Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international
Fascicule 3 - Témoignages du 4 décembre 2013
OTTAWA, le mercredi 4 décembre 2013
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 16 h 15, pour étudier les conditions de sécurité et les faits nouveaux en matière d'économie dans la région de l'Asie- Pacifique, leurs incidences sur la politique et les intérêts du Canada dans la région, et d'autres questions connexes.
La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénatrices et sénateurs, nous n'avons pas beaucoup de temps. Il y a un vote au Sénat, nous disposons donc d'une heure pour les exposés et les questions. Nous ne reviendrons pas dans cette salle, car un autre comité l'occupera. Cette heure, nous pouvons l'employer à bon escient. J'en ai discuté avec les témoins et ils sont d'accord. Ils commenceront par leurs déclarations préliminaires et le reste de l'heure sera consacré aux questions et aux réponses.
Aujourd'hui, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international poursuit son étude sur les conditions de sécurité et les faits nouveaux en matière d'économie dans la région de l'Asie-Pacifique, leurs incidences sur la politique et les intérêts du Canada dans la région, et d'autres questions connexes.
Nous avons le plaisir d'accueillir à cette séance M. John Curtis, attaché supérieur de recherche à l'Institut CD Howe et aussi au Centre international pour le commerce et le développement durable à Genève.
Nous avons aussi le plaisir d'accueillir M. Colin Robertson, vice-président du Canadian Defence and Foreign Affairs Institute et chercheur à l'École de politique publique, Université de Calgary.
Ces deux messieurs sont bien connus des Canadiens, du comité et du Sénat. Nous leur souhaitons donc la bienvenue au comité. Je ne sais pas si vous avez décidé à pile ou face lequel de vous deux fera le premier sa déclaration préliminaire. Je vois que c'est M. Curtis qui commencera.
John M. Curtis, attaché supérieur de recherche, Institut CD Howe, et Centre internaitonal pour le commerce et le développement durable (Genève), à titre personnel : Merci madame la présidente. Merci, honorable sénatrices et sénateurs. Je suis ravi d'être ici. Nous n'avons pas eu à décider à pile ou face, car je dis toujours que la politique publique est fondamentalement une question économique et pour cette raison, bien sûr, c'est moi qui commence.
J'envisageais de faire quelques commentaires, puis de répondre par votre entremise à quelques questions si nous avons le temps ou peut-être de passer le relais à Colin, puis d'intervenir à nouveau pour répondre à d'autres questions, s'il y en a.
Je voulais simplement dire que nous, les Canadiens, oublions souvent que, bien que la région de l'Asie-Pacifique soit très éloignée, même de la côte du Pacifique, il n'en demeure pas moins qu'elle a toujours joué un rôle très important dans notre histoire, en commençant par la concurrence que se sont livrée pendant plus de deux siècles les Espagnols, les Britanniques et les Russes sur la côte Nord-Ouest du continent; la recherche du passage du Nord-Ouest de Frobisher et Champlain jusqu'au Saint-Laurent; les enjeux actuels liés à la lente ouverture du passage du Nord-Ouest. Tout cela se rapporte d'une façon ou d'une autre à la route de l'Asie.
Il y a eu la construction de la première voie ferrée dans ce qui s'appelait à l'époque l'Amérique du Nord britannique, je l'ai appris à l'école. La plupart d'entre nous ont appris, ou on nous a enseigné, le mythe canadien par excellence selon lequel la voie ferrée allait souder toutes les régions du pays. D'ailleurs, tous les dépliants publicitaires de l'époque axés sur l'investissement — principalement ceux de Londres — parlaient de partir de la Grande-Bretagne à la côte du Pacifique en traversant le continent. En fait, comme nous le savons tous, le réseau ferroviaire a été nommé Chemin de fer Canadien Pacifique, et dans ce nom on y dénote la présence de Pacifique, même à cette époque. Il fallait le prendre pour embarquer sur les navires Empress sur la côte Ouest dans les années 1890. Empress of Japan et Empress of China était les deux grands navires.
En matière d'immigration, notre politique était essentiellement soit en faveur de l'arrivée des Asiatiques, soit contre elle, et ce, de la fin du XIXe siècle au XXe siècle, jusqu'en 1923 avec la Loi sur l'exclusion des Chinois. Il y a eu les excuses présentées récemment par le gouvernement et aussi finalement, bien sûr, les relations commerciales établies depuis des années.
À l'époque de mon enfance — j'ai grandi à Vancouver —, je me souviens que le ministre, Alvin Hamilton, membre du gouvernement progressiste-conservateur de John Diefenbaker, avait commencé à exporter du blé vers l'Asie. C'était le début d'une relation commerciale qui se poursuit de nos jours, depuis le tout début de l'apparition du « Fabriqué en Chine ». Nous pourrions discuter de la quantité de marchandises provenant de Chine, de toute l'innovation qui a cours dans cette partie du monde et de tout ce qui est assemblé en Chine — jusqu'à la mention « Fabriqué au Vietnam », « Fabriqué au Bangladesh » et « Fabriqué en Inde ». Nous avons des relations commerciales de longue date qui ont commencé à l'ère moderne, dans les années 1960.
C'est dans ce contexte que je veux parler. J'aimerais parler brièvement, madame la présidente, de l'aspect économique, du développement économique, puis finir par quelques mots sur le Partenariat transpacifique, les négociations économiques et commerciales en cours auxquelles le Canada participe.
Au sujet de l'économie, très brièvement, je rappelle aux sénatrices et aux sénateurs que la croissance économique actuelle de l'Asie montre, selon des chercheurs — particulièrement ceux de l'OCDE qui ont fait toutes sortes d'études sur cette question; Angus Madison, qui est décédé, travaillait à l'OCDE —, que l'Asie contemporaine est l'Asie du XIXe siècle. Autrement dit, l'Asie, dans son ensemble, reprend sa place dans l'économie mondiale. En d'autres mots, nous retournons à la situation qui existait au début de la révolution industrielle. C'est un point de vue intéressant. Dans ce contexte, l'Asie-Pacifique comprend l'Inde, ce qui signifie que nous nous dirigeons vers l'Ouest jusqu'au sous- continent indien.
Deuxièmement, en ce qui a trait au développement économique, nous savons tous que la région de l'Asie-Pacifique affiche actuellement un taux de croissance économique qui augmente plus rapidement que tous ceux des autres pays. Il y a des exceptions. Fait intéressant, quelques pays africains enregistrent des taux de croissance similaires à ceux de certains pays asiatiques. Mais en vérité, depuis les tigres volants comme nous les appelions dans les années 1980 — Taïwan, la Corée, la Corée du Sud, Hong Kong, Singapour — jusqu'à aujourd'hui, la croissance de l'Asie a été, d'une année à l'autre, une réussite incroyable qui a une incidence majeure sur nous tous.
L'Asie a connu un ralentissement économique ces dernières années. Nous pourrions en parler maintenant ou peut- être si une autre occasion se présente d'aborder les raisons du ralentissement économique de l'ensemble de l'Asie, mais c'est encore la région qui connaît la plus forte croissance dans l'économie moderne.
Troisièmement, la plupart des gens disent que ce siècle sera peut-être celui de l'Asie, celui du Pacifique. Honnêtement, je pense qu'il est trop tôt de le dire, en dépit de la croissance des quelque 30 dernières années. La région de l'Asie-Pacifique est essentiellement en train de rattraper du retard, celui qu'elle a par rapport au reste du monde.
