Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international
Fascicule 14 - Témoignages du 18 juin 2014
OTTAWA, le mercredi 18 juin 2014
Le Comité sénatorial permanent des affaires et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 16 h 33, pour étudier les conditions de sécurité et les faits nouveaux en matière d'économie dans la région de l'Asie-Pacifique, leurs incidences sur la politique et les intérêts du Canada dans la région, et d'autres questions connexes.
La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, je constate que nous avons le quorum. Nous sommes un peu en retard en raison du vote à la Chambre.
Aujourd'hui, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international poursuit son étude sur les conditions de sécurité et les faits nouveaux en matière d'économie dans la région de l'Asie-Pacifique, leurs incidences sur la politique et les intérêts du Canada dans la région, et d'autres questions connexes.
Dans le cadre de la réunion d'aujourd'hui, nous sommes heureux d'accueillir M. Eric Gerardo Tamayo, chargé d'Affaires et ministre et consul général à l'ambassade de la République des Philippines au Canada. Il est accompagné de M. Porfirio Mayo Jr., premier secrétaire et consul à l'ambassade et de Mme Flerida Ann Camille P. Mayo, ministre et consul.
Je suis désolée de notre retard, mais comme vous le comprenez, les fonctions et les votes à la Chambre sont obligatoires. Nous vous remercions de votre patience.
Comme je vous l'ai indiqué plus tôt, nous sommes très heureux que vous soyez ici pour nous fournir quelques renseignements et votre avis dans le cadre de notre étude sur l'Asie-Pacifique, en particulier en ce qui concerne votre pays, les Philippines. Bienvenue au comité. Je sais que vous avez un exposé, et nous vous poserons ensuite des questions. Veuillez livrer votre exposé.
Eric Gerardo Tamayo, chargé d'Affaires, ministre et consul général, Ambassade de la République des Philippines au Canada : Bonjour, honorable sénatrice Raynell Andreychuk, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, et bonjour, honorables membres du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.
Tout d'abord, permettez-moi encore une fois de signaler la présence de mes collègues de mission ici à Ottawa. À ma droite, vous voyez Flerida Ann Camille P. Mayo, ministre et consul, et à ma gauche, Porfirio Mayo Jr., premier secrétaire et consul. Nous nous partageons diverses tâches et activités politiques et économiques à l'ambassade.
Nous vous remercions beaucoup de votre accueil chaleureux. C'est vraiment un honneur et un privilège pour nous de comparaître devant vous aujourd'hui et de vous fournir des renseignements sur les développements en matière de sécurité et d'économie dans les Philippines dans le cadre des relations bilatérales avec le Canada et de nos liens plus étendus avec nos partenaires internationaux. Le temps et le privilège que vous nous avez accordés ont été bien choisis, car la nation des Philippines vient juste de célébrer le 116e anniversaire de la Proclamation de l'indépendance des Philippines. Permettez-moi d'approfondir la façon dont un tel jalon fournit un contexte important aux efforts et aux activités des Philippines modernes.
Peu de gens savent qu'après la formation de son gouvernement, notre premier président, général Emilio Aguinaldo, a envoyé le premier émissaire diplomatique philippin, Felipe Agoncillo, obtenir l'appui international pour la jeune république. M. Agoncillo a voyagé aux États-Unis et a traversé le Canada, en s'arrêtant à Montréal et à Halifax et, peut-être en présage aux défis liés aux activités diplomatiques, il a même survécu au naufrage d'un navire entre Halifax et l'Écosse alors qu'il se rendait en Europe afin d'empêcher la signature du Traité de Paris, qui aurait forcé l'Espagne à céder les Philippines aux États-Unis. Toutefois, les réalités internationales de l'époque ont forcé l'empire de l'Espagne en déclin à céder les Philippines aux États-Unis dans le cadre de la politique étrangère expansionniste en émergence de ce pays.
Nos ancêtres qui ont participé à la révolution des Philippines ont légué aux Philippins d'aujourd'hui la mission et la responsabilité de faire valoir les principes de la paix, de la liberté, de la démocratie et de la primauté du droit. Ces mots résonnent sur les murs vénérables de cette pièce, car ce sont les mêmes principes défendus par le Canada, et le gouvernement actuel des Philippines poursuit son engagement envers une réforme étendue et durable qui demeure fidèle à ces nobles aspirations.
Les Philippines exécutent un programme résolument axé sur la réforme. Notre quête de liberté se renouvelle sans cesse, car nous tentons maintenant de libérer la majorité de notre peuple de la pauvreté.
Le contrat social conclu entre le président Benigno S. Aquino III et le peuple philippin a poussé le gouvernement à entreprendre une mission de transformation sur les plans économique et politique. Ce contrat comporte cinq secteurs d'intervention : une bonne gouvernance, la réduction de la pauvreté, une croissance économique soutenue, la justice et les droits de la personne, et la protection de l'environnement et l'adaptation au changement climatique et son atténuation.
Les Philippines continuent de faire des progrès dans de nombreux domaines cernés par le pays, et j'aimerais souligner certains exemples où nos partenaires internationaux, surtout le Canada, sont intervenus pour fournir une aide cruciale, des conseils, des pratiques exemplaires et des perspectives à l'appui des initiatives du gouvernement et de la progression de nos relations bilatérales.
Les fondements de l'économie des Philippines sont solides. En 2013, même si le pays se trouvait sur la trajectoire du typhon le plus puissant enregistré dans l'histoire moderne cette année-là, l'économie des Philippines a connu une croissance de 7,3 p. 100, ce qui est beaucoup plus élevé que les prévisions, même celles d'avant l'arrivée du super typhon.
Le Fonds monétaire international a classé l'économie des Philippines au 40e rang mondial, et selon les banques de Hong Kong et de Shanghai, notre économie est en voie d'avoir le 16e PIB le plus important du monde d'ici 2050.
