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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 36 - Témoignages du 17 avril 2013


OTTAWA, le mercredi 17 avril 2013

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 16, pour étudier les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie, je suis sénateur de la Nouvelle-Écosse et président du comité. J'aimerais commencer par inviter mes collègues à se présenter à partir de ma gauche.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, de Toronto, vice-président.

La sénatrice Dyck : Lillian Dyck, de la Saskatchewan.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

Le sénateur Black : Doug Black, de l'Alberta.

[Français]

Le sénateur Maltais : Mon nom est Ghislain Maltais, Québec.

[Traduction]

La sénatrice Martin : Yonah Martin, Colombie-Britannique.

La sénatrice Siedman : Judith Siedman, de Montréal, Québec.

Le président : Merci, chers collègues.

Avant de demander aux témoins de faire leurs exposés, je veux vous rappeler à tous et à toutes que c'est notre dernière réunion de la troisième étape de notre étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance, et que cette étape porte sur l'utilisation non conforme au mode d'emploi. Nous avons changé notre façon de faire relativement aux experts gouvernementaux à cet égard. Habituellement, nous les invitons à la première réunion de notre étape. Toutefois, il y a déjà eu deux autres études dans cette séquence, et nous estimions qu'il serait plus approprié de les inviter vers la fin afin que nos questions soient plus judicieuses et qu'ils puissent nous renseigner mieux qu'ils auraient pu le faire habituellement sur cette question. Nous avons donc dévié quelque peu de notre approche habituelle quant à l'invitation des témoins.

Aujourd'hui, nous avons des représentants des IRSC et de Santé Canada. Comme il a été convenu avec nos témoins, je vais inviter les IRSC à présenter leur mémoire en premier et je vais donc céder la parole au Dr Alain Beaudet.

Dr Alain Beaudet, président, Instituts de recherche en santé du Canada : Merci, monsieur le président. J'aimerais remercier le comité de m'avoir invité à venir vous parler encore une fois à propos de votre étude et plus particulièrement aujourd'hui des activités de recherche liées à l'utilisation non conforme des produits pharmaceutiques d'ordonnance au Canada.

Je suis heureux d'être accompagné aujourd'hui du Dr Robert Peterson, directeur exécutif du Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments, ou le RIEM, qui est parrainé par les IRSC et Santé Canada.

Le Dr Peterson et moi avons déjà eu le privilège de comparaître devant le comité pour discuter de l'importance des essais cliniques et de la surveillance post-commercialisation des produits pharmaceutiques.

Honorables sénateurs, nous convenons que les responsables des politiques ou de la réglementation, les professionnels de la santé, les chercheurs, les bailleurs de fonds de la recherche en santé des secteurs publics et privés ont tous un rôle à jouer quant à leur mandat respectif pour s'assurer que le système de soins répond aux besoins des Canadiens. Dans le contexte de l'utilisation non conforme des médicaments, ce rôle consiste à veiller à l'innocuité et à l'efficacité des médicaments d'ordonnance.

Comme vous l'avez entendu au fil des semaines et des mois, environ 80 p. 100 des cas d'utilisation non indiquée ne sont pas suffisamment appuyés par des données scientifiques fiables. Autrement dit, nous n'en savons pas assez au sujet des pratiques de prescription menant à une utilisation non conforme ni sur la véritable efficacité et innocuité de ces médicaments sur la santé lorsqu'ils sont utilisés à des fins non indiquées sur l'étiquette.

Comme vous le savez, les instituts de recherche en santé du Canada, les IRSC, n'interviennent pas dans le processus de réglementation des médicaments. Notre rôle, ou mandat, consiste à appuyer la création de connaissances nouvelles fondées sur de solides données scientifiques et à veiller à l'application de ces connaissances de manière à améliorer la santé et les soins.

Les IRSC ont investi 7,9 millions de dollars au cours des cinq dernières années dans différents domaines de recherche liés à l'utilisation non conforme des médicaments. Dans un premier temps, nous avons financé des études d'envergure sur l'ampleur de la prescription des médicaments au Canada à des fins autres que l'usage approuvé. Nous avons notamment soutenu une étude du Dr Eguale et de ses collaborateurs de l'Université McGill, qui a révélé que 11 p. 100 de tous les médicaments d'ordonnance étaient prescrits pour une utilisation non indiquée sur l'étiquette. Comme d'autres témoins l'ont indiqué, la prescription de médicaments à des fins non indiquées est particulièrement répandue dans le contexte des maladies rares. On estime qu'environ 80 p. 100 des médicaments prescrits pour une maladie rare sont utilisés d'une façon non conforme à l'étiquette. Il s'agit là d'une question cruciale qui mérite d'être examinée.

Les IRSC appuient en outre la mise au point d'outils servant à évaluer l'utilisation des médicaments, indiquée ou non sur l'étiquette. Par exemple, nous accordons du soutien continu à un programme de recherche faisant appel au système de dossiers de santé électronique pour déterminer si une intervention assistée par ordinateur peut réduire le taux de prescriptions inappropriées. Cet outil s'est révélé efficace, réduisant le taux de prescriptions inappropriées de 18 p. 100. Il peut également servir à évaluer divers facteurs influant sur la prescription pour emploi non indiqué, notamment le médicament, le patient et le médecin.

Si certaines utilisations non conformes ont provoqué des séquelles sur la santé des Canadiens, d'autres se sont avérées aussi efficaces et parfois plus économiques que l'utilisation courante des médicaments. En fait, le repositionnement d'un médicament, qui consiste à trouver un nouvel emploi à un ancien médicament ou à trouver une cible pour un médicament auparavant sûr mais inefficace — est un nouveau domaine de recherche qui est très fascinant.

[Français]

Ainsi les IRSC financent-ils une équipe de recherche qui travaille sur l'efficacité d'une molécule, la Galantamine, pour lutter contre le glaucome. Comme vous le savez sans doute, le glaucome est une cause de cécité qui touche plus de 50 millions de personnes dans le monde. La Galantamine, commercialisée sous le nom de Reminyl, est déjà approuvée au Canada et aux États-Unis pour le traitement de la maladie d'Alzheimer.

Des études sur un modèle animal ont démontré que ce médicament était aussi efficace pour lutter contre le glaucome. Des essais thérapeutiques randomisés doivent être effectués chez l'homme pour démontrer son innocuité et son efficacité à lutter contre le glaucome chez l'homme.

Vous aurez compris que la recherche visant à évaluer l'innocuité et l'efficacité de certains produits pharmaceutiques prescrits de façon non conforme est essentielle à une bonne utilisation de ces médicaments.

[Traduction]

En plus d'améliorer les résultats cliniques, les recherches supplémentaires sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments à des fins autres que l'usage approuvé peuvent donner lieu à des économies. Par exemple, des essais cliniques ont démontré que l'Avastin, lorsqu'il est utilisé à des fins non indiquées sur l'étiquette, est aussi efficace que le Lucentis, médicament autorisé pour le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l'âge. Les deux médicaments sont du même fabricant et agissent de la même façon en visant la même cible. Cependant, le traitement au Lucentis coûte 1 575 $ par mois, tandis que l'Avastin en coûte 7 $. On estime que le remplacement systématique du Lucentis par l'Avastin représenterait pour le Canada des économies annuelles de plus de 100 millions de dollars. Toutefois, la Food and Drug Administration des États-Unis et Santé Canada ont lancé une mise en garde contre l'utilisation non indiquée de l'Avastin, car elle pourrait causer une infection oculaire allant jusqu'à la cécité en raison de la façon dont le médicament est actuellement emballé.

Cet exemple montre qu'un médicament dont l'innocuité a été prouvée lors de l'essai peut s'accompagner d'effets secondaires graves en contexte réel, d'où l'importance non seulement de réaliser des essais rigoureux, mais également d'exercer une surveillance post-commercialisation.

Qu'elles soient soutenues par le secteur public ou le secteur privé, des recherches évaluatives aussi rigoureuses nécessitent du personnel hautement qualifié et des infrastructures de recherche ultramodernes. C'est pourquoi les IRSC, avec le concours de l'Association canadienne des institutions de santé universitaires, ou l'ACISU, et des compagnies de recherche pharmaceutiques du Canada, Rx&D, s'emploient à réaliser un plan d'action, conçu en 2011, pour renforcer notre capacité d'essais cliniques et développer un créneau d'excellence permettant d'attirer plus d'investissements dans les essais au Canada. Monsieur le président, je serais heureux de fournir au comité une copie de ce plan d'action si vous le voulez.

Le développement de la capacité d'essais cliniques au Canada s'inscrit également parmi les objectifs de la Stratégie de recherche axée sur le patient. Cette stratégie, également appelée SRAP, implique une collaboration entre les IRSC et les provinces et les territoires, les associations de soins de santé, les partenaires du secteur privé et les patients, pour établir et soutenir des réseaux de recherche axés sur le patient qui aideront à développer notre capacité d'essais cliniques dans des domaines profitables aux patients canadiens.

Honorables sénateurs, je tiens à vous assurer que les IRSC, dans le cadre de leur mandat et en collaboration avec divers partenaires, continueront d'appuyer la recherche clinique et évaluative qui dotera les décideurs des données scientifiques nécessaires pour éclairer leurs décisions stratégiques susceptibles d'améliorer notre système de prescription de médicaments.

Je vous remercie de votre attention et je cède maintenant la parole au Dr Peterson, qui traitera des activités du réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments.

Le président : Avant de céder la parole au Dr Peterson, j'ai négligé d'informer les téléspectateurs que le Dr Beaudet est président des Instituts de recherche en santé du Canada et que le Dr Peterson est le directeur exécutif du Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments.

Vous nous avez présenté un plan d'action dans les essais cliniques. S'agit-il du même plan d'action que vous évoquez?

Dr Beaudet : Oui.

Le président : Nous l'avons. Merci beaucoup.

Docteur Peterson, vous avez la parole.

Dr Robert Peterson, directeur exécutif, Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments, Instituts de recherche en santé du Canada : Honorables sénateurs, merci de m'avoir invité à parler de la question de la recherche sur l'emploi non conforme des médicaments.

Comme vous avez pu l'entendre par le passé, le RIEM donne suite aux requêtes des gestionnaires des régimes publiques d'assurance-médicaments, des responsables des politiques ou de la réglementation, et des évaluateurs des technologies de la santé, afin d'accroître les données sur l'innocuité et l'efficacité postcommercialisation des médicaments au Canada. Cette initiative vient donc à la fois compléter les exigences de Santé Canada en matière de mise à l'essai rigoureuse de nouveaux médicaments avant leur commercialisation et appuyer le rôle de Santé Canada dans la surveillance postcommercialisation, par une recherche axée sur la façon dont la population réagit à long terme aux médicaments approuvés dans le « monde réel » des soins de santé au Canada, sans les restrictions imposées par les essais cliniques randomisés.

Dans le cadre du programme du RIEM des IRSC, des subventions ont été accordées pour stimuler la recherche sur l'évaluation de l'innocuité et de l'efficacité des médicaments dans des populations particulières ou sous-étudiées comme les enfants et les personnes âgées — populations qui sont fréquemment l'objet de prescription de médicaments à des fins autres que l'usage approuvé au Canada. Je précise au Canada, car il arrive souvent que les données justifiant l'utilisation des médicaments indiqués pour les enfants, bien que suffisantes, n'aient pas été portées à l'attention de l'organisme de réglementation canadien lui permettant d'étendre l'étiquette au Canada à une indication pour les enfants. Nous savons que ces données existent d'après les registres de base de données d'essais cliniques, la littérature médicale, et l'approbation d'utilisation par la Food and Drug Administration aux États-Unis et les organismes de réglementation en Europe. Si les législateurs canadiens prenaient des mesures pour rendre obligatoire la soumission de ces données aux organismes canadiens, ils harmoniseraient les exigences réglementaires du Canada avec celles des autres pays qui ont déjà mis en place de telles réglementations.

Les méthodes de recherche au sein du RIEM se prêtent bien à l'examen des questions d'innocuité et d'efficacité comparatives de tous les médicaments prescrits, qu'ils soient indiqués ou non.

À l'heure actuelle, le RIEM ne finance pas les essais cliniques. Toutefois, les essais cliniques qui sont financés par d'autres programmes ou instituts des IRSC doivent se conformer aux règlements de Santé Canada qui régissent les essais cliniques. Ainsi, bien qu'un praticien puisse prescrire des médicaments pour un emploi non conforme, quand un programme de recherche officiel visant à examiner cette utilisation est financé, cela ne constitue plus une prescription de médicament pour une utilisation non indiquée sur l'étiquette, mais une utilisation autorisée du médicament dans le cadre de l'essai clinique.

