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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule 3 - Témoignages du 12 décembre 2013


OTTAWA, le jeudi 12 décembre 2013

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour étudier les conditions de sécurité et les faits nouveaux en matière d'économie dans la région de l'Asie- Pacifique, leurs incidences sur la politique et les intérêts du Canada dans la région, et d'autres questions connexes (sujet : Birmanie (Myanmar)).

Le sénateur Percy E. Downe (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Honorables sénatrices et sénateurs, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international poursuit son étude sur les conditions de sécurité et les faits nouveaux en matière d'économie dans la région de l'Asie-Pacifique, leurs incidences sur la politique et les intérêts du Canada dans la région, et d'autres questions connexes.

Nous sommes très heureux d'accueillir durant la première partie de notre réunion de ce matin M. Don Campbell, conseiller stratégique principal pour Davis LLP. Il est aussi un ancien sous-ministre d'Affaires étrangères et Commerce international et un ancien ambassadeur du Canada au Japon. Nous accueillons également M. John Weekes, conseiller principal d'affaires chez Bennett Jones, ancien négociateur en chef pour l'ALENA et ancien ambassadeur du Canada à l'Organisation mondiale du commerce.

Monsieur Campbell, monsieur Weekes, nous allons vous entendre l'un après l'autre. Je crois comprendre que c'est vous, monsieur Campbell, qui commencez.

Don Campbell, conseiller stratégique principal, Davis LLP, et ancien sous-ministre des Affaires étrangères et du Commerce international, à titre personnel : Honorables sénatrices et sénateurs, bonjour. Je suis très heureux de comparaître devant vous ce matin. Je voudrais faire quelques observations préliminaires avant de répondre avec plaisir à vos questions.

Je suis ravi que le comité sénatorial se penche sur cette question qui est très importante et à laquelle j'accorde moi- même beaucoup d'importance. Pendant mes nombreuses années dans la fonction publique à titre d'ambassadeur au Japon et en Corée, puis dans le secteur privé avec CAE, importante entreprise canadienne qui détient une part appréciable du marché asiatique, et enfin en ma qualité de coprésident du Conseil de coopération économique du Pacifique, communément appelé PECC, j'étais aux premières loges pour assister aux changements extraordinaires en Asie. Le PECC comprend tous les pays de la Coopération économique de la zone Asie-Pacifique et quelques autres pays. C'est un conseil officieux, mais presque semi-officiel étant donné que des représentants de plusieurs gouvernements en font partie.

Je crois que les membres du comité sont au courant de la transformation spectaculaire qui a eu lieu dans cette partie du monde et je n'ai pas l'intention de m'attarder là-dessus, mais je parlerai de l'influence géoéconomique et géopolitique de cette région en commençant, bien sûr, par le Japon, puis les soi-disant Tigres asiatiques, plus récemment la Chine et aujourd'hui, bien évidemment, d'autres pays de la région, notamment l'Inde.

Il importe de souligner que cette région du monde aura un impact considérable non seulement en raison du fait que sa croissance est la plus rapide et que la majeure partie de la croissance et de la prospérité mondiales lui est attribuable, mais aussi en raison d'un aspect beaucoup plus géostratégique par rapport aux institutions internationales et aux règles de gouvernance.

J'ai aussi suivi attentivement le rôle très important du Canada dans plusieurs pays de cette région depuis très longtemps, même avant le siècle précédent. Nous avons perdu, si je puis dire, une décennie qui a probablement commencé juste après les réunions de l'APEC à Vancouver en 1998, lorsque le Canada s'est intéressé davantage à l'Amérique du Nord et que beaucoup de pays asiatiques jugeaient que nous avions perdu tout intérêt à leur égard, ce qui, à mon avis, n'est pas tout à fait faux. Depuis, au cours des quatre ou cinq dernières années, nous avons fait des progrès assez considérables, mais il nous reste encore beaucoup à faire pour restaurer notre crédibilité et assurer le maintien de notre prospérité de plus en plus tributaire de cette partie du monde.

L'occasion m'a été donnée l'année dernière de présider un groupe de travail pour la Fondation Asie-Pacifique, groupe qui s'est penché sur l'architecture régionale naissante, c'est-à-dire les institutions en Asie et le rôle que jouerait ou devrait jouer le Canada au sein de ces institutions. Le rapport qui contient plusieurs recommandations a été publié l'automne dernier.

Nous recommandons dans le rapport d'adopter, à l'égard de l'Asie-Pacifique, une approche qui implique non seulement le gouvernement canadien dans son ensemble, mais également le pays tout entier. Une stratégie commerciale ne suffira pas. C'est une partie du monde où l'économie, les intérêts nationaux et la politique sont très étroitement liés et où nous ne devons pas nous contenter d'être un acteur majeur et à long terme. Nous voulons aussi être perçus en tant que tel. À cette fin, le Canada doit participer à de nombreuses institutions dont il n'est pas encore membre et à quelques autres auxquelles il a adhéré, ce qui nécessite une approche soutenue. S'il y a beaucoup d'activités, elles ne constituent cependant pas encore une stratégie. Nous devons adopter une approche plus cohérente à l'égard de l'Asie.

Je vais vous donner des précisions au sujet de cette approche. Nous recommandons un effort national mettant à contribution le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux, les municipalités, le secteur privé et le milieu universitaire en vue d'établir de façon méthodique un échange et un rôle permanents, qui n'existent pas encore, et en vue de devenir membre d'un certain nombre d'institutions. Depuis la publication du rapport — et je ne dis pas que c'est grâce au rapport —, nous avons fait part de notre intérêt à adhérer au dialogue sur la sécurité dans l'Asie de l'Est, qui devient le dialogue primordial concernant l'Asie-Pacifique. Nous avons également recommandé d'accorder davantage d'attention aux pays de l'ANASE, tant sur le plan économique que politique, car ces pays jouent un rôle essentiel dans ce qui se passe en Asie.

Sur le plan du commerce et de l'investissement, nous préconisons une approche régionale qui s'est manifestée par la participation du Canada au Partenariat transpacifique et dans les négociations bilatérales; certaines de ces négociations se poursuivent, d'autres sont au point mort.

Je me réjouis de la reprise des négociations sur l'accord de libre-échange entre la Corée et le Canada et j'espère qu'elles aboutiront rapidement. Des négociations sont en cours entre le Canada et le Japon ainsi qu'entre le Canada et l'Inde. Nous préconisons aussi un accord commercial entre le Canada et l'ANASE.

Évidemment, ces négociations n'aboutiront pas toutes à une conclusion heureuse. Cela demandera un effort de la part du gouvernement, mais pour que ces négociations réussissent, il incombe au secteur privé de saisir les occasions qui s'offriront. Il me semble que des témoins aient déjà indiqué au comité que le secteur privé a été quelque peu timide et prudent, mais je ne suis pas sûr que ce soit forcément vrai à tous les égards.

Nous avons formulé 17 recommandations en tout. Je ne vais pas en parler maintenant, mais je serais heureux d'en discuter plus en détail ultérieurement.

D'autres témoins vous ont abordé sur une autre question qui mérite d'être examinée, mais dont notre rapport ne fait pas mention. Il s'agit de la prétendue nécessité de se familiariser avec l'Asie. J'entends par là la volonté du Canada et des Canadiens d'apprendre les langues de ces pays et de se sensibiliser à l'Asie. Vous êtes nombreux à savoir que, partout dans notre pays, on connaît peu de choses de l'Asie, ce qui est étonnant et que l'intérêt pour cette région est plutôt faible, tendance de plus en plus marquée à mesure que l'on se dirige vers l'Est du Canada. C'est un problème que je ne constate pas à Vancouver, où je réside, mais je me rends compte de son évidence à mesure que l'on se rend vers l'est de notre pays. Il est très important que nous adoptions une approche qui implique le pays en entier, dans le but d'assurer notre prospérité et de déterminer le rôle de notre pays tant sur la scène internationale que dans la région.

Le vice-président : Merci beaucoup monsieur Campbell. Nous avons apprécié vos observations. Au cours de vos longues années de service non seulement au sein de l'administration fédérale mais aussi dans la région, vous avez acquis des connaissances remarquables sur ce dossier et la région. Nous avons des questions à vous poser, mais auparavant, j'invite M. John Weekes à faire sa déclaration.

John Weekes, conseiller principal d'affaires, Bennett Jones, ancien négociateur en chef pour l'ALENA et ancien ambassadeur à l'OMC, à titre personnel : Merci beaucoup monsieur le président. Je vais tout d'abord faire gagner du temps en adhérant à tout ce que vient de dire Don Campbell. Je pense qu'il a fait un excellent exposé qui jette les fondements de la discussion que nous avons ici aujourd'hui.

Permettez-moi d'ajouter quelques points. Premièrement, quelques mots sur Bennett Jones et moi. Notre société d'avocats compte beaucoup de clients fort intéressés par le marché asiatique. Nous avons ouvert un bureau de représentation à Beijing. En plus de mes responsabilités à la société d'avocats, je suis un des directeurs de l'Alberta Livestock and Meat Agency et je suis maintenant le président du Comité de l'accès aux marchés du conseil d'administration de ce groupe, ce qui nous offre, à moi et mes collègues en Alberta, d'amples occasions de réfléchir aux débouchés qui seraient les plus intéressants pour notre secteur de la viande et du bétail dans la région de l'Asie- Pacifique.