Cherchons les causes de la croissance économique dans l'innovation et le regroupement du capital, de la main- d'œuvre et des compétences en gestion. Nonobstant ces taux de croissance que nous connaissons tous, je ferais valoir que les États-Unis et, dans une moindre mesure, l'Europe de l'Ouest et d'autres pays de l'OCDE, y compris le nôtre, restent le moteur de la croissance économique. Je pense que c'est encore le cas et que ça le sera durant au moins la prochaine génération ou les deux prochaines générations. L'Asie n'en est pas encore là. Je crois qu'il est un peu trop tôt pour dire que c'est le siècle de l'Asie.
Cela dit, l'économie mondiale et le monde plus généralement de l'Atlantique au Pacifique connaissent un changement géopolitique et géostratégique, dont Colin parlera, je crois. Donc, même si on peut être un peu sceptique et se demander si ce changement sera permanent ou non, il existe bel et bien. C'est une réalité que nous tous, et particulièrement les jeunes, constatons aussi. Est-ce que les jeunes auxquels vous parlez dans la rue vous disent qu'ils font de l'autostop en Europe ou bien en Chine, au Vietnam et en Corée? Les jeunes Canadiens voyagent de plus en plus en Asie. Je pense qu'ils ont pris conscience du changement qui s'opère et ils en font partie.
Je crois que je vais en rester là. Nous pouvons parler davantage de l'aspect économique plus tard si vous le souhaitez et s'il nous reste du temps.
Je voudrais passer aux négociations sur le Partenariat transpacifique qui sont en cours. Ces négociations ont été un peu éclipsées au Canada ces dernières semaines par la conclusion heureuse au niveau politique des négociations portant sur l'Accord économique et commercial global avec l'Europe, mais cela n'empêche pas que les négociations sur le Partenariat transpacifique vont bon train.
Je trouve ironique que cet accord que je qualifie de méga-commercial soit sur le point d'être conclu au moment même — hier, aujourd'hui et demain — où les ministres du commerce du monde entier, y compris le nôtre l'honorable Ed Fast, se réunissent à Bali, en Indonésie, en Asie, pour discuter de questions liées à l'Organisation mondiale du commerce. Cette réunion bisannuelle qui se tient actuellement en Indonésie a pour sujets le système commercial multilatéral et le système commercial mondial. Encore une fois, vous pourriez avoir des questions sur ce à quoi cela va aboutir. Il se trouve que les deux négociations, celles du Partenariat transpacifique et celles de l'Organisation mondiale du commerce, ont lieu simultanément.
Le Partenariat transpacifique comprend, à ce jour, 12 pays situés des deux côtés du Pacifique. Cela est intéressant pour deux raisons. D'abord, le partenariat est en concurrence — bien que les gens préféreraient ne pas employer ce terme — avec un groupe d'États asiatiques en train de se former, l'ANASE Plus un, et qui comprend la Chine et d'autres pays asiatiques, mais les pays de ce côté-ci du Pacifique en sont exclus. Le Canada est exclu, les États-Unis sont exclus et les autres pays membres du PTP de l'Amérique latine, le Chili et le Pérou, sont exclus pour le moment.
Une concurrence se joue actuellement pour conclure des accords commerciaux. Le Partenariat transpacifique, auquel nous avons adhéré tardivement, en 2011, a pris de l'importance si l'on considère que les premières négociations avaient été entamées en 2004 par quatre pays très petits : le Chili, Brunei, la Nouvelle-Zélande et Singapour.
Il était pratiquement négligeable à ses débuts jusqu'à ce que le président Obama, à la suite de son élection en 2008, déclare en 2009 que les États-Unis voulaient aussi y participer, dans le cadre de, ce que j'appelle, leur stratégie de changement de cap vers l'Asie. Le partenariat a pris de l'importance dès que les États-Unis en sont devenus membres. Ils y ont adhéré, comme je l'ai dit, partiellement en raison de leur changement de cap vers l'Asie, et j'ajouterais, pour être un peu plus cynique et sceptique, partiellement parce que, ne pouvant pas exercer leur emprise sur le monde par le biais de l'Organisation mondiale du commerce, les 158 pays membres, ils avaient plus de chances de contrôler le programme et les positions des 12 pays de la région de l'Asie-Pacifique, y compris le nôtre, et c'est ce qui s'est réellement produit.
Les États-Unis mènent ces négociations commerciales. Le Japon est devenu membre, seulement depuis l'année dernière. Le partenariat prend une forme différente. La Corée a annoncé cette semaine, lundi, qu'elle voulait y adhérer aussi, et Taïwan a fait part de son intérêt. La Chine est le seul pays important qui ne fait pas actuellement partie du Partenariat transpacifique.
L'autre question que se posent certains, peut-être que Colin en parlera, c'est la suivante : est-ce que le partenariat est essentiellement l'équivalent américain de la Septième flotte? Est-ce un moyen de contenir la Chine dans le domaine des échanges commerciaux? Je ne le crois pas, mais c'est ce que l'on entend dire.
De toute façon, l'essentiel — et c'est le dernier point que je soulèverai rapidement —, c'est que ces négociations sont importantes en partie du fait qu'il s'agit de la région de l'Asie-Pacifique, la région affichant la plus forte croissance au monde, mais ce qui est probablement encore plus important pour nous, c'est que ces négociations sont nos premières sur un accord commercial majeur depuis l'ALENA avec les États-Unis, un point que les gens négligent. Étant donné que 12 pays sont autour de la table, le plus important pour nous, c'est de négocier de nouveau avec les États-Unis. Notre voisin est notre plus grand partenaire commercial et le restera tant que je serai vivant et jusqu'à probablement la prochaine génération. Nos secteurs manufacturiers respectifs sont, pour le meilleur ou le pire, tout à fait intégrés. Nous négocions avec les États-Unis et eux négocient avec nous.
Un autre élément qui entre en jeu, c'est l'adhésion du Japon qui est un grand pays. Cela favorisera vraiment le renforcement des relations économiques avec ce pays, mais encore une fois, il nous faudra négocier avec les États-Unis, car si le Japon ouvre son secteur agricole, un secteur difficile à pénétrer, à nos exportations de viande de bœuf et de porc, nous allons devoir négocier avec les Américains nos parts respectives du marché japonais. Encore une fois, c'est une négociation multilatérale et régionale. Voilà ce dont il est vraiment question.
L'avantage, c'est que nous avons la possibilité d'augmenter nos exportations agricoles et bon nombre de nos services industriels. L'inconvénient, c'est que, si nous ne sommes pas très vigilants, les Américains... comment puis-je dire? Ils glissent subrepticement dans ces négociations toutes les dispositions relatives à la propriété intellectuelle qu'ils ne peuvent pas faire accepter à la communauté internationale, à l'Organisation mondiale du commerce ou dans le cadre de l'Accord commercial relatif à la contrefaçon qui a été rejeté en Europe et qui visait à mettre fin au piratage en ligne, la loi s'appelle SOPA. Même le Congrès américain a rejeté les mesures relatives à l'antipiratage et à la contrefaçon, mais l'administration américaine exerce de fortes pressions, en partie à cause des pressions qu'elle subit elle-même de la part de certains secteurs privés américains. Voilà pour ce qui est de l'inconvénient possible du PTP.