La surveillance des effets indésirables des médicaments est une responsabilité qui relève de Santé Canada. Le système passif de signalement d'effets indésirables de médicaments comporte de nombreuses restrictions dont vous avez entendu parler par d'autres. Le RIEM utilise des méthodes qui ne constituent pas une surveillance continue de l'utilisation générale des médicaments, mais qui sont des outils extrêmement puissants pour contribuer à une évaluation du risque quant aux effets bénéfiques et néfastes d'un médicament ou d'une classe de médicaments.

Si la réglementation met souvent l'accent uniquement sur l'aspect « néfaste » d'un médicament, le risque de ne pas obtenir l'effet bénéfique d'un médicament d'ordonnance a généralement une plus grande importance dans l'esprit des médecins prescripteurs et des patients. Le RIEM permet d'équilibrer l'évaluation du risque en examinant à la fois les effets bénéfiques et néfastes dans la mesure du possible.

Honorables sénateurs, le programme du RIEM des IRSC permet d'effectuer une évaluation équilibrée de la valeur comparative des médicaments commercialisés, en ce qui concerne non seulement les risques associés à leur utilisation dans le monde réel, mais aussi la production de données servant à déterminer la valeur économique du produit, un facteur essentiel pour assurer la viabilité du système de santé canadien.

Le président : Je donnerai maintenant la parole à Santé Canada. Nous avons deux représentants de Santé Canada avec nous aujourd'hui. La Dre Sharma est conseillère médicale principale, Direction générale des produits de santé et des aliments. Le Dr Marc Berthiaume, directeur, Bureau des produits pharmaceutiques et des matériels médicaux, Direction générale des produits de santé et des aliments.

Dre Supriya Sharma, conseillère médicale principale, Direction générale des produits de santé et des aliments, Santé Canada : Honorables sénateurs, merci beaucoup de m'avoir invitée aujourd'hui. Je vais d'abord me présenter puis je donnerai la parole à mon collègue pour la déclaration préliminaire.

Je suis de retour au ministère et nous avons récemment créé ce nouveau poste de conseillère médicale principale au sein de la Direction générale des produits de santé et des aliments. La Direction générale réglemente les médicaments, les matériels médicaux, et plusieurs produits de santé. Mon collègue est de la Direction des produits de santé commercialisés, qui est responsable de la surveillance des produits post-commercialisation. Là-dessus, j'aimerais donner la parole au Dr Berthiaume.

[Français]

Dr Marc Berthiaume, directeur, Bureau des produits pharmaceutiques et des matériels médicaux, DGPSA, Santé Canada : Merci, monsieur le président Je suis le directeur à la Direction des produits de santé commercialisés à la direction générale des produits de santé des aliments de Santé Canada.

J'aimerais parler aujourd'hui du rôle que joue le ministère relativement à l'autorisation des médicaments vendus au Canada, de notre responsabilité liée à la surveillance de l'innocuité de ces médicaments ainsi que de quelques initiatives entreprises pour renforcer les programmes liés à l'utilisation non indiquée sur l'étiquette.

Santé Canada examine les données probantes que les fabricants fournissent pour appuyer la qualité, l'innocuité et l'efficacité des médicaments et lorsque ces renseignements sont satisfaisants, la vente de ces médicaments est autorisée au Canada. La présentation d'un médicament pour fin d'autorisation entraîne des coûts. Certaines entreprises pharmaceutiques peuvent décider, pour des raisons opérationnelles, de ne pas demander d'autorisation pour de nouvelles utilisations. Pour ces raisons, il se peut que certaines utilisations ou certains sous-groupes de patients ne soient pas étudiés en profondeur et ne figurent pas dans la soumission que le fabricant envoie à Santé Canada.

Santé Canada autorise l'utilisation des médicaments dans le cadre de certains traitements, mais il ne peut pas recommander quel médicament chaque Canadien devrait utiliser. Ces décisions sont prises par les patients, généralement en consultation avec un professionnel de la santé.

Santé Canada ne réglemente pas l'exercice de la médecine ni de la pharmacie. Les devoirs des professionnels de la santé, par exemple, les médecins et les pharmaciens, sont règlementés par des collèges et ordres en vertu des lois provinciales et territoriales. Ces professionnels doivent se conformer à des codes d'éthique et à des normes de pratique.

[Traduction]

La prescription de médicaments en vue d'une nouvelle utilisation émergente non indiquée sur l'étiquette n'est pas un phénomène propre au Canada. Il s'agit d'une pratique acceptée qui, dans certaines circonstances, peut être bénéfique pour le patient, par exemple lorsqu'il n'y a pas d'autres traitements. Des médicaments sont souvent administrés à des enfants ou à des femmes enceintes ou qui allaitent même si cette utilisation n'est pas indiquée sur l'étiquette, puisque ces groupes ne sont généralement pas étudiés lors des essais cliniques qui sont réalisés au moment de l'autorisation de mise en marché.

L'utilisation non indiquée sur l'étiquette ne se limite pas uniquement aux enfants ou aux femmes enceintes ou qui allaitent. Un médecin peut déterminer qu'il est nécessaire d'utiliser un médicament à dose plus élevée ou plus faible que celle indiquée sur l'étiquette, ou encore qu'il doit être pris en même temps que d'autres médicaments malgré les mises en garde d'utilisations simultanées. Il peut également décider de prescrire le médicament à des patients souffrant d'affections comme une insuffisance rénale ou cardiaque auxquelles pourraient être associés des avertissements ou des contre-indications.

Santé Canada a entrepris plusieurs initiatives pour renforcer les connaissances sur les avantages et les risques des produits de santé utilisés chez les enfants. Le ministère a accordé une prolongation de six mois de la protection des données pour inciter les fabricants à mener des études sur l'utilisation des produits de santé chez les enfants. Santé Canada a également mis sur pied le Comité consultatif d'experts sur les initiatives pédiatriques pour favoriser la disponibilité, l'utilisation et la diffusion de l'information sur les avantages et les risques des produits de santé et sur la salubrité des aliments et la nutrition des enfants et des femmes qui allaitent. Le ministère a établi un partenariat avec la Société canadienne de pédiatrie pour promouvoir la collecte de renseignements sur l'innocuité des médicaments utilisés chez les enfants.

Les fabricants et Santé Canada surveillent l'innocuité des produits de santé vendus au Canada. Les fabricants, les professionnels de la santé et le public envoient à Santé Canada des déclarations d'effets indésirables qui touchent toutes les utilisations, y compris celles qui ne sont pas indiquées sur l'étiquette. Ces déclarations peuvent être utilisées pour détecter des signaux de sécurité. À n'importe quel moment, si un problème grave lié à l'innocuité est soulevé, Santé Canada peut prendre des mesures, comme modifier l'étiquetage, envoyer des avis aux praticiens et au public ou retirer le produit du marché.

Dans l'éventualité d'un problème d'innocuité découlant d'une utilisation non indiquée sur l'étiquette, le ministère peut demander au Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments de réaliser des études pour combler les lacunes en matière d'information sur l'innocuité du médicament. Jusqu'à présent, plusieurs études du réseau ont été proposées pour des utilisations non indiquées sur l'étiquette chez les enfants et les femmes enceintes ou qui allaitent.

Pour fournir de l'information utile aux praticiens et aux autres Canadiens, le ministère a récemment annoncé qu'il publiera les décisions négatives qu'il a rendues au sujet de présentations de nouvelles utilisations ou de nouveaux groupes visés qu'il a examinées et rejetées. Ces renseignements seraient utiles pour les praticiens qui songent à une utilisation non indiquée sur l'étiquette dans ces domaines de traitement.

Santé Canada prend également des mesures pour mettre à jour sa réglementation afin de l'harmoniser avec les pratiques exemplaires internationales en matière de gestion du risque ainsi que pour surveiller toutes les étapes du cycle de vie d'un produit.

En conclusion, des avantages et des risques sont associés à tous les médicaments autorisés, peu importe s'ils sont utilisés conformément ou non à l'étiquette. Santé Canada s'emploie à fournir aux médecins et aux patients des renseignements à jour pour leur permettre de prendre des décisions éclairées sur la prescription et l'utilisation de médicaments. Santé Canada prend des mesures pour améliorer continuellement ses processus de surveillance de l'innocuité des médicaments.

Si des problèmes d'innocuité sont soulevés au sujet de produits pharmaceutiques qui sont utilisés conformément ou non à l'étiquette, Santé Canada prendra les mesures nécessaires pour protéger les Canadiens.

Merci de votre attention. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup. Je donne maintenant la parole à mes collègues.

Le sénateur Eggleton : Merci de votre présence aujourd'hui. Nous avons entrepris une étude qui nous a permis d'entendre plusieurs choses troublantes. Nous savons que Santé Canada ne surveille pas actuellement l'utilisation non indiquée sur l'étiquette de médicaments, bien que plusieurs jurys du coroner aient recommandé qu'ils le fassent. Ils disent que le rôle de Santé Canada en la matière se limite à la publication occasionnelle d'avis ou de mises en garde concernant les dangers de l'utilisation non indiquée sur l'étiquette de certains médicaments. Cela semble inadéquat. Nous avons également entendu le témoignage d'au moins deux chercheurs qui disent que 79 p. 100 des médicaments prescrits pour utilisation non indiquée sur l'étiquette n'ont aucun fondement scientifique. Je crois que le Dr Beaudet l'a répété encore une fois aujourd'hui. Il me semble assez terrible et plutôt effrayant qu'il n'y a aucune donnée probante pour 79 p. 100 de ces utilisations.

Nous avons aussi appris que l'utilisation non indiquée sur l'étiquette se situe à environ 11 p. 100 en général, mais que pour certains médicaments le niveau est plus élevé. Par exemple, il s'agit de 60 p. 100 pour les antipsychotiques, et d'autres statistiques nous ont aussi été données quant au recours fréquent à ces médicaments. Il faut ajouter à toutes ces statistiques le recours très fréquent à l'utilisation non indiquée sur l'étiquette de médicaments pour les enfants, les femmes enceintes, et cetera. Et ce, sans avoir eu l'avantage d'un essai clinique au préalable.

Nous avons aussi entendu parler de l'information insuffisante transmise aux médecins. Il y a deux types d'étiquette. D'abord, il y a celle sur le contenant. Puis, il y a une étiquette plus exhaustive qui, selon une personne qui a fait un sondage à ce sujet, n'est lue et suivie que par environ 1 p. 100 des médecins. Il faut voir comment mieux transmettre les renseignements. Une personne a proposé que le modèle australien pourrait offrir de meilleurs renseignements aux médecins concernant l'utilisation non indiquée sur l'étiquette.

Nous apprenons aussi que certaines sociétés pharmaceutiques se sont livrées à des pratiques illicites. Aux États- Unis, les grandes sociétés pharmaceutiques figurant sur la liste ont eu des amendes de 8,9 milliards de dollars pendant les dernières années. GlaxoSmithKline, Johnson & Johnson, et Eli Lilly y figurent toutes. Ces sociétés acceptent les amendes comme résultat des poursuites intentées contre elles, mais elles gagnent néanmoins des profits importants. Il s'agit simplement d'un coût associé à leurs affaires. Aux États-Unis, il y a même une loi nommée « False Claims Act ». Il s'agit d'une loi sur la dénonciation qui permet aux dénonciateurs d'obtenir une partie des dommages versée au gouvernement par ces sociétés pharmaceutiques, une possibilité intéressante. En France, on intente des actions pénales contre le chef d'une de leurs plus grandes sociétés pharmaceutiques. Il est accusé d'homicide involontaire car 2 000 décès ont eu lieu comme résultat des activités de cette société particulière. Dans le cadre de notre étude, nous avons entendu parler de bien piètres rendements.

De quel recours disposons-nous au Canada en matière de poursuites ou d'amendes? On me dit qu'il n'y a absolument rien et j'aimerais savoir pourquoi. J'aimerais savoir si l'on pourrait s'inspirer des expériences des États- Unis avec la « False Claims Act » ou des poursuites intentées en France. Pourquoi n'en avons-nous pas fait plus au niveau de l'application des règles qui s'appliquent à ces sociétés au Canada? Il s'agit des mêmes sociétés qui produisent ailleurs les mêmes médicaments. N'allez pas me dire que ces sociétés agissent incorrectement aux États-Unis mais que tout va bien ici. Il y a une inaction totale et j'aimerais des explications.

Dre Sharma : Voilà beaucoup d'informations.

Je vais commencer par l'utilisation non indiquée sur l'étiquette. Je ne peux pas vous rassurer lorsque les produits utilisés de façon non indiquée sur l'étiquette ne sont pas utilisés correctement. Les mots clés ici sont « utilisation appropriée des médicaments » car il y a de bonnes utilisations non indiquées où les patients sont bien servis par des renseignements hâtifs qui sont adaptés à leurs cas. Il y a cependant des incidents où l'utilisation non indiquée sur l'étiquette peut présenter un risque. Le défi provient de l'absence d'études sur le sujet. Celle que vous avez citée vient de McGill; les 79 p. 100 dont vous parliez portaient sur une indication, c'est-à-dire un médicament qui n'était pas approuvé pour un type précis de maladie.

