Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international
Fascicule 7 - Témoignages du 5 mars 2014
OTTAWA, le mercredi 5 mars 2014
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 16 h 45, pour étudier les conditions de sécurité et les faits nouveaux en matière d'économie dans la région de l'Asie- Pacifique, leurs incidences sur la politique et les intérêts du Canada dans la région, et d'autres questions connexes.
Le sénateur Percy E. Downe (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Chers collègues, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international poursuit aujourd'hui son étude sur les conditions de sécurité et les faits nouveaux en matière d'économie dans la région de l'Asie-Pacifique, leurs incidences sur la politique et les intérêts du Canada dans la région, et d'autres questions connexes.
Nous accueillons deux témoins par vidéoconférence : le professeur Manuel Litalien et M. Lionel LaBelle, qui est président et premier dirigeant du Saskatchewan Trade and Export Partnership.
Monsieur Litalien, auriez-vous l'obligeance de commencer avec un court exposé? Ce sera ensuite au tour de M. LaBelle. Les sénateurs ont normalement des questions après les déclarations.
Manuel Litalien, professeur adjoint, Département de développement social, Université Nipissing, à titre personnel : Merci beaucoup de m'avoir invité. Je suis heureux de comparaître devant vous et d'avoir l'occasion de vous présenter des observations et des réflexions sur l'économie et la sécurité en Asie du Sud-Est. J'aimerais préciser qu'étudier cette région est un défi en soi, peu importe le sujet abordé. Il faut faire preuve de modestie, et je n'en manquerai pas dans le cadre de cette étude complexe.
J'aimerais d'abord souligner que je m'adresse à vous à titre personnel en tant que professeur adjoint de l'Université Nipissing à North Bay. Je vais prononcer ma déclaration en anglais, mais je suis disposé à faire de mon mieux pour répondre à vos questions dans les deux langues officielles.
Je vais commencer mon exposé avec un survol des conditions de sécurité et du développement économique dans la région de l'Asie-Pacifique. Votre comité veut des réponses précises, mais il s'agit de questions délicates qui portent sur de graves enjeux concernant la distribution de la richesse, les inégalités sociales, l'incidence des politiques sociales, le rôle de l'armée, le respect des droits de la personne, le système de justice et la primauté du droit, les mécanismes de gouvernance, le processus de démocratisation, la transparence ainsi que le degré de liberté économique et de développement. La liste n'est pas exhaustive.
La sécurité et le développement économique peuvent être liés à diverses questions ayant toutes fait l'objet de nombreuses études. Certaines portent sur le facteur démographique en général, tandis que d'autres mettent l'accent sur la menace militaire externe, les tensions économiques régionales, l'accès aux ressources nationales, la souveraineté territoriale et ainsi de suite. Une fois de plus, la liste est assez longue. Dans une certaine mesure, toutes ces questions ont de l'importance en Asie du Sud-Est, mais je vais surtout miser sur les facteurs démographiques pour tenter d'expliquer la situation en matière de sécurité et de développement économique dans la région.
Je tiens à souligner que les classes sociales et l'origine ethnique sont des éléments déterminants qui façonnent la structure et les politiques des États de l'Asie du Sud-Est en plus d'avoir une incidence sur le développement économique de la région. Tout cela en dépit du fait qu'on dit très souvent qu'il s'agit d'une des régions les plus centrées sur l'État au monde. Bref, la diversité joue un rôle important en Asie du Sud-Est.
Dans le cadre de mon exposé, je vais examiner des données de la Banque mondiale, de l'APEC, de l'ANASE et de la Banque asiatique de développement. La Banque mondiale ne parle pas d'Asie du Sud-Est, mais plutôt de la région Asie orientale et Pacifique. Selon elle, cette région s'est développée en tant qu'économie à un rythme de 7,5 p. 100, ce qui aurait représenté 40 p. 100 de la croissance mondiale en 2012. Le nombre de personnes pauvres, qui vivent avec 1,25 $ par jour, a diminué, mais je tiens à mentionner que l'inégalité des revenus s'est accentuée, ce qui laisse supposer une éventuelle instabilité politique et sociale attribuable à la polarisation de plus en plus marquée de la société.
De plus, la région Asie orientale et Pacifique occupe le deuxième rang pour ce qui est du nombre d'États fragiles et touchés par des conflits. La Banque mondiale affirme que c'est aussi la région la plus souvent frappée par des catastrophes avec 61 p. 100 des pertes mondiales subies au cours des 20 dernières années. Il est donc probable que les questions d'économie et de sécurité joueront un rôle de premier plan et soulèveront des préoccupations chez les autorités politiques. Dans ce contexte, le Canada devra adapter et évaluer ses politiques et ses relations en conséquence pour pouvoir jouer un rôle crucial et tirer avantage de son engagement en Asie du Sud-Est.
Pour mieux comprendre la région et ses réalités économiques, il faut tenir compte d'une de ses importantes caractéristiques : plus de 50 p. 100 de la population vit dans les villes. Par conséquent, la stabilité de la région dépendra non seulement de l'agriculture et de la gestion convenable des terres dans les zones rurales, mais aussi d'une planification urbaine adéquate. Si l'on tient compte du fait que plus de 40 p. 100 du PIB en Thaïlande est généré par Bangkok, il y a lieu de se poser des questions sur la capacité du gouvernement de ce pays sud-asiatique à redistribuer les revenus et à améliorer l'accès au marché du travail.
J'aimerais préciser que l'Asie du Sud-Est est un sujet de discussion difficile à bien des égards, notamment pour ce qui est de la diversité, du dynamisme politique et de la vitalité économique, dont parlera également M. LaBelle dans son exposé. En gros, l'Asie du Sud-Est est une région hétérogène qui est parfois considérée comme étant désunie, malgré la création de la communauté de l'ANASE qui doit avoir lieu en 2015. Je vais en parler tout à l'heure. L'Asie du Sud-Est est également difficile à délimiter. Par exemple, dans des interventions antérieures, on a parlé de l'Indonésie ou de Singapour comme s'ils en faisaient partie, ce qui est un peu controversé.
Lorsque l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est, l'ANASE, a été créée en 1967, c'était surtout pour coopérer dans des domaines comme le contrôle démographique, justement à cause de la diversité de la région, mais aussi pour prévenir la toxicomanie. De plus, l'ANASE voulait promouvoir la recherche scientifique. Les politiques ont évolué, mais les prédictions sont inutiles dans une région habitée par plus de 600 millions de personnes. La population a doublé depuis 1972, surtout en raison de la baisse du taux de mortalité, ce qui nous amène à une nouvelle source de préoccupation : la diminution des taux de fécondité. Les Philippines ne sont peut-être pas concernées, car on y a enregistré une hausse, mais en général, la population est vieillissante dans certains pays d'Asie du Sud-Est. Les pays à grande densité démographique sont les Philippines, le Vietnam et l'Indonésie, dans lesquels des politiques migratoires ont été adoptées pour des raisons de sécurité.
La région se caractérise également par l'absence de guerre importante entre États et le fait qu'on ne s'attend pas à ce qu'il y en ait dans un avenir rapproché. Au cours des dernières décennies, on a misé sur la création d'un regroupement économique pour faire concurrence à d'autres entités économiques internationales telles que l'Union européenne. La création imminente par l'ANASE en 2015 d'une communauté axée sur la politique, l'économie et la sécurité est un bon exemple d'initiative économique en cours. À mon avis, la légitimité des gouvernements en Asie du Sud-Est est normalement liée au développement économique, à quelques exceptions près, comme le Myanmar ou la Birmanie. Je vais surtout employer le terme Myanmar dans mon exposé. Ce n'est qu'une préférence personnelle qui n'a rien à voir avec la politique.
Dans la région, l'inégalité des revenus s'est accentuée, et on a donc remis en question et contesté le processus de démocratisation. En Asie de l'Est, une région plus vaste que celle de l'Asie orientale et du Pacifique, ils sont 660 millions parmi une population d'environ 2 milliards à ne pas avoir accès à des services d'hygiène. C'est la preuve que la richesse n'est pas répartie de manière équitable. La situation sanitaire nous indique qu'il est essentiel que les gouvernements s'attaquent aux problèmes de développement social s'ils veulent préserver leur caractère légitime et assurer la stabilité de la région.
On peut définir l'Asie du Sud-Est comme une région qui ne cesse de changer sur le plan économique, social et politique. Par exemple, personne n'aurait pu prédire la consolidation soutenue de la démocratie indonésienne depuis 1999, ni l'instabilité politique qui sévit en Thaïlande depuis 2006. Qui aurait pu voir venir les récentes réformes politiques au Myanmar et la libération d'Aung San Suu Kyi en 2010 après 15 ans de détention à domicile, ou le fait que ce pays assumera la présidence tournante de l'ANASE en 2014 pour la première fois depuis qu'il est devenu membre il y a 17 ans? Malgré ces changements et les crises subies par l'économie mondiale, le développement économique a été plutôt stable.
