Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 21 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 3 octobre 2012
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 13, pour faire une étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada. (Sujet : Surveillance après approbation)
Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.7
[Traduction]
Je m'appelle Kelvin Ogilvie et je suis un sénateur de la Nouvelle-Écosse de même que le président du comité. Je vais demander à mes collègues de se présenter.
Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, vice-président du comité. Je suis de Toronto.
[Français]
Le sénateur Chaput : Sénatrice Maria Chaput, du Manitoba.
[Traduction]
Le sénateur Callbeck : Catherine Callbeck, de l'Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.
Le sénateur Seth : Asha Seth, de Toronto.
Le sénateur Seidman : Judith Seidman, de Montréal.
Le président : Je présenterai nos invités dans un moment mais j'aimerais tout d'abord rappeler à tous que nous poursuivons notre étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada. Conformément à un ordre de renvoi, notre comité a été prié d'étudier cette question en quatre étapes. Nous avons terminé au printemps les audiences relatives à la première étape, soit les essais cliniques. Nous nous sommes donné pour objectif de déposer un rapport provisoire cet automne. Nous amorçons maintenant la deuxième étape de l'étude, qui portera sur la pharmacovigilance, soit la surveillance des médicaments d'ordonnance déjà homologués au Canada.
Nous entendrons aujourd'hui des représentants de Santé Canada et du Bureau du vérificateur général du Canada. J'ai le plaisir de souhaiter de nouveau la bienvenue à M. Paul Glover, sous-ministre adjoint de la Direction générale des produits de santé et des aliments à Santé Canada, et au Dr Marc Berthiaume, qui est à la tête de la Direction des produits de santé commercialisés. Nous accueillons également, du Bureau du vérificateur général du Canada, M. Neil Maxwell, vérificateur général adjoint, et Mme Louise Dubé, directrice principale.
Soyez tous les bienvenus. Je crois comprendre que M. Glover, de Santé Canada, prendra la parole en premier.
Paul Glover, sous-ministre adjoint, Direction générale des produits de santé et des aliments (DGPSA), Santé Canada : Merci, monsieur le président.
Permettez-moi tout d'abord de remercier le comité. Ma déclaration sera un peu plus longue que d'habitude étant donné qu'il s'agit d'un sujet très complexe. J'espère vous brosser un tableau assez complet de la question puisque vous amorcez la deuxième étape de votre étude. J'expliquerai en détail les divers aspects de cette question pour que vous disposiez de bases d'information solides pour votre étude. Merci de m'accorder le temps nécessaire pour le faire.
[Français]
Je suis heureux d'être ici aujourd'hui au moment où le comité entreprend la deuxième partie de son étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance.
J'aimerais profiter de cette occasion pour vous parler du rôle joué par Santé Canada en matière de surveillance post- approbation.
Je suis accompagné aujourd'hui du Dr Marc Berthiaume, directeur du Bureau des produits pharmaceutiques.
Comme vous le savez, à l'automne 2011, le Bureau du vérificateur général a déposé un rapport évaluant les responsabilités clés de Santé Canada concernant les produits pharmaceutiques. À la suite de ce rapport, nous avons comparu devant le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, en mars 2012, afin de faire le point sur la mise en œuvre de notre plan d'action détaillé et donner suite aux recommandations du vérificateur général.
Bien que cela ne soit pas l'objectif aujourd'hui, j'aimerais réaffirmer au comité que nous prenons les recommandations du Bureau du vérificateur général très au sérieux et que nous sommes sur la bonne voie pour respecter notre plan d'action.
[Traduction]
J'aimerais souligner que le rapport du vérificateur général était très direct et percutant. Il contenait d'importantes recommandations et nous avons déposé une réponse au rapport. Nous sommes en bonne voie de donner suite à toutes les recommandations et nous serons heureux de répondre à vos questions sur les mesures que nous avons prises dans ce sens. Nous avons respecté ou devancé toutes nos échéances et relativement au plan d'action que le ministère avait déposé à la suite du rapport.
Comme vous vous en souviendrez, lorsque j'ai comparu pour la première fois devant votre comité en mars dernier, j'ai présenté un exposé décrivant le processus réglementaire s'appliquant aux médicaments. Je ferai référence à cet exposé du 28 mars, que le comité a déjà, et en particulier aux diapositives 2, 3 et 8 de ce document. Dans le cadre du cycle de vie de la réglementation des médicaments, je vous parlerai surtout de la période suivant l'homologation, qui correspond à cette étape de votre étude. Lorsque d'autres témoins se présenteront devant vous pour discuter du même sujet, ils pourraient employer les termes « surveillance post-commercialisation » ou « pharmacovigilance » qui désignent eux aussi les activités de surveillance menées une fois que la vente de médicaments a été autorisée.
Le processus de surveillance post-approbation met à contribution quatre intervenants clés dont le premier est l'industrie pharmaceutique, qui doit assumer la surveillance de l'innocuité des produits qu'elle met en vente au Canada. Viennent en second lieu les professionnels de la santé qui établissent la manière dont les produits autorisés sont consommés et ils sont les mieux placés pour déceler les problèmes que posent les médicaments qu'ils prescrivent à leurs patients. En troisième lieu, les consommateurs jouent un rôle crucial au moment de signaler les effets indésirables d'un médicament à leur médecin, ce qui permet à ceux-ci de les signaler au ministère. Ils peuvent également nous les signaler à nous. Quatrièmement, Santé Canada recueille et évalue les renseignements reçus de diverses sources et intervient lorsque c'est nécessaire.
Santé Canada autorise la vente de médicaments qui répondent à des normes rigoureuses d'innocuité, d'efficacité et de qualité, mais son rôle ne se limite pas à cela. D'autres témoins vous ont parlé précédemment des limites des essais cliniques. Dans le « monde réel », un médicament est consommé par des populations de patients plus diversifiées, qui peuvent présenter plus d'un trouble de santé, contrairement aux sujets des essais cliniques. Pour ces raisons, nous devons faire preuve de vigilance après la mise en marché d'un nouveau médicament.
La collecte de déclarations d'effets indésirables est un élément important des programmes de surveillance des médicaments un peu partout dans le monde. Santé Canada dispose du système Canada Vigilance. La réglementation exige que les fabricants de médicaments signalent à Santé Canada tous les effets indésirables graves d'un médicament. En plus de veiller à l'observation de cette exigence, Santé Canada reçoit des déclarations d'effets indésirables soumises de façon volontaire par les professionnels de la santé et la population canadienne.
Pour remédier aux problèmes de la sous-déclaration de ces faits, dont on vous a sans doute parlé et on vous parlera encore, nous avons entrepris des activités de communication pour accroître la quantité et la qualité des renseignements qui nous sont transmis. Ces efforts ont eu des effets notables. En 2011, nous avons reçu environ 42 000 déclarations d'effets indésirables au Canada, auxquelles s'ajoutent 450 000 déclarations d'effets indésirables survenus à l'extérieur du pays. Le nombre de déclarations que nous recevons et que nous consignons dans notre base de données augmente considérablement d'une année à l'autre, et depuis cinq ans il augmente de 15 à 20 p. 100 par année.
Santé Canada utilise les données sur les effets indésirables et d'autres sources de renseignements canadiennes et étrangères pour mener systématiquement des activités de surveillance, d'analyse et de suivi liées à des problèmes d'innocuité. Parmi les autres sources de renseignements, il y a des études sur des médicaments homologués, des publications scientifiques et médicales et l'information transmise par nos partenaires à l'échelle internationale. Grâce à ces sources d'information, nous décelons d'éventuels « signaux » ou problèmes d'innocuité. À l'aide d'une démarche axée sur les risques, nous classons ces signaux par ordre de priorité puis nous les analysons pour déterminer si d'autres mesures s'imposent.
Quelque 16 000 médicaments sur ordonnance sont présentement disponibles sur le marché au Canada. Santé Canada se penche d'abord sur les problèmes les plus graves et modifie constamment l'ordre des priorités en fonction du risque. Par exemple, un médicament pour enfants ayant occasionné une mort subite se verra attribuer un degré de priorité supérieur à tout autre problème lié à l'innocuité d'un médicament. Ce serait également le cas d'un médicament pour adultes ayant entraîné des lésions musculaires. Nous examinons ces facteurs pour établir un ordre de priorité dans nos activités et notre suivi.
D'autres difficultés se posent. Par exemple, on s'attend généralement à ce qu'un trouble de santé aille de pair avec certains symptômes. C'est le cas, par exemple, lorsqu'une personne atteinte d'une maladie du cœur présente des symptômes cardiaques ou qu'une personne souffrant de dépression a des idées suicidaires. Il est difficile de déterminer si ces effets indésirables sont attribuables au médicament qu'elles prennent ou simplement à la maladie traitée, vu que ces symptômes sont observés plus souvent au sein de ces populations respectives de patients et nous avons alors besoin d'éléments probants plus solides pour tirer une conclusion. Quoi qu'il en soit, la sécurité des patients demeure notre priorité.
Il est important que nous fassions notre travail rapidement. Santé Canada est le premier organisme de réglementation pharmaceutique du monde à avoir adopté des normes de rendement relativement à l'achèvement d'analyses de l'innocuité. Au cours des quatre dernières années, Santé Canada a augmenté le nombre d'évaluations de l'innocuité effectuées. Nous avons adopté des processus et des méthodes scientifiques pour augmenter notre efficacité et notre rapidité entre autres en collaborant de plus en plus avec les organismes de réglementation étrangers au chapitre de l'échange de données et d'analyse. L'an dernier, nous avons décelé 50 signaux relatifs à l'innocuité des médicaments et respecté nos normes de rendement dans 91 p. 100 des cas.
L'industrie dispose de mécanismes permettant de surveiller de façon systématique l'innocuité et la consommation de ces produits. Lorsque l'industrie dépose une nouvelle présentation de médicaments, elle peut également déposer ce que l'on appelle un plan de gestion des risques. Elle y indique les mesures qu'elle prendra pour assurer la surveillance une fois le produit mis sur le marché et de quelle façon elle compte intervenir si de nouveaux renseignements relatifs à l'innocuité sont obtenus suite à la commercialisation du produit en question. Il arrive en effet que le médicament est consommé par un plus grand nombre de patients et par des populations plus diverses que celles des essais cliniques effectués sur ledit médicament. Ainsi, l'industrie peut proposer de mener des études d'observation afin de mieux cerner un éventuel risque d'effets indésirables liés au médicament. Elle peut également faire état des utilisations du produit ne correspondant pas aux indications pour lesquelles il a été homologué.
En outre, Santé Canada peut exiger qu'un plan de gestion des risques lui soit fourni après la mise en marché d'un médicament dans le cas où un nouveau problème d'innocuité a été relevé. L'industrie réglementée assume la responsabilité principale de la surveillance de l'innocuité des médicaments qu'elle met en vente et nous continuons à collaborer avec elle.
Dans certains cas, surtout ceux où aucun traitement n'est disponible, Santé Canada permettra la mise en marché anticipée d'un médicament pouvant sauver des vies, en se fondant sur des résultats d'essais cliniques prometteurs. Cette procédure s'effectue via un avis de conformité avec conditions. Ces conditions comprennent habituellement une surveillance accrue du médicament, une plus grande divulgation à Santé Canada, la fourniture de matériel didactique aux professionnels de la santé et aux patients, des restrictions touchant la publicité et l'étiquetage, ainsi que l'engagement de mener d'autres essais cliniques pour confirmer les bienfaits cliniques du produit. Cette étape inusitée est importante pour veiller à ce que les patients aient accès aux médicaments dont ils ont besoin; encore une fois, cela ne se fait que lorsqu'il n'y a pas d'autre traitement pour ces patients.
Tous les médicaments ont à la fois des avantages et des risques. Il n'existe aucun médicament absolument sans danger. Grâce à la surveillance que nous exerçons, il arrive que de nouveaux renseignements sur l'innocuité d'un produit apparaissent et qu'ils soient communiqués aux professionnels de la santé et aux Canadiens. Après avoir pris connaissance de ces renseignements, les médecins déterminent le meilleur traitement pour leur patient. Nous les informons en envoyant des avis de risque et en mettant à jour les avertissements et les directives figurant sur l'étiquette des médicaments.
Nous pouvons aussi diffuser des notifications ou d'autres types d'avis publics avant de mener une évaluation complète de l'innocuité du médicament de manière à ce que les Canadiens et les professionnels de la santé reçoivent rapidement des renseignements sur les risques éventuellement liés à la santé et prennent, s'il y a lieu, les mesures appropriées. D'autres renseignements pourront être communiqués à mesure qu'ils deviendront disponibles et une fois que l'évaluation complète de l'innocuité sera terminée.
L'an dernier, 154 avis liés à un risque ont été diffusés. Toutefois, à la différence d'organismes d'autres administrations, Santé Canada ne dispose pas présentement du pouvoir d'exiger de l'industrie qu'elle modifie l'étiquette d'un produit pharmaceutique une fois que celui-ci est sur le marché. Nous devons donc nous en remettre à la coopération de l'industrie et, dans de rares cas, Santé Canada peut exiger qu'une société pharmaceutique cesse complètement la vente d'un produit si elle refuse de modifier son étiquette.
Comme vous l'avez sans doute déjà appris dans le cadre de votre étude, il est d'usage qu'un médecin établisse le traitement qui convient le mieux à ses patients et qu'il leur prescrive des médicaments pour autre chose que les indications homologuées de ce produit. Le mandat de Santé Canada ne l'autorise pas à contrôler la décision des médecins relative au traitement d'un patient, par exemple la prescription d'un médicament pour traiter une maladie ou une catégorie de personnes autre que celle expressément autorisée par Santé Canada. Si un risque découle d'une telle utilisation d'un médicament, Santé Canada s'emploie à examiner ce risque et, au besoin, à prendre les mesures nécessaires pour contenir ce risque, mais cela relève essentiellement de l'exercice de la médecine et du jugement professionnel du médecin.