Le Forum économique mondial, qui a tenu son Sommet de l'Asie de l'Est à Manille le mois dernier, a grandement révisé à la hausse ses prévisions pour les Philippines. Au cours des trois dernières années, les Philippines ont gravi les échelons du classement des World Competitiveness surveys de l'International Institute for Management Development, et la Banque mondiale a indiqué qu'il était beaucoup plus facile de faire des affaires dans le pays. L'Heritage Foundation a souligné la façon dont les Philippines avaient amélioré leur position dans le classement de l'Indice de liberté économique. De plus, les trois agences de notation importantes de Moody's, Standard & Poor's et Fitch ont toutes augmenté la cote de solvabilité de l'économie des Philippines.
De nombreux analystes expérimentés et astucieux prévoient une nouvelle ère pour les Philippines, et ils s'émerveillent devant ce qu'ils appellent le « phénomène des Philippines », ce qui fait de notre économie une véritable variable inconnue en matière d'investissement.
L'économie est essentiellement dirigée par le secteur des services, qui représente maintenant environ 57 p. 100 du PIB. Notre secteur de la fabrication connaît une remontée, et nous continuons d'augmenter nos dépenses en matière d'infrastructure, qui ont plus que doublé, passant de 5 milliards de dollars en 2011 à plus de 10 milliards de dollars en 2014.
La capacité des Philippines d'amasser 92 milliards de dollars en réserves étrangères en 2013, amplifiée par plus de 22 milliards de dollars en transfert de fonds de ressortissants à l'étranger, couvre notre dette extérieure à court terme, aide à survivre aux perturbations mondiales et contribue même aux efforts de reconstruction et de rétablissement à l'échelle mondiale en vue de réduire les effets persistants de la crise financière mondiale ailleurs.
Nos gestionnaires de l'économie ont réussi à contenir l'inflation, qui était à son point le plus bas en six ans à la fin de 2013, c'est-à-dire 3 p. 100. De plus, notre déficit public était moins élevé que prévu à la fin de l'année dernière, c'est-à- dire 4 milliards de dollars au lieu des 5,7 milliards de dollars prévus. Le pays a terminé l'année avec un excédent courant de 9,4 milliards de dollars, ou l'équivalent de 3,5 p. 100 de notre produit intérieur brut.
Parmi les intervenants et les partenaires internationaux du public et des secteurs privés, on manifeste un bel optimisme à l'égard de la croissance de l'industrie agroalimentaire, de l'impartition des processus administratifs, des industries créatives, et des divers projets d'infrastructure axés sur les aéroports, la production d'énergie, les routes et les voies ferrées, les ports de mer, les télécommunications et l'eau. Nous avons également cerné des domaines de croissance clés, notamment la fabrication et la logistique, l'industrie minière, le tourisme, les voyages médicaux et la retraite. Pendant ce temps, notre programme de partenariat public-privé vise à construire et à renouveler l'infrastructure de notre pays.
En fait, avec un âge moyen de la population de 22 ans et plus, les Philippines se trouvent à l'aube de ce qu'on appelle une situation démographique idéale qui devrait durer, selon les prévisions, pendant les 50 prochaines années, entraînant une productivité et une consommation accrues. De plus, les Philippines se trouvent maintenant au 5e rang général en ce qui concerne l'égalité entre les sexes, car les femmes participent activement à l'économie.
L'éducation et les services sociaux ont la priorité dans le budget national. Le niveau d'alphabétisation fonctionnel aux Philippines s'élève à 86,4 p. 100, et les taux d'alphabétisation simples s'appliquent à 92.3 p. 00 de la population. Le passage au système scolaire de la maternelle à la 12e année nous permet d'harmoniser notre système scolaire avec le reste du monde et favorise les équivalences de compétences et de crédits pour la prochaine génération de Philippins. Un programme de paiements conditionnels à un taux de fréquentation minimal est une mesure pour inciter 2,2 millions d'enfants philippins à poursuivre leur éducation.
Les Philippines sont l'une des nations les plus riches en minéraux, avec une richesse minière potentielle de plus de 840 milliards de dollars. Le pays occupe le 3e rang pour les réserves d'or, le 4e pour le cuivre, le 5e pour le nickel et le 6e pour la chromite.
Ce qui attire les investissements aux Philippines, c'est le mode de vie accueillant et semblable à celui de l'Occident, et le fait qu'on y trouve l'un des plus grands marchés de consommation au monde, grâce à une population de 100 millions d'habitants en croissance.
Les Philippines sont devenues le 4e plus grand constructeur de navire dans le monde, et c'est maintenant un centre mondial d'assemblage électronique, un centre de fabrication de pièces d'auto, un centre de services de soutien logistique fiable et le pays se classe parmi les meilleurs au monde en ce qui concerne l'impartition des processus administratifs.
En fait, les centres de services partagés ont connu une croissance très rapide. Un grand nombre d'entreprises du palmarès Fortune 500 ont fait des Philippines la capitale mondiale des centres d'appels, pendant que croît l'industrie de l'impartition des processus administratifs entre les Philippines, l'Inde et le Canada.
Il reste toujours des défis. Les dommages causés par les quelque 20 typhons qui touchent les Philippines chaque année représentent la plus grosse partie des coûts économiques auxquels fait face le gouvernement de façon continue. Néanmoins, les Philippines font preuve d'un talent indéniable pour la résilience. Au-delà des cas de force majeure, le gouvernement continue de progresser dans les principaux domaines de préoccupations.
Le président Aquino affirme que les Philippines connaissent un revirement spectaculaire dans chaque secteur, et le gouvernement a l'intention de poursuivre cette tendance et de veiller à ce que chaque Philippin profite au maximum des retombées des progrès réalisés, et il a l'intention de faire diminuer le taux de chômage, qui s'élevait à 7,3 p. 100 à la fin de 2013.
Le premier point à l'ordre du jour est de favoriser la transparence en luttant contre la corruption, car on souhaite rendre le milieu de l'investissement plus attirant, en aidant les industries à devenir plus concurrentielles et en exerçant une gestion fiscale prudente tout en augmentant les revenus et en équilibrant les dépenses publiques. Ces efforts génèrent un consensus parmi la population qui appuie les plans de réforme du président.