Sur le plan des relations commerciales internationales, nous sommes vraiment engagés dans ce que l'on appelle la libéralisation commerciale concurrentielle. Tous les autres pays essaient de conclure des accords de libre-échange avec les pays détenant les marchés les plus intéressants. Et les premiers à conclure de tels accords sont les premiers à en récolter les avantages. Nous avons vu ce type de situation tourner à notre avantage dans le cas de l'accord de libre- échange que nous avons conclu avec le Chili quelques années avant les États-Unis. Nous avons réussi à pénétrer ce marché avant nos concurrents américains. Cependant, la situation inverse s'est produite en Corée, lorsque les Américains ont accédé au marché coréen à la suite de l'accord de libre-échange qu'ils ont conclu avec la Corée et qui est aujourd'hui mis en œuvre tandis que nous en sommes encore à négocier le nôtre. Le secteur de la viande et du bétail, en particulier, et celui de l'agriculture plus généralement, sont encore assujettis aux droits de douane les plus élevés pour les principaux marchés asiatiques, et c'est ce qui nous place dans une position difficile. Je vous donne un peu plus de détails sur le marché coréen notamment : les droits de douane sur la viande de bœuf et de porc de l'OMC, les soi-disant « tarifs de la nation la plus favorisée » auxquels nous avons droit, s'élèvent à 40 p. 100. Ceux imposés aux États-Unis sont en train d'être ramenés progressivement à zéro sur une longue période, mais ils sont déjà nettement inférieurs à ceux que doivent payer les fournisseurs canadiens. Il en est de même pour l'Union européenne qui a conclu un accord de libre-échange avec la Corée et qui est un fournisseur important de viande de porc. Nous avons donc assisté à une forte diminution de notre part du marché de la viande de porc en Corée. Je crois que nous vendions annuellement à la Corée des produits de porc d'une valeur d'environ 400 millions de dollars. Or, ces ventes ont pratiquement disparu. Pis encore, l'Australie et le Corée ont annoncé il y a quelques jours la conclusion d'un accord de libre-échange. Par conséquent, un autre concurrent important du Canada dans le secteur de la viande et du bétail bénéficiera d'un accès en franchise au marché coréen, un accès que nous n'avons pas.

Il est vrai que nous menons des négociations avec le Japon, un marché de choix pour beaucoup de secteurs de l'industrie de la viande et du bétail et aussi de l'industrie agricole. Je crois que 60 p. 100 de l'apport calorique consommé par les Japonais sont importés; ce pays est donc un grand importateur de produits agricoles. C'est un marché de qualité où les prix sont très élevés et dans lequel nous pourrions obtenir de très bons résultats. Nous sommes en train de négocier un accord de libre-échange avec le Japon, et il serait important que les négociateurs canadiens continuent de concentrer toute leur attention sur ces négociations afin que nous puissions conclure rapidement un accord de libre-échange.

Nous négocions aussi avec l'Inde pour conclure un accord de libre-échange. Je pense que c'est important. Nous nous devons de ne pas ignorer des marchés aussi importants que celui-ci, qui continue d'afficher des taux de croissance impressionnants.

En ce qui a trait à la Chine, nous avons commencé à déterminer la façon dont nous pouvons élargir et renforcer nos relations au chapitre de l'économie et des investissements, mais nous ne sommes pas encore prêts à négocier un accord de libre-échange avec ce pays. Le potentiel du marché chinois est important, et nous y exportons déjà considérablement. Par exemple, je crois que les produits dérivés du canola représentent actuellement notre plus grande exportation vers la Chine. C'est de l'ordre de 3 milliards de dollars annuellement. Il y a des possibilités commerciales considérables que l'on peut exploiter. Avant d'adopter une approche plus vaste, peut-être un accord de libre-échange, nous devons réfléchir à la façon dont nous allons améliorer — par le biais de discussions sur la coopération — les perspectives de relations commerciales avantageuses avec la Chine afin d'aider les producteurs de toutes les régions du Canada.

Pour passer à ce que nous, les accros au commerce, appelons les accords commerciaux plurilatéraux, penchons-nous sur les négociations du Partenariat transpacifique. M. Campbell en a parlé. Il est très important que le Canada participe à ces négociations. Il faut en faire une priorité. Je suis un peu plus sceptique que d'autres sur le temps qu'il faudra pour que ces négociations aboutissent. Les prévisions faites initialement et voulant qu'elles soient terminées d'ici la fin de l'année se sont révélées fausses. On prévoit qu'elles prendront fin au début de l'année prochaine. Derrière tout cela se cache un enjeu très important, les tentatives des États-Unis de recourir à leur soi-disant autorisation de négocier des accords commerciaux ou pouvoir de négociation prévu par la procédure accélérée. Il y a quelques années maintenant qu'ils n'y ont pas eu recours. Cette autorisation ou ce pouvoir permet à l'administration, une fois qu'un accord de libre-échange a été conclu et après avoir collaboré étroitement avec le Congrès durant les négociations, de présenter à celui-ci les résultats et la loi de mise en œuvre. Par la suite, le Congrès doit adopter ou rejeter l'accord qui lui a été présenté. Il n'a pas le droit, pour le moment, d'apporter des amendements.

En l'absence de ce type de loi, le problème, c'est que le Congrès pourrait approuver l'ensemble de l'accord, pour ensuite commencer à en examiner les détails. Et s'il n'acceptait pas la partie traitant du bois d'œuvre ou celle sur le sucre parce qu'elle aurait des conséquences sur la politique des États-Unis à ce chapitre, le Congrès pourrait dire : « Eh bien, nous pensons que cet accord est excellent, mais nous allons voter contre sa mise en œuvre en raison des six ou huit dispositions suivantes. » Vous pouvez imaginer que cela mettra fin à toutes les négociations et risquera de briser l'équilibre délicat qui a été négocié.

Franchement, il est peu probable que les partenaires américains dans le PTP et l'administration américaine veuillent que les négociations parviennent à une conclusion finale sans que les États-Unis n'aient cette autorisation, car la situation serait très difficile à gérer en ce qui concerne le Congrès. Je le signale afin que le Canada et les négociateurs canadiens n'oublient pas cela au moment où les négociations sur le Partenariat transpacifique arrivent à terme.

Je conclus par quelques mots à peine sur l'Organisation mondiale du commerce. Jusqu'à tout récemment, je pense que les gens ne donnaient pas de grandes chances de réussite aux négociations du Cycle de Doha, et on croyait que le tout ne serait peut-être pas possible comme initialement prévu. Il vaut la peine de signaler qu'à Bali, la semaine dernière, un certain nombre d'accords ont été conclus à la conférence ministérielle de l'OMC, notamment celui, très important, sur la facilitation des échanges. Il s'agit d'éléments des négociations commerciales entrant dans le cadre du Cycle de Doha, et les membres de l'OMC ont décidé de voir s'ils pouvaient les regrouper dans un accord. Ce n'était pas chose facile, mais grâce au nouveau directeur général de l'Organisation mondiale du commerce — un ancien diplomate brésilien très compétent —, on a pu prouver qu'il était possible d'élaborer à l'OMC un accord multilatéral.

Selon la Banque mondiale et le Forum économique mondial, l'accord sur la facilitation des échanges, qui vise essentiellement l'élimination de la paperasse aux frontières, pourrait injecter un billion de dollars dans l'économie mondiale chaque année. Selon certaines estimations, cet accord est à lui seul plus important que l'élimination de tous les droits de douane encore imposés entre les pays.

Cet accord est un accomplissement important, et il convient de souligner qu'il pourrait s'avérer déterminant pour favoriser la libéralisation du commerce, et un système d'échanges fondé sur des règles pour la région de l'Asie-Pacifique sera aussi mis en place sous l'égide de l'OMC, du moins en partie.

Le vice-président : Merci, monsieur Weekes pour votre exposé intéressant.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : En tout premier lieu, je tiens à vous saluer et à vous dire à quel point nous sommes contents que vous soyez ici ce matin, parce que, par le passé vous avez été des témoins, vous êtes allés en Asie et vous avez occupé certains postes. Et je crois maintenant, qu'avec le temps, vous êtes très bien placés pour reconnaître les meilleures opportunités de développement économique pour les industries ou les Canadiens.

Il y a quelques jours, le gouvernement canadien a dévoilé de nouvelles orientations en matière de politique étrangère. Entre autres, le gouvernement souhaite axer davantage notre diplomatie sur les possibilités de développement de marchés pour nos entreprises et accentuer les opportunités commerciales avec certaines économies émergentes.

J'ai deux questions; je vais poser les deux tout de suite pour permettre ensuite à mes collègues de poser les leurs.

Premièrement, croyez-vous que cette approche gouvernementale puisse s'opérationnaliser dans un pays tel que la Birmanie? Deuxièmement, de quelle façon pensez-vous que le Canada devrait procéder pour, d'un côté, encourager les échanges commerciaux entre nos deux pays, et d'un autre côté, accompagner la Birmanie sur la voie de la consolidation démocratique?

[Traduction]

M. Campbell : Merci de vos questions. J'ai eu l'occasion de lire le récent document sur la stratégie commerciale mondiale. Je dois dire que, pour ce faire, on s'est appuyé, bien sûr, sur une longue série de stratégies similaires. On n'a donc pas commencé à partir de rien ou à la case départ. Je me souviens très bien de la Stratégie Horizon le Monde dans les années 1990 et des stratégies qui ont suivi.

Je pense que c'est une orientation très importante, à condition que ce ne soit pas la seule, car comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, il faut nouer des relations en Asie. Pour faire des affaires, il faut établir des relations qui dépassent le cadre commercial, ce qui est vrai tant au niveau du secteur des affaires qu'au niveau gouvernemental.

La Birmanie traverse une période très exaltante. On pourrait dire qu'elle passe de l'obscurité à la lumière. Sa transition vers une économie moderne pose des problèmes très complexes dans les domaines de l'économie, de la politique et des droits de la personne. Je crois qu'il faut régler beaucoup de ces problèmes tout en établissant des relations commerciales.

Je me réjouis de l'ouverture d'une ambassade et de la nomination d'un nouvel ambassadeur en Birmanie, et cette présence sur place sera extrêmement importante. Il y aura énormément de concurrence. Un de mes collègues qui y était récemment m'a dit que des représentants de pays et d'entreprises faisaient littéralement la chaîne au point où il est difficile d'héberger tous ceux qui viennent pour faire des affaires, saisir des possibilités commerciales ou fournir une assistance.

Nous devons adopter, à l'égard de la Birmanie, une approche commerciale multifacettes qui est aussi axée sur l'aide au développement, et je pense que le gouvernement est d'accord.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : Avez-vous un commentaire à formuler, monsieur Weekes?