Les mesures que prend Santé Canada sont souvent comparées à celles qui sont prises en Europe et aux États-Unis. Il arrive que nous diffusions les mises en garde avant que ces pays ne le fassent, comme cela s'est produit dans le cas des médicaments Aclasta, Avandia et Yasmin. Il faut bien comprendre que différents médicaments sont vendus dans différents pays. Il peut y avoir des différences d'un pays à l'autre en ce qui concerne l'indication du médicament, la formulation, sa posologie, les patients auxquels il est destiné et le profil d'innocuité des autres médicaments en vente sur le marché. Les pratiques médicales varient également d'un pays à l'autre. L'échange de renseignements avec nos partenaires internationaux représente donc un élément capital de notre travail, mais les analyses scientifiques doivent servir à déterminer la meilleure approche pour les Canadiens.
La vente de produits pharmaceutiques au Canada représente environ 2,6 p. 100 des ventes à l'échelle mondiale. Les échanges de renseignements avec nos partenaires du reste du monde nous permettent de tirer parti des connaissances acquises grâce à l'utilisation des produits pharmaceutiques par un plus grand nombre de personnes dans d'autres pays.
Finalement, nous sommes relativement petits par rapport au marché mondial, et voilà pourquoi il est très important pour nous de collaborer avec d'autres pays. Cela pourrait nous permettre de déceler un problème d'innocuité avant qu'il ne se manifeste au Canada, grâce à notre collaboration avec des partenaires internationaux.
Les documents réglementaires que doivent nous présenter les compagnies pharmaceutiques, par exemple leurs plans de gestion des risques ou rapports périodiques de pharmacovigilance, sont également fondés sur des modèles harmonisés à l'échelle internationale, ce qui facilite nos discussions avec les organismes de réglementation étrangers et réduit le fardeau administratif de l'industrie.
La pratique de la pharmacovigilance et les connaissances scientifiques connexes sont en constante évolution. À la suite de la tragédie de la thalidomide dans les années 1960, les systèmes de réglementation du monde entier ont resserré la réglementation relative aux présentations de nouveaux médicaments. L'industrie doit désormais répondre à des critères plus rigoureux pour établir l'innocuité de médicaments avant de pouvoir le mettre en marché. Les médicaments vendus au Canada continuent à répondre à des normes rigoureuses d'innocuité, d'efficacité et de qualité, mais nous savons que tous les médicaments présentent des bienfaits et des risques.
Dans l'avenir, pour procurer une « valeur ajoutée » aux Canadiens, nous n'allons pas étouffer l'innovation et limiter l'accès aux nouveaux médicaments, mais bien améliorer les exigences en matière de surveillance des médicaments vendus au Canada et rehausser la précision et la souplesse de nos outils de manière à pouvoir déceler et contrer rapidement les nouveaux problèmes d'innocuité tout en veillant à ce que les Canadiens continuent de profiter des avantages des médicaments en cause. Suivant l'évolution mondiale des activités de pharmacovigilance, Santé Canada s'affaire actuellement à mettre en œuvre un système de déclaration électronique des effets indésirables des médicaments.
La première phase de cette initiative consistera à mettre en œuvre un système permettant aux entreprises d'envoyer leurs rapports sur les effets indésirables par voie électronique, ce qui entraînera des gains d'efficacité appréciés par l'industrie et notre personnel. Grâce à ce système, nous pourrons progressivement délaisser l'entrée manuelle de données, opération fort lente, pour manipuler les données sous forme électronique et détecter les problèmes d'innocuité, activités beaucoup plus importantes et à valeur ajoutée.
La dernière fois que je me suis présenté devant votre comité, j'ai parlé du problème mondial que constitue le nombre insuffisant de signalements des effets indésirables. L'une des stratégies que nous envisageons d'adopter pour régler ce problème consiste à examiner la possibilité de faire usage des renseignements sur les effets indésirables des médicaments contenus dans les dossiers de santé électroniques et les dossiers médicaux électroniques. Naturellement, cette stratégie comporte des obstacles technologiques et sur le plan de la protection de la vie privée, auxquels nous réfléchissons sérieusement. Or, comme les professionnels de la santé sont les mieux placés pour nous fournir ces renseignements cruciaux, il importe d'adopter une stratégie intégrée à l'échelle du système de santé.
Il n'est pas facile de concilier la forte demande d'accès aux médicaments novateurs et la tolérance du risque relativement à ces médicaments. Un de nos principaux rôles consiste à donner aux professionnels de la santé et à leurs patients de l'information sur les bienfaits et les risques des médicaments pour qu'ils puissent prendre des décisions en connaissance de cause.
Le public a accès à la base de données canadienne de Santé Canada sur les effets indésirables, dont tous les renseignements personnels ont été retirés. Au moyen de notre site Web, du courrier électronique et de fils RSS, de même que par l'entremise de nos partenaires, nous fournissons constamment aux Canadiens de nouveaux renseignements au sujet de l'innocuité des médicaments. Grâce à nos partenariats et à nos activités de marketing social, nous poursuivons nos efforts de sensibilisation à l'importance de signaler les effets indésirables pour faire en sorte que Santé Canada demeure une source crédible et impartiale de nouveaux renseignements sur l'innocuité des médicaments. Et je crois que notre stratégie porte fruits. L'an dernier, plus d'un million d'internautes ont consulté notre site MedEffect Canada et plus de 21 000 Canadiens ont demandé à recevoir par courriel nos mises à jour sur l'innocuité des médicaments.
En Europe et aux États-Unis, l'industrie réglementée est à présent assujettie à de nouvelles exigences au chapitre de la surveillance continue des médicaments commercialisés. L'Agence européenne des médicaments publiera sous peu une série de 16 lignes directrices en matière de pharmacovigilance fondées sur de nouvelles dispositions réglementaires. De même, aux États-Unis, la Food and Drug Administration Amendments Act a intensifié les exigences relatives la pharmacovigilance.
Même si le Canada est un marché plus petit que celui des États-Unis ou de l'Europe et que nous n'avons pas les moyens de la U.S. Food and Drug Administration ou de l'Agence européenne des médicaments, nous profiterons de l'entrée en vigueur de ces exigences et déterminerons lesquelles seraient appropriées au Canada. La modernisation de la réglementation est une priorité de la Direction générale des produits de santé et des aliments et nous examinerons tous les outils réglementaires servant à la surveillance des médicaments commercialisés. Très conscients du fardeau réglementaire imposé à l'industrie, nous voulons que le Canada soit en phase avec les exigences internationales de pharmacovigilance car les Canadiens méritent le meilleur système de surveillance des médicaments commercialisés.
[Français]
En conclusion, j'aimerais mentionner que le programme de surveillance post-approbation présentement en place a beaucoup évolué au cours des dix dernières années, c'est-à-dire depuis la création de la direction des produits de la santé commercialisée.
De plus, en 2015, nous célébrerons le 50e anniversaire de la surveillance des effets indésirables des médicaments au Canada. Nous entrevoyons une évolution continue de ce programme afin de mieux répondre aux besoins des Canadiens.
[Traduction]
Je vous remercie de votre attention et je serais heureux de répondre aux questions des membres du comité.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Glover.
[Français]
M. Neil Maxwell, vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada : Je vous remercie de nous donner l'occasion de présenter le résultat de notre audit sur la réglementation des médicaments à Santé Canada. Je suis accompagné de Louise Dubé, directrice principale, chargée des audits dans le domaine de la santé. L'audit déposé l'an passé a porté sur divers aspects de la réglementation des médicaments. Entre autres choses, nous avons constaté que Santé Canada n'avait pas assumé de manière adéquate la plupart de ses principales responsabilités liées aux activités post- commercialisation, et nous avons particulièrement soulevé des préoccupations sur la lenteur des mesures prises par le ministère pour atténuer les problèmes potentiels relatifs à l'innocuité des médicaments.
On compte environ 13 000 médicaments en vente au Canada, dont beaucoup sont essentiels à la prestation de soins de santé de haute qualité. Le ministère doit veiller à ce que les avantages associés à l'utilisation d'un médicament soient plus importants que les risques.
Pour ce faire, il recueille et évalue les renseignements sur l'innocuité provenant de diverses sources et prend des mesures pour réduire les risques associés aux médicaments commercialisés. Parmi les sources de renseignements, mentionnons les déclarations d'effets indésirables soumises par l'industrie pharmaceutique, les professionnels de la santé et les consommateurs à l'échelle nationale, les déclarations d'effets indésirables reçues de l'étranger soumises par l'industrie pharmaceutique, les publications scientifiques et les mesures prises par d'autres organismes de réglementation.
Santé Canada se fonde sur ces renseignements pour déterminer s'il convient de prendre d'autres mesures pour protéger la population, notamment : évaluer de manière exhaustive les problèmes d'innocuité potentielle, recommander aux fabricants d'apporter des modifications aux étiquettes des produits et collaborer avec eux à cette fin, diffuser de nouveaux renseignements sur l'innocuité d'un produit aux professionnels de la santé et au public.
En 2010, Santé Canada a reçu environ 330 000 déclarations d'effets indésirables observés provenant de l'étranger. Santé Canada n'avait pas de mécanisme lui permettant de recevoir ces déclarations par voie électronique, dans une base de données, qui pourrait l'aider à cerner des problèmes potentiels concernant l'innocuité de certains médicaments. Le ministère pouvait consulter au besoin ces déclarations, mais il ne les analysait pas régulièrement afin d'y repérer les nouveaux problèmes en matière d'innocuité. Or, il est peu probable que des effets indésirables graves et rares soient détectés au pays, puisque la taille de la population du Canada est petite comparativement à celle de beaucoup d'autres pays. C'est pourquoi la capacité de faire des recherches dans les déclarations provenant de l'étranger et d'analyser ces déclarations par voie électronique contribuerait à une surveillance de l'innocuité plus exhaustive.
Le ministère a utilisé les données obtenues lors de ces activités de surveillance pour déterminer si l'innocuité d'un médicament donné pourrait poser problème. En 2009 et en 2010, Santé Canada a réalisé 99 évaluations de problèmes d'innocuité potentielle. De ces 99 évaluations, 54 se sont soldées par une recommandation de mise à jour de l'étiquette d'un médicament donné ou d'une classe de médicament donné ou de diffusion d'un document de communication des risques.
[Traduction]
Nous avons constaté que Santé Canada tardait à évaluer les problèmes potentiels concernant l'innocuité des médicaments. Le ministère a pris au moins un an pour effectuer plus de la moitié des 54 évaluations, qui étaient toutes considérées comme étant de priorité moyenne ou faible. Dans certains de ces cas, il a pris beaucoup plus de temps. Ces échéanciers excèdent largement les cibles de rendement fixées pour les évaluations de l'innocuité.
Nous avons également constaté des problèmes de communication interne au sein du ministère. Par exemple, les recommandations de modification de l'étiquette n'étaient pas communiquées directement aux employés du ministère chargés de collaborer avec l'industrie pharmaceutique pour la mise à jour des étiquettes des médicaments génériques. Comme le rapport l'indique, cette situation a donné lieu à des retards dans la communication des risques. Une fois que le ministère a recommandé la mise à jour de l'étiquette d'un médicament pour y inclure de nouveaux renseignements relatifs à l'innocuité, ce sont les fonctionnaires de Santé Canada qui doivent lancer le processus en avisant le fabricant de la mise à jour demandée. Nous avons constaté que Santé Canada avait mis de trois à près de 20 mois pour délivrer les avis. Sur les 54 évaluations de l'innocuité que nous avons examinées, Santé Canada avait recommandé la diffusion de 24 documents de communication des risques pour faire connaître de nouveaux renseignements sur l'innocuité d'un produit. Six mois après la fin des évaluations, le ministère n'avait pas encore publié près de la moitié de ces mises en garde. Dans trois cas, nous avons constaté que Santé Canada avait pris plus d'un an pour diffuser les documents de communication des risques après la réalisation de l'évaluation.
En tout, nous avons constaté que, pour la moitié des 24 recommandations de publication d'un document de communication des risques que nous avons examinées, le ministère avait pris plus de deux ans pour achever le processus, c'est-à-dire évaluer le problème d'innocuité potentiel, faire mettre à jour l'étiquette, lorsque c'était nécessaire, et publier le document de communication des risques.
Monsieur le président, les médicaments occupent une place importante dans le système de soins de santé et l'économie du pays. Les Canadiens qui achètent et consomment des médicaments dont la vente est autorisée au Canada comptent sur le gouvernement et l'industrie pharmaceutique pour veiller à l'innocuité des produits. Dans ce contexte, il incombe à Santé Canada de contribuer à protéger la population contre les risques inacceptables pour la santé et la sécurité que pourraient poser les médicaments. Le comité souhaitera peut-être demander à Santé Canada de rendre compte des progrès qu'il a réalisés, depuis l'automne dernier, afin de respecter les engagements qu'il a formulés dans son plan d'action en réponse à nos recommandations.
Monsieur le président, je termine ainsi ma déclaration d'ouverture. C'est avec plaisir que nous répondrons aux questions des membres du comité.
Le président : Je remercie nos deux témoins principaux.
Le sénateur Eggleton : Je vais donner suite à l'invitation de M. Maxwell de demander à Santé Canada quels progrès ont été réalisés.
Monsieur Glover, vous dites que vous prenez la question très au sérieux. Prouvez-le-nous alors. Expliquez-moi ce que vous faites, car certaines lacunes signalées étaient plutôt alarmantes, et ça fait déjà un an. J'aimerais savoir ce que vous avez fait pour remédier expressément à ces problèmes.