L'utilisation non indiquée sur l'étiquette est définie de façon beaucoup plus large. Par exemple, si la fonction rénale d'une personne change et que vous devez changer la dose sur l'étiquette car la fonction rénale est différente, il s'agit d'une utilisation non indiquée. Il est vrai que plusieurs de ces utilisations concernent des maladies difficiles à traiter. D'une part, un patient peut subir de multiples traitements et avoir recours à des produits approuvés. D'autre part il peut y avoir des cas spéciaux où le médecin et le patient ont très peu de choix à leur disposition.

Je ne prétends pas que les risques potentiels ne posent pas problème. Mais lorsqu'on se penche sur les chiffres, on voit qu'il y a une énorme variation. Les études au Canada et aux États-Unis indiquent entre 3 et 65 p. 100 d'utilisation non indiquée sur l'étiquette pour une même population. Même dans le secteur pédiatrique, les chiffres portent souvent sur le pourcentage de médicaments qui comportent une utilisation non indiquée sur l'étiquette. Cependant, la majorité des médicaments prescrits de façon normale pour les enfants le sont selon l'étiquette. Les volumes sont également différents lorsqu'on se penche sur l'utilisation non indiquée par rapport à tous les médicaments. Cela souligne la complexité de l'enjeu.

Passons maintenant à votre question sur les poursuites. Nous avons un système qui prévoit que lorsqu'un produit est publicisé de façon non indiquée sur l'étiquette auprès d'un médecin, la situation doit faire l'objet d'un rapport obligatoire à Santé Canada et contrevient techniquement à la loi. Pour répondre aux questions que vous avez posées, nous avons fait des recherches sur le nombre de plaintes reçues au cours des 10 dernières années qui portent précisément sur la promotion d'utilisation non indiquée. Il y a eu moins de 10 plaintes. Votre question est bonne mais peut-être que cette situation se produit simplement moins souvent. Peut-être aussi qu'il y a moins de publicité directe chez les consommateurs ici qu'aux États-Unis. Nous n'avons pas observé ce genre de situation mais le cas échéant, nous prendrions les dispositions nécessaires pour corriger la situation et pour nous assurer qu'aucun préjudice ne survient suite à la promotion d'un produit qui n'est pas correctement étiqueté au Canada.

Le sénateur Eggleton : Je trouve cela difficile à croire. D'après moi, cela manque de crédibilité. Vous dites que ce qui se passe aux États-Unis ne se passe pas vraiment ici. Vous dites qu'il n'y a aucune preuve, mais vous n'allez pas non plus en déceler et vous ne vous assurez pas qu'ils suivent les règles. C'est exactement ce que vous devriez faire.

J'aimerais que vous me parliez des renseignements qui sont transmis aux médecins, puis répétés à leurs patients. Je crois qu'on pourrait faire beaucoup plus quant à l'utilisation non indiquée sur l'étiquette. Pourriez-vous faire davantage à cet égard?

Dre Sharma : Je crois qu'il est toujours possible de faire plus. Je ne crois pas qu'il existe un domaine où il ne soit pas possible de faire davantage. Nous nous assurons que les médecins ainsi que le public ont accès à un plus grand nombre de renseignements possible pour qu'ils puissent faire des choix avisés. Les médecins vont se renseigner à partir de tout un ensemble de sources différentes. Certainement, lorsque Santé Canada donne des explications sur les produits approuvés, le ministère prend davantage de mesures pour disséminer les renseignements. Comme le Dr Berthiaume l'a mentionné, nous affichons sur notre site le sommaire des décisions et mettons ces renseignements à disposition, tout comme les données que Santé Canada a employées pour prendre la décision d'autoriser le produit sur le marché. Actuellement, nous nous préparons à afficher également les renseignements à la base des décisions négatives.

Habituellement, il faut environ un an pour étudier complètement un nouveau médicament. La documentation relative à la demande d'autorisation pour un médicament est si volumineuse qu'elle remplirait cette salle. Toutes les données accessibles au moment de l'autorisation initiale ainsi que tous les renseignements pris en compte en vue de la décision sont indiqués sur l'étiquette de la monographie d'un produit. Cette monographie indique l'objet de l'ordonnance, toute contre-indication, la façon dont le produit doit être administré, les effets secondaires ainsi que les remarques des consommateurs. Nous avons cherché à mettre le tout sur notre site web pour que ces renseignements soient plus facilement accessibles. Nous avons également l'intention d'y apporter des améliorations.

Nous essayons d'y intégrer le plus grand nombre de renseignements possible. Nous imaginons un médecin dans son cabinet avec un patient, et nous comprenons qu'il y a de nombreuses façons pour le patient d'accéder aux renseignements relatifs au médicament prescrit. Cet aspect de la médecine est absolument unique et varie d'un médecin à l'autre ainsi que d'un patient à l'autre. Santé Canada dispose d'un énorme corpus de renseignements. Nous ne nous attendons pas à ce que les médecins passent en revue une pièce entière pleine de renseignements pour chaque produit, par conséquent les données sont résumées avant d'être présentées.

Les sociétés pharmaceutiques peuvent apporter des changements à la monographie du produit, comme en y ajoutant une indication ou un risque. En l'espèce, nous mettons à jour les renseignements dont nous disposons et affichons tout avis nécessaire. Nous essayons toujours de rejoindre les médecins et les patients pour leur transmettre le plus grand nombre de renseignements possible, et ce, de la façon la plus efficace qui soit. Nous essayons donc d'acheminer les renseignements aux points de services de santé pour qu'ils soient accessibles au moment de prendre une décision.

Le sénateur Eggleton : Vous pourriez chercher à accroître votre efficacité.

Au sujet des cas déclarés d'effets indésirables, pourquoi ne pas exiger que les renseignements concernant l'utilisation non indiquée sur l'étiquette contiennent l'âge et le sexe du patient, la posologie, les indications, et cetera. Vous auriez ainsi accès à davantage de renseignements au sujet de l'utilisation non conforme et des effets indésirables. Nous avons constaté à la suite de témoignages précédents que cet aspect devait être amélioré considérablement. Vous pourriez y arriver grâce à un système de déclaration électronique.

Dr Berthiaume : La difficulté relative à l'utilisation non indiquée sur l'étiquette, du point de vue réglementaire, c'est la génération de renseignements. Cette difficulté pourrait être en partie résolue grâce à un système électronique. Mais il y a aussi la question de l'interprétation des données. L'utilisation non conforme ne peut être suivie qu'avec un certain nombre d'intervenants. Les organes de réglementation comme nous reçoivent des renseignements provenant des fabricants de médicament, ils étudient ces données et effectuent une analyse des avantages par rapport aux risques. Cette analyse, si elle donne un résultat positif, devient une indication; or, si le résultat est négatif, l'analyse devient une contre-indication. Par exemple, si l'on consigne des effets secondaires chez les enfants qui se traduisent par une contre- indication, elle sera incluse dans la monographie du produit. En fait, en réalité, il existe une zone grise, car il y a très peu de renseignements au sujet des avantages présentés par les médicaments, parce qu'il ne s'agit pas du groupe de travail chez qui les méfaits ont été prouvés.

La difficulté qui réside dans la cueillette de renseignements sur les effets indésirables chez ces groupes, c'est l'interprétation des renseignements portant sur les méfaits. Autrement dit, vous recevez des renseignements sur les effets indésirables alors qu'il n'y a pas de renseignements qui puissent appuyer les avantages. Pour faire avancer véritablement l'analyse de l'utilisation non conforme, nous devrions intégrer les renseignements portant non seulement sur les méfaits, mais aussi sur les avantages, comme mes collègues des IRSC l'ont laissé entendre, car cela permettrait de faire avancer nos connaissances. Ils pourraient ensuite être en mesure de dire qu'une indication quelconque pourrait être avantageuse, alors qu'une autre ne devrait pas mener à une utilisation non conforme et devrait être assortie d'une contre-indication. Lorsqu'il s'agit d'une utilisation non conforme, nous faisons souvent référence à cette zone grise.

Nous avons écouté bon nombre des séances du comité où des témoins sont venus offrir tout un ensemble de points de vue. On vous a dit que l'utilisation non indiquée sur l'étiquette ne mène pas toujours à des résultats négatifs, qu'il y a des résultats positifs. L'un de vos témoins a cité en exemple la prise d'aspirine pour prévenir des complications cardiovasculaires. Il a fallu attendre 10 ans pour que cette pratique soit approuvée officiellement. Si vous aviez mené une étude là-dessus, vous auriez recensé des dizaines de milliers de patients au Canada qui faisaient la même chose, sans que cela ne nuise à leur santé. Voilà pourquoi nous avons besoin davantage de renseignements pour pouvoir analyser les données relatives à l'utilisation non indiquée sur l'étiquette, c'est-à-dire des renseignements concernant les avantages potentiels. Habituellement, c'est réalisé dans le cadre d'une cueillette plus complexe de données sur les réactions indésirables. Typiquement, on recueille des renseignements sur les troubles dont souffre le patient ainsi que sur les indications relatives à l'administration du médicament, de sorte qu'un ensemble plus élargi de renseignements qui d'ordinaire proviennent d'organismes de recherche puisse être collecté, car il faut beaucoup de données pour arriver à une interprétation.

Le sénateur Eggleton : Vous devez faire davantage pour protéger le public.

Dre Sharma : Le type de données que vous venez d'énoncer, comme l'âge et le sexe, sont clairement précieuses. Plus on dispose de renseignements de meilleure qualité sur les réactions indésirables, mieux on sera en mesure de les interpréter.

Santé Canada reçoit non seulement des données sur les réactions indésirables quant à l'usage indiqué, mais aussi à l'usage non indiqué. Les données portent donc sur toute réaction indésirable rattachée au produit. Il nous est même arrivé de voir certains de ces effets indésirables. Comme le Dr Berthiaume l'a dit, ces renseignements doivent être remis en contexte dans l'ensemble des données colligées. Nous établissons ensuite des contre-indications ou des avis pour exprimer nos préoccupations.

Pour ce qui est de la cueillette électronique des données, nous nous employons à pouvoir recevoir des déclarations d'effets indésirables en ligne. D'ici le mois prochain, nous serons en mesure de recevoir nos toutes premières déclarations de ce genre. Comme le comité l'a entendu, et tout comme on nous l'a indiqué, une partie du travail consiste à s'assurer que les renseignements sont transmis à l'ensemble du pays de la façon la plus rapide et facile possible. Nous œuvrons pour faire la même chose avec les sociétés, et la prochaine phase comprendra un élargissement de l'accès Web, de sorte que les sociétés pharmaceutiques, les médecins ou hôpitaux pourront soumettre ces renseignements à Santé Canada plus rapidement et plus facilement.

La sénatrice Seidman : J'aimerais poursuivre dans la même veine. Il ne fait aucun doute que les témoins nous ont dit au cours des séances du comité que l'utilisation non indiquée sur l'étiquette est importante, voire vitale pour certains groupes de la population, car l'absence de traitement constitue la seule autre option. Dans ce contexte, j'aimerais vous poser quelques questions.

Le Dr Rowan-Legg a témoigné en comité et a déclaré que les formulaires provinciaux ne reflétaient pas les pratiques contemporaines en matière de prescription, surtout dans le domaine pédiatrique où 75 p. 100 des médicaments font l'objet d'une utilisation non indiquée sur l'étiquette. Durant votre déclaration, docteur Peterson, vous avez fait référence à cette même question, et j'aimerais que vous nous donniez davantage de détails. Vous avez déclaré qu'il existe des preuves dans des bases de données, soit à l'échelle internationale soit aux États-Unis soit encore dans différentes provinces, et vous recommandez aux législateurs canadiens d'ordonner la production de ces preuves aux autorités canadiennes. Pourriez-vous nous donner des explications à cet égard?

Dr Peterson : Il y a plus d'une décennie, les États-Unis ont pris des mesures pour corriger le problème de l'utilisation non indiquée des médicaments à des fins pédiatriques. À cette fin, ils ont adopté une loi intitulée « Best Medicines Act », qui a donné lieu à une série de renouvellements exigeant que les fabricants soumettent à la FDA l'information relative à la posologie et à la fréquence des doses applicables à l'usage pédiatrique de leurs médicaments. Cette mesure a été appliquée en précisant que des experts établiraient une liste des médicaments utilisés de cette façon à l'heure actuelle, afin d'identifier à l'avance les médicaments importants pour la FDA. Par la suite, les sociétés devaient présenter à la FDA l'autorisation d'être visées par l'autre partie de cette loi, dont je parlerai dans un instant. La FDA a accordé plus de 200 autorisations de ce genre à des entreprises afin qu'elles puissent lui présenter des données aux fins de prolonger les essais cliniques.

