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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule 17 - Témoignages du 29 octobre 2014


OTTAWA, le mercredi 29 octobre 2014

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, qui a été saisi du projet de loi C-6, Loi de mise en ouvre de la Convention sur les armes à sous-munitions, se réunit aujourd'hui, à 16 h 15, pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Percy E. Downe (vice-président) occupe le fauteuil.

[Translation]

Le vice-président : Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. Nous entamons l'examen du projet de loi C-6, Loi de mise en ouvre de la Convention sur les armes à sous-munitions.

Nos témoins, aujourd'hui, sont M. Paul Hannon, directeur général d'Action Mines Canada; et Mme Erin Hunt, coordonnatrice de programme.

Nous entendrons aussi M. Frank Slijper, conseiller des politiques, Sécurité et désarmement auprès de PAX. Monsieur Slijper est aux Pays-Bas.

À ce que j'ai compris, nous commencerons par M. Hannon.

Paul Hannon, directeur général, Action Mines Canada : Je vous remercie de me donner cette occasion de m'entretenir avec vous aujourd'hui. En qualité de directeur général d'Action Mines Canada, je travaille sur le dossier des armes à sous-munitions depuis 1999. J'ai été témoin des souffrances causées par les armes à sous-munitions, et j'ai vu la communauté internationale s'unir pour interdire ces armes inhumaines, qui frappent sans discrimination. La signature par notre ambassadeur, de la Convention sur les armes à sous-munitions à Oslo a été l'un des grands moments de ma carrière.

Le Canada mérite des félicitations pour sa contribution au ferme libellé des définitions de la convention, définitions qui assurent un équilibre entre les enjeux humanitaires et de sécurité en déclarant clairement que seules les armes provoquant des dommages inacceptables aux civils sont interdites. Le Canada a achevé les destructions de ces stocks avant d'y être légalement obligé, une réalisation qui mérite d'être soulignée. L'engagement actif du Canada à l'appui de la convention est digne d'éloges, mais c'est aussi pourquoi je suis encore préoccupé par ce projet de loi.

Aujourd'hui, j'aimerais soulever deux éléments de préoccupation. Tout d'abord, le projet de loi C-6 ne dit rien des investissements. L'honorable sénatrice Fortin Duplessis a déclaré que les investissements dans des usines de sous-munitions sont considérés comme une forme d'assistance et qu'ils sont par conséquent interdits. Il faudrait que ce soit clair dans la loi.

Nous avons rencontré des représentants des principales institutions financières du Canada et, bien qu'elles soient favorables au désinvestissement, plus de clarté dans la loi fédérale leur faciliterait grandement la tâche. À la Chambre et ici, au Sénat, nous avons entendu que l'inclusion d'interdiction relative à l'investissement pourrait se révéler difficile en raison du Code criminel du Canada. Je vous encourage à réaliser cette tâche difficile qui consiste à inclure l'investissement dans le projet de loi C-6, parce qu'ainsi le Canada pourra atteindre plus facilement son objectif, qui est de mettre fin aux souffrances causées par les sous-munitions.

Deuxièmement, je m'inquiète grandement des dispositions relatives à l'interopérabilité que renferme le projet de loi C-6. Je sais bien que la coopération militaire et les opérations conjointes sont complexes, mais je tiens à rappeler aux sénateurs ici présents que nous sommes ici pour discuter d'un projet de loi de mise en ouvre d'une interdiction globale d'une arme qui dresse des obstacles mortels au développement de nombreuses collectivités. À propos d'une arme actuellement utilisée en Syrie, nos chercheurs ont constaté que 97 p. 100 des personnes qu'elle avait tuées étaient des civils.

La convention énonce très clairement son objectif :

[...] faire cesser définitivement la souffrance et les pertes en vies humaines causées par l'utilisation d'armes à sous-munitions au moment de leur emploi, lorsqu'elles ne fonctionnent pas comme prévu ou lorsqu'elles sont abandonnées...

Il faudra modifier la loi si nous voulons atteindre cet objectif.

Action Mines Canada s'inquiète grandement de l'article 11 du projet de loi C-6. Nous estimons que les défenses prévues à l'article 11 vont à l'encontre de l'objectif du traité. Les déclarations entendues ici et à la Chambre au sujet du projet de loi C-6 démontrent clairement que l'article 11 est une tentative d'interprétation de l'article 21, appelé la clause d'universalisation de la Convention sur les armes à sous-munitions. Nous n'avons aucune objection aux opérations conjointes ni à l'article 21, mais nous ne sommes pas d'accord avec l'interprétation qui est faite de l'article 21 dans le projet de loi.

Au moins 37 États, dont des alliés de l'OTAN et Action Mines Canada, ne pensent pas que l'article 21 permette aux États de contourner les obligations stipulées par l'article 1 du traité, soit d'interdire l'aide à l'utilisation des armes à sous-munitions. Le Canada semble être d'une opinion contraire.

Nous sommes heureux de l'amendement apporté à la Chambre, mais votre comité doit parfaire le travail. Le mot « utiliser » a été supprimé de l'alinéa 11(1)c); mais l'alinéa 11(1)a) continue de permettre aux Canadiens de diriger ou d'autoriser l'utilisation de ces armes interdites et inhumaines. Je vous recommande de remédier à cet oubli. Vous trouverez plus de détails sur des amendements que nous suggérons dans le mémoire que nous avons soumis par écrit.

Le libellé actuel du projet de loi comporte des échappatoires dangereuses pour le traité. Il mine l'interdiction de l'aide à l'utilisation des armes à sous-munitions, en créant de larges échappatoires, au lieu de circonscrire le libellé afin d'assurer la clarté voulue pour satisfaire le critère du droit criminel canadien. Avec ce projet de loi canadien, il est plus difficile de convaincre d'autres États de se joindre à la convention. Le Brésil, par exemple, avance que des États comme le Canada appuient en fait l'utilisation des armes à sous-munitions par des États non parties comme justification à leur refus de signer le traité.

Le ministre a dit que le projet de loi reposait sur l'art du possible. Or peu importe l'art, en la matière. Ce qu'il faut c'est le courage d'établir des normes élevées et de les atteindre. Des années durant, nous nous sommes fait dire qu'il était impossible d'interdire des mines terrestres; après cela nous nous sommes fait dire qu'il était impossible d'interdire les armes à sous-munitions; mais des gens courageux ont surmonté ces impossibilités. La Convention sur les armes à sous-munitions nous a montré qu'il était possible d'équilibrer le souci d'assurer sa sécurité avec des préoccupations humanitaires, qu'il était possible de parvenir à une interdiction générale des armes à sous-munitions.

Aujourd'hui, avec un peu de courage, vous pouvez veiller à ce que le Canada se campe du côté des victimes des armes à sous-munitions pour affirmer : « Plus jamais ». Amendez le projet de loi afin d'éliminer des échappatoires et de montrer que nous croyions vraiment ce que nous disions quand nous avons signé un traité visant à mettre fin à jamais aux souffrances causées par les armes à sous-munitions.

Je vous remercie.

Erin Hunt, coordonnatrice de programme, Action Mines Canada : Merci de me donner aujourd'hui l'occasion de vous faire part de mes réflexions sur le projet de loi C-6.

J'ai été heureuse d'entendre mon collègue parler de courage dans son témoignage. Moi qui travaille avec des jeunes venant de collectivités affectées par les armes à sous-munitions, ainsi qu'avec de jeunes survivants des armes à sous-munitions, je suis souvent émerveillée par le courage dont ils font preuve. Ils font part d'un vécu douloureux, à plusieurs reprises, chaque fois que c'est nécessaire pour appuyer la Convention sur les armes à sous-munitions, afin que personne d'autre ne souffre comme eux ont souffert.

Il a été difficile d'expliquer à ces jeunes pourquoi le Canada avait déposé ce projet de loi problématique et pourquoi le projet de loi C-6 semblait donner sa bénédiction à l'emploi d'une arme interdite. Devant le comité de la Chambre, le ministre Baird a affirmé que le libellé du projet de loi C-6 s'expliquait ainsi : « le gouvernement ne peut agir exclusivement en fonction du monde tel qu'on le souhaite. On doit agir en fonction du monde tel qu'il est. » Il a aussi affirmé : « mais nous ne sommes pas encore rendus là. » De bien faibles justifications à présenter à des jeunes qui ont tant souffert du fait de ces armes horribles! Les jeunes comptent sur les responsables pour faire changer le monde, pas pour se tourner les pouces en attendant que quelqu'un d'autre le fasse.

Des traités comme la Convention sur les armes à sous-munitions se négocient en fonction du monde tel qu'il ne devrait pas être. Mettre en ouvre un traité va nécessiter des efforts et du changement. Hélas, l'article 11 pérennise le statu quo au lieu de demander un quelconque changement. Pérenniser le statu quo ne permettra pas l'atteinte des résultats que le Canada recherchait quand il a signé la convention. Le succès du traité d'Ottawa interdisant les mines terrestres ne résultait pas d'une espèce de prise de conscience spontanée à l'échelle du monde comme quoi les mines terrestres n'étaient plus utiles. Son succès a été possible grâce au véritable leadership dont a fait preuve le Canada. Avec le traité d'Ottawa et nos lois, nous avons établi des normes élevées, avant d'aider nos alliés à satisfaire ces normes. Récemment, les États-Unis ont mis à jour leur politique sur les mines terrestres en les alignant quasiment entièrement avec le traité d'Ottawa, ce qui montre que nos alliés sont capables de satisfaire nos normes.

Au fil du temps, le Canada a souvent fait preuve de sa capacité à avoir un point de vue indépendant et à faire preuve de leadership sur la scène internationale. Pourquoi sacrifier les principes canadiens de protection des populations civiles en attendant que d'autres pays soient prêts à accepter les normes de la convention? Fixons la barre haute pour les Canadiens, afin de faire preuve de leadership sur la scène internationale.