Le gouvernement croît que de nombreuses choses peuvent être accomplies, surtout avec l'aide de nos amis de la communauté internationale, et surtout avec l'aide d'un vrai ami comme le Canada.
Les trois dernières années ont été très importantes sur le plan des relations entre les Philippines et le Canada. Une entente de 2012 formant une commission conjointe pour la collaboration bilatérale se fonde sur des ententes précédentes clés en matière de protection de l'investissement et d'évitement de la double imposition, et elle étend les efforts de collaboration pour atteindre un large éventail d'éléments liés aux relations.
Des visites de haut niveau et des échanges se sont également déroulés. Le président Aquino a accueilli le premier ministre Stephen Harper à Manille en novembre 2012. Des visites ont également été effectuées par le ministre des Affaires étrangères John Baird, le ministre du Commerce international Ed Fast, le ministre de l'Environnement de l'époque Joe Oliver, le ministre du Développement international Christian Paradis et le secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, Deepak Obhrai. Des premiers ministres provinciaux, notamment Christy Clark de la Colombie-Britannique, Brad Wall de la Saskatchewan et Greg Selinger du Manitoba ont également mené des missions aux Philippines.
Cette année, nous espérons pouvoir concrétiser une visite du président Aquino en personne au Canada.
La relation économique entre les Philippines et le Canada a fait beaucoup de chemin depuis l'établissement de relations diplomatiques officielles en 1949, et même depuis que la Sun Life Financial s'est établie à Manille en 1895, suivie de Manulife en 1907. Au cours des dernières années, des entreprises canadiennes telles TELUS et CAE se sont installées aux Philippines.
Pendant ce temps, plus tôt cette année, nous avons inauguré le programme de tourisme spécial qui sera mis en œuvre chaque hiver pour les retraités du Canada qui voyagent pendant cette saison, un programme prometteur pour l'accroissement du tourisme.
Le Canada se classe parmi les 10 marchés de tourisme les plus importants pour les Philippines. Il a occupé le huitième rang général en 2013, représentant 3 p. 100 des arrivées du tourisme cette année-là. Environ 131 381 touristes canadiens ont visité les Philippines en 2013, alors qu'environ 65 000 Philippins ont visité le Canada en 2012.
Le Canada, par l'entremise de diverses initiatives d'aide au développement, a contribué à améliorer les capacités des unités gouvernementales locales, à faciliter les flux de transfert de fonds, à favoriser l'atténuation des effets des catastrophes naturelles et à fournir une réponse d'urgence et des secours rapides.
Le Canada a grandement contribué à favoriser la paix et la stabilité dans le pays, car il a joué un rôle actif et important dans la récente réussite du processus de paix dans le Sud des Philippines et dans la percée majeure de l'entente de paix entre le gouvernement des Philippines et le Front Moro Islamique de libération.
Le 27 mars 2014, après plus de 20 ans de négociations et même une période prolongée d'animosité et de conflits dans les régions de l'île de Mindanao, au sud de l'archipel des Philippines, les parties ont signé, à Manille, le traité global de paix sur le Bangsamoro.
Le Canada a été essentiel à l'élaboration du processus et à la mise en œuvre du traité. Le président Aquino a souligné les rôles joués par le Canada en tant que membre de la Commission indépendante sur le maintien de l'ordre et les contributions du Canada au Fonds fiduciaire de Mindanao.
Par sa participation active à la concrétisation de l'entente, le Canada a exprimé sa volonté de continuer à aider les Philippines, car il demande à tous les Philippins de poursuivre leurs efforts de collaboration pour assurer le succès du traité, pour le mettre en œuvre de bonne foi et pour surmonter l'héritage des conflits.
Puisque j'aborde maintenant les conflits et les tensions, je suis certain que les honorables sénateurs sont au courant des développements récents dans la mer occidentale des Philippines, aussi connue sous le nom de mer de Chine méridionale. Les Philippines s'inspirent des initiatives du Canada pour gérer l'évolution de la situation dans cette région.
Récemment, une importante partie requérante a pris des mesures de plus en plus énergiques pour consolider ses pouvoirs administratifs et accroître sa présence militaire dans cette importante étendue d'eau. Allant à l'encontre de l'esprit d'une déclaration régionale sur la conduite des parties dans la mer de Chine méridionale, les mesures unilatérales de cette partie requérante soulèvent des préoccupations dans la région en raison de sa tentative de maintenir et de légitimer des revendications territoriales douteuses fondées sur des frontières arbitraires, ce qui représenterait une violation concrète de la Convention des États-Unis sur le droit de la mer de 1982.
Dans les années 1990, le Canada a appuyé les initiatives de la phase II axée sur le soutien des initiatives en matière de sécurité maritime dans l'Asie du Sud-Est. Ces dialogues ont peut-être ralenti, mais nous insistons sur la nécessité et l'urgence d'adopter des approches multilatérales à multiples intervenants, comme celles qui avaient été adoptées à l'époque par le Canada et qui sont pertinentes dans le contexte des tensions récentes.
À ce point-ci, les Philippines ont épuisé l'utilité des modalités des négociations bilatérales en tentant d'atteindre son objectif de résoudre le conflit maritime et, si possible, le conflit territorial.
De plus, étant donné les multiples parties réclamantes, une solution multilatérale est requise pour résoudre complètement n'importe quel conflit. Lorsque nous nous en sommes rendu compte, nous avons reconnu la nécessité d'envisager l'arbitrage comme moyen de résoudre les conflits.
À l'échelle nationale et internationale, on appuie fortement le plan des Philippines de résoudre les conflits de façon pacifique en se fondant sur des règles qui respectent les principes universellement reconnus du droit international. L'application opérationnelle d'une approche fondée sur les règles dans la résolution et la gestion des conflits dans la mer de Chine méridionale fait intervenir des volets complémentaires de l'arbitrage des conflits maritimes dans le cadre de l'UNCLOS et l'adoption rapide d'un code de conduite régional.