Cette loi contenait également une disposition connexe permettant de prolonger l'exclusivité de mise en marché de ces produits pour tous les groupes d'âges, tant les adultes que les enfants, pour une période supplémentaire de six mois suivant la caducité de la propriété intellectuelle — c'est-à-dire le brevet sur le produit. Cela a été un incitatif économique énorme pour que les fabricants demandent du point de vue des revenus, aux États-Unis, cela représente environ 1 milliard de dollars, et ces revenus ont été obtenus grâce à un échange, contre un investissement de quelques centaines de milliers de dollars, pour que les essais cliniques soient effectués sur l'utilisation pédiatrique des médicaments.

Si je dis qu'il existe des preuves relativement à plus de 200 médicaments, c'est parce que la FDA a annoncé que les étiquettes de ces médicaments avaient été modifiées de façon à indiquer qu'on peut les utiliser sans problèmes à des fins pédiatriques. Quand nous avons examiné cela l'année dernière — et je sais que vous connaissez l'éditorial publié dans le Journal de l'Association médicale canadienne, dans lequel nous attirions l'attention sur cette différence — la réponse des fabricants canadiens a été qu'ils croyaient que la liste contenait 25 de leurs produits pour lesquels ils avaient demandé et obtenu une autorisation au Canada. Il y a donc des preuves.

Le cadre de réglementation du Canada offre depuis 2006 un incitatif semblable à la prolongation de six mois de l'exclusivité de commercialisation consentie par la FDA aux États-Unis. Au Canada, il s'agit d'une période supplémentaire de protection des données d'une durée de six mois. Autrement dit, une fois la mise en marché autorisée, l'organisme de réglementation ne recevra pas de demande d'un fabricant de médicaments génériques pour une période supplémentaire de six mois, après l'expiration de la période de protection des données. Cette mesure existe au Canada depuis un certain temps. L'année dernière, quand nous avons examiné l'importance de cette mesure, nous avons constaté que la différence est qu'elle s'est appliquée à plus de 200 produits aux États-Unis et à 25 environ au Canada. Pour nous qui travaillons activement dans ce domaine, il semble que cet incitatif n'ait pas été suffisant pour susciter des demandes au Canada.

En Europe, on a choisi d'adopter l'autre partie de la loi américaine sous forme de règlement afin qu'il ne soit pas nécessaire d'adopter ou de modifier une loi pour satisfaire aux mêmes exigences. Cela a provoqué une sorte de désalignement par rapport aux exigences d'étiquetage relatives à l'utilisation pédiatrique des médicaments au Canada.

À ce propos, c'est là l'un des moyens les plus intéressants qui ait été trouvé pour régler le problème de l'utilisation non indiquée des médicaments d'ordonnance et il serait très pertinent d'examiner cette orientation.

La sénatrice Seidman : J'ai une autre question. Je vais considérer qu'il s'agit d'une réponse rigoureuse, et je vous en remercie. Je ne crois pas que nous ayons besoin de plus amples détails quant aux mesures qui seraient nécessaires. Dans votre témoignage, vous avez dit ce qui suit : « Si les législateurs canadiens prenaient des mesures pour rendre obligatoire la soumission de ces données aux organismes canadiens, ils harmoniseraient les exigences réglementaires du Canada avec celles des autres pays qui ont déjà mis en place de telles réglementations. » Vous avez expliqué ce que vous entendiez par cela. Je vais m'en tenir à cela maintenant, car j'ai une question pour le Dr Beaudet et mon temps est très limité. Si vous avez d'autres détails sur ce qui nous manque au Canada, j'apprécierais beaucoup que vous nous les fassiez connaître. Vous pourriez nous les envoyer plus tard à notre greffière.

Dr Peterson : Je le ferai.

La sénatrice Seidman : Merci.

Docteur Beaudet, si j'ai le temps, j'aimerais vous poser une question sur un sujet que vous avez abordé. Au cours de nos audiences, on nous a parlé de partage de l'information, de collecte des données, de synthèses, d'analyses, de dossiers électroniques et, comme vous l'avez dit, d'homologation. Cependant, il est certain que la communication des données, sous une forme ou une autre, constituerait une garantie par rapport à ce que nous estimons tous important pour l'utilisation non indiquée, c'est-à-dire la certitude pour les gens à qui on prescrit des médicaments non indiqués que ces médicaments sont sûrs et prescrits convenablement.

Vous dites ici : « Par exemple, nous accordons du soutien continu à un programme de recherche faisant appel au système de dossiers de santé électroniques. » C'est ce que vous avez dit dans l'exposé que vous nous avez présenté. J'aimerais que vous me disiez un peu plus ce que cela signifie, ce que cela représentera exactement.

Dr Beaudet : Je vais demander au Dr Peterson de répondre, car il en sait davantage que moi sur ce sujet.

Dr Peterson : Avec plaisir.

Ce système de dossiers de santé électroniques est depuis plusieurs décennies le Saint-Graal de tous ceux qui travaillent à l'évaluation de la bonne utilisation des médicaments et dans la recherche de nouvelles utilisations, par exemple. Les chercheurs qui ont voulu mettre au point des études pilotes dans ce domaine ont reçu un soutien considérable.

Je peux vous répondre du point de vue particulier du Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments. On nous a dit que la déclaration passive des réactions indésirables aux médicaments n'avait pas produit un rendement très élevé, et il faut donc se demander si cette déclaration devrait être une exigence. À l'heure actuelle, au Canada, nous pouvons utiliser la méthodologie financée par le RIEM depuis 2010 afin d'examiner la compilation des dossiers de santé administratifs pour obtenir de l'information sur les diagnostics, sur les ordonnances et, dans une certaine mesure, une quantité intéressante de renseignements sur les effets indésirables graves qui ont donné lieu à des hospitalisations.

Cette compilation des dossiers de santé administratifs nous permettrait de faire une recherche particulière sur une catégorie de médicaments et d'obtenir une bonne quantité d'informations sur l'utilisation non indiquée, de même que sur l'utilisation indiquée, ses avantages et ses inconvénients. En fait, nous l'avons déjà fait dans un certain nombre de cas, bien que nous nous soyons concentrés sur l'utilisation indiquée des médicaments.

Ce qui nous limite, c'est l'information qui ne se trouve pas dans les dossiers de santé administratifs — les données des tests en laboratoire, les détails clairs des résultats et les problèmes plus précis associés à la question de savoir si l'effet indésirable est connu ou s'il s'agit d'un nouvel effet indésirable. Nous ne pourrions obtenir ces données que s'il s'agissait d'un véritable dossier de santé électronique. Dans plusieurs régions du Canada, la mise en place de dossiers de santé électroniques a déjà été achevée ou est sur le point de l'être, tant pour ce qui est des études pilotes que de la capacité des provinces de faire le lien entre les données provenant des mesures prises en laboratoire et des autres résultats avec l'information diagnostique. Cette information est maintenant disponible dans bon nombre de régions. Nous pourrions mettre un tel système en place et il pourrait devenir un mécanisme d'analyse et de surveillance électronique continu.

Je conviens tout à fait que nous aimerions au bout du compte avoir accès aux dossiers médicaux électroniques. À cet égard, je peux vous dire que nous travaillons à l'élaboration d'une méthodologie très performante et avancée en matière d'études épidémiologiques. Il ne s'agit pas d'ECR. Ils ne sont pas nécessaires. On ne limite pas la population. En fait, on veut plutôt un très grand nombre de sujets; à l'issue de l'étude, on obtient un risque relatif. Y a-t-il 20 p. 100 de risque qu'un événement indésirable ou qu'un préjudice survienne avec ce médicament? Le risque est-il de 30, 50 p. 100? En fait, lorsque le rapport des cotes est plus grand que deux, c'est-à-dire que si le taux est doublé, on n'a en général pas besoin de mener ce genre d'études sur de grandes populations. Notre expérience clinique nous a appris que c'est le cas.

Le président : Docteur Peterson, pourriez-vous expliquer aux téléspectateurs ce que vous entendez par ECR?

Dr Peterson : Des essais cliniques randomisés. Il s'agit d'études structurées excluant un grand nombre de patients qui pourraient en réalité recevoir ce médicament.

Dr Beaudet : Je tenais tout simplement à ajouter que ce que le Dr Peterson décrit revêt une énorme importance pour nous. Tout d'abord, je trouve encourageantes les réalisations du RIEM en matière d'accès aux données des diverses administrations. Ce qu'on constate maintenant, en élaborant la Stratégie de recherche axée sur le patient, c'est que l'une des priorités de toutes les administrations consiste à prendre conscience de l'importance d'avoir accès à ces données pour pouvoir répondre de façon juste à ce genre de questions. Il faut véritablement mettre l'accent sur la nécessité de faciliter cet accès aux chercheurs afin que nous puissions réellement bénéficier de notre système de soins de santé universel, lequel nous fournit tant de données dont nous ne nous prévalons pourtant pas, et qu'on n'étudie pas suffisamment pour l'instant. Je crois que vous constaterez une énorme différence dans les années à venir.

La sénatrice Seidman : J'aimerais préciser vos propos, docteur Peterson, parce que c'est selon moi une bonne chose. Vous dites que la responsabilité de ce réseau de dossiers médicaux électroniques pourrait relever du RIEM. J'essaie de comprendre si vous avez déjà assumé cette responsabilité.

Dr Peterson : Je vous remercie de me donner l'occasion de préciser cette question. La réponse brève à ce que vous laissez entendre est non. Honnêtement, vous avez raison de dire que nous accéderions aux dossiers médicaux électroniques si des questions étaient soulevées au sujet de l'utilisation de médicaments antipsychotiques chez les enfants. Nous le faisons actuellement avec les dossiers médicaux administratifs, et nous recueillons ainsi un très grand nombre de renseignements. Il n'est pas nécessaire d'en exiger davantage sur le plan des effets indésirables.

Je vous enverrai des renseignements sur la façon dont un tel accès aux dossiers électroniques a pu en fait corriger une perception erronée concernant un nouvel anticoagulant en usage aux États-Unis, où le système de déclaration laissait entendre que les segments étaient un gros problème. En fait, lorsque l'homologue du RIEM aux États-Unis a pu consulter les dossiers de santé électroniques, il a constaté que ces événements étaient aussi fréquents pour le médicament en question que pour les médicaments de comparaison. Nous sommes enthousiastes à l'idée de pouvoir accroître nos ressources actuelles. D'autres entités responsables de la surveillance de façon générale pourraient aussi tirer parti de cette méthodologie en cours de développement et l'appliquer.

La sénatrice Seidman : En gros, vous êtes axé sur la demande.

Dr Peterson : Nous sommes très sensibles aux besoins de l'organisme de réglementation qui nous pose des questions bien pointues et à qui, par conséquent, nous donnons des réponses bien précises.

La sénatrice Martin : J'aimerais poser une question se rapportant à ce que cherchait à savoir la sénatrice Seidman. On s'emploie à élaborer une méthodologie et à faire en sorte que, lorsque nos systèmes pourront utiliser la technologie, elle pourra être appliquée et utilisée de façon efficace. Ma question porte sur la technologie elle-même. Avons-nous les bons outils au Canada, ou y avons-nous accès? Si on a la bonne méthodologie et que les intervenants sont prêts, la technologie nous permettant de mettre en œuvre ce système existe-t-elle?

Dr Beaudet : Tout d'abord, vous parlez de la méthodologie du point de vue électronique, à savoir si nous pouvons créer les liens nécessaires, parce qu'ils sont primordiaux. Je crois que oui. Évidemment, la tâche est légèrement compliquée par le fait que les systèmes varient d'une administration à l'autre. Cependant, je pense que la méthodologie existe. C'est techniquement faisable. Toutefois, ce n'est pas toujours aussi simple qu'on le souhaiterait, parce qu'on essaie d'établir des liens entre des systèmes qui ne sont pas toujours, disons, vraiment compatibles.

Or, il s'agit plutôt là du côté « électronique ». Du côté de la méthodologie, on doit songer de façon plus générale aux différentes méthodologies applicables aux essais si on veut mener à bien le grand nombre d'essais nécessaires pour répondre à la plupart de ces questions. Je pense plus particulièrement aux maladies rares, puisque les patients sont en fait très peu nombreux, ce qui explique pourquoi le marché est restreint. L'industrie n'est de toute évidence pas chaude à l'idée de financer de gros essais, et en outre, il est difficile d'effectuer ces essais en raison du petit nombre de patients. La méthodologie s'appliquant à la conception d'essais efficaces pour de plus petites populations changera véritablement la façon dont nous abordons l'efficience des médicaments.

Dr Peterson : Je souscris tout à fait à l'évaluation selon laquelle la technologie existe et les liens peuvent être mis en place, au besoin. Je tiens à signaler que le principal problème auquel RIEM est confronté en matière d'accès aux dossiers de santé n'est pas la technologie. On peut permettre à ces diverses plates-formes de communiquer, et on le fait d'ailleurs pour huit provinces, de même que pour la General Practice Database du Royaume-Uni et la base de données Medicare des États-Unis. Je pourrais vous en parler longuement. C'est un défi, mais nous pouvons le relever.