M. Glover : Merci beaucoup, monsieur le président, de la question du sénateur.
Je pourrais parler longuement du rapport et de ses recommandations. Le vérificateur général a fait un examen très complet et formulé une longue liste de recommandations. Par souci de clarté, j'aimerais signaler que nous avons déjà comparu devant le Comité des comptes publics. Nos cadres ont répondu et je serais heureux de déposer leurs réponses intégrales devant le comité pour que vous disposiez d'un compte rendu détaillé de ce que nous faisons, ainsi que des rapports d'étape sur les mesures que nous avons prises.
Le sénateur Eggleton : Ce serait une bonne idée. Vous pourriez peut-être nous donner quelques exemples et par la suite nous remettre le rapport intégral.
M. Glover : Oui, absolument. Nous le ferons.
Tout d'abord, il y a des processus dont les déficiences internes ont été soulignées dans le rapport. Des problèmes de ce genre. Lorsqu'on décèle un signal relatif à l'innocuité d'un produit, l'information est transmise aux personnes compétentes pour que l'étiquette soit mise à jour. Si le problème décelé dans le médicament d'origine se retrouve également dans le médicament générique correspondant, cela se fait automatiquement. Certaines lacunes constatées par le vérificateur général ont depuis été corrigées; les politiques et procédures voulues ont été adoptées pour éviter leur répétition.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous travaillions auparavant avec des montagnes de papier. Nous avons investi dans l'acquisition d'outils technologiques, si bien que nous n'avons plus à entrer manuellement des tonnes de données. Nous dépouillons nos bases de données à la recherche de tels signaux.
Le comité aura peut-être l'impression que je me répète, mais en avril nous avons rajusté nos tarifs, c'est-à-dire les sommes que nous demandons aux entreprises pour faire ce travail. Elles doivent débourser des frais non seulement pour faire homologuer un médicament mais également pour obtenir le permis de continuer à le vendre; cet argent sert à financer certaines mesures de pharmacovigilance. Nous n'avions pas rajusté nos tarifs depuis 14 ans, mais nous l'avons fait. Nous avons inclus une clause d'indexation de manière à ne plus jamais nous retrouver dans la même situation.
Nous avons recruté de nouveaux employés et fixé des cibles de rendement à la suite des observations du vérificateur général. Nous sommes le seul pays au monde qui a des objectifs de rendement pour l'évaluation des signaux. Dans l'ensemble, s'il est vrai que nous n'y arrivons pas dans 100 p. 100 des cas, nous respectons nos cibles de rendement dans environ 91 p. 100 des cas à cet égard. Nous ne le faisions pas au moment de l'étude du vérificateur général.
Le manque de transparence était un problème plus fondamental et très franchement alarmant, d'après le rapport initial. Nous nous sommes efforcés d'être beaucoup plus transparents en ce qui concerne nos activités et nos méthodes. Nous avons commencé à publier sur notre site Internet les inspections que nous menons dans les centres d'essais cliniques, et l'ensemble de nos inspections, ainsi que le résumé des motifs de nos décisions d'approuver ou de ne pas approuver un médicament, pour que tous les Canadiens puissent avoir accès à cette information.
Bientôt, le public pourra avoir accès à la liste de tous les essais cliniques approuvés au Canada. C'était là une grave lacune. La population ne savait pas si Santé Canada avait approuvé ou non un essai clinique donné. Nous espérons pouvoir afficher très bientôt la liste de tous les centres d'essais cliniques et nous la tiendrons à jour.
La question des conflits d'intérêts a été soulevée dans le rapport du vérificateur général. Même si nous suivions la politique générale du gouvernement du Canada, le vérificateur général estimait nécessaire que le ministère évalue l'existence de risques supplémentaires, étant donné le domaine dans lequel nous œuvrons. Il nous a demandé de prendre des mesures supplémentaires, ce que nous avons fait. Nous reconnaissons que nos évaluateurs sont exposés à des risques différents de ceux que courent les autres fonctionnaires puisqu'ils doivent prendre des décisions importantes au moment d'approuver ou non un médicament, ce qui peut représenter des milliards de dollars. Nous avons donc instauré des modalités obligeant tous nos employés à déclarer proactivement tout conflit d'intérêts. Cette mesure a été prise. Tous les employés de l'organisation, sans exception, se sont conformés à cette règle dans les semaines qui ont suivi le dépôt du rapport.
Nous avons fait appel à un consultant pour évaluer si cette mesure était suffisante. Nous croyons qu'elle l'est et continuerons à surveiller la situation dans l'avenir.
Je suis sûr que nous déposerons auprès de votre comité d'autres mesures faisant suite aux constatations du rapport.
Le sénateur Eggleton : Je me demande si M. Maxwell a des préoccupations particulières concernant des domaines que vous n'avez pas encore abordés et qui restent en suspens.
M. Maxwell : Merci, monsieur le président. Je commencerai avec la mise en garde du vérificateur, à savoir que nous n'avons pas effectué de vérifications depuis que nous avons terminé celle-ci. Ceci étant dit, nous avons surveillé ce qui se passe dans le plan d'action. Selon nous, le ministère fait preuve d'un grand sérieux dans ce domaine. Les choses ont très certainement avancé dans un grand nombre de domaines. Je ne crois pas, pour répondre à votre question, qu'il y ait quelque lacune que ce soit qui mérite d'être soulignée. En général, leurs actions semblent être sur la bonne voie.
Le sénateur Eggleton : Laissez-moi interroger M. Glover sur les ressources dont il dispose. Deux de vos autres directions dont nous avons parlé auparavant, la Direction des produits thérapeutiques et la Direction des produits biologiques et des thérapies génétiques, ont un budget, à ce que je sache, d'environ 74,6 millions de dollars et disposent de 830 équivalents temps plein. La Direction des produits de santé commercialisés, celle qui nous intéresse ici, a un budget d'environ 23,6 millions et 214 équivalents temps plein. Il semble que vous êtes vraiment en sous-effectif et que vous manquez de ressources. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?
M. Glover : Merci beaucoup de votre question. En tant qu'administrateur, il est quelque peu difficile de dire que des ressources supplémentaires ne seraient pas utiles, mais nous devons composer avec les crédits octroyés par le Parlement, les affecter en conséquence, et faire de notre mieux dans les limites de ce que le Parlement a eu la sagesse de nous accorder comme crédits.
Le sénateur Eggleton : Pouvez-vous répondre aux demandes du vérificateur compte tenu des ressources dont vous disposez?
M. Glover : Nous pensons que nous sommes maintenant en mesure d'y répondre et nous affectons les ressources afin d'atteindre les normes de rendement que nous avons déterminées. Il est aussi important de remarquer que si la Direction des produits de santé commercialisés constate un signal, elle collaborera avec le groupe d'examen qui a approuvé le médicament initialement afin de déterminer comment cela peut être pris en compte dans le processus d'approbation. La responsabilité d'effectuer une partie de ce suivi ne lui revient pas entièrement. Elle devra collaborer avec les services d'approbation. C'est là que le vérificateur général a indiqué que la communication faisait défaut, ou que cela devrait être renvoyé à la personne qui a approuvé le médicament de marque et non le médicament générique. Il y a moyen de retourner en arrière. Il s'agit d'une unité de renseignements qui détecte les signaux et qui collabore ensuite avec les services d'examen afin de demander si l'étiquetage est suffisant. La monographie contient-elle suffisamment de renseignements pour permettre à un médecin de prescrire ce médicament en toute sécurité? Il collabore avec les deux directions que vous avez mentionnées pour s'assurer que le signal fait l'objet d'une enquête adéquate et que l'innocuité du médicament continue de faire l'objet de la démarche appropriée.
Le sénateur Eggleton : J'aimerais vous interroger au sujet de votre stratégie d'atténuation du risque. Vous avez indiqué dans votre déclaration préliminaire que vous n'aviez pas le pouvoir nécessaire pour ordonner le rappel d'un produit, ce qui, je pense, pourrait surprendre le grand public, ou pour mettre en application ces demandes de modifications de l'étiquetage de fabrication, ou pour demander que des études supplémentaires soient effectuées sur l'innocuité ou l'efficacité du produit. Vous n'en n'avez pas le pouvoir, mais vous avez d'autres moyens de faire pression et de vous assurer que, si cela est nécessaire, un produit puisse être retiré du marché. Vous avez le pouvoir d'annuler l'approbation. Vous disposez d'autres pouvoirs. Il est certain qu'il serait bien que vous ayez ces pouvoirs, mais vous avez aussi d'autres moyens d'action?
M. Glover : Pour vous donner une réponse courte, le sénateur a raison à 100 p. 100. D'autres agents de réglementation internationaux ont ces pouvoirs. Nous voulions expliquer clairement et en toute transparence au comité, dans le cadre de son étude, que lorsque l'on fait la comparaison, il y a des pouvoirs que notre pays n'a pas et que d'autres ont.
Ceci étant dit, nous disposons d'un certain pouvoir de persuasion. Honnêtement, la stratégie que j'emploie est la suivante : Si une compagnie pharmaceutique n'est pas d'accord avec notre évaluation des choses, nous allons la laisser aller de l'avant pendant une courte période afin qu'ait lieu un échange scientifique. Nous ne voulons pas faire preuve d'arrogance. Nous souhaitons entendre ce que la compagnie a à dire; mais après une période raisonnable selon nos préoccupations, si la compagnie n'est pas d'accord, nous disons simplement : « C'est bien malheureux. Demain, nous émettrons un communiqué de presse exprimant notre déception quant au fait que la compagnie X n'est pas d'accord avec Santé Canada. Nous recommandons à tous les Canadiens et à tous les médecins de cesser d'utiliser ces produits en raison des préoccupations suivantes ». Il est surprenant de voir avec quelle rapidité les compagnies se conforment aux exigences.
Le sénateur Eggleton : Oh, je suis certain que vous avez raison.
M. Glover : Je pense que cela nous indique que leur réputation, leur image de marque, leur importe. C'est comme cela que l'on exerce de l'influence dans ce domaine. D'une certaine façon, on pourrait avancer l'argument selon lequel le fait d'avoir une autorité réglementaire pourrait permettre de régler ce genre de choses et d'offrir des possibilités de contestations judiciaires et cette influence est souvent plus efficace et efficiente. Cela suppose une certaine confiance en la science et la capacité d'aller de l'avant, mais honnêtement, nous disposons de scientifiques qui comptent parmi les mieux formés et les plus compétents au monde pour nous éclairer.
Le président : Merci beaucoup. C'était un échange très important.
Le sénateur Eaton : Par chance, le sénateur Eggleton a posé la plupart de mes questions, je vais donc être brève.
Ce que vous dites, c'est que vous n'aimeriez pas avoir la capacité d'émettre un rappel obligatoire, par exemple, en matière d'étiquetage. Vous n'aimeriez pas être en mesure d'obliger les fabricants à réétiqueter leurs produits à un certain point. Vous souhaitez utiliser la méthode de persuasion en premier.
M. Glover : J'apprécie énormément, monsieur le président, la question de l'honorable sénateur. Je pense que la cohérence des cadres réglementaires est importante, et cela me donne donc la possibilité d'éclaircir ce point.
Si nous disposions de ce pouvoir, je pense que nous l'utiliserions avec la plus grande diligence et en dernier recours. Je pense qu'une approche de persuasion, de dialogue avec la compagnie, est plus indiquée avant de tenter d'invoquer un pouvoir législatif ou réglementaire. Ceci étant dit, pour assurer la cohérence, il y a des moments où cet incitatif pourrait servir à faire avancer les négociations, mais ce n'est pas quelque chose que nous envisagerions utiliser afin d'entamer un dialogue avec la compagnie. Cela ne serait utile qu'en dernier recours.
Le sénateur Eaton : Je pense qu'aux États-Unis, il existe un pouvoir de rappel obligatoire.
Arrive-t-il que vous entamiez des suivis postcliniques avec ceux qui ont examiné le médicament une fois que celui-ci a été commercialisé?
M. Glover : Je m'en remets à mon collègue, le Dr Marc Berthiaume.
Dr Marc Berthiaume, directeur, Direction des produits de santé commercialisés (DPSC), Santé Canada : Désolé; j'ai manqué une partie de la question. Auriez-vous l'obligeance de la répéter?
Le sénateur Eaton : Vous arrive-t-il d'entamer des suivis postcliniques de médicaments présentant un risque élevé sur les mêmes gens qui ont participé aux tests d'un médicament dans le cadre de vos essais cliniques une fois que le médicament a été commercialisé?
Dr Berthiaume : Il y a certains médicaments approuvés pour lesquels on effectue un suivi des essais cliniques sur les mêmes gens qui ont participé aux essais cliniques aux fins d'approbation. Cependant, je dirais que la plupart du temps, une fois qu'un médicament est sur le marché, si des études de suivi sont effectuées, elles seront menées sur une plus grande population. C'est ce que l'on appelle l'efficacité en situation réelle. Les gens auront parfois davantage de maladies ou prendront davantage de médicaments, ce qui nous permet de nous faire une image plus précise de l'innocuité du médicament en situation réelle.
Le président : Monsieur, il y a un autre aspect à la question du sénateur, qui est qu'un certain nombre de gens qui dirigent ces essais cliniques continuent à participer à l'application de ces médicaments et qui donnent des conseils sur ces médicaments au pays. Puis-je préciser sa question dans ce domaine? Effectuez-vous un suivi auprès des directeurs de sites d'essais cliniques précis qui pourraient continuer à participer au processus en ce qui a trait au suivi du médicament une fois que celui-ci est approuvé?