La diversité et les caractéristiques géographiques sont un autre thème que je vais aborder. L'emplacement géographique de la région et l'accès à ses abondantes richesses naturelles par les terres et la mer représentent une autre facette de son profil économique. Par exemple, l'archipel indonésien est formé d'environ 17 000 îles, parmi lesquelles 6 000 sont habitées. C'est une des nations les plus diversifiées au monde sur le plan culturel. On trouve également dans le pays la plupart des volcans actifs de la planète. Qu'elles aient lieu en 2010 ou en 2014, les éruptions ont des répercussions économiques à l'échelle locale ou régionale. Les caractéristiques géographiques de l'archipel contrastent avec celles du Myanmar, qui se trouve entre le Bangladesh, l'Inde, la Chine, le Laos et la Thaïlande. La diversité géographique du Myanmar n'a rien à voir avec celle de l'Indonésie, mais les deux pays ont des difficultés qui leur sont propres.
Là où je veux en venir, c'est qu'il est impossible d'adopter dans la région une approche stratégique universelle de collaboration économique étant donné que les pays diffèrent grandement sur le plan politique et géographique. La diversité géographique se traduit également par des besoins et des produits économiques particuliers. Lorsque le Canada investit dans la région, il doit se rappeler que les inondations, les grandes sécheresses, les tsunamis, les tremblements de terre, les éruptions volcaniques, les feux de forêt et les typhons sont possibles. Une fois de plus, nous n'avons qu'à penser aux Philippines et aux répercussions dévastatrices du typhon Haiyan en 2013, qui a tué 6 000 personnes et créé une crise humanitaire qui se poursuit encore. Si je ne m'abuse, le Canada a fourni une aide financière de 40 millions de dollars.
Nous pouvons également penser à l'importante inondation qui a frappé la Birmanie en 2013, ou à celle qui a eu une incidence sur l'économie thaïlandaise en 2011 et qui a coûté au pays plus de 45 milliards de dollars américains en dégâts. Jusqu'à trois mètres d'eau ont recouvert les installations de l'industrie manufacturière thaïlandaise et sept grands domaines industriels. Cette catastrophe a eu des répercussions non seulement en Thaïlande, mais aussi au Canada et aux États-Unis étant donné que Toyota et Honda avaient des usines de fabrications de pièces dans les zones touchées.
Il y a beaucoup d'enjeux environnementaux : la déforestation, la pollution de l'eau causée par les déchets industriels, la gestion des eaux usées, la pollution de l'air dans les régions urbaines, la fumée des feux de forêt et ainsi de suite. Comme vous le savez, il est important de tenir compte de la déforestation, car elle est directement liée aux inondations. En 2010, 53 p. 100 des terres étaient recouverts de forêts, ce qui représente une diminution de 5 p. 100 par rapport à 1990.
Malgré la diminution globale de la superficie boisée, certains pays de la région ont commencé à afficher une tendance à la hausse selon des documents publiés par l'ANASE. Par exemple, les Philippines ont la plus petite proportion de zones boisées. Viennent ensuite la Thaïlande et le Vietnam, qui ont récemment accompli certains progrès et renversé la vapeur, particulièrement au cours des 10 dernières années.
Tenter de définir l'Asie du Sud-Est peut rendre plutôt perplexe, car la diversité de la région se manifeste sur le plan économique, social et politique. Les nombreux groupes ethniques qu'elle abrite constituent l'autre aspect de sa diversité, et les effets de l'État moderne et de son développement économique ont été dévastateurs pour certains d'entre eux. Les trois types de minorités que l'on retrouve en Asie du Sud-Est sont les minorités ethniques et linguistiques, les minorités religieuses et les peuples autochtones.
La reconnaissance des peuples autochtones sur le plan politique est dans le meilleur des cas un travail en cours, ou tout simplement inexistante. Je vais encore une fois donner l'Indonésie en exemple, étant donné que l'archipel abrite plus de 300 groupes ethniques qui parlent environ 240 langues différentes. La diversité au Myanmar est semblable à cause de ses frontières communes avec la Chine, le Bangladesh, l'Inde, la Thaïlande et le Laos, et la région a de tout temps servi de carrefour culturel. Là où je veux en venir, c'est que beaucoup de ces minorités de l'Asie du Sud-Est ont été tenues à l'écart de l'économie de libre marché qui se développe.
Les gouvernements de la région sont d'ailleurs préoccupés par le contraste marqué entre l'inclusion économique des minorités et celle des majorités. La marginalisation des minorités musulmanes en est un exemple. Je sais que votre comité a entendu parler du cas des Rohingyas au Myanmar, mais on a peu parlé des Malaisiens de souche en Thaïlande et des Moros aux Philippines, qui viennent tout juste de signer en 2012 un accord de paix. Cela dit, ils mènent un combat depuis 40 ans, et le problème est donc persistant et récurrent.
Pourquoi la diversité est-elle si importante dans le cadre du sujet à l'étude, c'est-à-dire le développement économique et la sécurité en Asie du Sud-Est? C'est précisément parce que la cohésion des États, l'idée même de l'unité ou de l'appartenance nationales, s'est révélée difficile pour les autorités politiques de la région. L'unité et l'identité nationales sont des questions très graves dans une région où des groupes séparatistes sont considérés comme une menace à l'intégrité d'un pays moderne. Malgré des pourparlers de paix et la signature de traités avec des minorités, que ce soit en Thaïlande ou aux Philippines, l'histoire a montré que l'on fait souvent faire marche arrière dans ces dossiers. Dans certains cas, l'enjeu n'est pas tant les questions minoritaires que la démarcation de territoires contestés en se basant sur des questions transnationales ou l'histoire coloniale.
La région a quelques conflits transnationaux non réglés qui pourraient mener à des troubles sociaux ou à des tensions diplomatiques, comme celui qui oppose le Cambodge et la Thaïlande au sujet de la zone du temple Preah Vihear. C'est encore une source de tensions diplomatiques entre les deux pays. Il y a également eu en 2012 la mésentente entre les membres de la communauté de l'ANASE au sujet du libellé d'un communiqué sur la mer de Chine méridionale.
Avant de conclure ma déclaration, je vais parler brièvement de l'ANASE et de la diversité ainsi que du problème que cela représente.
Le Myanmar commence tout juste à assumer la présidence de l'ANASE et a eu l'idée de trouver un thème accrocheur pour décrire ce à quoi devrait ressembler son programme : « Faire front commun pour une communauté paisible et prospère. »
La diversité étant une question très délicate, on peut s'imaginer pourquoi devenir pleinement une communauté en matière de politique, d'économie et de sécurité d'ici 2015 est un défi de taille pour l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est. Autrement dit, l'ANASE demande aux décideurs canadiens de suivre de près le développement de la région, ce qui va dans le sens de l'exposé que nous présentera M. LaBelle après ma déclaration.
Les décideurs canadiens doivent suivre de près le développement de la région s'ils veulent y jouer un rôle. Les préoccupations sont réelles, et les gouvernements d'Asie du Sud-Est tentent activement d'engager un dialogue avec leurs minorités et leurs voisins pour devenir une force économique internationale en 2015.
Je vais terminer ma présentation en disant qu'une partie des régions de l'Asie du Sud-Est ont continué à se développer rapidement malgré les crises économiques mondiales. À moyen terme, assurer une croissance viable et inclusive est un enjeu important. Les changements climatiques et les risques de catastrophe, l'urbanisation rapide, l'amélioration de la gouvernance et des institutions ainsi que les mesures visant à encourager la croissance mue par le secteur privé pour créer des emplois sont des éléments dont il faut absolument tenir compte si l'on veut assurer la stabilité politique, réduire la pauvreté et favoriser une prospérité commune dans la région.
Dans le cadre des ententes bilatérales ou multilatérales établies dans la région, je vous encourage à tenir compte de la diversité et à travailler en étroite collaboration avec les organisations de la société civile existantes.
Je vais m'arrêter ici. Je ne sais pas de quelle façon vous procédez habituellement, si vous posez vos questions maintenant ou après.
Le vice-président : Merci de votre exposé. Nous allons entendre M. LaBelle, et nous avons ensuite une liste de sénateurs qui voudront poser des questions.
Monsieur LaBelle, vous pouvez commencer, s'il vous plaît.
Lionel LaBelle, président et premier dirigeant, Saskatchewan Trade and Export Partnership (STEP) : Merci de me donner l'occasion de témoigner. Je suis désolé de ne pas pouvoir le faire en personne, mais je suis très heureux de me joindre à vous aujourd'hui.
J'aimerais d'abord remercier personnellement Adam Thompson de certains travaux qu'il a faits avec nous; je lui en suis très reconnaissant. Comme vous, j'ai un horaire chargé et je voyage beaucoup, ce qui veut dire que je tenais à participer à ce forum particulier.
J'ignore si la sénatrice Andreychuk est présente; je ne la vois pas, et je m'excuse si elle est là. Je voulais personnellement la saluer et la remercier de son travail en Ukraine. Nous venons tout juste de revenir d'une mission là- bas la semaine du 10 février. Notre relation avec l'Ukraine a commencé il y a 10 ans, et je voulais remercier personnellement et publiquement la sénatrice de son soutien et de son travail dans ce dossier.
Je me suis arrangé pour avoir une présentation PowerPoint à vous remettre. J'ai déjà participé à des exposés qui se sont révélés quasi paralysants pour l'auditoire, et je vais donc faire de mon possible pour que ce ne soit pas le cas ici. Je vais procéder rapidement avec l'objectif de vous décrire de manière assez détaillée l'empreinte de la Saskatchewan dans la région de l'Asie-Pacifique. C'est avec plaisir que je répondrai ensuite aux questions des sénateurs. La dernière fois que j'ai témoigné remonte à trois ans, et j'ai beaucoup aimé les questions qu'on m'a posées.
