Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international
Fascicule 18 - Témoignages du 5 novembre 2014
OTTAWA, le mercredi 5 novembre 2014
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 16 h 15, pour examiner la teneur des éléments de la section 15 de la partie 4 du projet de loi C-43, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures.
La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Translation]
La présidente : Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit ce soir et notre premier point est la teneur des éléments de la section 15 de la partie 4 du projet de loi C-43, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures.
Comme vous le savez, la question nous a été renvoyée par le Sénat. Nous n'avons que cet élément du budget à examiner. Nous n'avons pas reçu d'avis voulant que d'autres témoins viendront s'ajouter, alors nous allons demander aux représentants d'Affaires étrangères, Commerce et Développement Canada de nous expliquer la raison d'être de cette modification et son but.
Nous accueillons donc aujourd'hui M. Cameron MacKay, directeur général, Direction générale des négociations commerciales, et M. Stacy-Paul Healy, avocat, Direction générale du droit commercial. Vous pouvez nous expliquer en quoi consiste cette modification, de même que sa pertinence dans le cadre de l'accord de libre-échange avec le Chili. Nous vous souhaitons la bienvenue au comité.
[English]
Cameron MacKay, directeur général, Direction générale des négociations commerciales, Affaires étrangères, Commerce et Développement Canada : Madame la présidente, je vous remercie. Je suis ici cet après-midi pour vous tenir au courant des modifications qui seront apportées à la Loi de mise en œuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Chili, conformément à l'article 227 de la Loi d'exécution du budget.
La loi prévoit des modifications à la législation de mise en œuvre du chapitre sur le règlement des différends de l'Accord de libre-échange Canada-Chili, dans le cadre des efforts qui sont déployés pour moderniser cet accord. Ces modifications permettront de changer la façon de choisir les membres du groupe de mécanisme de règlement des différends entre les États pour cet accord de libre-échange.
[Traduction]
Ces modifications font partie d'un effort plus large pour s'assurer que cet accord continue de répondre aux besoins des entreprises canadiennes. L'accord de libre-échange est la pierre angulaire de la relation commerciale bilatérale, et le Chili est un marché émergent prioritaire dans le cadre du Plan d'action pour les marchés mondiaux du Canada, ou PAMM. Dans ce contexte, en septembre 2013, en plus des modifications proposées au chapitre sur les règlements des différends de l'accord de libre-échange, le Canada et le Chili ont également ajouté un nouveau chapitre sur les services financiers et ont mis à jour des chapitres existants sur les marchés publics et les procédures douanières. À part le règlement des différends, ces modifications n'ont pas nécessité de modifications législatives et sont entrées en vigueur en septembre 2013. Nous ne nous sommes pas arrêtés là. Les représentants canadiens et chiliens continuent de discuter de façons d'élargir et de moderniser davantage l'Accord de libre-échange Canada-Chili dans des domaines tels que les obstacles techniques au commerce et les mesures sanitaires et phytosanitaires.
Pour ce qui est de la modification législative concernant précisément le règlement des différends, il convient de noter que lorsque l'ALECC est entré en vigueur en 1997, le Canada choisissait les membres du groupe de règlement des différends entre États d'après la méthode utilisée dans le cadre de l'ALENA. La Loi de mise en œuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Chili, chapitre 14 des Lois du Canada, 1997, prévoit une disposition qui repose sur un système de liste de candidats selon lequel le gouverneur en conseil choisit des personnes figurant sur une liste, conformément au chapitre sur le règlement des différends de l'accord. Cette méthode exige que les parties conviennent d'une liste de candidats qui pourraient faire partie du groupe de règlement des différends, ou le présider, et qui pourraient être choisis par les parties en cas de différend.
Notre expérience subséquente a mis en évidence des défis potentiels concernant cette façon de procéder. En particulier, si une liste n'est pas encore dressée, le défendant peut réellement empêcher la formation d'un groupe d'experts pour que ceux-ci examinent le différend. Cette situation s'est produite notamment à la fin des années 1990 dans le cadre d'un différend entre les États-Unis et le Mexique. En outre, même si les parties s'entendent sur une liste, il ne s'agit pas nécessairement du processus le plus efficace puisque l'établissement d'une liste peut prendre beaucoup de temps.
Par conséquent, dans les ALE plus récents, en commençant par ceux conclus avec le Pérou et la Colombie, mais également avec la Jordanie, le Panama, le Honduras et la Corée, les parties ont convenu d'avoir recours à un processus de sélection extraordinaire, où, dans le cas d'un différend, chaque partie nomme un expert et plusieurs candidats pour présider le groupe. Le président est ensuite choisi au hasard parmi la liste des candidats proposés. Ce processus est une façon de procéder simplifiée plus efficace et empêche une partie de bloquer l'établissement d'une liste.
[Français]
Une fois que cette modification à la Loi de mise œuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Chili sera apportée, la nouvelle méthode de sélection des membres du groupe de règlement des différends dans le cadre de l'ALECC entrera en vigueur. Par ailleurs, les modifications techniques qui en découleront permettront d'harmoniser l'ALECC avec les plus récents accords commerciaux du Canada.
Je vous remercie. Je me ferai un plaisir de répondre à toutes vos questions.
[Traduction]
La présidente : Monsieur Healy, avez-vous des observations à présenter ou êtes-vous ici pour seconder M. MacKay et répondre à nos questions?
Stacy-Paul Healy, avocat, Direction générale du droit commercial, Affaires étrangères, Commerce et Développement Canada : Je suis ici pour le seconder et répondre à vos questions.
La présidente : J'aimerais avoir une précision. Vous avez dit qu'on aurait recours à un processus extraordinaire conformément à la nouvelle génération d'accords de libre-échange, mais vous avez aussi dit que chaque partie proposerait des candidats et que le président serait sélectionné au hasard. Qu'entendez-vous par « sélectionné au hasard »?
M. Healy : Je vous remercie de poser la question, madame la présidente. La sélection au hasard, cela veut dire que les deux parties proposeront un maximum de quatre candidats, puis on tirera un nom au hasard. On mettra donc les noms dans un chapeau et on en tirera un au hasard pour devenir président.
La présidente : Qui tirera le nom? Vous nommez chacun une personne. Chaque pays nomme une personne. Les choisit-on au hasard ou est-ce les pays qui le font?
M. Healy : Ce sont les parties dans le cadre de la commission conjointe. Ce sont elles qui vont les choisir.
La présidente : Et les parties, ce sont les gouvernements?
M. Healy : Oui.
Le sénateur Downe : Qui a demandé cette modification, le Canada ou le Chili?
M. MacKay : Le Canada en a fait la proposition dans le cadre de ses efforts visant à moderniser les ALE et à les harmoniser, et le Chili s'est empressé d'accepter l'idée.
Le sénateur Downe : Le gouverneur en conseil nomme ceux qui vont faire partie de ces groupes d'experts. Qui prépare la liste? Est-ce le ministère, ou publie-t-on une annonce pour inviter les gens à poser leur candidature?
M. Healy : Je peux vous parler de la procédure dans le cadre de l'ALENA. Le ministère propose des candidats qui possèdent toutes les compétences requises. Ces candidats sont ceux que le Canada fait inscrire sur la liste et que le gouverneur en conseil approuve.
Le sénateur Downe : Par exemple, dans le cadre de l'ALENA, il n'y a pas eu de différend entre le Canada et le Chili, alors nous n'avons jamais eu recours à ce mécanisme. Est-ce exact?
M. MacKay : C'est exact. Le Canada et le Chili n'ont pas encore eu de différend.
Le sénateur Downe : J'aimerais vous poser une question alors au sujet des groupes d'experts mis sur pied dans le cadre de l'ALENA. Le ministère soumet des noms. Qui sont ces gens? S'agit-il de fonctionnaires du ministère, d'employés à temps plein, d'anciens employés, de gens d'affaires, d'avocats, de chercheurs? Dans le cas de l'ALENA, d'où proviennent les personnes? Je présume qu'on procéderait de la même façon dans le cas du Chili et du Canada.
M. Healy : Oui. Les personnes proviennent de différents milieux. Ce peut être des chercheurs, des experts en droit commercial, des gens d'affaires aussi, tant et aussi longtemps que ces personnes possèdent les compétences requises.