Considérant que l'accord porte sur le commerce électronique et la propriété intellectuelle, il faudra peut-être attendre la prochaine génération pour qu'il soit conclu, mais, comme toujours, nous devons être prudents et adopter ce qui est à mon avis une position objective qui consiste à reconnaître qu'un accord sur le commerce, l'investissement et l'innovation porte essentiellement sur les intérêts économiques nationaux et comment ces intérêts se manifestent dans le monde par rapport à ceux de tous les autres pays.
Madame la présidente, voilà pourquoi je pensais que nous pourrions commencer la séance en abordant l'économie.
La présidente : Merci beaucoup. Votre exposé est extrêmement utile. J'ai déjà une liste de personnes qui veulent vous poser des questions, mais auparavant, M Robertson présentera son exposé.
Colin Robertson, vice-président et chercheur, École de politique publique, Université de Calgary, Canadian Defence and Foreign Affairs Institute : Je voudrais dire un mot sur mes antécédents. J'ai travaillé pendant presque 33 ans au Service extérieur canadien. Par après, j'ai occupé les fonctions de vice-président du Canadian Defence and Foreign Affairs Institute, un groupe de réflexion non partisan dont le siège est à Calgary et qui est rattaché à l'École de politique publique de l'Université de Calgary. Je souligne que, le mois de mars prochain, l'école accueillera une conférence sur la géopolitique canadienne, le commerce et l'établissement des relations dans la région indo-pacifique avec Robert Kaplan. Je suis aussi conseiller principal chez McKenna, Long and Aldridge, une société d'avocats de Washington, qui a des clients asiatiques. À titre bénévole, je suis fier d'être capitaine honoraire de la Marine royale canadienne au sein de la Direction des communications stratégiques. Je suis aussi le président en exercice de Jeunesse Canada Monde, le Programme de leadership des jeunes fondé, comme beaucoup d'entre vous le savent, par le regretté sénateur Jacques Hebert. Nous nous intéressons depuis longtemps à l'Asie. Voilà qui vous donne une idée de mon parcours. Cependant, mes cinq observations ne représentent aucunement les points de vue des différents organismes où j'ai travaillé.
J'ai été consul à Hong Kong pendant cinq ans avec accréditation auprès de la Chine. J'ai eu l'occasion de me rendre à Gangzhou pour y observer les progrès économiques. Je prenais le Star Ferry, puis le train à Kowloon pour traverser les Nouveaux Territoires jusqu'à Shenzhen. Au cours de cette période, cette petite ville a littéralement changé, passant d'une localité de rizières bucoliques et de bœufs à une agglomération dynamique de maisons branlantes où vivent plusieurs millions de personnes. Les normes environnementales et celles du travail n'étaient pas respectées, mais il y avait une remarquable énergie et une détermination dans le travail. Shenzhen était la ville du farwest en Orient. Pour moi, c'est l'exemple même de l'influence transformatrice de Deng Xiaoping et de sa maxime voulant que ce ne soit pas important que le chat soit blanc ou noir; ce qui ce compte, c'est qu'il attrape des souris.
J'ai depuis beaucoup voyagé en Asie, parcourant l'Inde, le Pakistan, le Népal, le Japon, Taïwan, la Thaïlande, Singapour, la Malaisie, la Corée, les Philippines, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, et séjournant pendant une semaine au Tibet il y a 18 mois. À bord du transsibérien, je suis parti de Beijing, traversant la Mongolie et la Sibérie pour arriver à Saint-Pétersbourg.
Voilà qui m'amène à ma première observation. Même si nous avons tendance à parler de l'Asie comme d'une entité, il s'agit en fait d'un continent composé de régions, de religions, d'ethnies et de langues différentes. Il s'y trouve des démocraties et des dictatures. Nos politiques doivent tenir compte de ces faits fondamentaux. On ne peut parler de politique asiatique, car une politique universelle ne peut convenir à ce continent. Si nous voulons promouvoir efficacement les intérêts du Canada, nous devons adapter nos politiques aux pays, aux régions et aux secteurs.
Partout où j'ai voyagé, j'ai rencontré des gens qui avaient des amis et des parents au Canada. On nous envie beaucoup, et cela m'amène à ma deuxième observation. Grâce à leurs liens familiaux, les Canadiens d'origine asiatique nous offrent un accès privilégié aux marchés de l'Asie. Ce sont nos meilleurs vendeurs pour attirer davantage de talents dans notre pays, qu'il s'agisse d'immigrants ou d'étudiants.
Par exemple, il suffit de regarder la composition de votre comité, du Sénat et de la Chambre des communes pour savoir qu'il y a un certain nombre de membres nés en Asie qui sont venus au Canada et qui contribuent à la vie du pays ici même, dans cette pièce.
Le Canada fait l'envie du monde au chapitre du pluralisme appliqué, et nous devons faire davantage pour faire connaître cette facette de notre pays à mesure que notre population s'accroît. Le Canada compte une communauté asiatique imposante et dynamique. Vancouver est souvent qualifiée de ville la plus asiatique à l'extérieur de l'Asie. Nous devrions adopter cette identité et nous présenter comme un pays du Pacifique.
Nous n'avons pas toujours saisi les avantages de l'éducation en tant qu'industrie de service. Or, il s'agit de la quatrième exportation en importance de l'Australie. Notre gouvernement est en train de se ressaisir après avoir initialement fait preuve d'ambivalence, mais nous avons du rattrapage à faire et nous sommes loin derrière les États- Unis, le Royaume-Uni et l'Australie dans un domaine où nous occupions autrefois la tête. Dans la culture asiatique, la meilleure manière de se faire connaître est de passer par les liens familiaux.
Les diplomates chinois me demandent souvent pourquoi nous ne tirons pas davantage parti de Norman Bethune. Peu importe ses politiques, il s'agit d'un héros chinois; pourquoi alors ne pas exploiter cet avantage? Selon moi, Bethune devrait constituer une figure plus proéminente dans le cadre de nos efforts de promotion en Chine. Par exemple, pourquoi ne pas offrir des bourses d'étude à son nom, inspirées du programme Fulbright, qui a remporté un grand succès?
À mesure que nous réformons les services étrangers, nous devrions également nous intéresser aux Canadiens d'origine asiatique qui possèdent les compétences linguistiques et les liens familiaux vraiment utiles. Tirons parti des rapports commerciaux historiques que nous entretenons depuis plus d'un siècle dans les domaines des assurances, des banques et de l'expédition, ainsi que des relations nouées par les missionnaires, les enseignants et les médecins.
Quand j'étais en poste en Asie, j'ai traversé la passe de Khyber en compagnie d'un carabinier de la région au moment où les Russes quittaient l'Afghanistan. À Peshawar, nous avons regardé des réfugiés afghans jouer au bouzkachi avec la traditionnelle carcasse de chèvre décapitée. Du côté afghan, on disait qu'ils jouaient avec des têtes de Russes.
Les Canadiens ont combattu en Asie pendant la Seconde Guerre mondiale et la guerre de Corée. Les soldats canadiens de maintien de la paix ont été en Indochine et au Cachemire. Nous sommes toujours en Afghanistan. Quand j'étais à Hong Kong, j'allais chaque année au cimetière de Sai Wan pour déposer une couronne à l'intention du sergent John Osborn, décoré de la Croix de Victoria, en l'honneur duquel la caserne Osborn de Winnipeg a été nommée.