Dr Berthiaume : Merci de votre question. Lorsque nous effectuons un suivi, nous restons en contact avec les gens qui dirigent les essais cliniques, tant que ceux-ci sont en cours. Si un essai clinique se poursuit après la commercialisation d'un médicament, il y aura toujours un dialogue avec les gens qui s'occupent des essais cliniques chez Santé Canada, sur l'innocuité du médicament et sur les résultats de ces essais cliniques.
M. Glover : Si je peux me permettre de compléter la réponse de mon collègue, monsieur le président, le vérificateur général a indiqué dans son étude que ce domaine, du point de vue de l'inspection, représentait une faiblesse que nous avons résolue. Nous n'avions pas de procédures claires pour déterminer quels sites cliniques devraient faire l'objet d'enquêtes et comment établir un ordre de priorité. C'est maintenant le cas. Nous avons formé du personnel, ce qui nous permet, en fait, d'inspecter des sites d'essais cliniques. Il y a des exigences en matière de conservation des dossiers. Il y a une question d'innocuité. Nous n'inspectons pas tous les sites d'essais cliniques. Il y en a des milliers. Cependant, nous savons où ils se trouvent, et nous les inspectons. Nous avons aussi un processus qui nous permet de déterminer lesquels devraient être inspectés en priorité, ce qui inclut tout essai qui est opérationnel.
Le sénateur Eaton : Merci beaucoup.
Pour ce qui est des exigences obligatoires, l'industrie pharmaceutique a-t-elle l'obligation de faire rapport? Cela est-il fait de façon volontaire à l'heure actuelle?
M. Glover : Il existe une exigence obligatoire selon laquelle l'industrie doit nous faire rapport.
Le sénateur Eaton : C'est obligatoire.
M. Glover : Ils ont un certain nombre de moyens de le faire. Ils peuvent émettre des rapports périodiques de mise à jour en matière d'innocuité. On s'attend certainement à ce que tout effet indésirable nous soit signalé de façon opportune, et il y a aussi beaucoup d'autres rapports que l'on pourrait considérer comme moins importants qui peuvent nous être transmis annuellement au fur et à mesure. Il y a un certain nombre de mécanismes en place.
Le véritable défi consiste à savoir si nous sommes au courant, si les compagnies sont au courant et si des effets indésirables nous sont signalés de façon vraiment utile. Les compagnies doivent nous signaler non seulement les effets indésirables observés au Canada mais aussi ceux qui ont été observés ailleurs dans le monde. C'est la raison pour laquelle nous faisons la distinction entre le nombre que nous avons observés au Canada et ce que la compagnie nous signale dans d'autres pays.
Le sénateur Eaton : Lorsque vous parlez du reste du monde, j'ai cru constater que vous aviez des accords de reconnaissance mutuels avec l'Union européenne, la Suisse, l'Australie, la Norvège, l'Islande et la Liechtenstein. Qu'en est- il des États-Unis? Les États-Unis ne figurent pas dans cette liste.
M. Glover : C'est exact. Il faut que deux parties s'entendent et signent ces accords.
Le sénateur Eaton : Il n'y a pas d'accord jusqu'à présent?
M. Glover : Nous avons bien hâte.
Le sénateur Eaton : Cela est-il en cours?
M. Glover : Peut-être que je ne suis pas assez clair.
Le président : Je ne pense pas que nous devions creuser davantage. Nous en comprenons les indications.
M. Glover : Si je peux me permettre, monsieur le président, il y a un point pertinent que j'aimerais soulever et pour lequel j'apprécierais d'avoir l'attention du comité. Un accord de reconnaissance mutuel ou ARM suppose que les deux pays acceptent littéralement la décision de l'autre pays. Cela ne se résume pas à utiliser son rapport. Selon un ARM, si le pays concerné prend telle décision, on n'examine même pas le rapport. On ne décide pas si on souhaite prendre une décision de notre côté. On accepte la décision de l'autre pays. Pour ce qui est des États-Unis, je ne pense pas qu'ils aient signé quelque accord du type dont vous parlez que ce soit.
Le sénateur Eaton : Avec aucun autre pays?
M. Glover : Avec quelque autre pays que ce soit. Nous échangeons des renseignements avec eux, mais cette démarche supplémentaire n'est pas quelque chose qu'ils ont fait avec d'autres pays, car cela fonctionne dans les deux sens. Il ne s'agit pas seulement d'échanger des renseignements et de faire accepter votre décision par quelqu’un d’autre; mais aussi d’accepter la décision de quelqu’un d’autre.
Le président : Merci, monsieur Glover. C'était un excellent éclaircissement. Je craignais que l'on s'éloigne du sujet de façon peu constructive, mais votre réponse a été extrêmement positive.
Le sénateur Callbeck : Les rapports sur les effets indésirables proviennent, d'après ce que je comprends, de trois sources : les consommateurs, les professionnels et l'industrie. C'est exact?
M. Glover : Oui.
Le sénateur Callbeck : Pour l'industrie, c'est obligatoire. Pour les deux autres, ce n'est pas le cas; cela n'est fait que de façon volontaire.
Je vois que l'on a observé des augmentations énormes — selon ce que vous avez dit, de 15 à 20 p. 100 — au cours des cinq dernières années. Je pense qu'en fait, l'année dernière, cela a augmenté de quelque chose comme 35 p. 100. Des rapports que vous obtenez, quel pourcentage provient des consommateurs, des professionnels et de l'industrie?
Dr Berthiaume : Dans l'ensemble, la répartition des types de rapports que nous recevons est la suivante : 24 p. 100 des médecins; 13 p. 100 des pharmaciens; 16 p. 100 des professionnels de la santé autres que ceux précisés; 17 p. 100 du personnel infirmier et 27 p. 100 des consommateurs.
Le sénateur Callbeck : L'industrie représente 30 p. 100?
Dr Berthiaume : Non, c'est par type d'entité qui fait rapport. Si un médecin fait rapport à l'industrie et l'industrie nous fait rapport, il s'agira du rapport d'un médecin. Nous recevons des rapports de l'industrie et directement du grand public canadien. Si le grand public canadien fait rapport à l'industrie, l'industrie nous fait ensuite rapport.
Le sénateur Callbeck : Quel pourcentage de rapports obtenez-vous de l'industrie pharmaceutique?
Dr Berthiaume : Pour l'industrie pharmaceutique, cela représente 82 p. 100 de toutes les demandes que nous recevons.
Le sénateur Callbeck : Cela a-t-il beaucoup augmenté ou cela est-il demeuré plus ou moins inchangé?
Dr Berthiaume : Le pourcentage de rapports du grand public canadien augmente lentement. Auparavant, on en recevait davantage de l'industrie et moins du public. Nous acceptons maintenant des rapports du public canadien, qui représentent 18 p. 100, et qui sont en augmentation.
Le sénateur Callbeck : Le pourcentage de rapports de l'industrie pharmaceutique augmente. Est-ce que le chiffre de 82 p. 100 augmente?
Dr Berthiaume : Le chiffre global augmente.
Le sénateur Callbeck : D'accord, mais qu'en est-il de la répartition?
Dr Berthiaume : Cela diminue car la proportion de rapports provenant du public augmente.
Le sénateur Callbeck : A-t-elle beaucoup augmenté au cours des cinq dernières années?
Dr Berthiaume : Je ne dispose pas de beaucoup de renseignements sur l'évolution de la tendance, mais on est passé d'un petit nombre de rapports à 18 p. 100 de 42 000 rapports, ce qui est considérable. C'est le nombre de rapports que nous recevons du grand public canadien.
Le sénateur Callbeck : Vous avez dit que pour résoudre le problème du sous-financement, vous avez entrepris des activités de communication. Quelles sont-elles?
Dr Berthiaume : Nous avons lancé une campagne publicitaire afin d'inciter le grand public canadien à émettre des rapports. Des renseignements ont été diffusés dans les médias. Il y avait aussi un module d'apprentissage destiné aux professionnels de la santé expliquant comment faire rapport et le processus d'un rapport. Nous collaborons avec une communauté de pédiatres de partout au Canada depuis 2004 pour qu'ils nous signalent directement tout événement indésirable dès qu'il se manifeste. Nous avons pris un certain nombre de mesures pour accroître notre rayonnement et obtenir davantage de rapports. Les chiffres que nous obtenons en témoignent.
M. Glover : Si je peux me permettre, pour compléter ces propos, il existe un phénomène général. J'appuie certainement ce que mon collègue vient de dire; il a tout à fait raison. Cependant, un autre phénomène se produit simultanément : les Canadiens, en général, sont plus actifs pour ce qui est des soins de santé. Ceci nous a poussés à modifier notre façon de faire. Pour être honnête, cela a orienté certaines des observations du vérificateur général. Les Canadiens, dans leur grande majorité, souhaitent obtenir davantage de renseignements concernant les médicaments qui leur sont prescrits. Ils ont des questions à poser à leur médecin. Le site Web de MedEffect Canada renferme le Bulletin canadien des effets indésirables qui non seulement informe les Canadiens des risques possibles associés aux médicaments mais qui les encourage aussi à parler à leur médecin et qui encourage les médecins à signaler les effets indésirables. Cela a créé une voie de communication qui leur permet de nous signaler les effets indésirables. Plus les Canadiens participeront à leur système de santé, plus nous aurons de Canadiens qui continueront à nous signaler des effets indésirables de même qu'à leur médecin. Je soupçonne que tous les chiffres vont augmenter grâce à cette tendance.
Le sénateur Callbeck : Je suis certainement d'accord avec vous sur le fait que les Canadiens sont plus intéressés à en savoir davantage sur les médicaments.
Pour revenir au signalement obligatoire, cette industrie est la seule pour qui ce soit obligatoire. En est-il de même dans les autres pays? Les professionnels ne sont pas tenus de le signaler, mais le font de façon volontaire.
Dr Berthiaume : À ma connaissance, les professionnels de la santé ont l'obligation de le signaler dans quatre autres pays : la France, la Suède, l'Espagne et la Norvège. Au départ, ces pays envoient leur rapport à l'Organisation mondiale de la Santé. Pour ce qui est du nombre de signalements par habitant, nos chiffres sont bien meilleurs que ceux de ces autres pays. Même si le signalement n'était pas obligatoire au Canada, pour ce qui est du nombre de rapports d'effets indésirables que nous obtenons, nos chiffres sont plutôt bons. En fait, nous venons au sixième rang dans le monde pour ce qui est du nombre de signalements d'effets indésirables que nous recevons de nos différentes sources d'information.
M. Glover : Il s'agit là d'une réponse de médecin. En tant que directeur de cette organisation, laissez-moi être direct. Si le comité envisageait cette possibilité, je serais totalement désemparé pour ce qui est de la mise en application. Comment pourrait-on aller dans le cabinet d'un médecin pour lui demander s'il a signalé un effet indésirable et contrôler tout ce qu'ils font? Et que ferions-nous en cas de non-conformité?
Comme l'a dit le Dr Berthiaume, d'autres pays ont ce système et n'obtiennent pas de meilleurs résultats que nous. En tant qu'organisme de réglementation, votre responsabilité est non seulement d'avoir ces pouvoirs mais aussi de les mettre en application. La question de la pratique de la médecine, de la confidentialité des renseignements portant sur les patients et de tenter de nous frayer un chemin au milieu de tout cela peut être une situation incroyablement complexe pour un organisme de réglementation à l'avenir. Je comprends l'intérêt que suscite cette question, mais il faut faire attention à ce que l'on souhaite pour certains de ces points.
Le sénateur Callbeck : Vous avez parlé d'émettre des avis sur les risques et de mettre à jour les avertissements ou les instructions sur les étiquettes des médicaments. Qui reçoit les avis sur les risques que vous émettez? Dans ma province de l'Île-du-Prince-Édouard, qui reçoit ces messages?
M. Glover : Je vais laisser au Dr Berthiaume le soin de développer la réponse, mais pour vous répondre rapidement, nous ciblons nos communications. Certaines sont destinées à la communauté des prestataires de soins de santé car le médicament n'est utilisé qu'en milieu hospitalier, en cardiologie, par exemple. Nous ciblons le niveau professionnel avec des conseils techniques précis destinés à la communauté des prestataires de soins de santé. Dans d'autres cas, nous publions un communiqué plus large qui est repris par les médias, affiché dans les journaux, affiché sur notre site Web et inclus dans le bulletin de MedEffect. Dépendamment de la façon dont un médicament est utilisé et du niveau de risque qui y est associé, nous tentons de cibler le message et le public cible afin d'en optimiser les effets.
Dr Berthiaume : Dans une lettre classique de renseignements sur l'innocuité, si le médicament est délivré en collaboration avec le fabricant, on demanderait au fabricant de l'envoyer par courrier à tous les médecins de toutes les provinces. On demanderait au fabricant de l'afficher sur son site Web, et nous l'afficherions sur le nôtre. En outre, nous l'enverrions au bulletin de MedEffect que M. Glover a mentionné. Il s'agit d'une stratégie de communication qui permet à tout membre du public canadien de s'inscrire sur le site Web et de recevoir toutes nos publications à chaque fois que nous émettons un avis sur le risque. Cela inclut tout type d'avis concernant le risque.
Le sénateur Cordy : Monsieur Glover, vous avez absolument raison lorsque vous dites que les Canadiens en savent beaucoup plus aujourd'hui que par le passé. Bien souvent lorsque les gens vont chez le médecin pour un problème de santé, ils sont armés d'une quantité incroyable de renseignements.
Je suis contente que vous ayez soulevé la question de la transparence car notre comité a pu entendre que les gens sont très préoccupés par le manque de transparence. Je travaille beaucoup auprès de patients atteints de SP, ils sont préoccupés par le manque de transparence concernant les médicaments. Comme vous le dites, il y a toujours des risques et des avantages lorsque l'on examine un médicament. Tout médicament présente des risques, et on espère que tous les médicaments présentent des avantages pour le patient.