[Traduction]

M. Weekes : Il est important de souligner que, dans ce cas, le gouvernement de la Birmanie a décidé d'accorder la priorité aux réformes politiques plutôt qu'à l'ouverture économique. J'ai vu des situations où la coopération et la libéralisation économiques peuvent favoriser l'instauration de la libéralisation politique. En l'occurrence, vu que la libéralisation politique est déjà amorcée, la mise en œuvre simultanée d'une coopération économique est d'autant plus justifiée. Je pense que le gouvernement du Canada devrait faire ce qu'il peut pour créer les conditions permettant aux entrepreneurs canadiens de pénétrer, au même titre que leurs concurrents d'autres pays, ce nouveau marché qui vient tout juste de s'ouvrir.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : Merci beaucoup à tous les deux.

[Traduction]

La sénatrice Ataullahjan : Merci pour vos exposés. Nous avons entendu des points de vue contradictoires au sujet de la présence du Canada dans la région de l'Asie-Pacifique. C'était intéressant de vous écouter car vous estimez aussi que nous ne nous intéressions plus à cette région. Vous avez mentionné une approche qui implique le pays tout entier. J'imagine que vous pensez que nous n'avons pas de stratégie.

Que pouvons-nous faire? Ouvrir des bureaux dans certains pays, envoyer des délégations de haut niveau ou mettre en œuvre d'autres stratégies, mais lesquelles?

M. Campbell : Tout d'abord, je disais que d'une certaine façon nous avons un peu perdu une décennie. Par exemple, dans nos cinq principaux marchés d'exportation en Asie, nos échanges commerciaux n'ont pratiquement pas changé ou ont diminué entre 2000 et 2010.

Quand j'étais au Japon, je me souviens que les échanges bilatéraux étaient de l'ordre d'environ 25 milliards de dollars. Ils sont d'environ 25 milliards de dollars aujourd'hui et étaient inférieurs à cela durant une partie de cette période. Les échanges sont donc repartis à la hausse.

L'Australie est notre principal concurrent dans ce marché. C'est le pays qui vend la plupart des mêmes biens et produits que nous. Il s'agit plus de produits que de services. Les échanges commerciaux entre l'Australie et les cinq marchés que j'ai mentionnés, nos principaux marchés, ont augmenté de 400 p. 100. Nous traînons très loin derrière. Cela s'explique par beaucoup de facteurs. Je pense qu'il serait utile que le comité étudie non seulement l'expérience de l'Australie mais aussi sa stratégie.

Au milieu des années 1980, l'Australie a formé de nombreuses commissions qui avaient pour tâche l'élaboration d'une stratégie à l'égard de l'Asie. Une stratégie que l'Australie a appliquée durant toute cette période. Le gouvernement australien a publié récemment en coopération avec l'industrie australienne un livre blanc sur ce que sera le XXIe siècle pour l'Asie. On y trouve des recommandations extraordinaires, par exemple offrir à chaque Australien la possibilité d'apprendre une langue asiatique. Ils commencent par l'enseignement, par les langues. Le milieu d'affaires est mis à contribution, ainsi que le milieu universitaire et le gouvernement.

Lorsque je parle d'une approche du Canada tout entier, il ne s'agit pas seulement du gouvernement. Je crois que, sur ce plan, le Canada doit exercer une pression tout terrain comme on dit dans le jargon du basket-ball.

Le Canada n'est évidemment pas l'Australie. Nous sommes à l'abri — peut-être trop à l'abri — dans notre continent nord-américain. On pourrait même dire que nous sommes dans un cocon ces derniers temps. Nous en avons tiré des avantages énormes, mais nous devons bien sûr diversifier nos relations commerciales. L'entente de principe annoncée récemment sur l'AECG, l'accord entre le Canada et l'UE, est importante, mais il est évident que ce sont les pays asiatiques qui connaissent le plus fort taux de croissance.

Donc, effectivement, il faut être présents dans la région, mais nous n'avons pas renforcé celle-ci. Si nous avons ajouté des ressources pour la Chine, nous avons réduit celles pour le Japon. Donc, il s'agit d'avoir des ressources sur le terrain. Il faut aussi suivre très attentivement la situation et nos dirigeants doivent intervenir. Je dois rendre hommage aux ministres Baird et Ed Fast, dont on ne compte plus les déplacements. Le premier ministre s'est rendu à plusieurs reprises en Asie. Donc, les visites de nos dirigeants politiques en Asie se multiplient.

Des représentants des provinces s'y rendent aussi. Depuis qu'elle remplit ses fonctions, la première ministre Christy Clark y est allée au moins trois fois, mais, à mon avis, il manque une stratégie cohérente. Il y a beaucoup d'activités, mais elles ne constituent pas forcément une stratégie. C'est la raison pour laquelle une des recommandations formulées par le groupe de travail proposait la création d'un forum — la création de comités n'étant pas une solution — dans le cadre duquel les gouvernements, fédéral et provinciaux, pourraient discuter avec le secteur privé et avec un grand nombre d'entre nous, dont certains sont des entrepreneurs asiatiques, afin de faire preuve de plus de cohérence dans l'élaboration d'une stratégie à long terme.

La sénatrice Ataullahjan : J'ai trouvé intéressant ce que vous disiez à propos de l'Australie et de sa stratégie parce que l'on constate en voyageant au Moyen-Orient que l'Australie et la Nouvelle-Zélande semblent dominer totalement le marché de la viande importée par les pays du Moyen-Orient. Il est très facile d'offrir de la viande halal. Ceux qui parmi nous ont voyagé dans cette région se sont rendu compte que la viande d'agneau et de bœuf est importée principalement d'Australie et de la Nouvelle-Zélande. C'est un exemple qui mérite d'être pris en compte. S'il y a un marché, nous devrions peut-être faire preuve de plus de créativité et chercher d'autres possibilités d'accès à ce marché.

Le sénateur Housakos : J'ai écouté attentivement vos commentaires, et vous nous avez beaucoup aidés à comprendre la situation ce matin. Je voudrais revenir en particulier sur ce que vous avez dit au sujet de la façon d'élaborer une stratégie de relations commerciales avec les pays de la région de l'Asie-Pacifique. Ce qui m'intéresse particulièrement, c'est de savoir comment nous pourrions favoriser l'expansion du secteur des services qui accuse un retard par rapport aux échanges de produits avec l'Extrême-Orient. Je pense que c'est un secteur qui se développe comme nous avons pu le constater ces dernières décennies au niveau de nos échanges économiques avec les États-Unis et l'Union européenne.

J'ai trouvé fascinante la façon dont vous avez souligné qu'il avait fallu de gros efforts pour surmonter des obstacles tels que la distance, la culture, la langue et la façon dont les Canadiens font des affaires. Il y a évidemment des différences culturelles au niveau des affaires entre le Canada et les pays de la région de l'Asie-Pacifique.

Les provinces et également le gouvernement fédéral et le secteur privé ont effectivement fait des efforts. La question, c'est de savoir comment, selon vous, faire front et quelles sont les responsabilités de chacun pour favoriser la cohérence de ces efforts dans notre stratégie? Je pense que ce n'est pas une mince tâche. Pour jouer un rôle important en Extrême- Orient, nous devons, par exemple, commencer par adapter notre système d'éducation afin qu'il se prête mieux aux habitudes culturelles et linguistiques des pays de l'Asie-Pacifique. Il faut que nos institutions financières se rapprochent davantage de celles de l'Extrême-Orient et qu'elles soient plus ouvertes, contrairement à ce qu'elles sont au Canada.

C'est une question un peu vaste.

Voici ma deuxième question. Il est apparu évident au cours des dernières années, particulièrement en ce qui concerne la Chine, que non seulement l'Extrême-Orient est la région où la main d'œuvre est bon marché et où l'on fabrique des produits pas chers, mais aussi où l'on retrouve de grands investisseurs. Ces dernières années, la Chine a fait des investissements massifs dans le secteur minier canadien et joue un rôle majeur dans l'investissement de capitaux dans le marché américain. J'ai remarqué ces dernières années qu'elle a même beaucoup investi en Union européenne.

Faisons-nous suffisamment d'efforts pour encourager les Chinois à investir au Canada? À part celui des mines, quels sont les secteurs qui peuvent les intéresser? Est-ce que le gouvernement et le secteur financier du Canada font suffisamment d'efforts pour comprendre que la Chine est devenue un grand investisseur dans le monde?

M. Campbell : Je vais vous répondre et je suis sûr que John aura aussi quelque chose à dire à ce sujet.

Le secteur des services est déjà très important et continue de croître. Étant donné l'accroissement rapide de la classe moyenne dans bon nombre de ces pays, principalement celle de la Chine — qui compte à elle seule probablement entre 300 et 400 millions de personnes, un chiffre qui ne cesse d'augmenter —, il y aura une très forte demande de services. Nous avons, bien sûr, des exemples remarquables au Canada. Prenons le secteur des assurances, Manuvie et Sun Life, qui sont de grandes compagnies d'assurances, ont d'importants portefeuilles d'assurance en Asie, des portefeuilles qui se multiplient rapidement.

Dans d'autres secteurs, nos efforts sont plutôt fragmentaires. Par exemple, le cabinet d'avocats Davis auquel je suis associé est le seul au Canada à être présent au Japon, et ce, depuis une quinzaine d'années.

Il y a d'autres cas semblables. John a parlé de son cabinet en Chine, et il y en a un certain nombre dans ce pays-là. Cependant, à bien des égards, on commence à peine à tirer parti des possibilités qui s'offrent en Asie dans certains segments du secteur des services.

Si on revient un moment à la Chine, la montée de la classe moyenne n'est pas le seul élément à prendre en compte. On a tendance à considérer la Chine comme la manufacture de la planète. Ce ne sera bientôt plus le cas. La situation évolue rapidement. Il y a un phénomène de rapatriement des activités de fabrication qui reviennent en Amérique du Nord. Elles peuvent aussi être déplacées ailleurs en Asie. Vous allez donc constater une demande intérieure forte pour les marchandises mais encore plus, à mon avis, pour les services.

Je pense que vous avez vraiment bien cerné les possibilités qui s'offrent. Le plus difficile pour nous, c'est d'arriver à bien coordonner notre démarche et nos efforts en ce sens. Je n'ai pas de solution simple à vous donner.

Il faut d'abord et avant tout que les différentes entreprises qui souhaitent faire des affaires là-bas se montrent plus dynamiques et énergiques. Une chose est certaine partout dans le monde, et assurément en Asie, un seul voyage ne suffit pas. Il faut être persévérant et tenace, et cela peut être particulièrement difficile pour les PME. Comme je l'indiquais, les liens tissés sont importants. En général, il faut établir des relations avant même de commencer à faire des affaires, et il faut plus qu'un ou deux voyages pour y parvenir.