Notre mémoire indique comment le projet de loi C-6 peut être amendé pour éliminer les échappatoires et fixer les normes élevées nécessaires pour reléguer les armes à sous-munitions aux oubliettes de l'histoire.

Les survivants des armes à sous-munitions que je rencontre dans le cadre de mon travail ne pensent pas que le projet de loi du Canada empêchera d'autres personnes de souffrir ce qu'ils ont souffert. Les exceptions de l'article 11 sont perçues comme l'accord d'une caution à l'emploi de l'arme qui les a estropiés ou qui a coûté la vie à des membres de leur famille. Certains survivants ont eu des rencontres avec les responsables canadiens afin d'exprimer leurs préoccupations. J'exhorte le comité à écouter leurs témoignages avant de parvenir à une décision finale au sujet du projet de loi C-6.

Ces survivants ont vu leur vie brisée, mais ils s'efforcent de se rétablir, de construire une vie nouvelle et de s'engager afin que personne d'autre ne souffre ce qu'ils ont souffert. Je vous exhorte à tenir compte de tous les témoignages que vous entendez ou que vous lisez lorsque vous envisagerez des amendements au projet de loi C-6. Ayez donc le courage de créer le changement, comme les jeunes avec qui je travaille. Ayez le courage de façonner l'histoire en amendant le projet de loi C-6.

Je vous remercie.

Le vice-président : Nous passons maintenant la parole à notre témoin en vidéoconférence des Pays-Bas, M. Frank Slijper.

[Français]

Frank Slijper, conseiller en politiques, Sécurité et désarmement, PAX : Bonsoir, monsieur le président, je vous remercie beaucoup de votre invitation de participer à la réunion par vidéoconférence.

[Traduction]

Comme je me débrouille mieux en anglais, c'est dans cette langue que je vais continuer.

Je m'appelle Frank Slijper et je travaille à PAX, anciennement connu sous le nom de IKV PAX Christi, organisme des Pays-Bas. En tant que cofondateur et participant actif de la Cluster Munition Coalition, PAX se bat pour des mesures de mise en ouvre nationales solides veillant à ce que les pays respectent à la fois l'esprit et la lettre de la convention. De plus, PAX est à la tête de la campagne visant à mettre fin aux investissements financiers dans les usines d'armes à sous-munitions, « Stop Explosive Investments ».

PAX vous remercie de lui donner l'occasion de témoigner devant le comité lors de ces audiences sur le projet de loi C-6, dont l'adoption permettra au Canada de ratifier la convention. J'ai plusieurs préoccupations que je souhaite exprimer sur cette ébauche de projet de loi pour mettre en ouvre la Convention sur les armes à sous-munitions.

Le processus d'Oslo qui a mené à la Convention sur les armes à sous-munitions était motivé par le fait que ce type d'armes a causé des torts inacceptables partout dans le monde. C'est cet impératif humanitaire qui a encouragé, jusqu'à maintenant, 114 États à signer la Convention. Cette dernière interdit l'utilisation, la production, le stockage et le transfert d'armes à sous-munitions. Elle oblige les États à nettoyer les zones touchées et à détruire les stocks de ce type d'armes et, du jamais vu, elle comprend des dispositions obligeant les États à offrir de l'aide aux victimes et aux communautés touchées. Il s'agit du plus important traité international de désarmement depuis le Traité sur les mines antipersonnel de 1997, qui interdit l'utilisation de mines terrestres.

Tant les Pays-Bas que le Canada ont activement pris part au processus d'Oslo et ont tous deux signé la Convention lorsqu'elle a été ouverte aux signatures, le 3 décembre 2008. Les Pays-Bas sont devenus le 52e État partie, en 2011, et a détruit tous ses stocks, comme le Canada.

Toutefois, le projet de loi national du Canada est inquiétant. Si le projet de loi C-6 est adopté sans autre amendement, le Canada se retrouvera avec la loi de mise en ouvre la plus faible au monde. Compte tenu du grand rôle qu'a joué le Canada dans l'éradication des mines antipersonnel au cours du processus d'Ottawa ainsi que du rôle et de l'appui du Canada tout au long du processus d'Oslo, cette situation est à la fois remarquable et déplorable. Si l'on tient compte du fait que le Canada n'a jamais utilisé les produits d'armes à sous-munitions, il est surprenant de constater qu'il pourrait adopter la loi de mise en ouvre la plus faible de tous les États parties.

Dans sa version actuelle, certains éléments essentiels du projet de loi C-6 vont à l'encontre des exigences législatives de la Convention sur les armes à sous-munitions et ses efforts pour sauver des vies. L'article 11 sur la coopération militaire et les opérations militaires combinées permet explicitement presque toutes les formes d'aide aux armées étrangères en ce qui a trait à l'utilisation des armes à sous-munitions. Le projet de loi permet aux Forces canadiennes ou aux fonctionnaires de demander à d'autres pays d'utiliser des armes à sous-munitions dans le cadre d'opérations militaires conjointes et, dans certains cas, permet à ces personnes d'ordonner l'utilisation de ces armes proscrites. Ces dispositions contredisent clairement non seulement l'esprit de la Convention sur les armes à sous-munitions, mais aussi l'interdiction de l'utilisation des armes à sous-munitions ou d'offrir de l'assistance à d'autres pour les utiliser tel que stipulé à l'article 1 de la convention.

Les Pays-Bas, comme la majorité des pays de l'OTAN, ont pu trouver un équilibre entre le besoin de collaborer avec les États qui ne font pas partie de la CASM, y compris un petit nombre de membres de l'OTAN, sans compromettre les interdictions de la convention. Puisque la vaste majorité des États membres de l'OTAN sont signataires de la convention, il n'est pas nécessaire pour le Canada d'essayer d'expliquer que la capacité d'offrir de l'aide pour l'utilisation des armes à sous-munitions est un aspect essentiel des opérations militaires conjointes.

Comme pour le traité d'Ottawa, le personnel militaire néerlandais n'est en aucun cas exempté des interdictions décrites dans la convention sur les armes à sous-munitions, et il maintient la capacité de participer à des opérations militaires conjointes avec des États qui ne sont pas signataires, sans problèmes opérationnels. Il est inutile pour le Canada, qui participe souvent aux mêmes alliances que les Pays-Bas, de créer ces exemptions dangereuses et superflues.

Malheureusement, le projet de loi C-6 n'interdit pas explicitement les investissements versés auprès de producteurs d'armes à sous-munitions. D'après la Cluster Munition Coalition, Pax et un nombre croissant de pays, l'interdiction d'offrir de l'aide dans la CASM comprend l'interdiction d'investir dans les armes à sous-munitions. L'article l(l)c) de la Convention sur les armes à sous-munitions stipule :

Chaque État partie s'engage à ne jamais, en aucune circonstance :... Assister, encourager ou inciter quiconque à s'engager dans toute activité interdite à un État partie en vertu de la présente Convention.

Le groupe grandissant de 27 pays signataires de la CASM a fait des déclarations d'interprétation disant qu'il considère les investissements sont, peuvent être perçus comme étant, interdits en vertu de l'article 1c) à la CASM. À plusieurs occasions, le Canada a reconnu que les investissements dans la production d'armes à sous-munitions représentent une infraction en vertu du projet de loi C-6. Bien qu'une telle interdiction puisse découler de l'interdiction d'aider ou d'encourager la production en vertu de l'article 6f), PAX recommande que soit incluse au projet de loi C-6 une interdiction explicite des investissements dans les producteurs d'armes à sous-munitions.

La façon la plus sûre d'empêcher que de l'argent se rende vers les producteurs d'armes à sous-munitions est d'inclure une telle interdiction dans la loi nationale. Actuellement, neuf États ont adopté de telles lois : la Belgique, l'Irlande, l'Italie, le Liechtenstein, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, le Samoa et la Suisse.

Un amendement au projet de loi C-6 pour inclure une interdiction explicite de toute forme d'investissements dans les entreprises qui produisent des armes à sous-munitions servirait à mettre fin à l'appui financier dirigé vers la production de ces armes proscrites et créerait des règles équitables des restrictions claires pour les institutions financières.

Nous croyons qu'il est essentiel que nos préoccupations par rapport à la loi canadienne de mise en ouvre soient entendues et examinées dans le cadre du processus de ratification. PAX comprend que la Chambre des communes a apporté un petit amendement au projet de loi C-6 en réponse à ces préoccupations.

Cependant, l'amendement n'était pas suffisant. Supprimer le mot « utiliser » du paragraphe 11(1)c) n'a pas apaisé nos préoccupations et a laissé d'autres références à l'utilisation dans le projet de loi. Il est donc primordial qu'il soit clair à l'article 11 qu'aider à « utiliser » est interdit. L'article 11 devrait être remplacé avec un libellé qui autorise les membres des Forces armées canadiennes simplement à participer à des activités de coopérations militaires ou des opérations militaires conjointes avec des États qui ne sont pas signataires de la Convention sur les armes à sous-munitions.

Enfin, le projet de loi devrait comprendre une interdiction explicite des investissements dans les producteurs d'armes à sous-munitions afin d'être certain qu'il n'y a pas d'argent des institutions financières canadiennes qui soit dirigé vers les producteurs de ces armes, maintenant et à l'avenir.

Merci beaucoup.

Le vice-président : Nous allons passer aux questions. Si le problème technique avec le dernier témoin est corrigé, nous allons entendre son exposé, mais pour l'instant, passons aux questions.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : Monsieur Hannon, ma question s'adresse à vous. Vous avez dit, dans un article paru dans l'Ottawa Citizen en décembre 2013, que la décision du gouvernement visant à supprimer le mot « utiliser » était significative.