Vous avez parlé de l'approbation ou non d'un médicament. Lorsqu'un médicament n'est pas approuvé, pouvons- nous savoir pourquoi? Si on devait interrompre les essais cliniques pour un médicament donné, le public serait-il informé des raisons pour lesquelles cela est le cas? Les médicaments font l'objet d'examens. Les patients atteints de SP étaient préoccupés lorsque le médicament Gylenia faisait l'objet d'un examen car personne ne le savait. Les gens continuaient à prendre ce médicament sans savoir si c'était la bonne chose à faire. A-t-on ouvert ces portes en matière de transparence? Ces renseignements seront-ils disponibles à tous les Canadiens?
M. Glover : Je vais tenter de répondre à votre dernière question en premier pour répondre ensuite aux précédentes.
Sans aucun doute, nous prenons les dispositions pour fournir au grand public de plus en plus de renseignements concernant l'ensemble de nos activités. Les raisons pour lesquelles on approuve ou non un médicament sont exposées dans ce que l'on appelle un résumé des motifs de décision. Nous avons commencé à appliquer ce système aux décisions positives, afin d'informer les gens des raisons pour lesquelles un médicament a été approuvé. Nous allons envisager appliquer ce système aux médicaments que nous n'approuvons pas, en fournissant les motifs du refus. Cela n'est pas encore fait, mais cela fait partie de nos intentions, comme vous pourrez le lire dans la réponse que nous avons fournie. Pour reprendre votre expression, nous nous efforçons d'ouvrir des portes qui sont actuellement fermées.
Cela s'applique aussi aux essais cliniques que nous avons approuvés afin que les Canadiens sachent quels sites ont été approuvés par Santé Canada, et nous allons maintenir ce système à l'avenir.
Loin de moi l'idée d'induire le comité en erreur en indiquant que nous avons effectué toutes ces activités et que le système est aussi transparent que ce que les Canadiens et le Parlement souhaiteraient, mais le ministère s'est engagé à le rendre aussi transparent que cela et des mesures sont actuellement prises pour y parvenir.
Il nous faut tenir compte des problèmes que posent les renseignements commerciaux confidentiels et les renseignements personnels. Cela n'est d'aucune façon une excuse pour ne pas prendre ces mesures importantes, mais cela complique parfois les choses pour ce qui est de la nécessité de respecter la vie privée des patients, plus particulièrement dans les collectivités de petite taille et ce genre de choses.
Alors que nous tentons de rendre davantage de renseignements disponibles, il faut tenir compte d'un certain nombre de choses pour protéger la vie privée et des renseignements commerciaux confidentiels. Nous ne voulons pas que l'innovation quitte notre pays. Nous ne voulons pas non plus que des compagnies pharmaceutiques refusent de commercialiser des produits dont les Canadiens ont besoin, dans l'autre extrême. Il est très important de trouver le bon équilibre pour donner aux Canadiens et au système de santé les renseignements dont ils ont besoin tout en créant un climat qui incite les entreprises à amener leurs produits ici, sachant que nous ne représentons qu'un faible pourcentage du marché mondial.
Je reçois beaucoup de lettres de gens qui m'informent que tel ou tel médicament est disponible en Europe ou aux États-Unis et qui me demandent pourquoi ils ne peuvent pas l'obtenir ici. Bien souvent, cette décision ne me revient pas en tant qu'agent de réglementation. Par contre, une compagnie peut dire qu'elle n'est pas intéressée à commercialiser son médicament au Canada du fait que le marché n'est pas assez important, ou que la compagnie préfère cibler d'autres marchés avant le Canada. C'est un équilibre délicat.
Je vais laisser Dr Berthiaume répondre à la question portant sur les essais cliniques.
Dr Berthiaume : Ce n'est pas entièrement mon domaine d'expertise. Nous incitons les gens qui soumettent des essais cliniques à s'inscrire. Il y a deux sites Web internationaux sur lesquels ils peuvent s'inscrire. On recommande vivement aux gens qui souhaitent soumettre des demandes d'essais cliniques de s'y inscrire, et cela finira par inclure des renseignements concernant les résultats de l'essai.
Le sénateur Cordy : On effectue des suivis après approbation, donc je me demande à quel moment un médicament est examiné une fois qu'il a été approuvé. Si un médicament fait l'objet d'un examen, les Canadiens ne sont pas informés des raisons pour lesquelles c'est le cas. Une fois encore, cela est lié aux risques et aux avantages que les patients devraient examiner. Ces renseignements seront-ils disponibles aux Canadiens?
M. Glover : C'est une question de nature très délicate, et tout ce que je peux dire, c'est que nous continuons d'en tenir compte. Nous avons décidé d'annoncer que nous allons entreprendre des examens d'innocuité. Il faut tenir davantage de consultations auprès de la collectivité médicale afin de déterminer ce qu'il faut faire.
L'une des choses qui nous préoccupent, c'est de créer des craintes inutiles au moment où nous n'avons pas réalisé une évaluation de l'innocuité. Nous voulons indiquer aux patients qui prennent tel médicament ainsi qu'aux praticiens qui les prescrivent d'être prudents, de lire l'étiquette et de s'en servir de façon appropriée, puisqu'il pourrait y avoir problème. Étant donné que nous n'avons pas fait un examen complet du problème potentiel, nous ne voulons pas que le système de santé réagisse excessivement dans l'éventualité où après avoir terminé notre évaluation, nous en arrivons à la conclusion que le problème n'existe pas. Nous nous employons à trouver un équilibre.
Dr Berthiaume : Et c'est la clé. Il y a un équilibre entre la transparence et la communication de renseignements pertinents. C'est un dilemme auquel on doit faire face en matière de santé publique chaque fois que surviennent des craintes en matière d'innocuité. Il faut connaître la préoccupation et ce qu'il faut communiquer comme information, surtout en ce qui a trait à des questions touchant l'innocuité des médicaments, en raison du phénomène mentionné par M. Glover; c'est-à-dire que des effets indésirables peuvent découler de facteurs externes plutôt que de la prise du médicament. Nous devons nous assurer que les préoccupations en matière d'innocuité que nous recensons sont en fait liées aux médicaments. C'est pour cette raison qu'il y a quelques fois un retard entre ce que nous appelons un signal potentiel et une mesure réglementaire liée à ce signal. Et cela n'est pas typique du Canada; c'est de la façon dont on fonctionne partout dans le monde.
Le sénateur Cordy : Monsieur Maxwell, au point 10 de votre exposé, vous parlez des 54 évaluations d'innocuité. Santé Canada a recommandé que 24 d'entre elles soient communiquées pour informer le public relativement aux nouveaux renseignements en matière d'innocuité. Pour la moitié, cela a pris jusqu'à six mois, tandis que trois évaluations ont nécessité jusqu'à un an. Je suppose que ces communications devraient être réalisées en temps voulu. Avez-vous fait de la surveillance pour voir la rapidité d'action de Santé Canada relativement à cette question?
M. Maxwell : Non, nous avons déposé le rapport de vérification au Parlement il y a environ un an. Le travail réel a été terminé il y a 16 ou 17 mois. Non, nous n'avons pas fait de mise à jour pour déterminer si le ministère a amélioré ces normes de temps de réponse.
Dr Berthiaume : Le comité doit savoir qu'en tout temps, lorsqu'il y a une question urgente en matière d'innocuité, nous communiquons de l'information en toute urgence sur cette question. Certains changements, comme l'étiquetage, ne figurent pas dans la section sur les avertissements, mais existent plutôt pour offrir de l'information complémentaire. Quelques fois, nous attendons que les changements d'étiquetage soient mis en œuvre avant de publier la communication sur le risque. Le fait qu'il y ait des discussions et qu'il y ait quelques fois un certain nombre de médicaments qui soient visés dans le processus d'actualisation de l'étiquette signifie que l'on peut reporter la publication de la communication sur le risque. Nous ne reportons jamais une communication des risques lorsque le problème est urgent ou si nous obtenons de nouvelles informations qui doivent être communiquées aux Canadiens. Dans ces cas-là, nous diffusons la communication des risques immédiatement et nous y ajoutons par la suite de l'information supplémentaire.
M. Maxwell : Pour ce qui est de la question de la rapidité, lorsque nous avons fait la vérification, il existait des temps de référence uniquement pour certaines parties du processus. Par exemple, il n'y avait pas de temps de référence indiquant la rapidité avec laquelle il fallait publier une communication des risques. Le temps de référence en place correspondait largement à la durée de temps nécessaire pour réaliser l'évaluation d'innocuité.
Le sénateur Martin : C'est un sujet très complexe et intéressant. J'ai de l'expérience de première main avec certains membres de ma famille et des amis qui n'ont peut-être pas été suffisamment informés pour leur permettre de poser les questions qu'ils auraient dû poser, ou alors l'information n'était pas disponible.
Pour ce qui est de la communication de l'information, vous avez parlé de communication ciblée ainsi que de communiqués généraux. Lorsqu'il s'agit d'un patient ayant des problèmes de santé mentale, est-ce que les gestionnaires de cas, les conseillers et les médecins qui ont prescrit le médicament ont tous accès à l'information d'innocuité sur le médicament? Ils font tous affaire avec le patient à des moments différents. Dans un cas que je connais, il y avait un manque d'information chez le personnel de première ligne. Le médecin avait prescrit un médicament qui était associé à toutes sortes de risques. Il y a eu une publicité à la télévision qui dressait la liste de ces risques, mais l'information n'était pas forcément disponible pour le patient. Dans le cas des communications dont vous parlez, est-ce que tous les professionnels et les partenaires de la santé auraient accès à cette information?
M. Glover : La réponse est affirmative et négative, laissez-moi vous expliquer. S'il s'agit d'une indication faisant partie de la soumission initiale — c'est-à-dire qu'il y a eu un essai clinique sur lequel étaient basées la soumission et l'approbation du médicament —, cette information se trouverait dans la monographie du produit ou sur l'étiquette. C'est indiqué sur notre site Web. Ces communications sont publiées et tout praticien de la santé pourrait y avoir accès. Bref, nos sites Web ne visent pas essentiellement les médecins; ils sont accessibles à tous. En général, nous essayons de disséminer l'information.
Toutefois, le problème de l'utilisation non indiquée sur l'étiquette entre en jeu lorsqu'il s'agit d'un jugement professionnel et d'une question de pratique médicale. Il devient alors difficile de communiquer quoi que ce soit sur le produit à part ce qui figure dans la monographie. Si, selon l'opinion professionnelle de l'équipe traitante constituée des professionnels de la santé, ce sont eux qui décident d'avoir recours au médicament pour un usage non approuvé, son utilisation n'est alors justifiée par rien d'autre que leur jugement professionnel. Honnêtement, l'utilisation non indiquée sur l'étiquette se produit souvent et cela devient un défi. Nous mettrons alors l'information à jour et nous offrirons de l'information sur l'innocuité concernant l'utilisation non indiquée sur l'étiquette si cette information est portée à notre attention.
Il existe une autre réalité que tout le monde doit connaître, c'est-à-dire lorsque les gens se rendent à la pharmacie pour obtenir une ordonnance, ils obtiennent une petite bouteille ainsi que des étiquettes comportant des avertissements. Les professionnels de la santé se concentrent sur la monographie. Il s'agit de notre évaluation de ce médicament qui peut contenir de 80 à 100 pages d'avertissements leur disant d'être prudents avec telle ou telle population ou lors du stade subclinique. Ce n'est pas un document qui est facile à lire. Lorsqu'on songe au nombre de médicaments visés et à la taille des documents donnant des conseils aux professionnels de la santé, il s'agit de documents de grande taille qui sont complexes. Je ne veux pas faire de critique.
Le volume d'information que les gens doivent examiner est faramineux. Plus les médicaments deviennent compliqués et ciblés pour certaines sous-populations atteintes de problèmes subordonnés, plus la complexité augmentera.. Voilà une réponse assez longue à une question courte, mais nous faisons notre possible pour offrir autant de renseignements que voulus.
Le sénateur Martin : Vous jouez votre rôle pour ce qui est de donner des renseignements, et il incomberait alors aux professionnels de passer à travers les divers documents pour prendre connaissance des communications?
Dr Berthiaume : C'est ce qui est connu sur le produit. Lorsqu'il y a une question d'innocuité qui se pointe à l'horizon, les risques sont communiqués et des communications publiques s'en suivent. Nous publions alors un document technique à l'intention des professionnels de la santé, mais il y a des communications en langage plus simple qui sont mises à la disposition du public afin que les gens puissent mieux comprendre de quoi il s'agit. Si la population veut davantage d'information, elle peut avoir recours au document technique publié à l'intention des professionnels de la santé. Nous essayons de tenir compte du public dans notre stratégie de communication.
Le sénateur Martin : M. Glover a mentionné dans son exposé l'augmentation de la précision et de la souplesse de nos outils. Une des façons que vous utilisez pour améliorer la surveillance en général consiste à examiner les outils à votre disposition et à en améliorer la précision et la souplesse. Existe-t-il d'autres outils qui pourraient être très utiles à Santé Canada, ou bien disposons-nous des outils nécessaires et s'agit-il tout simplement d'en améliorer la précision et la souplesse? Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?
M. Glover : La réponse brève et honnête est non, nous n'avons pas ces outils encore. Nous devons avoir recours à des systèmes axés sur le papier, et ce n'est pas une bonne façon de forer pour des données afin de recenser ces signaux. La première étape a consisté à l'automatisation, afin que les sociétés transmettent les documents de façon électronique et afin de permettre aux Canadiens d'avoir également recours au système électronique grâce à Internet afin que nous n'ayons pas à parcourir des montagnes de documents. Nous cherchons à automatiser nos processus, ce qui constitue une importante étape.
