l'OCREB en réponse aux préoccupations exprimées au sujet du modèle traditionnel d'examen par les CER. Alain Beaudet a parlé de l'OCREB lorsqu'il a témoigné le 29 mars.
Pour les essais multicentriques, le modèle traditionnel d'examen par un CER est inefficace et redondant, sans aucune indication qu'il apporte une protection additionnelle aux participants à la recherche. L'OCREB représente un changement de paradigme au Canada.
À titre de CER centralisé et expert en oncologie, il permet de réduire les délais et d'éliminer les doubles emplois tout en offrant une surveillance éthique de qualité à l'égard de travaux de recherche de plus en plus complexes. Nous avons pour devise : « Le faire une seule fois et bien le faire. »
Il était essentiel d'établir un lien de confiance avec les organismes partenaires pour créer le l'OCREB, mais en l'absence de normes d'accréditation, il a fallu beaucoup de temps pour y arriver. L'OCREB compte maintenant 24 membres, soit la majorité des hôpitaux de la province qui mènent des essais cliniques sur le cancer.
Grâce au déploiement d'un système en ligne l'an dernier, l'OCREB a pu réduire de 13 à 8 semaines le délai moyen entre la présentation de la proposition et son approbation; ce délai devrait être ramené à six semaines ou moins au cours de l'année qui vient. Lorsque l'OCREB a raccourci ses délais, le temps de réponse s'est également amélioré.
Une fois que le requérant obtient l'approbation provinciale, chacun des centres collaborant à l'étude peut soumettre une demande abrégée et obtenir généralement l'approbation de l'OCREB en moins de 10 jours. Les centres ne sont pas tous prêts à lancer l'étude au moment de l'approbation provinciale et les promoteurs peuvent donc ajouter de nouveaux centres des mois, voire des années, après le début de l'étude.
Le modèle de l'OCREB offre la souplesse voulue pour que ces centres puissent présenter leur demande à n'importe quel moment une fois l'étude approuvée à l'échelle provinciale. C'est souvent l'étape de la négociation du contrat et du budget de l'étude qui ralentit son lancement dans le centre.
L'OCREB collabore avec de nombreux partenaires externes pour rationaliser davantage la recherche sur le cancer en Ontario et au Canada. À titre d'exemple, le Groupe des essais cliniques de l'Institut national du cancer du Canada (un important regroupement coopératif), le CER de la BC Cancer Agency et l'OCREB ont récemment conclu une entente concernant un modèle commun de formulaire de consentement.
L'OCREB et son pendant en Colombie-Britannique collaborent depuis plusieurs années sur les questions touchant les politiques et les procédures. Des discussions informelles ont également été tenues avec des CER d'autres provinces au sujet d'une éventuelle mise en commun des évaluations. L'Université de la Colombie-Britannique, l'Université de l'Alberta et l'OCREB utilisant la même plateforme technologique, il est possible de combiner les évaluations.
Dans le cadre de sa collaboration avec les groupes pédiatriques ontariens, l'OCREB pourrait devenir le CER responsable des essais cliniques réalisés dans cinq centres ontariens par le Groupe d'oncologie pédiatrique. Grâce à des partenariats fructueux, l'OCREB a donc su montrer que l'excellence en éthique de la recherche peut aller de pair avec l'efficience et la rapidité d'action.
En principe, rien ne devrait empêcher l'adoption d'autres modèles d'examen par les CER. En pratique, il existe toutefois de nombreux obstacles, mais aucun qui ne soit insurmontable. L'un de ces obstacles est le manque de confiance entre les établissements et les CER et les inquiétudes injustifiées à l'égard des mandats d'évaluation éthique confiés à un CER en dehors de l'établissement. L'élaboration de politiques, de procédures et de normes communes va faciliter la collaboration, la coopération et la confiance.
Il est possible de créer une structure nationale de coordination qui comprendrait une liste de tous les CER, un programme commun d'éducation et de formation, le partage des politiques et des procédures, des formulaires et des plateformes technologiques compatibles, des évaluations et des analyses comparatives du rendement et l'application de normes et de pratiques exemplaires.
Il faut également un processus d'accréditation, mais qui doit s'inscrire dans le cadre d'un programme global de protection de la recherche sur des sujets humains avec la participation de l'établissement, du CER et des chercheurs.
Les CER ne sont pas les uniques responsables de la protection des participants aux recherches ni de l'éthique de la recherche. Je vous renvoie à un article d'Anderson et autres dans le Health Law Review, qui contextualise les CER. Nous vous avons remis ce document, monsieur le président.
Dans son rapport de 2002 intitulé La santé des Canadiens — le rôle du gouvernement fédéral, votre comité recommandait la création d'un système de gouvernance de l'éthique comprenant un processus d'autorisation ou d'accréditation.
La nécessité de servir de nombreux maîtres sur les plans réglementaire et juridique ajoute à la complexité de la recherche. Il n'est pas rare que les CER aient à respecter cinq ensembles de règles canadiennes et américaines pour un essai clinique. La nouvelle norme de l'ONGC contribuera encore à cette complexité.
Il reste aux CER à suivre les exigences les plus strictes pour l'ensemble de la recherche ou à créer des politiques différentes pour les différents types de recherche.
Bien des provinces ayant leur propre loi en matière de protection des renseignements personnels ou d'autres exigences légales ou administratives, il devient difficile pour les CER d'utiliser un processus décisionnel pancanadien. La Loi nationale sur la protection des renseignements personnels, la LPRPDE, ne traite pas des questions d'éthique de la recherche, contrairement à la LPRPSO en Ontario. Il convient donc d'harmoniser les différentes lois sur la protection des renseignements personnels, et ces lois devront traiter de l'éthique de la recherche.
Les autorités réglementaires américaines ont déjà indiqué qu'elles étaient disposées à considérer les normes étrangères comme équivalentes aux leurs, se dispensant ainsi d'exercer leur compétence extraterritoriale. Le Canada doit entamer des discussions pour faire reconnaître les normes canadiennes. Dans son rapport de 2002, votre comité a également recommandé l'adoption de mesures de protection équivalentes.
Le rapport de 2011 intitulé Report on the State of Cancer Clinical Trials in Canada de l'Alliance canadienne pour la recherche sur le cancer recommande la création d'un programme d'infrastructure pancanadien à l'appui des essais cliniques sur le cancer, la rationalisation de l'environnement réglementaire et le regroupement des CER. En l'absence de coordination nationale de la recherche, on devrait faire fond sur le travail d'organismes locaux de qualité comme le Réseau des réseaux d'essais cliniques et l'ACCER pour la mise en commun des pratiques exemplaires, l'élaboration de procédures de fonctionnement normalisées et de programmes de formation, des initiatives d'assurance de la qualité et de participation des patients, et cetera. La Stratégie de recherche axée sur le patient des IRSC semble aller dans ce sens.
Les efforts d'harmonisation doivent transcender les frontières provinciales et nationales. Dix années se sont écoulées depuis le rapport de votre comité en 2002 et bon nombre de vos principales recommandations n'ont toujours pas été mises en œuvre. Nous avons maintenant la possibilité de miser sur la volonté actuelle de changement. L'OCREB a fait la preuve que la centralisation des CER donne de bons résultats. Le moment est venu de passer à l'action.
Voici nos principales recommandations : créer une structure nationale de coordination des CER, appuyer d'autres initiatives et partenaires et faire fond sur les résultats qu'ils produisent, instaurer un mécanisme d'accréditation et s'employer à harmoniser les règles provinciales, fédérales et internationales régissant l'éthique de la recherche.
Ma collègue Janet Manzo et moi-même nous ferons un plaisir de répondre à toutes vos questions.
Le président : Merci beaucoup.
Je vais maintenant donner la parole à Sharon Freitag, ancienne présidente de l'Association canadienne des comités d'éthique de la recherche.
Sharon Freitag, ancienne présidente, Association canadienne des comités d'éthique de la recherche : Monsieur le président et honorables sénateurs, au nom de l'Association canadienne des comités d'éthique de la recherche ou ACCER, je tiens à vous remercier de l'invitation à comparaître devant le comité pour donner le point de vue de l'ACCER sur l'état des essais cliniques au Canada.
Permettez-moi de mettre notre point de vue en contexte. L'ACCER est un organisme national qui se consacre à la promotion de la protection des participants humains à la recherche. Depuis sa création en l'an 2000, l'ACCER a constitué une communauté de professionnels de l'éthique de la recherche à l'échelle du pays. Nous comptons actuellement plus de 300 membres qui représentent, au Canada, plus de 200 comités d'éthique de la recherche qui examinent toute la gamme de la recherche sur les participants humains, y compris les essais cliniques.
Les présidents et les membres de CER qui possèdent des compétences en sciences, en droit et en éthique, les membres de la collectivité qui apportent le point de vue du patient ou du participant et les administrateurs de CER font partie de l'ACCER. Au cours des 10 dernières années, l'ACCER a établi une solide communauté réputée pour sa fiabilité, sa transparence et sa coopération à l'échelle nationale.
L'engagement et le leadership de l'ACCER transparaissent dans ses énoncés de position et ses documents d'orientation, sa participation à l'élaboration et à l'évolution des règlements et des politiques et la reconnaissance par d'autres intervenants importants qui nous a permis de participer à de nombreuses discussions sur les politiques nationales et internationales.
Les membres de l'ACCER savent depuis longtemps qu'il faut modifier le paysage de l'éthique de la recherche au Canada, s'agissant notamment de la façon dont les essais cliniques sont entrepris, examinés et administrés, car les membres de notre association continuent d'exprimer leur frustration à l'égard de leur charge de travail sans cesse croissante qui s'explique par des règlements en rapide évolution et la complexité juridique et réglementaire accrue de l'examen déontologique. Malheureusement, une bonne partie du fardeau de la réglementation n'a aucune incidence sur la sécurité du patient ou du participant et, au contraire, fait oublier l'objectif principal des CER qui est de protéger les participants à la recherche.
Pour vous donner un exemple important, l'ACCER a notamment défini et abordé la question de la gestion des rapports sur les effets indésirables non locaux. Chaque site participant à un essai clinique recevait des rapports d'effets indésirables au niveau individuel. On attendait ensuite des présidents et des administrateurs des CER qu'ils viennent à bout de centaines de rapports de ce genre par essai, sans savoir comment interpréter les données ni quelle mesure prendre. Reconnaissant qu'il s'agissait d'un sujet de préoccupation important pour tous les CER canadiens qui examinent les essais cliniques, l'ACCER a décidé de réunir des représentants de Santé Canada, des compagnies de recherche pharmaceutique et d'autres intervenants venus des quatre coins du pays pour discuter d'une stratégie nationale permettant de régler ce problème.
Cette initiative a conduit au document d'orientation de l'ACCER sur la déclaration de problèmes imprévus, y compris les effets indésirables, aux comités d'éthique de la recherche au Canada en juillet 2010. Ce document a été adopté en partie ou intégralement par de nombreux CER à l'échelle du pays. Le Dr Saginur et Mme Anzo ont contribué à la réussite de ce projet. L'ACCER reconnaît que même si ce document d'orientation allège le fardeau de l'administration des essais cliniques au Canada, il existe de nombreux autres obstacles à la promotion de la rationalisation de l'examen de l'éthique à l'échelle nationale :
Premièrement, l'absence d'un système d'accréditation canadien. On a déjà accompli un travail important sur la norme de l'Office des normes générales du Canada, mais l'ACCER estime depuis longtemps que le processus d'élaboration était imparfait et que le document qui en résulte est trop normatif. Ce processus est susceptible d'ajouter au fardeau et de prolonger les délais de l'examen des essais cliniques par les comités d'éthique de recherche, sans grande incidence sur la sécurité des participants.