Vous avez dit que cela précise que les forces canadiennes elles-mêmes ne peuvent jamais utiliser d'armes à sous-munitions, mais, également, qu'il sera plus difficile pour les autres pays de les utiliser dans le cadre d'opérations combinées auxquelles participent les Canadiens.

Pourriez-vous nous expliquer davantage vos propos à ce sujet, s'il vous plaît?

[Traduction]

M. Hannon : Certainement. Supprimer le mot « utiliser » était important. Nous aimerions que cela aille plus loin, mais c'est une bonne chose que la Chambre ait apporté cet amendement. Cela a clarifié que le personnel des Forces canadiennes ne participera pas directement à l'utilisation de cette arme.

Nous parlons d'une arme qui sera interdite. Elle est interdite par la majorité des États dans le monde, et nous ne croyons pas qu'il soit logique que les membres des Forces canadiennes puissent se trouver dans une position oé ils doivent aider quelqu'un d'autre à utiliser cette arme, ou à demander l'utilisation de l'arme elle-même. Cela semble aller à l'encontre du traité, mais cela place également les membres des Forces canadiennes dans une position très difficile. Ils vont utiliser ou participer à l'utilisation d'une armée interdite, sachant que leur pays a banni cette arme, mais parce qu'ils participent à un échange ou une sorte de détachement ou d'opération conjointe, ils pourraient se retrouver à utiliser cette arme interdite.

Nous croyons que les choses seront plus claires si le Canada envoie un message à nos alliés indiquant que le personnel des Forces canadiennes ne peut participer d'aucune façon à l'utilisation de cette arme. Voilà comment nous arriverons à mettre fin à l'utilisation de cette arme, et c'est également la meilleure façon de protéger les Forces canadiennes.

Le sénateur D. Smith : Je m'adresse aux trois témoins, et je n'essaye pas d'être partisan, mais j'ai l'impression que les experts du domaine pensent que ce projet de loi est déjà un peu désuet et que pour une quelconque raison, on semble avoir les mains liées, on n'a pas le choix, et les mines terrestres ne sont presque plus utilisées. Est-ce qu'il y a quelque chose que je ne comprends pas? Est-ce là ce que vous êtes en train de nous dire?

Lorsque notre ami des Pays-Bas dit par rapport au projet de loi canadien que c'est le « maillon le plus faible de la législation », je ne trouve pas cela rassurant.

Est-ce qu'il y a quelque chose que je ne vois pas, ou est-ce là l'essentiel du message que vous essayez de nous transmettre?

M. Hannon : Nous utilisons l'exemple des mines terrestres pour tirer des leçons en ce qui a trait à la fixation de normes très élevées au niveau national ou international pour la pratique mondiale. Il s'agissait d'une interdiction sans équivoque de l'utilisation de ce qui était à l'époque une arme très commune, et qui faisait partie de l'arsenal de la vaste majorité des États de la planète. Le Canada a été un chef de file dans ce domaine, et avec sa loi nationale qui correspondait étroitement au traité international, il a fixé des normes très élevées que les autres suivent. Presque plus personne n'utilise de mines terrestres. Cela ne s'est pas fait instantanément. On ne se débarrassera pas des mines terrestres instantanément, tout comme on ne se débarrassera pas des sous-munitions instantanément non plus.

Si nous fixons une norme élevée et nous disons que ces armes ne sont plus acceptables et ne devraient plus faire partie de l'arsenal ou des pratiques militaires des États, nous convaincrons éventuellement tous les pays. Quatre-vingt pour cent des pays du monde sont maintenant signataires du Traité sur les mines terrestres. Mon collègue a parlé des États-Unis. Ils font tout ce qui est possible, sauf dans un pays, pour interdire l'arme, alors nous avons beaucoup d'influence. Le monde nous regarde, et surtout à cause de notre rôle de chef de file pour les mines terrestres, il regarde ce que nous faisons avec ce traité.

Nous pensons qu'une loi forte livrera un message clair comme d'autres messages que le Canada a déjà donnés. La destruction de notre arsenal avant même que nous soyons un signataire de ce traité était une excellente chose. Quand on en a fait l'annonce au Costa Rica le mois dernier, à une rencontre des États signataires du traité, nous avons été chaudement applaudis.

Voilà le genre de leadership dont nous avons besoin. Combler les lacunes de ce traité serait une autre façon de faire preuve de leadership et de prouver au monde qu'à notre avis, ce genre d'armes ne devrait être employé par personne et de nous assurer que des Canadiens ne soient jamais mêlés à leur emploi.

M. Slijper : Il importe vraiment que le Canada s'assure de ne pas être mêlé à l'emploi d'armes à sous-munitions, de quelque façon que ce soit, pas même avec des opérations militaires conjointes avec des États qui en possèdent et s'en servent. Il est très important que le Canada le garantisse.

Mme Hunt : Pour ajouter à ce qu'ont dit mes collègues, oui, nous avons dit ici comme à d'autres comités et à des tribunes internationales que la loi du Canada est actuellement la pire qui soit.

Vous avez parlé d'avoir les mains liées, et je ne pense pas que ce soit le cas. Ce n'est encore qu'une ébauche. Vous avez encore la possibilité d'amender le projet de loi. Il y a eu de nombreux témoignages écrits, que j'ai vus circuler aujourd'hui, oé des propositions sont faites. Personnellement, je préconise l'intervention sur le mot « utilisation » à l'alinéa 11(1)a), même si on a retiré le mot « utilisation » de l'alinéa 11(1)c), pour respecter la logique il faudrait aussi que le comité biffe le mot « utilisation » dans d'autres cas, comme à l'alinéa 11(1)a).

Le sénateur D. Smith : Autrement dit, il n'est pas nécessaire de recommencer à zéro. Des amendements peuvent être apportés pour rectifier les choses, sans atteindre tous vos objectifs, mais les plus importants, diriez-vous?

M. Hannon : Oui, c'est ça.

Mme Hunt : Oui.

Le sénateur Housakos : Je remercie nos témoins d'être venus cet après-midi.

Avez-vous d'autres suggestions ou des avis sur la façon dont nous pouvons protéger nos soldats contre des poursuites, dans le cadre d'activités militaires conjointes? Le Canada a des amis et des alliés partout dans le monde. Nous avons des intérêts sécuritaires et des opérations militaires ailleurs dans le monde. Comme vous l'avez dit vous-mêmes, le Canada a fait preuve de leadership en prenant position contre les armes à sous-munitions. À mon avis, ce projet de loi dit clairement que nous n'approuvons pas l'utilisation, la mise au point, la possession ou le transport d'armes à sous-munitions. Comment pouvons-nous aller plus loin, comme vous le proposez, en imposant notre point de vue à certains de nos amis et alliés qui n'en sont pas encore arrivés aux mêmes conclusions que nous? Nous espérons qu'ils y viendront, c'est inévitable. Le Canada a été un leader pour beaucoup de ces questions, par le passé. Mais entre-temps, nous avons encore des activités et opérations conjointes avec des amis et des alliés d'ailleurs dans le monde. Que pouvons-nous faire pour protéger les militaires canadiens, qui doivent être des membres efficaces de ces opérations conjointes, tout en respectant nos propres lois?

M. Hannon : Le Canada n'est pas seul dans cette situation. Notre principale alliance militaire, c'est l'OTAN et la majorité des pays membres de l'OTAN sont signataires de la Convention sur les armes à sous-munitions et sont donc dans le même bain que nous. Beaucoup de ces pays, dont l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France ont une coopération importante et de longue date avec les Forces militaires des États-Unis, un pays qui n'a pas encore signé la convention. D'autres alliés sont dans la même situation, comme la Nouvelle-Zélande et l'Australie.

Nos alliés qui n'ont pas encore signé le traité comprennent notre situation. Les États-Unis, en particulier, en sont très conscients. Leur propre armée a des problèmes avec ce type d'arme. Ils les appellent les perdants du champ de bataille. Elles ont causé davantage de dommages que tous les autres types d'armes à leurs propres soldats pendant la première guerre en Irak, plus que les soldats blessés ou tués; c'est en raison de leurs propres armes à sous-munitions qui n'ont pas fonctionné comme prévu, un problème majeur de ce type d'arme. Je pense que tous le savent.

Ce projet de loi peut être modifié de nombreuses façons. Il pourrait indiquer, comme la loi néo-zélandaise, que le simple fait de prendre part à une opération mixte avec un État non partie à la convention n'est pas interdit et n'impose aucune responsabilité à nos soldats.

Il existe d'autres façons. L'Allemagne dispose d'un article législatif précis que nous serions heureux de communiquer au comité si vous souhaitez l'étudier. Il y a de nombreuses façons.

L'enjeu principal, ici, c'est que le fait de prendre part à des opérations interarmées ne représente pas un problème; il faut s'assurer que personne n'utilise une arme non discriminante et inhumaine. L'article 21 de la convention oblige le Canada et tous les autres États partie à dire à leurs alliés qui ne font pas partie du traité qu'ils ne peuvent pas utiliser d'armes à sous-munitions et que l'État ne devrait pas non plus les utiliser. Quand on réunit tous ces éléments, c'est relativement facile.

Nous ne voulons certainement voir aucun procès ni accusation contre les militaires canadiens, et nous ne voulons pas non plus être forcés de ne pas prendre part à des opérations qui sont jugées nécessaires pour notre propre sécurité. Nous voulons simplement veiller à ne pas utiliser d'armes interdites lorsque nous nous retrouvons dans de telles situations. Le même principe s'applique aujourd'hui avec le traité concernant les mines terrestres; la loi portant sur les mines terrestres ne comporte pas d'article ressemblant à l'article 11 du projet de loi.