La deuxième étape porte sur la collaboration internationale. Si vous posiez la question à l'organe de réglementation, nous estimons tous que nous n'avons pas encore tous les outils dont nous avons besoin. La situation continue d'évoluer et nous parcourons tous les mêmes données pour recenser les mêmes signaux. Nous comparons les outils qui sont à notre disposition et ceux en voie de développement. Nous travaillons de près avec l'Agence européenne des médicaments. Elle a mis sur pied des comités de pharmacovigilance dont nous surveillons les travaux afin d'obtenir des signaux de détection précoces. Nous travaillons avec d'autres autorités relativement aux outils qu'elles développent et à l'automatisation afin de recenser les signaux et d'en faire le tri. Nous formons constamment les membres de notre personnel pour les tenir au courant des changements et pour les encourager à travailler pour nous et à pratiquer la médecine quelques jours par semaine afin qu'ils soient au courant des nouveaux enjeux et qu'ils se tiennent à jour.
Les outils évoluent. Nous construisons de nouveaux outils et nous travaillons de près avec des partenaires internationaux afin de pouvoir également profiter de leur travail.
Le sénateur Seidman : Ma question porte sur ce raisonnement. C'est en raison de l'absence d'un système électronique permettant d'inscrire les effets indésirables. J'allais justement reprendre ce que M. Glover disait relativement à notre « valeur ajoutée » pour les Canadiens à l'avenir. Nous allons progresser pour ce qui est des exigences sur la façon dont on assure le suivi des médicaments dans le marché et, comme l'a mentionné le sénateur Martin, accroître la souplesse de nos outils.
Pourriez-vous nous parler davantage de la mise en œuvre des déclarations électroniques? Je sais que le rapport du vérificateur général en parlait et qu'il y avait mention du fait qu'un projet pilote avait lieu et que vous alliez commencer au cours de l'exercice 2011-2012. Quelle a été votre expérience à ce sujet? Je pense que l'industrie devait vous envoyer des rapports que vous tentiez de saisir électroniquement.
Je voudrais également vous poser une question sur l'autre élément que vous avez mentionné, soit la souplesse et les outils, qui portent sur les fournisseurs de soins de santé et un système de déclarations électroniques. Vous avez mentionné les dossiers médicaux électroniques ainsi que les dossiers de santé électroniques, et il me semble que c'est une excellente façon de recenser les effets indésirables en fonction des fournisseurs de soins de santé.
Pouvez-vous nous aider sur ces deux éléments? Qu'est-ce qui pourrait faire en sorte d'amener notre système de déclaration des effets indésirables dans le XXIe siècle?
Dr Berthiaume : La première question porte sur la déclaration électronique. C'est tout un projet d'envergure que de convertir le processus d'un système papier à un système informatisé. Comme vous l'avez mentionné, nous en sommes à l'étape du projet pilote. Un nombre restreint de fabricants commenceront en novembre à transmettre à Santé Canada leurs déclarations des effets indésirables. Il s'agit d'une approche progressive et la mise en œuvre complète est prévue pour la fin de 2014.
C'est un processus de longue haleine, mais il est également important de signaler qu'il comporte d'énormes défis en matière de technologies de l'information, de compatibilité et de systèmes électroniques et de questions liées à la confidentialité. La déclaration électronique débutera en novembre pour les fabricants, et l'ensemble du système sera opérationnel d'ici la fin de 2014, y compris la déclaration électronique en provenance d'autres sources comme les professionnels de la santé et le public canadien.
M. Glover : J'aurais quelque chose à rajouter. L'autre enjeu ne concerne pas uniquement ce que nous ferons à l'avenir. Nous avons des pièces remplies de boîtes contenant les effets indésirables. Nous avons commencé le processus de numérisation de tous ces documents. Nous voulons nous assurer qu'au fur et à mesure qu'il arrive de nouvelles données, nous pouvons les jumeler aux signaux historiques qui ont été consignés pour certains médicaments. Lorsqu'on pense à la durée de vie d'un médicament et au nombre d'années qu'il peut être mis en marché, on constate qu'il ne suffit pas uniquement de tenir compte des effets indésirables ici et là et d'essayer de relier les points. C'est le genre de travail que nous faisons.
Pour ce qui est des dossiers médicaux électroniques, nous sommes optimistes et nous gardons espoir. C'est un processus de longue haleine dans le cadre duquel nous travaillons avec nos partenaires fédéraux à la création des dossiers et à leur adoption par toutes les autorités. Nous sommes à la table de discussion. Nous faisons en sorte qu'ils sachent que c'est un excellent moyen d'améliorer notre capacité de recueillir cette information et de réduire le fardeau pour les médecins, puisque ce sont probablement eux qui notent ces informations dans le dossier de toute façon. Nous pensons qu'ils sont réceptifs à cette question. Nous ne percevons pas énormément d'opposition à cela. C'est plutôt l'adoption du dossier médical électronique qui ralentit nos progrès, et non pas ce que nous essayons d'y intégrer au fur et à mesure de son adoption. Les gens sont pour la plupart positifs par rapport à ce que nous essayons de faire, et ils sont prêts à répondre à nos exigences. Encore une fois, cela comportera des défis en matière de confidentialité et de protection de la vie privée, mais nous espérons pouvoir relever ces défis.
Le sénateur Seidman : Puis-je vous poser une question sur deux aspects bien précis des enregistrements électroniques et des progrès que vous faites sur ce front; une question porte sur les rapports étrangers qui, si je comprends bien, sont également saisis de façon manuelle, je voudrais savoir s'ils feront également partie du système. L'autre question porte sur ce qu'a mentionné M. Glover à plusieurs reprises dans son exposé, c'est-à-dire les populations vulnérables, les sous- groupes — femmes et enfants —, à savoir s'il y aura des moyens précis pour assurer le suivi des effets indésirables des médicaments relativement à ces sous-groupes de population.
M. Glover : Vous pouvez constater d'après le langage corporel que mon collègue voudrait m'aider à répondre à cette question, mais je vais quand même débuter.
Oui tout à fait, tous les effets indésirables; en fait, l'industrie est très enthousiaste relativement à la structure internationale en raison du volume. Encore une fois, si on songe au chiffre de 450 000, on constate qu'ils ne sont pas vraiment heureux de devoir nous envoyer par fax tous ces éléments. Les sociétés ont aussi hâte que nous d'entrer dans le XXIe siècle, de sorte que cela ne posera pas de problème. Elles ont hâte d'aller de l'avant et, comme nous l'avons dit, il y a des formats internationaux qui nous permettront d'agir ainsi. Nous adopterons ce format international afin de pouvoir travailler avec nos partenaires. Et l'industrie aura l'habitude de fonctionner ainsi dans d'autres pays.
Au fur et à mesure que nous adopterons ces outils plus robustes pour l'exploration de données, les populations que nous ciblerons pourront être ventilées de toute façon et nous pourrons obtenir bon nombre de détails de façon scientifique. Il pourrait s'agir de personnes ayant telle ou telle maladie. Ou bien des gens d'un âge précis.
Certains des avertissements que nous produisons sont énormément détaillés, comme, « nous avons constaté des saignements dans cette population atteinte de ces maladies secondaires ». Nous devons vraiment être en mesure d'analyser ces données de toutes les façons nécessaires afin de recenser les préoccupations en matière d'innocuité.
Pour être bref, nous n'aurons pas le choix — et cela ira bien au-delà du fait qu'il s'agit de populations vulnérables, d'hommes, de femmes ou de patients d'un âge particulier — puisqu'il faudra être en mesure de faire les liens nécessaires pour déterminer où se trouvent les effets indésirables et produire des avertissements en matière d'innocuité.
Dr Berthiaume : Il est également important de mentionner qu'il existe d'autres outils à part la déclaration des effets indésirables que nous utilisons pour assurer la surveillance des médicaments une fois qu'ils sont mis en marché. Par exemple, nous pouvons demander que soit réalisée une étude post-commercialisation au sein d'une sous-population bien précise. La base de données permettra de faire des recherches pour certains groupes d'âge ou certains types de diagnostic et quelquefois même par rapport à d'autres médicaments afin de recenser certaines sous-populations en vue de faire d'autres recherches. Le système donnera cette capacité.
Le sénateur Seidman : Ce qui me préoccupe, c'est que, comme nous avons pu le constater dans l'étude sur les essais cliniques, les femmes et les enfants plus particulièrement ainsi que les femmes enceintes ne sont pas généralement inclus dans les essais cliniques. Il faudrait voir si nous pourrions disposer d'un système qui nous permettrait de signaler ces effets indésirables dans ces sous-groupes et faire en sorte qu'ils ne soient pas oubliés. J'aimerais être rassurée sur ce point, et je sais que c'est également indiqué très clairement dans le rapport du vérificateur général que nous aurions un système permettant de surveiller les données sur les effets indésirables d'un médicament pour les populations vulnérables afin de systématiquement — et je pense que c'est le mot qui est utilisé, « systématiquement » — assurer le suivi des effets indésirables qui sont rares, graves et bien souvent liés à des médicaments mis en marché et de tenir compte des données pour les populations vulnérables.
Pouvez-vous me donner une assurance qu'on adoptera une approche systématique de cette question?
Dr Berthiaume : Il existe une approche systématique pour la population pédiatrique, et qu'il s'agisse de l'utilisation conforme ou non à l'étiquette, il est relativement facile d'assurer un suivi. Pour ce qui est de la grossesse, c'est plus difficile, parce que toutes les grossesses ne sont pas déclarées dans le système. Il existe à l'heure actuelle une volonté de la part des fabricants de mener certains types d'études indicatives auprès des femmes enceintes, de sorte que je pense qu'il y a davantage de sensibilité relativement à ces sous-populations, c'est-à-dire que les fabricants sont plus prêts à offrir davantage d'information en matière d'innocuité relativement à l'utilisation de ces médicaments au sein de ces populations.
L'Europe, en fait, incite fortement les fabricants à mener les études, par exemple, au sein de la population pédiatrique. Nous pourrons tirer profit des résultats de toutes ces études lorsque nous examinerons les demandes relatives à ces médicaments ou lorsque nous examinerons les plans de gestion des risques une fois que le médicament aura été commercialisé. Nous disposerons de plus en plus d'information pour ces populations ainsi que pour d'autres types de population à l'avenir.
[Français]
Le sénateur Chaput : Ma question s'adresse à M. Glover. À la page 8 de la présentation que vous avez faite le 28 mars devant notre comité, vous indiquez que Santé Canada recense environ 22 000 médicaments sur le marché canadien.
Maintenant, le rapport du vérificateur général dit que 80 p. 100 des produits de santé utilisés par les Canadiens sont fabriqués à l'étranger.
Vous nous avez mentionné que le Canada a conclu des ententes de reconnaissance mutuelle avec 26 partenaires de différents pays.
Est-ce que tous les produits pharmaceutiques fabriqués à l'étranger et importés au Canada proviennent d'un pays avec lequel le Canada a conclu une entente de reconnaissance mutuelle?
M. Glover : Non, mais ce n'est pas le point le plus important. Ce qui est le plus important, à mon avis, c'est que chaque produit qui entre sur le marché canadien est sujet à évaluation.
Le sénateur Chaput : Par Santé Canada?
M. Glover : Oui.
Le sénateur Chaput : Même si le pays n'a pas d'entente?
M. Glover : Exactement.
[Traduction]
La question est la suivante, parmi tous les médicaments qui entrent au Canada en provenance d'autres pays avec lesquels nous avons une reconnaissance mutuelle, est-ce que nous les excluons? La réponse est non. En fait, vous constaterez qu'une bonne partie des ingrédients source, des ingrédients pharmaceutiques actifs, soit des IPA, qui sont les ingrédients de base de bon nombre de médicaments en provenance de pays comme l'Inde et la Chine, sont des produits qui étaient autrefois fabriqués dans des pays comme l'Allemagne. Nous n'avons pas d'entente avec ces nouveaux pays fabricants à l'heure actuelle, c'est-à-dire avec les économies en voie de développement. Nous allons sur place faire les inspections. Nos partenaires vont sur place pour faire également des inspections, de sorte que nous utilisons cette information. Que nous ayons une entente avec le pays ou pas, le médicament doit faire l'objet d'un examen complet soit par nous et nos partenaires, ou bien uniquement par nous afin que nous puissions nous assurer de son innocuité. Avant de permettre la mise en marché de tout produit, il doit avoir été évalué préalablement, peu importe d'où proviennent toutes ses composantes.
La chaîne d'approvisionnement mondiale est immense. Vous pouvez avoir des gels fabriqués en Chine. L'ingrédient pharmaceutique actif peut provenir de l'Inde. Et la fabrication des pilules peut se faire au Brésil. Tous ces produits se déplacent d'un pays à l'autre et nous comprenons bien tout cela. Nous examinons toutes les différentes parties de la chaîne d'approvisionnement, et notre évaluation d'innocuité tient compte de la complexité de ce système.
[Français]
Le sénateur Chaput : Alors, vous avez l'autorité pour le faire, même s'il n'y a pas d'entente avec le pays?
M. Glover : Sans doute.
Le sénateur Chaput : Très bien. Environ quel pourcentage de ces médicaments provient d'un pays qui n'a pas d'entente avec le Canada? Et combien de médicaments sur les 22 000?
M. Glover : Je n'ai pas les chiffres nécessaires pour répondre à votre question pour l'instant, mais je pourrais donner les chiffres au comité. Mais en général, je pense que la plupart des médicaments a un aspect ou un autre qui vient d'un pays avec lequel nous n'avons pas d'entente.