Le sénateur Downe : La population est-elle informée de ces compétences? Si un de nos auditeurs aujourd'hui croit posséder les compétences requises, comment procède-t-il pour soumettre sa candidature au ministère?
M. Healy : Les compétences sont énoncées dans le chapitre sur le règlement des différends de l'accord.
Le sénateur Downe : Avez-vous des gens qui vous soumettent leur candidature ou devez-vous en solliciter?
M. Healy : Le ministère approche habituellement des gens qui possèdent une expérience reconnue dans le domaine pour leur demander s'ils peuvent et souhaitent faire partie d'un groupe d'experts.
Le sénateur Downe : Pourriez-vous me dire, dans le cas de l'ALENA, quel est le pourcentage environ des participants qui sont des anciens employés du ministère ayant de l'expertise dans le domaine?
M. Healy : Je ne peux pas vous dire quel pourcentage exactement, mais ils sont très peu nombreux. Il n'y en a qu'un ou deux qui sont d'anciens fonctionnaires.
Le sénateur Downe : Je présume que les gens reçoivent une rémunération lorsqu'ils participent aux réunions du groupe. Est-ce qu'ils signent un contrat s'ils sont choisis?
M. Healy : Leurs dépenses leur seront remboursées si le groupe se réunit et s'il est nécessaire d'en former un.
Le sénateur Downe : Si un différend survient entre le Canada et le Chili et qu'une personne fait partie du groupe d'experts, elle ne reçoit aucune rémunération pour son temps et on lui rembourse uniquement ses dépenses? Ai-je bien compris?
M. Healy : Je crois que les personnes reçoivent une rémunération pour le temps consacré au groupe d'experts.
Le sénateur Downe : Et c'est ainsi pour tous les groupes d'experts? L'ALENA et l'accord avec le Chili fonctionnent de la même façon?
M. MacKay : Si vous le permettez, j'aimerais préciser que dans le cas du Chili, la liste n'a jamais été dressée. Nous n'avons pas de liste actuellement. Même si le traité l'exige, nous ne l'avons jamais créée, et c'est pourquoi nous voulons mettre en place cette nouvelle façon de faire qui n'en nécessitera pas.
Le sénateur Downe : Je comprends, mais si un différend survenait demain, le gouverneur en conseil, le cabinet, nommerait des personnes sur la recommandation du ministère, si j'ai bien compris. Est-ce exact?
M. Healy : Oui, c'est exact.
Le sénateur Downe : Si un différend survenait avec le Chili, est-ce que les membres du groupe d'experts recevraient la même rémunération que dans le cas de l'ALENA par exemple? Il n'y aurait pas de différence. La rémunération est déjà fixée, je présume. Ma prochaine question est donc : quel en est le montant?
M. Healy : Malheureusement, je ne connais pas la réponse à votre question. Au sujet du dernier point, l'accord a été modifié pour inclure le processus de sélection extraordinaire. Comme l'accord modificatif est entré en vigueur en septembre 2013, c'est ainsi que nous procéderions. Si un différend survenait avec le Chili, nous utiliserions le processus de sélection extraordinaire.
Le sénateur Downe : Expliquez-nous la différence entre le processus de sélection extraordinaire et l'ancienne méthode.
M. Healy : Dans le cas du processus de sélection extraordinaire, rien n'est fait tant qu'un différend ne survient pas. Lorsqu'un différend survient, chaque partie nomme un membre du groupe d'experts et soumet des candidats à la présidence; le président est ensuite choisi au hasard. Dans le cas de la liste, les parties doivent soumettre des candidats et s'entendre sur la liste. En ce qui nous concerne, le gouverneur en conseil doit approuver les candidatures. Il faut ensuite que les parties s'entendent au sein de la commission conjointe.
Le sénateur Downe : Dans le cas du processus de sélection extraordinaire, est-ce que les noms sont approuvés par le gouverneur en conseil ou par quelqu'un d'autre?
M. Healy : Les noms sont approuvés par le ministre du Commerce international.
Le sénateur Downe : Ce n'est donc pas le Cabinet qui les approuve, mais le ministre.
M. Healy : C'est exact.
Le sénateur Downe : Vous pouvez nous faire suivre l'information si vous n'avez pas la réponse au sujet de la rémunération.
M. Healy : Je n'ai pas la réponse, mais je peux vous revenir sur ce point.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : Soyez les bienvenus devant notre comité. Je serai très brève dans mes questions.
Ma question a trait à cette nouvelle méthode ponctuelle prévue dans nos accords commerciaux les plus récents, par exemple ceux avec le Panama et la Corée dont nous entendrons parler après vos témoignages. Avons-nous déjà dû utiliser cette nouvelle méthode?
Vous avez dit tout à l'heure que c'était tout de même une très bonne méthode. Mais lorsqu'on lit avec attention votre présentation, on note que le choix des personnes qui siégeront sur le conseil chargé de régler les différends peut prendre du temps. Pouvez-vous élaborer plus longuement sur les avantages de cette nouvelle méthode?
M. MacKay : Je peux confirmer que nous n'avons pas utilisé cette méthode formellement jusqu'à maintenant.
[Traduction]
Si on fait abstraction de l'ALENA et de l'OMC, le Canada n'a pas eu de différend officiel avec l'un ou l'autre de ses partenaires de libre-échange. Nous considérons qu'il s'agit d'une pratique exemplaire. Nous voulons que le système fonctionne le mieux possible. Toutefois, nous ne l'avons pas encore utilisé, parce que la plupart du temps, nous réglons nos différences de vue avec nos partenaires commerciaux, y compris avec nos partenaires de libre-échange, bien avant qu'on en arrive au mécanisme de règlement des différends, soit dans le cadre de consultations officieuses ou parfois un peu plus officielles.
En résumé, nous ne l'avons pas encore utilisé officiellement, mais nous croyons que ce sera une meilleure façon de choisir les membres du groupe d'experts. Cela nous évitera de plus de nous retrouver dans une situation où une des parties peut bloquer la mise en place d'une liste ou d'un groupe d'experts et paralyser le mécanisme de règlement des différends, comme cela s'est produit lors d'un différend entre les États-Unis et le Mexique dans le cadre de l'ALENA. Nous pensons que cette façon de choisir les membres du groupe d'experts assurera un meilleur fonctionnement du mécanisme de règlement des différends. Aucun pays ne s'y est vraiment opposé jusqu'à maintenant. La plupart de nos partenaires commerciaux à qui nous l'avons proposé l'approuvent. C'est une façon logique de procéder.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : D'après vous, c'est plus avantageux de procéder de cette façon?
M. MacKay : Absolument, oui.
[Traduction]
La présidente : J'aimerais poursuivre dans la foulée de la sénatrice Fortin Duplessis. Nous avons ce nouveau système de sélection extraordinaire dans nos nouveaux accords commerciaux. D'où vient-il? Est-ce qu'il ressemble à ce qu'on utilise à l'OMC? En est-ce une émanation ou provient-il d'un autre pays? Qui a pensé à l'idée d'un « processus extraordinaire » plutôt qu'à une « liste »? Je me souviens de ce qui a amené l'idée d'une liste dans les ALE, mais je ne sais pas d'où vient l'idée d'un processus extraordinaire.
M. MacKay : Si je me souviens bien, la première fois que cette méthode a été adoptée, c'est dans l'Accord de libre-échange Canada-Pérou. C'est sans doute un élément sur lequel se sont penchés les négociateurs canadiens et en particulier ceux de la Direction générale du droit commercial. Nous avons de l'expérience avec le mécanisme de règlement des différends de l'ALENA, de l'OMC et de certains de nos premiers ALE, et nous voulons mettre au point un mécanisme qui fonctionne mieux, qui est plus efficace, et qui évitera qu'une partie puisse empêcher la création d'un groupe d'experts. C'est lors des négociations avec le Pérou que nous avons convenu pour la première fois d'essayer cette méthode et nous l'avons mise au point avec eux. Depuis, nous l'avons repris à maintes reprises, parce que nous trouvons, comme la plupart de nos partenaires, que c'est très logique.
La présidente : Est-ce que d'autres pays intègrent cette méthode dans leurs accords commerciaux, ou est-ce que le Canada est le seul pays à l'utiliser avec ses partenaires commerciaux?