Le sénateur Housakos : J'apprécie votre réponse. Dans un monde et un environnement idéaux, nos soldats canadiens ne se retrouveraient jamais près de ces armes, mais dans certaines opérations nous travaillons avec des pays qui n'ont pas interdit ce type d'arme et un soldat canadien pourrait, dans le cadre d'une telle opération, se trouver à proximité d'un soldat américain; comment alors faire fi du fait que la loi, du point de vue canadien, en termes canadiens, interdit clairement les armes à sous-munitions, mais dans une opération précise sur le terrain, on se retrouve à proximité des autres soldats, unités et opérations qui ne sont pas assujettis à la même loi? Comment pouvons-nous protéger nos soldats canadiens afin qu'ils n'enfreignent pas les règles et les règlements canadiens dans de telles circonstances? D'un côté, nous leur demandons de participer à des opérations au nom de leur pays, avec des forces alliées. De l'autre, nous leur disons que nous ne voulons pas les voir à proximité d'armes à sous-munitions.

Encore une fois, si l'Allemagne dispose d'une façon légale de procéder, j'aimerais en voir les preuves, mais je ne vois aucun moyen législatif de contourner le problème.

Mme Hunt : Pour répondre à votre question, par exemple, nous pourrions utiliser les dispositions qui se retrouvent dans la Loi sur les mines terrestres, en vertu desquelles les paragraphes (1) et (2) de l'article 6 n'empêchent pas la participation à des exercices, à des opérations ou à d'autres activités militaires avec les forces armées d'un État qui n'est pas partie à la convention et qui mène des activités interdites en vertu des paragraphes (1) et (2), si cette participation ne représente pas une assistance à l'égard de cette activité interdite. C'est l'article 6 de la Loi canadienne sur les mines terrestres.

Si vous me donnez un instant, je vais faire référence à la loi néo-zélandaise qui renferme un libellé semblable. En Nouvelle-Zélande, la loi prévoit qu'un membre des forces armées ne commet pas d'infraction en vertu de l'article 10(1), l'interdiction qui figure dans leur loi, en participant simplement, dans le cadre de ses fonctions, à des opérations, exercices ou autres activités militaires des forces armées d'un État non-signataire de la convention et qui a la capacité de mener à bien des activités interdites en vertu de l'article 10(1).

Je pense que ce qui a été mentionné plusieurs fois dans le cadre de la discussion concernant ce projet de loi est la crainte de voir des soldats canadiens immobilisés sans être en mesure d'appeler de l'assistance aérienne, ce qui serait source de préoccupation, mais avec des armes à sous-munition, il s'agit de la dernière arme à laquelle on voudrait avoir recours lorsque l'on est la personne immobilisée. Il s'agit d'une arme anti accès aérien, ce qui signifie que vous ne serez pas en mesure de vous replier en sécurité et on n'a aucune garantie que l'assistance demandée va frapper la cible.

Par exemple, dans le cadre de notre alliance actuelle avec l'Irak, nous avons 10 ou 11 partenaires qui participent à ces activités de combat. Parmi eux, le Canada est le seul signataire, neuf étant des États parties, et les États-Unis sont le seul pays non-signataire. J'imagine qu'avec nos alliés nous allons discuter de nos politiques et de ce genre de choses avant le lancement de quelque opération conjointe que ce soit. Il faut avoir des discussions avant de se joindre à une coalition.

Le sénateur Dawson : J'ai appuyé le ministre Baird concernant des projets de loi dans ce comité et à la Chambre, mais nous ne sommes pas encore là.

Monsieur Hannon, j'aimerais revenir aux accords sur les munitions que nous avons conclus par le passé, et l'on pourrait remonter encore plus loin. M. Pearson n'a jamais dit : « Nous n'y sommes pas encore » lorsque nous sommes intervenus dans la crise de Suez. M. Mulroney n'a jamais dit : « Nous n'y sommes pas encore » lorsque le Canada était un chef de file. M. Mulroney n'a jamais dit : « Nous n'y sommes pas encore » lorsque nous dirigions la bataille. Nous avons eu le plaisir de siéger aux côtés de Lloyd Axworthy lorsqu'il était ministre. Lorsqu'il était saisi de la question des mines terrestres, il n'a pas dit : « Nous n'y sommes pas encore. » On était un chef de file, donc nous devions être les premiers à montrer l'exemple à des pays qui se tournent maintenant vers nous et nous disent : « Eh bien, on ne veut pas y aller parce que le Canada n'y est pas encore. » Nous devrions y être.

Monsieur Hannon, j'aimerais que vous reveniez à la période pendant laquelle nous avons eu le débat sur les mines terrestres, et à certaines des questions qui sont soulevées. Et je comprends les préoccupations du sénateur Housakos. Nous avons vu toute la nécessité de la solidarité avec nos forces armées, mais « Nous n'y sommes pas encore » n'est pas un critère. Ce n'était pas une norme dont s'était doté le Canada par le passé.

Monsieur Hannon, j'aimerais que vous fassiez référence à l'expérience de l'accord concernant les mines terrestres, à la façon dont le Canada se faisait l'ambassadeur de cette question et dont il devrait encore le faire aujourd'hui.

M. Hannon : Je pense que deux aspects du traité sur les mines terrestres ont été des plus efficaces. L'un était un aspect diplomatique dans lequel le Canada a fait preuve d'un immense leadership en contactant tous nos alliés et autres États pour leur parler des problèmes humanitaires que causait cette arme. Je ne veux pas dire par là que cela n'avait pas une forme d'utilité militaire, mais l'argument des problèmes humanitaires dépassait largement l'utilité de l'arme et a convaincu d'autres gouvernements à se joindre à nous, l'un après l'autre.

Le deuxième aspect était militaire. Notre personnel militaire, dont certains étaient à la retraite et d'autres toujours actifs, a visité d'autres États pour parler du fait que nous n'utilisons pas de mines antipersonnel dans nos opérations militaires. Nous n'en avions pas besoin et d'après nous, d'autres n'en avaient pas besoin non plus. À mon avis, c'est une belle occasion que nous avons au Canada, étant donné que nous ne nous en sommes jamais servis. Nous ne les avons même pas testées et nous avons détruit notre réserve. En même temps, c'est évident que nos forces militaires sont tout à fait capables de réagir à toute menace ou exigence opérationnelle à laquelle nous pourrions devoir faire face en tant que pays ou en tant que membre d'un groupe d'alliés.

Voilà pourquoi je suis d'avis que ce traité bénéficiera du fait que le Canada en fera pleinement partie, puisque notre personnel militaire pourra en parler à d'autres États qui ne sont pas encore prêts à se joindre au traité et leur dire : « Vous n'avez pas besoin de cette arme. Vous pouvez utiliser celle-ci. Vous pouvez avoir recours à ces procédures. Voilà d'autres pratiques comme celle-ci que vous pouvez emprunter. » Si nous déployons des efforts diplomatiques correspondants, et nous savons tous que nous avons de merveilleux diplomates dans ce pays, nous arriverons à faire comprendre à d'autres pays pourquoi cette arme n'est plus acceptable, et nous pourrons accélérer ce processus.

Le sénateur Dawson : Madame Hunt ou monsieur Slijper, avez-vous d'autres choses à rajouter? Je partage les préoccupations exprimées par le sénateur Housakos. C'est un pas dans la bonne direction, mais encore une fois, si nous n'arrivons pas à influencer des pays qui devraient suivre notre exemple parce que ces pays disent nous ne le ferons pas parce que le Canada ne va pas assez loin, nous ne sommes pas aussi productifs que nous l'étions par le passé, et nous avons prouvé par le passé que nous sommes en mesure de le faire. Vous avez proposé un certain libellé, tel que les mots « utiliser, utilisation ». Nous aimerions rajouter notre appui, si cela rejoignait son plein potentiel. Je ne sais pas si M. Slijper aimerait rajouter quelque chose.

M. Slijper : Pour donner suite au commentaire de Mme Hunt, si l'on songe aux opérations actuelles contre l'État islamique, je crois que les États-Unis sont le seul pays de l'OTAN n'ayant ni signé ni ratifié la Convention sur les armes à sous-munitions. Ils sont très conscients du fait que les alliés dans cette opération en cours s'opposent fortement à de telles utilisations par les États-Unis. Je trouve donc qu'il est très important pour le Canada d'utiliser un langage fort dans sa législation nationale. Cela donne le ton et établit une norme, même pour d'autres pays qui ne sont toujours pas signataires de la Convention sur les armes à sous-munitions. Cette approche fonctionne : cette stigmatisation est un moyen important de mettre fin à toute utilisation future des armes à sous-munitions.

Bien sûr, il s'agit d'une opération complètement différente des opérations précédentes, mais n'oubliez pas qu'en 2003 lorsque le régime de Saddam Hussein est tombé en Irak, que de nombreuses bombes à fragmentation ont été utilisées à peine quelques semaines plus tard. Pourtant, jusqu'ici, dans cette lutte contre l'État islamique, je n'ai vu aucun rapport faisant état de l'utilisation d'armes à sous-munitions, et d'après moi, c'est grâce aux normes élevées mises en place par les alliés de l'OTAN, qui sont très importantes à cet égard.

[Français]

Le sénateur Demers : Je remercie nos témoins de leur participation.

[Traduction]

Monsieur Hannon, vous avez fait remarquer que le projet de loi n'utilise pas le terme « investissements ». Cependant, en relisant le témoignage d'autres témoins, j'ai noté que les fonctionnaires ont précisé cette question. Le terme « investissement » s'avère trop général en vertu du droit pénal.

