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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 24 - Témoignages du 1er novembre 2012


OTTAWA, le jeudi 1er novembre 2012

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 29, dans le cadre de son étude du projet de loi S-204, Loi établissant une stratégie nationale concernant l'insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique (IVCC).

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Mon nom est Kelvin Ogilvie, sénateur de la Nouvelle-Écosse et président du comité. Je demanderais à mes collègues de bien vouloir se présenter, en commençant par le sénateur Seidman, à ma droite.

Le sénateur Seidman : Judith Seidman, de Montréal, Québec.

Le sénateur Martin : Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Seth : Asha Seth, de Toronto, Ontario.

Le sénateur Unger : Betty Unger, d'Edmonton, Alberta.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

Le sénateur Cordy : Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Merchant : Pana Merchant, de la Saskatchewan.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, sénateur de Toronto et vice-président du comité.

Le président : Merci beaucoup, honorables sénateurs. Merci beaucoup à nos distingués témoins d'avoir accepté notre invitation. Il nous manque un des trois témoins. Nous espérons l'accueillir sous peu.

Docteur Laupacis, nous allons commencer par vous.

Dr Andreas Laupacis, directeur exécutif, Institut du savoir Li Ka Shing, Hôpital St. Michael, à titre personnel : Bonjour. Dans le cadre de mon exposé, je ferai un résumé des résultats d'une étude menée par plusieurs chercheurs canadiens et portant sur des observations scientifiques faites un peu partout dans le monde sur l'IVCC et la SP. Comme vous le savez sûrement, IVCC signifie insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique.

Cette étude a été subventionnée par les Instituts de recherche en santé du Canada.

Notre groupe de recherche est composé de 10 chercheurs ayant des domaines de compétences divers : sclérose en plaques; chirurgie vasculaire; neurochirurgie; neuroradiologie; statistiques; épidémiologie; systèmes de santé.

Je suis médecin en soins palliatifs à l'Hôpital St. Michael, à Toronto. J'aurais aimé me trouver sur place avec vous, à Ottawa, mais j'assure actuellement les services cliniques.

Je suis aussi chercheur. Un de mes domaines de compétence concerne l'examen des ouvrages scientifiques afin d'analyser les bienfaits et les méfaits connus des divers tests et traitements. J'ai également acquis beaucoup d'expérience dans l'utilisation de ces renseignements pour conseiller les divers ministères de la Santé au pays sur les tests que le système public de santé devrait couvrir.

Notre groupe a publié son premier rapport en juin 2011 et a depuis produit deux mises à jour, la plus récente en juin dernier. La prochaine est prévue pour décembre.

J'aimerais vous faire un résumé des résultats de nos observations jusqu'à maintenant. Notre étude des ouvrages scientifiques s'est concentrée sur ce que nous savons à propos de trois questions. Premièrement, l'IVCC, diagnostiquée par échographie, est-elle plus souvent détectée chez les personnes atteintes de SP que chez celles n'ayant pas cette maladie? Deuxièmement, que savons-nous des bienfaits des traitements contre l'IVCC chez une personne atteinte de SP? Troisièmement, que savons-nous des méfaits des traitements contre l'IVCC?

Concernant la première question, vous devez savoir que le Dr Zamboni, qui se joindra à nous prochainement, a décrit l'IVCC comme une anomalie anatomique de la circulation sanguine dans les veines drainant le cerveau et la moelle épinière. Dans son rapport initial, il souligne que l'IVCC peut être diagnostiquée par échographie, une technique non invasive n'ayant aucun effet secondaire.

Dans le cadre de son étude, le Dr Zamboni souligne qu'il a décelé une IVCC chez tous les patients atteints de SP qu'il a examinés, mais aucune chez les sujets en santé. C'est passionnant et stupéfiant à la fois, car il est très rare qu'une anomalie soit découverte chez 100 p. 100 des patients atteints d'une maladie et chez 0 p. 100 de ceux qui n'ont pas cette même maladie.

Plusieurs études sur l'IVCC chez des patients atteints de SP ont été effectuées par la suite pour voir s'il était possible de reproduire les résultats de l'étude du Dr Zamboni.

Dans le cadre de notre examen, nous avons analysé tous les ouvrages publiés concernant le diagnostic d'IVCC à l'aide d'une échographie et comparé les résultats pour les sujets atteints de SP et ceux en santé.

En tout, nous avons trouvé 11 études à examiner. Après avoir compilé les données et établi la moyenne des résultats, nous avons découvert que les patients atteints de SP étaient environ huit fois plus susceptibles d'avoir une IVCC comparativement à ceux en santé.

Toutefois, il y avait un écart considérable entre les résultats des différentes études. Certaines rapportaient une prévalence d'IVCC beaucoup moins élevée que les autres. Par exemple, selon une d'entre elles, aucun des sujets examinés, qu'ils soient atteints de SP ou non, ne souffrait d'IVCC. D'autres n'ont noté aucune différence dans la prévalence d'IVCC entre les deux groupes de sujets.

Selon mon expérience, il est très inhabituel d'avoir de tels écarts de résultats entre différentes études. Malheureusement, on ignore pourquoi ces écarts existent.

Qu'est-ce qui pourrait bien les expliquer? La technique utilisée pour pratiquer l'examen par échographie est très importante. Beaucoup de facteurs peuvent influencer les résultats : la pression appliquée sur le cou avec la sonde ultrasonore; la position du patient pendant l'examen; la respiration du patient; l'expérience du technicien. Il est également important que la personne qui fait l'examen ignore si le sujet est atteint de SP, car cela pourrait influencer son interprétation ou son analyse des résultats.

Les écarts de résultats sont peut-être attribuables aux techniques utilisées et à l'interprétation des résultats, mais nous l'ignorons.

Après avoir examiné le tiers des ouvrages, nous sommes d'avis que les résultats ne sont pas concluants. Ils ne permettent pas de confirmer ou d'infirmer ni la théorie selon laquelle l'IVCC est plus présente chez les personnes atteintes de SP que chez les personnes en santé, ni celle selon laquelle l'IVCC est liée à la SP.

À mon avis, les grands écarts de résultats des études menées sur le diagnostic d'IVCC par échographie montrent que cette méthode de diagnostic n'est pas prête à être utilisée dans la pratique clinique pour la détection de l'IVCC.

Passons maintenant à la deuxième question. Le traitement pour l'IVCC, la veinoplastie, consiste essentiellement à dilater la veine à l'aide d'un ballonnet de distension. De nombreux patients disent avoir remarqué une amélioration marquée de leurs symptômes. Ils se sentaient, notamment, moins fatigués et plus forts, et avaient les extrémités plus chaudes. D'autres ont remarqué peu d'améliorations ou n'en ont remarqué aucune.

Chez bon nombre de patients, entre 30 et 45 p. 100 d'entre eux, les veines rétrécissent de nouveau après la veinoplastie. Il est important de garder ce facteur en mémoire.

Il n'y a qu'une seule façon d'établir clairement que le traitement de l'IVCC entraîne une amélioration des symptômes de la SP et, si c'est le cas, le niveau et la durée de cette amélioration : il faut effectuer ce que l'on appelle une étude prospective sur échantillons aléatoires. Essentiellement, on divise un groupe en deux de façon aléatoire et un seul des deux groupes subit une veinoplastie. Dans le cadre de l'étude à laquelle participe le Dr Zamboni, en Italie, on semble utiliser une pièce de monnaie à trois côtés pour établir les groupes tests, puisque les deux tiers des patients qui participent à cette étude subiront cette intervention. Malheureusement, pour l'heure, aucune étude aléatoire sur la veinoplastie à titre de traitement pour l'IVCC n'a été publiée. Par conséquent, nous n'avons aucune donnée scientifique nous permettant d'établir les bienfaits de cette chirurgie dans ce contexte.

Plusieurs études aléatoires sont en cours sur la veinoplastie. Je suis au courant de six, dont certaines viennent tout juste de s'amorcer. Il faudra donc attendre un certain temps avant d'en avoir les résultats.

Parlons, finalement, des méfaits liés au traitement de l'IVCC. L'intervention consiste à insérer un cathéter par une veine dans l'aine et de le faire passer par les cavités du cœur jusqu'aux veines du cou où un ballonnet est brièvement gonflé, puis dégonflé. Plusieurs études font état d'effets secondaires de cette chirurgie, notamment un mal de tête qui disparaît après quelques heures ou quelques jours. L'effet secondaire le plus sérieux, qui touche environ 1 ou 2 p. 100 des patients, est un rythme cardiaque anormal attribuable à l'irritation causée par le passage du cathéter dans les cavités du cœur. Habituellement, la situation se rétablit, mais ce problème peut être très sérieux.

On rapporte également des saignements majeurs, parfois fatals, attribuables aux anticoagulants que doivent prendre les patients avant de subir la chirurgie. Chez certains, on a trouvé des caillots et des fuites dans les veines du cou où le ballonnet a été gonflé, alors que d'autres ont subi un AVC. Des endoprothèses installées dans le cadre de certaines interventions ont bougé et se sont parfois rendues jusqu'au cœur. C'est la raison pour laquelle ces appareils ne sont plus utilisés dans le traitement de l'IVCC.

En résumé, la majorité des patients ne ressentent aucun effet secondaire à la suite d'une veinoplastie. Toutefois, dans de rares cas, les effets secondaires peuvent être très sérieux, voire fatals.

Étant donné tout ce que nous savons sur les bienfaits et les méfaits de la veinoplastie à titre de traitement pour soulager l'IVCC, je suis d'avis que les systèmes de santé publics du Canada ne devraient pas assumer les frais de diagnostic ou de traitement de l'IVCC. Selon moi, les données scientifiques de qualité sont insuffisantes pour affirmer que les avantages sont plus importants que les risques ou qu'il est possible de diagnostiquer de façon fiable l'IVCC grâce à un examen de routine, encore moins dans le cadre d'études de recherches.

Voilà qui met fin à mon résumé de notre étude d'ouvrages scientifiques sur le sujet. Tous nos rapports et ouvrages ont été publiés dans Internet au www.ccsvi.reviews.ca. Pour de plus amples renseignements, j'encourage votre personnel et vous à consulter notre site. Vous pouvez également y laisser vos commentaires ou poser des questions.

Merci de m'avoir offert cette tribune.

Le président : Merci beaucoup, docteur Laupacis. Je tiens à rappeler à mes collègues que vous êtes en service et que vous pourriez être appelé à tout moment.

Passons maintenant au Dr Robert Zivadinov, directeur du Centre d'analyse en neuro-imagerie de Buffalo. Je sais que vous avez fait un effort considérable pour être ici aujourd'hui, et nous vous en sommes très reconnaissants.