Notre principal problème actuellement, c'est la législation relative à la protection de la vie privée au niveau régional, et l'interprétation qu'en font les dépositaires des données. Pour que le Canada puisse aller de l'avant, il faut notamment investir dans la technologie, être disposés à ce que les renseignements soient consignés, mais plus encore, il faut trouver une façon de protéger les données tout en en favorisant la communication. Comme je le disais, nous avons acheté des renseignements du Royaume-Uni afin de recueillir des données sur une population équivalente à celle dont nous disposons pour nos études.

La sénatrice Martin : Voilà qui m'amène à une question que je voulais poser à la Dre Sharma et à Santé Canada. Puisqu'on parle des difficultés à surmonter en matière de législation relative à la protection de la vie privée au niveau régional, Santé Canada aurait-il un rôle à jouer en considérant qu'il s'agit d'une question de santé et de sécurité publiques? C'est extrêmement important pour que le Canada puisse aller de l'avant. Je ne sais pas si Santé Canada devrait jouer un tel rôle. Dans l'affirmative, savez-vous si on a essayé de réunir les intervenants régionaux pour favoriser une conversation à ce sujet?

Dre Sharma : Je pense que l'élément électronique a été intéressant parce que c'est l'un des aspects qui a le plus retenu l'attention. Nous avons travaillé avec des responsables d'Inforoute Santé du Canada, par exemple, et ils cherchent à standardiser la manière dont les renseignements sont versés dans le système. Cette standardisation, en grande partie, est centrée sur deux plans distincts. L'un est celui de la standardisation technique, à savoir si un ordinateur peut communiquer avec un autre. Le Dr Peterson a dit que ce n'était pas le principal obstacle pour eux, mais pour nous, ça a été une entrave assez importante.

En ce qui concerne ce que nous recevons, on peut verser des renseignements dans le système, mais une fois qu'on commence à communiquer ces renseignements entre compétences, c'est là qu'entrent en jeu les lois respectives sur la protection des renseignements personnels. Nous avons parlé à des chercheurs, qui ont dit : « Nous pouvons vous envoyer des renseignements de la Colombie-Britannique. Mon collègue de l'Alberta peut vous envoyer des renseignements, mais je ne peux pas transmettre de renseignements à mon collègue de l'Alberta. »

D'une part, nous devons collaborer avec Inforoute pour que les renseignements puissent être communiqués entre les diverses compétences, mais, d'autre part, Santé Canada doit jouer un rôle, celui d'obtenir ces renseignements et de déterminer ce qui doit en être fait à partir d'un lieu centralisé. Nous examinons donc la question sous ces deux angles, mais elle présente des défis, pour chacune des provinces.

La sénatrice Martin : J'ai donc une autre question à vous poser, pour creuser un peu plus le sujet. Nous savons qu'il y a des défis, alors nous vous souhaitons bonne chance sur tous les plans.

Ma question porte sur le rôle que doit jouer Santé Canada ou le gouvernement fédéral, en ce qui concerne l'éducation du public au sujet des utilisations non indiquées des médicaments et des effets indésirables. Très franchement, étant donné que je siège au comité et que j'ai contribué à l'administration de soins à un membre de ma famille, j'ai été en mesure de renseigner des gens et de poser des questions. Je pense que l'éducation est importante, bien que cela relève de la compétence des provinces. Nous avons bien eu des campagnes publicitaires, à la télévision, sur la violence à l'égard des aînés, qui ont su sensibiliser le public. On pourrait en faire autant pour lui faire comprendre ce que signifie les expressions « utilisation non indiquée » et « effets indésirables » et qu'il est important de poser ces questions au moment où on reçoit l'ordonnance.

Docteure Sharma, vous avez dit que les pratiques en matière de prescriptions sont uniques aux médecins et à leurs patients. Il y a donc cet élément du patient, et je me demande quel serait le rôle de Santé Canada ou du gouvernement fédéral en ce qui concerne cette sensibilisation.

Dre Sharma : Je vais d'abord vous répondre, et je laisserai ensuite la parole à mon collègue.

Je trouve très important ce que vous disiez au sujet de la nécessité de renseigner les gens sur la santé de ses proches, quand vous avez-vous-même de tels renseignements — et qu'on est renseigné de façon à pouvoir utiliser l'information, l'assimiler, et l'utiliser dans le cadre de ce genre de discussion. Il y a maintenant tellement d'endroits où on peut obtenir des renseignements que les Canadiens comptent sur des organismes comme Santé Canada et disent : « D'accord, je peux consulter 20 000 sources d'information différentes sur le Web, mais l'information que je veux, c'est celle à laquelle je peux me fier, qui est autorisée par un organisme auquel je fais confiance, et en un format que je peux comprendre ».

On cherche toujours des moyens différents, pour cela. J'ai notamment parlé de notre monographie de produits. C'est un résumé de tous les renseignements que vérifie Santé Canada avant d'autoriser un produit. Il y a une section, la troisième partie, qui est rédigée en des termes — je ne voudrais pas dire en un langage simple, parce que ça donne l'impression que ce n'est pas aussi important que l'autre façon de s'exprimer — en des termes plus accessibles. On se demande toujours quelle quantité de renseignements il nous faut fournir, en quel format, pour que les gens puissent y accéder. C'est dans le Web. Il est certain que nous encourageons les Canadiens. Ils peuvent faire une recherche dans la base de données, trouver leur produit, trouver cette partie-là, et la conserver.

On nous a parlé des renseignements fournis au point de vente. Vous vous vous présenter à la pharmacie pour recevoir vos médicaments sur ordonnance et on vous donne des renseignements. Ces renseignements ne sont pas nécessairement autorisés par Santé Canada. Nous sommes en consultation avec diverses pharmacies, avec les provinces et les territoires pour veiller à ce que l'on vous donne les renseignements adéquats — qui devraient être des renseignements canadiens — et pour garantir que cela est écrit en des termes compréhensibles.

L'étiquette est également en cause en raison des renseignements qu'elle comporte. Il y a une initiative pour que l'étiquetage soit en langue clair afin que les Canadiens trouvent les renseignements plus accessibles.

Ça pourrait être tout simplement le nom du produit. Dans certaines régions, le nom du produit suscitait parfois de la confusion. Une ordonnance écrite ou dictée au téléphone peut être confondue avec un autre produit. Ainsi, les patients obtiennent un produit semblable qui n'est pas le bon. Nous émettons des lignes directrices pour que le patient puisse faire une évaluation des produits qui sont trop similaires, pour veiller à ce qu'il n'y ait pas de confusion. Je pense que nous pouvons fournir beaucoup de renseignements. Si le comité le veut bien, nous accueillerons volontiers ces recommandations et ces conseils pour améliorer ce que nous tentons de faire et pour mieux joindre les Canadiens en tant que consommateurs et les professionnels de la santé qui prescrivent des médicaments et utilisent ce produit.

La sénatrice Cordy : Pour la gouverne de notre auditoire, IRSC est l'acronyme des Instituts de recherche en santé du Canada.

Docteur Beaudet, vous êtes le président des IRSC. Vous avez été nommé par décret. Est-ce que je me trompe?

Dr Beaudet : Non.

La sénatrice Cordy : Une loi a été adoptée en juin 2000. Les IRSC sont des organisations indépendantes du gouvernement. Ce ne sont pas les instituts qui effectuent les études mais je pense que bien des Canadiens pensent que vous le faites. Pouvez-vous nous expliquer la relation d'indépendance qui existe entre les instituts et le gouvernement et comment vous gérez cela.

Dr Beaudet : Volontiers.

Vous avez raison, nous n'effectuons pas de recherche. Nous dispensons des subventions à des chercheurs dans nos universités, nos hôpitaux et nos centres universitaires de sciences de la santé et c'est là que se fait la recherche. Les subventions sont distribuées en fonction de l'excellence — excellents chercheurs, excellents projets, excellentes propositions et excellentes méthodologies. Lorsqu'il y a une demande de financement, le chercheur doit nous donner un exposé détaillé de sa proposition, par exemple, les objectifs de l'essai clinique. Il doit ajouter tout document susceptible de nous renseigner sur ce qui est connu pour nous prouver qu'il s'agit d'une recherche véritablement innovatrice. Il doit ajouter une explication de la méthodologie de sa recherche et des résultats escomptés.

Des comités de pairs — c'est-à-dire des chercheurs qui sont experts en la matière — revoient la proposition. Ces comités reçoivent plusieurs milliers de propositions par année et nous en finançons 800. Environ 18 p. 100 des propositions que nous recevons sont financées. Il s'agit d'un processus rigoureux suivant lequel les projets les plus solides sont financés. On s'attend à ce que les chercheurs effectuent la recherche proposée et qu'on publie les résultats et que cette recherche apporte des avantages au public canadien.

En outre, nous avons pris des mesures pour garantir qu'il y a véritablement ce que nous appelons « un transfert de connaissance » afin que les résultats se traduisent par une bonification de la santé et des soins de santé. Nous voulons, par-là, que l'on examine les résultats, que les résultats soient diffusés et qu'ils soient retenus par les décideurs et les praticiens. Nous voulons que les résultats soient disponibles et qu'on soit renseigné sur les données les plus à jour dans le secteur de la santé.

La sénatrice Cordy : D'après la loi, c'est censé être fait de façon indépendante.

Docteure Sharma, vous avez dit que les patients devraient être autant renseignés que possible sur l'utilisation d'un médicament à des fins non indiquées sur l'étiquette — et de toute façon ils devraient être informés, que l'utilisation soit indiquée ou non sur l'étiquette — et qu'il faut protéger sa propre santé. Je suis tout à fait d'accord. Malheureusement, ce n'est pas tout le monde qui, comme nous, ici, est en mesure de défendre sa propre santé. Je suis tout à fait d'accord avec vous.

Des témoins nous ont parlé de gens qui se font administrer des médicaments à des fins non indiquées sur l'étiquette, et on se demandait si ces gens devraient signer un formulaire de consentement attestant que ces patients savent qu'il s'agit d'une utilisation non indiquée. Dans le cas d'un enfant, ce serait le parent ou le tuteur qui signerait ce formulaire. Nous avons découvert qu'une partie de la difficulté vient du fait que les médecins, souvent, ne savent pas que l'utilisation qu'ils font d'un médicament n'est pas indiquée sur l'étiquette.

Pouvez-vous nous en parler? Il est important pour le patient d'être informé, mais les médecins devraient certainement savoir quand ils utilisent un médicament à des fins non indiquées sur l'étiquette. Quand on parle de ces utilisations, souvent, on dit que c'est mal faire. Eh bien, ce n'est pas toujours mal faire. Certaines utilisations non indiquées, par exemple de l'aspirine pour bébé, sont bénéfiques. C'est probablement la meilleure chose à prendre pour assurer la santé du cœur. Il faudrait toutefois qu'on sache quand on utilise un médicament à des fins non indiquées. J'aimerais bien, en tout cas, que mon médecin sache que c'est une utilisation non indiquée sur l'étiquette.

Dre Sharma : Je laisserai le Dr Berthiaume vous en parler. Il prescrit des médicaments toutes les semaines.

Dr Berthiaume : Je pratique encore la médecine. Je l'ai pratiquée à temps plein pendant plus de 10 ans, et tout aussi longtemps à temps partiel. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce que disent certains, que les médecins ne savent pas quand ils prescrivent un médicament à des fins non indiquées sur l'étiquette. En tant que médecin, et j'en connais beaucoup d'autres, j'aurais tendance à penser que les médecins, la plupart du temps, savent quand ils prescrivent un médicament à des fins non indiquées. Ils le font délibérément parce qu'ils ont déterminé que cela pourrait présenter des avantages potentiels pour un patient en particulier.

Par conséquent, le meilleur moment pour se renseigner, c'est lors de la rencontre entre le médecin et le patient. Les patients devraient être informés du fait qu'un médicament leur est prescrit à des fins non indiquées sur l'étiquette, parce que c'est ainsi qu'ils peuvent prendre une décision éclairée, à savoir s'ils prendront le médicament. Il en va de même au sujet des risques et avantages du médicament utilisés à des fins non indiquées. Il est de bonne pratique, en médecine ou en pharmacie, de fournir des renseignements aux points de service, afin que le patient puisse poser des questions pertinentes sur les avantages et les risques d'un médicament. Même pour les médicaments utilisés conformément à l'étiquette, cela présenterait des avantages importants pour un patient. C'est une occasion sans égale d'avoir ce genre de discussion.

La sénatrice Cordy : Je conviens que le patient devrait être aussi renseigné que possible sur les médicaments qui lui sont prescrits, que ce soit ou non à des fins indiquées sur l'étiquette. Fort heureusement, je n'ai pas eu à prendre beaucoup de médicaments, mais je n'ai jamais demandé à mon médecin si ce qu'il me prescrivait était à des fins indiquées.