Dans le projet de loi de mise en ouvre, nous avons décidé d'utiliser des mots comme « aider », « conseiller », « encourager », qui sont des termes qui sont déjà utilisés, y compris dans le contexte du droit criminel. Avez-vous des commentaires, monsieur?

M. Hannon : Je crois que c'est très bien; plus c'est clair, mieux c'est. Le message clé que nous voulons communiquer à nos collègues du monde financier est que le gouvernement canadien veut interdire l'investissement dans la production d'armes à sous-munitions parce qu'il s'agit d'une forme d'aide.

Bien sûr, lorsque vient le temps de communiquer avec le secteur financier, si le projet de loi dit clairement que l'investissement est interdit, ça nous rend la tâche plus facile et ça leur rend la tâche plus facile. Avec cette précision — si c'est cela qui est entendu et annoncé clairement lors de la troisième lecture et la sanction royale — cela nous aidera à le communiquer très clairement.

Je préférerais que l'on dise « pas d'investissement » dans le projet de loi, mais si ce n'est pas possible, je serais heureux d'avoir cette précision si c'est ce qui est entendu.

Le sénateur Demers : Avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Hunt : Je suis d'accord.

Le sénateur Demers : Monsieur Slijper, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

M. Slijper : Je crois que M. Hannon a bien montré l'importance d'avoir une loi claire, si possible. Ainsi, c'est plus facile pour les institutions financières de comprendre le champ d'application de la loi, mais si ce n'est pas possible, toute déclaration claire aiderait bien sûr, oui.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Lorsque j'examine le projet de loi C-6, dont nous sommes saisis, et la convention qui y est rattachée, je vois l'article 6 qui dit que « Sous réserve des articles 7, 8 et 10 à 12, est interdit à toute personne... », et suit toute une liste de ce qu'on ne peut pas faire en relation avec les armes à sous-munitions.

Par contre, si on lit les articles 7, 8, 10 et 12, le texte commence en précisant que « L'article 6 n'a pas pour effet d'interdire aux personnes ci-après d'acquérir... ».

Dans ces articles, on retrouve toutes les exceptions. Je comprends qu'on veuille protéger nos soldats — je suis tout à fait d'accord avec cela. Pour moi, la meilleure façon de les protéger serait d'interdire l'utilisation sans aucune condition. Subit-on des pressions d'intérêts étrangers pour prévoir toutes ces exemptions?

[Traduction]

Mme Hunt : Si j'ai bien compris, vous dites que nous sommes tous d'accord pour protéger les soldats canadiens, nous voulons les protéger contre des poursuites et aussi contre les dangers que pourraient causer les armes à sous-munitions, mais pourriez-vous préciser votre question? J'ai manqué une partie de la traduction.

Le sénateur Robichaud : Eh bien, il y a toute une série d'exemptions prévues dans quatre articles, à partir de l'article 6. Je crois que la meilleure façon de protéger nos forces armées est d'interdire complètement l'utilisation en toutes circonstances. Je crois que ce serait une meilleure protection que celle fournie par des exceptions.

En ce qui a trait aux exceptions prévues dans le projet de loi, subit-on des pressions de l'étranger? Est-ce un peu plus clair?

Mme Hunt : Oui, beaucoup plus clair; merci.

M. Hannon : Je suis absolument d'accord avec vous, la meilleure façon de protéger nos forces, c'est de dire très clairement que le Canada croit que c'est une arme qui doit être interdite, et d'avoir une loi qui reflète cette déclaration, et de la simplifier en enlevant ces exceptions et les moyens de défense. Ces derniers pourraient rendre les opérations très difficiles et pourraient mettre nos militaires dans des situations très délicates s'il s'agit de l'utilisation d'une arme que leur pays a interdite.

Au cours des négociations, un certain nombre de pays ont dit clairement que, contrairement aux lois sur les mines terrestres, on avait besoin d'une disposition qui dirait très clairement qu'on pouvait participer à des opérations conjointes. Tous ceux d'entre nous qui avaient participé aux négociations sur les mines terrestres étaient de l'avis que ce n'était pas nécessaire parce qu'un traité international qui porte sur une arme ne peut pas interdire un pays de participer à une opération conjointe avec un autre pays. Cependant le Canada et d'autres pays ont présenté des arguments convaincants en faveur de l'article 21 qui contient deux dispositions sur les opérations conjointes.

Au cours de ces négociations — qui ont duré un an et demi — le Canada et d'autres pays ont toujours dit clairement que s'ils voulaient ces clauses, c'était pour pouvoir participer à des opérations conjointes. Ce n'était pas pour créer des échappatoires dans le traité. Nous savons tous que les pays qui étaient les plus enthousiastes ou qui ressentaient le besoin de cette disposition dans l'article 21 étaient ceux qui faisaient partie de l'OTAN ou qui avaient travaillé étroitement avec les États-Unis, parce que tout le monde s'attendait à ce que les États-Unis ne signent pas le traité dans un avenir prévisible. Je ne peux pas vous dire s'il y a eu des pressions de l'étranger.

Il est clair, cependant, que nous devrions établir nos propres normes. Si nous sommes prêts à complètement interdire une arme, nous devrions dire clairement à tout le monde, y compris nos alliés et surtout notre personnel des Forces armées, qu'ils ne devraient pas s'associer à l'utilisation d'une arme interdite quelles que soient les circonstances, quelles que soient les raisons, et avec qui que ce soit.

Mme Hunt : Comme M. Hannon a dit, je ne crois pas qu'il y a vraiment eu beaucoup de pression externe. Je crois que l'article 11 de ce projet de loi montre que nous sous-estimons la capacité de nos alliés de s'adapter à la nouvelle réalité qui existe presque partout dans le monde et qui est cette interdiction sur les armes à sous-munitions.

Nos alliés connaissent très bien la convention, et ils trouvent des façons de travailler en fonction de cette convention, car la plupart des pays européens sont des pays signataires, et il en va de même pour l'OTAN et beaucoup d'États membres de la FIAS. Presque toutes les alliances contiennent un grand nombre de pays qui sont des États parties. Le libellé de ce projet de loi laisse sous-entendre que nous ne nous attendons pas à ce que nos alliés le sachent, ou quelque chose comme cela. Je ne sais pas si c'est leur pression ou la nôtre qui nous fait reculer sur nos propres principes.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Monsieur Slijper, avez-vous autre chose à ajouter?

[Traduction]

M. Slijper : Je ne connais pas de source étrangère de pression exercée sur votre gouvernement en ce qui a trait à sa loi. Si nous examinons la question sous un autre angle, si le Canada devait travailler avec un pays qui n'est pas signataire de la convention sur les armes à sous-munitions, ce pays serait très conscient de la position délicate dans laquelle il placerait ses partenaires s'il devait utiliser ces armes. Prenons encore une fois l'exemple des opérations actuelles contre l'État islamique. Je crois que les États-Unis savent très bien qu'ils nuiraient de façon importante au soutien pour cette opération s'ils commençaient à se servir d'armes à sous-munitions.

Le sénateur Oh : Merci, messieurs. Ma question porte sur les différences entre les mines terrestres et les armes à sous-munitions. Il s'agit de deux traités complètement différents pour deux sortes d'armes différentes, et il y a une différence dans la façon dont les armes à sous-munitions sont normalement utilisées pour les opérations.

Pourriez-vous nous décrire la différence entre les mines terrestres et les armes à sous-munitions? Je comprends qu'il s'agit de deux sortes d'armes très différentes et que la façon de les utiliser est différente, donc ne devrait-il pas y avoir deux approches différentes lorsqu'il s'agit de les interdire?

M. Hannon : Il s'agit clairement de deux sortes de technologies différentes, et cela nous force à s'en servir de façon différente du point de vue tactique. Heureusement, il n'y a pas beaucoup de groupes non étatiques armés qui se sont emparés ou ont utilisé des armes à sous-munitions, mais ce n'est pas vrai dans le cas des mines terrestres; beaucoup de ces groupes les ont utilisés. Le traité sur les mines terrestres ne visait pas seulement les États parties et les autres, il permettait aussi de faire pression sur des groupes non étatiques armés, surtout ceux dont les activités visaient des buts politiques. Il a eu pour effet de stigmatiser cette arme et d'envoyer le message que personne ne devrait s'en servir parce que cette arme ne fait pas de distinction entre un civil et un combattant, entre un enfant et un soldat.

Les armes à sous-munitions sont différentes dans le sens qu'on ne les met pas dans la terre ni sur la terre comme on le fait avec les mines terrestres. Elles sont déployées par voie aérienne, à partir d'une artillerie ou d'avions, et elles se répandent sur des surfaces très larges. Par exemple, si vous ouvrez une boîte de Smarties et la videz sur une table, elles vont se répandre partout. C'est ce qui se passe avec les armes à sous-munitions. Les conséquences sont beaucoup plus mortelles. Elles ont été conçues après la Seconde Guerre mondiale, pendant la guerre froide, afin d'immobiliser des chars et des véhicules blindés de combat. Elles sont beaucoup plus mortelles que les mines terrestres.

Ces armes posent deux types de problème. Le premier, c'est qu'au moment de l'attaque, les sous-munitions se dispersent sur un vaste rayon, donc il n'est pas vraiment possible de dire si elles atteignent la cible qui était visée. Elles peuvent atteindre des civils, des ambulances et des autobus scolaires ou encore un tank. Il n'est pas possible de les contrôler une fois qu'elles sont ouvertes.

Le deuxième problème, c'est qu'après l'attaque, plusieurs d'entre elles ne seront pas parvenues à exploser quand elles ont frappé le sol ou une cible. Elles laissent derrière elles, de fait, des champs de mines, sauf que ces champs de mines peuvent être plus mortels qu'un champ de mines terrestres.