Deuxièmement, les différences interprovinciales dans la législation relative à la protection de la vie privée, dont a parlé le Dr Saginur également.
Troisièmement, le décalage entre les politiques et les lignes directrices en matière d'éthique de la recherche et les règlements de Santé Canada, la norme de l'ONGC, les règlements de la FDA des États-Unis, et cetera. La question des protections équivalentes entre les politiques canadiennes et les règlements américains a été examinée pendant des années, sans qu'aucun progrès important pour en arriver à un même niveau d'acceptation des systèmes d'examen n'ait été réalisé.
Quatrièmement, l'absence d'organisme national pour superviser et défendre tous les aspects de la protection de la recherche humaine. Les changements récents apportés au portefeuille de bioéthique de Santé Canada remettent en question le choix du responsable de l'évaluation promise de la norme nouvellement approuvée de l'ONGC.
Cinquièmement, l'utilisation d'un système d'enregistrement des essais cliniques sujet à erreur et qui dépend de l'acceptation par les chercheurs d'un processus administratif de plus, là encore avec une incidence faible ou nulle sur la sécurité des participants.
Selon l'ACCER, l'obstacle le plus important à surmonter est la question de l'accréditation des CER, puisqu'il constitue le fondement de la rationalisation, de l'harmonisation et de la reconnaissance de la qualité. À ce titre, en janvier 2012, l'ACCER a répondu à une lettre d'intérêt sur la création d'un système d'accréditation pour les CER et les programmes de protection de la recherche humaine (PPRH) publiée par Santé Canada. Dans la lettre, nous avons proposé un modèle d'accréditation qui comprendrait la création d'un conseil consultatif national, composé de représentants d'intervenants clés : Santé Canada, Industrie Canada, le Groupe consultatif interagences en éthique de la recherche, les IRSC, l'ACCER, l'Association canadienne des institutions de santé universitaires et les compagnies de recherche pharmaceutique pour superviser le processus. L'ACCER préconise que ce conseil choisisse une organisation directrice pour s'assurer de la mise en œuvre et gestion appropriées du programme d'accréditation ou de certification. La proposition décrivait également la nécessité de créer un registre des CER et des experts en éthique de la recherche à l'échelle du pays — un registre central de tous les CER, pas seulement ceux qui examinent les essais cliniques et la définition des besoins opérationnels.
Les responsables de l'ACCER soutiennent que l'élaboration d'un processus qui s'applique à une seule catégorie de recherche, c'est-à-dire les essais cliniques réglementés, manque de vision et est contre-productive, car les attributs nécessaires à une recherche hautement réglementée ne sont pas transférables aux domaines qui ne sont pas assujettis à des exigences comparables. S'il n'existe qu'une seule norme sur les activités des CER, de par son existence même, cette norme est susceptible d'influencer les perceptions de ce qui constitue une norme acceptable pour toutes les activités des CER. Nous nous inquiétons du fait que la majorité des CER du Canada examinant différentes recherches sur des participants humains en plus des essais cliniques réglementés, les normes relatives à l'examen déontologique de la recherche doivent englober tout le programme de protection de la recherche humaine (PPRH) d'un établissement ou d'un organisme.
Nous savons que le financement et la viabilité sont des facteurs importants pour l'accréditation des CER. Nous croyons d'ailleurs que les ressources financières pour toute forme de gouvernance et d'accréditation associée au Programme de protection de la recherche humaine (PPRH) ont été le principal obstacle à la mise en place d'un système d'accréditation jusqu'à présent. On discute de l'accréditation des CER au Canada depuis plus de 10 ans, plusieurs initiatives menées par le gouvernement ont été entreprises, mais reléguées aux oubliettes en raison du coût prévu. Cependant, ce dont il faut tenir compte, la raison de notre réunion d'aujourd'hui, c'est l'impact financier de l'absence de ce système d'accréditation des CER. Le manque de cohérence reconnu dans les examens déontologiques et les processus connexes continue d'avoir un effet néfaste sur les commanditaires, en particulier pour les essais cliniques. Plusieurs pays possèdent un système d'accréditation depuis des années qui représente une solution plus simple que le système disparate du Canada.
Il est important d'ajouter que, même si les CER et leur travail constituent une partie importante du processus des essais cliniques, nous ne sommes qu'une pièce d'un grand puzzle. Tous les intervenants doivent consentir à travailler ensemble sur tous les aspects de ce puzzle. La transparence, la collaboration et la communication sont essentielles au succès futur. L'ACCER a de solides antécédents en matière de leadership dans le domaine et d'influence sur le terrain. Nous ne nous sommes jamais dérobés devant une difficulté ou une occasion d'aller de l'avant et nous nous réjouissons de la possibilité d'œuvrer en vue de l'objectif commun consistant à retrouver notre compétitivité en attirant des essais cliniques.
Merci. Je recevrai avec plaisir vos questions ou les commentaires que vous souhaitez formuler.
Le président : Je donne maintenant la parole à M. Ronald Heslegrave de Clinical Trials Ontario.
Ronald Heslegrave, directeur exécutif, Clinical Trials Ontario : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs de me permettre de vous parler de Clinical Trials Ontario. Vous avez devant vous mon mémoire que je vais reprendre en partie.
Clinical Trials Ontario est un organisme indépendant sans but lucratif très récemment établi par le ministre du Développement économique et de l'Innovation dans le cadre de la Stratégie ontarienne de commercialisation des sciences de la vie. Quand je dis « très récemment », c'est que Clinical Trials Ontario est devenue une véritable entité à la fin de décembre. Un groupe d'intervenants y a participé depuis deux ans jusqu'au moment où Clinical Trials Ontario a été en mesure d'être une entité indépendante. Notre mandat consiste à offrir au secteur des sciences de la vie une méthode simplifiée pour mener les essais multicentriques en Ontario, tout en respectant les normes déontologiques les plus rigoureuses concernant la sécurité des patients. Nous espérons ainsi attirer en Ontario les investissements des commanditaires de ce secteur, donner aux patients l'accès à une recherche médicale de pointe, donner un accès local aux soins probants les meilleurs et les plus modernes et ouvrir des possibilités de croissance économique et de création d'emplois grâce à l'investissement de l'industrie.
Le problème, comme vous le savez très bien, j'en suis sûr, à la suite de vos 10 dernières séances, c'est que l'investissement des industries pharmaceutiques, des instruments médicaux et de la biotechnologie diminue. L'industrie pharmaceutique a investi près de 500 millions de dollars seulement en Ontario, dont la moitié environ était destinée aux essais cliniques. Entre 2009 et 2010, le montant des investissements dans les essais cliniques a diminué d'environ 12 p. 100, mais cette baisse a commencé depuis de nombreuses années déjà. Ces cinq dernières années, les investissements se sont déplacés du Canada et des autres économies occidentales vers d'autres pays en raison des coûts inférieurs, de la plus grande rapidité pour lancer des essais cliniques complets et d'un meilleur recrutement des patients. De nombreuses économies développées offrent un soutien public pour renverser cette tendance et pour ramener les essais cliniques vers les économies occidentales, les économies établies et l'Amérique du Nord. Clinical Trials Ontario est une nouvelle initiative qui nous permettra d'agir en ce sens.
L'Ontario s'est rendu compte de la nécessité d'agir par une intervention gouvernementale et la fourniture de certaines ressources pour tenter de ramener les essais cliniques en Ontario et, du même coup, au Canada. Nous occupions auparavant la deuxième place dans le monde en matière d'essais cliniques. Nous sommes maintenant descendus au cinquième rang pour le nombre des essais cliniques menés au Canada. Le déclin est encore plus marqué pour l'ouverture de nouveaux sites d'essais et nous nous situons au dixième rang en ce qui concerne la capacité des sites. Le déclin est très important dans la fiabilité du recrutement, car nous ne sommes pas aussi fiables à cet égard que d'autres pays et nos coûts par sujet sont beaucoup plus élevés pendant les essais.
Les entreprises mondiales sont attirées par les marchés émergents en raison des coûts absolus plus bas, de la qualité relativement comparable, compte tenu de la différence des coûts et d'une bureaucratie moins tatillonne au sujet des approbations nécessaires pour lancer un essai clinique. L'Ontario estime que nous devons réformer l'infrastructure des essais cliniques et c'est ce que Clinical Trials Ontario a l'intention de faire.
Clinical Trials Ontario veut faire de l'Ontario un emplacement de choix pour les essais cliniques mondiaux, tout en maintenant les normes déontologiques les plus rigoureuses. CTO a l'intention de mobiliser tous les partenaires afin d'agir rapidement et de façon coordonnée, rationalisée et uniforme pour lancer et approuver les essais cliniques. Nous espérons ainsi attirer des investissements et, plus particulièrement, donner aux patients l'accès à des traitements médicaux de pointe. Cette initiative aura des retombées économiques en Ontario et, donc au Canada, si nous nous y prenons bien.
Clinical Trials Ontario a établi trois piliers stratégiques pour effectuer cette réforme. Le premier consiste à accélérer les essais cliniques multicentriques et en réduire les coûts en simplifiant le processus d'approbation déontologique de la recherche, en le ramenant à un seul examen par province et en harmonisant d'autres plateformes et processus administratifs.
Le deuxième consiste à mettre à profit les partenariats avec les enquêteurs, l'industrie et le gouvernement pour accéder aux décideurs mondiaux en matière d'essais cliniques et attirer les investissements dans les essais cliniques, en fonction de la réussite commerciale de Clinical Trials Ontario.
Le troisième consiste à amener les patients et le public à reconnaître les avantages des essais cliniques pour leur propre santé, celle de leur famille et de la société et améliorer le recrutement des patients en les informant sur les essais cliniques.
Voilà donc pour les piliers. Pour ce qui est de la plus grande rapidité, nous avons cinq grands objectifs pour établir un système intégré permettant de ramener le processus d'examen des essais cliniques par les CER à un seul examen pour les essais multicentriques. Nous prévoyons de mettre en œuvre des procédures de fonctionnement normalisées pour uniformiser les essais dans tous les sites et améliorer la communication entre les sites des essais cliniques pour appuyer le lancement des essais cliniques et la surveillance des CER. Nous devons définir, suivre, documenter et mesurer nos forces pour permettre à l'industrie de voir les améliorations dans l'examen initial et l'examen continu, ainsi que dans les mesures associées aux essais cliniques. Nous voulons que le CTO soit représentatif d'un seul point d'entrée pour les essais cliniques en Ontario.
Quant au deuxième pilier, nous voulons tirer profit de partenariats stratégiques en établissant un réseau provincial d'enquêteurs et de dirigeants institutionnels et de l'industrie pour mettre en place et promouvoir, des plateformes, des stratégies de communication et des processus communs afin de promouvoir les investissements dans les essais cliniques au Canada, de promouvoir les avantages, la qualité et l'efficacité de notre nouveau système simplifié en Ontario et d'établir des liens avec des intervenants susceptibles d'influencer les principaux décideurs pour que des essais cliniques aient lieu en Ontario.
Le troisième grand pilier stratégique consiste à mobiliser les patients. Nous avons l'intention de travailler avec les associations de bénévoles pour sensibiliser le public et distribuer des ressources éducatives pour montrer les valeurs sociales des essais cliniques. Nous voulons établir des stratégies éducatives pour améliorer le recrutement et le maintien des patients en leur donnant confiance dans la sécurité et l'importance des essais cliniques pour le public et les patients.