Dr Robert Zivadinov, directeur, Centre d'analyse en neuro-imagerie de Buffalo, à titre personnel : Merci beaucoup. Comme l'a souligné le président, je suis le directeur du Centre d'analyse en neuro-imagerie de Buffalo et professeur au Département de neurologie de l'Université de Buffalo, à Buffalo, dans l'État de New York.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je tiens à vous remercier de m'avoir invité afin de vous parler de l'état de la recherche sur le sujet du projet de loi S-204 et de vous offrir ce que je considère être un point de vue important sur le débat scientifique et public concernant l'insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique.

Bien que je sois conscient que la sclérose en plaques est, et avec raison, l'élément motivateur de cette discussion, je tiens à féliciter les auteurs de cette mesure législative d'avoir adopté une approche plus large, à savoir l'établissement d'une stratégie nationale concernant l'IVCC.

J'aimerais reconnaître l'énorme contribution de mes collègues de l'Université de Buffalo, notamment la Dre Bianca Weinstock-Guttman, le Dr Adnan Siddiqui, le Dr Ralph Benedict et le Dr Murali Ramanathan. Leur collaboration nous aura permis de mener à terme plus de 25 études sur le sujet.

Je vais peut-être vous surprendre un peu, mais en tant que chercheur scientifique, je voudrais insister pour que se poursuivent les études qui nous permettront de prévenir les risques et d'accélérer la découverte d'avantages pour la santé publique en ce qui a trait à l'IVCC, à la SP et à d'autres troubles neurologiques.

Comme vous le savez, après la parution de l'hypothèse selon laquelle l'IVCC ne se retrouve que chez les personnes atteintes de SP, l'intérêt pour le sujet a monté en flèche, et les patients se sont mis à chercher et à recevoir des traitements au Canada et ailleurs dans le monde. Les risques et avantages pour ces patients sont devenus évidents, mais ils ont été amplifiés par les médias citant des anecdotes de nature scientifique et faisant état des résultats pour les patients traités. Je crois que vous êtes déjà d'accord avec moi que la gestion de la santé publique par l'entremise des médias n'est pas un gage de succès. Je crois, surtout, qu'étant donné les risques à court et à long terme de l'utilisation d'endoprothèses et les risques de moyens à élevés d'une seconde insertion d'endoprothèses suivant une veinoplastie, ces interventions devraient être soumises à des essais cliniques à l'insu, contrôlés et aléatoires afin d'en établir la sûreté et l'efficacité.

Malgré les résultats de nos recherches qui tendent à démontrer que l'IVCC n'est pas la principale cause de la SP, nous avons établi qu'il y a une prévalence plus élevée d'IVCC chez les patients atteints de SP progressive. Cela laisse entendre que l'IVCC pourrait contribuer à la progression de la maladie ou en être une conséquence, ce qui aurait de sérieuses conséquences sur le traitement des symptômes.

Au cours des prochaines minutes, je vais vous expliquer pourquoi il est essentiel, selon moi, de poursuivre les études sur l'IVCC afin d'arriver à trois résultats importants. Premièrement, nous devons définir ce qu'est un diagnostic réussi. Nous devons définir et valider le spectre des anomalies veineuses crâniennes et extracrâniennes ainsi qu'établir des normes de référence fiables en matière de diagnostic. Cela demande des études à modèles multiples et une meilleure formation des techniciens.

Deuxièmement, nous devons définir ce qu'est une réussite clinique. Il faut absolument entreprendre des essais contrôlés, aléatoires et à l'insu afin d'établir d'abord les résultats cliniques à utiliser dans le cadre des essais cliniques qui seront menés sur la SP et l'IVCC avant d'évaluer l'efficacité du traitement endovasculaire par rapport à ces résultats.

En outre, nous devons combler l'écart béant entre les estimations sur la prévalence de l'IVCC qui, comme l'a souligné le témoin précédent, varient de 0 à 100 p. 100 en fonction de la population examinée, de la méthode employée, des critères respectés et de la technique d'imagerie utilisée. Ensuite, en nous appuyant sur des mesures diagnostiques et cliniques valides, nous devrons déterminer le niveau d'efficacité du traitement endovasculaire.

Ce sont là les trois étapes distinctes qu'il faudra franchir.

Pour déterminer l'efficacité du traitement endovasculaire, il faudra mener des essais contrôlées avec placébo en utilisant des techniques d'imagerie plus avancées, et ce, sur un plus grand nombre de patients. Nonobstant le fait que nous nous soyons d'abord concentrés sur la SP, il est important de noter que la science nous pousse à analyser davantage l'IVCC afin de déterminer s'il s'agit d'un syndrome qui se caractérise par des maux de tête, de la fatigue, des troubles du sommeil et un dysfonctionnement du système nerveux autonome pouvant être améliorés grâce à un traitement endovasculaire. Nous devons également définir quels résultats permettent d'établir l'efficacité de telles interventions.

Permettez-moi de parler brièvement des difficultés liées à l'établissement de mesures diagnostiques valides. Les veines ont tendance à s'affaisser et à changer de morphologie et de taille en fonction de multiples facteurs qui peuvent varier pendant les tests. Bien que les radiologistes sachent généralement comment effectuer une imagerie diagnostique et une intervention, il n'existe aucune norme établie pour relever la présence d'anomalies pouvant indiquer une IVCC. À notre avis, il faut normaliser la formation sur l'appareil d'échographie écho-Doppler couleur pour les examens extracrâniens et transcrâniens qui permet d'évaluer les paramètres morphologiques et hémodynamiques, ainsi que la détection d'anomalies veineuses, intracrâniennes et extracrâniennes grâce à des études à modèles multiples sur l'approche en matière d'imagerie.

En raison de la complexité des réseaux veineux intracrânien et cervical, il est pratiquement impossible, dans le cadre d'essais, de tenir compte de tous ces facteurs, peu importe la méthode d'imagerie utilisée. Par conséquent, il est nécessaire d'adopter une approche à modèles multiples.

Avec le temps qu'il me reste, j'aimerais parler des principaux enjeux des résultats cliniques. Contrairement à l'hypothèse avancée plus tôt, les études montrent que l'IVCC ne touche pas uniquement les patients atteints de SP. De plus, des études récentes remettent en question l'IVCC chez les patients atteints de SP. Il faut d'abord expliquer ces divergences avant d'étudier un traitement.

À mon avis, le fait que la plupart des études jusqu'à maintenant aient reposé sur l'hypothèse selon laquelle il y a une IVCC ou non pourrait expliquer ces écarts. Aucune ne considérait une variation ou une gradation de la gravité de l'IVCC.

Nos derniers essais à l'insu, menés sur le plus grand nombre de patients atteints de SP à ce jour, visaient à rapprocher ces résultats disparates en examinant, à l'aide d'une approche d'imagerie à modèles multiples, la prévalence de l'IVCC chez des patients souffrant d'autres troubles neurologiques et chez des sujets en santé. Grâce à l'appareil d'échographie écho-Doppler couleur et à des techniciens expérimentés, nous avons diagnostiqué l'IVCC dans les proportions suivantes : 56 p. 100 des patients atteins de SP; 42 p. 100 des patients souffrant d'autres troubles neurologiques; 38 p. 100 des patients présentant une atteinte clinique initiale — le syndrome isolé cliniquement ou SIC —; 22 p. 100 des sujets en santé.

Chez les patients atteints de SP ayant un IVCC, la circulation nette du liquide céphalorachidien et l'irrigation cérébrale étaient considérablement plus lentes, en fonction de la gravité de l'insuffisance, comparativement au groupe composé de patients atteints de SP, mais n'ayant pas une IVCC. Malgré ces résultats, d'autres données sont nécessaires afin de confirmer le lien entre l'IVCC et la SP.

Selon les résultats récents que j'ai présentés en octobre dernier à Lyon, en France, dans le cadre de la réunion du Comité européen pour le traitement et la recherche sur la sclérose en plaques, jusqu'à 54 p. 100 des patients atteints d'autres troubles neurologiques avaient une IVCC. Ce résultat, ainsi que le pourcentage plutôt élevé de sujets en santé ayant une IVCC, soulève une question légitime sur la nécessité du traitement endovasculaire pour soulager l'IVCC. Il est aussi permis de se demander si ce traitement devrait être réservé aux patients atteints de SP ou si d'autres personnes ayant une IVCC devraient y être admissibles.

Vous comprendrez qu'il m'est difficile de tout vous dire en sept minutes et de ne pas vous présenter bon nombre des données qui appuient mes conclusions. Je vais donc vous faire un résumé de ce qui constitue, à mon avis, l'avenir de la recherche scientifique en ce qui concerne l'IVCC chez les patients atteints de SP et d'autres troubles neurologiques.

Il faut absolument reconnaître qu'il est impossible d'évaluer les bienfaits des traitements endovasculaire pour soulager l'IVCC sans savoir exactement qui est touché par cette insuffisance, ni de déterminer la nécessité du traitement ou de définir le résultat optimal du traitement et la méthode à utiliser afin d'en déterminer l'efficacité.

Selon nous, les données actuelles sur le lien entre l'IVCC et la SP justifient la tenue des phases I et II d'essais cliniques à l'insu, aléatoires et contrôlées afin d'évaluer les bienfaits de la chirurgie endovasculaire. Ces essais devraient s'appuyer sur des résultats cliniques établis provenant d'examens par IRM et de traitements visant l'amélioration de la qualité de vie, et au moyen d'approches sûres et éthiques. Si l'on arrive à confirmer le bienfait de ce traitement pour soulager l'IVCC, on pourra passer à la phase III des essais pour déterminer s'il peut être offert au public en général.

En outre, je crois qu'il est temps d'élargir la discussion sur le traitement de l'IVCC pour tenir compte des patients qui souffrent d'autres troubles neurologiques, pas seulement ceux atteints de SP. D'ici là, je suis d'avis qu'il faut éviter le traitement endovasculaire pour soulager l'IVCC chez les patients atteints de SP ou d'autres troubles neurologiques, et ce jusqu'à ce que des essais cliniques bien conçus et approuvés aient été menés.

Heureusement, nous savons quelles études il faut mener, comment les mener et quelles seront leurs implications sur la santé publique. Seuls le temps et, bien entendu, l'argent nous permettront de devancer le moment où les résultats de ces études pourront améliorer la vie des patients atteints de SP et d'autres troubles neurologiques.

Le président : Le Dr Zamboni ne s'est pas encore joint à nous. Je tiens à vous informer que c'est congé aujourd'hui, en Italie. C'est la Toussaint. Le docteur doit parcourir une grande distance pour se rendre à l'unique centre de conférences que l'on a pu lui trouver. De toute évidence, il a été retardé.

Êtes-vous d'accord pour que l'on termine la réponse à la question posée, lorsqu'il se joindra à nous, pour lui permettre de présenter son exposé?