M. Healy : D'autres pays l'utilisent aussi. La Corée, par exemple, utilise la méthode des groupes d'experts spéciaux et elle l'a fait notamment dans son accord avec les États-Unis. D'autres pays utilisent aussi d'autres méthodes. Certains préfèrent la liste, d'autres les groupes d'experts spéciaux, et d'autres encore utilisent une combinaison des deux.
Le sénateur Downe : Avons-nous modifié l'ALENA pour y intégrer cette méthode des groupes d'experts spéciaux ou cette préférence?
M. MacKay : Non.
Le sénateur Downe : Les Américains ont accepté la méthode des groupes d'experts spéciaux avec la Corée, mais je présume que nous leur avons aussi proposé cette méthode. Y a-t-il des négociations en cours?
M. MacKay : Il n'y a pas de renégociation de l'ALENA en cours. Il y a bien sûr des négociations en cours entre le Canada, les États-Unis et le Mexique pour s'assurer que le mécanisme de règlement des différends fonctionne le mieux possible. Personne n'a officiellement demandé à ce que l'ALENA soit rouvert. Depuis sa signature, aucun élément n'a été renégocié.
La présidente : Plus personne ne semble avoir de questions. Manifestement, vous avez répondu à toutes celles que nous avions. Nous aimerions que vous nous fournissiez l'information au sujet de la rémunération le plus rapidement possible afin que nous puissions faire rapport.
Messieurs, je vous remercie d'être venus témoigner malgré le bref préavis. Nous vous savons gré de vos commentaires. Merci.
Chers collègues sénateurs, à la suite des questions, nous devons décider ce que nous allons faire dans ce cas. Je pense que le comité directeur rédigera notre rapport. À notre retour, après le congé du jour du Souvenir, vous aurez une copie du rapport pour vérifier si le contenu reflète vos vues. Je ne sais pas si nous devons l'envoyer au Sénat ou au Comité des finances. C'est l'un des détails que nous devons régler.
Nous n'avons pas d'autres témoins sur le sujet. Après le jour du Souvenir, nous allons reprendre à l'étape du rapport.
Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international entreprend son étude sur le projet de loi C-41, Loi portant mise en œuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Corée.
Nous accueillons maintenant des représentants d'Affaires étrangères, Commerce et Développement Canada, mais auparavant, j'aimerais vous mentionner que le ministre comparaîtra devant le comité. Il est en voyage à l'étranger actuellement, mais il devrait comparaître à notre retour mardi, si le Sénat nous donne l'autorisation. Nous aurons donc ses commentaires à ce moment. Pour être efficaces et satisfaire aux échéances de l'Accord Canada-Corée, nous avons convenu, des deux côtés, d'entendre le témoignage des représentants du ministère aujourd'hui.
Nous recevons M. Ian Burney, sous-ministre adjoint, Accords commerciaux et négociations, et négociateur en chef pour l'Accord de libre-échange Canada-Corée (ALECC); M. Marvin Hildebrand, directeur général, Direction générale d'accès aux marchés; Mme Nadia Bourély, directrice, Direction des politiques et négociations commerciales, Asie, et négociatrice en chef adjointe pour l'ALECC; et M. Vernon MacKay, directeur, Direction des investissements commerciaux. Il s'en vient. Nous avons commencé un peu plus tôt, alors nous allons lui demander de nous excuser d'avoir débuté sans lui. Si nous avons des questions à lui adresser, nous les garderons pour plus tard. Nous accueillons également M. Matthew Smith, directeur, Direction de la propriété intellectuelle commerciale, Affaires étrangères, Commerce et Développement Canada. D'Emploi et Développement social Canada, prenant place au coin de la table, nous avons M. Pierre Bouchard, directeur, Direction des affaires bilatérales et régionales du travail.
Bienvenue à cette séance du comité. Je pense que certains d'entre vous, sinon tous, ont déjà comparu devant le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. Nous vous souhaitons la bienvenue. Je crois que M. Burney a une déclaration préliminaire à faire. Nous passerons ensuite aux questions. Bienvenue à vous. La parole est à vous, monsieur Burney.
[Français]
Ian Burney, sous-ministre adjoint, Accords commerciaux et négociations, et négociateur en chef pour l'ALECC, Affaires étrangères, Commerce et Développement Canada : Je suis heureux de comparaître devant le comité pour donner un aperçu de l'Accord de libre-échange historique entre le Canada et la Corée et répondre aux questions des membres du comité.
Comme vous le savez, l'Accord de libre-échange Canada-Corée a été signé à Ottawa en septembre, en présence du premier ministre Harper et de la présidente Park. Le processus de mise en œuvre se déroule bien; le projet de loi C-41 a franchi la troisième lecture à la Chambre des communes la semaine passée. Il s'agit du premier accord de libre-échange du Canada en Asie et d'un élément crucial de l'ambitieux programme commercial du gouvernement, comme le décrit le Plan d'action pour les marchés mondiaux. Il annonce le début d'une ère nouvelle dans les relations bilatérales du Canada avec la République de Corée.
[Traduction]
Nos relations économiques sont déjà importantes. En effet, le commerce bilatéral de marchandises s'est chiffré à près de 11 milliards de dollars l'an dernier, et l'investissement bilatéral a atteint environ 6 milliards de dollars. Toutefois, étant donné l'ampleur et la complexité de nos deux économies, le potentiel entre nous est beaucoup plus grand. L'ALECC est l'outil nécessaire à l'exploitation de ce potentiel, et de façon encore plus urgente, au rétablissement de l'équité pour le Canada dans ce marché de plus en plus important, qui compte une population de 50 millions de personnes et affiche un PIB de 1,3 billion de dollars, le quatrième en importance en Asie.
Les entreprises canadiennes ont en effet été écartées du marché coréen à un rythme alarmant par des concurrents américains et européens qui profitent déjà de leur ALE respectif avec la Corée. D'autres pays, dont l'Australie, devraient bientôt profiter d'un traitement semblable.
Avec la mise en œuvre de l'ALECC, les entreprises canadiennes se retrouveront sur un pied d'égalité avec leurs concurrentes, ou en régime préférentiel, sur le marché coréen. Selon notre modélisation économique, l'Accord fera augmenter notre PIB annuel de quelque 1,7 milliard de dollars et nos exportations du tiers des volumes actuels. Ce sont des chiffres importants, mais ceux-ci sous-estiment probablement la valeur réelle de cet accord.
Car au-delà des avantages bilatéraux directs, l'ALECC offrira au Canada une plus grande influence dans le cadre d'autres négociations en cours dans la région, notamment celles du Partenariat transpacifique et d'un accord commercial avec le Japon, et proposera aux entreprises canadiennes une assise plus solide pour profiter de possibilités partout dans la région florissante de l'Asie-Pacifique.
Les principaux conglomérats de la Corée ont des liens étendus partout en Asie et sont des acteurs importants dans les chaînes de valeur mondiales. En stimulant les partenariats entre les entreprises canadiennes et coréennes, l'ALECC pavera la voie à nos entreprises, y compris aux PME, qui voudront faire des affaires dans cette région parmi les plus dynamiques du monde sur le plan économique.
En ce qui concerne l'ALECC lui-même, il s'agit d'un accord de libre-échange d'avant-garde qui est ambitieux et qui couvre pratiquement tous les aspects du commerce moderne. L'élément central de l'accord est l'élimination des droits de douane. Près de 90 p. 100 de nos exportations actuelles entreront en franchise de droits dès la mise en œuvre de l'accord, et presque toutes nos exportations restantes le feront à terme. Cela signifie que nous serons en mesure de rétablir rapidement notre position concurrentielle sur le marché coréen.
Les modalités des mesures visant à abolir les droits de douane sont semblables à celles obtenues par nos principaux concurrents et, dans un certain nombre de nos domaines prioritaires, nos résultats sont même plus importants. En outre, les résultats sont avantageux pour le Canada si l'on tient compte du fait que les droits de douane imposés par la Corée sont actuellement trois fois plus élevés en moyenne que les nôtres, soit 13,3 p. 100 par rapport à 4,3 p. 100.
D'un point de vue sectoriel, tous les droits de douane coréens seront éliminés pour tous les secteurs industriels et de la fabrication, y compris l'aérospatiale, le transport ferroviaire, les produits de technologies de l'information, les produits chimiques et les produits pharmaceutiques. Les droits de douane coréens dans ces secteurs peuvent atteindre jusqu'à 13 p. 100, et la grande majorité d'entre eux seront éliminés le jour de l'entrée en vigueur de l'accord.