Où en sommes-nous actuellement? Pour ce qui est du financement, le ministère du Développement économique et de l'Innovation de l'Ontario n'a créé le CTO qu'en décembre, comme je l'ai déjà dit. Nous avons obtenu du ministère trois ans de financement fondé sur un plan stratégique que nous lui avons remis. Mais on s'attend à ce que l'industrie apporte un soutien financier continu à Clinical Trials Ontario, en fonction de la réussite avérée de l'initiative du CTO, car si nous pouvons réduire les délais de lancement des essais cliniques, l'industrie réalisera des économies. L'industrie a exprimé sa volonté d'offrir un soutien financier aux améliorations que nous pouvons apporter à l'infrastructure des essais cliniques.
J'ai aussi parlé du conseil d'administration. Il s'agit d'un conseil en partenariat fondé sur les compétences. Vous verrez que l'exécutif est composé de cliniciens spécialistes des essais, d'un directeur régional de Pfizer et du vice-recteur adjoint de l'une de nos universités, représentant les centres universitaires. Le PDG de MaRS Innovation, le Dr Ray Saginur, et Anne Snowdon, de l'Ivey School of Business, siègent également à notre conseil. Amgen est représenté. MEDEC, l'association des instruments médicaux au Canada, est représentée, de même que Michael Wood, de Thunder Bay, qui est le PDG. Notre conseil est établi intentionnellement de cette façon afin d'établir un partenariat efficace dans lequel l'industrie, les universités et les cliniciens spécialistes en essais sont représentés.
Quelles sont les prochaines étapes? D'après ce que je vous ai dit et de ce que vous avez déjà entendu, je pense qu'il faut réformer l'infrastructure des essais cliniques et le système de surveillance, non seulement en Ontario, mais également au Canada, car les essais cliniques représentent une possibilité de nouveaux traitements pour les patients. Les sites d'essais cliniques étant attribués aux pays, et non aux régions ou aux provinces, nous devons exercer une influence au niveau mondial pour que le Canada joue un rôle important dans le domaine des essais cliniques.
L'Ontario a investi dans la réforme de son infrastructure des essais cliniques, mais plusieurs initiatives en matière d'infrastructure sont en cours au Canada pour rationaliser le travail des CER en matière d'examen, de contrats communs, de normes nationales, et cetera. Nous devons continuer d'œuvrer au plan national pour trouver une solution pancanadienne à la question des essais cliniques avec les enquêteurs, l'industrie et le gouvernement. Je dirais que les témoins qui comparaissent devant le comité sénatorial représentent des initiatives qui s'attaquent à différentes parties du problème. Mais surtout, on pourrait faire appel à ces organismes, et bien d'autres, pour trouver une solution canadienne, s'ils sont dotés des ressources nécessaires.
Merci de votre attention.
Le président : Merci beaucoup. Je vais maintenant demander à mes collègues de poser leurs questions.
Le sénateur Eggleton : J'ai deux questions. Je vais commencer par Clinical Trials Ontario et M. Heslegrave. Il s'agit là d'une entreprise plutôt ambitieuse. Or, la plupart des témoins nous ont parlé de nombreux obstacles. Comment allons-nous les surmonter? C'est une entreprise provinciale. Il y a Santé Canada et le rôle important que le ministère joue, ainsi que d'autres dans ce domaine. Comment contrer cela? Quels sont les obstacles que vous devez surmonter? Et comment le faire?
Ce qui nous préoccupe toujours dans cette tentative de faire de l'Ontario ou d'ailleurs au Canada un emplacement de choix et tenter d'inverser la tendance, c'est-à-dire une baisse du nombre des essais cliniques dans notre pays, c'est de savoir si nous allons sacrifier la sécurité et l'efficacité de nos examens des médicaments dans ce contexte? Dans vos documents, vous dites que vous voulez faire des choses que l'industrie pourra accepter. L'industrie a ses propres objectifs et orientations. Certains pourraient penser que la « rationalisation » est un mot code qui veut dire que l'on va prendre des raccourcis avec la réglementation, c'est-à-dire négliger l'aspect sécuritaire afin d'attirer l'industrie.
Pourriez-vous nous parler de ces obstacles et des compromis?
M. Heslegrave : Bien sûr. C'est une très bonne question. Comme d'autres témoins vous l'ont dit et d'autres encore qui ont comparu par le passé, il existe des obstacles importants. En Ontario, nous avons demandé l'aide du Conseil de l'Association des hôpitaux de l'Ontario, le groupe CAHO, où s'effectue la majorité de la recherche en Ontario dans les centres universitaires. Le PDG du CAHO, à la suite de nos démarches, est prêt à changer la culture. Nous avons fait la même chose auprès d'autres groupes, de VP d'un certain nombre d'organismes, et cetera. Il existe une volonté de passer à un type de système différent et de réformer le système actuel pour que l'examen de l'éthique de la recherche se limite à un certain nombre de centres. Idéalement, il n'y aurait qu'un centre pour la province. Nous pourrions ainsi mieux travailler avec les autres provinces, de façon rationalisée, pour des initiatives qui se déroulent dans d'autres parties du pays. Nous avons le soutien des institutions de l'Ontario.
Bien entendu, la confiance entre les institutions sera un aspect important, mais je pense qu'il existe une volonté d'aller dans cette direction, en partie en raison de l'expérience de l'Ontario Cancer Research Ethics Board, qui s'occupe de cette question depuis un certain temps. Chacun sait que nous devons améliorer notre approche. Il y a effectivement des obstacles; c'est un projet ambitieux, et nous ne faisons que commencer. Je pense que le moment est bien choisi en raison de la volonté de toutes les institutions de participer.
Pour ce qui est de sacrifier la sécurité, comme les représentants de l'OCREB et du CAREB vous l'ont dit, rien n'indique que le fait d'examiner le même protocole 10 ou 50 fois dans tout le pays assure une meilleure sécurité des patients que de bien le faire une seule fois. Cela a toujours été le mantra de l'Ontario Cancer Research Ethics Board, que j'ai présidé pendant sept ans. La volonté de faire avancer ce projet est là. Personne n'a l'intention de réduire la sécurité du système. Santé Canada assumera toujours son rôle, et les conseils d'éthique de la recherche institutionnels ou autres auront toujours un rôle à jouer. Mais nous n'avons pas besoin de redondance dans le système.
S'agissant des avantages pour l'industrie, les conseils d'éthique de la recherche et les institutions, et cetera, ainsi que leur infrastructure des essais cliniques ont déjà des mesures qui leur disent s'ils sont compétitifs au Canada où s'ils devraient aller ailleurs. Nous ne proposons rien qui rationalisera ou facilitera l'examen de l'éthique, mais nous réduisons la redondance.
Dr Saginur : Sénateur Eggleton, vous avez fait une très bonne observation. Il est très important de compléter ce que M. Heslegrave a dit. Je pense que l'on doit aborder cette question dans une perspective historique. Il y a un certain nombre d'années, travailler lentement voulait dire un examen approfondi. Le travail répétitif voulait dire que la personne seule dans son coin pouvait avoir une bonne idée. C'était un peu une légende urbaine, mais tout montre que c'est en fait le contraire; que la répétition des examens ajoutait de la complexité, des retards, des coûts et pas grand- chose d'autre.
Dans une large mesure, les obstacles venaient de l'inertie et de la complaisance plutôt que d'une véritable antipathie. Les intervenants du Canada se sentent maintenant poussés à agir; je pense qu'ils reconnaissent la nécessité de travailler ensemble et sont prêts à le faire. Je pense que la nature même de Clinical Trials Ontario est de rassembler les intervenants, mais ils sont prêts à discuter. Un des principes de Clinical Trials Ontario — et il reste à voir s'il le défendra — est de maintenir la solidité de l'examen des CER.
Le sénateur Eggleton : J'aimerais ramener la discussion au niveau national. Nous avons déjà parlé notamment de la normalisation des essais cliniques au Canada. Je n'aime pas utiliser des acronymes, mais les noms de vos organismes sont tellement longs que je les appellerai CAREB et OCREB. Cette question s'adresse surtout à vous, mais les autres peuvent répondre aussi.
Vous nous avez présenté un organisme national chargé de surveiller et de défendre tous les aspects de la protection de la recherche humaine, dans le cas du CAREB. Dans le cas de l'OCREB, il s'agit de créer une structure nationale de coordination pour les CER qui comprend un volet éducation, un volet formation, et cetera, qui soient communs.
Êtes-vous sur la même longueur d'onde? Nous avons lu des choses — je suis un profane et j'essaie de comprendre. Y a-t-il des différences? En arrivez-vous tous à la même conclusion? S'agit-il d'une normalisation non seulement des CER, mais de tout le processus des essais cliniques, que nous devrions imposer par voie législative? Parlez-vous de coordination volontaire? Y a-t-il des différences dans ce que les deux organismes proposent ici?
Dr Saginur : Je ne vais pas parler pour l'ACCER, mais je crois qu'il y a beaucoup de similitudes. L'OCREB est une organisation financée par le gouvernement provincial et sa gouvernance n'a pas l'intention qu'elle devienne nationale. Sa candidature n'est donc pas en lice.
Le sénateur Eggleton : Vous en avez proposé une.
Dr Saginur : C'est en effet ce que nous préconisons, car nous en sommes des partisans inconditionnels. Nous souhaitons travailler avec des partenaires à l'extérieur de l'Ontario, car nous y voyons un facteur essentiel pour que la chose se matérialise. J'estime, quant à moi, qu'il devrait s'agir d'une organisation indépendante du gouvernement. Il nous faut composer avec la répartition des responsabilités fédérales-provinciales, c'est un fait. Je crois d'ailleurs que cela a servi de prétexte au manque de leadership affiché par bien des parties. Il me semble qu'il est temps que quelqu'un prenne le taureau par les cornes, travaille avec d'autres partenaires et partage la responsabilité de ces importants enjeux.
Mme Freitag : Je me range entièrement à l'avis du Dr Saginur. Malgré le cloisonnement de nos CER, nous avons constaté que chacun fait la même chose de son côté. Je crois qu'un élément qui fait défaut au niveau de l'infrastructure c'est un ensemble de lignes directrices, de normes communes auxquelles adhérer collectivement.
C'est difficile, car nous avons des lois distinctes sur la protection des renseignements personnels partout au pays. Notre manière d'examiner quelque chose en Ontario diffère donc complètement de l'optique albertaine sur tel ou tel aspect régi par ces lois, d'où l'énorme confusion qui règne en ce moment. Je préside un comité d'éthique des IRSC relatif à la SRAP, qui compte des membres des quatre coins du pays. Or, à l'heure de définir le problème, ils s'entendent tous pour dire que ce n'est pas une question de méfiance, mais bien d'ignorance, car nul n'est au courant de la lutte que les autres doivent mener dans leurs administrations respectives. On pourrait commencer à égaliser le terrain de jeu en élaborant un ensemble de règles de base.
Le sénateur Eggleton : Qui devrait établir ces règles?
Mme Freitag : Je crois qu'il en a déjà été question même avant mon entrée en fonctions. Il s'agirait d'un organe de gouvernance constitué par tous les intervenants et des gens comme moi-même. Je suis sur le terrain. En ma qualité de directrice d'un bureau d'éthique de la recherche, je suis confrontée à ce genre de situation au quotidien. Je songe à un organisme comme CTO, qui chercherait à diriger tout un groupe de personnes, ou encore à l'OCREB, qui représente 24 hôpitaux, le mien compris. Nous avons travaillé ensemble. Nous avons commencé à constater qu'il y a une volonté et une compréhension communes, et des obstacles également. Nous avons commencé à abattre les murs. Il n'est pas possible d'avoir 200 CER à la table des négociations sans qu'ils ne partagent un intérêt commun pour avancer dans cette voie.
Le sénateur Martin : Je suis sur la même longueur d'ondes que mon collègue le sénateur Eggleton pour ce qui est du genre de questions qu'il s'agit de poser. Une de mes premières questions serait : Il y a donc environ 200 CER en tout?