Bien évidemment, le Service des délégués commerciaux du Canada peut offrir de l'aide de toutes les manières possibles, et les entreprises devraient profiter de cet atout.

Par ailleurs, nous allons effectivement voir arriver des investissements considérables en provenance de l'Asie. C'est déjà commencé. Bon nombre de ces pays, y compris la Chine, sont encore des bénéficiaires nets en ce sens que les étrangers y investissent davantage qu'eux-mêmes le font ailleurs dans le monde, mais je pense que ça va changer.

Comme vous le savez, nous avons récemment apporté des modifications à la Loi sur Investissement Canada. La question des sociétés d'État, tout particulièrement en Chine, crée un malaise considérable, mais je crois qu'il faudra bien nous rendre à l'évidence : la plupart des pays asiatiques ont des sociétés d'État. C'est tout particulièrement le cas dans le secteur énergétique, mais on le voit également ailleurs. Notre malaise à cet égard et le climat d'incertitude ambiante ont un effet néfaste sur les investissements, surtout dans le secteur des ressources naturelles. Notre premier ministre a indiqué qu'il souhaitait conserver son pouvoir discrétionnaire en la matière. Comme les investisseurs recherchent pour leur part la certitude, il nous faut en quelque sorte trouver une voie de compromis entre ces intérêts divergents.

Comme il y aura de plus en plus de capitaux pouvant être investis directement non seulement à partir de la Chine — et du Japon comme ce fut toujours le cas — mais aussi de pays comme la Malaisie et l'Indonésie, nous devons nous assurer d'offrir le climat le plus propice possible à ces investissements.

M. Weekes : Je suis d'accord avec ce que Don vient de dire. Je voudrais seulement ajouter quelques précisions, notamment quant à votre observation sur la main-d'œuvre bon marché en Chine. J'estime important de noter que la main-d'œuvre chinoise est en voie de devenir plus dispendieuse, surtout dans les régions côtières.

Nous constatons que de nombreuses activités de production sont rapatriées en Amérique du Nord. Une partie s'en va au Mexique et une partie aux États-Unis. J'ai vu récemment des études intéressantes démontrant que le Mexique est désormais tout à fait à même de soutenir la concurrence chinoise pour différents produits destinés au marché américain. Cette situation est partiellement attribuable aux coûts de transport qui prennent de l'importance en raison des coûts élevés de l'énergie. Il est bien évident qu'il en coûte moins cher pour expédier un produit aux États-Unis à partir du Mexique, plutôt qu'en provenance de la Chine.

Pour ajouter à ce que disait Don, j'estime important de rappeler que les soi-disant matières premières que nous exportons comprennent une large part de services. Ainsi, les produits agricoles que nous expédions à l'étranger sont issus d'une industrie de plus en plus sophistiquée qui a mis au point de nouvelles techniques pour le développement des semences, les organismes génétiquement modifiés, les innovations agricoles et les récoltes. Il y a aussi l'aspect transport qui est à considérer. Tous ces éléments de service occupent une place importante dans notre industrie agricole.

Il en va de même du secteur des métaux et des minéraux, en commençant par le rôle joué par la Bourse de Toronto, par exemple, qui finance bon nombre des investissements secondaires pour la mise en valeur de ces ressources, non seulement au Canada mais partout dans le monde. Peu importe l'endroit, on mise toujours sur l'expertise développée au Canada en restant sans cesse à l'affût des plus récentes techniques disponibles pour l'extraction de ces produits et l'optimisation de leur mise en marché.

Nous ne nous rendons pas service en nous dépeignant encore parfois comme des coupeurs de bois et des porteurs d'eau. Ce sont pourtant des activités sans doute beaucoup plus complexes et perfectionnées qu'il y a 50 ans.

Par ailleurs, des efforts très intéressants ont été déployés par certaines organisations internationales — et le Conference Board du Canada est du nombre — aux fins de l'établissement de statistiques plus pertinentes concernant les échanges commerciaux. Plutôt que de se limiter comme auparavant à un simple cumul des marchandises qui franchissent la frontière, on a commencé à s'intéresser à la valeur qui y est ajoutée dans le pays d'origine. Si l'on applique cette nouvelle approche statistique aux échanges commerciaux du Canada, on constate que les services occupent une place beaucoup plus importante que dans les statistiques commerciales courantes.

Pour bien saisir l'évolution des choses, il faut donc pouvoir compter sur de meilleurs renseignements sur la situation actuelle. Ces renseignements seraient en outre d'un grand secours pour la planification des interventions de notre gouvernement en vue de faciliter le processus et d'intensifier nos exportations et nos partenariats économiques avec d'autres pays.

Le sénateur D. Smith : Je ne peux m'empêcher de vous raconter une histoire qui illustre bien le constat formulé par Don Campbell.

Il fut une époque où j'ai visité à maintes reprises le bureau de notre cabinet d'avocats à Hong Kong. Je me souviens d'un avocat chinois que je rencontrais lors de mes premiers voyages et qui nous a référé un grand nombre de dossiers. Il m'a dit un jour : « En Occident, vous faites des affaires et il arrive que vous deveniez amis. Ici, nous préférons devenir amis d'abord. » J'ai compris à ce moment-là pourquoi nous mangeons si souvent ensemble lors de mes visites là-bas.

Nous étudions encore une fois l'Asie et le groupe ANASE en particulier, alors même que la croissance économique dans cette partie du globe est à peu près inimaginable pour les économies occidentales. Je vais vous donner un exemple.

Pendant quelques années, j'ai siégé au conseil d'administration d'une grande banque indienne. Cette banque ouvre une succursale par jour pour une moyenne de quelque 400 par année. Si une succursale n'est pas rentable au bout de deux ans, elle est fusionnée à une autre institution du voisinage. La proportion des succursales qui génèrent effectivement des bénéfices dans un délai de deux ans dépasse largement les 90 p. 100.

J'aimerais maintenant aborder un autre aspect de la question. Le multiculturalisme s'étend plus rapidement au Canada que dans la plupart des autres démocraties occidentales. Comparativement aux États-Unis, nous accueillons trois fois plus d'immigrants par habitant.

J'habite à Yorkville. En fait, pour utiliser la terminologie du Sénat, disons que c'est ma résidence principale, alors que ma résidence secondaire est ailleurs, mais j'habite bel et bien au cœur de Toronto.

Le multiculturalisme canadien y est on ne peut plus manifeste. Dans quelle mesure croyez-vous que l'expansion de notre multiculturalisme peut contribuer à améliorer notre potentiel? Je pense à l'Asie tout particulièrement, car la Chine et l'Inde sont nos deux principaux bassins pour l'immigration. Ils s'échangent la première place de temps à autre, mais ce sont les chefs de file. Quels secteurs présentent selon vous les meilleures possibilités de croissance? Vous avez déjà parlé des compagnies d'assurance, un exemple tout à fait judicieux que je connais bien. Jusqu'à quel point le tissu multiculturel de notre pays peut nous être utile? Quels secteurs offrent d'après vous le meilleur potentiel de croissance pour les exportations?

M. Campbell : À mon avis, ce multiculturalisme qui nous vient en grande partie de l'Asie, la source la plus importante d'immigrants pour le Canada depuis longtemps, nous procure certes un avantage important à différents égards. Il y a d'abord le fait que les immigrants relativement récents et ceux de première génération parlent habituellement la langue de leur pays d'origine et en comprennent la culture. Ce qui est difficile pour eux à leur arrivée au Canada pour entreprendre une nouvelle vie, c'est de s'adapter à notre culture et à nos façons de faire les choses.

Je constate qu'il y a de plus en plus, et c'est assez manifeste dans une ville comme Vancouver, d'immigrants d'origine asiatique ne faisant pas partie de la catégorie des investisseurs qui font des affaires en Asie, ce qui représente bien sûr un atout d'importance pour notre pays.

Par ailleurs, j'estime que nous ne devrions pas compter uniquement sur cette diaspora. Je pense qu'il nous faut adopter une démarche plus large qui engloberait non seulement les investisseurs, mais l'ensemble de la collectivité.

Bref, je dirais que cela nous place dans une position avantageuse et que nous devrions en tirer parti.

Le sénateur Oh : Vos fonctions respectives vous ont tous deux amenés à passer beaucoup de temps en Asie. Que pensez-vous des efforts déployés par le gouvernement du Canada pour établir des relations avec les pays de l'ANASE à court et à long terme? Est-ce qu'on en fait assez?

M. Campbell : Dans une perspective à court terme, l'ANASE a beaucoup retenu l'attention au cours des dernières années. Cette association est au cœur du débat politique, notamment via son forum régional, et nous participons au processus. Comme vous le savez peut-être, il y a aussi de l'activité du côté du Conseil commercial Canada-ANASE qui a été mis sur pied il y a quelques mois à peine.

Le groupe de travail que je préside a notamment recommandé que l'on envisage la conclusion d'une entente commerciale entre le Canada et l'ANASE. Nous n'en sommes pas là pour l'instant, mais nous devrions y songer sérieusement.

Les négociations commerciales deviennent plus complexes du fait des objectifs de Bogor établis il y a plusieurs années par l'APEC en faveur de la création d'une zone de libre-échange en Asie-Pacifique. Cela ne s'est toutefois jamais concrétisé, en partie dû au fait que l'APEC n'est pas une tribune de négociation, mais davantage un espace de discussion et de concertation.

Ce ne sont pas tous les pays membres de l'ANASE qui participent aux négociations du Partenariat transpacifique. Pour les autres, les pourparlers ont lieu séparément pour l'établissement d'un partenariat économique intégral régional.

Je veux d'abord souligner à nouveau que les pays membres de l'ANASE se considèrent à juste titre comme des fers de lance de la montée du régionalisme en Asie. Il ne faut pas perdre de vue que les grandes économies japonaises, coréennes ou chinoises ne font pas partie de l'ANASE, mais celle-ci a tout de même un rôle primordial à jouer.