Docteure Sharma, vous avez parlé de l'information qui est accessible. On est parfois submergé d'informations qu'on peut trouver dans 20 000 différents sites web. On s'en rend compte si on veut se donner la peine de s'asseoir et de faire des recherches. Cependant, on sait que la technologie a des avantages et qu'il est possible d'obtenir beaucoup d'information par voie électronique. J'ai lu dans le New York Times qu'il est possible d'obtenir des renseignements sur l'utilisation d'un médicament, des renseignements fournis par des gens qui répondent à des questions en ligne.

Combien de renseignements sur les utilisations non indiquées sur l'étiquette des médicaments y a-t-il aux États- Unis? Les enfants, les personnes qui souffrent de maladies rares, les femmes enceintes et les personnes âgées sont les plus susceptibles de faire un emploi non conforme de médicaments. Il est difficile de mener un essai clinique de médicaments sur des femmes enceintes. Je n'en connais pas une qui serait prête à le faire; il en est de même pour les enfants? Les personnes qui souffrent de maladies rares et qui n'ont plus rien à perdre diraient probablement : « Oui, je ferai un essai clinique. Donnez-moi n'importe quoi, j'essaierai. » Combien de renseignements et de données scientifiques valables et probantes proviennent des États-Unis?

Dre Sharma : Je vous répondrai en deux parties. Au sujet des données des essais cliniques, nous examinons les questions en regard des divers segments de la population, et la mesure dans laquelle cette information leur est accessible. Il est évident que quand Santé Canada examine une présentation de produits en vue de sa commercialisation, d'une modification d'emploi ou même de l'ajout d'un emploi, on examine les renseignements qui nous sont fournis, qui sont présentés sous diverses formes. Nous l'avons dit, l'essai clinique est ce qu'il y a de mieux sur le plan de l'information. Au Canada, on n'exige pas que ces essais soient menés au Canada ou sur des Canadiens, parce qu'on sait bien que la population est assez retreinte, alors que le monde est si grand et que les compagnies sont d'envergure mondiale. On prendra les données des essais cliniques faits dans d'autres pays. Dans la mesure où les résultats peuvent être généralisés pour la population canadienne, nous les acceptons.

Par exemple, si une étude pédiatrique est menée aux États-Unis et une compagnie veut commercialiser le produit qui en découle au Canada, elle peut nous présenter les conclusions de cet essai avec le reste de l'information, et nous examinons le tout.

Je tiens à être sûre à ce que l'on sache que nous n'examinons pas que les données recueillies au Canada, mais ce sont néanmoins les données de plus haut niveau. C'est pareil pour toute l'information, quelle qu'elle soit. Si l'on voit dans une base de données qu'un risque est associé à une utilisation non conforme dans un segment de population, cela retient notre attention. On ne dirait pas : « Voilà ce qui arrive aux États-Unis, mais on ne sait pas si c'est la même chose au Canada, donc nous n'y ferons rien. » Nous prendrions ces données, nous les appliquerions au contexte canadien, et nous ferions circuler l'information.

Pour ce qui est des relations entre les organismes de réglementation, nous avons un dialogue permanent avec la FDA, la TGA d'Australie et diverses autres autorités réglementaires à propos des risques que ces organismes constatent, des réactions indésirables qu'ils relèvent et le genre de choses que nous nous devons d'examiner. Ces pays-là sont plus peuplés que le nôtre, et il se peut que leurs autorités élémentaires remarquent certaines choses que nous ne voyons pas, et inversement aussi.

Beaucoup d'information circule, et il n'est pas nécessaire qu'elle découle d'essais cliniques pour être ajoutée à notre corpus d'information.

Cela dit, si une compagnie veut proposer une nouvelle utilisation ou commercialiser un produit pour une nouvelle maladie, nous exigerons une certaine quantité de renseignements. On voudra s'assurer que des essais ont été menés, que les effets positifs du produit sont bien démontrés et que les risques sont minimes, au point où les avantages l'emportent sur les risques. Ce sera toujours nécessaire.

Cela nous amène à la question de l'utilisation non indiquée sur l'étiquette. On a certains renseignements. On a des gens qui, par exemple, ont publié des articles où ils affirment avoir traité un groupe de patients qui ont bien réagi à un produit et chez qui ne se sont pas manifestées des réactions indésirables. Et puis, cela dépend aussi des médecins. Moi- même, j'examine les renseignements et toutes les conclusions d'études qui me sont accessibles, qu'elles soient menées par Santé Canada ou d'autres. J'ai un patient devant moi et je dois déterminer si un certain médicament peut faire du bien à mon patient sans lui faire courir de risques inutiles, même si cet emploi n'est pas prévu sur l'étiquette.

C'est un contexte très fluide et très flexible. On veut renseigner le patient, mais on ne peut pas s'attendre à ce qu'il fasse tout ce que ferait un médecin pour assimiler cette information. On ne peut pas non plus s'attendre à ce qu'un médecin fasse tout ce que fait Santé Canada en tant qu'organisation. Tout cela s'inscrit dans le régime global de gestion des médicaments, et notre rôle, à tous, est de nous assurer que les gens soient suffisamment renseignés pour faire les choix pertinents sur les produits qu'ils prennent.

Dr Peterson : J'aimerais vous donner le point de vue du chercheur — du clinicien scientifique — sur le dilemme dont vous avez parlé quand vous disiez qu'on ne voudrait pas faire des essais cliniques sur des segments vulnérables de la population sur lesquels il n'est pas sûr que le produit n'aura pas d'effets néfastes.

Nous menons sur des femmes enceintes des essais cliniques de médicaments destinés au traitement de la grossesse, par exemple pour arrêter le travail prématuré. Nous faisons aussi des essais pédiatriques. Ainsi, nous faisons sur des enfants l'essai de médicaments qui devront être administrés à des enfants, surtout quand ces médicaments sont destinés à des enfants et non à des adultes. Dans le cadre des essais cliniques, il est possible de gérer les effets positifs et négatifs des médicaments tout en assurant la protection des sujets.

Évidemment, il est toujours possible de continuer de prescrire des médicaments sans se renseigner comme on le ferait en ayant une démarche structurée pour recenser ces éléments. Les chercheurs et les commissions d'éthique de la recherche pourraient vous en parler.

J'aimerais porter à votre attention le fait que les femmes sont nettement sous-représentées dans les essais cliniques. Cela ne signifie pas que lorsqu'on prescrit à une femme un médicament approuvé pour les adultes, on le fait pour une utilisation non indiquée sur l'étiquette. Toutefois, la réalité, c'est qu'on ne dispose pas de toutes les preuves pouvant démontrer qu'un médicament peut être plus nuisible ou plus bénéfique pour les femmes et, à moins de pouvoir en trouver pour participer aux essais cliniques, on ne pourra pas obtenir ces données.

Dans le milieu pédiatrique, nous avons une démarche très structurée, de sorte que si un médicament doit être administré à des enfants, mais pas exclusivement à des enfants, les essais cliniques sont d'abord menés sur des adultes. Ensuite, après avoir recensé les problèmes de sûreté et les mises en garde, on peut aller plus loin. Je peux comprendre que le comité y voit un dilemme. Nous pouvons en parler.

Le président : Docteur Peterson, à titre de précision, à ce que j'ai compris, quand Santé Canada approuve l'utilisation d'un médicament, c'est en lien direct avec le segment de la population représenté dans l'essai clinique. Je vois divers hochements de tête, ici. C'est un sujet d'importance, parce que c'est ce que donne à penser la documentation que nous avons, et vous venez de dire que si des femmes ne participent pas à l'essai, la prescription subséquente aux médicaments aux femmes ne constitue pas une utilisation non conforme.

Dr Peterson : Je laisserai répondre mes collègues de la réglementation, parce que je me fie à mon expérience antérieure. Cependant, ce que je peux vous dire — et je me reporte à l'exemple des médicaments destinés aux adultes pour le traitement du VIH de nos jours — que la plupart des essais cliniques qui ont mené à l'autorisation de commercialisation d'un médicament pour le VIH sont menés à 90 p. 100, ou même plus, sur des hommes. Cela ne veut pas dire que ces médicaments ne devraient pas être administrés à des femmes.

Le président : Docteur Peterson, nous n'allons pas entrer dans un débat sur la question. La question est de savoir si les femmes y participaient ou non. Je ne parle pas du nombre de femmes. Il était question de manque de participation des femmes aux essais, et non pas de savoir si elles sont 10 ou 50 p. 100, ou plus. Si les femmes ne participent pas aux essais cliniques et un médicament est approuvé, qui sera prescrit à une femme adulte, est-ce que ce n'est pas une utilisation non indiquée sur l'étiquette du médicament?

Dre Sharma : Si un produit est destiné aux hommes et aux femmes, il est extrêmement rare que l'étude ne porte pas sur les deux sexes.

Le président : Nous comprenons tout cela. La question est très simple. Je ne veux pas m'embarquer dans les « si »; la question est simple et très claire. Si des femmes n'ont pas été les sujets d'un essai clinique et qu'ultérieurement un médecin approuve le médicament et le prescrit à une femme, pour qu'il soit administré à cette femme, est-ce que cela constitue une utilisation non conforme?

Dre Sharma : Ce ne serait pas une utilisation non conforme à moins que sur l'étiquette, il soit indiqué que le produit est destiné aux hommes uniquement.

Dans ce cas-là, si le médicament est prescrit à une femme, cela constituerait une utilisation non conforme. Si ce n'est pas indiqué et que le médicament est prescrit à une femme, ce n'est pas une utilisation non conforme.

Le président : Si Santé Canada reçoit une demande d'approbation de médicaments destinés aux hommes et aux femmes, et qu'aucune femme n'a participé aux essais cliniques, mais Santé Canada approuve son utilisation, si l'approbation est pour l'utilisation qu'a indiquée le demandeur et, par conséquent, ce n'est pas une utilisation non conforme parce que la demande d'approbation a été faite pour une utilisation par des hommes et des femmes. C'est bien cela?

Dre Sharma : C'est exact. Il peut y avoir une différence entre ce qui est demandé et ce qui est approuvé, mais l'utilisation approuvée est indiquée sur l'étiquette.

Le président : Nous n'aborderons pas tous ces autres aspects. C'est une question fondamentale qui a été soulevée dans trois contextes différents, et je voulais que ce soit clair. Je crois comprendre l'essentiel. C'est-à-dire, si je vous ai bien compris, que si une compagnie demande l'autorisation de vendre un médicament à des femmes et des hommes, donc des adultes, même si aucune femme n'a participé aux essais cliniques, si Santé Canada approuve le médicament, il peut être prescrit à des femmes adultes. Ce n'est pas une utilisation non conforme. Cependant, si la compagnie demande simplement l'autorisation d'administrer le médicament à des adultes et aucune femme n'a participé aux essais cliniques et Santé Canada a donné son approbation, est-ce que cette approbation fait que le médicament peut être administré à des femmes et des hommes?

Dr Sharma : Normalement, oui, avec certaines mises en garde, parce que certains effets peuvent dépendre du sexe du patient. La plupart des produits seraient approuvés tant pour les hommes que pour les femmes. C'est intéressant, parce que ce débat a déjà eu lieu au sujet d'un produit particulier qui n'était destiné qu'aux femmes, et des hommes avaient aussi participé aux essais, avec les femmes. En fait, la participation de membres des deux sexes aux essais a consolidé le corpus d'information sur la manière dont le corps assimile le produit, donc il est bon que des hommes et des femmes aient participé aux essais. Cela donne d'ailleurs plus de poids scientifique aux essais, en ce qui concerne les femmes.

Le président : Je voulais demander quelques précisions sur certaines autres questions.

Les docteurs Sharma et Berthiaume ont tous deux fait allusion aux divers rapports indiquant que 11 p. 100 de tous les médicaments sont prescrits pour des utilisations non indiquées sur l'étiquette; cela pourrait même aller à 75 p. 100 pour certains segments de la population et des enfants. Cependant, une importante distinction doit aussi être faite. C'est bien le pourcentage de l'ensemble des médicaments prescrits, n'est-ce pas? Ce n'est pas un pourcentage de l'ensemble des médicaments qui sont sur le marché.

Prenons un exemple, à titre d'illustration. Pendant près de 10 ans l'aspirine pour bébé a été prescrite pour une utilisation non indiquée, soit pour le traitement de troubles cardiaques. Il doit bien y avoir eu des dizaines de milliers d'ordonnance à cette fin, mais ce n'est que pour un seul médicament, n'est-ce pas? Cependant, le total des ordonnances rédigées engloberait ce nombre total du pourcentage de médicaments prescrits pour des utilisations non conformes, n'est-ce pas?

Prenons un exemple ridicule. Il est concevable que deux médicaments sur 1 000 dans la liste des médicaments assurés pourraient constituer les 11 p. 100 d'utilisation non indiquée sur l'étiquette. Je ne dis pas que c'est exact; je me sers simplement de cet exemple pour être bien clair quant au pourcentage total de médicaments disponibles. Je crois que certaines personnes interprètent ce chiffre comme étant le pourcentage total de médicaments sur le marché, donc il s'agit d'une distinction importante à faire. Pouvez-vous répondre aux exemples que j'ai utilisés?