Mon exposé se fera en trois parties. Je vais d'abord vous montrer une petite publicité sur le STEP et ce que nous faisons. Ensuite, je vais vous donner un point de vue global de nos activités dans le marché d'exportation de l'Asie- Pacifique. Enfin, je vais parler du rôle du Canada dans ce marché, de ce que nous faisons bien et des dossiers dans lesquels nous devons être plus combatifs.
J'ai parcouru certains exposés des Manufacturiers et Exportateurs du Canada et de la Fédération canadienne de l'agriculture, et je vais donc essayer de ne pas répéter certains points sur lesquels ils ont mis l'accent.
Je demanderais à ceux qui ont le PowerPoint d'aller à la page 3, qui est vraiment une publicité pour le STEP.
Nous sommes une exception à la règle au Canada. La majeure partie de la promotion du commerce est faite par les gouvernements provinciaux ou le gouvernement fédéral. Dans le modèle de la Saskatchewan, le STEP a été façonné il y a 17 ans en tant que société autonome. Ce sont les exportateurs qui tiennent la barre, pas le gouvernement, qui est un partenaire. Le STEP aide environ 470 entreprises à vendre leurs biens et leurs services partout dans le monde.
Notre travail est simple. Nous parcourons les corridors du STEP en posant une question fondamentale : qu'est-ce que la Saskatchewan a vendu aujourd'hui? Et c'est là-dessus que nous nous concentrons. Je vais vous épargner certains détails, excepté que notre exercice financier prend fin le 31 mars, c'est-à-dire dans seulement quelques jours. Nous aurons mené 41 missions partout dans le monde durant la dernière année, et nous prévoyons en faire 49 pendant la suivante. Nous n'y allons pas par quatre chemins pour arriver à nos fins et faire avancer les choses à notre façon.
Comme je l'ai dit, la page 4 est une publicité, mais, en réalité, ce qui ressort du document, c'est que nous mettons l'accent sur quatre éléments. Le but est d'éduquer les membres du STEP sur les devises, la culture, la logistique et les moyens d'être payé. Lorsqu'on n'est pas payé, le reste n'a pas vraiment d'importance.
La page 5 concerne l'adhésion au STEP. Nous avons deux sortes de membres : les exportateurs et ceux qui les soutiennent.
Enfin, la page 6 porte sur la croissance des exportations du STEP — surtout pour ce qui est la Saskatchewan — au cours des 15 dernières années. Je montre 1998, avec une valeur de 9 milliards de dollars. Nous avons atteint le nombre record de 33 milliards en 2013. C'est excitant pour bien des gens, mais il s'agit en fait d'une déception pour moi, car je m'attendais à ce que nous atteignions 35 milliards. Si vous le désirez, nous pourrons parler de logistique plus tard, et je vous dirai pourquoi nous n'avons pas atteint cet objectif. En passant, nous sommes la seule province du Canada dont les dirigeants politiques ont parlé de doubler les exportations au cours des huit prochaines années, et nous déployons énormément d'efforts pour y arriver.
La page 7 indique ce que nous exportons. J'ai divisé le tout en cinq produits phares. L'énergie est le premier, avec 12 milliards de dollars et des poussières. Nous exportons davantage de pétrole et de gaz vers les États-Unis que le Koweït, ce qui veut dire que nous jouons un rôle de premier plan. Quand on pense au pétrole et au gaz canadiens, tout le monde parle de l'Alberta, mais la Saskatchewan s'en sort assez bien elle aussi.
Nos exportations de denrées alimentaires sont remarquables avec un montant de 11 milliards de dollars et des poussières. Je pense que c'est considérable. On dit du bien de la potasse dans de nombreuses régions du pays, et elle est très rentable pour nous avec des exportations de 5,6 milliards de dollars. C'était un peu moins intéressant pour nous cette année. Cela dit, c'est surtout attribuable au prix, et le volume des exportations est resté passablement le même.
Je sais que nos collègues dans l'est du Canada parlent beaucoup des produits manufacturés, mais si vous regardez la croissance enregistrée de 2010 à 2013, vous constaterez que nous avons doublé la valeur de nos exportations, qui est passée de 573 millions à 1 milliard de dollars. Nous accordons beaucoup d'attention aux exportations de produits manufacturés et de services, et nous nous concentrons sur deux éléments : le matériel agricole et les services auxiliaires offerts au secteur minier. Nous faisons preuve d'un grand dynamisme à cet égard.
Le dernier produit, mais non le moindre, est l'uranium. Le montant de 597 millions de dollars peut sembler élevé ou non, mais nous sommes désavantagés. En effet, si vous consultez les données du Canada sur le commerce ou les exportations, vous verrez que les exportations d'uranium de l'Ontario se chiffrent à 1,2 milliard de dollars. En réalité, 100 p. 100 de cet uranium vient de la Saskatchewan. Il est transporté en Ontario avant d'être expédié ailleurs dans le monde, qu'il soit traité de nouveau ou manipulé d'une autre façon. C'est ainsi. En passant, les 19 réacteurs nucléaires du Canada sont alimentés par de l'uranium de la Saskatchewan.
Ce n'est qu'un bref survol. La dernière page, la huitième, indique que la Saskatchewan occupe le cinquième rang avec 33 milliards, juste sous la Colombie-Britannique, avec qui elle est au coude à coude. Nous aurions dû complètement la dépasser cette année. Je vais encore une fois attendre qu'on me pose la question avant de vous expliquer pourquoi nous n'y sommes pas arrivés.
Nous allons largement dépasser la Colombie-Britannique en 2014, et l'écart continuera de s'accentuer tant qu'elle ne sera pas plus dynamique en ce qui a trait à ses expéditions de gaz naturel. Si nous n'en tenons pas compte, la Saskatchewan est première au pays pour ce qui est de la valeur par habitant de ses exportations à l'échelle mondiale.
Je suis maintenant à la page 9 pour regarder de plus près l'empreinte des exportations de la Saskatchewan. Je vous ai donné une carte de l'Asie-Pacifique. J'ai triché un peu en ajoutant l'Inde. La carte est divisée en quatre sections de couleur différente. La première est la région de l'Inde, du Pakistan et du Bangladesh, la deuxième est celle de l'ANASE, dont M. Litalien a parlé en détail, la troisième regroupe le Japon, la Corée et la Mongolie, et la dernière est la Chine. Je veux vous donner une idée de la croissance enregistrée et des régions touchées par la Saskatchewan au cours des 10 dernières années.
La page suivante, la dixième, porte sur la région de l'Inde. Dans le coin inférieur gauche du tableau, vous verrez un montant de 270 millions de dollars qui représente la valeur des exportations de la Saskatchewan vers ces quatre pays en 2004, et si vous continuez jusqu'au coin droit de la page, vous verrez qu'elle se chiffre maintenant à 1,4 milliard de dollars. Tout compte fait, cela représente un chiffre à peu près sept fois plus élevé, ce qui veut dire que cette région de la planète est très importante pour nous.
À droite complètement de la page, au centre, vous verrez que nous exportons surtout de la nourriture et des engrais, des légumineuses. Plus précisément, il s'agit de pois et de lentilles; de potasse, cela va de soi; de céréales, c'est-à-dire du blé; et de canola. Le canola connaît une croissance nominale en Inde et dans cette région, mais nous assistons à des hausses importantes.
La partie rouge concerne les missions à l'étranger et les missions d'acheteurs étrangers sur cinq ans. Nous nous sommes rendus dans ce marché huit fois au cours des cinq dernières années, et nous avons accueilli 23 missions d'acheteurs étrangers pendant la même période. Pour vous donner une idée, nous étions en Inde pas plus tard que la semaine dernière.
J'ai parlé de notre calendrier de missions, et, du 1er février au 31 mars de l'année en cours, nous en avons mené 15 dans 10 pays différents. Nous sommes très entreprenants.
Nous arrivons ensuite à la page 11, qui porte sur la région de l'ANASE. Notre croissance là-bas n'a pas été aussi forte que dans la région de l'Inde, du Pakistan et du Bangladesh, mais elle est assez considérable. Une fois de plus, ce qu'il faut retenir, c'est que nous sommes passés de 484 millions de dollars en 2004 à 1,314 milliard en 2013. Il s'agit encore d'une croissance très robuste. Bien franchement, nos amis et nos collègues des provinces voisines n'ont pas obtenu les mêmes résultats, et je pense qu'il est important d'en tenir compte quand on examine le rôle du Canada dans la région de l'Asie-Pacifique.
Du côté droit de la page, au centre, on voit que la potasse arrive au premier rang dans cette région. Il est à la fois ironique et amusant de penser que la Saskatchewan vend de la potasse partout dans le monde pour aider les gens à cultiver leurs champs, mais qu'elle sert principalement en Asie à la culture de palmiers à l'huile alors que l'huile de palme entre en concurrence directe avec l'huile de canola. Nous rendons donc possible pour certains de nous livrer concurrence avec d'autres cultures, ce qui est ironique. Le monde est ainsi fait, et je ne m'en plains pas. Je ne fais qu'exprimer ma pensée.