La clarification pacifique des droits maritimes dans la mer de Chine méridionale dans le cadre d'un arbitrage mené par une tierce partie aux termes de l'UNCLOS favorise la primauté du droit dans les relations entre les nations. Les Philippines continuent de déployer des efforts pour faire progresser et améliorer ses relations avec d'autres parties en se fondant sur le respect mutuel et l'égalité en matière de souveraineté.
Le président Aquino a récemment de nouveau réclamé un soutien plus senti de la communauté internationale en faveur des Philippines dans ce dossier. L'engagement de pays amis d'importance dans la région est essentiel, car cet enjeu peut avoir des répercussions profondes sur la paix et la sécurité dans l'Asie-Pacifique, la possibilité de se livrer librement et en toute sécurité à des activités maritimes et commerciales, et les perspectives économiques et la stabilité à long terme de la région.
Cette approche multilatérale basée sur des règles est également conforme à ce qu'ont réclamé les dirigeants des pays du G7 réunis ce mois-ci à Bruxelles. Ils se sont dits fortement préoccupés par les tensions qui se manifestent dans la mer de Chine orientale et la mer de Chine méridionale. Les pays du G7 s'opposeront à toute tentative unilatérale de l'une ou l'autre des parties en cause pour faire valoir ses revendications territoriales ou maritimes au moyen de l'intimidation, de la coercition ou de la force. Ils ont ainsi demandé à tous de préciser leurs revendications territoriales et maritimes et de s'employer à les faire reconnaître dans le respect du droit international.
Dans le contexte de ces faits nouveaux, le Canada est bien positionné pour miser sur sa situation de pays maritime afin de favoriser la paix et la primauté du droit dans la région dans le cadre d'engagements multilatéraux.
Si l'on délaisse les scénarios de conflits internes et externes pour parler des phénomènes naturels et du changement climatique, on peut dire que le Canada a bien épaulé les Philippines. Les Philippins n'oublieront jamais la générosité et la grandeur d'âme dont les Canadiens ont fait montre à leur endroit. Les gouvernements fédéral et provinciaux de même que les citoyens canadiens se sont empressés de venir à notre aide à la suite du typhon Haiyan. Pendant que l'Équipe d'intervention en cas de catastrophe s'affairait à sauver des vies humaines, les Canadiens ont contribué à un fonds spécial dont la valeur a totalisé plus de 170 millions de dollars grâce aux sommes versées par le gouvernement canadien en contrepartie. Il faut également noter que le Canada s'était aussi engagé il y a quelques années à contribuer à un fonds d'atténuation des effets des catastrophes pour la région de l'ANASE.
Cette situation met en lumière un aspect qui ressort des relations entre les Philippines et le Canada, à savoir l'intensification des échanges entre les deux pays au niveau individuel.
Les Philippines sont devenues la principale source de nouveaux immigrants pour le Canada, et les Philippins forment maintenant la troisième plus importante communauté ethnique au pays. Le tagalog est la langue qui connaît la croissance la plus rapide au Canada. Grâce à l'ouverture d'esprit sans pareille du Canada, à l'importance qu'il accorde au multiculturalisme et à la diversité, et à l'environnement accueillant qu'on peut y trouver, toutes les conditions étaient réunies pour que des immigrants philippins choisissent de s'établir ici et assument désormais leur rôle à titre de citoyens proactifs, compatissants et responsables qui font partie intégrante de la société canadienne.
À l'extérieur des volets d'immigration réguliers, les Philippines sont aussi devenues une source de main-d'œuvre importante pour le Programme des travailleurs étrangers temporaires conçu et mis en œuvre par le gouvernement canadien au cours des dernières années. Dans ce contexte, nous avons exercé des pressions en vue de continuer à renforcer la coopération en matière de main-d'œuvre entre les deux pays aux échelons provincial et fédéral.
Il faut en effet considérer que les envois de fonds par des ressortissants philippins au Canada ont totalisé 1,97 milliard de dollars en 2012. Parmi les 10 pays comptant le plus de ressortissants philippins, c'est au Canada que les envois de fonds par personne étaient les plus élevés.
Plus que jamais, les citoyens d'origine philippine enrichissent le tissu social et culturel de la société canadienne. De toute évidence, les valeurs communes à ces deux peuples facilitent grandement les interactions et les relations individuelles.
Dans son message à la communauté internationale, le premier ministre Harper a souligné l'énorme contribution de la communauté philippine en pleine croissance dans plusieurs secteurs de la société canadienne. Elle aide ainsi à bâtir un Canada plus fort et plus prospère tout en améliorant encore davantage les relations bilatérales entre les deux pays. Autrement dit, les ressortissants philippins aident leurs compatriotes canadiens et leurs employeurs à hausser leur niveau de vie. En effet, les citoyens d'origine philippine aident les entreprises à créer de l'emploi, à accroître leur productivité et à offrir une meilleure qualité de vie à l'ensemble des Canadiens.
Il apparaît clair que les économies des Philippines et du Canada suivent une trajectoire ascendante et vivent des transformations considérables, et une bonne part de tout cela est le fruit du dur labeur, de la compassion et de la détermination de tous ces gens qui rendent possibles une telle croissance et des débouchés semblables au bénéfice de tous.
Le Canada doit une bonne part de sa croissance économique remarquable à la perspicacité dont il a fait montre au cours des dernières années en adoptant un plan d'action économique davantage ouvert sur le monde en vue de créer des emplois et d'offrir un meilleur niveau de vie aux familles canadiennes. De nombreuses entreprises canadiennes se tournent donc maintenant vers les marchés de l'Asie et de l'ANASE pour prospérer et croître.
L'ANASE fait partie des marchés importants qui sont ciblés dans le nouveau Plan d'action sur les marchés mondiaux du Canada. La Communauté économique de l'ANASE s'apprête à voir le jour avec la concrétisation du rêve d'un marché commun à la fin de 2015.