La sécurité demeure une question de vie ou de mort en Asie. Si le présent siècle est celui du Pacifique, nous devons alors surveiller de près ce qui se passe en Corée du Nord et dans les terres qui font l'objet de conflits dans le Nord du Pacifique et le Sud et l'Est de la mer de Chine. La Chine ayant récemment déclaré une zone d'identification aérienne, les intérêts du Canada dans les questions de droit maritime et de liberté de navigation dans cette partie du monde sont aussi importants pour notre prospérité et notre sécurité à long terme dans ces eaux que dans les nôtres.
Tout commence par la puissance et le contrôle maritimes. On estime que 80 p. 100 des échanges commerciaux du monde s'effectuent par voie maritime. Les couloirs de navigation les plus achalandés se trouvent dans la zone indo- pacifique. Magasinez-vous chez Canadian Tire? Peu importe le moment, le tiers de son inventaire est en mer. Il en va de même pour la Compagnie de la Baie d'Hudson et d'autres marchands.
La Chambre de commerce du Canada fait campagne pour faciliter le transport de notre pétrole et de notre gaz jusqu'aux voies maritimes, et le gouvernement vient d'annoncer son initiative de diplomatie économique. Ces deux démarches dépendent de l'acheminement de nos marchandises par la zone indo-pacifique. La moitié des marchandises expédiées dans le monde, d'une valeur évaluée à 5,3 billions de dollars, passe par la mer de Chine méridionale. Cela fait plus de 41 000 navires par an, soit plus du double de ceux qui passent par le canal de Suez et près du triple de ceux qui traversent le canal de Panama.
Nos échanges commerciaux dépendent de la sécurité de ces voies maritimes. Tout cela appuie ma troisième observation : nous voulons faire du commerce en Asie, mais nous devons d'abord démontrer notre bonne foi au chapitre de la sécurité. Si nous voulons prendre part au sommet de l'Asie orientale et à la réunion des ministres de la Défense de l'ANASE, nous devons montrer que notre investissement et notre intérêt à l'égard de la sécurité sont aussi grands dans la zone indo-pacifique — particulièrement dans le Pacifique Nord — que dans l'Atlantique Nord. Il nous faut donc construire la flotte promise, déployer nos sous-marins et veiller à ce que notre capacité expéditionnaire reste prête.
Il y a une ou deux autres choses que nous pouvons faire pour être constructifs. Il y a 10 jours, le Canada a accueilli 50 pays à l'occasion du cinquième forum annuel d'Halifax sur la sécurité internationale. Ce forum, qui réunit des démocraties, initialement celles des deux côtés de l'Atlantique, porte sur la sécurité et la défense.
Appliquons ce modèle sur la côte Ouest et invitons-y les pays de la zone indo-pacifique pour porter attention au commerce et à la sécurité. Même s'il ne permettait que de démêler les faits au sujet des îles faisant l'objet de différends dans le cadre d'une approche officieuse, ce forum aurait été utile. Comme Churchill l'a fait observer : mieux vaut papoter que guerroyer.
N'oublions pas que nos relations de l'autre côté du Pacifique commencent de ce côté-ci du Pacifique, avec l'Alliance du Pacifique et, s'ils sont intéressés, les États-Unis. Nous démontrerions également notre sérieux à l'égard des négociations du Partenariat transpacifique dont M. Curtis a parlé il y a quelques instants.
En Corée du Nord, notre politique d'engagement limité ne donne rien et doit être revue si nous voulons améliorer la sécurité régionale. Instaurée en 2010, cette politique limite nos échanges avec les Nord-Coréens aux questions de sécurité régionale, de droits de la personne et d'affaires consulaires. Dans les faits, nous n'avons aucun échange avec le Nord, puisqu'ils refusent d'aborder ces sujets. Cela n'aide pas nos amis en Corée du Sud. Le régime de Kim Jong-un est néfaste, dément et dangereux; raison de plus pour maintenir nos rapports avec ce pays.
Ces considérations m'amènent à ma quatrième observation. Il faut également être sur place. Nous ne pouvons atteindre nos objectifs de diplomatie économique sans une présence officielle active du Canada. Contrairement à l'Occident, la présence d'un gouvernement en Asie est toute une affaire. Il faut ouvrir davantage de consulats, particulièrement en Chine et en Inde, et n'oublions pas l'Indonésie.
Il faut donc que des ministres et le premier ministre dirigent des délégations commerciales composées d'entreprises canadiennes. C'est ainsi qu'il faut procéder. Pendant des décennies, notamment en raison de la présence de gouvernements minoritaires et de l'austérité, nous n'étions pas dans la partie. Ce n'est pas parce que Jean Chrétien, un libéral, a été le premier à diriger des missions d'Équipe Canada avec à sa suite des premiers ministres et des chefs d'entreprises que Stephen Harper, un conservateur, ne devrait pas l'imiter. Les efforts visant à favoriser le commerce canadien ne sont pas une affaire de politique : ils servent à mettre du pain sur la table.
Jim Prentice a fait remarquer que l'investissement chinois a ralenti au Canada. Nous devons indiquer clairement aux Chinois que nous accueillons leurs investissements à bras ouverts. Parallèlement, nous devrions collaborer avec les partenaires qui partagent nos vues — les États-Unis, l'Australie et la Nouvelle-Zélande — dans le cadre du Partenariat transpacifique afin d'établir un code de conduite concernant les investissements de sociétés d'État, ainsi que des règles claires. Le gouverneur général Johnston a effectué récemment une visite en Chine et a rencontré le président Xi Jinping. Encouragez le premier ministre Harper à faire de même et entreprenez régulièrement de telles initiatives, comme le font les Australiens.
Mettons en œuvre notre accord de promotion et de protection de l'investissement étranger. Les Chinois nous considèrent comme un pont potentiel vers l'Occident, particulièrement les États-Unis. C'est à nous d'ériger ce pont et de profiter de la relation. Rappelez-vous l'observation de Deng Xiaoping sur les chats blancs et noirs : la couleur importe peu tant que le chat attrape la souris.
Je formulerais une dernière recommandation. Notre politique doit comporter une facette relative à la démocratie; cela s'inscrit dans l'identité de notre peuple. La Mongolie, la Thaïlande, la Malaisie et Hong Kong sont tous des pays à revenu moyen où des institutions démocratiques voient le jour. Nous devrions nouer des relations avec ces pays, pas seulement de gouvernement à gouvernement et d'étudiant à étudiant, mais de partie à partie.
En conclusion, nous pouvons connaître un commerce florissant en Asie et dans la zone indo-pacifique, mais nous devons faire une contribution en conséquence à la sécurité de la région. Pour prospecter le marché, favoriser nos intérêts et établir des partenariats, nous devons être un acteur crédible, respecté de tous, tant de ses amis que de ses ennemis. Nous devons donc nous investir stratégiquement à long terme dans la région en affectant les ressources spécialisées nécessaires pour y parvenir et en étant sur place fréquemment et souvent.
Commencez en tirant pleinement parti des relations interpersonnelles dont nous bénéficions grâce à notre histoire commune et aux liens familiaux, et en contribuant au développement d'institutions démocratiques, sans jamais oublier la puissance de la feuille d'érable dans les relations étroites et suivies que nous entretenons afin d'appuyer les intérêts canadiens.