Je veux maintenant parler de la diapositive 12, de la région du Japon, de la Corée et de la Mongolie. Le Japon est un client de longue date du Canada. Dans ce cas-ci, nous sommes passés de 600 millions de dollars en 2003 à environ 1 milliard de dollars en 2013. Il est important de noter dans ce tableau qu'on ne voit pas d'exportations d'uranium de la Saskatchewan. Pourtant, 35 p. 100 des installations nucléaires japonaises sont alimentés avec de l'uranium de la province, mais ce produit est généralement enrichi aux États-Unis, en Ontario ou ailleurs dans le monde.
Le canola occupe encore une fois le premier rang. Je peux toutefois vous donner des petites bribes d'information. Des produits comme le miel connaissent une croissance remarquable dans ce marché, qui était encore inexploité il y a cinq ans.
La page suivante donne un peu plus d'information sur le marché chinois et ce que nous y faisons. C'est à la page 13. Je passe maintenant à la page 14 pour faire un survol de la carte de la Chine qu'on y trouve. J'ai encerclé 18 villes, et j'ai fait un calcul rapide avec mes collègues du STEP. Au cours des 30 derniers mois, nous nous sommes rendus dans 32 villes chinoises. J'ai toujours trouvé frustrant que des gens viennent ici, se rendent à Toronto, à Montréal et à Vancouver pour ensuite dire à tout le monde lorsqu'ils rentrent chez eux qu'ils savent tout ce qu'il y a à savoir sur le Canada. Je dirais que notre objectif est de comprendre le marché chinois, et nous avons donc parcouru une grande partie du pays et enregistré une croissance remarquable là-bas.
Je vais maintenant passer à la page 15. Vous pouvez voir la courbe de croissance, de 700 millions de dollars en 2004 à 2,6 milliards en 2013, ce qui est remarquable. En Chine, nous doublons notre chiffre d'affaires tous les trois ans. Nous y voyons beaucoup de possibilités, notamment en ce qui concerne l'uranium. Nous avons vendu notre première cargaison de concentré d'uranium en septembre, et elle est arrivée au port de Shanghai. Cameco, une de nos entreprises au pays, a conclu une entente de 27 millions de livres avec l'agence nucléaire chinoise. Concrètement, cela représente un chiffre d'affaires de 5 milliards de dollars. Le potentiel de croissance est exceptionnel.
Encore une fois, au centre de la page, on peut voir que le canola est la principale exportation. Une ligne en dessous, il y a le grain. Le chiffre qui m'emballe le plus se trouve deux cases à côté. Il est écrit 228 millions de dollars avec « Légumineuses » entre parenthèses. Il s'agit de pois jaunes. Si jamais vous commandez des vermicelles chinois à Beijing, vous devez savoir que c'est un produit de la Saskatchewan. Ce sont les chiffres de 2012, et le montant était de 450 millions de dollars en 2013. Nous allons le doubler encore une fois au cours des 24 prochains mois. Nos pois jaunes utilisés pour les vermicelles sont très populaires et connaissent beaucoup de succès dans cette région du monde.
J'aimerais faire une observation au sujet des grains pour vous donner un aperçu de la situation. On entend beaucoup parler des grains et de leur transport. Cela dit, vous avez peut-être le point de vue d'un Canadien de l'est du pays quand il est question de la culture du blé en Saskatchewan. Le canola représente la première exportation agricole avec une valeur de 4,1 milliards de dollars. Ce produit est exporté comme matière première, comme aliment de même que sous forme d'huile. À l'heure actuelle, nous broyons environ 60 p. 100 du canola récolté en Saskatchewan pour le vendre sous forme d'huile brute.
En passant, la valeur des exportations de canola est de 4 milliards de dollars, par rapport à 2 milliards dans le cas du blé. En ce qui concerne le débat sur la Commission canadienne du blé et ce que nous avons aujourd'hui, il faut se rappeler que la commission n'a jamais accordé d'attention à près de 70 p. 100 de ce que nous cultivons en Saskatchewan. Je répète qu'un certain nombre de cultures ont connu une croissance remarquable en Saskatchewan.
Je passe maintenant à la page 16; j'aimerais parler du gouvernement du Canada, de certaines mesures qu'il a prises et de certains cas où il devrait, à mon avis, prendre du recul et comprendre ce qu'il peut et ne peut pas faire.
D'abord, nous sommes de grands partisans des accords de libre-échange. Je ne peux pas le dire plus clairement. Notre sort tient à nos capacités commerciales à l'échelle mondiale, et les mesures prises par le gouvernement du Canada dans le cadre de sa stratégie de libre-échange, qu'elles soient de nature bilatérale ou plurinationale, sont très importantes pour nous.
J'ai mis une note au bas de la page. Par exemple, il y a 10 ans, avant l'établissement des accords de libre-échange, on avait gagné environ 100 millions de dollars dans les marchés du Chili, de la Colombie et du Pérou. Cette année, nous y avons gagné un peu moins de 400 millions de dollars. Nous avons suivi avec rigueur la stratégie du gouvernement fédéral sur les accords de libre-échange et, en conséquence, nous avons connu un succès remarquable au sein de ces marchés.
Nous croyons fermement qu'il faut être les premiers sur le terrain. Le Partenariat transpacifique est, à notre avis, très important, et j'espère que vous poserez des questions sur la façon dont la Saskatchewan entend réaliser cette croissance, parce que nous avons prévu des mesures précises. Nous espérons que certaines parties prenantes du Partenariat transpacifique, surtout la Nouvelle-Zélande, exerceront une forte demande sur le Canada, car nous croyons que les possibilités y sont nombreuses pour nous.
Je passe maintenant à la page 17. Elle est très chargée, et je ne veux pas vous ennuyer, mais ce sont quelques-uns de nos défis.
En Chine, par exemple, nous n'avons pas accès aux marchés du bison, des pommes de terre de semence, des baies d'amélanchier, des lentilles, de l'huile de cameline ou du colostrum. Ces produits ne font tout simplement pas partie des priorités du gouvernement du Canada; nous n'avons donc pas pu conclure d'accord. Le bison est un excellent exemple de produit très demandé; nous en vendons partout dans le monde.
La plupart des gens ne le savent pas, mais la Saskatchewan est un important fournisseur de pommes de terre de semence de l'Île-du-Prince-Édouard. L'État de l'Idaho, aux États-Unis, est considéré comme étant semblable à l'Île-du- Prince-Édouard. Il achète aussi ses pommes de terre de semence en Saskatchewan. Nous avons un marché à créneaux unique, en raison de notre climat froid — et croyez-moi, l'hiver a été froid cette année; nous offrons une gamme de produits connue sous le nom de Northern Vigor, dont les caractéristiques en font un produit mondial, ce qui nous a beaucoup aidés.
En ce qui a trait aux barrières non tarifaires, nous avons beaucoup développé les produits biologiques, mais certains pays comme la Chine et la Corée du Sud sont en plein processus de redéfinition de ces produits, et ils ont fermé leurs portes aux produits canadiens, ce qui nous pose problème.
Nous devons nous battre pour chaque petit détail, notamment pour les permis et les contingents; c'est une lutte continuelle. Nous devons respecter des contingents pour le blé en Chine, au Japon et en Corée du Sud. Nous vendons partout dans le monde un tout petit produit que beaucoup d'entre vous ont goûté, le « riz sauvage », mais nous ne pouvons pas le vendre dans les pays d'Asie, uniquement parce qu'ils ont adopté une position protectionniste envers le riz. À titre informatif, le riz sauvage n'est pas vraiment du riz; c'est en fait un produit à base d'herbe, mais les scientifiques ont décidé que c'était du riz. Cela fait donc partie du problème.
Il y a ensuite le miel. Vous pouvez voir certains des tarifs en Inde. Cela me surprend, mais nous y vendons aussi des abeilles reproductrices. Notre climat nous aide à développer une génétique assez audacieuse, et nous avons connu un grand succès.
Enfin, et surtout, les questions relatives à l'inspection et à la quarantaine représentent toujours pour nous des défis sur le plan réglementaire. Par exemple, le canola est un produit génétiquement modifié. Nous le vendons partout dans le monde. Nous connaissons certains problèmes en Europe relativement à ce produit, bien sûr, mais nous le vendons partout ailleurs; ce produit se vend très bien. Toutefois, le Japon ne tolère aucun lin génétiquement modifié. En réalité, le lin génétiquement modifié n'existe pas, mais n'importe quel scientifique avec un microscope arrivera à trouver quelque chose s'il y a une politique de tolérance zéro. C'est donc un problème pour nous. Voilà certaines difficultés que nous tentons de surmonter. Je crois que collectivement, le Canada doit adopter une position plus ferme en ce qui concerne les OGM.
À la page 18, j'aimerais parler du Plan d'action sur les marchés mondiaux. Je crois que vous avez abordé ce sujet, monsieur le président. À vrai dire, je connais assez bien le plan. Les défis sont importants : 22 secteurs, 79 pays et une transition du Service des délégués commerciaux du Canada, dont le nombre de clients passera de 11 000 à 21 000 entreprises.
En fait, je soutiens respectueusement qu'il y a une grande différence entre la promotion et la facilitation. STEP se concentre sur la facilitation. Que pouvons-nous faire pour conclure un marché? Je crois que nous ratons la cible. L'idée de passer de 11 000 à 21 000 entreprises et d'interagir avec elles me semble — et je le dis en toute déférence — plutôt fondée sur les activités, et ce n'est pas très précis. Je crois que nous devons désigner des objectifs précis.