Ce mois-ci, un jalon important a été posé dans les relations entre l'ANASE et le Canada lorsque le ministre Ed Fast a personnellement accueilli ses homologues responsables du commerce et de l'économie des 10 pays membres de l'ANASE avec lesquels il a eu des échanges cordiaux. Le message du ministre a été très clair : le Canada veut être un partenaire privilégié de l'ANASE, et entend considérer l'ANASE de la même manière.
Dans le contexte de l'avènement prochain de la Communauté économique de l'ANASE, l'établissement de partenariats avec les Philippines revêt une importance stratégique considérable, et les entreprises canadiennes pourraient être bien avisées d'installer leurs têtes de pont aux Philippines pour rejoindre cette communauté économique, que ce soit pour offrir leurs produits et services dans le pays ou dans la région tout entière. La présence aux Philippines d'une main-d'œuvre très instruite ayant une grande capacité d'adaptation et une bonne maîtrise de l'anglais se prête bien à l'établissement de saines relations de travail et offre un atout incomparable pour tout projet d'entreprise ou de développement économique.
Les excellentes relations entre les Philippines et le Canada devraient inciter les deux pays à établir de solides bases de partenariat dans le secteur socioculturel et l'entrepreneuriat, et nous nous réjouissons à la perspective d'en accomplir davantage par le truchement de nos efforts conjugués pour créer de la valeur et améliorer la qualité de vie des Canadiens et des Philippins. Merci beaucoup de m'avoir écouté.
La présidente : Merci pour cet exposé très approfondi. Je pense que vous avez traité d'à peu près tous les sujets qui peuvent nous intéresser.
J'ai une liste de sénateurs qui souhaitent vous poser des questions. Comme nous avons peu de temps à notre disposition, je demande à chacun d'être aussi bref que possible.
Le sénateur Housakos : Merci, madame la présidente, et merci à nos témoins de leur présence aujourd'hui.
Le Canada attache effectivement une grande valeur aux bonnes relations que nous avons su établir avec les Philippines, tout comme à la formidable société pluraliste, multiculturelle et bilingue que nous avons pu construire ici avec l'aide de gens venant de toutes les régions du monde, y compris les centaines de milliers de Philippins qui ont grandement contribué au développement de notre pays.
L'une de mes questions concerne la diversité religieuse, la tolérance et le respect mutuel. Comme c'est le cas dans toute la région de l'Asie du Sud-Est et du Pacifique, les Philippines doivent composer avec une multiplication des groupes religieux, ce qui ne manque pas de créer certaines tensions.
J'aimerais savoir comment les choses se passent à ce chapitre actuellement aux Philippines. Que fait l'État pour promouvoir la coexistence multiconfessionnelle au pays?
M. Tamayo : Merci pour cette question. L'une des manifestations les plus tangibles des efforts en faveur de la diversité et de la tolérance aux Philippines a certes été l'adoption récente de lois visant à intégrer des fêtes religieuses au calendrier du pays afin de souligner ces dates importantes pour nos communautés non chrétiennes, surtout au sud de Mindanao.
De nombreuses activités interconfessionnelles ont également cours, surtout au niveau de la société civile, où l'on se rend compte de plus en plus de la nécessité d'intégrer les valeurs des groupes minoritaires et indigènes des Philippines. Il va de soi que nous prenons pour exemple les succès obtenus par le Canada à ce chapitre avec ses groupes des Premières Nations et la mise en œuvre de sa politique en matière de diversité et de multiethnicité. Nous voudrions également nous en inspirer.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : Monsieur Tamayo, soyez le bienvenu. J'aurai un petit commentaire à faire, mais ce n'est pas sur cela que portera ma question. Le Canada et les Philippines échangent près de 1,7 milliard de dollars en commerce et en investissements. Toutefois, la balance commerciale est largement déficitaire pour le Canada. Peut-être qu'il y a des avenues qui n'ont pas été explorées jusqu'à présent et qui pourraient ramener un certain équilibre dans nos échanges commerciaux. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Cependant, je vais poser une question à laquelle j'aimerais avoir une réponse.
Quelles sont les principales difficultés auxquelles sont confrontées les entreprises canadiennes et les autres entreprises étrangères qui cherchent à faire des affaires aux Philippines?
[Traduction]
M. Tamayo : Les commentaires que nous entendons le plus souvent des investisseurs traitent des restrictions de nature juridique et constitutionnelle qui font en sorte que certains secteurs pouvant intéressés les étrangers sont réservés à des entreprises du pays.
Certains obstacles sont d'ordre structurel et exigent des modifications à nos lois et à notre constitution. Notre gouvernement se penche sur la question et cherche des moyens d'aplanir ces écueils, mais nous pouvons certes voir ici que la solution réside dans des changements afin d'ouvrir certains secteurs aux investissements.
C'est ce qu'ont pu remarquer les analystes et les observateurs. Nous avons réalisé des progrès considérables en facilitant un tant soit peu les efforts des entreprises qui souhaitent faire des affaires aux Philippines. Je pense donc que nous progressons effectivement dans la bonne direction.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : Quels sont ces empêchements? Est-ce que vous pouvez les énumérer ou est-ce qu'ils sont secrets et que seul votre pays les connaît?
[Traduction]
M. Tamayo : Non, pas du tout. Nous pouvons laisser au comité de l'information sur le climat d'investissement aux Philippines, et notamment une liste indiquant les secteurs réservés aux Philippins et ceux où les étrangers sont les bienvenus. C'est ce qu'on appelle notre « liste noire », et nous pouvons la fournir au comité.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : J'aurais quand même voulu savoir dans quels domaines les Canadiens ne peuvent pas investir.
[Traduction]
M. Tamayo : Il y a d'abord le secteur du commerce au détail qui est pour ainsi dire limité aux entreprises philippines. C'est à peu près la même chose pour les services publics, comme l'énergie, l'approvisionnement en eau et les télécommunications. De grands détaillants comme La Baie, Walmart et Target essaient de s'implanter aux Philippines, mais doivent établir un partenariat avec une entreprise du pays à cette fin.