Merci, madame la présidente.
La présidente : Merci. Les deux exposés ont suscité beaucoup de questions. Nous disposons approximativement d'une demi-heure.
Le sénateur Downe : Merci, madame la présidente. Ma question s'adresse à M. Curtis. Vous avez parlé des nouvelles associations économiques qui se forment dans la région du Pacifique, et je me demande ce qu'il advient des groupes traditionnels dont nous faisons partie, comme le Conseil économique de la zone Asie-Pacifique, ou APEC. Sont-ils encore aussi importants?
M. Curtis : J'ai le regret de dire qu'il a perdu de son importance. J'ai personnellement été président du Comité sur le commerce et du Comité économique de l'APEC dans les années 1990. L'APEC a cafouillé pendant la crise asiatique de 1997-1998. L'organisme existe encore et accomplit du bon travail; je ne voudrais donc pas que vous le sous-estimiez ou donner l'impression de j'en sous-estime l'importance.
Dans le domaine commercial, ce sont toutefois les autres initiatives régionales qui ont pris le relais, qu'il s'agisse de regroupements importants, comme le Partenariat transpacifique, ou d'initiatives plus modestes. M. Robertson a parlé de l'ANASE plus un. C'est là où le plus gros de l'action se passe actuellement. Cela ne signifie pas que les arrangements de plus grande envergure disparaîtront.
Le vrai dilemme qu'il faut trancher, c'est si les arrangements commerciaux et économiques et les investissements devraient se conclure seulement avec l'Asie ou dans l'ensemble de la région du Pacifique. C'est la vraie question à trancher actuellement. L'APEC englobe les deux, mais on ne sait pas vraiment si des accords conclus uniquement avec l'Asie ne conviendraient pas nécessairement tout autant aux Chinois, aux Singapouriens et particulièrement aux Malais.
Malgré tout le bien que M. Robertson a dit d'eux, nos amis les Australiens, qui affirment toujours qu'ils aimeraient que les Canadiens et les Américains soient là, ne se formaliseraient pas d'être considérés comme des Asiatiques et d'avoir les gros joueurs de l'autre côté du Pacifique sur leur route.
Chaque histoire en cache toujours une autre, si je peux le dire ainsi, sénateur.
Le sénateur Downe : Merci. C'est en fait sur ce sujet que porte ma prochaine question. Vous avez indiqué que nous tardions à nous investir dans le Partenariat transpacifique, mais il semble qu'un certain nombre d'autres groupes exercent des pressions pour que nous n'intervenions pas du tout et que le Canada et, par le fait même, les États-Unis, ne soient pas présents. Par exemple, on observe qu'en Amérique du Sud et en Amérique centrale, certain préconisent un retrait du Nord. Ce mouvement est-il fort et prend-il de l'expansion dans la région?
M. Curtis : Je crois qu'au final, non. Selon moi, il existe souvent, chez certains diplomates et dans les médias de quelques pays, un anti-américanisme latent, qui peut s'observer dans notre pays également. Mais, au final, la plupart des non-Asiatiques, si je peux m'exprimer ainsi, souhaitent vraiment que les Américains restent impliqués.
Comme je l'ai indiqué dans un contexte différent, sur le plan de l'innovation, de la qualité, de l'entrepreneuriat et du capital de risque, dont tous ces pays tirent profit différemment, les États-Unis tiennent encore le haut du pavé, ainsi que le Canada et l'Europe, dans une certaine mesure.
Je ne prends pas cette question trop au sérieux. Je crois qu'on cherche à savoir s'il faudrait tracer une ligne au milieu du Pacifique et qu'on n'a pas encore pris de décision à cet égard. Les Chinois, sans égard aux Australiens, pourraient jouer sur les deux tableaux également. Ils ont conclu un accord de moindre envergure avec la Corée et le Japon. Nous connaissons le contexte politique de cet accord également. L'ANASE plus un fait intervenir les Chinois, qui sont très prudents et qui observent.
L'issue de l'affaire n'est pas encore très claire.
Je crois que dans notre cas, toutefois, étant donné que nous sommes très intégrés aux États-Unis pour toutes sortes de raisons, bonnes et moins bonnes, nous devons profiter de chaque occasion d'assurer le maintien de nos préférences aux États-Unis, lesquelles ont été négociées il y a 25 ans dans le cadre de l'accord initial entre le Canada et les États- Unis, dans la mesure où nous pouvons les préserver.
Le sénateur Downe : Madame la présidente, je sais que d'autres membres du comité ont des questions. J'en ai une brève dernière à poser à Colin.
Monsieur Robertson, en ce qui concerne vos quatrième et cinquième points, le Canada dépense, comme vous le savez, plus d'un milliard de dollars en aide internationale dans la région. Si vous aviez le choix, considéreriez-vous que notre argent serait mieux affecté à l'élargissement de notre présence et à l'établissement d'ambassades, de bureaux du gouvernement ou de bureaux commerciaux? Jugeriez-vous au contraire que, comme vous l'indiquiez à votre point cinq au sujet de la démocratie, nous ferions mieux d'investir pour renforcer la fonction publique, le système judiciaire et les institutions dans les fragiles démocraties déjà en place dans la région?
M. Robertson : Sénateur, je crois qu'on peut faire les deux. Il faut être là pour avoir une incidence, tout en travaillant avec les institutions afin de favoriser la démocratie. Il est probablement plus efficace pour nous et pour la démocratie que nous soyons considérés comme Canadiens. Je vais vous donner un exemple.
Quand j'étais à Hong Kong, nous avons invité l'ancien commissaire des Territoires du Nord-Ouest, le directeur général des élections et un éventail de spécialistes de la manière dont on mène des élections et gère une démocratie. L'initiative a été extrêmement bien accueillie et a encore des retombées positives pour nous à Hong Kong. Nous n'aurions pas réussi à le faire si nous n'avions pas bénéficié d'une présence sur place.
Nous avons travaillé avec les Chinois et le gouvernement de Hong Kong, qui étaient enchantés que nous ayons invité tous ces gens avec nous. Nous tentions simplement de les aider pour appuyer la croissance des institutions représentatives et démocratiques. Nous n'essayions pas de leur vendre un modèle particulier de démocratie, mais de leur expliquer en quoi consiste cette démocratie. Mais nous n'aurions pu y parvenir si nous n'avions pu compter sur des gens sur place.
Le sénateur Downe : Merci.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : Soyez les bienvenus tous les deux. Ma première question s'adresse à M. Curtis. Étant donné que vous avez consacré une bonne partie de votre carrière aux domaines économique et commercial, est-ce que vous pensez que le Canada devrait se concentrer sur certains pays en particulier ou s'il devrait accentuer son implication auprès des organisations multilatérales de l'Asie-Pacifique?
C'est ma première question, j'en aurai une autre après.
M. Curtis : Si vous permettez, je vais répondre en anglais parce que je suis un gars de Vancouver.
[Traduction]
C'est une excellente question. Je ne me concentrerais pas sur un pays en particulier, largement parce que le commerce et l'investissement internationaux, et l'échange de renseignements s'effectuent généralement de façon disparate dans le monde. Cela ne se fait pas par pays, mais principalement par entreprise, selon le capital et la technologie nécessaires, et les activités des entreprises aux États-Unis, au Canada, en Europe ou en Asie. Le pays n'a pas vraiment d'importance.