Je passe maintenant à la page 19; j'y donne des raisons pour lesquelles le Canada devrait adopter une position plus ferme, et j'utilise l'exemple du président Obama. Dans son discours sur l'état de l'Union du 27 janvier 2010, il a énoncé clairement que les États-Unis allaient doubler leurs exportations au cours des cinq prochaines années. C'est assez audacieux. J'aime cela. Le premier ministre de notre province s'est fixé le même objectif, mais sur une période de huit ans. Mesdames et messieurs, je crois que nous dépasserons cet objectif.
Dans le cas des États-Unis, leurs exportations internationales se chiffraient à 1,575 billion de dollars au 1er janvier 2010; à la fin du mois de décembre 2013, elles se chiffraient à 2,272 billions de dollars. Il s'agit d'une augmentation de 44 p. 100 en quatre ans.
Au cours de la même période, les exportations du Canada sont passées de 359 à 471 milliards de dollars; c'est une augmentation de 30 p. 100. Nous traînons donc derrière nos amis américains; la différence est importante. Au cours de cette même période, les exportations de la Saskatchewan sont passées de 21 à 33 milliards de dollars. Cela représente une augmentation de 57 p. 100 sur une période de quatre ans.
J'aimerais dire au Service des délégués commerciaux du Canada qu'il faut fixer des objectifs en matière d'exportation et non d'activités — nous pourrons alors nous concentrer sur ces objectifs et sur ce que nous souhaitons accomplir.
La page 20 est la dernière. Je ne vais pas vous la lire, mais nous avons participé en octobre à la conférence internationale de l'ANASE à Singapour avec le premier ministre Wall, et je crois qu'il est important de comprendre le message de la Saskatchewan, et notre message collectif, au sujet de la région de l'ANASE. Ces quatre blocs de pays comptent 3,7 milliards de personnes qui représentent 53 p. 100 de la population mondiale, je crois. L'ANASE est un joueur important dans cette partie du monde, étant donné sa population.
Nous croyons fermement que le Canada n'a pas accordé assez d'attention à la région de l'ANASE. Nous devons établir un accord de libre-échange ou un quelconque mécanisme pour accroître les possibilités. Par exemple, nous brassons beaucoup d'affaires en Malaisie et en Indonésie, mais pas beaucoup aux Philippines. J'y suis allé récemment et j'y ai également envoyé quelques-uns de mes collègues. Nous étudions le Myanmar et sa situation unique.
Je ne veux pas paraître méprisant, mais nous considérons le Myanmar un peu comme un pays de cowboys; il offre des possibilités uniques, mais elles sont assorties de risques. Nous sommes plus que prêts à prendre ces risques, mais en Saskatchewan, nous pensons que notre croissance repose sur l'Asie-Pacifique. Nous nous réjouissons de l'accord de libre-échange avec l'Europe, mais nous croyons que notre croissance y sera graduelle. Toutefois, notre croissance dans l'Asie-Pacifique sera exponentielle.
Monsieur le président, je vous cède maintenant la parole. Je vous remercie de m'avoir écouté.
Le vice-président : Nous vous remercions de votre exposé.
Chers collègues, nous avons entendu deux excellents exposés aujourd'hui, et je constate que vous avez tous des questions à poser.
La sénatrice Johnson : Merci, monsieur LaBelle. Malheureusement, Mme Andreychuk n'est pas présente. Je lui transmettrai vos salutations; elle devait participer à un autre événement à Toronto.
Vous êtes un grand ambassadeur de la Saskatchewan; votre premier ministre a dit qu'il fallait faire de l'accord de libre-échange avec l'ANASE une priorité. Au Canada, les exportations de produits agroalimentaires sont passées de 400 millions de dollars en 2003 à 1,2 milliard de dollars en 2011. Quels sont nos principaux concurrents en matière d'agriculture dans la région? Quel est l'avis des gens de votre région au sujet d'un accord de libre-échange, et comment pourrait-on le conclure?
M. LaBelle : Dans le secteur de l'agriculture, qui est très vaste — il comprend les biens et services, les ingrédients et les aliments prêts à vendre —, il y a l'aspect biotechnique. Nos principaux concurrents sont l'Australie et les États- Unis. Dans le secteur des produits laitiers, la Nouvelle-Zélande est un concurrent remarquable. Pour être franc, le Canada ne fait même pas partie du marché laitier mondial; c'est donc une excellente occasion d'avancement pour la Saskatchewan et pour le pays.
La sénatrice Johnson : Comment pouvons-nous être plus dynamiques...
M. LaBelle : Est-ce que les chiffres que vous m'avez donnés étaient tirés de ma feuille de calcul?
La sénatrice Johnson : Ce sont les résultats des recherches de mon personnel.
M. LaBelle : Mes chiffres portent uniquement sur la Saskatchewan.
La sénatrice Johnson : Ce sont des statistiques canadiennes. J'ai été intriguée lorsque vous avez dit que nous devions adopter une position plus vigoureuse au sujet des OGM. Comment est-ce possible?
M. LaBelle : Nous avons remporté beaucoup de succès dans le monde entier en ayant recours à la science à titre d'outil de marketing. Je crois que le monde a besoin des OGM. On n'a qu'à penser aux cultures de base comme le canola, le maïs, le soja et le riz et au fait que la population mondiale devrait passer de sept à neuf milliards. On ne pourra pas réussir sans utiliser la science et la technologie à notre avantage. La quantité de terres arables dans le monde n'augmentera pas; il faut donc utiliser la technologie.
Nous l'avons prouvé en Saskatchewan avec le canola et les très bons résultats que nous avons obtenus. Nos terres sont beaucoup plus fertiles qu'il y a 20 ou 30 ans, et ce, grâce à nos pratiques agricoles.
Nous travaillons beaucoup en Chine intérieure. Nous étudions leurs pratiques agricoles. Franchement, leurs sols sont ruinés en raison de l'utilisation excessive de pesticides et d'engrais. Nous croyons pouvoir les aider, mais dans un contexte plus large, nous avons toujours été en désaccord avec les Européens au sujet des OGM, et à leur tour, ils ont convaincu les Africains et d'autres peuples du caractère négatif des OGM. Nous devons adopter une position vigoureuse, fondée sur la science.
La sénatrice Johnson : Monsieur Litalien, j'aimerais vous poser une importante question au sujet du sommet annuel de l'ANASE sur le bien-être social et le développement. L'ANASE a organisé un sommet au Cambodge récemment. Le gouvernement et des représentants des ONG y ont participé. On y a abordé des questions communes, mais de diverses façons. La plus récente rencontre portait sur la nécessité d'élargir les filets de sécurité sociaux et sur l'établissement d'un socle de protection sociale dans tous les États.
Pouvez-vous répondre à deux questions : dans quelle mesure ce segment de l'ANASE réussit-il à favoriser le développement social? Est-ce que les États membres le prennent au sérieux?
M. Litalien : La dernière fois que j'ai visité la région, c'était l'été dernier; on prend la question très au sérieux. L'ANASE étudie divers modèles de bien-être social puisque la Banque mondiale en a fait la promotion pour sécuriser la population en situation de crise économique et régionale; les filets de sécurité sociaux représentent la voie à suivre. C'est à cela que je faisais référence tout à l'heure.
Les gouvernements se préoccupent de leur stabilité et de leur légitimité; ils prennent donc la question du bien-être social au sérieux. Ils tentent de voir ce qui est possible dans la région, et ce qui fonctionne bien. On étudie actuellement le système de santé de la Thaïlande. C'est un projet continu, mais on prend la question au sérieux, sans aucun doute. Ils étudient le rôle progressif du gouvernement dans la promotion du bien-être social dans la région, et la possibilité d'établir des partenariats avec le secteur privé. Ils essaient de voir comment le gouvernement pourrait régler la facture, en fait.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : Merci beaucoup, monsieur le président. À tous les deux, merci pour vos présentations. Ma question s'adresse à monsieur Litalien. Je crois que vous comprenez le français, n'est-ce pas?
M. Litalien : Oui, tout à fait.
La sénatrice Fortin-Duplessis : Comme vous le savez, le comité étudie les questions en matière d'économie et de sécurité entre le Canada et la région de l'Asie-Pacifique. Depuis le début du mandat, nous avons reçu plusieurs témoins qui nous ont grandement éclairés sur les aspects économiques et commerciaux de la région. Nous avons un peu abordé les aspects humains et sociaux, c'est pour cela que je suis heureuse de vous entendre au comité aujourd'hui.
Étant donné votre expertise dans le domaine des religions, des politiques identitaires et de la gouvernance en Asie du Sud-Est, j'aimerais connaître votre opinion sur la controverse actuelle soulevée par la tenue d'un recensement en Birmanie, soit l'inclusion de questions portant sur l'ethnicité et l'identification tribale, qui fait craindre un regain de tensions interethniques. Qu'en pensez-vous?
Je vais vous expliquer pourquoi je vous pose cette question. Avant que le génocide n'ait lieu au Rwanda, ils avaient procédé à un recensement, ils avaient recensé les Tutsi et les Hutu et, comme on l'a su par la suite, cela a permis d'identifier les ethnies dont l'une est presque entièrement disparue.
Je répète ma question : l'intrusion de questions portantes sur l'ethnicité et l'identification tribale fait craindre un regain de tensions interethniques. Qu'en pensez-vous?