[Traduction]
Encore une fois, je tiens à signaler, étant donné la complexité du système, que ce système a véritablement changé. Autrefois, nous faisions affaire avec des fabricants canadiens qui produisaient des produits au Canada. L'industrie se regroupe. Bien souvent une ou deux installations servent l'ensemble du marché, de sorte qu'il est hautement probable que, pour un médicament entrant au Canada, certaines composantes du produit soient originaires d'un pays avec lequel nous n'avons pas de reconnaissance mutuelle. Il existe des milliers d'ingrédients, de molécules qui sont assemblés.
Pour ce qui est d'un pourcentage exact, je vous transmettrai l'information ultérieurement, mais ce n'est pas pour vous induire en erreur ou retarder les choses d'aucune façon. Je dirais que pour la plupart des cas, certaines composantes proviennent d'économies en développement ou d'économies développées avec lesquelles nous n'avons pas encore d'entente de reconnaissance mutuelle.
[Français]
Le sénateur Chaput : Sur le flacon de médicament, ou sur son étiquette, on indiquerait « fabriqué au Canada »? Qu'est-ce qui serait indiqué?
M. Glover : Je ne pense pas que ce soit indiqué.
Le sénateur Chaput : Il n'y a absolument rien au sujet de sa provenance?
M. Berthiaume : D'après moi, on indiquerait sur le flacon l'endroit où le médicament a été fabriqué. Toutefois, la provenance de ses composantes n'apparaît pas.
[Traduction]
Le sénateur Enverga : On a déjà répondu à la plupart de mes questions. Toutefois, j'en ai une sur les déclarations d'effets indésirables. Il est indiqué que 450 000 de ces effets indésirables ont été signalés en provenance d'autres pays. De quels pays s'agit-il? S'agit-il uniquement des pays visés par l'accord de reconnaissance mutuelle, ou existe-t-il d'autres essais cliniques réalisés dans des pays autres que ceux qui ont signé des accords de reconnaissance mutuelle?
M. Glover : La réponse brève, c'est que les exigences stipulent que si la société est mise au courant, elle doit divulguer l'information. Cela ne se limite pas aux pays avec lesquels nous avons des accords de reconnaissance mutuelle. Dès qu'une société est mise au courant, peu importe l'endroit où l'effet a été recensé, elle doit nous en faire part. Il n'y a pas de restriction à cet égard. Dès qu'une société possède de l'information, elle a l'obligation légale de nous en faire part et cela ne se limite pas à l'étape des essais cliniques. Cela s'applique aussi lorsque le médicament est commercialisé et qu'il est en vente depuis de nombreuses années. Dès qu'une société prend connaissance d'un effet indésirable, peu importe où cela s'est produit, elle doit nous en faire part puisque nous sommes l'organe de réglementation au Canada.
Dr Berthiaume : J'aimerais rajouter un peu d'information si vous le permettez. Pour ce qui est des autres pays, habituellement ce que nous voulons ce sont les effets indésirables inattendus graves, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas mentionnés sur l'étiquette et ceux dont nous ne sommes pas au courant. Pour le Canada, on s'attend à ce que tout effet indésirable soit déclaré. Comme pour le reste du monde, si un produit à base de pénicilline produit une réaction cutanée en Irlande, par exemple, l'effet doit être déclaré ici parce que cela figure sur l'étiquette. C'est un effet bien connu, de sorte qu'il n'est pas nécessaire qu'il soit signalé par le fabricant. Ce dernier peut toujours le signaler, mais ce n'est pas obligatoire. Ce qu'il doit par contre signaler au Canada relativement à l'utilisation du produit dans d'autres pays, ce sont les effets inattendus. Nous entendons par inattendus les effets qui ne font pas l'objet de descriptions dans la monographie canadienne du produit — soit l'étiquette canadienne.
Le sénateur Enverga : Est-il arrivé que des effets indésirables n'aient pas été déclarés par des pays autres que les pays liés par l'accord de reconnaissance mutuelle? Existe-t-il des exemples à cet effet?
Dr Berthiaume : Il y en a beaucoup. Si l'on pense, par exemple, à un effet indésirable qui se produirait chez un patient sur 1 000 ou 1 sur 10 000, ce sont des effets indésirables qui seront recensés beaucoup plus rapidement dans des pays ayant une population importante. Un certain nombre d'effets indésirables se produisent dans d'autres pays avant qu'ils ne surviennent au Canada. Grâce à notre partenariat et à notre collaboration avec des organes de réglementation internationaux, nous pouvons tirer profit de cette information.
Par ailleurs, il y a un certain nombre d'autres moyens nous permettant d'accéder à cette information. Nous recevons cette information en provenance des fabricants, mais également grâce à la réalisation de rapports de suivi périodiques en matière d'innocuité, et c'est un document que nous pouvons demander de certains fabricants. Ce rapport fournit toutes les données internationales, de sorte que c'est une autre façon pour nous d'accéder à l'information internationale. Nous avons également accès à la base de données de l'OMS, comme je l'ai mentionné auparavant. Grâce à cette base de données de l'OMS, nous avons également accès à tous ces rapports étrangers. Il existe différentes façons d'accéder à l'information sur les effets indésirables qui se produisent à l'extérieur du Canada. À part les rapports que nous recevons directement d'un fabricant, nous pouvons accéder indirectement à de l'information en provenance d'au moins trois autres sources.
Le sénateur Enverga : Existe-t-il des normes? Connaissez-vous des normes pour les essais cliniques? Ce qui se fait dans les pays de l'ARM se fait-il également dans d'autres pays ne faisant pas partie des accords de reconnaissance mutuelle?
Le président : Je vous demande de reporter votre réponse à cette question. Nous transmettrons au sénateur les résultats de l'étape de l'essai clinique. Nous ne nous concentrons que sur l'étape de la post-approbation. Il est nouveau à notre comité aujourd'hui. Comme nous avons déjà mené une étude complète de cette question, je vous prie de vous en tenir aux enjeux liés à la post-approbation.
Le sénateur Enverga : Je suis désolé. Je n'ai plus d'autre question.
Le président : C'est très bien. Merci.
Le sénateur Seth : Je pense que cette séance a été vraiment informative comparativement à la dernière fois. Bon nombre de choses changent. Merci beaucoup.
Il me vient quelques questions à l'esprit. Je comprends, bien sûr, que le volet innocuité est ce qu'il y a de plus important pour les soins de santé ici au Canada. Je suis médecin, de sorte que lorsque des médicaments sont mis en marché, je sais que l'on obtient habituellement l'information de la part des représentants médicaux. C'est ainsi que nous obtenons les premières informations, de même que tous les détails qui figurent sur le dépliant, et cetera. Ensuite, nous essayons le médicament et les représentants reviennent de temps à autre faire un suivi pour un médicament particulier. Nous leur transmettons l'information que nous obtenons. Et nous essayons d'y intégrer les effets secondaires subis par les patients.
Je pensais que cette information était recensée afin qu'ils puissent la transmettre à leurs fabricants. C'est une question de transparence, puisque nous sommes des fournisseurs de soins de santé. Nous leur signalons les effets secondaires du médicament. Nous leur disons, « Voilà ce qui s'est produit avec tel patient et c'est pourquoi nous ne pouvons pas utiliser le médicament ». et nous obtenons davantage d'information lorsqu'ils reviennent nous voir aux fins d'examen.
Il n'est pas vrai que nous tenons des dossiers, et ils ne les donnent pas à Santé Canada. Nous le savons. Cependant, les médecins sont déjà responsables de la tenue des dossiers.
Comme deuxième question, je vais vous donner l'exemple des pilules contraceptives. Yasmin est arrivée sur le marché, et il y a eu un effet hormonal très faible, qu'on utilise beaucoup. Une fois que cette pilule est arrivée, il y a eu des problèmes de caillots de sang si on l'utilisait. Bien sûr, les professionnels de la santé canadiens avaient fait cette observation même avant que ce soit publié par l'USFDA. Je me demande pourquoi nous avons continué à l'utiliser alors que nous savions qu'il y avait de nombreux autres effets secondaires mis à part celui qui était vraiment grave, la formation de caillots de sang, comparativement aux autres pilules contraceptives. Pourquoi n'avons-nous pas arrêté son utilisation? À quel moment est-ce qu'un médicament est retiré du marché?
M. Glover : Je vais demander à mon collègue de m'aider pour répondre à certaines de ces questions.
Au sujet de notre niveau de certitude, une partie de notre processus d'inspection comprend l'examen des procédures en place afin que nous soyons assurés que si des effets indésirables sont notés, qu'ils soient déclarés. Nous essayons de faire confiance au système pour que les effets indésirables soient notés et déclarés et qu'il y ait un processus qui permette que cela soit fait tout au long de l'essai clinique. Cela fait partie des choses que nous examinons.
Cela n'a pas encore été mentionné, mais je me doute que vous allez entendre dire que, après la commercialisation, il n'y a pas seulement la question des effets indésirables mais aussi de l'efficacité. Nous n'en avons pas encore parlé. Par exemple, Santé Canada examine un médicament. Nous décidons de l'approuver ou pas. L'ACMTS, au nom de la province, demande ensuite si elle devrait recommander aux provinces que le médicament soit inclus sur leur formulaire et soit remboursé. Il ne s'agit pas de savoir si le médicament est sécuritaire; il s'agit plutôt d'examiner le rapport coût- efficacité. C'est une part importante des activités qui ont lieu dans le système de santé après la commercialisation. Il ne s'agit pas simplement que Santé Canada dise que le médicament est sécuritaire. Les provinces et les territoires et d'autres cherchent des traitements efficaces et avec un bon rapport coût-efficacité. Ils participent grandement à cet aspect. Il ne s'agit pas seulement de savoir s'il y a des effets mais aussi de savoir si le médicament fonctionne, s'il traite la maladie, s'il fonctionne aussi bien qu'on l'avait prévu et s'il s'agit d'une intervention qui est plus efficace que celle proposée par les autres médicaments sur le marché. J'imagine que c'est quelque chose dont vous entendrez parler des autres acteurs plus tard.
Au sujet de Yasmin et la pilule contraceptive, il s'agit d'un cas intéressant, étant donné qu'on nous compare et qu'on nous critique souvent pour ne pas avoir agi aussi rapidement que les autres organes de réglementation. Voici un cas où l'étiquette de Santé Canada comprenait déjà l'avertissement et la préoccupation à ce sujet. Nous n'avons pas eu besoin de mettre à jour notre étiquette. Nous n'avons pas eu à faire comme la FDA qui a mis à jour son étiquette parce que cela était déjà inclus sur l'étiquette canadienne. Nous l'avions déjà remarqué lors de notre approbation du médicament.
Quant aux raisons qui expliquent pourquoi elle n'a pas été retirée, il y avait des inquiétudes concernant son innocuité puisqu'il y avait plus de caillots qu'à la normale, mais il y avait aussi certains groupes pour qui ce médicament était plus efficace. C'était indiqué sur l'étiquette pour qu'un médecin, en l'utilisant judicieusement, puisse continuer à recueillir les bienfaits de ce médicament sans subir les risques. Par ailleurs, lorsqu'il y a toujours des avantages et des risques, l'étiquette indique aux prestataires de soins de santé où et quand utiliser le médicament de façon appropriée pour que les avantages soient plus importants que le risque. S'ils respectent cela, nous croyons que le médicament peut être bien utilisé.
Cependant, ils peuvent en dévier selon leur jugement professionnel, mais voilà la façon dont nous procédons. Nous allons mentionner les risques et encourager les praticiens de la santé à lire l'étiquette et ensuite, à bien prescrire le médicament au patient.
Dr Berthiaume : Une grande partie des renseignements que nous fournissons sur les produits, une fois commercialisés, sert à prendre des décisions éclairées. Pour les antibiotiques, par exemple, certains présentent plus de risques que d'autres, mais ils apportent aussi des avantages supplémentaires. Pour qu'un organe de réglementation décide de retirer un produit du marché, il faut qu'il y ait un changement clair dans l'équilibre entre le risque et les avantages.
Un peu plus de risques, s'ils sont clairement indiqués sur l'étiquette et que les renseignements sont disponibles pour le médecin et le patient, est toujours acceptable tant qu'il y a un consentement éclairé de la part du patient.
Le sénateur Seth : Oui, mais ce n'était pas le cas ici. Lorsque le médicament est arrivé sur le marché, ce n'était pas indiqué qu'il y avait un risque élevé de caillots de sang. Cela a été ajouté en décembre 2011. À l'époque, il a été rappelé. Il n'a pas été ré-étiqueté.
Dr Berthiaume : Pour toutes les pilules contraceptives, comme vous le savez...
Le sénateur Seth : Il s'agit d'un effet secondaire habituel.
Dr Berthiaume : Oui.
Le sénateur Seth : Ce n'est pas suffisant pour une patiente qui veut prendre ces médicaments. On sait qui devrait prendre ou ne pas prendre ce médicament.
Le président : Nous n'allons pas entrer dans une discussion sur un composé en particulier, mais vous pourriez transmettre tout renseignement concernant la question du sénateur au sujet de ce composé. Je ne veux pas que nous commencions à débattre d'une demande particulière.
Le sénateur Seth : Très bien.
Le président : Je vous remercie de votre réponse détaillée, monsieur Glover, et en particulier d'avoir indiqué que vous fournirez au comité une analyse encore plus détaillée de vos progrès dans un certain nombre de ces secteurs. Ai-je bien entendu?
M. Glover : Oui, c'est en réponse au rapport du vérificateur général; absolument.
Le président : Excellent.
Je ne poserai pas autant de questions que je l'aurais normalement fait, mais je veux en souligner quelques-unes qui se trouvaient dans le rapport du vérificateur général, que mes collègues ont mentionnées, pour peut-être ajouter à la façon dont nous examinons la situation et je vais vous demander de répondre de façon détaillée.