Quand j'explique la question à des étudiants, j'utilise souvent l'exemple d'un ours en peluche vendu chez Toys R Us ou un autre magasin, comme peut-être Rona. Une quinzaine de pays participent à la production de cet ours. La conception peut s'effectuer en partie au Canada, par exemple, ou aux États-Unis. La peluche peut venir d'un autre pays. Les mouvements que peut faire cet ours sont peut-être conçus dans un troisième pays, et les yeux sont produits dans un autre. Le tout est probablement assemblé en Chine. Il semble donc que nous fassions du commerce avec la Chine, car Statistique Canada comptabilise cet article comme une importation de ce pays. Dans les faits, seulement 5 p. 100 de l'ours en peluche environ a été fait en Chine, même si on a l'impression qu'il y a été fabriqué en entier.
Ce que je veux dire, c'est qu'il ne faudrait pas se concentrer sur certains pays. Il faudrait analyser nos forces et les besoins de nos consommateurs et négocier avec le pays ou la société qui convient le mieux à nos intérêts nationaux.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : Vous avez dit tout à l'heure que, pour avoir des échanges commerciaux, il fallait adopter ou respecter les politiques des différents pays. Est-ce que cela veut dire qu'il faut passer par-dessus la corruption ou faire fi des infrastructures qui sont déficientes et continuer d'avoir des échanges commerciaux avec ces pays? Parce que la semaine dernière, il a été mentionné que désormais on devait mettre l'accent sur les échanges commerciaux.
[Traduction]
M. Curtis : Selon moi, les échanges commerciaux, le commerce international, l'investissement et la technologie, ça englobe tout, y compris l'organisation des activités et le comportement des entreprises, incluant l'infrastructure, la politique fiscale, la politique en matière de droits de la personne, la politique du travail et un programme de santé et de sécurité.
À mon avis, le « commerce » est une expression large et chaque élément de la politique publique joue un rôle dans le commerce international. Si je puis m'exprimer ainsi, sénatrice Fortin-Duplessis, le commerce international est un sujet impérial, puisqu'il touche à tout.
Le sénateur D. Smith : Pour ne pas vous ennuyer, je ne parlerai pas de mon voyage en Chine à l'époque de Mao...
La présidente : Merci. Nous n'avons que très peu de temps.
Le sénateur D. Smith : ... ou de Chrétien, d'Équipe Canada ou même de ma rencontre avec Colin alors qu'il était consul.
Mais j'aimerais vraiment connaître votre opinion à tous les deux sur ce que je considère être un papier tournesol, soit cette dispute au sujet des îles. Vous avez vu les vidéos; ce sont des rochers. Il est difficile à croire qu'il puisse s'agir d'une question de défense stratégique. Leurs arguments en ce sens ne sont pas vraiment solides sur le plan juridique. Je crois plutôt qu'ils jouent du muscle, que c'est une question d'ego. Ils semblent dire : « Regardez-nous, nous sommes une puissance mondiale », une des deux puissances mondiales, d'ailleurs, puisqu'il y a deux ans, la Chine a surpassé le Japon en tant que deuxième économie mondiale. Je suis convaincu qu'elle surpassera aussi les États-Unis, peut-être pas de mon vivant, mais d'ici quelques décennies.
Comment interprétez-vous cette démonstration musclée qui dérange un peu leurs voisins? Est-ce une stratégie avantageuse? Comment voyez-vous cette dispute très agressive au sujet des îles?
M. Curtis : C'est votre domaine, Colin. Je vais simplement souligner une chose. Tout dépend des îles auxquelles vous faites référence. Je présume que vous voulez parler des îles situées dans la mer de Chine orientale, et non celles au sud.
Le sénateur D. Smith : C'est exact.
M. Curtis : Si je ne m'abuse, auparavant, ces îles étaient chinoises, comme le Tibet. Cependant, il y a environ une centaine d'années, elles sont devenues la propriété du Japon en vertu d'un traité. Je ne crois pas que l'histoire devrait être l'élément dominant; comme nous le savons, elle cause des problèmes ailleurs dans le monde. Cependant, il faut au moins comprendre la position de la Chine, même si cela n'excuse pas ses gestes. Il faut analyser l'histoire et déterminer si ces revendications territoriales sont fondées. Colin, ce serait vraiment à vous de répondre.
J'ajouterais simplement une dernière chose. Comme je le dis toujours, la Chine et les Américains sont dignes l'un de l'autre.
M. Robertson : Je dirais, sénateur, que l'histoire est contestée. Vers la fin des années 1980 et au début des années 1990, le Canada avait amorcé ce que l'on appelait le dialogue Pacifique Nord. On tentait de jouer un rôle utile dans cette dispute entre la Chine et le Japon. À l'époque, Joe Clark était le ministre des Affaires étrangères, et Brian Mulroney, le premier ministre. Il s'agissait d'une initiative utile que l'on appelait la « deuxième voie », et je sais que d'autres témoins y ont déjà fait référence. Je crois que c'est un rôle que le Canada pourrait jouer.
J'étais à la résidence de l'ambassadeur du Japon récemment. J'y ai rencontré un universitaire japonais qui était là pour nous donner le point de vue du Japon sur ces îles contestées.
Le sénateur D. Smith : Pour justifier leur position.
M. Robertson : Son point de vue sur qui appartient les îles diffère de celui que vient de nous exposer John. Je lui ai demandé précisément si le Canada pourrait les aider. Il m'a dit oui, par la deuxième voie, en faisant connaître les faits. C'est de cela que je parlais dans mon exposé. Il s'agit ici d'un conflit. Il serait préférable que les deux parties se parlent.
Le sénateur D. Smith : Selon vous, qu'est-ce qui alimente ce conflit?
M. Robertson : Une des raisons, c'est que le nouveau dirigeant de la Chine doit essayer — il existe depuis longtemps un mouvement nationaliste actif en Chine. Vous devriez lire la traduction des blogues chinois; vous seriez inquiets de voir à quel point ces blogues sont antijaponais. Je l'ai constaté moi-même à Hong Kong. Les citoyens doivent relâcher un peu de pression pour calmer les choses, et c'est ce que nous remarquons.
Il y a également ces mouvements en Chine — n'oubliez pas qu'il y a des gens qui sont insatisfaits de l'orientation prise par le nouveau dirigeant, orientation qu'ils considèrent peut-être trop occidentale. Donc, selon nous, il est important que la situation ne dérape pas. Le risque, c'est qu'il y ait un autre incident semblable à ce qui s'est produit en 2001 lorsqu'un avion américain est entré en contact avec un chasseur chinois qui s'était approché trop près provoquant son écrasement. Heureusement, à l'époque, George W. Bush avait réussi à empêcher une escalade de la situation. Nous voulons empêcher que cette crise ne s'aggrave.
Je vais vous raconter une anecdote. En janvier dernier, j'étais à Stanford où j'ai rencontré Frank Fukuyama, le grand philosophe politique. Il m'a avoué que cette région du monde l'inquiétait, et les derniers événements confirment ces craintes. Selon lui, on pourrait assister à une autre crise comme celle survenue à Sarajevo. Comme je l'ai souligné, il ne faut pas oublier que la Chine d'aujourd'hui a de nombreux points en commun avec l'Allemagne du dernier siècle; c'est une puissance économique en pleine croissance. Le monde a mal réagi face à l'Allemagne dans la première moitié du dernier siècle. Nous devons nous assurer de ne pas répéter les mêmes erreurs, car les enjeux aujourd'hui sont beaucoup plus importants et les armes disponibles beaucoup plus dévastatrices.