Des voix : D'accord.

Le président : Merci aux témoins pour ces exposés. Passons maintenant aux questions des sénateurs, jusqu'à ce que le Dr Zamboni puisse se joindre à nous.

Le sénateur Cordy : Le projet de loi S-204 propose d'établir une stratégie nationale concernant la sclérose en plaques et de recueillir des informations auprès des patients ayant subi le traitement ailleurs qu'au Canada. Il y est question aussi des soins de suivi. Des centaines de personnes m'ont dit être inquiètes à l'idée de devoir aller de nouveau ailleurs pour subir le traitement et du manque de soins de suivi une fois de retour au pays.

Cette mesure propose également la mise sur pied d'essais cliniques. Heureusement, le gouvernement a annoncé la tenue de tels essais devant s'amorcer aujourd'hui même, le 1er novembre. C'est donc jour de réjouissance. Ces essais ont pour but de recueillir des renseignements scientifiques canadiens, et c'est ce que nous recherchons.

Docteur Laupacis, vous avez parlé en détail du taux de complications. Le Dr Alain Beaudet est venu témoigner au comité. Il nous a parlé, entre autres, des essais effectués dans une clinique située à Albany, dans l'État de New York, et de ses discussions avec le personnel de cette clinique. Un des médecins qui y travaillent, le Dr Gary Siskin, prétend que le taux de complications de l'angioplastie veineuse est de 1,6 p. 100. C'est différent de ce que vous avancez. Qu'en pensez-vous?

Dr Laupacis : Je crois que je me suis mal fait comprendre. J'ai dit que le taux de complications sérieuses se situait entre 1 et 2 p. 100. Les résultats publiés par le groupe du Dr Siskin ont beaucoup influencé notre évaluation. Je crois que nous sommes du même avis. Le taux de complications sérieuses est très bas.

Le sénateur Cordy : Merci de ces précisions.

Vous avez parlé de décès et d'AVC. Auriez-vous des chiffres à nous fournir sur la prévalence de ces deux conséquences?

Dr Laupacis : Non. Malheureusement, le nombre d'études menées jusqu'à maintenant est très limité. À mon avis, de nombreuses cliniques offrent ce traitement à des patients qui viennent de très loin. Elles ont donc du mal à leur offrir des soins de suivi. La clinique située au Costa Rica effectue peut-être un nombre élevé de veinoplastie, mais elle ignore comment se portent les patients une fois qu'ils sont rentrés chez eux. Je crois que le taux de complications est plus élevé que ce que l'on rapporte, car, habituellement, les études ne suivent pas les patients sur de longues périodes.

Le sénateur Cordy : Ce projet de loi est important pour que l'on puisse recueillir des renseignements auprès de Canadiens ayant subi cette intervention ailleurs et qui rentrent ensuite au pays.

Vous avez parlé de votre site Web, ccsvireviews.ca, financé par les IRSC. Vous y répondez aux questions de particuliers sur le traitement de l'IVCC. Avez-vous déjà assisté à une veinoplastie? Selon votre expérience ou vos observations, que pensez-vous de cette chirurgie?

Dr Laupacis : Je suis interniste général et médecin en soins palliatifs. L'intervention n'est pas offerte au Canada, alors je n'ai vu personne la pratiquer. Toutefois, j'ai beaucoup d'expérience dans l'évaluation des ouvrages scientifiques concernant plusieurs interventions n'ayant aucun lien avec la SP. Je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il sera avantageux de faire un suivi auprès des patients canadiens ayant subi cette chirurgie ailleurs. Cela nous donnera une meilleure idée du taux de complications sérieuses. Si, trois semaines après avoir subi le traitement, un patient présente un gros hématome au cou, on saura que c'est une conséquence de l'intervention. Par contre, je suis d'accord avec le Dr Zivadinov : je doute que ce genre d'essais cliniques nous aide à déterminer si l'intervention est efficace. Pour cela, notamment pour évaluer les symptômes importants des patients, comme la fatigue et la chaleur dans les extrémités, il faut mener des essais contrôlés et aléatoires.

Le sénateur Cordy : Je suis d'accord avec vous que ces essais sont nécessaires, mais il est important de recueillir des renseignements auprès de ceux qui ont subi cette chirurgie ailleurs pour en évaluer l'efficacité.

Docteur Zivadinov, vous dites que, si l'on peut confirmer l'hypothèse selon laquelle l'IVCC serait la cause sous- jacente de la SP, cela aura une incidence sur notre compréhension de la maladie. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

Dr Zivadinov : Nous sommes arrivés à cette conclusion dans le cadre de la phase initiale d'un essai pilote amorcé en collaboration avec le Dr Zamboni. Y participaient huit patients atteints de SP de Buffalo et huit d'Italie, ainsi qu'un groupe de sujets en santé. Selon les résultats de cet essai, tous les patients atteints de SP avaient une IVCC contre aucun chez les sujets en santé. À partir de ces résultats, nous avons amorcé de nouveaux essais avec un plus gros groupe de sujets, et les résultats de la phase I ont été publiés. En tout, 499 personnes y ont participé, dont des patients atteints de SP, des personnes souffrant d'autres troubles neurologiques et d'autres présentant une atteinte clinique initiale.

L'essai s'est poursuivi, et nous nous préparons à accueillir 500 autres sujets, ce qui portera le total à plus de 1 000 personnes. Comme je l'ai mentionné plus tôt, les données provenant de la première étape de la phase II ont été présentées au Comité européen pour le traitement et la recherche sur la sclérose en plaques. Il s'agissait d'un essai mené sur 234 patients atteints de SP et 78 souffrant d'autres troubles neurologiques.

Selon les résultats, la prévalence d'IVCC chez les patients souffrant d'autres troubles neurologiques est considérablement plus élevée. Les affections en question ont été divisés en quatre groupes : les affections neuromusculaires, neurovasculaires, neurodégénatives et neuro-auto-immunes. Chaque groupe comprenait différents troubles. Par exemple, dans les affections neuromusculaires, il y avait des cas de myasthénie grave et de polyneuropathie. La prévalence d'IVCC était très similaire dans les deux cas.

À mon avis, les données précédentes, ainsi que les plus récentes qui n'ont pas encore été publiées, mais que j'ai présentées au comité européen et dont je vous fais part, ces données, dis-je, portent à croire que l'IVCC ne cause pas la SP. Elle en serait plutôt une conséquence. Il serait essentiel que le comité le comprenne et saisisse notamment pourquoi on retrouve plus de cas d'IVCC chez les patients souffrant d'affections neurologiques qui sont moins mobiles et plus handicapés. Personne ne le sait. Peut-être notre groupe est-il le seul à avoir publié les résultats de deux études sur les facteurs de risques de l'IVCC. Pour votre information, la première étude a été publiée dans le journal Plos One, en novembre dernier, et la deuxième dans le journal Neurological Research, il y a quelques semaines. Elles ont toutes les deux été menées sur environ 250 sujets en santé, et elles visaient à évaluer une variété de facteurs de risque menant à une prévalence plus élevée d'IVCC chez des personnes en santé. Les conclusions des deux études étaient très similaires : les facteurs de risque cardiovasculaires — les maladies du cœur, l'obésité, le surpoids et le tabagisme — sont les plus importants facteurs de risque en ce qui a trait à l'IVCC. Cela laisse entendre que les personnes dont les mouvements sont limités en raison d'un handicap, comme c'est le cas pour les personnes souffrant de troubles neurologiques, sont plus susceptibles de développer ces facteurs de risque et, par conséquent, d'avoir une IVCC.

Le problème, c'est lorsque les gens commencent à souffrir de sténose. Quelles sont les conséquences de l'IVCC pour les patients souffrant d'un trouble neurologique, qui sont plus handicapés et qui manquent de mobilité comparativement à une personne en santé?

Nos récentes études se penchent sur deux choses très différentes. Nous tentons de comprendre, chez les personnes en santé, les changements hémodynamiques et structurels du cerveau, qu'elles aient ou non une IVCC. À mon avis, cette recherche s'étirera sur des décennies et pourrait apporter des réponses importantes sur les facteurs de risque de nombreux troubles neurologiques qui constituent un énorme fardeau pour le système de santé publique.

Maintenant, quelle conséquence a l'IVCC chez les personnes souffrant de troubles neurologiques? Selon un essai d'envergure mené sur environ 300 patients atteints de SP, la prévalence d'IVCC était plus élevée chez ceux ayant une SP primaire ou secondaire progressive, et donc ceux qui sont plus handicapés.

Pour répondre à votre première question — et je suis désolé si j'ai pris beaucoup de temps avant d'y arriver —, il nous est impossible d'affirmer que l'IVCC est une des causes d'une maladie secondaire progressive ou si elle en est une conséquence. C'est certainement une chose qu'il faudra examiner davantage dans le cadre d'études longitudinales.

Le sénateur Cordy : Vous avez parlé plus tôt de l'utilisation de l'imagerie à modèles multiples pour diagnostiquer l'IVCC chez les patients atteints de SP et ceux qui n'ont pas cette maladie. Dans le cadre d'une de vos présentations précédentes, vous avez parlé des études positives et négatives, de ce qu'elles nous apprennent et de qui les publie. Ces études ont-elles été réalisées en utilisant l'imagerie à modèles multiples, cette approche que vous proposez?

Dr Zivadinov : Merci pour cette question. Je crois qu'elle est au cœur de ce débat. Comme vous le savez, puisqu'il en a déjà été question, la prévalence d'IVCC varie entre 100 et 0 p. 100, selon les sources. Avec toutes les techniques avancées d'imagerie disponibles de nos jours, il est incroyable que l'on en arrive à un tel résultat.

À mon avis, pour que le diagnostic d'IVCC soit confirmé, le patient doit absolument remplir deux critères extracrâniens ou intracrâniens. Selon tous les examens que nous avons menés, moins de 25 p. 100 des patients remplissaient trois critères ou plus. La plupart remplissent deux critères ou moins.

Le deuxième critère de l'examen par appareil d'échographie Doppler concerne le reflux intracrânien et le reflux cérébral profond. Dans la plupart des études négatives, ce critère n'est pas rempli. Donc, le patient ne remplit qu'un seul critère, et on conclut donc qu'il n'a pas d'IVCC. Je vous l'explique en termes simples. En consultant les études publiées jusqu'à maintenant, celles qui rapportent 0, 3, 5 ou 16 p. 100 de cas d'IVCC, vous remarquerez que seulement entre 30 et 50 p. 100 des patients examinés remplissaient un critère ou plus.

Je ne suis pas d'accord avec bon nombre de mes collègues qui disent qu'il n'y a pas d'IVCC. C'est vrai que c'est ce que nous apprend le diagnostic catégorique, mais comme je l'ai mentionné dans mon exposé, c'est un problème. Je vais vous donner un exemple.