Dre Sharma : Au sujet de cette étude, les 11 p. 100 portaient sur le pourcentage d'ordonnances qui comportaient une indication non conforme à l'étiquette, plutôt qu'une utilisation non indiquée sur l'étiquette en général. Il ne s'agit pas forcément d'une dose non conforme, d'une voie d'administration non conforme, mais plutôt d'une indication. Il s'agit d'un produit utilisé pour une indication, un type de maladie ou d'état qui ne figure pas sur l'étiquette. Vous avez raison. Il ne s'agit pas du nombre de médicaments, mais plutôt du nombre d'ordonnances. La surveillance de cette population a donc eu lieu de 2005 à 2009.

Le président : Merci beaucoup. Vous avez su apporter l'éclaircissement que je souhaitais verser au procès-verbal.

Docteur Berthiaume, à la page 4 de votre exposé, il est question de l'utilisation non indiquée sur l'étiquette et vous dites « quand un programme de recherche officiel visant à examiner cette utilisation n'est plus financé, cela ne constitue plus une prescription de médicaments pour une utilisation non indiquée sur l'étiquette ». J'aimerais obtenir vos éclaircissements là-dessus.

Désolé, docteur Berthiaume. C'est en fait le Dr Peterson qui a dit cela. Je vous avais en tête parce que je m'apprêtais à vous poser une question légèrement différente. Docteur Peterson, c'est à la page 4 de votre déclaration.

Pourriez-vous tirer cela au clair? Que voulez-vous dire par programme de recherche et comment cela fait-il en sorte que l'utilisation ultérieure d'un médicament pour une utilisation non indiquée sur l'étiquette n'en est plus une?

Dr Peterson : J'essaierai d'expliquer rapidement.

Si vous convenez que les mots « non indiquée sur l'étiquette » portent sur une utilisation non autorisée d'un médicament du point de vue réglementaire, que cette utilisation n'est pas autorisée par Santé Canada. Des produits peuvent parfois être autorisés pour utilisation au Canada, sans toutefois exiger d'autorisation du marché et de l'étiquette pour ces fins. Le contexte de l'essai clinique compte parmi ces situations. Au titre 5 du Règlement sur les aliments et drogues, on autorise l'utilisation d'une substance dans le contexte d'un essai clinique, on peut donc administrer le produit dans le cadre de cet essai clinique.

Dans l'organisation de ma pratique médicale, prescrire un médicament de façon non conforme à l'étiquette pour deux patients mais il pourrait y avoir plusieurs mois, voire plusieurs années entre ces deux ordonnances. Il ne s'agit pas exactement d'un essai clinique en tant que tel, mais si on commence à se pencher là-dessus...

Dans le contexte que je vous décrivais, il s'agissait d'une demande à une organisation de financement pour obtenir l'appui visant ce type d'essai clinique, randomisé ou non. Lorsque Santé Canada donne son autorisation pour un essai clinique et qu'il n'y a aucune objection, le produit peut être utilisé dans le contexte de l'essai clinique et cela ne constitue pas une utilisation non indiquée sur l'étiquette, telle qu'on la définit habituellement. Il faut donc établir une distinction entre les pratiques de prescription qui peuvent en fait contrevenir au titre 5 du Règlement sur les aliments et drogues. Si, en tant que médecin, je décide d'organiser mon propre essai sur une série de patients, alors j'ai l'obligation en vertu des règlements au Canada de faire une demande d'autorisation d'essais cliniques pour pouvoir faire ma recherche.

Le président : Si je vous comprends bien, vous parlez d'un programme de recherche qui est par la suite identifié comme essai clinique autorisé. Cela est tout à fait différent de ce que j'avais compris de votre exposé.

Dr Peterson : J'en suis désolé.

Le président : Je sais que les IRSC finance bon nombre de programmes de recherche, et que pour certaines maladies rares par exemple, il s'agit plus souvent qu'autrement d'un « programme de recherche » plutôt que d'un « essai clinique ». C'est pour cette raison que je vous ai demandé de tirer la question au clair. Vous avez par la suite dit que le contexte d'autorisation était limité au contexte de l'essai clinique identifié.

Dr Peterson : Tout à fait.

Le président : Docteur Berthiaume, dans votre exposé vous avez parlé des renseignements disponibles dans le sommaire des motifs de décisions ou d'actions de Santé Canada. Si je vous ai bien compris, vous avez dit que vous alliez bientôt publier les décisions négatives. Est-ce exact? Si oui, j'ai l'impression que j'entends cela depuis un moment et j'aimerais savoir si vous pouvez nous dire quand exactement les sommaires de motifs de décisions négatives seront publiés.

Dr Berthiaume : Les sommaires des motifs de décisions sont actuellement disponibles. Je crois savoir que depuis octobre 2012, certaines décisions négatives sont également publiées. Peut-être que la Dre Sharma peut nous donner des détails.

Dre Sharma : Les sommaires des motifs de décisions ne concernent pas uniquement les médicaments mais aussi les matériels médicaux. Il s'agit d'un résumé de l'information qui a été considéré lorsqu'on autorise ou non un produit. La phase I se penchait sur les nouveaux produits et les substances actives qui entrent au Canada. Depuis lors, on a inclus tous les nouveaux produits. La phase II est amorcée depuis septembre 2012. Il s'agirait de tous les nouveaux produits qui entrent dans le système et des décisions négatives, le cas échéant.

Il faut noter une particularité de l'échéancier. Le dépôt d'une drogue nouvelle peut mettre un an à être traité, donc on ne voit pas nécessairement de décisions négatives publiées le 1er septembre ou le 1er octobre. Cependant, le programme d'examen de deuxième phase où les décisions négatives seront publiées a commencé en septembre 2012. Il s'agit donc d'une longue attente mais il est enfin arrivé.

Le président : Et s'agira-t-il de toutes les décisions négatives?

Dre Sharma : Oui, c'est exact.

Le président : Merci. C'est très important pour nous.

J'ai une question sur l'informatique, mais je veux m'assurer de donner le temps nécessaire à mes collègues.

La sénatrice Dyck : Merci de vos exposés ce soir. Vous avez passé une longue journée et vous avez répondu à des questions d'une douzaine d'examinateurs externes.

J'aimerais revenir à la question posée par la sénatrice Seidman au Dr Peterson. Dans votre réponse vous lui avez dit que vous parliez de la situation aux États-Unis. Vous avez dit qu'il y avait des médicaments qui passaient par un comité qui se penchait sur les médicaments qui allaient probablement être utilisés de façon non indiquée sur l'étiquette pour des enfants. Le comité était chargé d'étudier la question et de les approuver pour une utilisation spécifique afin que ce genre de prescription soit conforme à l'étiquette. Vous avez aussi parlé de la loi américaine Best Pharmaceuticals for Children Act.

Qu'est-ce qui nous fait défaut au Canada? Nous avons un plan de protection des données de six mois, mais pour une raison ou une autre, nous ne disposons pas du mécanisme nécessaire pour faciliter le transfert des médicaments d'emploi non conforme et l'utilisation conforme à l'étiquette chez les enfants. Qu'est-ce qui nous fait défaut? Quels sont les éléments clés manquants, ou s'agit-il d'une loi qui manque? Pouvez-vous nous dire quoi faire?

Dr Peterson : On disait que la loi américaine utilisait la technique de la carotte et du bâton. La carotte était le prolongement de six mois de l'exclusivité commerciale pour toutes les tranches d'âge pour le produit, si vous déposez une demande auprès de la FDA. Le bâton était la disposition dans la loi vous obligeant à fournir cette information à la FDA si le médicament allait être utilisé en pédiatrie.

À partir des exemples que je vous ai présentés et l'énorme profit qui pourrait être généré en six mois, on a anticipé de nombreuses demandes de l'industrie souhaitant en bénéficier. La FDA a constitué un comité d'experts qui a dit : « Nous allons vous aider à créer la liste de médicaments qui servira de liste fiable de remèdes qui seront grandement utilisés en pédiatrie. » La FDA a autorisé les sociétés à faire des demandes d'exclusivité commerciale seulement si le médicament se trouvait sur la liste. Aucun comité d'experts n'a dit que le médicament est acceptable et cela permettrait de contourner le processus réglementaire.

Le Canada a approuvé un avantage semblable — une mesure incitative — afin de le faire. Le taux de participation de l'industrie est faible et, par conséquent, il nous manque le bâton, la déclaration que si ces médicaments sont donnés aux enfants canadiens, cette information sera soumise à Santé Canada.

J'ai modifié une partie de mon exposé pour dire « Pas si le médicament sera utilisé. » Ce que j'ai dit est : « Si la preuve sur l'utilisation appropriée du médicament au Canada existe, » et on pourrait même dire, « et qu'elle a été soumise à d'autres agences réglementaires, qu'elle sera soumise aux autorités réglementaires canadiennes aux fins de la commercialisation du produit au Canada. »

La sénatrice Dyck : Recommanderiez-vous qu'il y ait un bâton dans la loi? Vous sembliez le dire à la page 3 de votre mémoire, mais pas clairement ou fortement.

Dr Peterson : Une mise en garde avec une clause de non-responsabilité ici : je ferais cette recommandation en tant que pédiatre et en tant qu'ancien clinicien au Canada. Personnellement, je ferais très fortement cette recommandation. La clause de non-responsabilité ici concerne mon affiliation antérieure avec Santé Canada et mon affiliation actuelle avec les IRSC qui ne reflètent pas forcément ce fait.

La sénatrice Dyck : À votre avis, de telles lois amélioreraient probablement la capacité de traiter plus efficacement les enfants, afin qu'on ne joue plus aux devinettes ou qu'on ne se serve des données d'autres sources sans avoir l'approbation ou l'autorisation de Santé Canada.

Dr Peterson : Cela règle tout de suite la question de l'utilisation non indiquée sur les étiquettes. Cela améliorera la distribution de l'information, dont on a parlé à maintes reprises ici, sur la fréquence posologique et l'utilisation appropriée des produits.

Le sénateur Enverga : Docteure Sharma, vous avez dit que vous avez collaboré avec ou avez parlé de l'utilisation non indiquée sur les étiquettes avec des pays tels l'Australie et les États-Unis. Un médecin normal peut-il avoir accès à cette information? Est-elle utilisée?

Dre Sharma : Pour préciser, de quelle information précise parlez-vous?

Le sénateur Enverga : Vous avez parlé de l'emploi non conforme de médicaments et de comparer des notes avec des praticiens étrangers. Cette information est-elle disponible aux médecins canadiens?

Dre Sharma : Je faisais référence aux réunions ou aux téléconférences régulières dans quatre zones importantes sur les effets indésirables et les événements indésirables qu'on y voit. Par exemple, nous pouvons parler d'une situation survenue au Canada sur laquelle on aimerait obtenir de l'information d'un autre pays. L'Australie pourrait dire qu'elle a effectué une analyse de cette information, qu'elle va présenter. Santé Canada tient compte de toute cette information et la met dans le contexte canadien. Nous prenons cette information et nous déterminons ce qui est pertinent et l'ajoutons à notre base de données. Toutes ces données des études, des publications d'autres personnes et de nos banques de données influent sur la prise de décision.

L'information que nous recevons n'est pas communiquée directement aux gens, car il faut en faire une analyse plus approfondie et la situer dans le contexte canadien. Une fois cela fait, nous diffusons l'information.

Le sénateur Enverga : Il faudra donc d'autres études avant que vous puissiez verser ces renseignements dans une base de données.

Dre Sharma : C'est exact.

Le sénateur Enverga : Supposons qu'il y ait des médicaments utilisés de façon non indiquée. Après tous les essais cliniques et votre enquête, est-il possible à Santé Canada ou au RIEM de déclarer cette utilisation non indiquée comme une utilisation indiquée, si les résultats sont positifs?

Dre Sharma : Pour répondre brièvement, non. C'est à la société pharmaceutique qu'il incombe de décider et de mettre en marché un médicament ou de le commercialiser pour une indication précise. La société qui veut mettre en marché un médicament fournit cette information à Santé Canada. Voilà pour l'aspect positif. Pour quelle indication va-t-on mettre le médicament en marché? S'il existe un risque pour la sécurité de nos patients ou pour la protection de la santé, nous le signalons. Nous travaillons avec les sociétés pharmaceutiques pour corriger le problème. Souvent, c'est Santé Canada qui signale un problème, que quelque chose doit être ajouté à l'étiquette ou doit être communiqué au public. Mais en ce qui concerne les nouvelles indications ou la mise en marché d'un produit, cela relève des sociétés pharmaceutiques.