Les droits de douane coréens dans le secteur de la foresterie et du bois, qui peuvent atteindre jusqu'à 10 p. 100, seront aussi entièrement éliminés, créant ainsi d'importantes possibilités pour les principales exportations canadiennes, comme le bois d'épinette, de pin et de sapin, le contreplaqué et les panneaux à copeaux orientés.
Dans le secteur délicat du poisson et des fruits de mer, où les droits de douane coréens atteignent près de 50 p. 100, l'accord prévoit une élimination complète des droits de douane avec des périodes d'élimination plus courtes que celles que nos concurrents ont obtenues pour des produits comptant pour près de la moitié de nos exportations, y compris le homard, la myxine, le hareng surgelé, le flétan et le saumon du Pacifique.
Dans le secteur de l'agriculture, le secteur le plus protégé de la Corée, où certains droits de douane se rapprochent de 900 p. 100, l'accord éliminera les droits de douane dans tous les secteurs prioritaires, comme le bœuf, le porc, les céréales, les légumineuses, les oléagineux et les aliments transformés. Là aussi, nous avons obtenu des résultats plus avantageux que nos concurrents pour une gamme de produits importants, comme l'huile de colza, le malt d'orge, certaines légumineuses, les produits de boulangerie, le sirop d'érable et le sucre.
Outre des dispositions visant l'élimination des droits de douane, l'accord renferme une vaste gamme de disciplines liées aux obstacles non tarifaires qui préoccupent nos entreprises, notamment des dispositions visant les normes et les obstacles techniques, la transparence et la non-discrimination ainsi que des procédures de règlement des différends rapides et efficaces.
[Français]
Au-delà du commerce des produits, l'accord prévoit des résultats ambitieux à l'égard des services et de l'investissement qui permettront aux Canadiens de bénéficier d'un meilleur accès au marché dans des secteurs clés, comme les services professionnels et financiers, ainsi que d'un traitement identique aux meilleures dispositions offertes par la Corée à tous ses pays partenaires, y compris les États-Unis.
Les dispositions relatives aux marchés publics vont offrir aux entreprises des deux pays des meilleures occasions au niveau du gouvernement central, ce qui place le Canada sur un pied d'égalité avec les États-Unis et dans une meilleure situation que d'autres pays, comme le Japon et l'Union européenne, par exemple.
L'accord comprend également des engagements visant à renforcer la protection des droits de propriété intellectuelle et prévoit des niveaux élevés de protection en ce qui concerne l'environnement et le travail.
[Traduction]
Passons maintenant au secteur de l'automobile, secteur qui a nécessité une attention soutenue dans le cadre des négociations étant donné son importance pour l'économie et pour le commerce bilatéral du Canada.
Les résultats des vastes négociations qui ont été menées dans ce domaine sont semblables, voire parfois supérieurs, à ceux obtenus par nos principaux concurrents. En ce qui concerne les droits de douane, la Corée éliminera immédiatement les droits de douane de 8 p. 100 sur les automobiles, alors qu'elle le fera sur cinq ans aux termes du KORUS et sur trois à cinq ans aux termes de l'accord avec l'UE. Les droits de douane plus bas imposés par le Canada, de 6,1 p. 100, seront pour leur part abolis progressivement à raison de trois réductions annuelles équivalentes. Cela signifie que, malgré le terrain perdu par rapport à d'autres pays, les fabricants d'automobiles canadiens devraient obtenir un accès au marché coréen en franchise de droit complet avant ceux des États-Unis et de l'UE, et qu'ils bénéficieront d'une protection tarifaire sur le marché canadien pendant une certaine période après que les droits de douane sur les automobiles coréennes auront été entièrement éliminés aux États-Unis et dans l'UE.
Nous avons également négocié des règles d'origine avantageuses dans ce secteur, règles qui reflètent la nature intégrée de la production en Amérique du Nord, en permettant la comptabilisation des intrants américains dans les exigences liées à l'origine. La Corée n'accepte pas de tels cumuls dans ses accords avec d'autres partenaires.
Dans le domaine important des obstacles non tarifaires, y compris les taxes internes, les normes techniques en matière d'émissions et d'économie de carburant et de sécurité des véhicules, nos résultats sont aussi bons que ceux obtenus par nos concurrents.
En ce qui concerne les mesures de sauvegarde contre les hausses soudaines des importations, les dispositions de notre accord sont non seulement équivalentes aux dispositions très robustes obtenues par les États-Unis pour les automobiles, mais elles s'étendent aussi à tous les secteurs, y compris l'acier, par exemple.
L'ALECC prévoit aussi de robustes mécanismes institutionnels pour régler les différends dans le secteur automobile ainsi que des procédures particulières de règlement des différends portant sur des véhicules motorisés assorties d'échéanciers beaucoup plus serrés.
À cet égard, il y a eu une certaine confusion à propos d'une disposition de « retour au taux de droit NPF » dans l'accord États-Unis-Corée, confusion que j'aimerais dissiper. De façon générale, le concept de « retour au taux de droit NPF » fait référence au rétablissement d'un tarif NPF, qui se produit typiquement dans deux situations distinctes. Il peut s'agir d'une mesure de sauvegarde en réponse à des hausses soudaines des importations causées par l'élimination des droits de douane ou d'une mesure de représailles pour inobservation par l'autre partie d'une décision découlant d'un processus de règlement des différends. Comme je l'ai indiqué, nos dispositions relatives aux mesures de sauvegarde pour répondre aux hausses soudaines des importations sont aussi fermes que celles de l'accord entre les États-Unis et la Corée, s'appliquent à tous les secteurs et permettent le rétablissement complet de nos droits NPF.
En ce qui concerne les représailles lors d'un différend, notre accord ne comprend pas de disposition automatique de « retour au taux de droit NPF » sur les automobiles que l'on trouve dans le KORUS, puisque la Corée a refusé d'étendre cette disposition à d'autres partenaires commerciaux, y compris l'UE.
En cas de non-respect d'une conclusion dans le cadre d'un processus de règlement d'un différend en vertu de notre accord, chaque partie aurait toujours le droit de réimposer un tarif NPF ou plus, mais seulement à un niveau correspondant au dommage causé par la violation sous-jacente. Il s'agit d'une façon de procéder commune à presque tous les accords commerciaux.
En toute franchise, nous n'estimons pas que cette distinction entre nos accords soit particulièrement importante. Tout d'abord, la valeur de la disposition de retour au taux de droit NPF du KORUS est discutable. Les droits de douane sur les automobiles des États-Unis ne sont que de 2,5 p. 100, qu'aucun retour au taux de droit NPF ne peut être fait durant les quatre premières années suivant la mise en œuvre, et les dispositions de « retour au taux de droit NPF » seront éliminées progressivement dans 10 ans, de même que les échéanciers accélérés pour les différends portant sur l'automobile prévus dans cet accord, si la Corée n'est pas reconnue coupable par un groupe d'experts d'avoir manqué à ses obligations relatives aux automobiles.
En outre, dans la mesure où la disposition du KORUS contribue à discipliner les mesures non tarifaires, le Canada en profiterait indirectement de toute manière, car, en pratique, il serait difficile pour un obstacle non tarifaire à établir une distinction entre une automobile américaine et canadienne, étant donné le caractère intégré de notre industrie.
Par conséquent, le résultat est que nous profiterons indirectement de la disposition du KORUS aussi longtemps qu'elle durera. Puis, si elle est progressivement éliminée, comme on le prévoit, nous aurons toujours les dispositions de règlement rapide des différends qui sont permanentes dans notre accord, tandis que celles-ci auront aussi fait l'objet d'une élimination progressive dans le KORUS.
Les opinions de l'industrie canadienne de l'automobile sont partagées sur cet ALE. Certains acteurs, dont Honda et Toyota et leur association, l'appuient fortement. Les préoccupations exprimées se résument en deux points : l'élimination des droits de douane nuira à la production et aux emplois au Canada, et l'accord ne permettra pas d'obtenir un véritable accès en Corée puisque le marché de l'automobile de ce pays est fermé aux importations. Permettez-moi d'aborder chacun de ces deux points.