Dans les deux cas, la technologie d'armement est différente mais l'incidence sur les civils et les collectivités est la même. Elles font obstacle à l'agriculture ou s'interposent sur le chemin vers l'école ou l'église, ou vers les points d'eau ou le marché. Ces terres ne sont plus accessibles. Elles sont aussi une menace pour les gens, puisqu'elles peuvent les amputer et les tuer.

Le plus gros problème que posent les sous-munitions par rapport aux mines terrestres, à mon avis personnel, c'est que ces armes ne semblent pas dangereuses. Elles ressemblent à une balle de tennis ou à une cannette de boisson gazeuse, et les enfants ont tendance à les ramasser quand elles n'ont pas explosé. On voit beaucoup de survivants qui ont été blessés aux parties supérieures du corps par des sous-munitions. Ces gens perdent leurs yeux, leurs bras et leurs mains. Par contre, avec les mines terrestres, puisqu'elles explosent quand on marche sur elles, les blessures qu'elles infligent sont au bas du corps; c'est-à-dire que des jambes sont amputées, des blessures entraînent la perte d'incapacité reproductive, et cetera, à cause des dommages subis.

Dans les deux cas, c'est une arme qui ne fait pas de discrimination. Elle ne peut dire la différence entre un soldat et un combattant, et donc, en ce sens, elles doivent être interdites pour les mêmes raisons.

Le Canada a fait un si bon travail avec le traité sur les mines terrestres que celui-ci a servi de modèle pour la Convention sur les armes à sous-munitions. Bien des pays estiment que si on fait la même chose — et je suis certainement d'accord là-dessus — nous interdirons ces armes de la même façon, mais espérons-le, plus rapidement.

Mme Hunt : Il conviendrait probablement de préciser que les mines terrestres étaient très largement utilisées avant leur interdiction dans les années 1990. Plus de 60 pays y recouraient, et quasiment toutes les armées du monde en possédaient dans leur arsenal.

Ce n'est pas le cas des armes à sous-munitions. Elles ne sont pas très utilisées. Elles ont servi dans beaucoup moins de conflits, et beaucoup moins d'armées en possédaient, pour commencer. Il ne faut pas l'oublier.

Actuellement, les mines terrestres font figure d'armes archaïques, mais c'est justement parce que le traité les interdisant a été tellement efficace. Au moment de la négociation de ce traité, on nous a dit que c'était impossible parce que c'était une arme tellement utilisée, et que tout le monde en avait.

Le vice-président : Chers collègues, le temps va nous manquer. Nous avons du monde qui voudrait avoir un deuxième tour de questions. Je demanderai aux sénateurs de poser leurs questions, et les témoins pourront y répondre à la fin.

Le sénateur D. Smith : Je peux certainement comprendre que le projet de loi est plein de bonnes intentions, mais je pense qu'il est déjà désuet. Quand je repense aux témoignages que nous avons déjà entendus, ce que j'avais compris en les entendant, c'est que si on veut un modèle, c'est celui de la Nouvelle-Zélande qu'il faut suivre. Cela me convient tout à fait. Peut-être pourriez-vous nous dire une ou deux choses que fait la Nouvelle-Zélande qui vous convient davantage.

Je ne fais ici aucune critique des Américains. Ce sont nos alliés, mais nous devons éviter de nous laisser trop influencer par un pays qui, de toute façon, ne le signera jamais.

Pouvez-vous présenter les grandes lignes des dispositions législatives néo-zélandaises qui vous rassurent particulièrement?

Le sénateur Housakos : Laissez-moi donner deux exemples précis et expliquer pourquoi le gouvernement ici s'enlise dans la question.

Sans l'article 11, tout membre des Forces canadiennes qui se contente d'autoriser le survol du Canada par un Américain, même en temps de paix et même si l'avion ne se pose pas au Canada, risque de se trouver en difficulté. Un soldat affecté à une chaîne de logistique américaine, à qui on a demandé de charger ou décharger un camion risque lui aussi d'être considéré comme aidant au transfert ou au transport d'armes à sous-munitions. Ce sont deux exemples simples, probables, susceptibles de se produire à n'importe quel moment.

J'y retourne et je n'ai toujours pas eu de réponse claire. Je sais que le Royaume-Uni et l'Australie, comme nous, ne savent pas par quel bout prendre le problème. Il se trouve que nous sommes trois pays ayant des responsabilités importantes, avec des amis et des alliés de par le monde. À ce que je comprends, vous voudriez que nous menions la charge encore plus que le Canada ne l'a déjà fait. Et je ne pense pas que le Canada ait été ambigu quant à sa position sur les armes à sous-munitions avec ses alliés et partout dans le monde.

N'empêche qu'il nous faut une loi applicable. Et j'attends encore des idées brillantes sur la façon dont nous pourrions rendre le projet de loi plus pratique qu'il ne l'est déjà.

Mme Hunt : En ce qui concerne le cadre législatif en Nouvelle-Zélande et comme nous l'a mentionné Frank, il inclut effectivement une mention de l'investissement. Il ne faut pas perdre de vue que la Nouvelle-Zélande a un système parlementaire façon Westminster, similaire à celui du Canada. Elle a aussi un très bon article sur l'interopérabilité qui, selon moi, répond un peu à la deuxième question; c'est l'article que j'ai lu plus tôt dans la séance.

J'ai un exemplaire de la loi de Nouvelle-Zélande avec moi, si quelqu'un est intéressé.

Le sénateur D. Smith : Veuillez le donner à notre recherchiste, s'il vous plaît.

Mme Hunt : D'accord, je veillerai à ce que vous l'ayez.

Je laisserai mes collègues répondre à la deuxième question, mais il y a une chose qui me vient à l'esprit, sans que je sois avocate, c'est qu'il faut qu'existe un certain degré de connaissances ou... l'expression juridique mens rea me trotte dans la tête, mais je suppose que c'est dans un film que j'ai appris cela.

N'empêche qu'il faut un niveau de connaissance. J'aimerais vraiment que les avocats assis derrière moi soient à côté de moi pour mieux achever cette phrase.

Le sénateur D. Smith : Mens rea veut dire intention.

Mme Hunt : Oui, avec intention.

M. Hannon : C'est en partie la clé du problème. J'ai dit plus tôt que nous n'étions pas ici aujourd'hui pour essayer de trouver des façons de poursuivre les membres des Forces armées canadiennes qui pourraient participer à une opération conjointe avec un État non partie à la convention, surtout pas s'ils effectuent leur devoir. Ce que nous nous efforçons de faire, c'est d'élaborer une loi. À cet effet, vous trouverez, je crois, dans notre mémoire et dans d'autres mémoires que vous avez reçus, une série de suggestions différentes qui pourraient protéger les membres des Forces armées dans ces situations.

En fait, ce que nous voulons, c'est empêcher quelqu'un de dire : « C'est l'arme de choix et nous allons l'utiliser. » Nous pensons que les Canadiens, surtout dans un poste de commande, ne devraient pas dire : « Utilisez des armes à sous-munitions. » Voilà notre objectif. Si c'est quelqu'un qui charge un avion ou qui le pilote, aussi longtemps que le pilote ne dit pas « larguer les armes à sous-munitions » plutôt que « tirer », cela ne nous intéresse pas. Ce n'est pas en cherchant des exemples de ce type que l'on va mettre fin au recours aux armes à sous-munitions dans le monde.

Ce qui mettra fin à l'usage des armes à sous-munitions, c'est que des pays comme le Canada disent, quand ils participeront à une opération conjointe : « Nous ne pouvons pas utiliser d'armes à sous-munitions et nous ne pensons pas qu'elles devraient être utilisées du tout ». Dans des opérations conjointes, chaque État peut choisir les armes qu'il utilise. Si quelqu'un est détaché ou participe à un échange et doit agir comme soldat, comme tout soldat du pays avec lequel s'effectue l'échange ou le détachement, pas de problème, aussi longtemps qu'il n'est pas celui à déclarer : « C'est l'arme que nous choisissons, l'arme que nous voulons ». C'est ce qu'il faut comprendre clairement.

L'autre élément de cet argument est que, en fait, toute personne en dessous de ce niveau de décision ne va pas vraiment nous aider à mettre fin à l'utilisation de ces armes; ce n'est certainement pas ces gens que nous ciblons. Là n'est pas notre objectif. Notre objectif est d'empêcher les gens de choisir d'utiliser cette arme, comme nous voulons les empêcher de produire cette arme ou d'investir dans des sociétés qui la produisent.

Le vice-président : Hélas, le temps alloué à ce panel est écoulé. Au nom des membres du comité, je voudrais remercier les témoins — M. Hannon et Mme Hunt, présents dans la salle, et tout particulièrement M. Frank Slijper, aux Pays-Bas — nous leur sommes reconnaissants d'avoir bien voulu faire un exposé et répondre à nos questions. Avec la différence de fuseau horaire, nous sommes particulièrement appréciatifs.

Sénateurs et sénatrices, nous accueillons maintenant par vidéoconférence du Royaume-Uni, Mme Sarah Blakemore, directrice de campagne de la Coalition contre les armes à sous-munitions; en vidéoconférence également, de Californie, à titre individuel, Mme Lynn Bradach.

Madame Blakemore, serez-vous disposée à faire votre exposé, après quoi Mme Lynn Bradach enchaînera?

Sarah Blakemore, directrice de campagne, Coalition contre les armes à sous-munitions : Merci, monsieur le président.

La Coalition contre les armes à sous-munitions vous remercie de lui donner l'occasion de présenter ses commentaires au sujet du projet de loi C-6, Loi de mise en ouvre de la Convention sur les armes à sous-munitions, qui, une fois édictée, permettra au Canada de ratifier la convention.