Mme Freitag : C'est une excellente question, et je vais y répondre en toute franchise. Personne ne sait combien de CER il y a au juste au Canada. Je peux vous dire le nombre de conseils qui s'occupent des recherches sur les animaux, mais je ne saurais vous dire combien examinent les essais cliniques proprement dits. L'ACCER a son site Web et nous avons nos membres. C'est ainsi que nous avons commencé à faire le compte.
Dans le cadre de l'initiative de la SRAP, les divers membres avaient convenu de compter les CER dans leurs administrations respectives. Je pensais que cela irait tout seul. Eh bien, croyez-le ou pas, il n'en est rien. Chaque fois que nous en comptons un, il y en a un autre qui surgit quelque part. Nous devrions pourtant être au courant puisque les choses se produisent pratiquement sous nos yeux. En ma qualité d'ancienne présidente de l'Association canadienne des comités d'éthique de la recherche, je suis honteuse de devoir l'avouer, mais je parie que certains comités ne sont même pas représentés à la table des négociations.
Dr Saginur : Qui plus est, la FDA a publié une liste des IRB des États-Unis, qui sont l'équivalent des CER de chez nous. Pour pouvoir effectuer mes recherches, une fois j'ai essayé de compiler une liste en la sollicitant de Santé Canada, car je savais qu'il fallait signer une attestation chaque fois que mon hôpital était choisi comme lieu des essais cliniques. Je pensais que Santé Canada allait pouvoir me fournir la liste de bonne grâce, mais le ministère n'a pas été en mesure de le faire. Je crois que c'est une honte et qu'il est impossible de gérer un système sans que l'on sache de quoi il est fait.
Le sénateur Martin : J'ai parcouru le document d'information que vous avez présenté et les activités internationales et canadiennes liées à l'examen éthique des essais cliniques. À la page 60, il y a un tableau récapitulatif des systèmes de surveillance par pays.
Je tenais absolument à étudier la comparaison avec le Canada, et je présume que les chiffres de la dernière rangée représentent le nombre de CER dans les divers pays. Quand j'ai posé la question, j'étais curieux, car l'Australie, qui est un pays comparable au nôtre, compte 221 CER d'inscrits. J'ai essayé de tirer des conclusions de ce tableau. Les renseignements sont intéressants et je tenais à dresser la comparaison avec le Canada — bien qu'il y soit question du Canada séparément — mais je voulais me faire une idée globale à l'aide de ce tableau.
J'aime la devise « Le faire une seule fois et bien le faire ». C'est un aspect essentiel. Je voudrais savoir s'il y a une cohérence dans les diverses initiatives dont vous avez parlé, monsieur Heslegrave. Quant à faire en sorte que l'Ontario soit un lieu de prédilection pour les essais cliniques, nous avons entendu des témoignages par le passé qui prônaient tout autant pour l'ensemble du Canada. Comment appliquer dans d'autres pays ce que vous faites pour l'Ontario? Ce qui est bon pour l'Ontario, sera-t-il nécessairement bon pour le Canada?
En termes d'essais cliniques, vous devez surmonter des obstacles et des difficultés analogues, ou y a-t-il également une concurrence interprovinciale au Canada? Il me semble que c'est le cas, mais je m'interroge sur la cohérence de ces initiatives et j'aimerais savoir si elles sont bonnes pour le Canada également.
M. Heslegrave : Comme je l'ai déjà dit, le moment est tout désigné pour instituer cette cohérence. Tout le monde sait que nous voulons changer et que nous tenons à le faire ensemble et comme il faut, non seulement pour des motifs administratifs et économiques, mais aussi pour la santé de nos patients.
Nous pouvons nous y prendre de manière cohérente. L'Ontario possède le plus grand nombre de lieux équipés pour les essais cliniques au pays. Si nous réussissons à regrouper les choses de manière homogène ici en Ontario, les enseignements que nous en tirerons pourront ensuite s'appliquer au reste du pays. Nous avons bien entendu l'intention de partager ces enseignements au fil du processus.
C'est extrêmement important. Nous pouvons rallier nos forces et nous mobiliser pour le bien du pays. Comme nous sommes financés par le gouvernement de l'Ontario, Clinical Trials Ontario doit nécessairement s'occuper des besoins provinciaux en priorité. Or, tout progrès accompli en Ontario sera un grand bienfait pour le pays tout entier.
J'estime que certains enjeux qu'il s'agit de régler découlent de l'existence de lois provinciales distinctes. Ainsi, le Québec a une loi qui a été modifiée brusquement peu après son adoption. Terre-Neuve et l'Alberta ont une forme de législation.
Pour moi, néanmoins, ces aspects s'inscrivent plutôt dans le domaine de la gestion. Lors de mes entretiens avec mes collègues partout au pays, j'ai constaté que personne n'y voit des obstacles insurmontables qui nous empêcheraient de travailler ensemble.
Comme je l'ai dit dans ma déclaration, les chefs de file mondiaux des essais cliniques, dont les grandes compagnies pharmaceutiques, sont à la recherche de lieux pour les essais cliniques au Canada. Il appartient donc au Canada de décider comment répartir ces lieux au pays. Nous devons nous pencher sur la question d'un point de vue pancanadien. Nous commencerons par le point de vue de l'Ontario, car c'est de là que provient notre financement.
Le sénateur Cordy : Merci à chacun de vous. Vous nous avez fourni beaucoup de renseignements intéressants. Certains nous étaient déjà connus, alors que d'autres étaient tout nouveaux pour nous, alors merci.
J'aimerais reprendre la question des lois sur la protection des renseignements personnels. Je sais qu'au moins deux d'entre vous y avez fait allusion. Docteur Saginur, vous avez affirmé que les provinces ont des lois et des problèmes différents en ce qui a trait à la protection des renseignements personnels. Je croyais que dans notre rapport de 2000 nous nous étions penchés sur ces lois et leur coordination. Il faudra que je prenne un peu de recul — il y a déjà 10 ans de cela — et que je relise le rapport, d'autant plus que vous y avez fait quelques renvois parmi vos commentaires aujourd'hui.
Comment réussirons-nous à tout regrouper afin que toutes les administrations puissent se concerter et harmoniser leurs activités de manière à voir la situation sous un jour national tout en respectant ce que les provinces ont déjà fait? Nous voulons que les essais cliniques se déroulent au Canada. Or, si nous nous arrangeons pour que ce soit trop problématique, comme nous semblons être en train de faire, nous ne tarderons pas à perdre notre part du marché, à moins de commencer à rallier nos efforts. Examinons concrètement la question de la protection des renseignements personnels.
Dr Saginur : Il me semble que la chose serait faisable si nous parvenions à faire en sorte que tout le monde soit de la partie. Il y a quelques années, nous avons assisté à une première vague de lois provinciales sur la protection des renseignements médicaux personnels, partout au pays.
Je crois que nous parviendrons à rallier les responsables de la protection des renseignements personnels dans leurs provinces respectives et leurs homologues fédéraux pour discuter de la question et s'entendre sur les pratiques exemplaires à suivre en la matière. Il s'agirait d'atteindre l'excellence comme premier objectif, et ensuite viser l'harmonisation comme deuxième objectif, afin de faciliter les échanges. Cette formule s'avérerait satisfaisante pour les gens altruistes qui estiment que la protection des renseignements personnels est un droit fondamental, mais aussi pour ceux qui reconnaissent l'importance du développement économique.
J'estime que tout le monde est prêt à participer au débat et je soupçonne qu'au fur et à mesure, les intervenants finiront par se trouver davantage de points en commun, d'où une plus grande harmonisation. Même s'il s'agit d'une administration provinciale, les choses pourraient être très semblables, voire identiques, d'une province à l'autre.
Mme Freitag : En songeant à la santé proprement dite, nous pouvons nous tourner vers nos voisins du Sud et examiner la loi HIPAA, qui s'applique aux États-Unis, dans toute leur étendue. Je ne suis pas en train d'affirmer que nous devrions adopter une loi aussi rigoureuse, mais que quel que soit l'État dans lequel vous vous trouviez, vous êtes assujetti à une même loi universelle en matière de santé. J'estime qu'une telle démarche renforcerait la confiance du public dans le système et il serait plus facile de s'en tenir aux points de vue d'un seul comité — un seul comité pour l'ensemble du Canada, par exemple.
Nous songeons au CTO. Ce serait facile de le faire dans la province de l'Ontario, étant donné que l'OCREB et CTO doivent tous deux adhérer aux dispositions de lois antérieures à la HIPAA. Néanmoins, dès que l'on quitte ces frontières limitrophes, on est confronté à des lois différentes. Quand il s'agit de santé, il faut une législation universelle.
M. Heslegrave : J'ajouterais simplement que les commissaires à la protection de la vie privée fédéral et provinciaux se rencontrent régulièrement. Malgré les différences au niveau de la législation, il existe de véritables dénominateurs communs pour ce qui est de l'approche suivie, de la définition de la vie privée et de la manière dont la protection des renseignements personnels est réglementée dans les diverses provinces. Je crois que les obstacles peuvent être surmontés.
Il s'agit là d'un groupe qui est prêt à travailler ensemble. À ce que je sache, l'Ontario est la province qui a introduit le volet recherches dans ses lois sur la protection des renseignements personnels. Je sais qu'il en est question également dans d'autres régions du pays. La commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de l'Ontario est ardente partisane de la protection de la vie privée dans le milieu de la recherche, sans que cela nous ait empêchés de faire des recherches en Ontario.
Le sénateur Cordy : Il semble que ce serait vraiment faisable si on parvenait tout simplement à rassembler les gens.
Monsieur Heslegrave, je suis vivement impressionnée par le plan ambitieux et bien conçu que vous avez présenté aujourd'hui au nom de Clinical Trials Ontario. J'aimerais me pencher plus concrètement sur le pilier 3 à propos de la participation des patients. Il y a chevauchement avec le pilier 2 où vous parlez de sensibilisation.
Pour une raison ou une autre, il est devenu très difficile d'obtenir que des patients participent aux essais cliniques. J'aime votre idée de travailler avec des associations bénévoles, même si je ne suis pas entièrement sûre de ce que vous entendez par là.
M. Heslegrave : Nous travaillons avec le Partenariat canadien contre le cancer, par exemple, et nous demeurons au courant des travaux que cet organisme est en train de faire avec des associations bénévoles qui participent à la lutte contre le cancer. Nous collaborons également avec le Consortium canadien de recherche en rhumatologie partout au pays, ce qui correspond à une autre population de patients.
Les patients peuvent être nos meilleurs défenseurs. En tout cas, quand des patients qui avaient participé à des essais cliniques ont témoigné lors de nos déclarations publiques, ils se sont toujours avérés très éloquents sur les bienfaits des essais. Ce qui est malheureux, c'est que le public obtient souvent ses informations des médias, qui ont tendance à diffuser ce qui ne va pas, plutôt que les bienfaits.
Nous voulons changer la manière de percevoir les éventuels bienfaits, mais il est clair que tout un chacun a le droit de décider s'il veut oui ou non participer aux recherches, d'autant plus quand il s'agit d'essais cliniques, car ceux-ci comportent davantage de risques que d'autres types de recherche.
Le sénateur Cordy : Certains témoins nous ont parlé des problèmes liés au recrutement concurrentiel. En fait, la plupart se sont prononcés contre cette pratique. Vous n'avez pas fait allusion aux incitatifs offerts par les promoteurs pour votre participation. Avez-vous songé à cet aspect à l'heure d'élaborer votre stratégie?