Au sujet du premier élément, toutes les études crédibles réalisées sur la question permettent de conclure que l'effet de l'ALECC sur les emplois dans le secteur de l'automobile et la production au Canada serait négligeable, de l'ordre de 0,2 p. 100 de la production nationale. Cela s'explique principalement par le fait que la majorité de la production canadienne — près de 90 p. 100 l'année dernière — est exportée et qu'elle ne sera pas touchée par l'ALECC. En outre, les voitures coréennes vendues au Canada proviennent de plus en plus des usines américaines et accèdent déjà à notre marché en franchise de droits en vertu de l'ALENA. Ce volume atteint à près de 50 p. 100 aujourd'hui, ce qui signifie que la protection accordée par les droits de douane diminue dans tous les cas.
En ce qui concerne le marché coréen, je tiens à souligner que les ventes d'automobiles importées ont augmenté de 30 p. 100 par année au cours des quatre dernières années, et que le taux de pénétration des importations en Corée est passé d'environ 3 p. 100 au début de nos négociations à plus de 12 p. 100, ce qui signifie qu'une voiture sur huit vendue actuellement en Corée a été importée. Certains peuvent être sceptiques quant à l'ouverture du marché automobile coréen, mais l'essentiel, c'est que la situation ne peut que s'améliorer avec l'accès accru permis par l'ALECC et les disciplines qu'offre ce dernier.
[Français]
En ce qui concerne les prochaines étapes, la signature formelle de l'accord a eu lieu le 22 septembre dernier lors de la visite d'État de la présidente Park au Canada, la première en 15 ans pour un président coréen. Nos dirigeants ont réaffirmé à cette occasion leur engagement mutuel à voir l'accord entrer en vigueur le plus rapidement possible.
Maintenant que l'accord a été signé, les processus de ratification nationaux ont été amorcés dans les deux pays. Au Canada, la loi de mise en œuvre de l'accord doit être adoptée. Le projet de loi C-41 dans ce cas, qui a franchi l'étape de la troisième lecture à la Chambre des communes la semaine dernière, se trouve maintenant devant le Sénat.
Du côté de la Corée, le projet de loi de ratification a été déposé à l'Assemblée nationale le 1er octobre dernier. Il devrait être étudié par les comités parlementaires pertinents au cours des prochains jours avant d'être soumis à un vote à l'Assemblée nationale.
[Traduction]
Bien qu'il y ait à l'heure actuelle une accumulation de lois en attente d'être adoptées à l'Assemblée nationale coréenne, ce qui pourrait avoir des répercussions sur le moment de l'examen de l'ALECC à l'Assemblée, la présidente Park a demandé que l'accord soit adopté rapidement avec, semble-t-il, l'appui des membres des partis au pouvoir et de l'opposition. Je ne peux pas prévoir précisément à quel moment l'accord entrera en vigueur, mais le projet de loi C-41 prévoit une entrée en vigueur de l'ALECC dès le 1er janvier 2015. Pour leur part, les intervenants canadiens ont souligné l'importance d'une mise en œuvre rapide, étant donné le contexte concurrentiel avec lequel ils doivent composer sur le marché coréen.
En conclusion, l'ALECC est un accord historique qui portera nos relations bilatérales avec la Corée à un nouveau sommet, il offrira des entrées aux entreprises canadiennes dans l'ensemble de la région de l'Asie-Pacifique et offrira de grandes possibilités dans toutes les régions et tous les secteurs de l'économie au Canada.
Merci de nous avoir permis de comparaître devant le comité. Nous sommes disposés à répondre à vos questions.
Le président : Merci, monsieur Burney.
Le sénateur Downe : Ai-je bien compris que la moitié des voitures coréennes importées au Canada arrivent des États-Unis et du Mexique, et que l'autre moitié est exempte de droits de douane?
M. Burney : Près de la moitié. Je crois que c'est autour de 43 ou 44 p. 100.
Le sénateur Downe : Les préoccupations exprimées par les Travailleurs canadiens de l'automobile renvoyaient à la disparité. Selon les données que j'ai pour le secteur automobile, en 2013, le Canada a exporté pour 2,3 millions de dollars vers la Corée du Sud et importé pour 2,3 milliards de la Corée du Sud. Est-ce que ces chiffres vous semblent exacts?
M. Burney : Je pense que les données d'exportation correspondent aux exportations canadiennes, mais l'an dernier, la Corée a importé beaucoup plus de voitures fabriquées au Canada, avec des importations s'élevant à quelque 40 millions de dollars. Mais de façon générale, il est vrai qu'il y a un déséquilibre dans le commerce des véhicules finis.
Le sénateur Downe : Un grand déséquilibre. Je remarque que l'accord Canada-Corée comporte une disposition qui faciliterait l'accès au marché automobile sud-coréen et qui protégerait le secteur automobile canadien d'une hausse soudaine de l'importation de véhicules coréens au Canada. Qu'est-ce que cela signifie? Comment est-ce que cela fonctionne?
M. Burney : Vous faites sans doute référence aux mesures de protection prévues par l'accord, dont j'ai parlé dans mon exposé. Dans leurs négociations avec la Corée, les États-Unis ont obtenu des mesures de protection très rigoureuses pour le secteur automobile, et ces mesures ont été étendues à tous les produits. Cela signifie qu'en cas de hausse soudaine des importations qui ferait du tort à l'industrie nationale, on aurait la possibilité de faire appel au Tribunal canadien du commerce extérieur pour le rétablissement des protections.
Le sénateur Downe : Pour ce qui est de la protection des investissements, les dispositions de l'Accord de libre-échange Canada-Corée limiteraient la possibilité de réclamer une compensation dans certains secteurs. Est-ce la norme dans tous nos accords, d'après le chapitre 11, ou est-ce que cela ne s'applique qu'à la Corée?
M. Burney : Je ne suis pas certain de vous avoir bien suivi. Vous dites qu'une disposition du chapitre sur les investissements limite notre capacité de réclamer une compensation?
Le sénateur Downe : Je vais vous lire ce que j'ai. Le chapitre sur l'investissement de l'ALE Canada-Corée ressemble au gabarit utilisé dans le cadre des accords sur la promotion et la protection des investissements étrangers. Ce gabarit, qui inclut un mécanisme de règlement des différends permettant à un investisseur de poursuivre un État, est lui-même fondé sur le chapitre 11 de l'Accord de libre-échange nord-américain; il tient toutefois compte des leçons tirées de l'expérience du Canada quant à l'application de ce chapitre — vous pourrez peut-être m'expliquer ce passage, car je ne suis pas certain de bien le comprendre. En particulier, les dispositions de l'ALE Canada-Corée limiteraient l'interprétation de ce qui constitue une expropriation indirecte sujette à compensation.
M. Burney : C'est vrai, le chapitre de l'accord Canada-Corée est fondé sur celui de l'ALENA, mais le gabarit lui-même a évolué au fil des ans. Nous l'avons effectivement amélioré. Un des objectifs est de le rendre plus transparent.
Notre approche actuelle à l'égard du règlement des différends investisseur-État permet à des tiers de prendre part au processus et de publier les documents dans leur intégralité. Ce sont là certaines des améliorations que nous avons apportées aux gabarits subséquents, notamment celui-ci.
Je présume que vous aimeriez qu'on clarifie les dispositions sur les expropriations indirectes. Je vais demander à mon collègue Vern MacKay de vous en dire plus à ce sujet.
Vernon MacKay, directeur, Direction des investissements commerciaux, Affaires étrangères, Commerce et Développement Canada : Bon après-midi, tout le monde, et merci.
L'Accord de libre-échange Canada-Corée contient de nouvelles dispositions comparativement à l'ALENA. En plus de ce que M. Burney a dit, j'aimerais ajouter qu'il y a un nouvel article, l'article 8.34, sur les objections préliminaires relatives à la compétence ou à l'admissibilité. Dans l'éventualité d'une réclamation, le répondant peut demander au tribunal, avant qu'il n'entreprenne l'instruction, de considérer le bien-fondé de l'affaire pour voir si le répondant a réellement compétence et, le cas échéant, peut empêcher la réclamation d'aller plus loin.
Toutefois, cet accord comprend des dispositions qui ne se trouvent pas dans l'ALENA, comme la clarification de l'expropriation indirecte, qui dit qu'une réclamation peut seulement être traitée dans de rares cas, quand il s'agit de règlements visant à protéger le bien-être public, notamment en matière de santé, de sécurité et d'environnement.