La CMC et sa campagne sour, la Campagne internationale pour interdire les mines antipersonnel (International Campaign to Ban Landmines) ont travaillé en étroite collaboration avec le gouvernement canadien pendant de nombreuses années pour éliminer les armes frappant sans distinction, telles que les mines antipersonnel et les armes à sous-munitions. Nous félicitons le Canada d'avoir soumis trois rapports de transparence sur une base volontaire et d'avoir terminé la destruction de ces stocks d'armes à sous-munitions, avant de devenir un État partie. Nous sommes aujourd'hui ravis de voir le Canada se rapprocher du statut d'État partie et nous apprécions les efforts déployés pour créer une loi comportant des sanctions pénales en cas de violation de la convention, tel que requis par l'article 9 de la convention.

En même temps, la CMC juge extrêmement inquiétantes certaines parties essentielles du projet de loi C-6, car elle estime qu'elles vont à l'encontre de la lettre de la convention et du principe qui la sous-tend.

Dans sa version actuelle, le projet de loi permet de prêter assistance à l'engagement dans un large éventail d'actes prohibés, notamment l'utilisation, le stockage, le transfert et la production d'armes à sous-munitions. Il autorise aussi des Canadiens à s'engager dans des activités prohibées lorsqu'ils sont détachés auprès de forces armées étrangères. Comme de telles activités sont interdites par l'article 1 de la convention et sont clairement incompatibles avec son objet et son but, le projet de loi C-6 devrait être révisé de façon à mettre fidèlement en ouvre la convention et l'interdiction catégorique des armes à sous-munitions.

Dans le contexte du débat actuel portant sur le projet de loi, des participants aux réunions de la Convention sur les armes à sous-munitions ont rappelé à tous les États que les lois nationales doivent interdire toute action qui pourrait, de quelque manière que ce soit, contribuer à l'utilisation de ces armes.

La Coalition contre les armes à sous-munitions est particulièrement préoccupée par l'article 11, « Exceptions — Coopération militaire ou opérations militaires combinées », qui permet expressément presque toute forme d'aide à des forces militaires étrangères dans l'utilisation des armes à sous-munitions.

L'alinéa 11(l)a) permet aux Forces canadiennes et aux fonctionnaires fédéraux dans un contexte des opérations militaires conjointes de diriger ou d'autoriser des activités interdites de la convention, y compris l'utilisation et le transfert d'armes à sous-munitions. L'alinéa 11(1)b) de l'article autorise également au personnel de demander expressément à un autre État d'utiliser des armes à sous-munitions dans le cas oé le choix des munitions utilisées ne dépend pas exclusivement des Forces canadiennes.

Les alinéas 11(3)a), b) et c) permettent expressément d'aider une personne à commettre un acte interdit lors d'opérations conjointes, de comploter avec une personne pour commettre un tel acte et d'héberger une personne qui a commis de tels actes. Ces dispositions sont en grand contraste à l'article 1 de la Convention sur les armes à sous-munition qui stipule que chaque État s'engage à ne jamais, en aucune circonstance, assister, encourager ou inciter quiconque à s'engager dans toute activité interdite à un État partie en vertu de la présente convention.

La Coalition contre les armes à sous-munitions reconnaît que le Canada entretient des rapports militaires étroits avec les États-Unis et cela exige une participation régulière à des opérations militaires conjointes d'un État non partie à la convention. En fait, l'article 21 de la convention a été inclus afin de permettre une telle coopération et des opérations avec des États non parties à la convention qui pourraient être engagés dans des activités interdites à un État partie.

Parallèlement, les négociations, l'analyse juridique de l'article et les commentaires d'une grande majorité des États parties à la convention qui ont fait connaître leurs opinions démontrent clairement que l'article 21 devrait être interprété comme une précision à savoir que les opérations conjointes sont permises et que ni l'État partie, ni les membres de ses forces armées seront légalement responsables des activités entreprises par l'État non partie à la convention pendant de telles opérations. Ce n'est cependant pas le critère de l'article 1, l'interdiction absolue d'aide, qui s'applique dans toutes les circonstances.

L'article 11 du projet de loi C-6 laisse entendre cependant que l'article 21.3 de la convention permet une telle exception. Un tel raisonnement est boiteux pour deux raisons principales. Tout d'abord, en vertu de la Convention de Vienne sur le droit des traités, l'article 21 doit être interprété dans le contexte plus large de la convention, y compris l'interdiction absolue en vertu de l'article 1 et de l'objet énoncé dans le préambule. L'article 11 permet plutôt aux ressortissants canadiens de contribuer directement et indirectement à l'utilisation de cette arme interdite.

Deuxièmement, il serait contradictoire à l'article 21 de la convention à la fois d'autoriser l'aide et de permettre l'utilisation des armes à sous-munitions tout en exigeant des États parties en vertu des articles 21.1 et 21.2 de promouvoir l'universalisation et l'instauration d'une norme de la convention et de dissuader les États non parties à la convention d'utiliser les armes à sous-munitions.

De plus, il est important de souligner qu'il existe maintenant une stigmatisation internationale claire contre l'utilisation des armes à sous-munitions. Depuis 2006, ces armes ont seulement été utilisées à de rares occasions et, dans presque tous les cas, les utilisateurs ont nié vigoureusement toute responsabilité afin de prendre leurs distances par rapport à ces armes critiquées. Il y a également eu des réprobations internationales vigoureuses lors de chacune des utilisations.

Les États-Unis semblent également éviter l'utilisation des armes à sous-munitions, surtout dans le contexte d'opérations conjointes, car ce pays comprend les responsabilités juridiques de ses alliés. Le projet de loi C-6 risque de miner cette stigmatisation en permettant au Canada d'apporter de l'aide dans le cas d'une utilisation future.

En outre, l'utilisation des armes à sous-munitions est maintenant liée à des États telle que la Syrie qui ne démontre aucun respect pour le droit humanitaire international. Il serait embarrassant pour le Canada d'être associé à leur utilisation. Le coût politique d'une telle aide serait certainement élevé.

Plusieurs autres proches alliés des États-Unis ont conçu un projet de loi qui traite de la question d'interopérabilité et ont mis l'accent sur le besoin d'éviter de punir les soldats lorsqu'ils aident par inadvertance à utiliser des armes à sous-munitions et ce, tout en respectant l'objet visé par la convention. En fait, 35 États parties à la convention, y compris 11 pays membres de l'OTAN, ont exprimé leur opinion ou ont promulgué des lois nationales conformes à l'interprétation de l'article 21 qui stipule que c'est une précision et non pas une exception à l'article 1. Le Canada peut et doit en faire de même sans mettre en péril sa capacité de mener des opérations militaires conjointes avec les États-Unis.

C'est pourquoi nous recommandons le remplacement du libellé de l'article 11 par un autre qui permet aux membres des Forces armées canadiennes de simplement participer à une coopération militaire ou à des opérations militaires conjointes avec des États non parties à la convention. Il faut souligner que les membres des Forces armées canadiennes ne seraient pas tenus responsables si leurs actions menaient par mégarde à l'utilisation d'armes à sous-munitions par les forces armées d'un État non partie à la convention.

Le projet de loi proposé omet d'inclure toute interdiction d'investir des fonds publics ou privés dans la fabrication d'armes à sous-munitions ou des pièces qui la composent. La Coalition contre les armes à sous-munitions estime qu'un tel investissement est manifestement une forme d'aide dans la production des armes à sous-munition ce qui est interdit en vertu de l'article 1 de la convention, quoiqu'une telle interdiction peut être interprétée comme étant une interdiction d'aider et encourager la production en vertu de l'article 6.

Notre coalition recommande qu'une interdiction explicite de l'investissement de fonds publics ou privés dans le développement et la production d'armes à sous-munitions soit incluse dans le projet de loi C-6.

Le Canada est une référence dans le désarmement humanitaire et un donateur à l'organisme Action Mines. Les failles du présent projet de loi risquent de compromettre ses contributions. Nous exhortons le Sénat à réviser l'avant-projet de loi en tenant compte de ces recommandations. Nous espérons que ce projet de loi sera promulgué rapidement afin que le Canada puisse ratifier sans plus tarder la Convention sur les armes à sous-munitions.

Nous nous réjouissons de travailler avec le Canada à l'universalisation et à la mise en ouvre de la convention lorsqu'il deviendra un État partie.

Le vice-président : Merci, madame Blakemore. Nous allons maintenant entendre Mme Bradach, puis nous passerons aux questions des sénateurs.

Lynn Bradach, à titre personnel : Je suis Lynn Bradach. Je suis ici à titre de survivante. Je me présente comme une personne ayant vécu la véritable horreur des effets d'une arme à sous-munitions.

Voyez-vous, le 2 juillet 2003, mon garçon de 21 ans, le caporal Travis Bradach-Nall a été tué par une arme à sous-munitions des États-Unis pendant une opération de déminage en Irak.

Les mots ne suffisent pas pour expliquer la douleur que j'ai ressentie lorsque j'ai perdu mon fils. Je n'arrive pas à composer avec cette réalité. Il m'a fallu des mois avant que je ne puisse poser des questions sur l'incident. Il me peine à vous dire combien j'étais furieuse d'apprendre que le pays pour lequel il se battait et pour lequel il a finalement laissé sa vie, avait fabriqué et déployé l'arme qui l'a tué. Une arme qui a un long bilan de conséquences dévastatrices. Pourquoi a-t-on à nouveau cette arme?