La sénatrice Jaffer : Merci beaucoup pour votre exposé. Comme l'indiquait le sénateur Housakos, nous pouvons compter sur une très importante diaspora en provenance des Philippines et nous attachons une grande importance à tous ces éléments que vous avez soulevés. Vous avez parlé de la signature d'un accord avec le Front Moro Islamique de libération. Dans quelle mesure le gouvernement a-t-il pu mettre en œuvre les modalités de cet accord de paix? Plus important encore, nous savons qu'il persiste une grande pauvreté dans la région où on y est parvenu, et j'aimerais savoir quelles mesures sont prises pour aider les gens à s'affranchir de cette pauvreté abjecte.
M. Tamayo : Merci pour cette question. L'accord a été signé en mars dernier. On fera le suivi de sa mise en œuvre au cours des prochains mois, et nous avons convié nos partenaires internationaux à venir s'assurer que les dispositions de l'accord sont bel et bien mises en application.
Quant aux effets tangibles de l'accord, il faut bien sûr considérer que son premier avantage à court terme est de restaurer la paix et la stabilité dans la région. Vous conviendrez sans doute avec moi que c'est là une condition tout à fait essentielle pour la reprise de l'activité économique dans cette portion du pays qui est sans doute la plus touchée et la moins développée. On a convenu d'un partage des sphères de responsabilité entre les instances locales et le gouvernement national, à l'instar de ce qui se fait au Canada où certaines activités sont de compétence fédérale et plusieurs autres relèvent des provinces. Cela comprend le régime fiscal et la création d'entreprises appartenant à l'État ou sous contrôle étatique pour permettre aux dirigeants de ces régions de réagir rapidement et de mettre en œuvre directement les programmes qui bénéficieront aux résidents locaux. Nous espérons que tout cela se mettra en branle au cours des prochains mois.
La sénatrice Jaffer : Je vous demandais quel soutien est offert aux gens devant vivre dans cette extrême pauvreté. Notre étude porte sur la sécurité. Si les conditions de vie demeurent aussi épouvantables, ne craignez-vous pas de voir les gens recourir de nouveau à la violence si on ne les aide pas financièrement à sortir de cette pauvreté qui est le lot de bien des gens de la région?
Il va de soi que l'accord a suscité chez les personnes touchées l'espoir de résultats plus concrets et de jours meilleurs. Nous discutons assurément avec nos partenaires internationaux. Je pense que le Canada envisage des moyens d'offrir du travail dans le cadre d'initiatives de développement dans cette région du globe, laquelle est également bénéficiaire du programme de transferts de fonds conditionnels dont j'ai parlé dans ma déclaration préliminaire.
Ce programme vise certains secteurs précis au bénéfice des femmes et surtout des enfants. Il mise en partie sur des subventions de même que sur des mesures visant à faciliter les activités de protection de l'environnement, la création de microentreprises et l'accès à des emplois garantis, ce qui devrait bénéficier à des milliers de personnes dans cette partie du pays.
Tout cela s'inscrit dans un vaste programme de réduction de la pauvreté financé par le gouvernement qui devrait, nous l'espérons, profiter immédiatement aux gens de la région de Bangsamoro.
Le sénateur Oh : Merci de votre présence aujourd'hui. Les Philippines représentent le marché qui connaît la croissance la plus rapide en Asie du Sud-Est. Je crois également que le pays a récemment été décrit comme le nouveau tigre de la haute technologie en Asie, alors que plus de 60 p. 100 des Philippins possèdent un téléphone intelligent. Pourriez-vous nous parler des industries de pointe aux Philippines dans lesquelles les Canadiens pourraient investir?
M. Tamayo : Nous voudrions certainement que les sociétés de capital-risque, les institutions financières et même les investisseurs providentiels soient au fait des possibilités qui s'offrent à eux, surtout dans l'industrie des technologies de l'information. Le secteur des services misant sur ces technologies fait des pas de géant aux Philippines, une progression plutôt récente attribuable aux importants investissements consentis par le pays depuis une quinzaine d'années pour améliorer son infrastructure en la matière.
Nous constatons que ces investissements portent fruit lorsque nous voyons toutes ces entreprises du secteur de la technologie de l'information venir aux Philippines pour confier certains travaux en sous-traitance ou recruter nos experts et nos spécialistes pour fournir d'importants services partout sur la planète.
Voilà pour ce qui est des services. Du côté manufacturier, les composantes électroniques représentent le gros de nos exportations, surtout à destination du Canada. Une grande partie de ce travail consiste en la fabrication de pièces d'origine, mais nos manufacturiers sont de plus en plus nombreux à envisager des activités d'ordre plus général pour répondre aux besoins des consommateurs. Ce sont sans doute des secteurs qui pourraient intéresser plusieurs investisseurs canadiens de capital-risque.
Les débouchés ne se limitent pas au secteur des technologies de l'information, comme en témoigne le travail de différentes chambres de commerce étrangères aux Philippines qui ont relevé au moins sept secteurs propices aux investissements étrangers.
Le secteur des technologies de l'information n'est donc que l'un d'entre eux. Il y a également ceux des agroentreprises, des industries créatives, de la fabrication et de la logistique, des mines, du tourisme, du tourisme médical et même de la retraite. Du côté des infrastructures, il y a les aéroports, les ports maritimes et les autoroutes à péage. Ces secteurs sont assurément ouverts aux investisseurs et nous nous sommes engagés dans un programme de partenariat public-privé comme on le fait au Canada pour essayer d'intéresser des investisseurs à participer à différents projets qui exigent une injection importante de fonds.
Le sénateur Oh : Les investissements étrangers sont les bienvenus dans votre secteur des télécommunications?
M. Tamayo : Nous considérons que les télécommunications font partie des services publics, lesquels sont réservés pour le moment aux seules entreprises philippines. Les entreprises étrangères peuvent y investir si elles établissent un partenariat avec une société philippine.
L'industrie des télécommunications est donc pour le moment assujettie aux restrictions prévues dans nos lois.