Le sénateur Downe : Est-ce que cela fait partie de cet accord seulement? Est-ce que cela fait partie des autres accords récents qui ont été conclus avec le Pérou, la Jordanie et le Panama?
M. MacKay : Oui, la plupart de nos ALE contiennent maintenant de telles dispositions.
Le sénateur Downe : Est-ce qu'elle se trouve également dans l'accord avec l'Europe?
M. MacKay : Oui.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : Soyez les bienvenues, monsieur Burney, ainsi que tous les membres de votre équipe. Je suis bien contente de voir le premier accord de libre-échange entre le Canada et un pays de l'Asie-Pacifique.
La Corée du Sud est la 15e économie du monde en importance et la quatrième en Asie-Pacifique. La Corée du Sud a déjà signé des accords de libre-échange, dont un avec l'Union européenne entré en vigueur en juillet 2011, et un avec les États-Unis entré en vigueur le 15 mars 2012.
En quoi les dispositions en matière d'accès au marché de l'accord avec le Canada se comparent-elles à celles des accords conclus avec l'Union européenne et les États-Unis? Vous y avez touché un tout petit peu dans votre présentation. J'aimerais entendre votre réponse.
[Traduction]
M. Burney : Merci pour cette question. Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, les résultats obtenus dans notre accord sont grosso modo semblables à ceux obtenus dans ceux de nos principaux concurrents. Je parle, bien sûr, des États-Unis et de l'Europe. Dans un certain nombre de domaines, à mon avis, les résultats que nous avons obtenus sont même plus importants.
J'ai mentionné un certain nombre de produits où, dans notre cas, les résultats en matière de droits de douane seront obtenus plus rapidement. Dans le secteur des fruits de mer, pour des produits qui représentent près de la moitié de nos exportations, notre accord prévoit des périodes d'élimination des droits de douane plus courtes comparativement à nos concurrents. Notre principale exportation dans ce secteur est le homard, et notre accord prévoit que ce produit aura une période d'élimination des droits de douane plus courte.
Dans le secteur de l'agriculture, nous avons obtenu des résultats plus avantageux que nos concurrents pour un certain nombre de produits, notamment le canola, le malt d'orge, certaines légumineuses et les produits de boulangerie. J'en ai mentionné quelques autres dans mon exposé.
Dans l'ensemble, ces accords mèneront généralement à l'élimination complète des droits de douane sur pratiquement toutes les marchandises exportées. Les modalités spécifiques de chaque accord reflètent les intérêts particuliers des différentes parties concernées. Nous avons négocié un résultat qui reflète les priorités des intérêts économiques du Canada, ce qui fait que vous verrez peut-être certaines différences sur le plan des périodes d'élimination progressive des droits de douane.
Je dirais que, en gros, l'accord d'investissement que nous avons est comparable à l'accord qui a été conclu avec les États-Unis, mais qu'il est bien meilleur que celui qui a été conclu avec l'Europe — qui ne comprend pas de protection à l'égard du règlement des différends opposant un investisseur et un État, parce que l'accord a été conclu avant que l'Union européenne ne reçoive le mandat de négocier cela.
Les ententes de services sont grosso modo comparables à celles d'autres accords, mais c'est le Canada qui a obtenu les résultats les plus favorables dans le domaine de la mobilité de la main-d'œuvre. La Corée a convenu de mettre dans notre accord des résultats plus avantageux sur le plan de l'admission temporaire des gens d'affaires qu'elle ne l'avait jamais fait dans n'importe quel autre accord, y compris ceux avec les États-Unis et l'Europe. Par conséquent, les professionnels canadiens, notamment les architectes, les ingénieurs et les consultants en gestion, auront le meilleur accès au marché coréen.
Dans le domaine des marchés publics, le Canada a négocié des résultats équivalents à ceux obtenus dans l'accord avec les États-Unis, mais plus importants que ceux obtenus dans les autres accords de la Corée, y compris celui qu'elle a conclu avec l'Union européenne.
Dans le secteur de l'automobile, j'ai étudié l'accord au peigne fin. Dans l'ensemble, selon moi, nous avons obtenu de bons résultats. Ils sont meilleurs dans certains domaines, notamment sur le plan de l'élimination des droits de douane de la Corée, qui entrera en vigueur immédiatement dans notre cas, tandis qu'elle se fera de façon progressive dans le cas des Américains et des Européens.
Il existe d'autres différences dans certains des autres domaines dont j'ai parlé.
À mon avis, dans l'ensemble, l'accord est comparable aux autres sur le plan de l'ambition, mais il est meilleur dans les domaines qui reflètent les intérêts spécifiques du Canada.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : La présidente de Ford Canada, qui s'appelle Dianne Craig, a déclaré que malgré l'Accord de libre-échange Canada-Corée, la Corée du Sud restera l'un des marchés automobiles les plus fermés au monde parce que la Corée du Sud impose des barrières non tarifaires sur les véhicules importés. Quelle est votre réponse à cette critique?
M. Burney : Comme je l'ai indiqué dans ma présentation, il est certain qu'il reste des défis en ce qui a trait au marché coréen. Toutefois, les importations automobiles dans le marché coréen ont augmenté de 30 p. 100 annuellement au cours des quatre dernières années, et le taux de pénétration pour les importations est maintenant de plus de 12 p. 100, c'est-à-dire qu'une voiture sur huit vendues en Corée du Sud est une importation. C'est difficile de dire que le marché est tout à fait fermé et le changement est rapide.
[Traduction]
Je pourrais peut-être ajouter que, depuis l'entrée en vigueur des accords avec les États-Unis et l'Europe, ces deux pays ont beaucoup augmenté le volume de leurs exportations. Dans les deux cas, le volume des exportations d'automobiles a doublé depuis la mise en œuvre de ces accords de libre-échange. Nos exportations vers la Corée ont aussi augmenté, mais pas très rapidement. Dans le cas de l'Union européenne, je crois que leurs exportations sont de l'ordre de 4 milliards de dollars et que leurs importations s'élèvent à environ 5 milliards de dollars; par conséquent leurs échanges s'approchent du point d'équilibre.
Pour revenir à ce que j'ai dit plus tôt concernant le déséquilibre qui existe sur le plan de nos échanges automobiles, cela est vrai quand on regarde spécifiquement le marché coréen. Or, quand on regarde la situation du Canada avec l'ensemble des autres pays du monde, nous affichons un énorme excédent commercial dans le secteur automobile.
La présidente : Est-ce que cela est dû à nos échanges avec les États-Unis?
M. Burney : Oui, cela est principalement dû à nos échanges avec les États-Unis.
La présidente : Vous avez parlé des marchés publics. Je voudrais être certaine d'avoir bien compris. S'agit-il seulement de l'ordre fédéral?
M. Burney : Oui. L'accès progressif aux marchés publics prévu dans cet accord abaisse essentiellement les seuils des marchés avec le gouvernement central seulement. Aux termes de l'Accord sur les marchés publics de l'OMC, les seuils visés sont à peu près de 200 000 $ CA. Aux termes de cet accord, le seuil des marchés publics visé passerait de 200 000 $ à 100 000 $. Tous les approvisionnements au-dessus de ce seuil seront maintenant ouverts aux marchés publics entre les deux parties. Il s'agit d'un accroissement des occasions de marchés publics pour l'ordre du gouvernement fédéral seulement.
La présidente : Vous avez souligné tous les avantages que cet accord nous donne comparativement à ceux auxquels nos concurrents ont droit, et vous avec parlé de l'industrie automobile. Existe-t-il dans cet accord des dispositions dans d'autres domaines que celui de l'automobile, qui sont moins avantageuses pour nous, comparativement aux autres accords? Autrement dit, où avons-nous été obligés de faire des concessions?
M. Burney : Les échanges commerciaux doivent être avantageux pour les deux parties. Bien sûr, les droits de douane canadiens seront éliminés aussi, et cela bénéficiera tant aux exportateurs qu'aux consommateurs canadiens.
Tout à l'heure, j'ai parlé du domaine où certains secteurs de l'industrie automobile ont souligné l'absence d'une disposition de retour aux droits antérieurs. La seule autre préoccupation dont j'ai entendu parler concerne les répercussions de l'élimination des droits de douane sur la production et les emplois, ce dont j'ai également parlé. Le gouvernement a commandé de nombreuses études sur cette question, qui ont indiqué que les répercussions seraient très limitées.