La sténose et les blocages de la carotide sont asymptomatiques jusqu'à ce que le rétrécissement de la lumière atteigne 70 p. 100. Le patient risque alors de subir un accident ischémique transitoire, un accident vasculaire cérébral ou ce genre de choses. Je dirais qu'on observe un phénomène similaire dans le système veineux. La sténose touche les veines à un pourcentage donné, qui est toutefois bien plus difficile à déterminer. Nous devons comprendre quels paramètres hémodynamiques de la sténose sont associés à des symptômes cliniques qui pourraient aggraver l'affection sous-jacente ou favoriser la prédisposition à une nouvelle maladie.

L'examen Doppler constitue probablement un très bon outil de dépistage s'il est réalisé par un spécialiste, comme l'imagerie multimodale l'a démontré à maintes reprises, mais il pourrait ne pas être aussi efficace si c'est un généraliste qui le pratique. Je ne crois pas qu'il soit possible d'uniformiser la procédure diagnostique au moyen d'une seule technique d'imagerie; il faudrait plutôt confirmer les résultats à l'aide de deux ou trois techniques non invasives. Une simple phlébographie par résonance magnétique permet de constater qu'environ 50 p. 100 des veines sont sténosées chez les patients atteints d'une forme progressive de sclérose en plaques, une proportion qui diminue sans contredit à 25 p. 100 chez ceux qui sont moins malades. Aussi, la phlébographie par résonance magnétique a permis de constater que 15 p. 100 des témoins en santé ont un problème semblable.

On pourrait aussi adopter une norme diagnostique de pointe, à savoir l'utilisation d'une technique qui témoigne vraiment des progrès scientifiques, comme l'échographie intravasculaire. Nous venons de présenter au comité européen pour le traitement et la recherche sur la sclérose en plaques, ou ECTRIMS, les premières études sur l'échographie intravasculaire chez des patients atteints d'insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique, ou IVCC. Nous avons donc utilisé la technologie Doppler dans les veines de patients atteints de sclérose en plaques afin de démontrer que les anomalies sont plus fréquentes que le laisse croire la phlébographie à l'aide d'un cathéter, qui est prétendument la référence en la matière.

Nombreux sont ceux qui ont affirmé, devant le comité et ailleurs, que la phlébographie à l'aide d'un cathéter est ce qui se fait de mieux. Nous sommes toutefois d'avis que des techniques d'imagerie encore plus précises comme l'échographie intravasculaire permettent de voir encore plus clair.

En résumé, je crois qu'on ne devrait pas se limiter à une technique d'imagerie non invasive pour évaluer ce genre de problèmes, compte tenu de la controverse qui fait rage et de la tendance à ne pas signaler la présence d'IVCC alors que 30 à 40 p. 100 des patients pourraient être atteints d'une sténose veineuse à divers degrés.

Le sénateur Eggleton : Je suis ravi que des essais cliniques soient réalisés au Canada, car il reste visiblement des questions et des doutes à éclaircir. Espérons que ces études contribueront à clarifier un certain nombre d'enjeux.

Docteur Laupacis, vous avez dit dans votre exposé que la majeure partie des patients ne souffrent pas d'effets secondaires graves à la suite d'une angioplastie veineuse. Par contre, vous avez indiqué que ces effets graves, bien que rares, peuvent entraîner la mort. En réponse aux questions du sénateur Cordy, vous avez affirmé que cela peut se produire dans un ou deux pour cent des cas.

Nous avons déjà appris que certains médicaments prescrits aux patients atteints de sclérose en plaques peuvent produire des effets secondaires graves et même entraîner la mort. Dans quelle mesure les effets secondaires de la procédure sont-ils comparables à ceux des médicaments chez certains patients?

Dr Laupacis : Je dirais que la différence réside surtout dans notre connaissance de ces médicaments et de l'angioplastie veineuse dans le traitement de l'IVCC. Les médicaments ont fait l'objet de nombreux essais randomisés de qualité, qui ont été menés auprès de deux ou trois mille patients. Leurs effets secondaires graves sont indéniables, mais nous en connaissons aussi les bienfaits grâce aux essais.

En résumé, il a été prouvé qu'aucun de ces médicaments ne fait de miracles ou ne guérit la maladie. Ils semblent toutefois procurer des bienfaits et assurer une certaine qualité de vie à une sous-population de patients — surtout à ceux qui sont atteints de la forme récurrente-rémittente de la maladie.

En réponse à votre question, si j'étais au courant des effets secondaires des médicaments, mais que j'en ignorais totalement les bienfaits, je dirais aussi qu'ils ne devraient pas être prescrits par le système de soins de santé subventionné par l'État. Or, je pense que nous en connaissons suffisamment les bienfaits et les effets secondaires ou risques pour permettre aux patients de choisir eux-mêmes s'ils veulent les utiliser ou non.

Le sénateur Eggleton : Votre dernière phrase laisse entendre que vous êtes plutôt contre ce traitement endovasculaire de l'IVCC. Êtes-vous toujours ouvert à l'idée, ou avez-vous décidé que cette procédure ne sera pas vraiment profitable?

Dr Laupacis : Si vous consultez mes écrits, vous constaterez que j'ai demandé ce genre d'essais randomisés il y a deux ou trois ans. J'évolue dans le système de soins de santé depuis 25 ou 30 ans. J'ai vu des traitements très prometteurs s'avérer à la hauteur de nos attentes, mais d'autres aussi qui causaient plus de préjudices que de bienfaits, au bout du compte.

Je crois fermement qu'il faut des preuves avant d'administrer une nouvelle forme de traitement, tant pour le bien des patients que pour celui du système de soins de santé, qui est franchement mis à rude épreuve. Je serais ravi que des études randomisées démontrent les bienfaits du traitement, mais je suis là depuis assez longtemps pour savoir que les résultats sont souvent surprenants.

Le sénateur Eggleton : Le Dr Zivadinov a peut-être quelque chose à ajouter.

J'aimerais aussi savoir autre chose, puisque nous discutons de la possibilité de mener ce genre d'essais. D'autres pays ont certainement réalisé des études semblables. Pourriez-vous nous éclairer à ce sujet?

Dr Laupacis : À vrai dire, aucune étude n'a été complétée à ce jour. Comme je l'ai dit, je suis au fait de six études randomisées en cours. D'ailleurs, le Dr Zamboni participe à la plus importante d'entre elles, qui touche plus de 600 patients en Italie, et qui vient d'être lancée. Les États-Unis ont commencé des essais il y a un moment déjà, mais n'en ont visiblement pas encore tiré de conclusion. À l'heure actuelle, on ne signale dans le monde aucune étude randomisée complétée sur le traitement de l'IVCC.

Dr Zivadinov : Vous êtes peut-être au courant des deux essais que nous avons réalisés à Buffalo, dont un en collaboration avec le Dr Zamboni. Les résultats ont été publiés cette année — il ne s'agit toutefois pas d'une étude randomisée. Elle portait sur 15 patients, dont 7 appartenaient au volet différé et 8 au volet immédiat. Nous avons constaté certains bienfaits, mais il ne s'agissait évidemment pas d'une étude randomisée.

Nous avons par la suite lancé PREMiSe, une étude prospective, randomisée et contrôlée par placébo sur la sclérose en plaques, qui a été menée auprès de 30 patients. La phase I, qui comptait 10 patients, visait à évaluer l'innocuité et l'admissibilité de la procédure. Les 20 autres patients ont ensuite été répartis de façon aléatoire entre le groupe de comparaison et le groupe de traitement. Ils ont été suivis pendant six mois et ont subi une grande variété d'examens après un, trois et six mois. Les données recueillies sont en cours d'analyse, et les résultats seront probablement dévoilés bientôt. Je pense qu'il s'agit de la toute première étude randomisée et contrôlée par placebo.

J'aimerais attirer votre attention sur deux ou trois aspects importants au sujet des résultats du traitement. Les études réalisées à ce jour examinent l'autoévaluation de la qualité de vie des patients, qui indiquent s'ils se sentent mieux ou non. Je participe à des études cliniques sur la sclérose en plaques depuis plus de 15 ans, et je suis reconnu pour avoir réalisé l'IRM dans le cadre des plus grandes études de phase III au monde. Je sais donc que les essais cliniques sur la sclérose en plaques doivent être fondés sur des critères objectifs permettant de déterminer si le traitement à l'étude permet d'améliorer la qualité de vie du patient tout en réduisant son risque de rechutes et d'apparition de nouvelles lésions en hypersignal T2 et favorisant le GAD. Voilà les données que nous avons recueillies dans le cadre de notre étude.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, il serait selon moi un peu prématuré de mener une étude auprès de 600, de 700 ou de 1 000 patients puisque des études de phase I et II plus modestes, contrôlées par placebo et menées auprès de 100 à 200 personnes n'ont pas démontré clairement le bien-fondé d'une étude randomisée et contrôlée plus importante.

N'oublions pas qu'il faut suivre certaines étapes lors du développement de tout médicament. Je pense que l'autoévaluation des patients et les essais ouverts ont présenté des signes positifs. Il faut ensuite réaliser des essais randomisés et contrôlés de phases I et II. Ce sont les résultats qui dicteront les études subséquentes à mener.

Vous n'avez peut-être pas saisi, mais je voulais dire que les résultats du traitement de la sclérose en plaques sont connus — ils sont liés à l'IRM et à la qualité de vie, mais qu'en est-il de l'IVCC? Cherche-t-on à diminuer les maux de tête, la fatigue et les troubles du sommeil? Les études devraient-elles évaluer ce genre de résultats de traitement? Par exemple, une opération chirurgicale sur un patient atteint de la maladie de Parkinson pourrait réduire sa fatigue, ses maux de tête et ses troubles du sommeil. Je crois donc qu'il existe deux types de résultats cliniques : un qui soit lié à la sclérose en plaques et l'autre, à l'IVCC en général.

Le président : Merci.

Le Dr Zamboni vient d'arriver. Comme nous l'avons convenu, nous allons lui laisser la parole. Lorsqu'il aura terminé son exposé, je laisserai d'abord la parole au sénateur Cordy, qui devra limiter ses questions puisque nous utiliserons la longue liste. Je reviendrai ensuite à la liste actuelle, puis je laisserai la parole aux sénateurs qui n'ont pas encore posé de question.

Êtes-vous d'accord?

Des voix : Oui.

Le président : M'entendez-vous, docteur Zamboni?

Dr Paolo Zamboni, directeur, Centre des maladies vasculaires, Université de Ferrara, Italie : Oui, merci. Veuillez m'excuser.

Le président : Nous savons que vous avez fait beaucoup de chemin pour trouver un endroit à partir duquel vous pourriez communiquer avec nous aujourd'hui. Nous vous remercions infiniment d'avoir fait des pieds et des mains pour nous parler.