M. Heslegrave : Le recrutement concurrentiel est une réalité dans le monde entier. Les lieux où se déroulent les essais se font confier un certain mandat au niveau du recrutement. Le Canada n'a pas été à la hauteur pour ce qui est de respecter les cibles de recrutement et de maintien volontaires de gens dans les études, comme il s'était engagé à faire. D'un point de vue éthique, les CER sont absolument contre ce genre d'incitatifs. En fait, depuis les dernières années, nous avons supprimé les incitatifs comme partie intégrante des contrats entre les promoteurs et leurs chercheurs. Il existe des politiques rigoureuses contre ce genre d'incitatifs, car la dignité humaine du participant à l'essai est en jeu. Nous ne nous attendons pas à ce genre de choses, mais nous ne sommes pas en train de promouvoir les essais cliniques de manière positive au pays non plus. La plupart du temps, pendant que nous entendons dire que tel ou tel essai n'a pas bien fonctionné ou que tel ou tel médicament n'est pas aussi bon qu'on le croyait, de nombreuses personnes sont en fait en train de bénéficier de ces nouveaux médicaments, mais nous n'entendons pas parler de cela. Les opinions sont déséquilibrées en ce moment, et nous espérons apporter un certain équilibre, avec une forte implication de la part des patients.
Le sénateur Dyck : Je voudrais ajouter quelque chose à la question touchant les patients. Dans votre pilier stratégique, j'ai remarqué que vous cherchez à impliquer les patients et que votre conseil d'administration est constitué en fonction des compétences. En termes de la sécurité et du recrutement des patients, avez-vous songé à ajouter des représentants d'un groupe de défense des patients ou d'un groupe communautaire à votre conseil d'administration, que ce soit pour s'occuper de la question de la sécurité ou pour renforcer le principe des essais cliniques? La démarche pourrait aider à recruter et à fidéliser les participants.
M. Heslegrave : Nous en avons parlé, en effet. Ce n'est qu'au mois de février que nous avons constitué le conseil d'administration, et ce que nous cherchions c'était des intervenants qui pouvaient vraiment nous aider à accomplir nos objectifs à ce chapitre. Nous ne sommes certainement pas contre ce genre de démarche. Les membres de notre conseil ont un mandat de durée limitée. L'idée d'un représentant du patient ou d'une association de patients n'a certainement pas été écartée. Pour ce premier mandat des membres du conseil, nous ne nous en sommes pas occupés. Ce n'est pas à ce genre d'intervenants que nous avons songé au moment de prendre la décision sur la constitution du conseil.
Mme Freitag : Je tiens à vous rappeler que chaque CER a ses propres membres communautaires, et je crois qu'il s'agit là d'un aspect important dans la mesure où chacun a quelque chose à apporter à la table des négociations. Il ne s'agit pas d'exclure tel ou tel groupe de patients. Je crois que c'est toujours une chose importante de compter sur des voix différentes à la table, dont évidemment un membre de la communauté, car c'est ce qui fait la richesse du processus d'éthique de la recherche.
Le sénateur Seth : C'est vraiment intéressant. Je ne sais pas par où commencer.
J'ai lu un article dans le Journal de l'Association médicale canadienne qui semblait suggérer que les lignes directrices de l'Ontario Cancer Research Ethics Board n'inspiraient pas toujours confiance. Les centres médicaux sont-ils réticents à utiliser un CER centralisé par méfiance, ou bien y a-t-il d'autres facteurs en jeu?
Dr Saginur : J'ai participé à l'OCREB depuis sa création. Quand il a été mis sur pied, l'industrie n'a eu de cesse que de réitérer la nécessité de la centralisation de l'examen éthique, sans que personne n'ait réagi sur le plan institutionnel. Après le lancement de l'OCREB, et M. Heslegrave en était le président alors que moi j'observais les choses comme un parent inquiet, ce qui semble s'être passé, c'est que l'industrie a opté pour éviter les risques et laisser le soin de faire l'essai aux promoteurs plus audacieux. Une fois que les choses marcheraient bien, les autres seraient de la partie.
Parmi les institutions, les plus modestes, rarement apparentées à une université et situées à l'écart des grands centres, semblaient être les premières à vouloir adhérer. Que Mme Manzo me corrige si je me trompe. Les hôpitaux des banlieues ou des localités plus petites ainsi que les grands hôpitaux universitaires ont été les derniers à adhérer. Je crois que la réponse toute courte à votre question c'est non, tous les intervenants importants en matière de recherche sur le cancer en Ontario participent et le climat de coopération est excellent, grâce aux bons offices du président et de la directrice exécutive.
Le sénateur Seth : Dans votre déclaration, madame Freitag, vous avez avancé qu'il existe des centaines de comités d'éthique de la recherche au Canada. Ces CER ne suivent pas un processus d'accréditation normalisé. L'ACCER fait valoir qu'un processus normalisé faciliterait l'accréditation. Pouvez-vous nous dire comment?
Mme Freitag : Je crois que j'en ai déjà touché un mot quand j'ai affirmé que nous ne croyons pas être en train de faire du mauvais travail. Il n'y a simplement pas de norme de comparaison nous permettant de mesurer notre rendement. Nous aimons tous penser que nous faisons du bon travail, le meilleur de tous. Je crois que mes collègues conviendraient avec moi qu'au fil du temps nous pensons toujours que notre CER est le meilleur, mais nous ne le savons pas vraiment. Nous aimerions être ceux qui fixent la barre pour que les autres s'efforcent ensuite d'être à la hauteur. Et voilà qui nous mène à entamer le dialogue sur la confiance. Nous sommes nombreux à recevoir un financement fédéral, d'où notre obligation d'adhérer à l'Énoncé de politique des trois Conseils, contrairement aux CER qui ne reçoivent aucune forme de financement. Cela ne les empêche pas d'être des CER, mais ils ont le choix d'adhérer ou pas. J'estime que nous devrions envisager l'élaboration à plus grande échelle d'un ensemble de normes à la satisfaction de tous sous forme d'un programme général de protection des recherches chez l'humain.
Dr Saginur : Pour renchérir, j'aimerais simplement expliquer au comité le lien entre accréditation et centralisation. Il est difficile pour une institution qui est une entreprise indépendante avec ses propres responsabilités de déléguer celles- ci à une entité externe dès le départ. Comment peut-elle savoir que l'autre CER, l'autre institution, est en train de faire un travail satisfaisant? Un mécanisme pour cela pourrait être celui de l'accréditation, qui équivaut à un sceau d'approbation témoignant d'une bonne gestion interne. Un autre résiderait dans un régime de collaboration éprouvé au fil du temps.
Pour vous citer un exemple, lors de sa création, l'OCREB avait un système de délégation hiérarchisé, auquel il a renoncé quand ce n'était plus nécessaire. Au début, les institutions passaient en revue les études après l'OCREB, c'est- à-dire qu'elles contre-vérifiaient notre travail et dès qu'elles ont pu établir qu'il était satisfaisant, elles ont renoncé à cette étape de vérification.
Le sénateur Seth : Ne devrait-il pas y avoir un seul comité d'éthique de la recherche à l'échelle nationale, au lieu d'en avoir autant? Ne serait-ce pas préférable?
Mme Freitag : Je puis vous répondre sans hésiter qu'il n'y a pas moyen qu'un seul comité d'éthique puisse fonctionner pour le pays tout entier. Je vous parle en connaissance de cause. J'ai vécu dans diverses parties du pays, y compris les Territoires du Nord-Ouest, où j'ai fait des recherches, et en Alberta également, et je peux vous parler des différences d'une administration à l'autre.
Ce qui fait que le Canada soit un endroit si spécial, c'est que nous sommes si différents d'un bout à l'autre du pays. Le processus des comités d'éthique de la recherche, les membres de la communauté et les différences au niveau de la prestation des services de santé sont autant de facteurs que le CER fait entrer en ligne de compte. Un seul comité pancanadien, c'est une chose qui ne verra jamais le jour. Ce serait bien, mais...
Le sénateur Seth : Merci.
M. Heslegrave : Si vous permettez que je revienne un instant à la question des normes, un des mandats de Clinical Trials Ontario consiste à entreprendre l'élaboration d'une norme ontarienne pour les CER de la province. Nous allons assurément tirer parti des efforts déjà déployés, mais nous ne laisserons pas de voir l'élaboration d'une norme d'accréditation des CER comme un pas important vers l'obtention d'un seul CER officiel pour un essai clinique donné. Les normes sont importantes, et nous travaillons dans ce sens à Clinical Trials Ontario également.
Le sénateur Callbeck : Merci de votre présence ici aujourd'hui et de vos déclarations.
Monsieur Heslegrave, je songe à la situation sur le plan du financement. Vous avez un plan stratégique quinquennal. Vous recevez des fonds du gouvernement provincial pour les trois premières années. Est-ce que ce financement est à 100 p. 100?
M. Heslegrave : Oui.
Le sénateur Callbeck : Et une fois ces trois années écoulées, vous vous attendez à ce que l'industrie paye pour les deux autres. De combien de dollars sommes-nous en train de parler ici?
M. Heslegrave : La somme n'est pas énorme. Nous comptons sur 1,5 million de dollars pour chacune des trois années, mais nous ne nous sommes pas lancés aveuglément dans l'aventure sans en avoir discuté longuement avec l'industrie et établi au préalable que si nous faisons du bon travail — et je souligne, si nous faisons du bon travail — et que nous parvenons à réduire le temps de démarrage et autres dans la province, les compagnies membres seront prêtes à financer CTO pour mener à bien l'initiative.
Le sénateur Callbeck : Combien d'entretiens avez-vous eus? Avez-vous le sentiment de pouvoir compter sur un engagement ferme de la part de l'industrie à ce chapitre? Avez-vous parlé de certains points de repère?
M. Heslegrave : Nous fixerons les points de repère de concert avec l'industrie pour mesurer où nous en sommes et où nous en serons d'ici trois ans.
Dans ce contexte, il s'agira également de déterminer où nous en sommes par rapport à d'autres pays. Les essais cliniques auront une distribution mondiale et si nous voulons obtenir la part de marché qui nous revient, il nous faudra mieux faire, certes, mais aussi mieux faire par rapport à d'autres pays.
Le sénateur Callbeck : Estimez-vous que l'industrie sera à la hauteur?
M. Heslegrave : Oui mais je n'irais pas jusqu'au financement à 100 p. 100, car ce n'est jamais possible.
Le sénateur Callbeck : En ce qui a trait à l'accréditation, vous avez dit que Santé Canada avait lancé un appel aux propositions et que vous y avez répondu en suggérant la constitution d'un comité consultatif qui serait chargé de sélectionner un organisme directeur. Avez-vous déjà obtenu une réponse de Santé Canada?
Mme Freitag : Non, malheureusement. Et c'est d'autant plus décevant que nous avions consacré énormément de temps et d'efforts à ces discussions. Dans le cadre de celles-ci, nous avions également communiqué avec Agrément Canada pour nous faire une idée claire du processus suivi par cet organisme. À ce que j'ai compris, le portefeuille a subi d'importantes coupures au chapitre de la bioéthique et je ne suis même pas sûre si les gens qui avaient distribué la lettre d'intention s'occupent toujours de ce dossier, ce qui est malheureux.
Le sénateur Callbeck : En revenant au comité consultatif, je crois que vous avez suggéré que celui-ci s'occuperait de sélectionner un organisme directeur. Est-ce que ce serait une chose difficile à faire? Si le comité doit en fait procéder à une telle sélection, croyez-vous que les autres organisations seraient prêtes à coopérer?
Mme Freitag : Tous les groupes auxquels j'ai fait allusion étaient au rendez-vous lors du Sommet canadien sur les essais cliniques. Il y a une volonté de travailler ensemble. Nous tissons des partenariats au moment même où je vous parle. Les discussions se sont amorcées sous l'égide de l'ONGC. Les sommets sur les essais cliniques, la SRAP, l'importance accordée par les IRSC aux recherches axées sur le patient, sont autant d'éléments autour desquels se multiplient les partenariats. Je crois que toutes ces personnes voient le rôle qu'elles ont à jouer à la table des négociations et s'aperçoivent qu'elles peuvent travailler ensemble.