[Traduction]
M. Litalien : Mon dernier entretien avec un haut responsable du Myanmar remonte à l'été dernier. Il maintenait catégoriquement que la réforme s'imposait. Je vais tenter de répondre à la question en deux temps. C'est une question sérieuse et délicate.
Selon mes sources, la résurgence possible du conflit ethnique est bien réelle, en raison des divers projets économiques en cours dans la région. Le problème avec le Myanmar, c'est que tout arrive en même temps, et le pays n'a pas le capital humain nécessaire pour faire tout le travail. Je comprends qu'on a beaucoup de volonté, mais il faut tenir compte des cultures politique et économique. On constate une ouverture active. Entre-temps, de nombreux projets de construction de barrages hydroélectriques sont prévus dans la région.
Certains barrages hydroélectriques sont construits sur la rivière Salween, le long duquel vivent certains groupes ethniques. Certains d'entre eux sont armés et d'autres sont en pourparlers de paix avec les autorités; la situation est donc difficile. Il y a d'une part les responsables du gouvernement qui veulent aider, et d'autre part, malgré la possibilité de développement économique dans la région, les groupes minoritaires qui ne participent pas toujours aux consultations.
La culture, l'approche stratégique en matière de développement économique et le respect de la diversité ne sont pas toujours la priorité, comme je l'ai dit dans mon exposé. Ces groupes minoritaires n'ont pas toujours la possibilité d'exprimer leurs inquiétudes quant au développement. La région a vécu sous un régime militaire pendant 40 ans; elle est donc toujours un peu délicate. Malgré toute leur bonne volonté, les joueurs de la sphère politique ne sont pas tous au courant de la situation ou sensibles à la réforme qui s'opère. Le dossier des groupes minoritaires est un travail inachevé. Vous m'entendrez souvent dire cela.
Il y a résurgence... Selon le dernier rapport que j'ai lu, il semble que les groupes minoritaires craignent de plus en plus que le gouvernement aille de l'avant sans les consulter. Ce n'est pas la première fois que l'on voit des délocalisations forcées. La situation s'est déjà produite. Le gouvernement tiendra-t-il ses engagements sur le plan de la démocratie en instaurant un forum de discussion approprié où les minorités pourront faire entendre leurs préoccupations? Leur serait-il possible de bloquer certains de ces projets, ou aura-t-on droit à une décision d'allure totalitaire pour une relocalisation sans compensation appropriée?
On m'a rapporté que certains groupes ont repris les armes, mais qu'ils sont quand même disposés à discuter. Même son de cloche de la part du gouvernement : il est prêt à discuter avec les groupes minoritaires. Le processus est enclenché.
Je ne sais pas si cela répond à votre question.
La sénatrice Ataullahjan : Monsieur Litalien, si je vous ai bien compris, les problèmes actuels avec les Rohingyas découlent de ces différences culturelles? Pouvez-vous clarifier vos propos à ce sujet?
M. Litalien : Tout ce que j'ai dit, c'est que les musulmans rohingya sont circonscrits à une région — même s'ils ont commencé à s'étendre —, mais le problème en ce qui les concerne est d'une autre nature. Il s'agit d'une question régionale très délicate qui date de longtemps. Ce n'est pas tant une question de développement économique proprement dite.
Dans les régions limitrophes de la rivière Salween, le problème des groupes armés est beaucoup plus lié aux questions de développement économique.
La question des Rohingyas est très complexe. J'ai assisté à quelques conférences à Bangkok l'été dernier, et j'ai appris qu'il y a beaucoup d'ONG au Myanmar à l'heure actuelle pour veiller à ce qu'il n'y ait pas d'escalade de violence entre les minorités dirigeantes et le gouvernement. Nous recevons des signaux très contradictoires sur les intentions du gouvernement. J'ai rencontré des fonctionnaires au Myanmar qui m'ont dit essayer très fort de prêter main-forte. Par ailleurs, il y a un manque de communication et d'instructions de la part des autorités en ce qui concerne la mise en œuvre de mesures allant dans le sens d'un engagement pour des discussions de bonne tenue entre les Rohingyas eux-mêmes.
Il se passe donc beaucoup de choses sur plusieurs fronts en ce qui concerne la question des Rohingyas. Ils ont été poursuivis pendant de nombreuses années. Selon différents rapports, on leur a refusé la reconnaissance nationale. On m'a dit que vous aviez pris connaissance d'un rapport d'Amnistie internationale, alors je ne sais pas exactement si vous souhaitez que je précise ma pensée à ce sujet.
Je crois qu'il s'agit de deux questions différentes : premièrement, la question des Rohingyas et, deuxièmement, celle de la construction du barrage hydroélectrique et du conflit armé entre les minorités et le gouvernement.
La sénatrice Ataullahjan : Non, merci. Je voulais seulement obtenir des clarifications au sujet de ce qui vous avez dit. Nous ne parlerons pas des Rohingyas, car il s'agit d'une autre question.
M. Litalien : Ce sont deux questions distinctes.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : J'ai une seconde question à vous poser, monsieur Litalien. Pensez-vous que le Canada peut jouer un rôle d'accompagnateur ou un rôle quelconque pour diminuer les tensions interconfessionnelles en Birmanie?
[Traduction]
M. Litalien : C'est une bonne question. Oui, je suis convaincu que nous pourrions apporter une certaine forme de soutien. Nous pourrions jouer un rôle actif. L'idée consiste à toujours agir en ce sens... Je recommande que le Canada adopte une approche très prudente envers le gouvernement actuel au moment d'offrir son soutien à cet égard, surtout parce qu'il s'agit d'une question si délicate. Habituellement, le gouvernement du Myanmar tient beaucoup à s'occuper lui-même de ces conjonctures et se montre plutôt réfractaire à l'idée de voir des étrangers se mêler d'enjeux particuliers.
Je crois donc que nous pouvons effectivement jouer un rôle, pour peu que le gouvernement du Myanmar se montre ouvert à une telle éventualité, ce qui reste à confirmer.
Je n'ai pas senti cette ouverture la dernière fois que j'y suis allé, mais comme je l'ai dit dans mon exposé, il s'agit de l'Asie du Sud-Est, une région où les choses évoluent rapidement. Il faudrait sonder l'opinion là-bas pour voir si le gouvernement serait d'accord avec cette sorte d'aide diplomatique.
Le sénateur Housakos : Je vous remercie, tous les deux, pour vos exposés très intéressants. Ma première question s'adresse à M. Litalien. Je crois que je vais essayer de regrouper trois questions en une.
Nous sommes tous d'accord pour dire que l'Asie du Sud-Est a connu une croissance et un développement économique exceptionnels au cours des dernières décennies. Je crois cependant que nous conviendrons aussi que, de façon générale, la région n'a pas vraiment réussi à s'attaquer au problème de la pauvreté.
Pourriez-vous nous dire quels pays de l'Asie du Sud-Est ont le mieux réussi à s'occuper du problème de la pauvreté?
Dans la même foulée, j'aimerais avoir des données sur la question de la traite des personnes et de l'exploitation des femmes dans ces sociétés. Là où je veux en venir, c'est que le développement économique, le développement social et le développement politique ne font pas toujours bon ménage dans cette partie du monde.
Pouvez-vous nous donner des exemples de pays qui ont profité du développement de leur économie pour accélérer les réformes politiques et sociales au point de rendre ces aspects acceptables pour des pays occidentaux démocratiques comme le Canada? Et quels sont ceux qui auraient échoué en ce sens?
M. Litalien : Voilà beaucoup de questions en même temps. C'est très complexe. J'ai l'impression que ma réponse va être un peu partiale. Une partie des données que nous avons pour évaluer la réduction de la pauvreté dans cette région nous vient de la communauté de l'ANASE, qui s'est montrée très catégorique sur le fait que tous les pays avaient très bien réussi à faire reculer la pauvreté absolue.
L'idée véhiculée dans mon exposé, ce n'était pas de dire : « D'accord, nous avons fait reculer la pauvreté absolue, mais il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir. » Le Myanmar, le Laos et le Cambodge ont encore beaucoup de chemin à parcourir. La classe moyenne s'est développée en Thaïlande et en Malaisie, malgré les problèmes ethniques et de diversité. La minorité indienne en Malaisie est de plus en plus inquiète d'avoir été laissée à l'écart de certaines des réformes politiques qui ont été faites dernièrement — des réformes qui ont permis d'accorder une place plus importante à la majorité malaisienne, qui représente 60 p. 100 de la population. Les Chinois et les Indiens se sentent donc un peu tenus à l'écart des réformes économiques et sociales qui se jouent en Malaisie. La pauvreté est une source de préoccupation, à un point tel que certains de ces groupes minoritaires ont décidé d'émigrer.
Bien que l'on considère la Malaisie comme faisant partie des pays à revenu supérieur, les revenus n'y sont pas aussi élevés qu'à Singapour. Je ne parlerai pas de Singapour, car ce pays s'est considérablement développé et qu'il est maintenant tout à fait en mesure de s'attaquer aux problèmes liés à la pauvreté, ce qui est aussi le cas de Brunei.
Les pays où il y a beaucoup de progrès à faire — notamment selon les normes canadiennes — sont le Laos, le Cambodge, le Myanmar, le Vietnam et les Philippines, un pays qui, du reste, a fait d'importants progrès pour rattraper le retard considérable qu'il accusait.