Comme vous le savez, deux autres témoins ont présenté un exposé puis ont répondu à un certain nombre de questions. Nous avons convenu de vous laisser prononcer votre exposé dès votre arrivée. Nous avons en main le texte que vous nous avez fait parvenir. Je vous laisse donc la parole sans plus tarder.

Dr Zamboni : Merci beaucoup. J'ai essayé de mettre l'accent sur certains éléments. Je crois toutefois qu'il est essentiel de favoriser la réalisation d'études additionnelles sur l'IVCC. En fait, certains remettent en question l'existence de la sténose ou d'une sténose significative du système veineux.

Puisque je suis d'avis que l'histologie et la pathologie servent encore de référence en médecine, examinons deux études différentes. La première, qui a été réalisée à Cleveland, en Ohio, et qui portait sur l'anatomie macroscopique, a démontré clairement la présence d'une quantité significative d'obstacles intraluminaux de taille macroscopique dans la veine jugulaire des patients décédés de la sclérose en plaques, comparativement au groupe témoin. L'autre étude, basée sur l'histologie, révèle clairement que les patients atteints d'IVCC présentent bien plus souvent un marqueur de la paroi veineuse lié au collagène de type III que le groupe témoin, composé de patients sans problèmes d'IVCC.

C'est très important. De plus, la dernière étude a mis en évidence l'absence d'infiltration du lymphocyte T dans la paroi de la jugulaire; il ne s'agit donc pas d'un épiphénomène de réaction auto-immune lié à la sclérose en plaques.

Ce genre de malformation veineuse semble donc totalement indépendante. En effet, les tissus des patients atteints d'IVCC présentent une proportion de marqueurs d'inflammation équivalente à ceux du groupe témoin.

Par ailleurs, la science progresse au sujet des marqueurs génétiques. Une étude montre clairement que le sixième chromosome peut être porteur de plusieurs mutations très près du site du système HLA, qu'on associe à une prédisposition à la sclérose en plaques, et que le nombre de mutations est directement proportionnel au risque de malformation des veines. C'est très intéressant, car nous apprenons ainsi que les gènes du système HLA ne commandent pas exclusivement le système immunitaire, mais aussi l'angiogenèse et d'autres fonctions régulatrices.

Par ailleurs, une vaste étude réalisée à Buffalo a établi un rapport entre certains facteurs environnementaux et l'IVCC. Les chercheurs ont découvert un lien évident entre l'IVCC et la présence d'infections, du syndrome du côlon irritable et de maladies du cœur, surtout le souffle cardiaque.

Ainsi, les preuves voulant que l'IVCC ait sa place dans la nosographie actuelle ne cessent de s'accumuler.

L'échographie Doppler constitue un des principaux obstacles à la collecte de données épidémiologiques. Nous avons d'abord voulu définir des critères fondés sur un examen de qualité, ce qui a mis d'autres problèmes en lumière. La formation et les compétences de celui qui manipule l'appareil semblent influencer les résultats, ce qui a été confirmé ou non par bien des études.

Je pense que la majorité de ceux qui s'intéressent à l'IVCC privilégient désormais les méthodes diagnostiques multimodales, y compris l'examen Doppler, l'IRM et la phlébographie.

J'aimerais aussi vous parler de la récente étude COSMO. Cette très vaste étude réalisée en aveugle faisant appel à l'ultrason n'a pas révélé la présence d'IVCC chez les patients atteints de sclérose en plaques et chez le groupe témoin. Les taux étaient très différents des données qui sont publiées normalement.

Le problème, c'est que 90 p. 100 des cas d'IVCC découverts dans les centres périphériques ont été rejetés au centre principal à la suite de trois interprétations indépendantes des résultats. Ce genre d'étude ne reflète donc en rien notre étude révolutionnaire, car nous avions détecté la présence d'IVCC en comparant les résultats du Doppler couleur et de la phlébographie à l'aide d'un cathéter. Cette technique nec plus ultra a donc confirmé les résultats de l'échographie Doppler, c'est-à-dire la présence d'un problème hémodynamique et morphologique.

Dans l'étude COSMO, les centres périphériques ont réalisé le Doppler couleur en aveugle, mais ce sont des spécialistes centralisés qui en ont validé les résultats plutôt que de les comparer à la phlébographie. Ces 90 p. 100 de résultats faussement positifs démontrent que notre méthodologie n'a pas été suivie ou qu'elle n'est peut-être pas reproductible, mais ils ne confirment certainement pas l'absence d'IVCC. En fait, bien d'autres études ont démontré une forte prévalence d'IVCC chez les patients atteints de sclérose en plaques et attestent que l'examen Doppler peut être reproduit lorsqu'on porte suffisamment d'attention à la formation de l'échographiste.

Ce que nous proposons, c'est un système de dépistage de l'IVCC qui soit objectif, non invasif et rentable. Il faut réaliser un essai multicentrique afin d'avoir plus de données sur le système. Il s'agit de faire appel à la pléthysmographie cervicale afin d'évaluer la circulation sanguine des veines dans différentes postures. Cette méthode est vraiment objective, simple et rentable, et ses résultats concordent dans 84 p. 100 des cas avec ceux des autres techniques. Le ministère italien de la Santé a financé une autre étude multicentrique visant à vérifier la potentialité et la reproductibilité de la pléthysmographie cervicale dans le diagnostic de l'IVCC comparativement à la phlébographie par résonance magnétique et au Doppler couleur.

Bien sûr, la phlébographie par l'introduction d'un cathéter est un procédé invasif et ce n'est probablement pas le modèle idéal, mais c'est la meilleure méthode dont nous disposons actuellement. Une étude qui utilisait la phlébographie par l'introduction d'un cathéter a montré que l'IVCC est présente dans plus de 90 p. 100 des cas de SP. Huit pays ont publié des études à ce sujet. Le nombre d'anomalies vues au moyen de la phlébographie par l'introduction d'un cathéter est très impressionnant. Il s'agit probablement d'un procédé plus objectif, quoique discutable.

La phlébographie par résonance magnétique est un procédé non invasif, mais malheureusement peu sensible. Il semble être plus utile non pour l'imagerie, mais pour la détection du débit. C'est très intéressant parce qu'il s'agit d'une mesure objective faite au moyen d'imagerie par résonance magnétique bidimensionnelle et de débimétrie. La débimétrie surtout semble être un moyen très efficace de déceler la présence de l'IVCC. Une bonne stratégie, selon moi, consisterait à utiliser une méthode de dépistage comme la pléthysmographie cervicale, puis de confirmer l'IVCC au moyen d'une combinaison de procédés : la phlébographie par résonance magnétique, l'échographie Doppler et aussi la phlébographie par l'introduction d'un cathéter, au cas où. Cela pourrait être l'avenir du diagnostic de l'IVCC. La pléthysmographie cervicale est une technique très prometteuse qui nous permet également de mesurer quelque chose qui peut être corrigé par intervention chirurgicale ou endovasculaire et qui peut être facilement suivi par la suite.

La dernière étape d'une stratégie nationale est de bien évaluer l'innocuité et l'efficacité du traitement de l'IVCC. Selon moi, nous avons, bien sûr, très peu de données en la matière, car nous disposons d'un nombre très limité d'études simples d'observation ou cas-témoins. Quatre essais cliniques à double insu sont actuellement en cours ou viennent de prendre fin. L'un d'entre eux est l'étude PREMise; le Dr Zivadinov vous en parlera probablement. En Italie, nous recrutons actuellement des patients pour une vaste étude comparative à double insu financée entièrement par des fonds publics. Les méthodes employées dans le cadre de cette étude sont rigoureuses, car nous examinons de manière objective les résultats physiques et mentaux des gens au départ et tout au long du suivi.

D'autres études utilisent le même modèle, et nous sommes convaincus que c'est la méthode à suivre pour recueillir des preuves sur la possibilité d'améliorer les conditions de vie des personnes atteintes de SP, tout en réglant les troubles veineux.

De plus en plus de preuves montrent également que les procédures de ce genre modifient peut-être la physiopathologie du cerveau, surtout par rapport au débit cérébral et à la circulation du liquide céphalorachidien. Ce sont des points importants, mais le Dr Zivadinov est probablement le chercheur le plus compétent à interroger au sujet de ces nouvelles découvertes.

Merci beaucoup.

Le président : Merci beaucoup, docteur Zamboni.

Comme convenu, le sénateur Cordy va poser une question clé. Je passerai ensuite à nos collègues, puis je redonnerai la parole au sénateur Cordy dans le cas où elle aurait d'autres questions.

Le sénateur Cordy : Docteur Zamboni, votre théorie a rencontré beaucoup de résistance. Pouvez-vous nous parler brièvement de cette résistance et des personnes qui en sont à la tête? Aussi, lors de la dernière séance de notre comité au sujet du projet de loi S-204, nous avons parlé de l'étude du professeur Comi financée par la société de la SP d'Italie. Je sais que vous avez choisi de ne pas participer à cette étude. Pouvez-vous nous dire pourquoi vous vous en êtes retiré?

Dr Zamboni : Pour répondre à votre deuxième question, j'ai décidé de quitter le comité parce que les chercheurs ne s'entendaient pas sur la formation des gens choisis pour étudier la SP et les autres facteurs. J'ai simplement demandé de former les gens parce que les chercheurs principaux n'étaient pas non plus vraiment spécialisés dans ce type d'examen par échographie Doppler, mais il n'était pas possible de changer le modèle de l'étude du professeur Comi et de notre société nationale de la SP. J'étais très désolé de devoir me retirer du projet, mais il était impossible de changer la décision pour devenir le formateur principal des chercheurs.

J'ai aussi assisté aux premières séances de formation et je n'approuvais pas du tout le modèle et la méthode employés pour interpréter les résultats des échographies Doppler. Ainsi, les technologues en échographie principaux de l'étude et moi ne nous entendions pas sur l'interprétation des conclusions. Ce fait ressort clairement d'une déclaration émise récemment par une société de neurosonologie européenne qui interprète les résultats des examens d'ultrasonographie duplex liés à l'IVCC d'une manière qui diffère fortement de celle que je propose. Ma proposition concorde avec l'avis des spécialistes de sept sociétés vasculaires internationales qui ont participé à une conférence de consensus.

Je pense que c'est là un point très controversé parce que le mode duplex n'est probablement pas la meilleure méthode à employer pour recueillir des données épidémiologiques sur les personnes atteintes de SP puisqu'elle dépend du technologue et de la formation reçue. Pour répondre à votre première question, la résistance provient probablement surtout de là, du fait que l'ultrasonographie duplex n'est pas une bonne méthode. Les résultats sont variables et discutables, ce qui met évidemment en doute le lien entre l'IVCC et la SP.