Le sénateur Callbeck : Est-ce que tout le monde est du même avis?
Dr Saginur : Oui.
M. Heslegrave : Oui.
Le sénateur Callbeck : Merci. C'est une excellente nouvelle.
Le sénateur Seidman : Monsieur Heslegrave, vous avez évoqué la nécessité de réformer l'infrastructure des essais cliniques et le système de surveillance au Canada. Il me semble que vous avez tous parlé du système de surveillance. Je voudrais vous interroger plus particulièrement sur la surveillance des essais cliniques. Pouvez-vous nous dire de quoi il s'agit? Qu'est-ce que la surveillance des essais cliniques? Les comités d'éthique jouent-ils un rôle une fois qu'un essai est lancé, et si oui, comment cela fonctionne-t-il? Nous pouvons commencer par ce point.
M. Heslegrave : Je vais essayer de vous répondre. La surveillance est une chose complexe et les comités d'éthique jouent un rôle fondamental. Ils sont le premier maillon de la chaîne de surveillance. Ils surveillent les essais cliniques, les résultats des patients et les effets indésirables à leur niveau.
Santé Canada joue un rôle en étant informé des mêmes types de problèmes et les problèmes graves sont transmis simultanément à Santé Canada et aux comités individuels d'éthique de la recherche.
Les entreprises ont des comités indépendants de contrôle des données qui surveillent eux aussi la sécurité et l'efficacité des essais, ces comités sont indépendants de l'organisme commanditaire.
Il y a de nombreux niveaux de surveillance; en tout cas les comités d'éthique de la recherche prennent leur rôle de surveillance locale très au sérieux. Par exemple, les comités d'éthique de la recherche qui travaillent sur le même essai le font dans un esprit de coopération, au cas où certains problèmes nécessiteraient une surveillance plus large.
L'OCREB par exemple a un point de vue plus centralisé sur les choses grâce à la participation de ses nombreux sites. Santé Canada a le point de vue le plus centralisé, mais n'a sans doute pas les effectifs adéquats pour répondre à la demande.
Le sénateur Seidman : Je ne sais pas si quelqu'un veut ajouter quelque chose, car les autres ont parlé de surveillance.
Dr Saginur : Plusieurs fonctions ont été mises en place par le comité d'experts du Forum des promoteurs voici plusieurs années, afin de définir les fonctionnalités souhaitées, de faire le choix des politiques à mener et de gérer la transmission des informations aux différentes parties prenantes.
Nous assistons actuellement à un essor de systèmes fondés sur la communication et la coopération dans lesquels les gens travaillent ensemble. Je crois que beaucoup de fonctionnalités différentes sont requises pour un grand nombre de parties prenantes.
Le sénateur Seidman : Que se passe-t-il dans le cas d'un essai qui se déroule simultanément dans plusieurs centres, dont la surveillance est continue au fur et à mesure que les patients intègrent l'essai, si des effets indésirables se produisent et que le comité d'éthique estime qu'il y a un problème? Quel est le signal d'alarme? Que se passe-t-il concrètement?
Dr Saginur : Tout dépend de la nature du problème. Tout d'abord, dans un essai bien conçu, on anticipe en général le niveau de risque. Par exemple, cela fait des années que je fais partie de comités de sécurité et de surveillance des données pour des études sur l'hépatite C. Il y avait au départ beaucoup d'inquiétudes au sujet du risque potentiel, tant au niveau de la population de patients que sur la nature des médicaments utilisés. Un véritable comité de sécurité et de surveillance des données a été mis en place. Au début, il se réunissait fréquemment, puis à mesure que la fréquence et le niveau du risque ont été mieux compris, la fréquence des réunions a été adaptée. Le comité de sécurité et de surveillance des données rendait compte au plus haut niveau de l'essai. Le comité d'éthique de la recherche a la possibilité d'exiger de l'organisme commanditaire et des enquêteurs qu'ils appliquent un système de qualité pour détecter et interpréter la toxicité.
Comme l'a dit Mme Freitag, il y a un gros problème d'interférences dans les rapports sur les effets secondaires indésirables. Si l'on étudie la façon dont les personnes âgées frêles réagissent au plumeau à dépoussiérer, certaines mourront, non pas à cause des plumeaux, mais parce que leur espérance de vie est simplement limitée. Il y a une grande part d'interprétation.
C'est particulièrement difficile dans le cas des essais effectués à l'aveugle quand, en dehors des membres du comité de sécurité et de surveillance des données, presque personne ne sait à quoi ont été exposés les patients. Néanmoins, les comités de sécurité sont en mesure d'informer les patients sur leur traitement. Dans le cadre d'un essai bien conçu, un plan sera prévu et mis en application.
Il y a une surveillance continue des effets indésirables et des solutions sont apportées proportionnellement à la nature des problèmes. La solution peut être aussi simple qu'un petit changement apporté à un formulaire de consentement pour mieux expliquer ce qui a été expérimenté. Cela peut être beaucoup plus radical, dans le cas de l'élimination d'un des bras d'un essai multibras à cause, par exemple, d'une toxicité excessive, ou lorsqu'on arrête complètement une étude, car le produit est trop toxique, ou encore quand on obtient la réponse qu'on cherchait et qu'il est inutile de poursuivre l'étude.
Mme Freitag : D'un point de vue administratif, pour quelqu'un qui travaille dans un bureau qui reçoit des centaines de rapports sur des effets indésirables, c'est difficile parce que vous êtes sur un seul site, sans véritablement comprendre l'importance des effets indésirables, et sans savoir ce qui se passe vraiment, s'il s'agit d'un essai international.
Il est bien mieux de centraliser une partie de ces rapports, comme nous l'avions suggéré dans le cas de l'ACCER, en s'appuyant pour cela sur un mécanisme centralisé comme le CICD, parce que les rapports peuvent être contextualisés pour nous. J'ai 1 300 études en cours dans mon établissement, dont 400 ou 500 sont des essais cliniques. Toutes les semaines, je reçois une pile de documents sur les différents essais. Il faudrait avoir la capacité de mémoriser chacun des essais sans avoir à consulter de nouveau le dossier pour savoir s'il s'agit d'un effet prévu ou pas et il faudrait être en mesure de remettre l'information dans un contexte plus large.
M. Heslegrave : Je veux juste souligner le fait que les comités d'éthique de la recherche ont également le pouvoir d'interrompre une étude. Lorsque j'étais président de l'OCREB, voici quelques années, nous avions constaté un ensemble d'effets indésirables inexpliqués venant d'un seul établissement. L'OCREB était le comité d'éthique de la recherche de référence. Cela recouvrait trois études, toutes avec des patientes atteintes de cancer du sein en phase terminale. Nous avons interrompu l'étude sur ce site pour pouvoir faire une étude approfondie et comprendre si ces effets étaient prévus ou non, et voir aussi si ces effets n'étaient simplement pas pris en compte dans les autres sites participant à l'étude.
Je le répète, dans les cas graves, les comités d'éthique de la recherche ont la capacité et le pouvoir d'interrompre un essai placé sous leur autorité.
Le sénateur Seidman : En définitive, la question est de savoir si un système d'accréditation national ou de normes nationales améliorerait la surveillance?
M. Heslegrave : Je pense que oui, car il y aurait alors des règles pour l'établissement de rapports communs. Une telle règle existe à Santé Canada. Mais je crois que cela pourrait être mieux fait. Un système d'accréditation instaurant des règles similaires, des définitions similaires de ce qui est attendu ou pas, et cetera, pourrait être mis en place en même temps qu'un système national, et l'on pourrait peut-être s'appuyer sur ce qui existe déjà à Santé Canada.
Dr Saginur : J'avais brièvement cité l'article dont l'auteur principal s'appelle James Anderson. Il insiste notamment sur l'idée que l'éthique de la recherche est une chose trop importante pour être laissée uniquement aux comités d'éthique de la recherche. Il existe un contexte plus large, correspondant, par exemple, à la mise en place d'un programme scientifique dans lequel il y aurait un rôle sociétal plus important. Un certain nombre de ces fonctions pourraient être plus institutionnelles au lieu d'être considérées comme des prérogatives des comités d'éthique de la recherche.
Il faut prendre conscience que l'on a confié aux comités d'éthique de la recherche beaucoup de missions qui ne correspondent peut-être pas véritablement à leurs attributions. Nous devrions peut-être revoir l'ensemble du cycle de la recherche pour définir plus précisément les rôles.
Le sénateur Wallace : Je voudrais enchainer sur les commentaires du sénateur Seidman. Tout ceci est assez nouveau pour moi, mais en vous écoutant, en tant que profane, il me semble que beaucoup de groupes participant aux essais cliniques ont leur propre territoire à défendre. Ils ont leurs propres intérêts, ils sont bien intentionnés, mais ils veulent protéger certains aspects des installations de recherche, les aspects soumis à la concurrence. Il y a l'implication du secteur privé, il y a concurrence entre les provinces, l'Ontario fait de gros efforts pour attirer le plus d'essais cliniques possible et d'autres provinces veulent faire de même. Il y a les CER qui veulent maintenir leurs propres normes, car ils ont certaines normes communes, mais ils veulent aussi protéger leurs territoires.
Il me semble qu'il y a de la bonne volonté; j'entends parfois des gens dirent qu'ils espèrent disposer de normes communes et peut-être que, comme vous l'avez mentionné, monsieur Heslegrave, ce système national d'accréditation serait utile. Mais ne s'agit-il pas d'une chimère? Il y a des associations professionnelles, des associations réunissant les CER qui travaillent ensemble, mais ça ne semble pas déboucher, tout est éparpillé. Je n'irais pourtant pas jusqu'à dire que c'est totalement infructueux, certainement pas.
Comment pouvons-nous faire avancer les choses pour avoir une approche qui soit véritablement canadienne? Nous voulons que notre pays soit compétitif par rapport aux autres pays, mais à cause de problèmes de compétences entre le fédéral et les provinces nous n'y parvenons pas. Les différentes organisations en question ont leurs propres intérêts. Est-ce une chimère? Est-il possible d'avoir une approche commune du processus d'approbation et de normalisation des essais cliniques au plan national? C'est bien de dire que tout le monde est bien intentionné, mais n'est-ce pas un vœu pieux étant donné le contexte réglementaire et législatif et les intentions de chacune des parties prenantes? Est-il même possible de faire avancer les choses?
M. Heslegrave : Je dirais qu'en l'absence d'autorité nationale, cela pourrait très bien n'être qu'une chimère. Il est temps que nous ayons cette autorité nationale. Il y a des partenaires dans tout le pays qui veulent se réunir pour travailler là- dessus, il y a Clinical Trials Ontario, l'ACCER et l'OCREB ainsi que de nombreux autres groupes. L'industrie veut avancer sur ce point, nous pouvons agir sur beaucoup de choses, mais nous avons besoin d'un mandat national et d'une approche nationale sur cette question.
Comme je l'ai dit dans mon exposé, nous sommes trois exemples de groupes qui souhaitent travailler ensemble, et nous ne sommes pas les seuls. Cependant, il nous faut un mandat et des ressources à un niveau fédéral pour que cela puisse se concrétiser, car il s'agit de repenser le système en profondeur plutôt que d'y faire de légères retouches.