Les statistiques indiquent que des progrès considérables ont été réalisés pour combattre la pauvreté, mais beaucoup d'aspects restent préoccupants sur le plan des inégalités, et l'on voit encore beaucoup de pauvreté absolue dans nombre de ces pays, comme au Laos, au Cambodge, au Myanmar et au Vietnam, dont j'ai parlé. Habituellement, il s'agit de régions limitrophes.
Sur le site web de l'ANASE, ces pays sont considérés à part; leur développement économique est sur la bonne voie, mais il n'est pas de la même ampleur que celui de la Thaïlande, de Singapour, de Brunei, de la Malaisie et, dans une certaine mesure, de l'Indonésie. L'Indonésie a réalisé d'importants progrès pour faire reculer la pauvreté absolue. Je ne sais pas si je réponds à votre question en ce qui concerne les niveaux de pauvreté.
Le sénateur Housakos : Oui.
M. Litalien : Quelle était votre deuxième question?
Le sénateur Housakos : Ma deuxième question portait sur la traite des personnes et l'exploitation des femmes dans ces pays. Y a-t-il des pays qui se sont mieux débrouillés que d'autres à ce chapitre et, le cas échéant, lesquels? Selon vous, quels sont ceux qui n'ont pas fait de progrès dans ce dossier?
M. Litalien : Selon moi, la Thaïlande a très bien réussi à s'attaquer au problème de la traite des personnes. Nous ne pouvons pas jauger la situation en Asie du Sud-Est en fonction des normes canadiennes en la matière. Je dirais que la Thaïlande fait du bon travail. La Malaisie aussi fait, en quelque sorte, du bon travail dans ce dossier, comme c'est le cas pour Singapour. Ceux qui font moins bonne figure démontrent une certaine récurrence des problèmes. Le Laos, le Cambodge, le Myanmar, les Philippines et l'Indonésie ont fait des progrès moyens à cet égard. C'est mon opinion et elle n'est peut-être pas objective. Si vous le voulez, je peux vous trouver des statistiques à ce sujet, mais l'inégalité entre les sexes et la traite des personnes sont intimement liées.
En raison de la nature même de cette activité, il est difficile de trouver des statistiques révélatrices et fiables sur la traite des personnes. Il est difficile de trouver les victimes qui la font et de savoir ce qui se passe exactement, ce qui rend ardue la production de statistiques. Je sais que le Canada a participé au financement de certaines ONG qui combattent la traite des personnes en Asie du Sud-Est.
Mais laissez-moi ajouter quelque chose au sujet de la Thaïlande. L'organisme United Nations Development Fund for Women, l'UNIFEN, a ses bureaux à Bangkok et il travaille très fort pour faire reconnaître le statut de la femme et combattre la traite des personnes dans toute cette région. En Asie du Sud-Est, où que vous posiez les yeux, il y a moyen de faire mieux. C'est la réponse la plus facile.
Le sénateur Housakos : Ma prochaine question s'adresse à M. LaBelle. Votre exposé m'a beaucoup plu. J'aime tous ces chiffres, car les chiffres peuvent nous raconter toutes sortes d'histoires. Je regarde notamment le succès qu'a eu la Saskatchewan en matière d'exportation. Je vois que vous avez quantifié les exportations destinées à l'Asie centrale, l'Asie du Sud-Est, l'Asie du Nord-Est et la Chine. Si je fais un calcul rapide — et corrigez-moi si je me trompe —, le commerce total de la Saskatchewan avec tous ces pays d'Asie se chiffre à 6,5 milliards de dollars, n'est-ce pas?
M. LaBelle : Oui, vous avez raison, à un ou deux milliards près.
Le sénateur Housakos : Environ 20 p. 100 des exportations de la Saskatchewan aboutissent dans cette partie du monde. Votre autre tableau illustre les régions précises où la Saskatchewan exporte son énergie, ses produits alimentaires, sa potasse, ses produits manufacturés et son uranium. Je suis toujours surpris de voir que le secteur manufacturier et le secteur des services du Canada ne semblent pas arriver à percer ces marchés aussi bien que ceux de l'Europe, des États-Unis et d'autres parties du monde, dont l'Amérique du Sud. L'énergie, les aliments et la potasse sont des produits de base et des ressources naturelles que nous possédons par opposition à ce que nous fabriquons. Aussi longtemps qu'il y aura une économie qui pourra absorber toutes ces ressources, nous serons en mesure de les vendre.
Si nous voulons intensifier les relations d'un cran dans cette partie du monde, nous devons trouver ce qu'il convient de vendre et faire des comparaisons. J'aimerais avoir votre opinion à ce sujet. Vous avez peut-être la réponse ou vous ne l'avez peut-être pas. Qu'est-ce que les Américains, les Européens et les Australiens vendent en Asie du Sud-Est et en Asie du Nord-Est à part des ressources naturelles et des produits de base? Comme je l'ai dit, toute région du monde qui a un quelconque produit de base réussira à l'écouler là où on en aura besoin et aussi longtemps qu'il y aura une demande. Qu'est-ce que les Américains vendent là-bas pour obtenir des résultats extrêmement meilleurs que les nôtres? Je présume qu'ils n'ont pas obtenu de tels résultats en se contentant de vendre de l'énergie, des produits alimentaires et de la potasse.
M. LaBelle : Je crois que c'est une question très vaste. Si vous me le permettez, je vais plutôt décortiquer les statistiques pour la Saskatchewan. Les exportations de produits alimentaires atteignent 11 milliards de dollars, dont 4 milliards de dollars en canola. De cette somme, la moitié était pour de l'huile de canola brute fabriquée ici et vendue là- bas en tant que produit. Voilà un exemple de valeur ajoutée qui n'existait pas il y a 20 ans, alors que nous n'avions qu'une seule usine de broyage. La province compte maintenant six de ces usines et elles sont toutes en pleine expansion. D'ici cinq ou six ans, nous broierons probablement 80 p. 100 de notre canola. Nous n'exporterons plus le canola comme denrée, mais comme produit fini. Et, bien sûr, à partir de l'huile brute, il y a une foule de combinaisons possibles, comme la vinaigrette ou la margarine. C'est une partie intégrante du processus.
Il y a beaucoup d'exemples. Les lentilles rouges en sont un autre. Nous les pelons, les mettons en sac et les expédions dans le monde entier. Alors, il y a beaucoup de transformation qui se fait ici. Vous ne pouvez pas présumer que les 11 milliards de dollars de produits alimentaires ne sont que des denrées de base, car ce n'est pas le cas.
Quant à savoir ce que font nos amis américains, il faut reconnaître bien humblement que lorsque Boeing vend une flotte d'aéronefs à la Malaisie, il s'agit d'un marché de 7 milliards de dollars. Certains de ces chiffres sont astronomiques, mais nous ne sommes tout simplement pas de la partie.
Là où nous arrivons à concurrencer les Américains, nous avons de très bons résultats. Encore une fois, j'ai parlé du secteur manufacturier de la Saskatchewan. Nous sommes très forts dans les produits agricoles manufacturés et dans ce que nous appelons « l'industrie auxiliaire », ce secteur minier de l'industrie qui soutient l'exploitation minière. Par exemple, je vous ai donné des chiffres pour le Chili et le Pérou. La presque totalité de ces montants est attribuable au secteur minier et aux produits manufacturés auxiliaires que nous mettons sur ces marchés.
L'Australie est, quant à elle, très dynamique sur les marchés de cette partie du monde, et elle exporte presque entièrement des denrées de base, soit des céréales ou des produits miniers — par exemple, le minerai de fer, qui est l'un des principaux produits d'exportation. J'aurais tendance à croire que nous devançons ces pays sur ces marchés. Au chapitre des produits alimentaires, le pays qui se démarque est la Nouvelle-Zélande. Il y a 30 ans, toute la communauté agricole de la Nouvelle-Zélande était en faillite. Le gouvernement de l'époque n'a pas eu le choix : il a dû éliminer complètement tous les systèmes de soutien.
Je vais vous donner un petit exemple, une situation que la plupart des Canadiens ignorent. Nous sommes très fiers de notre potasse. Nous exportons 5,8 milliards de dollars de potasse dans le monde entier. Le Canada est le plus grand exportateur de potasse au monde.
En 2013, la Nouvelle-Zélande a exporté 13,7 milliards de dollars de produits laitiers, soit 12,7 milliards en dollars canadiens. Il ne s'agit pas de lait proprement dit, mais bien d'une multitude de produits fabriqués à partir du lait. L'une des choses que les représentants de notre organisme font lorsqu'ils sont sur des marchés, n'importe où dans le monde, c'est qu'ils se précipitent dans les épiceries locales pour voir ce qui se trouve sur les étagères et prendre connaissance des habitudes d'achat des habitants.
En Chine, le lait qui se retrouve sur les étagères est habituellement du lait traité aux rayons ultraviolets en provenance de la Nouvelle-Zélande ou de la France. En ce qui concerne les produits laitiers — tous les produits confondus, y compris la crème glacée — la Nouvelle-Zélande est le pays qui a le plus d'influence dans cette région du monde. Dans cet exemple, vous auriez raison : il s'agirait de produits à valeur ajoutée plutôt que de produits de base.