Le président : Merci beaucoup.

Je prends maintenant ma liste. Nous allons commencer par le sénateur Seidman. Elle sera suivie du sénateur Merchant.

Le sénateur Seidman : Merci beaucoup à vous tous d'être ici aujourd'hui. Vos connaissances et votre expérience précieuses contribueront énormément à notre étude du projet de loi.

Quand le sénateur Cordy a témoigné devant le comité, elle nous a dit qu'environ 75 000 Canadiens sont atteints de sclérose en plaques et que, chaque année, 1 000 autres personnes reçoivent ce diagnostic. Il s'agit d'une maladie extrêmement cruelle qui touche un nombre disproportionné de Canadiens, et nous voulons tous la même chose : les meilleures preuves scientifiques sur lesquelles fonder les décisions médicales. C'est ce à quoi les Canadiens s'attendent et ce qu'ils méritent.

Au Canada, nous allons bientôt commencer à recruter des patients pour un essai clinique comparatif à double insu et en deux étapes visant à évaluer l'innocuité et l'efficacité du traitement de l'IVCC. Cent patients atteints de SP participeront à cet essai clinique, qui devrait être mené à quatre endroits différents. Ainsi, comme nous nous préparons à faire nos propres essais au Canada, de nombreux avertissements continuent à se faire entendre, tant à l'échelle internationale qu'au pays.

Par exemple, la Fédération internationale de la sclérose en plaques a publié récemment la déclaration suivante :

Les risques et les bienfaits des procédures employées pour traiter l'IVCC n'ont pas été montrés par des essais cliniques bien contrôlés. D'ici à ce que des preuves convaincantes à l'appui du traitement soient produites et à ce que les risques du traitement soient évalués à fond, il n'est pas recommandé d'effectuer toute procédure visant à corriger mécaniquement le trouble supposé en dehors d'un essai clinique.

J'aimerais vous entendre sur cette déclaration. Plus précisément, comment les essais cliniques contribuent-ils à notre compréhension et comment permettent-ils de donner aux patients atteints de sclérose en plaques les réponses qu'ils méritent? Les gens qui nous écoutent et nous ne comprenons peut-être pas la valeur scientifique des essais cliniques; pouvez-vous donc nous expliquer pourquoi vous insistez tous les deux sur l'importance majeure de mener des essais cliniques? Je m'adresse aux Drs Zivadinov et Laupacis, que nous avons entendus avant que le Dr Zamboni arrive. De fait, durant votre déclaration, docteur Zivadinov, vous avez dit que le traitement de l'IVCC devrait être limité à des essais cliniques comparatifs, aléatoires et à l'insu qui établiront l'innocuité et l'efficacité de ces procédures. Vous avez également ajouté que dans l'état actuel des connaissances, on ne devrait pas procéder au traitement endovasculaire de l'IVCC chez les personnes atteintes de SP en dehors d'essais cliniques approuvés.

Pour aller droit au but, je vous demande de nous aider, nous et les gens qui nous écoutent, à comprendre l'importance des essais cliniques. Qu'est-ce que les essais cliniques nous offrent? Qu'est-ce qui rend les méthodes employées pour les mener uniques, et pourquoi pouvons-nous nous attendre à obtenir les résultats que nous voulons tous?

Le président : Le Dr Zivadinov d'abord, puis le Dr Laupacis.

On pourrait prendre un séminaire de trois heures pour répondre à cette question. Toutefois, je vous demanderais à tous deux de limiter l'étendue de votre réponse, tout en tentant d'être exacts.

Dr Zivadinov : Dans le cadre d'un essai à l'insu mené avec un groupe témoin qui reçoit un traitement placebo, on emploie des techniques de pointe pour évaluer l'efficacité d'un médicament ou d'une procédure. Par rapport à la SP, des critères d'évaluation primaires, secondaires et tertiaires ont été établis pour les essais aléatoires comparatifs. Habituellement, le critère d'évaluation primaire est le sursis de la maladie sur deux ans. Les critères d'évaluation secondaires sont le nombre de rechutes qui se produisent sur deux ans, ou le nombre de nouvelles lésions rehaussées par le gadolinium en T2. Un autre critère d'évaluation très important pour les essais cliniques liés à la SP est le développement de l'atrophie du cerveau. Ces quatre résultats se trouvent au cœur des essais cliniques en matière de SP.

Comme ce que vous avez entendu aujourd'hui et par le passé vous l'ont sûrement appris, aucune étude sur l'IVCC menée jusqu'à aujourd'hui — sauf peut-être celle que nous avons faite avec le Dr Zamboni, qui n'était ni aléatoire ni faite à l'insu — ne s'est penchée sur la qualité de vie, qui, comme vous l'avez dit, est une question très importante pour les patients atteints de SP. Toutefois, il s'agit seulement d'un critère d'évaluation tertiaire dans les essais cliniques. Nous devons déterminer si le traitement de l'IVCC aide à gérer la maladie ou les symptômes de la maladie, comme les maux de tête, la fatigue et les troubles du sommeil. Une fois la réponse à cette question trouvée, nous devrons déterminer si l'amélioration de la qualité de vie qui découle du soulagement des maux de tête, de la fatigue et des troubles du sommeil vaut les risques associés au traitement, dans le cas où le traitement n'aide pas à gérer la maladie. C'est le fond du problème.

Dr Laupacis : Je répondrais en deux temps. Premièrement, pourquoi faire un essai aléatoire? Vous avez décrit avec éloquence la situation très difficile des patients atteints de sclérose en plaques et de leur famille. On peut donc comprendre pourquoi, quand un patient reçoit un traitement, lui et son médecin pensent et espèrent qu'il va fonctionner. Il y a donc un effet placebo, et ce, non seulement avec la sclérose en plaques, mais aussi avec presque toutes les maladies. En moyenne, quelques-uns des patients qui croient que le traitement reçu va fonctionner sentent qu'il fonctionne. Le bienfait signalé peut être le même s'ils ont reçu un placebo, dans ce cas-ci une phléboplastie placebo.

Deuxièmement, certains patients atteints de sclérose en plaques rémittente commencent à se sentir mieux spontanément après une rechute. S'ils ont subi une phléboplastie en même temps qu'ils ont commencé à se sentir mieux, ils peuvent penser que c'est grâce au traitement que leur état s'est amélioré. Bien sûr, cela ne s'applique pas aux personnes atteintes de sclérose en plaques progressive.

En résumé, pour confirmer que les bienfaits signalés sont le résultat du traitement, il faut procéder à un essai aléatoire. Selon certains, cela ralentit l'accès au traitement de l'IVCC. Toutefois, si des essais aléatoires bien menés montrent que la phléboplastie améliore vraiment les résultats que le Dr Zivadinov a mentionnés, que ce soit sur le plan de la qualité de vie ou de l'IRM, il deviendra beaucoup plus probable que les gens diront, comme il vient de le faire, que les patients devraient être en mesure de peser le pour et le contre et de décider de recevoir ou non le traitement.

Je ne pense pas que nous devrions adopter une approche centrée sur le Canada. Si, dans deux ans, le Dr Zamboni et ses collègues publient leur étude italienne avant que celle du Canada soit terminée, nous devrions accepter toutes les preuves de qualité provenant de partout dans le monde. Ce serait formidable que les gens qui font les différents essais recueillent des renseignements sur les mêmes mesures des résultats afin qu'il soit possible de combiner tous les résultats une fois les essais terminés. Enfin, j'aimerais dire qu'il est extrêmement rare qu'un essai réponde à toutes les questions posées. Le fait de pouvoir réunir les résultats des études, une fois qu'ils sont publiés, aiderait énormément.

Le président : Docteur Zamboni, avez-vous quelque chose à ajouter?

Dr Zamboni : Oui. Le dernier point soulevé est très important, car nous aurions probablement dû utiliser des mesures comparables dans tous les essais. Par exemple, le Dr Zivadinov a mentionné les lésions actives en T1 et T2, ou le nombre et le volume de nouvelles lésions en T2 détectées par IRM. C'est évidemment quelque chose qui peut être examiné dans le cadre d'un essai. Aussi, nous avons mis au point une méthode intéressante pour brosser le portrait de la maladie. Elle est fondée sur cinq fonctions physiques qui peuvent être mesurées objectivement au moyen d'un instrument. Il s'agit d'une très bonne méthode qui peut être utilisée dans d'autres essais cliniques. C'est très important parce qu'il faut comparer par méta-analyse les différents résultats des divers essais comparatifs aléatoires à double insu.

Le sénateur Merchant : Docteur Zivadinov, les résultats des études menées par des spécialistes vasculaires diffèrent- ils de ceux des essais faits par des neurologues?

Dr Zivadinov : Oui. Jusqu'à maintenant, la plupart des essais menés par des neurologues ont été négatifs, tandis que la majorité de ceux faits par des chirurgiens vasculaires ont été positifs. On peut envisager la question sous un autre angle : dans les cas où les études ont été publiées, la majorité des revues axées sur la radiologie vasculaire rapportent des conclusions positives, alors que la plupart des revues neurologiques rendent compte de conclusions négatives. Pourquoi? Je l'ignore, mais je suis convaincu que tous les scientifiques et les chercheurs rapportent fidèlement les résultats qu'ils observent, sans aucun parti pris.

La possibilité que les chirurgiens vasculaires, comme le Dr Zamboni l'a déjà dit, connaissent mieux le système vasculaire fait peut-être partie de l'explication. C'est pour cette raison qu'ils trouvent un plus grand nombre d'anomalies objectives que ceux qui ne se sont probablement jamais penchés là-dessus, comme les neurologues, surtout en ce qui touche le système veineux. Comme vous le savez, nous trouvions très important de communiquer avec le Dr Zamboni avant de commencer notre travail. Nous avons suivi nombre de séances de formation. Certains médias ont dit que j'avais un parti pris pour le Dr Zamboni. Or, à mon avis, il était important d'apprendre ce que les autres savaient, puis de partir de ce point-là pour créer une vaste étude qui utilise toutes les méthodes de façon multimodale.

Une dernière chose : si l'IVCC existe vraiment, c'est impossible que ce ne soit pas confirmé parce que tous les renseignements provenant de 15 modalités différentes pointent vers la même chose. C'est ce qu'on veut voir quand le trouble est réel. Les critères que nous utilisons montrent que le trouble existe. Sa gravité dépend du sujet examiné, mais il est probable que de nombreuses personnes en souffrent.

Le sénateur Merchant : Docteur Zamboni, le Dr Laupacis a dit quelque chose avant que vous vous joigniez à nous. Il a affirmé qu'après la phléboplastie, le rétrécissement se reproduit dans les mois qui suivent le traitement chez un nombre important de patients : entre 30 et 45 p. 100 d'entre eux. C'est un inconvénient de taille du traitement.