Certains ont fait remarquer que notre accord prévoit une période d'élimination des droits de douane de trois ans dans l'industrie automobile. Cela se compare favorablement à ce que les Européens ont obtenu, parce qu'ils ont comme point de départ un droit de douane plus élevé, qui sera progressivement éliminé sur quatre ans. Toutefois, dans leur cas, la réduction sera plus élevée au début tandis que, dans notre cas, il s'agira d'une réduction linéaire. Il est vrai que les droits de douane américains seront éliminés sur cinq ans, mais le point important à retenir, c'est qu'il s'agit d'un droit de douane de seulement 2,5 p. 100. Dans bien des pays, cela s'approche de ce que l'on considérerait comme étant un droit de douane vexateur. Cela n'était pas un élément essentiel de l'entente globale qui a été conclue entre les États-Unis et la Corée.
Mis à part cela, je n'ai pas entendu parler d'autres domaines où les intervenants s'inquiètent des résultats obtenus dans l'accord Canada-Corée. Au contraire, la réaction du milieu des affaires d'un bout à l'autre du Canada a été extrêmement positive.
La présidente : Je vous demanderais de simplement m'expliquer ceci. Nous avons accès aux mécanismes de règlement de l'OMC, mais après cela, nous aurons accès aux mécanismes de règlement des différends bilatéraux. S'agirait-il d'une option que nous choisirions dans certains cas? Pourriez-vous m'expliquer cela?
M. Burney : Dans la mesure où il y aurait une infraction qui enfreint tant les règles de l'OMC que les règles de cet accord, en théorie, nous aurions l'option d'avoir un recours aux termes des deux accords.
La présidente : Nous ne sommes pas obligés de commencer par épuiser toutes nos options bilatérales?
M. Burney : Je ne crois pas...
La présidente : Quelqu'un faisait vivement signe de la main.
M. Burney : Je ne crois pas que nous soyons obligés d'épuiser tous les mécanismes d'une entente avant d'avoir recours à ceux de l'autre. Je dirais que les mécanismes prévus par cet accord bilatéral sont beaucoup plus rapides que ceux prévus avec l'OMC. Ils sont également plus rapides que ceux que nos concurrents ont obtenus. Par conséquent, le règlement des différends constitue un autre domaine où, à mon avis, notre accord résiste très bien à la comparaison avec les autres accords.
La présidente : Dans certains de nos autres accords, nous nous préoccupons de la qualité des travailleurs, de même que de leurs avantages sociaux et de leurs droits. Dans le cas de la Corée, est-ce que cela a jamais été une préoccupation, ou avons-nous confiance que les normes sont assez élevées que nous n'avons pas besoin de les mettre en lumière ou de prévoir les changer?
M. Burney : Pierre aimerait peut-être ajouter quelque chose à ce sujet. Je dirais que, en général, la Corée est considérée comme ayant des normes de travail très élevées. Par conséquent, il s'agit d'un domaine qui ne nous inquiétait pas beaucoup.
Nous voulions avoir des dispositions rigoureuses sur ce plan dans cet accord, parce que nous pensons que nous pouvons être un modèle à suivre pour les autres pays. Quand nous avons entamé ces négociations, la Corée n'avait pas beaucoup d'expérience dans la négociation de dispositions relatives au travail et à l'environnement dans ses accords commerciaux, alors il a fallu une courbe d'apprentissage. Les Coréens ont été plus disposés à envisager de telles dispositions avec nous — surtout après avoir négocié avec les Américains. Les résultats obtenus sont excellents du point de vue des obligations que nous visons. L'accord prévoit des obligations très élevées, appuyées par des dispositions de règlement des différends très musclées. Je ne sais pas si Pierre souhaiterait ajouter quelque chose.
Pierre Bouchard, directeur, Direction des affaires bilatérales et régionales du travail, Emploi et Développement social Canada : Si nous faisons une comparaison sur le plan des obligations, notre accord est certainement meilleur que l'accord que la Corée a conclu avec les États-Unis, et il est même meilleur que celui qui a été conclu avec l'Europe. Du point de vue des dispositions en matière de travail, cet accord est probablement le meilleur que nous ayons conclu jusqu'à présent.
La présidente : J'aimerais poser une dernière question. Bénéficions-nous de certains accords que la Corée a conclus avec d'autres pays? Je pense à un scénario où il serait possible de conclure un accord commercial avec un pays et, si d'autres pays ont conclu une entente d'union douanière avec ce même pays, il est alors possible de bénéficier de certains avantages avec d'autres pays que celui avec lequel on a signé un accord. Est-ce que la signature de cet accord nous permettra de bénéficier d'autres avantages dans la région, avec d'autres pays que la Corée?
M. Burney : Dans beaucoup de domaines, nous avons des obligations en tant que la nation la plus favorisée, ou NPF, de l'accord. Par conséquent, la Corée s'est engagée à accorder au Canada — maintenant et dorénavant — les meilleurs avantages qu'elle accorde à n'importe quel autre partenaire commercial. Il s'agit d'une caractéristique d'un certain nombre de nos dispositions dans l'industrie automobile. Pour les dispositions relatives aux économies de carburant, aux normes d'émission et aux taxes internes, la Corée a établi des obligations NPF dans ces domaines. Cela veut dire que si, à l'avenir, elle fait des concessions aux États-Unis ou à d'autres pays qui vont au-delà de notre accord actuel, ces concessions s'appliqueront automatiquement à nous. En général, cela est aussi vrai dans les domaines de l'investissement et des services.
Dans tous ces domaines, il s'agira d'un accord évolutif en vertu duquel nous bénéficierons des meilleurs avantages que la Corée accorde aux autres.
Quant à ce que j'ai dit dans mon exposé concernant le fait que la Corée fournirait une assise plus solide pour profiter des possibilités ailleurs dans la région, ce à quoi nous pensons, c'est que les chaebols de la Corée, les conglomérats, ont beaucoup de liens partout en Asie, et qu'ils disposent aussi de ressources formidables. Dans la mesure où cet accord contribuera à créer des partenariats entre des entreprises canadiennes — surtout les petites entreprises qui ne disposent peut-être pas des moyens d'établir une présence globale —, elles pourront faire équipe avec ces chaebols coréens, cela leur permettra de profiter de débouchés en Corée et cela pourrait finir par leur ouvrir des portes ailleurs dans la région. Nous avons déjà vu des exemples d'entreprises canadiennes qui travaillent en équipe avec des entreprises coréennes pour profiter des débouchés en Chine et ailleurs et, à notre avis, cet accord donnera lieu à beaucoup plus de partenariats de ce genre.
Le sénateur Downe : Il ne s'agit peut-être pas de votre domaine et, si jamais vous ne pouvez pas répondre à la question, nous la poserons au ministre. Quels plans est-ce que le ministère a formés avec Exportation et développement Canada et d'autres organismes pour aider les entreprises canadiennes à profiter pleinement des débouchés offerts dans le cadre de ces accords?
M. Burney : Il y a la gamme complète de nos services qui sont à la disposition de toutes les entreprises en tout temps. Il y a aussi le Service des délégués commerciaux, qui a des bureaux partout dans le monde et aussi, bien sûr, en Corée. Le ministère a des programmes de développement. EDC est très au fait de ce qui se fait en Corée et a joué un rôle important dans le développement des affaires dans ce pays.
De plus, comme le ministre l'a dit, le ministère est clairement déterminé à lancer une campagne de relations publiques dans l'ensemble du pays pour mieux faire connaître l'accord, pour veiller à ce que les entreprises canadiennes soient informées des débouchés et pour faire tout ce qu'il peut pour les appuyer. L'accord ouvre beaucoup de portes, mais, en définitive, bien sûr, ce sera aux entreprises elles-mêmes à établir des liens et à faire les démarches.
Nous mettrons en place toutes sortes d'activités de sensibilisation, des programmes de marketing et des tables rondes. Le ministre et ses collègues participeront à beaucoup de ces activités dans le contexte des efforts globaux visant à promouvoir le Plan d'action pour les marchés mondiaux. D'ailleurs, je crois que ces efforts seront déployés très bientôt.
Le sénateur Downe : Avez-vous lu le rapport de la Chambre de commerce du Canada qui a été publié cette année, intitulé Un point tournant : Comment rétablir notre succès commercial sur les marchés étrangers?