La sénatrice Johnson : Monsieur Robertson, j'aimerais vous poser une question très importante. Je sais que vous travaillez beaucoup avec les États-Unis. Selon vous, quelles sont les implications à court et à long terme pour le profil du Canada dans ces deux parties du monde en vertu de l'accord de coopération en matière de politique de défense dans l'Asie-Pacifique conclu en novembre 2013 avec les États-Unis?
M. Robertson : L'OTAN surveille les activités dans l'Atlantique Nord. Nous n'avons rien de comparable dans le Pacifique. Les États-Unis s'appuient maintenant sur cet accord pour en produire d'autres. Ils ont déjà conclu des accords avec certains pays de la région en matière de défense, mais ils sont déterminés à installer 60 p. 100 de leur marine en Indo-Pacifique. Ils tentent de créer un réseau, une sorte d'alliance de facto, semblable à ce qui a permis de sécuriser les routes de navigation dans l'Atlantique depuis un demi-siècle favorisant ainsi le commerce. Il en va de l'intérêt de tous, y compris de la Chine, de s'assurer que ces routes de navigation sont sécuritaires, et si ce genre d'accord peut nous aider en ce sens, c'est une bonne chose.
La sénatrice Johnson : Auriez-vous un commentaire à formuler sur le sujet? J'aurais une question à vous poser, monsieur Curtis. Que pensez-vous de l'APIE, l'Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers entre le Canada et la Chine? Est-ce un bon accord pour nous? Y a-t-il des éléments qui vous préoccupent?
M. Curtis : De façon générale, et je l'ai analysé attentivement, c'est un bon accord. Il s'agit d'un outil de réglementation. Il n'est pas exhaustif, mais aucun de nos accords en matière d'investissement ne l'est vraiment. Je crois que dans toute relation économique, il est préférable d'avoir plus, et non moins, de certitude et de prévisibilité.
Le sénateur Housakos : Je vais tenter d'être bref. Il ne fait aucun doute qu'au cours des dernières décennies, le commerce entre le Canada et l'Asie-Pacifique a connu une croissance exponentielle, due en partie au fait que nous expédions nos ressources naturelles dans cette région et que nous recevons des produits finis. Cependant, au cours de cette même période, nos échanges ont continué de croître avec nos deux principaux partenaires commerciaux, les États- Unis et l'Union européenne, notamment dans les secteurs de la technologie et des services. Ces deux secteurs ont fait des pas de géant grâce à notre commerce avec les États-Unis et l'Union européenne.
J'aimerais savoir quelle croissance ces deux secteurs ont enregistrée au cours des 10 dernières années dans les régions de l'Extrême-Orient et de l'Asie-Pacifique. Quels ont été les obstacles, le cas échéant, et comment serait-il possible d'augmenter les échanges entre le Canada et l'Asie-Pacifique dans ces secteurs?
M. Curtis : Premièrement, beaucoup de choses bougent sur le plan de ce qu'on appelle les chaînes de valeur mondiales et, en fait, nous avons effectué beaucoup plus d'échanges dans ces secteurs que les statistiques ne l'attestent. Cela est dû, en partie, au fait qu'il s'agit de petits échanges entre grandes multinationales —basées tantôt en Europe, tantôt aux États-Unis. Par exemple, il n'est pas question d'échanges directs entre le Canada et l'Indonésie; si cela avait été le cas, ils auraient été faciles à mesurer parce que les pays échangent des minerais et du bois. Beaucoup des échanges effectués passent par les chaînes de valeur mondiales.
Deuxièmement, le secteur des services financiers et autres services commerciaux est très dynamique. Nous nous en sommes vraiment bien tirés à ce chapitre. Le problème, c'est qu'il est difficile de mesurer un service, alors dans une certaine mesure, ce qui ne paraît pas très bon est en fait beaucoup meilleur que ce que nous pensons et ce qu'indiquent les statistiques.
Bien sûr, nous avons du pain sur la planche, mais Manulife, par exemple — si je peux me permettre de mentionner des noms d'entreprises —, réussit très bien dans certaines régions d'Asie, tout comme Sun Life. Nos banques n'ont pas été aussi dynamiques. Dans le passé, je pense que celles-ci ont peut-être été plus dynamiques à Hong Kong. Il y a beaucoup de potentiel, mais en gros, sur le plan du solde des échanges de services commerciaux, nous avons un excédant à l'échelle mondiale, y compris en Asie. Le problème, c'est que nous avons tendance à regarder tous les autres secteurs — comme ceux du tourisme et des transports —, ce qui nous porte à dire que nous sommes mal en point. Quant aux services de haute technologie, nous affichons un excédent. Alors, nous nous en tirons bien. Nous pourrions faire mieux, surtout dans le domaine de l'éducation, comme M. Robertson l'a mentionné. Nous devrions faire beaucoup mieux. Il nous suffirait de colorer la neige en vert pour que les gens s'inquiètent moins des hivers canadiens.
Même là, nos universités réussissent bien à l'étranger, soit en attirant des étudiants ici, soit en établissant des centres outre-mer — des centres d'enseignement tant secondaire, comme nous le faisons en Corée, qu'universitaire — et, en fait, elles mettent sur pied des campus ou établissent des partenariats avec des campus existants dans certaines régions de l'Asie-Pacifique.
Les résultats ne sont pas formidables, mais nous ne sommes pas aussi mal en point que nous le pensons.
M. Robertson : Évidemment, cela souligne encore une fois l'importance d'établir des ententes. Essentiellement, nous demandons à l'Asie d'adhérer aux structures d'échanges commerciaux que nous avons conçues dans l'Ouest. D'autres pays le font, notamment la Chine et l'Inde, ce qui m'amène à la question sur l'Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers.
Oui, je pense que nous devrions promulguer l'APIE et continuer d'aller de l'avant parce que cela crée des débouchés pour les entreprises canadiennes dans la mesure où l'accord permet à celles-ci de faire des échanges avec plus d'assurance et de régler certains problèmes comme le vol de la propriété intellectuelle. Par ailleurs, il est évident que nous aurions mutuellement intérêt à aligner les pratiques commerciales de l'Asie sur ce qui se fait dans l'Ouest.
La présidente : Trois autres personnes aimeraient intervenir. Je vais leur demander de poser leurs questions, et alors, peut-être que les deux témoins pourraient y répondre.
Le sénateur Dawson : Vous comparaissez au début de la planification de notre étude. Monsieur Robertson, vous avez parlé d'Équipe Canada, dont je suis un grand partisan. Je pense que c'était une excellente approche.
Monsieur Curtis, vous avez dit que nous ne pouvons pas vraiment viser différents pays. Nous devons commencer à cibler nos efforts. Si nous décidons d'adopter une approche comme celle d'Équipe Canada, à l'exception de la Chine et de l'Inde, quels pays devrions-nous cibler? Je comprends les enjeux sur le plan des transports, de la sécurité et des Maritimes, mais quels autres pays devrions-nous cibler dans notre étude?