La sénatrice Johnson : Je suis du Manitoba. C'est notre province qui a accueilli le plus grand nombre d'immigrants philippins au Canada dans les années 1970, et je dois vous remercier pour l'apport de vos compatriotes à l'industrie textile manitobaine. Selon vous, combien d'autres Philippins devraient immigrer au Canada au cours des prochaines années? Vont-ils continuer à occuper le même genre d'emplois? Comment envisagez-vous l'avenir de l'immigration en provenance de votre pays?
M. Tamayo : Merci beaucoup. La croissance de la communauté philippine est telle au Manitoba, et plus particulièrement à Winnipeg, que cette province est maintenant celle qui compte la plus grande proportion de Philippins au pays. Je crois que 5 p. 100 de la population manitobaine est d'origine philippine. Nous avons d'ailleurs proposé d'établir un consulat à Winnipeg.
La sénatrice Johnson : Voilà une très bonne idée.
M. Tamayo : Et j'espère qu'elle se concrétisera. Le Manitoba est l'une des provinces avec lesquelles nous avons conclu une entente de coopération en matière de main-d'œuvre. De fait, cette entente est considérée comme un modèle que nous nous efforçons de suivre lorsque nous envisageons un accord de la sorte avec un autre gouvernement provincial. Si l'occasion se présente, nous espérons pouvoir faire de même à l'échelon fédéral.
Quant à la migration des Philippins, je crois que Statistique Canada a estimé qu'ils seraient un million au Canada en 2020. Ce serait 250 000 ou 300 000 de plus que ce qu'indiquait le dernier recensement en 2011. Nous ne savons toutefois pas où se retrouveront ces Philippins. Tout dépendra sans doute de la manière dont le Canada mettra en œuvre son programme d'immigration, et surtout ses plans d'accroissement dans les autres volets pour permettre à des ressortissants d'autres pays de venir s'installer au Canada.
Nous allons donc surveiller de près les décisions qui seront prises par le Canada en la matière.
La sénatrice Johnson : Y a-t-il beaucoup d'étudiants philippins au Canada? Est-ce que ce nombre augmente ou diminue?
M. Tamayo : C'est en hausse. Ce n'est toutefois rien comparativement à d'autres pays comme la Chine ou le Vietnam. Il y a en avait près d'un millier en 2012. C'est certes un chiffre que nous souhaiterions également voir augmenter, et il y a différentes possibilités qui s'offrent à nous à cette fin, comme le programme national d'échanges du Canada, ou d'autres ententes sur la mobilité des jeunes qui pourraient être ciblées sur le secteur étudiant.
La sénatrice Johnson : Je sais que le modèle établi au Manitoba doit vous servir de gabarit pour l'avenir. Quand croyez-vous qu'il pourra être mis en œuvre partout au pays ou à l'échelon fédéral?
M. Tamayo : Nous souhaitons poursuivre nos efforts en ce sens auprès du gouvernement fédéral, mais nous nous employons dans l'intervalle à conclure des accords semblables avec d'autres provinces, et nous devrions en finaliser un ou deux dans un avenir rapproché.
La sénatrice Ataullahjan : Merci pour l'exposé que vous nous avez présenté aujourd'hui. Les Philippines se distinguent des autres pays en raison de leur économie insulaire. Votre pays regroupe près de 7 000 îles. Les Philippines sont passées récemment d'un régime fortement centralisé à une formule de décentralisation favorisant l'autonomie locale et une saine gouvernance. Comment cette décentralisation progresse-t-elle? Croyez-vous qu'il y aura éventuellement un mouvement en faveur du fédéralisme?
M. Tamayo : La question du fédéralisme a fait l'objet d'un débat, surtout au début des années 1990 lorsqu'on a voulu transférer des pouvoirs aux unités gouvernementales locales. Une loi a donc été adoptée au cours de cette décennie pour guider la dévolution d'une grande partie des pouvoirs du gouvernement national à ces unités locales.
Il s'agit en fait d'habiliter adéquatement ces unités. Ainsi, l'un des programmes d'aide conçus par Développement Canada vise le renforcement des capacités des instances gouvernementales locales. C'est assurément ce que nous cherchons à faire avec les unités gouvernementales locales dans ce contexte.
Il y a certains indices d'arrangements de type fédéral par exemple les dispositions semblables que l'on retrouve dans l'Entente globale sur le Bangsamoro conclue récemment. Cela ne permet toutefois pas d'affirmer que nous nous engageons sur cette voie. On se dirige essentiellement vers une autonomie accrue pour les différentes régions des Philippines. Il y a aussi un arrangement de la sorte dans le Luzon du Nord, avec la région autonome de la Cordillère, mais c'est davantage pour répondre aux préoccupations et aux besoins des Lumads, des Autochtones philippins, notre version à nous des Premières Nations, auxquels nous voudrions confier davantage de pouvoirs. Une éventuelle orientation fédérale fera encore l'objet d'autres débats au cours des prochaines années.
Le sénateur Demers : Merci, monsieur Tamayo. J'ai plusieurs questions. Je sais que nous allons manquer de temps, mais peut-être pourrez-vous répondre à quelques-unes d'entre elles. Il y a plusieurs défis importants qui attendent les Philippines : la paix, la stabilité, ce que tout le monde recherche, l'accélération de la croissance économique, la corruption. Il est primordial pour les gens de pouvoir vivre en paix et dans la stabilité, et assurément à l'abri de la corruption.
Je ne sais pas si vous êtes en mesure de nous en parler. Pensez-vous qu'il est possible d'atteindre ces objectifs, monsieur?
M. Tamayo : Nous avons fait des progrès importants sur le plan de la croissance inclusive et durable pour notre population. Dans le cadre de l'évaluation de notre plan de développement à moyen terme, nous avons compris que bien que la croissance économique soit essentielle, elle ne doit pas se résumer automatiquement à la réduction de la pauvreté.