Je pense que notre gouvernement aurait tout à gagner à intensifier encore davantage ses liens avec les dirigeants de l'ANASE aussi bien qu'avec les différents pays qui la composent.

Nous avons fait un pas en avant en créant un poste d'ambassadeur pour les affaires de l'ANASE, mais ce poste a été confié à notre ambassadeur en Indonésie. Dans notre rapport, nous faisons valoir que cet ambassadeur ne fait pas nécessairement du mauvais travail, mais serait plus efficace s'il n'avait pas déjà un emploi à temps plein. Il faudrait donc désigner un ambassadeur qui se consacrerait uniquement à l'ANASE, et c'est ce que nous avons recommandé.

Il y a beaucoup d'activité actuellement sur ce front, mais nous devons voir plus loin. Certains de ces pays ont des populations qui pourraient nous donner accès à d'énormes marchés. Le cas de l'Indonésie est tout à fait fascinant. Ce pays parmi les plus peuplés de la planète et disposant de riches ressources sur son immense territoire vient tout juste d'accéder à la démocratie. La Malaisie est un autre pays dont la population est considérable. Le Vietnam est pour sa part très dynamique. Ce sont en quelque sorte les nouveaux tigres de l'économie mondiale qui sont appelés à occuper une place croissante pour ce qui est notamment des échanges commerciaux et des investissements.

M. Weekes : J'ajouterais, sénateur, qu'il est très important pour nous de réfléchir à la manière dont nous établissons nos relations avec tous ces pays. Comme le soulignait tout à l'heure le sénateur Smith, il est primordial pour les Asiatiques de devenir d'abord amis avant de faire des affaires, ce qui n'est pas nécessairement le cas pour nous.

Comme je l'indiquais dans ma déclaration préliminaire, nous vivons actuellement une période de libéralisation des échanges commerciaux. Si nous n'arrivons pas à négocier des ententes avec certains de ces pays avant nos concurrents, ou tout au moins en même temps qu'eux, nous risquons de devoir composer avec une distorsion structurelle à l'encontre des produits canadiens sur ces marchés. Si nous devons payer des droits de douane de 40 p. 100 pour accéder à un marché alors que nos concurrents américains et australiens n'auront rien à débourser, aussi bien y renoncer.

J'estime donc que nous devrions nous assurer en priorité de négocier des ententes commerciales avec ces marchés importants tout au moins aussi rapidement que nos partenaires. À cet égard, je dois souligner que le premier élément du Plan d'action sur les marchés mondiaux récemment mis de l'avant par le gouvernement nous invite à cibler les marchés qui comptent. Selon moi, il convient de poursuivre en priorité l'ambitieux programme de négociation d'ententes commerciales lancé par le gouvernement en ciblant de façon manifeste ces marchés qui sont les plus intéressants pour le Canada.

Il ne faut pas renoncer à nos efforts globaux pour tisser des liens commerciaux, mais j'estime particulièrement urgent de nous entendre avec ces pays qui nous offrent les débouchés les plus intéressants. Si nous n'y parvenons pas, tout le reste sera vain.

Le sénateur Oh : L'édition 2013 du Sommet des PME de l'APEC se tiendra la semaine prochaine à Shenzhen. Il est organisé par le Conseil consultatif des affaires de l'APEC et le Conseil commercial Canada-Chine. Allez-vous y participer tous les deux? Y aura-t-il des représentants canadiens sur place?

M. Campbell : Je n'y serai malheureusement pas et je ne sais pas qui représentera le Canada. Désolé, mais je ne peux pas vous répondre.

M. Weekes : C'est la même chose pour moi. Je ne peux vous être d'aucune utilité.

Le vice-président : Monsieur Robichaud, nous avons presque épuisé le temps à notre disposition. Il faudra donc que les questions et les réponses soient brèves.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Je me trouve toujours à un endroit où je dois poser des questions très courtes.

Comment peut-on établir des liens d'amitié tout en négociant des ententes commerciales? Avez-vous une réponse à cette question?

[Traduction]

M. Weekes : On ne parle pas de la même région, mais j'ai constaté dans mon rôle de négociateur en chef de l'ALENA que cela pouvait se faire simultanément.

La négociation d'une entente commerciale n'est pas vraiment un exercice où l'on se fait des ennemis. Il s'agit simplement de voir comment on peut consolider les relations commerciales et les partenariats d'affaires avec d'autres pays. Comment peut-on créer un climat propice à la coopération entre des entreprises canadiennes et japonaises, par exemple, dans un objectif de rentabilité accrue? De par sa nature même, c'est un exercice qui m'apparaît apte à créer une mentalité de partenariat dans le cadre d'une négociation commerciale.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Monsieur le président, j'aurais une dernière question qui n'est pas relative à des liens d'amitié.

Monsieur Campbell, vous avez vécu longtemps au Japon comme ambassadeur, je crois; pourriez-vous nous dire si le Canada pourrait jouer un rôle afin de contrer l'isolement de la Corée du Nord, qui semble être dormante présentement, mais qui pourrait être dangereuse pour la sécurité de la région?

[Traduction]

M. Campbell : J'aimerais bien qu'il soit aussi dormant que vous le dites. Ce n'est pas une question facile. Nous sommes nombreux à suivre de près la situation dans ce pays depuis un bon moment déjà, et la Corée du Nord nous laisse tous fort perplexes à bien des égards. Lorsque j'étais ambassadeur en Corée du Sud au milieu des années 1980, je n'aurais jamais imaginé que la Corée du Nord puisse encore exister sous sa forme actuelle et sous un tel gouvernement en 2013. Cela vous montre bien à quel point je faisais fausse route, mais c'était aussi le lot de la plupart des autres observateurs.

C'est un dossier qui a été très actif. La Corée du Nord a toujours cherché à obtenir un certain statut et à nouer des liens directs pour des négociations avec les États-Unis. Il y a donc eu les pourparlers du groupe des six interlocuteurs dont le Canada ne faisait pas partie. Si le Canada a pu avoir un certain rôle à jouer et s'il pourrait encore le faire à l'avenir, c'est sans doute via ce qu'on appelle la seconde voie diplomatique, un dialogue informel avec d'autres intervenants au fait de la situation, pas nécessairement en Corée du Nord mais aux alentours, parce qu'un interlocuteur est nécessaire. Je crois que les négociations plus officielles se tiendront principalement entre la Corée du Sud, la Chine, les États-Unis, le Japon et, dans une moindre mesure, peut-être la Russie. Je n'entrevois donc pas dans un avenir prévisible un rôle officiel vraiment utile que le Canada pourrait jouer pour résoudre cet épineux problème.

Le vice-président : Je tiens à remercier nos deux témoins, MM. Campbell et Weekes, d'avoir participé à notre séance en nous faisant bénéficier de leur expertise pour la préparation de notre rapport sur la région Asie-Pacifique et de nos recommandations au gouvernement à cet effet. Ces deux retraités du gouvernement du Canada illustrent fort éloquemment l'excellence et l'expertise que notre fonction publique peut mettre au service du Canada et de ses citoyens, non seulement au pays, mais partout dans le monde. Encore une fois, messieurs, merci de votre participation et merci pour ce que vous avez accompli au bénéfice du Canada pendant toutes ces années.

Nous allons maintenant amorcer la seconde portion de cette séance du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. Nous poursuivons notre étude sur la situation dans la région de l'Asie- Pacifique, les incidences sur la politique, les intérêts du Canada dans cette région, et d'autres questions connexes.

Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui des représentants d'Affaires étrangères, Commerce et Développement Canada qui vont nous entretenir des relations de notre pays avec la Birmanie (Myanmar). Je crois que c'est Mme Susan Gregson, sous-ministre adjointe (Asie) qui va nous faire une déclaration préliminaire au nom du ministère. Je vous invite à nous présenter d'abord les collaborateurs qui vous accompagnent.

Susan Gregson, sous-ministre adjointe (Asie), Affaires étrangères, Commerce et Développement Canada : Merci beaucoup, monsieur le président et honorables sénateurs, de m'avoir invitée à venir vous parler aujourd'hui. Je suis la sous-ministre adjointe pour l'Asie-Pacifique et je suis accompagnée de deux de mes collègues. Je vous présente, à ma droite, Jeff Nankivell, directeur général pour le développement (Asie-Pacifique), et, à ma gauche, Peter MacArthur, directeur général de la Direction de l'Asie du Sud et du Sud-Est et de l'Océanie. J'ajouterais que, dans l'esprit de notre ministère nouvellement fusionné, mes deux collègues se sont rendus en Birmanie pas plus tard qu'en octobre de cette année. Ils pourront donc m'aider à répondre à vos questions.

Les relations du Canada avec la Birmanie ont progressé au cours des deux dernières années, étant donné que ce pays a mis en œuvre une série de réformes qui ont permis d'améliorer la situation en ce qui a trait aux droits de la personne et au développement démocratique, sans oublier l'ouverture de son économie, laquelle était étroitement contrôlée par le gouvernement depuis des décennies. Néanmoins, le Canada demeure préoccupé par la situation en Birmanie à plusieurs égards et continue de surveiller ses politiques pour pouvoir les adapter à l'évolution de la situation.

Permettez-moi d'abord de brosser un bref tableau de la situation en Birmanie, qui a servi à orienter la politique canadienne au cours des dernières années. Je vais débuter par le contexte historique.

De la fin des années 1980 jusqu'au début du XXIe siècle, la situation en matière de droits de la personne et de démocratie était désastreuse. Des mesures violentes de répression étaient utilisées contre les manifestants, des milliers de prisonniers politiques étaient détenus, et les libertés fondamentales, y compris la liberté de presse et la liberté de réunion, étaient grandement limitées. Cette situation a mené le Canada, de même que d'autres pays occidentaux, à imposer à la Birmanie un éventail de sanctions diplomatiques et économiques et diverses autres contraintes.

Je suis toutefois ravie de pouvoir vous dire aujourd'hui que la situation s'est grandement améliorée au cours des trois dernières années. Depuis les élections générales de novembre 2010, le gouvernement birman a pris un virage remarquablement réformiste. Même si ces élections n'ont été ni libres ni justes, elles ont toutefois entraîné le passage à un gouvernement civil au printemps 2011 après des décennies de régime militaire. Les élections partielles tenues le 1er avril 2012 ont donné lieu à l'élection de plusieurs députés de la Ligue nationale pour la démocratie, le parti d'opposition dirigé par Aung San Suu Kyi, y compris sa propre élection. Pour la Birmanie, ce fut une date marquante, lorsqu'on songe qu'Aung San Suu Kyi a été assignée à résidence pendant environ 15 des 20 années précédentes pour ses activités politiques en faveur de la démocratie.