M. Robertson : Selon moi, il faudrait cibler les grands pays.
La présidente : Commencez par écouter les questions, après quoi vous pourrez réfléchir ensemble à la réponse.
La sénatrice Ataullahjan : Merci. J'avais beaucoup de questions à poser, mais je pense que je vais m'en tenir aux questions courtes.
Vous avez mentionné le fait que le Canada doit contribuer aux mesures de sécurité. Qu'est-ce que vous entendez par là précisément? Une contribution comme celle que nous faisons actuellement en Afghanistan, à titre de formateurs? Ou pensez-vous que nous devrions en faire davantage?
J'apprécie le fait que vous avez fait référence à Peshawar, au bouzkashi et à la passe de Khyber. Vous savez, seulement les braves ou les fous traversent cette région de nos jours!
Le sénateur Oh : J'aimerais faire une remarque. Monsieur Curtis, vous avez parlé de l'île contestée qui appartient à la Chine; or, l'île avait toujours appartenu à la Chine. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Chine était en pleine guerre civile. Du côté des Chinois, il y avait la pagaille. La Chine ne recevait rien à la fin de la guerre, et on était censé lui redonner l'île.
En fait, il y a quelques années, on a demandé à la Chine de renvoyer la question de l'île contestée à un tribunal international. Or, depuis 10 ans, le nouveau régime japonais, qui adopte un style plutôt militaire, a commencé à faire des revendications à ce sujet. La contestation s`est intensifiée et, jusqu'à présent, aucun autre pays n'a pris parti pour le Japon.
La présidente : Monsieur Robertson, je vous laisse commencer. Vous pouvez répondre à n'importe quelle de ces questions ou faire des remarques, après quoi je donnerai la parole à M. Curtis.
M. Robertson : Monsieur le sénateur Dawson, je pense qu'Équipe Canada fonctionne vraiment bien, et ce, en grande partie parce qu'il est important de montrer clairement que nos dirigeants politiques ouvrent la porte aux échanges commerciaux. Contrairement à ce qui se fait dans l'Ouest, c'est de cette façon que cela fonctionne en Asie. Voilà une autre raison pour laquelle il serait bon d'accroître notre présence diplomatique : nous aurions avantage à mettre notre drapeau bien en vue.
Je le répète, il ne s'agit pas de propos partisans. Le premier ministre Chrétien a compris cela, tout comme les premiers ministres Mulroney et Trudeau. Selon moi, Équipe Canada a adopté l'approche la plus efficace, parce que celle-ci engageait la participation de dirigeants politiques de divers ordres de gouvernement. Évidemment, quand le premier ministre fédéral s'engage dans ce sens, cela fait énormément avancer les choses. Les premiers ministres provinciaux font déjà cela et, au cours des dernières années, ceux-ci ont effectué plusieurs voyages de ce genre, surtout les premiers ministres de l'Ouest du Canada. À mon avis, il faut encourager cette approche.
Vous avez demandé quels pays cibler. Évidemment, les pays qui offrent le plus de débouchés sont la Chine, l'Inde et l'Indonésie. Toutefois, je vous encourage à vous pencher attentivement sur le nouveau Plan d'action sur les marchés mondiaux du gouvernement, qui vient d'être publié. Celui-ci présente une analyse globale et précise des marchés que nous devrions envisager. Il s'agit d'une une excellente idée. Oubliez les aspects politiques de cette stratégie économique : maintenant, nous avons une marche à suivre pour savoir comment approcher les pays que nous pourrions aider. Celle-ci a été élaborée tant par les gens sur le terrain que ceux au pays.
Je le répète, je pense que, chaque année, Équipe Canada devrait effectuer une mission qui serait dirigée par le premier ministre fédéral et à laquelle des premiers ministres provinciaux participeraient.
En ce qui concerne la sécurité, le plus important serait de constituer une flotte, parce qu'il s'agit d'une valeur sûre sur le plan de la sécurité. Il faut être sur place parce que c'est un grand océan et protéger ces voies de circulation. Les Américains ont déjà signalé par des séquestrations et des compressions budgétaires qu'ils s'attendent à ce que leurs alliés fassent leur part, et les Asiatiques nous ont dit que, si nous voulons faire des échanges de ce genre, ils aimeraient nous voir contribuer au renforcement de ces mesures de sécurité. Je partage leur avis, parce que le Canada serait très bien placé pour le faire. Tant les Asiatiques que les Américains m'ont dit cela.
Si nous engagions le genre de dialogue officieux dans la zone pacifique comme nous l'avons fait à la fin des années 1980 et au début des années 1990... et j'ai donné l'exemple du Forum d'Halifax sur la sécurité internationale puisqu'il s'agit d'un superbe modèle canadien qui donne d'excellents résultats. Je l'appliquerais donc à la côte Ouest et discuterais des enjeux dont nous parlons aujourd'hui, comme des îles faisant l'objet d'un litige et du reste. J'en ferais toutefois une affaire d'équilibre commercial et sécuritaire, et j'y inclurais bien sûr des pays dont le régime n'est pas démocratique à l'heure actuelle.
M. Curtis : Nous attendons l'appel de la sonnerie. Permettez-moi de dire au sénateur Oh que c'est exactement ce que je disais : les revendications chinoises ne datent pas d'hier. Elles remontent à la guerre de 1895, au moment du changement de propriété; elles remontent du moins au siècle dernier. Ce n'est pas très clair.
En réponse à la question de tout à l'heure, une concurrence fait rage au sein de la Chine. Nous la constatons même entre les entreprises d'État, où elle s'intensifie. Il y a diverses sources de concurrence dans le pays, et j'imagine que le groupe en question fait quelque peu pression sur le nouveau gouvernement.
Sénateur Dawson, je pense que vous ne vouliez pas que nous parlions de la Chine.
Le sénateur Dawson : C'est parce que le comité l'a visitée et a étudié l'Inde, sans vouloir minimiser leur importance...
M. Curtis : L'appel de la sonnerie se fait entendre. Je mettrais l'Indonésie au premier rang. Cet archipel gigantesque compte près de 200 millions d'habitants et est au cœur de l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est, ou ANASE. C'est d'ailleurs là que l'association est établie. J'y passerais beaucoup de temps — oubliez les petits pays comme la Malaisie —, de même que dans d'autres pays comme la Corée qui, selon moi, est une des raisons pour lesquelles le Partenariat transpacifique doit être conclu. Je pense que le pays contribuera à notre accès à la région.
Pour revenir au point de M. Robertson, il est important de participer aux discussions sur toutes les tribunes possibles et d'être sûrs de nos intérêts nationaux, qui reposent essentiellement sur nos objectifs économiques.
La présidente : Je tiens à remercier les sénateurs, et plus particulièrement MM. Robertson et Curtis, nos experts. Puisque le bouton a été actionné à 17 h 15, nous sommes maintenant obligés de mettre fin à la séance.
Compte tenu de l'intérêt du comité, je suis persuadée que vous serez convoqués de nouveau à l'heure habituelle lorsque nous progresserons dans notre étude. Nous allons nous limiter à certains enjeux. Vous nous avez très bien orientés aujourd'hui, et je vous en remercie. J'ai hâte de continuer nos échanges.
Chers collègues, nous allons donc reprendre nos travaux demain matin.
(La séance est levée.)