Dr Zamboni : C'est vrai. Dans notre première étude, nous avons examiné la possibilité de rétablir le débit au moyen d'une méthode simple, conservative et sûre : l'angioplastie veineuse réalisée avec un ballonnet. Il y a probablement des documents sur l'IVCC qui montrent que ce traitement très simple ne fonctionne probablement pas bien et pourrait même causer une rechute d'IVCC. Pour les prochains essais cliniques randomisés, je recommanderais d'expliquer et de séparer dans les mesures de suivi les résultats cliniques des personnes chez qui le traitement de l'IVCC a fonctionné et les résultats des personnes chez qui la thérapie n'a pas fonctionné. C'est très important. Nous utilisons vraiment un mécanisme très simple, mais dans certains cas, ce n'est pas suffisant pour rétablir le débit sanguin en provenance du cerveau. Nous devons connaître la proportion exacte des cas dans lesquels le traitement réussit, parce que nous ne l'avons jamais évaluée, et il faut pour cela mener des essais cliniques randomisés.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Seth : Je vous remercie, docteurs. Vous avez vraiment de grandes connaissances.

Je dois dire que Mme Seidman a déjà posé une question très large. La SP est une maladie tellement invalidante et progressive. Les patients souffrent, et je pense que nous avons besoin des essais cliniques que vous êtes en train de réaliser pour obtenir de bons résultats et pour que nos patients puissent mener une vie normale.

Ma question s'adresse au Dr Laupacis. Vous travaillez à l'hôpital St. Michael's et vous faites partie du groupe d'experts scientifiques des Instituts de recherche en santé du Canada. Vous avez conclu à une association positive entre l'IVCC et la SP, mais vos résultats n'ont pas permis de tirer des conclusions fermes. Veuillez nous expliquer pourquoi.

Dr Laupacis : Permettez-moi de commercer par apporter une petite correction. Notre recherche a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada, mais je ne fais pas partie du groupe d'experts scientifiques des IRSC et je n'en ai jamais fait partie. Les résumés de la littérature mondiale que mon groupe prépare sont envoyés au groupe d'experts, de même qu'à d'autres personnes, mais je n'ai moi-même jamais fait partie de ce groupe d'experts.

Pour répondre à votre question, nous avons constaté dans notre examen des 11 études recensées qu'on avait diagnostiqué l'IVCC beaucoup plus souvent chez les patients atteints de sclérose en plaques que chez les sujets sains, c'est pourquoi nous avons établi que selon la moyenne des études, l'IVCC est plus courante chez les personnes atteintes de SP que chez les autres, mais comme je l'ai dit, dans la première étude réalisée par le Dr Zamboni, l'IVCC a été diagnostiquée chez 100 p. 100 des patients atteints de SP et 0 p. 100 des sujets sains. Il y a une autre étude qui n'a permis de diagnostiquer l'IVCC chez aucun patient. Le Dr Zivadinov, qui a été formé par le Dr Zamboni, a obtenu des résultats entre les deux, environ 56 p. 100 des patients atteints de SP souffraient d'IVCC et environ 30 p. 100 des sujets sains examinés souffraient d'IVCC. Quand les résultats de tests varient à ce point, il me semble qu'on ne peut pas être certain de la façon de les interpréter. C'est pourquoi notre groupe a conclu que les examens à ultrasons, à tout le moins, ne nous permettent toujours pas de conclure si l'IVCC est véritablement associée à la SP et, plus particulièrement, quels sont les aspects des ultrasons qui rendent les résultats si différents d'une étude à une autre.

Le sénateur Seth : Docteur Zamboni, vous avez mené des recherches assez approfondies. Quels sont les principaux obstacles que vous avez rencontrés?

Dr Zamboni : Le principal obstacle a été de réaliser le projet d'essais cliniques randomisés, parce qu'après notre première étude d'observation, nous avons immédiatement demandé à enchaîner avec des essais cliniques randomisés, mais c'est un type d'étude extrêmement coûteux. Évidemment, il n'y a pas de société pharmaceutique ni de fabricant d'appareils médicaux derrière nous pour favoriser ou financer ce genre d'étude. Il a été très difficile de convaincre les acteurs politiques, puis des partenaires de réaliser cette étude avec nous. Cela a été un processus très long. Il a aussi fallu beaucoup de temps au comité directeur interdisciplinaire pour adopter un protocole conjoint, parce que ce comité se compose de neurologues, de neuroradiologistes, de radiologues d'intervention et de chirurgiens vasculaires, autant d'esprits différents et de conceptions différentes pour décrire le bon protocole. Il a été très long et très difficile de parvenir à une entente pour adopter un protocole conjoint qu'accepteraient tous les membres du comité directeur.

Ce travail est maintenant terminé, et j'entrevois avec optimiste la possibilité de réaliser ce genre d'étude, parce que je pense qu'elle pourrait nous donner la réponse que nous cherchons.

Le sénateur Martin : J'aimerais beaucoup parler du facteur de risque et des pourcentages. J'ai vécu l'expérience de mon père, qui entrait dans la petite catégorie de personnes qui sont toujours sujettes aux risques. Même si le risque n'est que d'un ou deux pour cent, je porte toujours très attention à l'impact potentiel, surtout quand il est fatal. Ma question porte sur la démarche suivie au Canada pour mener les essais cliniques qui vont bientôt être entrepris et sur l'importance d'un examen par les pairs.

Docteur Zivadinov, je sais que vous avez fait partie du comité de sélection des personnes qui vont participer à l'examen par les pairs. Pouvez-vous nous parler de toute la réflexion qui a sous-tendu ce processus et des critères que vous avez retenus? Vous avez tous parlé aujourd'hui de l'importance d'avoir des mesures de rendement similaires et de la disparité qui existe en ce moment. Même en Italie, le Dr Zamboni a choisi de ne pas participer à l'étude menée par la société de la SP de l'Italie. Il y a toutes sortes de disparités. Pouvez-vous nous parler du processus d'examen par les pairs et de ce que nous avons choisi, des garanties que notre public et nous-mêmes pouvons avoir que ce que nous faisons va être déterminant pour mieux comprendre cette maladie?

Dr Zivadinov : J'ai été un des huit membres, si je ne me trompe pas, du groupe des IRSC qui a évalué les différentes propositions reçues. La proposition de la Colombie-Britannique était l'une des meilleures, parce qu'elle contenait une période de formation planifiée méticuleusement pour réaliser ce genre d'intervention. Elle se fondait sur d'excellentes techniques de diagnostic de l'IVCC découlant de la première étude financée par la Société de la SP du Canada. Les chercheurs ont très bien planifié qui offrirait les traitements et comment évaluer les résultats du traitement, d'une manière détaillée et normalisée. Il s'agit de plus d'un centre multidisciplinaire, et il est important de démontrer que ce type d'intervention peut être réalisé à différents endroits et pas seulement en Colombie-Britannique. Les chercheurs en question sont bien connus dans le domaine de la sclérose en plaques. Je pense qu'ils ont constitué une excellente équipe, qui comprend des chirurgiens vasculaires.

Il y a une chose que le Dr Zamboni a mentionnée, et je suis totalement d'accord avec lui (c'est d'ailleurs la raison pour laquelle Buffalo a produit autant d'études) : nous sommes des neurologues. Je fais partie du département de neurologie et je tiens à dire à toutes les personnes qui étudient l'IVCC et qui sont du domaine vasculaire qu'elles ne peuvent pas mener ce type d'intervention seules. Elles ont besoin de la participation de neurologues experts de la maladie. De notre côté, nous avons besoin d'experts de la chirurgie vasculaire. C'est ce qui s'est clairement dégagé des travaux de notre centre, à Buffalo, où nous avons une superbe équipe de travail.

Pour revenir à cette proposition, une importante équipe a reçu le mandat de mener l'étude. J'espère qu'elle trouvera des réponses à un certain nombre de questions importantes.

Le sénateur Martin : Vous avez tous dit aujourd'hui qu'il faut normaliser et harmoniser les procédures et trouver un consensus, parce que des efforts sont consentis partout dans le monde. De très nombreux pays effectuent leurs propres essais. Au Canada, y a-t-il assez de communication et de partage d'informations pour normaliser et harmoniser davantage les procédures?

Le président : Je rappelle au comité que nous avons obtenu des réponses à une grande partie de ces questions. Veuillez poser des questions précises. Tous les témoins, surtout le Dr Zamboni, ont dit qu'il faut harmoniser les procédures.

Le Dr Zivadinov pourrait peut-être répondre.

Dr Zivadinov : Comme bien des patients atteints de SP suivent la séance d'aujourd'hui, c'est important de rappeler le message que j'ai répété à plusieurs reprises. Même si les patients veulent peut-être recevoir le traitement tout de suite, je suis d'accord avec mon collègue que nous devons montrer que le traitement est approprié et efficace. Nous devons mener des essais et attendre les résultats. La dernière chose que nous voulons tous ici, c'est d'apprendre que le traitement peut causer des dommages, aussi minimes soient-ils, entraîner des effets secondaires et des effets indésirables graves ou influencer le résultat du traitement.

Le sénateur Dyck : Merci de vos exposés très scientifiques présentés ce matin, messieurs. Ça montre que nous sommes à un stade précoce dans notre compréhension du rôle de l'IVCC concernant la SP. Mes questions portent surtout sur deux aspects du projet de loi à l'étude aujourd'hui.

Docteur Zivadinov, vous avez dit que les gens atteints de sclérose en plaques suivent la séance. C'est clair que des patients ont reçu le traitement, qui est refusé à d'autres. Le projet de loi vise à ce qu'il y ait un suivi pour les patients qui veulent recevoir le traitement contre l'IVCC ou qui l'ont reçu, au Canada ou à l'étranger.

Ma question s'adresse à tous les témoins ce matin. Êtes-vous d'accord qu'il faut établir une stratégie nationale? Ensuite, êtes-vous d'accord qu'il faut établir un registre national des patients qui ont reçu le traitement, au cas où il y a des effets secondaires indésirables, et cetera.?

Dr Zivadinov : Je suis tout à fait d'accord concernant le projet de loi. Je pense tout d'abord qu'il n'est pas éthique de refuser ou de rejeter l'évaluation des résultats du traitement.

Un registre national est tout à fait nécessaire. Nous devons connaître l'état des patients. Bref, je suis entièrement d'accord concernant les deux questions.

Dr Laupacis : Je suis bien d'accord qu'il est tout à fait inapproprié que les gens du système de santé n'examinent pas et ne soignent pas les patients qui ont reçu le traitement ailleurs. J'espère que nous n'aurons pas besoin d'un registre national, mais que les systèmes de santé provinciaux et leurs médecins vont tout simplement s'occuper de la question.