[Français]

Depuis, la Birmanie a démontré certains progrès encourageants, notamment avec la libération de centaines de prisonniers politiques, et s'est engagée à relâcher tous les autres prisonniers politiques d'ici la fin de l'année. Nous avons assisté en outre au démantèlement de la censure des médias, à des réformes économiques, à l'autorisation d'entrer au pays pour les ressortissants étrangers et les expatriés birmans dont les noms figuraient sur les listes noires, et à l'adoption de nouvelles lois pour protéger la liberté d'association et la liberté de réunion. Enfin, des cessez-le-feu ont été signés avec la plupart des groupes armés ethniques et d'autres pourparlers de réconciliation politique sont en cours.

[Traduction]

En réaction à ces développements politiques en Birmanie, le Canada a retiré la plupart de ses sanctions économiques en avril 2012. Cependant, une liste de personnes et d'entités désignées, avec lesquelles les Canadiens et les entreprises canadiennes n'ont pas le droit de communiquer ou de faire affaire demeure en vigueur, ainsi que l'interdiction de vendre à la Birmanie des produits militaires ou des produits connexes.

Le ministre Baird a visité la Birmanie en mars 2012 et le ministre Fast en septembre de la même année. Il s'agissait des premières visites jamais faites par un ministre canadien des Affaires étrangères et par un ministre canadien du Commerce. La ministre birmane des Affaires étrangères, Wunna Maung Lwin, a effectué une visite à Ottawa au début d'octobre 2012 après avoir été invitée par le ministre Baird. Un échange de parlementaires a également eu lieu, au cours duquel un groupe de députés de divers partis politiques canadiens dirigés par le secrétaire parlementaire Obhrai a visité la Birmanie en février 2013. Une visite de réciprocité a eu lieu en avril 2013 avec la venue d'une délégation birmane.

[Français]

En juillet 2012, le ministre Baird a annoncé l'intention du Canada d'ouvrir une ambassade en Birmanie, et le ministre Fast a précisé ultérieurement que son personnel compterait une déléguée commerciale principale.

Le tout premier ambassadeur résident du Canada en Birmanie a donc été nommé en mars 2013 et a présenté ses lettres de créance en août. Ces deux représentants canadiens ont pour l'instant leur bureau dans l'ambassade du Royaume-Uni, en attendant l'ouverture par le gouvernement canadien de sa propre chancellerie dans un proche avenir. Les services consulaires offerts aux Canadiens sont actuellement fournis par l'entremise de la mission australienne à Rangoun, jusqu'à ce que la nouvelle ambassade du Canada en Birmanie soit opérationnelle. Le fait d'avoir une présence canadienne dans le pays a grandement aidé à surveiller l'évolution de la situation sur le terrain.

[Traduction]

En 2014, la Birmanie sera l'hôte des réunions ministérielles et des réunions de dirigeants de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE). Le Canada, qui est un partenaire de longue date du dialogue de l'ANASE, sera présent à certaines de ces réunions. Bien que la situation des droits de la personne demeure une préoccupation majeure et qu'il reste encore beaucoup à faire pour consolider la démocratie et la primauté du droit en Birmanie, les récentes réformes représentent un tournant favorable et positif. Le Canada est disposé à travailler de concert avec tous les partenaires birmans et internationaux pour poursuivre et achever d'autres réformes.

Je vais vous parler brièvement de la situation économique et commerciale.

[Français]

J'ai mentionné que les réformes économiques sont parmi les nombreuses initiatives que le gouvernement birman a entreprises au cours des deux dernières années.

J'aimerais maintenant expliquer plus en détail le climat commercial et économique qui règne en Birmanie et les possibilités qui s'offrent aux entreprises canadiennes de contribuer, d'une manière constructive, à une croissance économique durable dans ce pays.

[Traduction]

La Birmanie possède des ressources abondantes qu'elle ne peut exploiter efficacement en raison d'obstacles tels que les nombreux contrôles gouvernementaux, des politiques économiques inadéquates, la corruption et la pauvreté rurale. Le Canada appuie les efforts que déploie le gouvernement birman en vue d'apporter des réformes et estime que la participation d'entreprises canadiennes à l'économie de la Birmanie peut servir de modèle en matière d'investissement responsable et d'activités commerciales, favorisant ainsi un développement économique mutuellement avantageux et contribuant au bien-être de nos pays respectifs.

Les recherches préliminaires démontrent que les meilleurs débouchés commerciaux pour les entreprises canadiennes se situent dans les secteurs de l'énergie électrique, de l'infrastructure, de l'aérospatiale, des technologies de l'information et des communications, du pétrole et du gaz, et des mines. Il convient cependant de souligner que des difficultés majeures persistent. En effet, malgré les nouvelles promesses faites par le gouvernement d'améliorer l'infrastructure du pays, il faudra des années pour attirer les investissements suffisants pour pouvoir obtenir de véritables améliorations.

Parlons de violence ethnique et intercommunautaire. Nous avons traité de l'amélioration de la situation en Birmanie du point de vue politique, économique et des droits de la personne, mais j'aimerais m'attarder sur une source de préoccupation majeure, soit le sort qui est réservé aux groupes ethniques et aux groupes religieux minoritaires.

[Français]

Le Canada a toujours condamné la violence et les violations des droits de la personne à l'endroit des groupes ethniques ou des minorités religieuses en Birmanie, en appelant toutes les parties à travailler en vue de parvenir à un règlement pacifique des tensions qui sont à l'origine de la violence. Le 26 octobre 2012, le ministre Baird a fait une déclaration dans laquelle il a soulevé les préoccupations du Canada. L'ambassadeur canadien pour la liberté de religion, Andrew Bennett, a également fait une déclaration en mars 2013, pour dénoncer la violence ciblant des minorités musulmanes dans la région centrale de la Birmanie.

[Traduction]

Le ministre Baird a régulièrement soulevé la question des minorités ethniques avec Wunna Maung Lwin, la ministre des Affaires étrangères de la Birmanie. Des responsables canadiens ont pour leur part abordé ce problème avec des représentants du gouvernement de la Birmanie et ils continueront à le faire. Le Canada a alors exhorté le gouvernement de la Birmanie à s'assurer que les forces de sécurité protègent les droits et la sécurité de tous les résidents, et il leur a demandé de faciliter l'accès des organisations humanitaires et d'assurer la prestation d'un soutien là où le besoin se faisait sentir.

Quelques mots maintenant au sujet des programmes. Depuis 1988, dans le cadre des sanctions imposées à la Birmanie, le Canada ne fournit qu'une aide humanitaire à la Birmanie et une aide à long terme aux citoyens birmans des régions frontalières. Avec l'allégement des sanctions, il y a moins de restrictions à la prestation d'une aide bilatérale au développement à long terme du pays, ce qui crée la possibilité d'un engagement accru. Notre ministère examine actuellement la façon dont le Canada peut contribuer le mieux à la croissance économique durable et à la réduction de la pauvreté et appuyer le processus de paix, les droits de la personne et la gouvernance démocratique en Birmanie.

[Français]

Le Canada a déjà commencé à collaborer avec ses partenaires internationaux et birmans afin de promouvoir la liberté, la démocratie, les droits de la personne et la primauté du droit en Birmanie. Plusieurs projets ont d'ailleurs été entrepris en vue de réaliser ces objectifs. Au cours des trois dernières années, le Canada a consacré près de 2,7 millions de dollars à des projets en Birmanie par l'entremise du Fonds pour la paix et la sécurité mondiales.

En bref, ces projets ont permis d'améliorer et de renforcer les médias; de fournir des compétences et les connaissances nécessaires à la société civile, et aux responsables politiques; de mettre en œuvre un programme d'échange de parlementaires; d'accroître les connaissances des acteurs de la scène politique sur la démocratie et le fédéralisme, et de rehausser la capacité des autorités locales birmanes.

[Traduction]

Monsieur le président, nous avons ici de plus amples détails sur l'aide humanitaire offerte, mais comme nous disposons de peu de temps, j'invite les membres du comité à lire notre mémoire et je passe directement à ma conclusion.

En résumé, la situation en Birmanie évolue constamment. Le gouvernement continue de procéder à d'impressionnantes réformes politiques et économiques. Cela dit, il y a encore d'énormes problèmes à surmonter. Le gouvernement du Canada continuera de surveiller de près les développements et d'adapter ses politiques en conséquence.

Mes collègues et moi-même nous ferons un plaisir de répondre à toutes vos questions sur la situation en Birmanie et la politique du Canada à l'égard de ce pays.

Le vice-président : Merci pour cet exposé très détaillé et fort intéressant.

J'aurais une question à vous poser avant de laisser la parole aux sénateurs. Qu'en est-il du nom de ce pays? J'ai noté que vous parliez sans cesse de Birmanie. Comment les Birmans désignent-ils leur pays dans leurs relations avec le Canada?

Mme Gregson : Le Canada n'a pas accepté la décision de la junte militaire qui a changé le nom du pays pour l'appeler le Myanmar. Nous continuons à utiliser l'appellation « Birmanie » pour parler de ce pays.

Le vice-président : Est-ce que les représentants birmans avec lesquels vous traitez protestent ou est-ce qu'ils acceptent votre choix?

Mme Gregson : Je n'ai jamais entendu de protestations au sujet du nom du pays. Je ne sais pas si Peter souhaiterait ajouter quelque chose.

Peter MacArthur, directeur général de la Direction de l'Asie du Sud et du Sud-Est et de l'Océanie, Affaires étrangères, Commerce et Développement Canada : Monsieur le président, le nouvel ambassadeur de la Birmanie au Canada nous a demandé de revoir notre décision et d'adopter l'appellation choisie par son pays, mais comme l'indiquait Mme Gregson, nous ne sommes pas le seul pays à nous en tenir à cette position en attendant une évolution de la situation en Birmanie.