Dr Berthiaume : J'ajouterai à cela une considération d'ordre pratique. Avant de prescrire des médicaments, les médecins examinent parfois la monographie du produit, mais aussi d'autres sources d'information. Il peut arriver que certains des documents qu'ils consultent mentionnent des utilisations non indiquées approuvées dans d'autres pays. Il y a aussi des logiciels qui permettent aux médecins de s'enregistrer pour fournir régulièrement des aperçus sur des domaines de thérapie. Quand un médecin prescrit un médicament, il consulte la monographie du produit, mais il peut aussi trouver d'autres renseignements sur les utilisations non indiquées sous d'autres formes afin d'éclairer sa décision. Ce dont nous parlons maintenant, c'est surtout de la monographie du produit, qui est un document important.

Toutefois, je veux m'assurer que le comité sait bien que les médecins utilisent aussi des renseignements provenant d'autres sources, venant de femmes enceintes, par exemple. En tant que médecin, si je veux prescrire un médicament à une femme enceinte et que la monographie du médicament ne contient pas d''information sur le sujet, je peux consulter un certain nombre d'autres sources d'information en ligne et par téléphone. Je peux téléphoner à la société pharmaceutique pour savoir ce qu'elle sait de l'utilisation du médicament chez les femmes enceintes. Les sociétés recueillent toute l'information qui existe sur l'utilisation du médicament pour un groupe particulier et fournit ces renseignements pour aider les médecins à prendre une décision et communiquer avec le patient. Je veux simplement élargir la discussion et signaler qu'il y a d'autres sources d'information pour l'utilisation non indiquée des médicaments.

Le sénateur Enverga : Supposons que vous trouviez que l'utilisation non indiquée d'un médicament donne de bons résultats pour les patients. Recommanderiez-vous ce médicament? Recommanderiez-vous à son fabricant d'ajouter cette indication à l'étiquetage afin qu'il puisse être distribué plus facilement aux médecins pour soigner la population?

Dr Berthiaume : Dre Sharma a déjà répondu à cette question. Au Canada comme dans d'autres pays, le système est tributaire du fabricant. Le fabricant doit présenter une soumission pour que l'indication puisse être ajoutée à la monographie du produit. Toutefois, il y a d'autres sources d'information qui permettent d'aller au-delà de ce qu'on trouve dans la monographie. La monographie du médicament est un document officiel, mais ce n'est pas le seul outil utilisé par le médecin. C'est ce que je répondrais à votre question.

Dre Sharma : Nous offrons des incitatifs. Si vous offrez un produit utilisé chez les patients qui n'ont pas d'autres options de traitement ou un produit que vous voulez commercialiser et qui démontre un avantage important pour les patients — soit qu'une amélioration considérable d'efficacité ou une diminution des risques — alors vous pouvez bénéficier d'un examen prioritaire par Santé Canada. Cet examen prioritaire prend beaucoup moins de temps. Nous essayons d'encourager les fabricants à présenter des soumissions pour des produits qui montrent des avantages réels pour la santé.

Un autre programme que nous avons fait avancer, c'est le programme de médicaments orphelins. Ce sont les médicaments pour traiter les maladies orphelines, maladies ou troubles qui touchent de très petites populations. Il existe un programme en vertu duquel, si le médicament a été désigné comme orphelin, on lui accorde le statut de traitement prioritaire, donc les délais sont plus courts. Nous renonçons aux frais habituels de traitement. L'évaluation est modifiée pour tenir compte du fait que le corpus de données probantes sera plus limité. Nous tenons compte de l'exclusivité du marché, avec une prolongation de six mois de la protection des données pour les populations pédiatriques. Ensuite, il y a une surveillance appropriée ou différente, une fois que le produit est commercialisé selon des indications spécifiques.

Cela ne s'applique pas uniquement aux utilisations non indiquées sur l'étiquette, mais si nous constatons des domaines pour lesquels les entreprises ne nous fournissent pas d'information, nous essayons de créer des incitatifs pour les encourager à soumettre ces renseignements à Santé Canada, pour que nous puissions les évaluer et les mettre à la disposition des Canadiens, mais avec une étiquette qui indique vraiment comment on devrait s'en servir et toute l'information à l'appui de l'homologation.

Le sénateur Enverga : Docteur Beaudet, vous avez dit qu'on avait réalisé des économies de coût grâce à des essais cliniques de médicaments tels que Avastin et Lucentis, effectués par le même fabricant. Manifestement, l'entreprise sait quelque chose que nous ignorons — la composition chimique. Il peut y avoir un avantage économique énorme. Nous l'ignorons. Pouvez-vous commenter cette situation? Combien de fois en avez-vous été témoin?

Dr Beaudet : Il s'agit peut-être d'un exemple extrême de deux médicaments qui ont été commercialisés à des fins différentes, l'un pour la dégénérescence maculaire et l'autre pour le cancer. Le médicament très bon marché était pour le cancer. Plusieurs essais menés avec rigueur ont clairement démontré que ces deux médicaments, dans les conditions d'essai, étaient aussi sûrs et aussi efficaces l'un que l'autre. J'ai déjà parlé de la différence de prix. L'entreprise avait tout intérêt, évidemment, à permettre l'utilisation du médicament moins cher, en ajoutant la dégénérescence maculaire comme indication supplémentaire.

Le problème, c'est que puisque ce médicament-là était pour le cancer, on était censé l'injecter non pas dans l'œil mais dans les veines. En réalité, lorsqu'on a commencé à l'utiliser hors indication, on a constaté que cela menait à un taux plus élevé d'infections oculaires, même à la cécité dans certains cas. Pour ces raisons, Santé Canada a ajouté une mise en garde à ces étiquettes, portant sur l'utilisation des médicaments les moins chers.

Il y avait deux messages. Premièrement, hors indication ne veut pas dire mauvais. Dans certains cas, on peut se rendre compte, au terme d'essais rigoureux, qu'une utilisation hors indication peut être non seulement aussi efficace mais aussi moins chère finalement. Deuxièmement, dans les conditions rigoureuses des essais, les résultats peuvent laisser entendre que les médicaments sont identiques, mais dans le monde réel, on peut constater qu'il y a des différentes.

Le sénateur Enverga : Je pensais que Santé Canada pourrait peut-être offrir aux fabricants un meilleur incitatif pour s'assurer que toutes les utilisations soient indiquées sur l'étiquette. Peut-être qu'il faudrait y intégrer davantage de renseignements.

Le président : Nous n'allons pas poursuivre dans cette voie, parce que la question de la durée de la protection d'un brevet, et cetera, est une décision opérationnelle compliquée. Nous allons nous en tenir aux aspects liés à la santé. Je vais voir combien de questions pourront être posées durant la deuxième série de questions. Je vous demanderais d'être bref. Il ne nous reste que quelques minutes pour les réponses aux questions.

Je vais commencer et je vais essayer de m'exprimer clairement. Depuis le lancement de cette étude et en fait pour les trois autres études aussi, nous mettons beaucoup d'accent sur l'utilisation de la technologie de l'information ainsi que sur le dossier médical électronique, comme on l'appelle. En passant, à mon avis, ces dossiers sont mal utilisés lorsqu'on considère quel pourcentage de la population en a un. Cela veut dire que votre dossier médical est en fait constitué de dossiers médicaux électroniques limités auxquels des gens font référence, et qu'il s'agit de données très différentes.

Ces dossiers ne sont pas disponibles, donc nous ne pouvons pas colliger des données et renvoyer l'information de façon à profiter des possibilités, et vous avez mentionné quelques raisons qui expliquent la situation. La question des compétences en est une, la compétence des provinces et ainsi de suite. Dans une grande mesure, le problème est souvent d'ordre technologique, mais vous avez également indiqué correctement qu'il y a moyen de surmonter ce problème technologique. Vous avez également parlé de la confidentialité de ces renseignements.

Ce matin, une importante conférence dans ce domaine a eu lieu à Ottawa. La séance du matin a porté presque entièrement sur des questions liées directement aux soins de santé. Deux d'entre nous ont assisté à ces réunions ce matin. Les conférenciers ont identifié le genre de problème qui se posent au Canada et qui nous empêchent de développer plus rapidement ces bases de données électroniques, et qu'il s'agit de problèmes que connaît habituellement le Canada. Si nous voulons mettre fin à une discussion sur des progrès dans ce domaine, tout ce qu'il faut faire c'est de parler de « préoccupations liées aux renseignements privés ». On l'a dit explicitement. J'ajouterai à cela « un système à deux vitesses » et « prestation de services privés ». Plus que toute autre chose, ces aspects vont mettre fin à toute discussion importante en la matière au Canada.

Comme vous avez suggéré, ils ont indiqué que la technologie existe pour avancer beaucoup plus rapidement, mais que l'on hésite à avancer dans ce domaine et bien d'autres en raison de préoccupations liées à la confidentialité. Dans d'autres administrations, par exemple la Veterans Benefits Administration aux États-Unis, la clinique Mayo et ailleurs, on collige les renseignements portant sur des milliers de patients en format électronique et on lit les dossiers expressément. L'exemple de la Veterans Benefits Administration est passé du bas de l'échelle en matière de prestation de services de santé américains au sommet en termes d'accès à l'information. Je m'arrête là pour laisser le sénateur Eggleton prendre la parole pour le temps qui nous reste.

Quant aux exemples mentionnés lors de l'étude — comme l'idée de menus déroulants dans les bureaux de médecins pour indiquer quelle utilisation est non indiquée sur l'étiquette, et la possibilité de donner accès électroniquement aux patients à Santé Canada pour signaler leur réaction à un médicament, par exemple — rien ne nous empêche de mieux faire. Si nos experts ici qui travaillent dans ce domaine ont des suggestions à proposer après votre départ, n'hésitez pas à nous les faire parvenir.

Je ne poserai pas ma question sur les autres discussions à avoir à ce moment-ci, parce que je veux que le sénateur Eggleton ait au moins l'occasion de poser ses questions avant qu'il ne nous reste plus de temps.

Le sénateur Eggleton : Certains de nos témoins ont indiqué qu'étant donné que des compagnies profitent de l'utilisation non indiquée sur l'étiquette, elles devraient être obligées d'obtenir une autorisation, un processus de mises à l'essai, quelque chose que Santé Canada pourrait administrer. Par contre, rien ne les encourage vraiment à faire cela. Elles ont déjà reçu l'approbation formelle et l'utilisation non indiquée sur l'étiquette est déterminée par les médecins. Elles semblent moins portées à vouloir passer par un tel processus lorsque un brevet est sur le point d'expirer.

Nous sommes, cependant, au courant de deux autres exemples de pratiques d'autres pays. Est-ce que l'un de ces modèles pourrait avoir un certain mérite? En France, on a des recommandations temporaires pour usage, les RTE, en ce qui concerne l'utilisation hors indication. On peut alors approuver une utilisation hors indication et ça pour un maximum de trois ans et pour des indications prescrites.

Au Royaume-Uni, le National Institute for Clinical Excellence a récemment établi un nouveau programme, intitulé Evidence summaries : unlicensed/off-label medicines, dont le but est de diffuser au pays les analyses importantes des preuves en ce qui concerne l'utilisation non indiquée de certains médicaments pour aider les spécialistes ainsi que les patients.

Il y a peut-être un troisième modèle. J'ai fait allusion plus tôt au modèle australien parce que le Dr Joel Lexchin, un médecin et professeur à l'Université York, a dit que, selon une enquête nationale, seulement 1 p. 100 des spécialistes en médecine lisent les monographies. De plus, si on se limite aux médecins, le chiffre est à peu près 4 p. 100, ce qui est faible. Nous devons trouver une meilleure façon de renseigner les médecins.

Croyez-vous que certaines de ces pratiques internationales pourraient fonctionner au Canada?

Le président : Si les témoins doivent répondre en disant plus que oui ou non, je leur demanderai de nous faire parvenir une réponse écrite.

Dre Sharma : Nous ne pouvons pas répondre que par oui ou par non.

Le président : Je demande aux deux groupes d'adresser leurs réponses écrites à la greffière du comité.

Dre Sharma : Oui.

Le sénateur Eggleton : Nous sommes à la fin de notre étude. Les recommandations seront formulées très prochainement.

Le président : Collègues, il ne nous reste plus de temps. Nous avons posé une bonne variété de questions à nos témoins. Nous avons essayé de mettre l'accent sur certaines questions parce que ce sont eux, les experts en la matière. Comme nous avons dit, nous avons adopté une nouvelle approche cette fois-ci pour entendre divers témoignages et permettre aux témoins d'avoir accès aux autres témoignages. Le comité pourrait, à mon avis, examiner cette approche pour les séances futures. La nature des questions et des réponses nous a aidés énormément car nous étions mieux informés cette fois-ci.

Nous aurons l'occasion de vous revoir pour discuter d'autres questions, tout comme nous avons fait dans le passé. Au nom du comité, je vous remercie d'avoir si volontiers répondu à nos questions.

Collègues, je tiens à vous remercier pour vos questions approfondies et réfléchies.

(La séance est levée.)


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