Travis m'a téléphoné pour me dire qu'il s'était porté volontaire pour prendre part dans les opérations de déminage. Je l'ai supplié de revoir sa décision. Je lui ai dit que de vivre dans la crainte de le perdre était en train de me tuer. Sa réponse : « Ce n'est pas vrai maman. Mon frère Nick et toi êtes en sécurité, mais je ne peux pas abandonner mes collègues ici. Je ne suis pas persuadé qu'ils sont tous au courant de ce qu'ils font. Je reviendrai à la maison quand ils reviendront tous. » Travis a été le seul du groupe à ne pas rentrer.

Je pense souvent à ses paroles. J'ai choisi de poursuivre sa mission et je sais qu'il en est fier. Je fais maintenant partie d'un groupe international, les Ban Advocates, « Les militants pour l'interdiction ». Les membres de ce groupe ont tous été touchés directement, de diverses façons, par cette arme inhumaine. Nous nous employons actuellement à obtenir une interdiction totale de cette arme. Pour y parvenir, nous expliquons ce que nous avons vécu. C'est douloureux de raconter nos histoires et de les entendre, mais elles reflètent la vérité des armes à sous-munitions. Quatre-vingt-dix-sept pour cent des victimes sont des non-combattants. Des mères endeuillées comme moi, on en compte un nombre incalculable.

Je veux louer la population canadienne et son gouvernement pour avoir contribué aux normes élevées de la convention sur les armes à sous-munitions. J'étais présente quand votre pays a signé ce traité. J'ai acclamé et félicité le Canada quand l'un de ses représentants, lors d'une récente réunion, a annoncé que vous aviez détruit votre réserve avant même d'avoir ratifié ce traité. Je vous demande maintenant d'empêcher que cette convention ne perde de sa force.

Je vous demande de travailler avec moi pour protéger non seulement les dizaines de milliers de civils innocents qui devront affronter ces armes pendant des années à venir, mais également nos vaillants jeunes soldats qui ont accepté de mettre leur vie en péril. Ne les mettez pas dans une situation oé ils seraient confrontés à une arme interdite et dangereuse. Ils assument déjà beaucoup de risques pour qu'en plus ils aient à faire face à une arme mortelle et défaillante comme des armes à sous-munitions. Il appartient au gouvernement d'établir des normes élevées pour les armes qui peuvent être employées en temps de guerre.

Dans ma déclaration, j'ai dit que le projet de loi C-6 présentait des failles. Je ne vois pas comment on protégerait les soldats canadiens en leur permettant de participer à l'utilisation des bombes à sous-munitions. Ces failles mettront votre personnel militaire à risque de blessures, voire pire. Elles ne mettront pas les Canadiens à l'abri de la culpabilité qu'ont ressentie les amis de mon fils alors qu'ils sont rentrés au pays sans lui. Elles ne mettront pas non plus les mères canadiennes à l'abri de la douleur qu'elles ressentent comme celle que je ressens depuis plus d'une décennie.

Je vous prie d'amender ce projet de loi. La Human Rights Watch, la Coalition contre les armes à sous-munitions et Action Mines Canada ont recommandé que des changements y soient apportés. Veuillez vous assurer qu'aucun Canadien ne soit impliqué dans l'utilisation des armes à sous-munitions. Comme nous l'avons vu récemment en Syrie et en Ukraine, les bombes à sous-munitions sont les armes des terroristes et des tyrans. Condamnons ces armes comme nous condamnons tous les actes de terrorisme et ne cédons pas aux peurs qui pourraient nous amener à en justifier le recours.

Merci.

Le vice-président : Merci.

Quelques sénateurs souhaitent vous poser des questions. La sénatrice Ataullahjan.

La sénatrice Ataullahjan : Madame Bradach, je vous remercie d'être venue. Les mots me manquent. Quoi dire, en tant que mère, à un parent qui a perdu son enfant? Je ne peux même pas m'imaginer votre chagrin.

En octobre, vous avez siégé à un panel de l'union interparlementaire, dont l'assemblée s'est penchée sur cette question. Je serais très intéressée de savoir quels ont été les fruits de cette discussion.

Mme Bradach : Essentiellement, des parlementaires de divers pays ont appuyé notre cause. Je pense qu'on en a sensibilisé plus d'un. J'ai expliqué pourquoi les armes à sous-munitions sont nuisibles plutôt qu'utiles pour nos soldats.

Je vous dirais que nous avons fait des progrès auprès de divers pays et que nous avons reçu des appuis pour faire avancer cette convention.

La sénatrice Ataullahjan : L'UIP est constituée de 166 pays. Sauriez-vous quels pays étaient présents? Je crois que certains d'entre eux connaissent des difficultés.

Mme Bradach : Je ne sais pas exactement quels pays étaient présents. Il y avait plusieurs pays africains, dont beaucoup de représentants parlaient français. Je ne parle pas français; je suis désolée. Nombre de ces pays ont eu un rôle à jouer, et les armes à sous-munitions sont présentes chez eux. Sans mes notes, je ne peux me souvenir des pays avec lesquels nous nous sommes entretenus.

J'ai eu une réunion très fructueuse avec un sénateur du Bangladesh, qui en est maintenant le président. Il a été très ému et m'a dit qu'il ferait de son mieux pour participer aux événements de l'UIP.

J'avais le sentiment d'avoir fait de bons progrès. J'essaie de me souvenir des autres pays que nous avons rencontrés, mais je suis un petit peu nerveuse en ce moment. Je n'arrive pas à réfléchir. J'ai toutefois le sentiment que ces quelques jours à Genève ont été très productifs.

La sénatrice Ataullahjan : Vous étiez avec M. Chowdhury, un homme très capable, et je suis sûr qu'il s'occupera de vous. Merci.

Mme Bradach : Oui, merci.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : En tout premier lieu, j'aimerais poser une question à Mme Blakemore. J'aimerais en savoir davantage sur votre coalition.

Vous faites partie d'une coalition contre les armes à sous-munition. Combien de pays font partie de cette coalition? Combien de groupes en font partie? Combien de personnes cela représente-t-il?

[Traduction]

Mme Blakemore : Merci beaucoup pour votre question. Je serais très heureuse de vous expliquer ce qu'est la CMC.

Nous sommes une coalition d'organisations dont les activités sont menées dans 100 pays partout dans le monde. Nous sommes constitués de petits groupes de survivants et d'ONG internationaux. Vous reconnaîtrez sans doute les noms de certaines organisations comme Action Mines Canada et Human Rights Watch. Nous travaillons ensemble à l'échelle mondiale et nationale pour mettre en ouvre la Convention sur les armes à sous-munitions et contribuer à son application universelle.

Un grand nombre des membres de la coalition sont des survivants. Nous comptons dans notre organisation un réseau de survivants, qui appuie les survivants et milite pour le respect de leurs droits.

Nous dirigeons également Cluster Munition Monitor, notre initiative recherche, qui publie des études sur les armes à sous-munitions et fait le point sur la convention dans tous les pays du monde annuellement. C'est l'organe de surveillance de facto de ce traité.

J'espère avoir répondu à votre question.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : Oui. J'ai quelques autres questions à vous poser, mais j'aimerais tout d'abord vous lire un petit extrait du discours que le ministre Baird, ministre des Affaires étrangères, a prononcé devant le Comité des affaires étrangères et du commerce international.

Il a dit ceci : « Je tiens aussi à souligner qu'aucun soldat canadien n'emploiera jamais d'armes à sous-munitions. Je répète : aucun soldat canadien n'emploiera jamais d'armes à sous-munitions. Cela sera confirmé par une directive du chef d'état-major de la Défense qui sera publiée dès que ce projet de loi aura été adopté. »

Il est entendu que, dans le projet de loi, si un commandant canadien est responsable d'une mission et qu'il commande d'autres militaires d'autres pays, jamais un commandant canadien n'aura le droit d'ordonner l'usage d'armes à sous-munitions.

En ce qui a trait à l'interopérabilité, nous sommes très près des États-Unis; c'est notre plus proche voisin. On a donc souvent besoin d'eux, comme eux ont besoin de nous.

La permission qu'ont les soldats canadiens est extrêmement limitée. Il pourrait s'agir seulement de transporter des caisses qui contiennent des armes à sous-munitions. Cependant, jamais un soldat canadien n'ira lancer des mines. L'interopérabilité est très importante à cause de notre principal voisin.

J'aimerais dire un petit mot d'encouragement à Mme Bradach. Je fais partie de l'Union interparlementaire, mais je n'ai malheureusement pas eu le bonheur de participer à la réunion de l'IPU à laquelle vous avez participé. Je tiens toutefois à vous dire que je comprends votre peine. Votre peine est plus grande, parce que vous avez perdu votre fils, mais le mien a sauté, en 2003, à pieds joints sur une mine antipersonnel. L'une de ses jambes a été presque entièrement détruite et l'autre a été littéralement projetée. La souffrance est terrible pour la personne touchée par une mine, mais elle l'est tout autant pour ses parents et ceux qui l'entourent.

Madame, je compatis donc à votre douleur d'avoir perdu votre fils.

[Traduction]

Mme Bradach : Merci.

Mme Blakemore : Nous sommes très reconnaissants au Canada pour son leadership. La prochaine étape, c'est de corriger ce projet de loi et d'éliminer les failles qu'il contient. C'est la seule remarque que je souhaite faire. Il s'agit maintenant de nous appuyer sur le leadership dont le Canada a fait preuve. Nous voulons nous assurer que tous ont bien conscience de l'importance de l'empathie. Nous voulons travailler ensemble pour façonner une convention, une loi nationale, dont les normes sont les plus élevées.

Le vice-président : Je ne crois pas qu'il y ait d'autres questions. J'aimerais remercier les témoins de leur exposé et d'avoir répondu à nos questions.

Chers collègues, nous serons de retour demain pour poursuivre l'étude de ce projet de loi.

(La séance est levée.)


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