Le vice-président : Vous parlez des autres pays. Pourriez-vous nous indiquer par exemple si les Australiens font comme nous?

M. MacArthur : Les États-Unis ont la même politique que nous, sauf que le président Obama a utilisé les deux appellations lors de sa visite : 80 p. 100 pour Birmanie; 20 p. 100 pour Myanmar. Comme bien d'autres pays, les Australiens passent d'une appellation à l'autre sans que l'on puisse vraiment déterminer leurs intentions à cet égard.

Le vice-président : Nous ne passons pas d'une appellation à l'autre?

Mme Gregson : Non, nous nous en tenons à « Birmanie ».

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : Soyez tous les bienvenus devant notre comité. Il est toujours intéressant de recevoir des gens du ministère des Affaires étrangères qui sont aptes à nous donner des renseignements très précis.

Vous avez mentionné qu'il y a deux personnes qui sont dans une ambassade, je crois, celle de l'Australie, où l'ambassadeur canadien réside actuellement. Est-ce qu'il est prévu d'avoir une ambassade canadienne bientôt ou ces deux personnes vont rester où elles sont actuellement? Aussi, y a-t-il d'autres employés birmans qui travaillent à l'ambassade canadienne?

Mme Gregson : Nos deux collègues travaillent actuellement à l'ambassade du Royaume-Uni.

La sénatrice Fortin-Duplessis : C'est le Royaume-Uni?

Mme Gregson : Oui, ce sont les Australiens qui livrent les services consulaires pour nous présentement jusqu'à ce que notre ambassade soit ouverte. On s'attend à ouvrir notre propre ambassade d'ici peu.

La sénatrice Fortin-Duplessis : La Birmanie est présentement dans une période de grands changements qui, nous l'espérons tous, apportera d'importants bénéfices à la population, que ce soit pour les droits humains ou pour l'amélioration significative de la qualité de vie de ses citoyens.

Est-ce que le Canada a des attentes envers la Birmanie en termes de développement économique, de lutte contre la corruption et de respect des droits humains afin de poursuivre notre rapprochement?

[Traduction]

Mme Gregson : Nous n'avons pas de balises précises que nous cherchons à atteindre, mais nous continuons de surveiller la situation et de préconiser le respect des droits de la personne et la démocratie progressiste en Birmanie toutes les fois que l'occasion se présente, que ce soit auprès des fonctionnaires ou des ministres.

La sénatrice Ataullahjan : En juin dernier, j'ai prononcé une allocution au Sénat concernant les graves violations des droits de la personne dont sont victimes les minorités religieuses, et tout particulièrement les Rohingyas, un peuple musulman vivant le long de la frontière occidentale de la Birmanie. Selon les Nations Unies, ce serait l'une des minorités les plus persécutées au monde. Le ministre Baird n'a pas mâché ses mots concernant la situation en Birmanie en insistant surtout sur le fait que ce pays devait se donner les fondements démocratiques nécessaires.

Le Canada a effectivement levé ses sanctions en avril 2012 en précisant toutefois qu'elles seraient rétablies si les réformes démocratiques ne se concrétisent pas. Les élections de 2015 nous serviront d'indicateur à cette fin. Estimez- vous que l'on progresse dans l'application de ces réformes et que pensez-vous du climat qui règne actuellement? Tout indique que le gouvernement n'a pas les pouvoirs nécessaires ou la volonté requise pour faire quoi que ce soit afin de contrer la violence dont sont victimes les Rohingyas. Nous avons vu ces images où des représentants des forces de l'ordre demeurent immobiles pendant que ces musulmans sont battus, voire immolés.

Mme Gregson : Merci pour votre question. Le Canada est très préoccupé par la violence ethnique qui sévit en Birmanie, et particulièrement à l'encontre des Rohingyas. Nous savons que la violence a éclaté dans l'État d'Arakan dans l'ouest du pays et qu'il y a conflit latent entre les citoyens de cet état et les Rohingyas, des résidents apatrides. Comme vous le savez sans doute, ils sont presque tous de confession musulmane.

Nous n'avons de cesse de condamner les luttes ethniques et sectaires qui ont mené au déplacement de dizaines de milliers de personnes de cet état. C'est donc assurément une situation très préoccupante pour nous. Nous avons exhorté toutes les parties en cause à collaborer pour trouver une solution pacifique aux tensions qui règnent actuellement. Nous faisons valoir que la paix et la prospérité à long terme doivent passer par un dialogue entre toutes les parties concernées.

Vous vous êtes informé également des progrès politiques. Nous espérons voir des changements constitutionnels. Il faudrait que cela se fasse avant les prochaines élections. Une équipe de révision constitutionnelle a d'ailleurs été mise sur pied en août dernier. Elle doit présenter son rapport au Parlement à la fin de janvier 2014, ce qui nous permettra d'y voir plus clair.

La Ligue nationale pour la démocratie, le parti d'Aung San Suu Kyi, revendique un amendement qui lui permettrait de se porter candidate à la présidence. D'autres groupes réclament eux aussi des changements. Nous allons continuer de suivre de près l'évolution des choses.

Comme vous le savez probablement, la Constitution, telle qu'elle est écrite actuellement, empêche Aung San Suu Kyi de se présenter à la présidence, et si ces modifications ne sont pas apportées, elle ne pourra pas se porter candidate.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Vous avez parlé de corruption, et aussi de pauvreté dans les régions rurales. On a également parlé de l'aide qui a été envoyée dans ce pays pour réduire cette pauvreté. Souvent, lorsqu'il y a corruption, les gens qui ont besoin d'aide sont les derniers à la recevoir. Est-ce qu'on a fait un suivi pour savoir si l'aide prévue pour ces gens s'est bien rendue là où elle devait se rendre?

[Traduction]

Mme Gregson : Vous posez une question très importante, sur un sujet qui nous inquiète profondément. Nous avons besoin de principes transparents et de l'absence de corruption pour pouvoir nous lancer dans des activités commerciales. Nous estimons que les risques sont très élevés. Plus tôt cette semaine, la Birmanie a été classée au 157e rang sur 177 pays par Transparency International. Cela dit, c'est une énorme amélioration pour ce pays, puisqu'il figurait au 172e rang sur 177 l'an dernier.

La principale stratégie que les donateurs utilisent, c'est de ne pas passer par les canaux du gouvernement. À la place, nous utilisons des programmes de l'ONU. Le DFID, l'agence d'aide humanitaire britannique, octroie 60 p. 100 de ses fonds dans le cadre de programmes d'organismes de l'ONU et 40 p. 100 par des organismes non gouvernementaux internationaux et locaux. Je ne sais pas si Jeff veut ajouter quelque chose.

Jeff Nankivell, directeur général pour le développement (Asie-Pacifique), Affaires étrangères, Commerce et Développement Canada : La contribution du Canada jusqu'à maintenant a principalement pris la forme d'aide humanitaire afin de répondre aux besoins de secours immédiat des populations touchées, notamment dans l'État du Rakhine, auprès des populations rohingyas déplacées. Ces fonds passent par des organismes comme le Programme alimentaire mondial, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et diverses ONG internationales, comme le Comité international de la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge. Nous faisons confiance aux mécanismes de ces organisations pour que l'aide parvienne aux bénéficiaires visés. Pour cela, nous travaillons en collaboration avec d'autres donateurs dont les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie, les pays nordiques et l'Union européenne.

Le sénateur D. Smith : La Birmanie est un pays incroyablement impressionnant, surtout en raison de son peuple et de sa géographie. Il est assez triste d'obtenir un tel classement de Transparency International. Ce n'est pas la Corée du Nord, mais par contre, elle n'est pas non plus comme Yulia, en Ukraine, qui est toujours en prison.

Je ne devrais peut-être pas vous poser cette question. S'il y avait une élection libre et de bonne foi dans ce pays et qu'elle pouvait se présenter, y a-t-il aucun doute que la LND l'emporterait? Voulez-vous nous faire part de vos réflexions à ce sujet ou préférez-vous les garder pour vous?

Mme Gregson : Je suppose que comme pour n'importe quelle élection, il serait assez téméraire d'essayer d'en prédire l'issue.

Le sénateur D. Smith : Permettez-moi de vous poser cette question, alors : l'appui qu'elle reçoit parmi les gens ordinaires est-il aussi répandu qu'on le croit?

Mme Gregson : Mes collègues qui ont passé du temps sur le terrain récemment vous diraient que oui, elle reçoit énormément d'appui de la population ordinaire.

Le sénateur D. Smith : J'ai rencontré quelques personnes de la Birmanie. Je m'y suis rendu assez souvent, et je souhaite que les choses se passent bien pour la population, parce que les gens que j'y ai rencontrés sont très gentils. J'espère simplement qu'ils vont réussir à franchir la frontière démocratique un moment donné dans leur vie, le plus tôt possible.

Mme Gregson : Nous aimerions que la situation évolue de manière à créer un climat d'affaires favorable aux entreprises canadiennes qui souhaiteraient s'y engager, pour que la situation économique des citoyens birmans s'améliore.

Le sénateur D. Smith : J'ai siégé à un comité de la Banque mondiale un certain temps, où j'étais le seul Canadien. Une quinzaine de mes collègues et moi avions été invités à nous rendre dans un pays qu'on appelait alors le Mozambique. On voulait nous montrer trois grands projets qui recevaient beaucoup de financement : un immense barrage, un port et un réseau ferroviaire. Ils croyaient honnêtement que ces projets étaient dotés d'une structure réduisant au strict minimum qu'on puisse espérer le degré de corruption des représentants du gouvernement ou des politiciens. Quelle serait la gravité du problème en Birmanie, selon vous? Puis-je vous poser la question?

Mme Gregson : Eh bien, je pense que le classement de Transparency International que nous venons de citer parle de lui-même.

Le sénateur D. Smith : Il était très intéressant de voir comment ces immenses projets avaient été structurés et pourquoi la Banque mondiale les avait ciblés. Si l'on veut faire des affaires dans des pays où la situation est très mauvaise, il y a toujours des façons de réduire la corruption au minimum — pas de l'éliminer, mais de la réduire. Nous verrons avec le temps si c'est bel et bien le cas.