En termes techniques, nos spécialistes y font référence en parlant d'approches spatiales et différentielles. Pour l'essentiel, il s'agit de tenir compte de différents ralentisseurs de croissance, comme nous les appelons, et également de modifier légèrement d'autres secteurs d'offre et de demande de l'économie où nous pouvons espérer faire bénéficier notre population d'avantages plus rapidement. Ce que le gouvernement aimerait faire, c'est bâtir les infrastructures nécessaires et s'assurer que la mise en œuvre des projets d'infrastructure est menée le plus rapidement possible et dans la plus grande transparence, en faisant reculer la corruption. Le gouvernement met la priorité dans des domaines où il peut avoir son mot à dire dans l'orientation de l'activité économique au pays.
Cela dépend en bonne partie de la façon dont le secteur privé réagit aux initiatives gouvernementales, et jusqu'à maintenant, nous constatons que notre secteur privé relève le défi lancé par notre gouvernement de mettre en place des projets d'infrastructure importants pour accroître l'accès au marché, créer des emplois et améliorer la situation de bon nombre de nos entreprises.
La solution, c'est de permettre à nos petites et moyennes entreprises d'avoir une plus grande part de notre production. À l'heure actuelle, les PME, qui représentent plus de 99 p. 100 des entreprises aux Philippines, ne sont responsables que d'environ 35 p. 100 du rendement économique du pays. Nous aimerions que cette proportion augmente un peu. Nous aimerions leur fournir les conditions leur permettant de mener leurs activités simplement sans se demander s'il y aura de la corruption ou d'autres pratiques douteuses.
La présidente : Sénateur Smith, votre question porte-t-elle sur un autre sujet? Si c'est le cas, le sénateur Housakos aimerait poser une question complémentaire et nous passerons à vous par la suite, mais si votre question porte sur le même sujet, allez-y.
Le sénateur D. Smith : Je serai ravi de céder la parole au sénateur Housakos.
Le sénateur Housakos : C'est très gentil de votre part. J'ai une question complémentaire se rapportant à la question du sénateur Demers sur la criminalité. Nous constatons que le gouvernement veut régler le problème, mais vous pourriez peut-être nous donner plus de détails sur ce qu'il fait exactement.
La meilleure façon d'accroître les investissements étrangers et d'attirer aux Philippines des acteurs étrangers du commerce international, c'est de prendre des mesures concrètes de lutte contre la criminalité. Convenez-vous que depuis quelque temps, la criminalité a tendance à augmenter dans votre pays sur le plan de la traite de personnes. Il semble y avoir une augmentation également dans le marché noir et un plus grand nombre d'actes de piraterie maritime.
Quelles mesures a prises le gouvernement philippin pour essayer de contrer la hausse de ces trois types de crime?
M. Tamayo : Sur le plan de la sécurité, il prend des mesures pour renforcer la présence policière sur le terrain afin de régler les problèmes de criminalité, c'est-à-dire dans les rues des zones urbaines. Pour ce qui est de la surveillance aux frontières et de la lutte contre la piraterie, surtout, le gouvernement philippin se lance dans un programme visant à améliorer nos embarcations de patrouille et il envisage même de mettre en œuvre des programmes conjoints de formation avec d'autres pays comme le Canada, tout cela dans le but de lutter contre la piraterie, de mettre fin au passage de clandestins et, bien sûr, de permettre à nos entreprises de soutenir la concurrence dans le marché.
De plus, nous avons récemment amélioré notre capacité aérienne. Nous avons acheté des hélicoptères du Canada. C'est une autre des mesures que nous avons prises pour assurer la sécurité et l'intégrité de nos frontières et favoriser les échanges commerciaux et la circulation des marchandises qui entrent aux Philippines ou qui en sortent.
Le sénateur D. Smith : Cela n'a vraiment rien à voir avec le Sénat, mais je n'oublierai jamais d'avoir survolé certaines îles de la partie sud des Philippines qui a connu des problèmes et où le Front Moro Islamique de libération a causé du tort. Je peux dire que j'étais très ravi d'apprendre l'existence de cet accord. Je ne sais pas à quel point des gens d'autres pays ont aidé ce groupe de malfaiteurs, mais compte tenu de l'accord qui a été conclu, avez-vous vraiment l'impression que le pire est passé et que la situation semble assez positive quant à la stabilité dans cette partie des Philippines?
M. Tamayo : Certainement. L'insurrection du Front Moro Islamique de libération est la plus importante que le pays a vécu ces dernières années, même encore plus importante que la dernière insurrection du Front Moro de libération nationale. Il est certain qu'il y a des mécontents, des gens qui n'approuvent pas l'accord. Il ne serait pas surprenant que de petites factions se dissocient de l'accord, mais de façon générale, nous pensons que l'accord suscite la confiance envers la sincérité du gouvernement, surtout étant donné qu'il fait face à d'autres insurrections, comme l'insurrection communiste qui a toujours lieu.
Il en résulte certainement une vaste consultation des intervenants. Cela fait participer un très vaste secteur de tous les intervenants de cette partie du pays. Nous sommes d'avis qu'en donnant leur appui à cet accord, ils lui donneront une chance, surtout à court et à moyen terme.
Le sénateur D. Smith : C'est bien. Évidemment, pour ce qui est des investissements étrangers, on veut un niveau de sécurité qui est satisfaisant. Je vous souhaite bonne chance à cet égard. Je crois que c'est tout un exploit, car je sais que certains d'entre eux étaient assez extrémistes. Je vous félicite.
M. Tamayo : Effectivement. Merci beaucoup.
La présidente : Sur cette note positive, je veux vous dire que notre temps réservé à la comparution de notre témoin est écoulé. Je sais que vous avez dû attendre. Vous nous avez donné beaucoup de renseignements et c'est très utile dans le cadre de nos travaux. Puisque nous devons passer à la deuxième partie de notre séance, je serai brève. Je vous remercie et j'espère que vous continuerez à suivre nos travaux et que vous lirez notre rapport cet automne. Merci, monsieur Tamayo, et merci à votre équipe.
(La séance se poursuit à huis clos.)