Dr Saginur : Pour aller dans le sens de ce qu'a dit mon collègue, je crois que votre description correspond à un statu quo qui existait il y a quelques années. Il y a eu un changement d'attitude, peut-être mu par la nécessité, la prise de conscience que l'heure est grave et que des changements doivent être opérés sans quoi nous allons tout perdre. Dans toutes ces initiatives, ces groupes sont à la fois concurrents et partenaires, et je ne pense pas que cela soit incompatible. Ce qui compte c'est l'élan que donnent ces organisations individuelles; l'intérêt et le désir de coopérer sont bien plus grands qu'ils ne l'ont été par le passé.
Le sénateur Wallace : Cela me fait penser à d'autres organisations professionnelles au Canada, qu'il s'agisse d'associations d'ingénieurs ou de barreaux, elles ont leurs propres intérêts individuels et provinciaux, mais elles ont aussi un objectif national et influencent la politique fédérale.
Concevez-vous le rôle du gouvernement fédéral, qui crée un mandat national plus fort, comme un simple rôle de facilitateur visant à amener toutes les parties autour de la table ou croyez-vous qu'en fin de compte cela conduira à imposer plus que des directives. Peut-être une normalisation des processus et des exigences qui s'appliqueraient à l'industrie des essais cliniques?
Mme Freitag : MM. Saginur et Heslegrave ont tous les deux dit que les CER constituent une très petite communauté. Je n'irai pas jusqu'à dire que c'est incestueux, mais on voit parfois les mêmes gens siégeant aux mêmes comités. Le Dr Saginur peut vous dire qu'il fait partie du Comité de gouvernance de l'OCREB, il fait aussi partie de Clinical Trials Ontario, CTO; M. Heslgrave a été président de l'OCREB. J'ai été chercheure à l'Hôpital Princess Margaret. C'est un petit monde, on se connait tous, on sait où se trouver et on veut travailler ensemble.
Nous percevons le gouvernement fédéral, par l'entremise de Santé Canada, comme un partenaire, car, comme je l'ai déjà dit, les CER ne travaillent pas seulement sur les essais cliniques. Pour la majorité des CER qui ne font pas partie de l'OCREB ou de CTO, les essais cliniques ne représentent que 25 p. 100 de leurs activités. On ne peut pas avoir des normes disparates. Il nous faut établir des normes auxquelles tout le monde adhèrera et qui soient accessibles à tous, pour que tous veuillent faire partie de la communauté des CER.
Le sénateur Wallace : Parlez-vous d'une norme sur le processus qui serait imposée par le gouvernement fédéral?
Mme Freitag : Tout comme Agrément Canada cherche à faire participer et à rassembler toutes les parties prenantes, nous parlons des patients. Nous devons nous mettre à la place des patients pour savoir si nous sommes paternalistes quand nous disons que les CER devraient établir ces normes, nous devrions nous demander si, en tant que patients, nous accepterions ces normes. Nous devons aborder ces questions. Les parties prenantes sont multiples, de Santé Canada à l'ACISU, il faut aussi tenir compte du respect de la vie privée. C'est le cas en Ontario, car la LPRPS l'impose, mais ce n'est pas le cas partout.
Dr Saginur : La santé est surtout une compétence provinciale; le rôle fédéral est limité, mais important dans la réglementation des médicaments et des appareils. Il me semble qu'il n'y a pas de représentation constitutionnelle de la recherche. Je crois qu'il est absolument indispensable que tout le monde joue le même jeu avec les mêmes règles. J'ai assisté à d'innombrables réunions avec des représentants fédéraux et provinciaux et cela semble toujours se finir par des querelles intestines. En tant que contribuable, je trouve ça choquant.
Le sénateur Wallace : En fin de compte, tout le monde semble d'accord sur le but à atteindre. En écoutant tout cela, je me demande simplement, avec de tels joueurs, qui mène le jeu? Qui fait quoi? Nous connaissons l'objectif, mais comment l'atteindre? Nous pouvons réunir les parties et espérer qu'elles se débrouillent, mais dans un groupe, il faut un meneur. J'ai cru comprendre que vous attendiez que le gouvernement fédéral joue ce rôle.
Vous secouez la tête pour dire « non ». Peut-être que je me suis trompé. Y a t-il un meneur?
Le président : Après cette réponse nous allons poursuivre. Pourriez-vous donner une réponse directe?
Dr Saginur : En deux mots, personne n'a cette compétence; cela nécessite l'autorité d'une organisation nationale.
Le président : Je reviendrais sur ce point à la fin; nous aurons l'occasion d'approfondir cette question.
Le sénateur Hubley : Je m'excuse pour mon retard.
Nous allons peut-être vous surmener aujourd'hui... J'ai néanmoins une autre question.
Y a t-il un ou plusieurs pays qui vous font concurrence dans la surveillance des essais cliniques, et si oui, lesquels?
M. Heslegrave : La concurrence la plus raisonnable vient des économies occidentales, à cause de la structure tarifaire des essais cliniques. Nous ne pouvons pas être compétitifs dans l'absolu vis-à-vis de la Chine, de l'Inde ou du Brésil et d'autres pays de ce type, parce qu'ils font les recherches pour beaucoup moins cher; il en va de même pour l'Europe de l'Est. Mais nous sommes compétitifs vis-à-vis des économies occidentales du strict point de vue des coûts.
Par ailleurs, nos recherches et les données que nous produisons au Canada sont de grande qualité. Les entreprises disent que le coût n'est pas le seul paramètre, la qualité des données produites lors des essais cliniques et la taille du marché sont aussi prises en compte. Où vont-elles vendre leurs médicaments si elles parviennent à les mettre sur le marché?
Il y a de nombreux paramètres. Le coût est aussi lié à la rapidité. Des essais cliniques rapides apportant des réponses complètes représentent des économies considérables pour les commanditaires. Si nous pouvons contribuer à une solution de ce type, nous en bénéficierons.
Les structures de coûts des économies occidentales sont similaires aux nôtres, même si nous sommes parmi les plus chers, mais nous pouvons réduire l'écart en améliorant l'efficacité de notre système. Je peux vous dire que d'autres pays débattent des mêmes enjeux, se demandent comment ils peuvent être plus compétitifs. Il n'y a pas que chez nous, c'est le cas aussi à Singapour, au Danemark, partout. Si nous n'avançons pas sur cette question, nous allons être de plus en plus distancés.
Le sénateur Hubley : J'ai trouvé intéressant de lire que, en fait, vous avez créé le ministère du développement économique et de l'innovation.
M. Heslegrave : Je n'ai pas créé le ministère.
Le sénateur Hubley : Je sais, mais est-ce un changement de cap dans le regard que porte le gouvernement sur les essais cliniques? D'habitude, c'est le ministère du Développement économique et de l'Innovation qui les finance, non?
M. Heslegrave : C'est lié à une diminution de l'accès aux essais cliniques, à une réduction de la capacité d'avoir des essais cliniques dans la province, ce qui a eu un impact sur la création d'emplois et a provoqué une perte de revenus. C'est pour cela que le ministère du Développement économique et de l'Innovation s'y est intéressé, car c'était lié au déclin de l'investissement pharmaceutique par exemple, dans la province, mais aussi dans tout le pays.
Sa participation résulte de la tendance générale qui fait que, depuis un certain temps, les essais cliniques se délocalisent vers les pays émergents dans lesquels les coûts sont inférieurs et les soins de santé inaccessibles, les essais cliniques se substituent alors au système de soins.
D'un point de vue économique, nous avons intérêt à enrayer le déclin de l'activité dans ces secteurs. Du point de vue de la santé, je crois que l'enjeu c'est que les patients puissent avoir accès à ces thérapies innovantes. Il n'est pas surprenant que le ministère du Développement économique et de l'Innovation s'y intéresse depuis un certain temps.
Le sénateur Eggleton : Les questions du sénateur Wallace étaient très intéressantes; j'espère que vous les poursuivrez, monsieur le président, car je pense qu'il est très important que nous parvenions à une conclusion sur la question de l'engagement fédéral.
Je voudrais poser quelques questions courtes. Pour en revenir au système d'accréditation nationale, dans votre exposé, madame Freitag, vous avez dit que le Conseil de l'Office des normes générales du Canada a participé à ce processus, mais que celui-ci était bien imparfait et qu'il avait abouti à un document trop normatif. Est-ce un échec complet? Est-ce inutile de tenter de corriger cette procédure? Pensez-vous qu'il faille reprendre la procédure de mise en place d'un système d'accréditation depuis le début?
Mme Freitag : Je crois qu'au départ les intentions étaient bonnes. Des parties prenantes se sont volontairement impliquées au départ, mais beaucoup de personnes manquaient pendant le processus. Le résultat est un document trop normatif. Ça ressemble plus à un questionnaire à choix multiples qu'à un programme de protection de la recherche sur l'homme. Le système américain est en train de reconnaître que leur système de questionnaire à choix multiples pour l'accréditation et la normalisation ne protège en fait pas les participants, et qu'ils doivent le repenser. Pourquoi suivre les États-Unis dans une voie qu'ils reconnaissent être un échec?
Le sénateur Eggleton : Il nous faut avancer.
Janet Manzo, directrice exécutive, Ontario Cancer Research Ethics Board, Ontario Institute for Cancer Research : Je voudrais ajouter que cette norme s'applique uniquement aux essais qui sont surveillés par la division 5 de Santé Canada ou qui sont du ressort de cette division. Les CER n'étant encadrés par aucune loi, je crois que Santé Canada a tenté de se donner la capacité de les contrôler et de les inspecter. Mais les CER ne voient qu'une partie des essais cliniques, donc cela ne suffit pas pour harmoniser les règles du jeu.
Le sénateur Eggleton : Parlons du recrutement des patients. Le plan d'action visant à attirer plus d'essais cliniques au Canada, venu de l'IRSC et d'un certain nombre d'autres organisations, est issu du sommet que vous avez mentionné tout à l'heure. Le plan plaidait pour une stratégie nationale, encore une fois, de recrutement des patients, et incluait le développement d'une banque de données de registres afin d'identifier les patients éligibles. Permettez-moi dans ce cadre d'évoquer un autre aspect du recrutement des patients.
Le sénateur Cordy a soulevé tout à l'heure la question des incitations et des compensations pour les personnes qui participent à des essais cliniques. Où placez-vous la limite à cette rétribution, pas seulement pour les participants, mais aussi pour les cliniciens qui pratiquent le recrutement. C'est une question en deux parties concernant le recrutement des patients et elle s'adresse à tous les participants.
Dr Saginur : En quelques mots, je dirais que la participation aux essais cliniques ne devrait pas être motivée par des incitations financières indues. La raison de participer à un essai clinique ne devrait pas être un paiement indu pour qu'il y ait une déconnexion entre ce qu'un médecin gagne pour soigner un patient dans un essai clinique et en dehors. Du point de vue d'un institut du niveau du CER ou appliqué au niveau du CER, il y a une prohibition sur les incitations indues.
Il existe une exception qui fait l'objet de controverses. Il s'agit d'une phase précoce d'études humaines sur de nombreux médicaments où le risque d'exploitation de personnes pauvres et vulnérables est préoccupant. Ce problème est survenu dans de nombreux endroits, mais particulièrement aux États-Unis.
Le sénateur Eggleton : Vous prévoyez sans doute une indemnisation pour les frais encourus, quelque chose de ce genre, mais pas d'incitations.
Dr Saginur : Oui. Il ne s'agit pas de soudoyer les gens pour leur faire prendre de mauvaises décisions.
Le sénateur Eggleton : Qu'en est-il de cette idée de plan d'action, la stratégie nationale de recrutement de patients? Est-ce une voie qu'il faut suivre?