Premièrement, j'aimerais savoir quelque chose. Vous avez fait référence aux divers documents qui sont disponibles lorsqu'un médicament est prescrit à un patient. Vous avez dit qu'en plus de l'étiquette, il y a deux feuilles, mais ce que je vois aujourd'hui c'est qu'il y en a plusieurs, même pour des médicaments assez ordinaires.
Est-ce que ces feuilles sont préparées sous la supervision de Santé Canada ou est-ce le pharmacien ou l'entreprise pharmaceutique qui les rédige et les fournit pour qu'elles soient données avec la prescription? J'en reviens à la question à laquelle je pense vous avez extrêmement bien répondu concernant la différence entre avoir le pouvoir d'imposer des étiquettes et la persuasion. Ma question est la suivante : Avez-vous le pouvoir d'exiger que les renseignements soient inclus sur ces feuilles avant qu'on les ajoute sur l'étiquette?
Dr Berthiaume : Ces feuilles sont distribuées au point de service, elles sont donc la responsabilité de la pharmacie. Nous n'avons pas d'autorité directe sur le contenu de ces feuilles. Elles sont souvent préparées par le fournisseur qui les met à jour à titre de résumé sur les renseignements d'innocuité. Elles donnent au patient certains renseignements, mais comme M. Glover l'a déjà mentionné, ils sont souvent relativement courts et ciblés.
Le président : En plus de vos encouragements à rendre disponibles les renseignements, avez-vous la capacité ou l'autorité de fournir des renseignements directement aux pharmaciens et, comme vous l'avez indiqué, les laisser décider s'ils veulent les inclure dans ces feuilles?
Dr Berthiaume : La monographie canadienne ou l'étiquette canadienne a été modernisée il y a quelques années. La troisième section contient uniquement des renseignements pour le patient. Cette partie de la monographie du produit peut être imprimée facilement, même si elle est peut-être trop longue pour certains médicaments. Santé Canada prépare des renseignements pour le patient. Mais c'est aux professionnels de la santé de décider comment les utiliser.
Le président : Je comprends. Pourriez-vous dire que c'est lié à l'étiquetage disponible au pharmacien avant que cela soit inclus sur l'étiquette?
M. Glover : Non.
Le président : Bien. Je comprends que c'est non.
M. Maxwell veut ajouter quelque chose à ce sujet.
M. Maxwell : Oui. J'anticipe peut-être sur là où vous voulez en venir avec ces questions.
L'une des choses que nous avons mentionnées lors de la vérification est l'importance pour le ministère de savoir quelle est l'efficacité de ces communications sur les risques. Est-ce que les 80 pages de texte dense sont comprises? Santé Canada a pris l'engagement dans le cadre de sa stratégie de surveillance post-commercialisation de faire cette évaluation de l'efficacité. Nous avons mentionné qu'ils ne sont pas rendus très loin de ce côté. J'ai remarqué que dans son exposé préliminaire, M. Glover a dit qu'ils en sont encore aux toutes premières étapes.
Notre impression est que comprendre l'influence qu'ont ces choses sur le comportement n'a rien de scientifique. C'est quelque chose qu'essaient de déterminer divers organes de réglementation.
Le président : Merci beaucoup.
J'aimerais revenir à un point que le sénateur Seidman a commencé à explorer. Elle a parlé des groupes qui sont sous- représentés dans les essais cliniques et des médicaments qui leur sont prescrits. Le vérificateur général a indiqué à la page 24 de son rapport, et nous savons de toute façon que c'est ce qui se passe, qu'une fois un médicament approuvé, on constate que les médecins prescrivent et souvent le médicament pour des problèmes au sujet desquels il n'y a pas eu d'essais précis.
Dans cette situation, de même que lorsque l'on prescrit un médicament pour des groupes qui n'ont pas fait partie de l'essai clinique, les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées, exigeons-nous ou devrions-nous exiger que le comportement de ce médicament soit automatiquement déclaré au lieu de simplement attendre un essai de phase IV?
M. Glover : Monsieur le président, voilà une excellente question au sujet de laquelle il y aura certainement une vaste gamme d'opinions. Elle concerne les compétences provinciales, la pratique de la médecine et toutes sortes d'autres choses. Je peux vous présenter mon point de vue et certains des outils réglementaires que nous avons présentement.
Comme je l'ai dit dans mon exposé préliminaire, nous pouvons émettre un avis de conformité conditionnel. Si nous constatons qu'il y a des bienfaits d'un médicament dont on a besoin rapidement, nous pouvons le rendre disponible de façon conditionnelle, ce qui peut limiter son utilisation. Cela n'est pas fait souvent et, dans la communauté internationale de la réglementation, on réfléchit à des choses comme l'octroi progressif de permis; on pourrait permettre l'utilisation du médicament pour une utilisation seulement afin qu'il puisse être disponible sur le marché tout en empêchant les utilisations non conformes à l'étiquette. On songe à de nouvelles techniques pour gérer la commercialisation. Une fois un médicament sur le marché, on s'en remet au bon jugement des professionnels en ce qui concerne son utilisation.
Je crois que la France se penche sur une loi qui exigerait qu'un médecin informe le patient qu'il lui prescrit un médicament que l'on considérerait comme non indiqué. L'utilisation ne fait pas partie des usages pour lesquels il a été approuvé, mais que dans son opinion personnelle, il le recommande mais il devrait le dire au patient. Le système de santé songe à de telles approches.
Le président : Ce n'est pas cet aspect qui me préoccupe. Ce qui m'inquiète, c'est que cela se produise. Lorsque le médicament est prescrit à une femme enceinte, j'aimerais savoir si le médecin devrait automatiquement déclarer la réaction de la patiente alors qu'elle prenait ce médicament?
M. Glover : En tant que chargé de la réglementation, je crois personnellement que le système de santé est tenu de contribuer à l'efficacité générale de l'ensemble du système. Je pense que tout effet indésirable est important et devrait être signalé. Tout Canadien, tout citoyen du monde peut contribuer à l'utilisation sans risque de ces médicaments et à indiquer dans quels cas ils ne devraient pas être utilisés. Tout effet indésirable est incroyablement important et je pense que tous les éléments du système de santé sont obligés de les signaler et de contribuer ainsi à l'élargissement de notre base de connaissances.
Certains disent que ce que nous faisons se compare à la recherche d'une aiguille dans une botte de foin. Il y a moins de 10 p. 100 — certains vous diront moins de 1 p. 100 — des effets indésirables qui sont signalés. Plus on nous signalera de tels cas, plus nous serons en mesure de donner des conseils sur l'utilisation sans risque de ces médicaments. Je ne pense pas pouvoir vous en dire plus que cela.
J'apprécie votre réponse au sujet des effets indésirables, mais il y a un aspect positif. S'il existe l'obligation de recueillir de l'information lorsqu'un médicament est prescrit à un sous-groupe qui ne faisait pas partie de l'essai clinique ou qu'il est prescrit pour un symptôme pour lequel il n'a pas été approuvé, nos professionnels de la santé pourront mieux traiter les populations qui n'ont pas été incluses dans ces essais. Ce n'est pas demain la veille qu'on autorisera l'inclusion de certains sous-groupes dans les essais cliniques, or les médicaments leur sont prescrits une fois qu'ils sont approuvés. Je ne cherche pas seulement des aspects négatifs. Il pourrait bien y avoir un aspect positif, c'est- à-dire que les médecins pourront prescrire ces médicaments à ces sous-groupes en étant assurés que le nouveau médicament les aidera — à la condition que l'information qui existe soit recueillie. Je n'insisterai pas davantage, mais vous savez maintenant ce que je pense et si vous avez d'autres informations à me communiquer, je serais heureux de les entendre.
M. Glover : Merci pour ces précisions; je comprends mieux maintenant où vous vouliez en venir par votre intervention. Oui, toute information sur les bénéfices et les risques aidera les organes de réglementation à dire à la collectivité médicale quand et comment utiliser un médicament sans risque. C'est peut-être le cynique en moi qui s'exprime, mais ce que nous voulons éviter dans de tels cas — et je ne dis pas que toutes les sociétés pharmaceutiques le feraient —, c'est de créer un mécanisme qui permettrait aux sociétés d'éviter de faire les essais cliniques appropriés et de soumettre dès le départ une présentation réglementaire sur l'innocuité. Il est illégal de promouvoir une utilisation non indiquée sur l'étiquette; c'est interdit. Nous voulons nous assurer que les sociétés pharmaceutiques ne seront pas encouragées à commercialiser un médicament pour une utilisation par un autre mécanisme qu'une étude contrôlée, comme il se doit. Je ne dis pas que ce que vous proposez n'a aucun mérite, mais il y a d'autres facteurs à prendre en considération.
Le président : Nous examinerons la question des utilisations non indiquées sur l'étiquette dans le cadre de notre étude, alors je vous remercie de ce commentaire, mais ce n'est pas non plus ce que je proposais. Je pensais plutôt à la surveillance et à la question plus précise des populations sous-représentées dans les essais cliniques. Ces médicaments sont approuvés pour ces sous-populations. Tout simplement, il serait peut-être utile que les médecins qui prescrivent un médicament à un tel sous-groupe soient obligés de transmettre ces observations à Santé Canada. Mais, comme je l'ai dit, je ne vais pas insister davantage.
Il y a un autre aspect que je voulais examiner, mais je vois que notre temps est écoulé et que le sénateur Eggleton aurait une autre question à poser.
Pouvez-vous formuler vos questions et nous verrons si le témoin peut y répondre dans le temps qui nous reste; sinon, il pourra nous envoyer ses réponses plus tard. Posez vos questions afin qu'elles soient consignées dans le compte rendu.
Le sénateur Eggleton : Il faut que je fasse un préambule à ma première question car elle porte sur l'ouverture et la transparence, qui nous ont beaucoup occupés pendant la dernière phase de notre étude, surtout lorsque nous avons fait des comparaisons avec l'Union européenne et les États-Unis.
Ces questions reviennent sans cesse. Il y a eu un article dans le Vancouver Sun il y a quelques semaines au sujet du silence que Santé Canada maintient à propos des usines pharmaceutiques, de sorte que les Canadiens ne peuvent pas être sûrs que leurs médicaments sont sans risque. L'article citait un professeur de l'Université Victoria ainsi qu'un pharmacien et le directeur du centre de recherche appliquée en santé de l'Hôpital St. Michael's à Toronto.
En ce qui concerne les modifications aux étiquettes, Santé Canada ne rend pas publiques les raisons d'innocuité ou d'efficacité qui l'ont incité à faire modifier une étiquette, à moins que le ministère ne considère qu'il s'agit d'une affaire grave. Je me demande ce qui fait qu'une affaire est grave ou ne l'est pas, d'après vous.
J'aimerais également revenir à quelque chose que vous avez dit sur cette même question de la transparence. La dernière fois que vous avez comparu vous avez parlé de la protection des droits de propriété du fabricant. À cet égard, est-ce que nous faisons la même chose que l'Union européenne et les États-Unis? Avons-nous du retard pour ce qui est de la quantité d'informations que nous divulguons ou parce que nous utilisons les droits de propriété comme prétexte pour ne pas divulguer l'information? Pourriez-vous nous parler un peu de la transparence?
Ma prochaine question concerne le projet de loi C-51 qui a été déposé en 2008. À la dissolution du Parlement, le projet de loi est mort au Feuilleton. Je ne l'ai pas revu depuis. Le but de ce projet de loi était de moderniser nos dispositions comme l'ont fait l'Europe et les États-Unis. C'est le ministre et le gouvernement qui décideront s'ils ressusciteront ce projet de loi, mais j'aimerais que vous me disiez si le projet de loi C-51 créait des problèmes pour votre ministère? Est-ce pour cela que ce projet de loi n'a jamais été ramené?
Le président : Vous n'aurez jamais assez de temps pour répondre à ces deux questions et je vous demanderais donc de nous envoyer des réponses aussi détaillées que possible. Ce sont des questions importantes. En outre, nous avons examiné de manière très détaillée la question des dossiers médicaux électroniques dans le cadre de notre examen de l'accord de santé de 2004. Cela représente une somme astronomique, des milliards de dollars, qui ont été dépensés délibérément pour mettre au point un système de dossiers médicaux électroniques qui fournirait également l'information dont vous avez parlé aujourd'hui et sur laquelle mes collègues vous ont interrogé.
Je sais que la nature humaine est l'un des principaux facteurs qui expliquent que ce projet n'est pas encore abouti, mais je vous serais également reconnaissant de me dire ce que vous pensez des questions qui ont été posées, particulièrement en ce qui concerne la surveillance et la déclaration des effets indésirables, en plus de ce que vous aviez l'intention d'inclure dans le document que vous avez mentionné.
Monsieur Glover, les questions du sénateur Eggleton sont importantes et je sais que vous ne pouvez pas y répondre en quelques mots. Nous vous serions donc reconnaissants de nous envoyer votre réponse plus tard.
Monsieur Maxwell, si, en entendant les questions que mes collègues ont posées aujourd'hui, il vous est venu à l'esprit d'autres renseignements, en plus de ceux qu'il y avait dans votre témoignage qui, d'après le vérificateur général ou votre bureau, pourraient nous être utiles, n'hésitez pas à nous les envoyer.
Je tiens à remercier chacun d'entre vous des efforts que vous avez faits pour éclaircir les questions qui ont été posées et de la minutie avec laquelle vous avez répondu.
J'ai été très heureux, monsieur Glover, de votre franchise au sujet de votre situation et de la quantité d'informations additionnelles que vous avez promis de nous fournir dans le document que vous avez mentionné et nous avons vraiment hâte de le recevoir.
À nos témoins aujourd'hui, au nom de mes collègues, je vous remercie et je remercie les sénateurs de la clarté de leurs questions.
(La séance est levée.)