Le vice-président : Dans votre exposé, vous avez parlé d'une liste de personnes et d'entités avec qui les Canadiens ne devraient pas faire affaire. Cette liste est-elle publique?

Mme Gregson : Je crois que oui, monsieur le président, mais je vais vérifier et vous le confirmer.

Le vice-président : Savez-vous combien de personnes figurent à cette liste?

Mme Gregson : Il n'y en a pas énormément. Ce n'est pas une liste très longue.

Le vice-président : Si une entreprise ou une personne veut faire des affaires en Birmanie, elle reçoit cette information à l'avance, afin de savoir quelles personnes ou quelles entreprises éviter.

M. MacArthur : Il est de notre devoir, à l'ambassade de Rangoun, de veiller à ce que les gens d'affaires canadiens sachent bien avec qui ils ne devraient pas faire affaire, dont certaines banques birmanes qui figurent à la liste. Cela les aide à réduire leurs risques.

Le vice-président : Pourquoi y a-t-il des banques qui figurent à cette liste?

M. MacArthur : Certaines banques ont des liens avec l'armée et le financement d'autres activités connexes que nous ne voudrions pas appuyer par l'engagement de nos entreprises.

Le vice-président : Quelles sont les sanctions qui s'appliquent si les Canadiens enfreignent ces restrictions?

Mme Gregson : Il n'y a pas de sanctions particulières qui s'appliquent, monsieur le président.

Le vice-président : Il s'agit davantage d'une recommandation que d'une restriction.

Mme Gregson : C'est la raison pour laquelle il y a une déléguée commerciale affectée à nos bureaux là-bas. Elle est sur le terrain et peut suivre la situation de près. Nous avons des délégués commerciaux un peu partout dans le monde, qui peuvent nous guider et nous faire des recommandations sur les occasions à saisir et les écueils à éviter lorsque nous voulons faire des affaires dans le pays hôte.

Le sénateur Oh : La Birmanie a été choisie pour présider la conférence de l'ANASE l'an prochain. Cela signifie que les pays voisins veulent appuyer la Birmanie en matière de commerce et d'économie.

Mme Gregson : C'est la façon dont nous l'interprétons nous aussi. Lors des dernières conversations que j'ai eues avec les chefs de mission de l'ANASE, on m'a dit que la situation s'améliorait vraiment. Les pays de l'ANASE essaient de s'entraider et d'aider la Birmanie à évoluer.

Le sénateur Oh : Avons-nous commencé à accepter des immigrants de la Birmanie depuis que nous avons établi une pleine relation diplomatique avec ce pays?

Mme Gregson : Nous n'avons pas de programme d'immigration en Birmanie, les demandes seraient donc traitées par notre bureau en Thaïlande. Nous avions un programme de réfugiés pour les ressortissants birmans qui avaient fui le pays et se trouvaient dans des camps le long de la frontière entre la Thaïlande et la Birmanie.

Pour ce qui est d'un programme d'immigration ordinaire, il faudrait que je demande à mes collègues d'Immigration Canada de me donner des statistiques. Je n'en ai pas avec moi aujourd'hui. Je serais portée à croire que les cas actuels se résument essentiellement à la réunification des familles.

Le vice-président : Vous avez indiqué dans votre exposé les occasions que vous voyez pour le Canada, notamment en matière d'infrastructure et d'aérospatiale. Qui est notre plus grand concurrent? La Chine est là depuis longtemps, mais plus le pays s'ouvre, plus tout le monde se dépêche d'en profiter. Quelles sont les chances réalistes pour le Canada de se démarquer et qui sont nos plus grands rivaux?

Mme Gregson : Je crois que vous avez à juste titre nommé la Chine, qui s'est intéressée très tôt à ce pays. Je crois que l'Australie s'est également bien positionnée pour s'y tailler une place.

Pour ce qui est des conseils que je donnerai aux entreprises canadiennes qui souhaitent tirer avantage de la situation, lorsqu'un pays comme la Birmanie commence à ouvrir ses portes aux entreprises étrangères, c'est un excellent moment de s'engager. Il faut toutefois faire très attention dans les conseils que nous prodiguons, parce qu'il y a des écueils à éviter, comme je l'ai déjà mentionné.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : Madame, vous avez mentionné le danger que pourraient avoir les compagnies canadiennes si elles faisaient affaires avec les banques en Birmanie. Y a-t-il au moins une banque canadienne en Birmanie? Lors de nos études et visites précédentes dans d'autres pays, il y avait toujours une banque canadienne.

Mme Gregson : Non, on n'a pas encore de banque canadienne en Birmanie.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Savez-vous si d'autres pays comme l'Australie ou le Royaume-Uni ont des banques en Birmanie? Les entrepreneurs ou les industries canadiennes ont besoin de services bancaires.

M. MacArthur : Oui, il existe déjà des banques étrangères, des banques britanniques et australiennes sur place qui sont là pour servir les intérêts des compagnies étrangères et des compagnies canadiennes.

La sénatrice Fortin-Duplessis : C'est donc plus sécuritaire d'aller dans ces banques?

M. MacArthur : En effet.

Le sénateur Robichaud : Dans votre présentation écrite, vous mentionnez qu'il y a des occasions d'affaires pour des compagnies canadiennes dans différents secteurs de l'économie. Les compagnies canadiennes sont-elles présentes et, si oui, dans quels secteurs?

M. MacArthur : Il existe des intérêts dans les secteurs agricoles, des intérêts pour la potasse par exemple, pour fins agricoles. Il y a aussi des avions fabriqués au Canada. C'est un pays assez grand. Ils ont besoin d'avions plus modernes pour desservir les villes et les villages de ce pays. Les compagnies canadiennes en aérospatial sont déjà intéressées et engagées avec des clients potentiels et ce sont de bonnes nouvelles.

Il en est de même pour le secteur de l'énergie. Des compagnies sont présentes et sont actives pour des projets potentiels, y compris outre-mer, « offshore », pour le gaz et le pétrole. On a déjà des compagnies comme Husky ou Talisman qui sont déjà présentes dans la région et qui s'intéressent à la Birmanie.

[Traduction]

Le vice-président : Je vais poser la dernière question. Nous savons tous que la situation s'est améliorée en Birmanie, mais il n'en demeure pas moins qu'une dictature militaire y règne et qu'elle exerce un contrôle serré sur les partis politiques et les personnes. Pourquoi les entreprises canadiennes feraient-elles des affaires là-bas alors qu'il y a tellement d'autres possibilités dans la région? On pourrait choisir le Vietnam ou plein d'autres pays. Que répondrait le ministère à cette question?

Mme Gregson : Je vais commencer, puis céder la parole à mon collègue.

Vous avez tout à fait raison de dire qu'il y a beaucoup de difficultés en Birmanie. Cependant, nous avons bon espoir que la situation peut changer. Comme je l'ai déjà dit, le classement de Transparency International s'est déjà amélioré depuis l'année dernière, si bien que nous pouvons espérer qu'il changera encore.

En outre, nous avons un engagement avec le gouvernement de la Birmanie que nous n'avions pas auparavant. J'ai mentionné les visites des ministres Baird et Fast en Birmanie, de même que la visite au Canada du ministre des Affaires étrangères de la Birmanie. Elles s'ajoutent aux échanges dont j'ai également fait mention entre les parlementaires; il y a donc un dialogue qui se noue et une volonté d'écoute que nous ne voyions pas avant.

M. MacArthur : J'aimerais vous répondre que c'est un très grand pays riche en minéraux et très fort dans le secteur du pétrole et du gaz, mais qui a également un certain potentiel démographique, comme bien d'autres pays émergents. C'est un pays très jeune, qui a été isolé pendant longtemps, et il faut être patient pour développer ce marché. Par exemple, en octobre dernier, la Banque mondiale a classé la Birmanie au 182e rang sur 189 pour y faire des affaires.

L'une des raisons pour lesquelles nous avons des délégués commerciaux en Birmanie, c'est pour aider les entreprises à s'y retrouver dans ce marché très complexe, opaque, mais de plus en plus intéressant, afin de nous donner l'avantage du premier arrivé sur les Américains, les Australiens et nos autres concurrents dans le domaine de l'extraction, une très grande priorité pour le Canada pour ce qui est des mines, du pétrole et du gaz, notamment dans les technologies appliquées qui pourraient aider ce pays à se développer. Nous avons donc des services à offrir dans le domaine des géosciences, par exemple, pour l'exploration côtière et extracôtière pétrolière et gazière. Nous voulons donc nous assurer de mettre un pied dans le grand marché des pays de l'ANASE, où nous sommes concurrentiels.

Le Canada se démarque aussi à l'étranger par la responsabilité sociale de ses entreprises, et c'est un très bon moment non seulement de faire la preuve de la responsabilité sociale de nos entreprises, mais d'inviter nos délégués commerciaux à unir leurs forces à celles de nos collègues des Affaires étrangères et des programmes de développement, encore une fois dans l'esprit du nouveau ministère fusionné de stimuler le succès des entreprises intéressées par ces débouchés.

Bien honnêtement, il y a beaucoup de gens qui attendent un peu de voir comment les choses vont évoluer d'ici l'élection de 2015. L'attitude générale consiste à attendre de voir ce qui va se passer. Il y a des voyages de reconnaissance, les entreprises cherchent à sonder le marché, mais les domaines dans lesquels nous nous approchons le plus d'engagements concrets et de ventes sont ceux du pétrole, du gaz et de l'aérospatiale.

Le vice-président : Je peux comprendre le rôle que joue le gouvernement au chapitre de l'investissement. Vous essayez de faire avancer le pays vers ce que nous et la population locale considérerions être la bonne direction, mais je peux comprendre l'hésitation des PDG d'entreprises.

Nous n'en sommes qu'au tout début, mais à bien des égards, cette hésitation pourrait nous faire perdre du terrain au profit d'autres acteurs prêts à courir un risque plus grand. Le gouvernement ne peut rien y faire. Il revient aux dirigeants de chaque entreprise de prendre leurs propres décisions.

Mme Gregson : Tout à fait.

Le vice-président : Je vous remercie infiniment de votre exposé et de vos réponses à nos questions d'aujourd'hui. Nous vous en sommes très reconnaissants dans nos travaux en vue de la rédaction d'un rapport.

(La séance est levée.)


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