Mme Freitag : Cela dépend de quoi on parle. S'il s'agit d'avoir une liste des tous les essais cliniques en cours dans le pays pour que tout le monde sache ce qui se passe, d'avoir plus de transparence, de savoir quels sont les comités d'éthique de la recherche existants, alors j'y suis totalement favorable. Si c'est juste un moyen pour l'industrie d'occuper le terrain, alors je ne crois pas que cela soit une bonne chose. À mon sens, nous devrions mettre en valeur ce que nous faisons bien, c'est à dire notre merveilleux système de soins de santé et, je l'espère, une liste des CER, une liste des essais cliniques disponibles et en cours dans le pays. Si vous vivez dans une petite communauté et qu'il y a un essai clinique pour votre maladie en Ontario, c'est bien que vous soyez au courant, si l'on regarde les choses sous cet angle.
Le sénator Eggleton: Y compris l'élaboration d'une base de données pour les registres qui permettent d'identifier les patients éligibles. Cela vous semble-t-il raisonable?
Mme Freitag : Je pense que c'est déjà ce que font les gens. Ils vont voir sur Internet. Ils vont voir sur Internet, car ils cherchent des réponses. Nous recevons tout le temps des appels. Je reçois des appels de patients. Je dois vous dire que je travaille dans le plus grand centre pour la sclérose en plaques d'Amérique du Nord. Un de mes parents en a souffert. Et je peux vous assurer que pas un mois ne passe sans que je reçoive un appel de quelqu'un cherchant à savoir ce que nous faisons. Les gens sont déjà actifs sur ce plan-là.
M. Heslegrave : J'aimerais ajouter une chose concernant le registre de patients. Je crois qu'il faut veiller à ne pas priver les patients de leur droit à se porter volontaires pour participer à un registre. Comme Mme Freitag l'a souligné, les patients écument Internet constamment pour savoir quels essais conviendraient, que ce soit pour eux, pour un proche ou un pour membre de leur entourage. Il faut bien contrôler cela. Cependant, je ne voudrais pas, ce faisant, empêcher les patients de s'inscrire sur un registre de leur propre chef. Ce registre pourrait leur être utile, car il permet de faire des recherches d'essais qui sont des processus inscrits sur le long terme. Lorsque les gens franchissent le pas et s'inscrivent, cela fait des années que l'on en parle et que l'on fait des essais préliminaires. De plus, cela donne l'occasion à ces personnes d'apporter leur contribution. Il y a ensuite les étapes classiques de recrutement, le feu vert du comité d'éthique de la recherche, et cetera.
Dr Saginur : Je dois simplement ajouter que l'existence d'une liste de patients et de leurs maladies pose d'autres problèmes, comme la protection de la vie privée. De telles listes doivent être gérées correctement.
Le président : J'aimerais poser quelques questions. Tout d'abord, j'aimerais vous demander quelque chose qui n'a pas été évoqué aujourd'hui. Il n'y a pas de lien direct avec votre exposé, mais je sais que vous êtes un expert dans ce domaine.
Une chose qui est apparue très claire durant nos audiences, c'est qu'il y a une sous-représentation de certains groupes facilement identifiables dans les essais cliniques en général : les jeunes, les femmes enceintes et les personnes âgées. Je ne voudrais pas lancer tout un débat, mais j'aimerai avoir vos réactions à la question suivante : pensez-vous que nous devrions — sous certaines conditions — faire participer davantage ces groupes aux essais cliniques?
Dr Saginur : Mon fils est pédiatre et, souvent, il ne peut pas prescrire un médicament autorisé, car il n'a été testé que sur des adultes. Ceci expose les enfants à des risques inutiles, à mon avis. Trois groupes nous préoccupent : les enfants, les femmes enceintes ou les femmes en général, ce n'est pas clair. Nous devons dire à ces personnes à risques quels sont les traitements et les essais auxquels elles participeront. Il se pourrait qu'elles ne soient pas les patientes évidentes. Si c'est une étude d'un état de santé plus commun chez les personnes âgées, les femmes enceintes pourraient être affectées de façon peu commune.
Le président : Je me contente de poser la question en général, et je comprends de votre réponse que c'est acceptable.
Dr Saginur : Oui.
Mme Freitag : Prenons un exemple, le cas récent du virus H1N1 auquel les femmes enceintes étaient parmi les plus vulnérables. Il a donc été suggéré immédiatement après que les femmes enceintes reçoivent le vaccin contre la grippe.
Si un groupe est exclu lors des essais, quels qu'ils soient, les patients en question doivent ensuite être repris dans la population générale. Quand nous avons fait les premiers essais de médicaments pour le cœur, nous n'utilisions que des hommes. Puis, nous avons découvert que des femmes ont les mêmes problèmes; malgré tout, les essais avaient été faits sur des hommes et il y a bien sûr des différences génétiques. Nous savons maintenant grâce à la pharmacocinétique que les réactions aux médicaments diffèrent entre les groupes de populations à caractère ethnique.
M. Heslegrave : Je suis d'accord avec mes collègues pour dire qu'il est absolument essentiel d'inclure ces différents groupes dans les recherches, car nous leur prescrirons les médicaments, peu importe sur qui ont été fait les essais. J'aimerai attirer l'attention du comité sur le fait que l'on va bientôt faire face à une crise concernant les personnes âgées, tout particulièrement dans le domaine de la santé cérébrale.
Nous devons faire de bien meilleures études et nous préparer, et la seule façon d'y parvenir c'est de travailler en consultation avec les personnes âgées pour les faire participer à des études sur la santé cérébrale en lien avec Alzheimer et d'autres formes de démence.
Le président : Je crois pouvoir deviner d'avance votre réponse, mais les résultats d'un essai sont présentés comme des résultats exhaustifs. Dans les cas où les chiffres sont utiles en termes statistiques, voudriez-vous qu'on présente les résultats des sous-groupes en plus des résultats d'ensemble de l'essai?
Dr Saginur : C'est une question de méthodologie. Parfois les analyses de sous-groupes génèrent des hypothèses pour de prochaines études, mais elles peuvent parfois servir à tirer la sonnette d'alarme.
Le président : Je voudrais revenir sur quelque chose que vous avez dit. Le sénateur Seidman vous a déjà posé de nombreuses questions, et je voudrais donc revenir simplement sur les effets indésirables constatés durant les essais cliniques.
Docteur Saginur, vous avez donné un bon exemple pour illustrer la difficulté d'interpréter le comportement soudain d'un patient. Vous avez parlé du décès, mais il y a aussi le comportement soudain et inattendu d'un patient durant un essai clinique.
Je commencerai avec M. Heslegrave. Lorsque vous avez mis en place ces essais cliniques en Ontario, vous avez trouvé qu'il était difficile de clairement identifier ou détecter les effets indésirables des essais. Avez-vous donc réfléchi à un système — électronique ou autrement moderne — permettant de surveiller la situation et détecter les effets indésirables dans les essais cliniques?
Mme Freitag nous a fait part des volumes énormes de données qui vous parviennent et qui doivent être filtrées avant de pouvoir détecter quelque chose et déterminer si c'est un effet indésirable.
Les organisations comme la vôtre s'orientent-elles vers une meilleure intégration des mécanismes de détection? Est- ce un de vos objectifs?
M. Heslegrave : Nous ne nous penchons pas vraiment sur cette question actuellement, étant donné l'enveloppe budgétaire qui nous est attribuée. Je dirais que c'est une problématique plus vaste.
Bien sûr, la question des progrès technologiques et de l'analyse des effets indésirables sévères est très complexe. Si nous devions avoir recours à la technologie pour nous aider dans notre tâche, cela devrait se faire au niveau national ou peut-être même international.
Les effets indésirables ont été observés partout dans le monde. Pour ce qui est du domaine vers lequel nous nous orientons, la médecine personnalisée ou de précision, selon l'appellation qu'on veut lui donner, l'analyse devra être beaucoup plus précise. Il nous faudra bien sûr recourir à la technologie, mais cela se fera à un plus haut niveau que le niveau provincial où nous travaillons.
Dr Saginur : La technologie existe. Nous avons les connaissances. La question est de savoir comment interpréter les informations. Très souvent, la façon de déterminer le lien de cause à effet est de comparer le médicament en question avec un médicament ou appareil de comparaison pour l'efficacité et la toxicité. S'il y a une différence, cela indique la causalité.
Nous avons également entendu parler du mécanisme d'une commission de contrôle de la sécurité ou d'un comité de surveillance des données pour employer le vocabulaire de la FDA, qui est intégré dans les études individuelles.
C'est quelque chose que peut gérer Santé Canada, car cela fait partie de ses prérogatives réglementaires.
Le président : Je souhaiterais revenir aux questions que posait le sénateur Wallace sur un point très important. Vous avez donné des éléments de réponse, mais selon vous, qui devrait travailler ensemble pour mettre en place ces protocoles dans les provinces et à l'échelon national?
Il s'agit en partie de savoir quelles sont les incitations qui poussent à aller en ce sens. Vous nous avez en effet parlé de ce qui vous a poussé à aller dans cette direction. Différents chercheurs qui ont témoigné ici nous ont dit qu'il y vraiment un besoin et une motivation pour une normalisation, tout particulièrement au niveau des commissions d'éthique de la recherche, des contrats, des formulaires patients, et cetera.
De plus en plus, les organismes de recherche et les institutions qui travaillent sur les essais cliniques prennent conscience qu'il faut aller dans cette direction.
Nous avons pu voir des situations similaires, comme l'indiquait le sénateur Wallace, dans des organisations professionnelles qui sont elles-mêmes réglementées séparément à l'échelon provincial, mais qui sont aussi présentes par le truchement d'organisations nationales. Dans le corps médical, et dans ces grands organismes, vous êtes à la fois soumis à des réglementations provinciales et à l'encadrement des organismes nationaux, des accréditations nationales, souvent dans les organismes professionnels eux-mêmes.
Déjà pour les technologies émergentes comme la biotechnologie, qui sont apparues plus récemment que le concept des essais cliniques, les organisations provinciales, les organismes de recherche et les entreprises ont œuvré pour mettre en place des organes provinciaux, puis nationaux pour s'en occuper.
Je vous poserai donc la question : pensez-vous que vos propres entités ainsi que les commissions d'éthique de recherche, les organismes d'essais cliniques provinciaux et les centres hospitaliers de recherche soient la bonne solution de rechange aux directives gouvernementales pour progresser sur ces questions?
Mme Freitag : Absolument. Nous l'avons vu dans le contexte des soins aux animaux. La CCPA se réglemente elle- même. Nous avons pu voir cette tendance dans le corps médical et juridique. Qui sait mieux que la personne concernée? Si vous ne pouvez pas vous regarder en face et vous poser les questions, alors il ne faut pas les poser. Les différents acteurs commencent à se manifester.
Ces 10 dernières années, il y a eu le Forum des promoteurs, l'ONGC et le CNERH. À chaque exercice nous en arrivons à la même conclusion : il nous faut une norme, mais ce sera coûteux. Ce qui se passe, c'est que personne n'a la solidité financière pour se faire force de proposition. On en revient toujours à la même chose, au bout du compte, c'est une question d'argent.
Le président : Merci.
Au nom de mes collègues, je tiens à vous dire que, de notre point de vue, cette réunion a été un succès. Vous nous avez aidés à clarifier un aspect majeur qui, comme on pouvait s'y attendre, a émergé durant les audiences sur les essais cliniques. Vous nous apportez des connaissances exceptionnelles en la matière, d'autant que vous travaillez au sein d'organisations qui tentent ou ont tenté, et qui ont réussi à différents degrés, d'organiser et de normaliser les choses. Qui plus est, vous avez pu identifier les problèmes auxquels on est confrontés ce faisant.
Votre aide a été précieuse et vos réponses claires. Au nom de tous mes collègues, je vous remercie pour vos témoignages aujourd'hui.
Sur ce, je lève la séance.
(La séance est levée.)