La sénatrice Ataullahjan : Ma question s'adresse à M. Litalien. Sur le plan de la cohabitation des différentes religions et de l'ethnicité, Singapour pourrait être prise comme modèle de tolérance. Qu'est-ce qui fait que Singapour se distingue à ce chapitre? Les autres pays de la région pourraient-ils s'inspirer de son exemple?
M. Litalien : Ce qui a fait la différence, c'est l'histoire. C'est à cause de raisons historiques que Singapour fait des choses que les autres pays ne font pas. Elle n'a pas été marquée autant par le colonialisme et les institutions coloniales que celle d'autres pays de l'Asie du Sud-Est. C'est seulement la façon dont les choses ont tourné. Les écrits donnent l'impression que la population était plus homogène, mais elle comptait un grand nombre de Chinois. Traditionnellement, les Chinois qui vivaient dans la région avaient un amalgame de diverses religions. C'est ce que je veux dire par l'histoire, cette idée qui a fait son chemin. Ils ont très bien réussi. Singapour n'a pas hérité d'un fardeau aussi lourd que celui de la Malaisie, où les Britanniques ont amené un grand nombre d'Indiens et de Chinois. Soixante pour cent de la population de Malaisie ont été écartés des rôles administratifs importants, et également des postes opérationnels importants. Lorsque les Britanniques sont partis, ils ont laissé, en Malaisie, un clivage ethnique qui priorisait les activités des Chinois et des Indiens. Et une fois l'indépendance acquise, le gouvernement de la Malaisie a inversé cette tendance et a adopté des politiques qui favorisaient les Malaisiens plutôt que les Chinois et les Indiens.
À Singapour, ce type de politiques n'était pas nécessaire, car le pays n'avait pas hérité du même fardeau que la Malaisie. Je crois que ce modèle serait difficile à exporter, car j'aimerais souligner que Singapour est unique, tout d'abord, sur le plan du développement économique. Dans une certaine mesure, il y a plus de développement économique qu'au Canada. À mon avis, à Singapour, jusqu'à un certain point, la richesse a été répartie plus équitablement entre les groupes, alors qu'en Malaisie, le clivage ethnique s'est intensifié en ce qui concerne la redistribution de la richesse, et il est donc difficile d'exporter ce modèle.
C'est comme si on prenait les négociations de paix qui se sont déroulées avec les Moros aux Philippines en 2012 et qu'on proposait d'exporter ce modèle d'autonomie aux trois provinces du Sud de la Thaïlande, où l'agitation est constante. Je répondrais que ce n'est pas si facile. C'est la même chose avec l'investissement économique dans la région. Chaque cas doit être évalué. Il faut respecter l'histoire, l'héritage colonial et l'idée que le développement économique ne se fait pas de la même façon partout.
C'est pourquoi c'est un enjeu aussi complexe. Les enjeux de l'Asie du Sud-Est ne seront pas résolus avec une approche universelle. Il faudra certainement qu'une équipe de firmes ou d'experts en consultation se rende sur les lieux et collabore avec la population locale pour trouver une solution.
En résumé, je ne crois pas que cela fonctionnerait.
La sénatrice Ataullahjan : Monsieur LaBelle, quelle a été votre expérience en ce qui a trait à la bureaucratie, aux délais et à la corruption avec vos partenaires économiques dans la région? Trouvez-vous qu'il y a de nombreux délais, et beaucoup de bureaucratie et de corruption? Nous entendons souvent parler de la corruption qui règne dans certains de ces pays.
M. LaBelle : C'est une question récurrente. J'ai mentionné qu'il était important d'enseigner à nos clients certaines notions liées à la monnaie et à la culture. Lorsque nous parlons de culture, il s'agit de la culture de la négociation. Je dirais que l'Asie du Sud-Est est très tranquille comparativement à plusieurs parties du monde où nous menons nos activités, surtout dans de nombreux pays de la CEI, où nous faisons face à certains défis intéressants. Nous sommes confrontés à des défis très pointus en Inde, par exemple, mais je dirais qu'en général, les choses vont bien dans l'Asie du Sud-Est.
Le sénateur D. Smith : J'ai aimé les deux exposés, mais je crois que je vais poser ma question à M. LaBelle. Je dois avouer que je suis un gars de Toronto — je vis même sur la rue Bay —, mais ma belle-mère vient de North Battleford, et j'entends donc des histoires de la Saskatchewan depuis des années.
Ma question concerne les priorités. Les chiffres que vous nous avez donnés sur le taux de croissance de vos exportations en Asie sont très impressionnants. Ils sont même incroyables. Toutefois, j'aimerais savoir s'il y a deux ou trois choses qu'Ottawa pourrait faire pour vous aider à augmenter ces chiffres. Vous avez parlé de plusieurs suggestions. Quelles seraient les deux ou trois choses les plus importantes qu'Ottawa pourrait faire pour vous aider à faire grimper ces chiffres?
M. LaBelle : Merci d'avoir posé la question. La première partie de la question concerne nos problèmes de logistique. Je ne crois pas que les gens de l'est du Canada comprennent ces problèmes ou qu'ils saisissent à quel point ils sont réels. C'est notre talon d'Achille. Notre capacité d'acheminer les produits à un port et de les envoyer par bateau partout dans le monde représente un énorme problème pour nous.
Par exemple, pour mettre des lentilles rouges dans un conteneur de 20 pieds et l'envoyer de Regina à Chittagong, au Bangladesh, il faut des connaissances très poussées. Faites-le 25 000 fois, et cela vous donne une idée de la gravité du problème.
Nous avons un système dans lequel nos chemins de fer ne nous servent pas adéquatement. Nous devons trouver une façon d'y arriver, et bien honnêtement, il pourrait être nécessaire que le gouvernement du Canada réagisse fortement pour comprendre à quel point il s'agit d'un énorme problème.
Car encore une fois, sénateur, nos entreprises de potasse existantes — oubliez les nouvelles entreprises en démarrage — ont dépensé de 8 à 10 milliards de dollars pour tripler leur capacité. Nous avons donc tous les types de capacité mondiale. Nous savons comment trouver des clients à l'échelle internationale. Notre talon d'Achille est la logistique, et notre deuxième faiblesse, comme je l'ai mentionné dans ma présentation, est le Plan d'action sur le commerce mondial. Nous appuyons absolument le ministre Fast et ses voyages mondiaux; nous les appuyons, car nous faisons la même chose. Toutefois, je dirais que le Service des délégués commerciaux du Canada doit cesser de parler d'activités. Ses membres doivent commencer à parler de la façon de faciliter les transactions, de trouver des acheteurs, de collaborer avec nous pour qu'ils soient admissibles et de saisir les occasions qui se présentent.
Il y a deux domaines dans lesquels, à mon avis, il est nécessaire d'avoir une influence fédérale énergique.
Le sénateur D. Smith : Merci de mettre l'accent là-dessus. Je crois que nous devrions noter cela dans notre rapport.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Monsieur Litalien, vous avez dit, si j'ai bien compris, qu'il y avait des endroits où le salaire quotidien, pour une journée, était de 1,25 $. Est-ce que j'ai bien compris?
[Traduction]
M. Litalien : Non, non, j'ai seulement souligné le seuil de pauvreté de 1,25 $ comme mesure pour l'ANASE. Par exemple, comment l'association mesure-t-elle qui est au-dessus et qui est en dessous du seuil de pauvreté pour produire ses statistiques? Je reconnaissais seulement qu'elle utilise une méthodologie similaire à celle que nous utiliserions au Canada. C'est tout.
Le sénateur Robichaud : Quelle donnée utilise-t-elle? Est-ce 1,25 $ par jour?
M. Litalien : Oui, c'est 1,25 $ par jour. C'est exact.
Le sénateur Robichaud : Il y a beaucoup à faire pour se rendre là, n'est-ce pas?
M. Litalien : Oh oui, certainement. Au Myanmar, il y a des gens qui vivent — cela dépend également du pays que vous visitez, car des gens survivent parfois sans pouvoir joindre les deux bouts — avec un salaire équivalant à 10 $ CAN par semaine, mais il ne faut pas oublier que le coût de la vie est très bas au Myanmar.
Cela dépend de chaque pays. Encore une fois, il est très difficile de brosser un tableau général. Je dirais que dans l'ensemble, la pauvreté est à la baisse dans toutes les régions. Tous les pays tentent d'atteindre l'Objectif du Millénaire pour le développement.
Ils disent qu'ils sont sur la bonne voie et qu'ils font des progrès, mais sur le plan financier, sur le terrain, il y a d'énormes différences entre le Myanmar et Singapour, par exemple. Et c'est en comparaison, n'est-ce pas? D'un côté, vous avez un pays où il y a l'équivalent de 2 000 $CAN par année, et de l'autre, un pays avec l'équivalent de 40 000 $CAN par année.
Bienvenue dans la région des contrastes. Encore une fois, cela ramène à la diversité et à ce que je tentais de faire valoir dans mon exposé, c'est-à-dire qu'il vous faudra envoyer une équipe différente dans chaque région où vous vous rendrez.
Le vice-président : J'aimerais remercier les témoins au nom des sénateurs du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. Nous savons à quel point vous êtes occupés, et nous vous sommes reconnaissants de votre témoignage d'experts. Je suis sûr qu'il va se retrouver dans notre rapport lorsque nous le publierons.
J'aimerais encore une fois vous remercier au nom de tous ceux qui ont participé à la réunion.
(La séance est levée.)