Un registre fournirait bien sûr de l'information utile, surtout en ce qui a trait aux effets secondaires graves à long terme. Mais comme je l'ai dit, je suis sceptique et je doute qu'un registre donne beaucoup d'information sur les effets positifs du traitement. Je pense qu'il faut réaliser des essais randomisés. En tant qu'interniste et généraliste qui traite des gens atteints de fibrose kystique et d'un certain nombre d'autres maladies, je pense qu'un registre coûterait cher. Nous devons établir avec soin s'il convient de créer un registre, quelles informations il va contenir et comment nous pouvons les recueillir de façon fiable. Je doute que la question soit si simple. Nous devons aussi réfléchir à l'équité pour les nombreux patients atteints d'autres maladies.

Dr Zamboni : Je pense qu'en général, le registre est un très bon outil. Toutefois, je pense qu'il ne peut pas aider beaucoup dans le cas présent, parce que nous ne savons pas exactement quelles sont les procédures employées à l'étranger. Parfois, je constate dans les rapports que la veine azygos n'est jamais traitée. Pourtant, mon expérience indique que cette veine cause bien des anomalies qu'il faut traiter, surtout la déficience motrice.

Le registre est excellent si le protocole de traitement à l'étranger est connu. Sinon, je pense qu'à cette étape, il vaut mieux passer rapidement aux essais cliniques randomisés.

Le sénateur Enverga : Merci à tous de vos exposés d'aujourd'hui et de votre présence. C'est une question qui suscite de l'intérêt à l'échelle internationale et qui importe tellement aux gens atteints de sclérose en plaques.

Il y a quelques mois, la Food and Drug Administration des États-Unis a émis une alerte sur les dangers potentiels de l'IVCC. Le Dr Siskin, un expert d'Albany, a dit récemment :

Même si les études publiées jusqu'ici semblent donner le soutien nécessaire à l'utilisation non indiquée de ces instruments, elles ne répondent pas de manière adéquate aux préoccupations liées à l'innocuité et à l'efficacité, soulevées par la FDA et les neurologues.

Pouvez-vous commenter l'avertissement de la FDA et la recommandation du Dr Siskin?

Dr Laupacis : À mon avis, la FDA a indiqué que l'angioplastie peut entraîner des effets secondaires rares mais très graves. Je pense que nous sommes tous d'accord là-dessus. Je suis d'accord avec le Dr Zivadinov que cette procédure doit faire l'objet d'essais randomisés.

Dr Zivadinov : Je suis d'accord. Je pense que la FDA devait lancer un avertissement et prévenir qu'il ne faut pas utiliser les instruments non approuvés pour cette maladie. À mon avis, la FDA a bien fait.

La décision sera très utile et permettra d'organiser les efforts, mais je ne pense pas qu'elle va empêcher d'une manière ou d'une autre de mener des essais cliniques sur l'IVCC. En fait, simplement pour vous donner une idée, nous demandons toujours à la FDA d'enquêter sur les nouveaux médicaments expérimentaux. L'approbation dépend du contexte, ainsi que des raisons et de la façon d'utiliser le médicament; ce n'est rien de nouveau.

Dr Zamboni : Je crois que la FDA tient compte de plus de 20 000 procédures réalisées à l'aide d'instruments vendus sans que les entreprises aient commandé des études sur l'innocuité. L'avertissement vise davantage les compagnies qui vendent les instruments et qui ne financent pas et ne soutiennent pas les essais pour évaluer l'innocuité des instruments. D'après moi, l'avertissement ne s'adresse pas aux enquêteurs, mais aux entreprises.

Le sénateur Enverga : Prévoyez-vous travailler avec la FDA à cette étape-ci?

Dr Zivadinov : Nous terminons notre étude. C'était une première version, mais nous l'avons enregistrée à ClinicalTrials.gov.

Le sénateur Eggleton : Ma question s'adresse au Dr Zamboni et fait suite à la question du sénateur Merchant. Il ne faut pas oublier que, durant les essais cliniques, les gens continuent de demander la procédure. Étant donné que les patients atteints de SP ne peuvent pas l'obtenir au Canada, ils vont à l'étranger. Nous entendons beaucoup d'histoires à ce chapitre.

Le sénateur Merchant a parlé des statistiques et a dit qu'après l'angioplastie, le rétrécissement revient dans les mois suivants pour 30 à 40 p. 100 des patients.

Que pouvons-nous faire à ce propos? Les gens espèrent et subissent le traitement. Bon nombre parlent ensuite de leurs nouvelles capacités. Ils sont si enthousiastes, puis le rétrécissement revient dans un certain nombre de cas.

Que pouvons-nous faire? Faut-il traiter le patient de nouveau ou mieux choisir ceux qui reçoivent le traitement? Certains patients ne devraient peut-être pas être admissibles.

Que suggérez-vous? Les gens vont essayer de recevoir le traitement même avant la fin des essais cliniques.

Dr Zamboni : Nous surveillons les cas de rechute très attentivement. Nous avons découvert qu'un examen adéquat et approfondi permet de détecter deux problèmes avant l'opération et de savoir clairement pour quels patients il est préférable d'effectuer une angioplastie veineuse, par rapport à ceux qui doivent recevoir d'autres traitements contre l'IVCC.

Par exemple, deux problèmes sont souvent liés au traitement inefficace. En général, ce n'est pas la rechute qui est en cause, mais le traitement inefficace et l'insuffisance du ballonnet. La veine jugulaire est bloquée et comprimée par les muscles du cou, surtout les muscles digastriques et omo-hyoïdiens. L'angioplastie par ballonnet règle le problème temporairement, mais elle ne règle pas de façon permanente la relation anatomique anormale entre le muscle et la veine.

Ensuite, le gonflement du ballonnet ne ferme pas la très longue cloison intraluminale qui cause l'obstruction, qui revient tout simplement après que la veine retrouve son ancienne position. Le médecin qui effectue une évaluation préopératoire minutieuse peut déceler ce problème et bien informer les patients qui veulent recevoir le traitement.

Dr Zivadinov : Il est essentiel d'établir des outils de contrôle après le traitement pour dire si la sténose réapparaît. Les outils ne doivent pas être invasifs, parce que nous ne pouvons pas effectuer une veinographie par cathéter tous les mois. Nous sommes tous d'accord que la procédure n'est pas simple.

L'échographie Doppler faite par un professionnel formé constitue un excellent outil, mais en effet, la sténose peut ressurgir. Nous n'avons pas d'expérience concernant une seconde procédure, mais selon mes lectures et mon expertise, je pense que c'est très dangereux. Je déconseille la réouverture si le premier traitement n'a pas fonctionné, car la veine peut même cesser complètement de fonctionner. Selon ce que je comprends, la plupart des problèmes d'innocuité qui surviennent malgré l'étiquetage en clair sont dus à la répétition de la procédure.

Le sénateur Eggleton : J'ai une question précise pour mieux comprendre de quoi il en retourne. Nous parlons de traitement endovasculaire, mais j'ai l'impression que l'angioplastie et les endoprothèses sont le même genre de traitement. Toutes les données et les informations dont nous parlons portent-elles uniquement sur l'angioplastie, par rapport aux endoprothèses?

Dr Zivadinov : C'est une excellente question. Je dirais que, si nous excluons les endoprothèses, la prévalence des effets indésirables graves sera beaucoup réduite, car ces effets sont liés aux endoprothèses. Depuis le début, le Dr Zamboni et nous n'avons jamais recommandé d'utiliser des endoprothèses contre cette maladie.

Comme il a été dit, le problème concernant l'angioplastie, c'est bien sûr la fibrillation auriculaire, l'inefficacité et la resténose. La prévalence est sans doute plus faible sans les endoprothèses.

Il importe aussi souligner que les artères doivent toujours être ouvertes pour apporter le sang au cerveau, mais c'est différent pour ce qui est des veines. Lorsqu'on est debout, les veines jugulaires sont fermées, parce que le système vertébral irrigue surtout le cerveau. On altère l'état normal de la veine sans l'aide physiologique des endoprothèses. Pourquoi la jugulaire devrait-elle être ouverte lorsqu'on est debout? Il faut en apprendre davantage sur la bonne façon de réaliser le traitement.

Le président : Au nom du comité, je tiens à dire que nous sommes chanceux de compter sur un tel niveau d'expertise qui couvre divers aspects de ce nouveau concept, de son application et de ses conséquences potentielles.

Vos commentaires et vos explications très utiles nous aident à comprendre ces questions médicales importantes et complexes dans notre étude. Vous nous avez donné les outils nécessaires pour interpréter vos remarques d'une manière qui nous aidera à traiter de cette question.

J'ai été frappé de constater que les trois témoins ont indiqué qu'il est essentiel de mener des essais cliniques à double insu, d'établir des mesures claires et d'atteindre un certain consensus international sur les questions à examiner, comme l'a dit le sénateur Martin. Nous espérons parvenir à un tel consensus. Nous pourrons peut-être tirer des conclusions plus rapidement que si nous menions une série d'études.

Il me paraît aussi important que vous ayez parlé du facteur de risque. Nous avons examiné l'aspect des médicaments et avons entendu que bien des gens étaient morts à cause du Tsyabri, par exemple. C'est clair qu'il faut trouver le facteur de risque et dire combien d'effets indésirables graves se produisent pour chaque patient qui reçoit les mêmes traitements.

Comme la question a été soulevée à plusieurs occasions, je me suis penché sur le détail de ce médicament. Il semble que le Tsyabri est utilisé contre la SP, la maladie de Crohn et d'autres. Pour tous les patients examinés qui ont ces trois maladies, le facteur de risque s'élève à 1,1 p. 100, ce qui correspond à vos commentaires. Votre précision sur la prépondérance du facteur de risque, par rapport au nombre de cas, nous est utile. C'est ainsi qu'il faut évaluer les risques liés à la question.

Docteur Zamboni, je ne saurais dire à quel point nous vous sommes reconnaissants d'avoir voyagé sur une grande distance durant un jour férié dans votre pays pour témoigner aujourd'hui. Certains d'entre nous pensent que les voyages en auto en Italie ne sont pas forcément ce qu'il y a de plus facile; c'est sans doute encore plus particulier durant un jour férié. Merci d'avoir participé à notre étude, mais aussi d'avoir déployé des efforts extraordinaires.

Docteur Laupacis, vous avez eu du mal à vous libérer pour cette séance. Heureusement, vous avez pu témoigner et rester jusqu'à la fin; nous vous en remercions.

Docteur Zivadinov, vous avez conduit de Buffalo jusqu'au Canada et pris l'avion pour venir ici ce matin.

Au nom du comité, je ne saurais vous remercier tous assez de votre présence. Vos témoignages nous aident énormément à comprendre la question.

(La séance est levée.)


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