M. Burney : J'ai lu beaucoup de rapports, mais je ne suis pas certain d'avoir lu celui-là en particulier.
Le sénateur Downe : Celui-ci parle du déséquilibre commercial qui a été créé. Plus nous signons d'accords, plus notre déséquilibre commercial s'aggravera. Les auteurs du rapport présentent une série de recommandations concernant ce que le gouvernement devrait faire, une approche pangouvernementale, semblable à celle des Australiens et des Américains, pour tenter de régler certains de nos problèmes sur le plan des échanges.
Vous craignez aussi, je présume, que la signature de l'accord ne soit pas la fin, mais seulement le début. Il semble que le milieu des affaires canadien manque de volonté ou de l'aide dont il a besoin de la part du gouvernement pour atteindre les objectifs de ces accords. Que fait le ministère pour répondre au rapport de la Chambre de commerce? Si vous n'avez pas lu le rapport, nous poserons la question au ministre quand il comparaîtra.
M. Burney : À mon avis, le gouvernement a établi ses intentions dans le Plan d'action pour les marchés mondiaux, qui présente une série d'initiatives énergiques en matière de négociations. Voilà mon domaine. Au-delà de tous les accords de libre-échange, nous avons aussi un programme dynamique de négociation pour des accords sur la protection des investissements étrangers. Nous négocions des accords relatifs aux services aériens. Honnêtement, il s'agit de la gamme la plus ambitieuse d'initiatives de négociations que nous ayons jamais amorcée en même temps.
Cela crée un cadre en même temps que des efforts accrus sont menés pour renforcer la capacité du ministère et d'autres acteurs du gouvernement d'appuyer les entreprises canadiennes dans leurs efforts directs visant à accroître leurs débouchés commerciaux. Voilà l'autre volet de ces efforts, dont je ne suis pas directement responsable. Toutefois, le développement des entreprises doit se faire de concert avec les politiques commerciales, et c'est ce que nous faisons.
Comme je l'ai mentionné, toutes ces initiatives seront déployées au cours des prochaines semaines et des prochains mois pour faire en sorte que les avantages que nous négocions dans les accords puissent réellement bénéficier aux Canadiens.
Le sénateur Downe : Dans mon avant-dernière question, j'aimerais donner suite aux remarques de la présidente concernant les marchés publics. L'accord entre le Canada et l'Union européenne est beaucoup plus détaillé; je présume donc que nous n'avons pas réussi à conclure un accord de ce genre avec les Coréens. Ai-je raison de dire cela?
M. Burney : Dans le cas de la Corée, notre objectif était de faire en sorte que le Canada soit sur un pied d'égalité avec les États-Unis, et c'est bien ce que nous avons obtenu. C'est bien meilleur que ce que la Corée accorde aux autres pays, y compris l'Union européenne.
Le sénateur Downe : Nous n'avons donc pas essayé cela?
M. Burney : La principale différence entre cet accord et celui qui a été conclu avec l'Union européenne, c'est que celui-ci ne prévoit pas d'accès progressif aux marchés inférieurs à celui de l'échelon fédéral. Cela ne faisait pas partie de nos objectifs dans ces négociations, alors nous n'en avons pas parlé.
Le sénateur Downe : Ma dernière question porte sur le moment choisi pour présenter cet accord. Nous avons été informés du fait que le temps presse un peu et que l'on souhaite adopter cet accord le plus rapidement possible. Peut-être que je ne vous ai pas bien compris. Vous avez semblé indiquer que l'accord pourrait être retardé du côté de la Corée. Est-ce exact?
M. Burney : Ce que j'ai indiqué, c'est que, présentement, l'Assemblée nationale de la Corée étudie un nombre important de projets de loi et que, par conséquent, il n'y a aucune garantie quant au moment où il sera adopté.
J'ai aussi indiqué que la présidente a clairement dit qu'elle a comme priorité de ratifier cet accord le plus rapidement possible. Nous avons entendu des échos positifs tant du parti ministériel que des partis de l'opposition à l'Assemblée nationale, alors nous croyons que du côté de la Corée — au gouvernement, mais aussi à l'Assemblée nationale — les gens souhaitent adopter cet accord rapidement. Toutefois, en raison d'une impasse dans laquelle l'assemblée se trouve en raison du désastre du traversier qui est survenu au printemps, il existe présentement un arriéré de projets de loi qui doivent être étudiés.
J'ai signalé un certain nombre de risques impondérables, mais nous sentons que l'accord est sur la bonne voie. D'après ce que je comprends, le comité pertinent en sera saisi un peu plus tard cette semaine et un vote plénier pourrait être tenu dès le 20 novembre. Voilà les renseignements les plus récents. À mon avis, ce que j'ai dit, c'est que, à titre de fonctionnaire, je ne peux pas prévoir quel sera le résultat du processus législatif dans un pays ou l'autre.
Le sénateur Downe : Voilà une décision sans risque.
Le sénateur D. Smith : Essentiellement, je veux dire que j'appuie tout à fait l'objectif de conclure un accord avec la Corée, et je tiens à féliciter la sénatrice Yonah Martin. Elle s'est faite la championne de l'accord, à juste titre. Nous sommes tous les deux membres du groupe Canada-Corée et j'applaudis ses efforts dans ce dossier.
Je me suis rendu en Corée à plusieurs reprises pour des raisons personnelles, pas à titre de sénateur. J'y suis souvent allé dans les années 1980 et 1990. J'effectuais des services juridiques pour Kia et LG, que j'appelais toujours Lucky Goldstar, et le milieu des affaires de ce pays est extrêmement impressionnant. L'éthique du travail des Coréens est sans pareil et a toujours inspiré mon admiration. Je suis souvent allé à Panmunjom pour regarder ce Pont du non-retour, mais je ne l'ai certainement jamais traversé.
Compte tenu de ce que la population de ce pays accomplit, nous voulons avoir une présence là-bas. Les membres de la communauté coréenne dans notre pays sont très impressionnants et comptent des gens d'affaires très prospères. J'en connais plusieurs qui remportent beaucoup de succès.
Il y a quelques années, Jim Pattison, l'un des hommes les plus riches du Canada, un vieil ami à moi qui est le propriétaire de concessions automobiles pour tous les fabricants d'automobiles, m'a dit que, à prix égal, on ne peut obtenir de meilleur produit qu'un Hyundai. Venant de lui, c'était très impressionnant.
J'espère vivre assez longtemps pour être témoin de l'effondrement du régime de la Corée du Nord, parce que les droits de la personne et d'autres valeurs de ce genre ne sont tout simplement pas respectés là-bas. Ce pays est dans une classe à part. Ce serait formidable si cela finissait par arriver. Tôt ou tard, cela arrivera. J'espère vivre assez longtemps pour en être témoin.
Je suis extrêmement impressionné par le pays. J'y suis allé d'innombrables fois, toujours dans le cadre de voyages d'affaires, et je peux dire que c'est un pays avec lequel nous voulons faire des affaires. Je suis heureux que nous nous engagions dans cette voie. Évidemment, nous devrons nous pencher sur toutes les dispositions, mais, si l'on considère cet accord dans son ensemble, à mon avis, c'est la bonne chose à faire.
M. Burney : J'aimerais simplement dire que, quand la présidente est venue au Canada, le premier ministre a fait remarquer qu'il n'y avait pas de meilleur partenaire pour le Canada dans la région que la Corée du Sud.
Sur le plan personnel seulement, j'ai eu l'occasion de vivre là-bas à la fin des années 1970, et les changements qui se sont produits dans ce pays depuis ce temps sont époustouflants. Il n'y a aucun doute que la Corée constitue l'une des plus grandes réussites économiques de notre époque; par conséquent, je ferais écho à beaucoup de ces remarques.
Le sénateur D. Smith : Aimez-vous le kimchi?
M. Burney : Oui.
La présidente : Bon, si je comprends bien, nous nous égarons du sujet de la Corée et nous abordons des options de menu.
Sur ma liste, il est indiqué que la sénatrice Fortin-Duplessis entamera la deuxième ronde.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : Monsieur Burney, au sujet des barrières non tarifaires, divers intervenants considèrent que les barrières non tarifaires constituent des obstacles relativement plus grands à la libre circulation des biens et des services.
Compte tenu des dispositions contenues dans l'Accord de libre-échange Canada-Corée, pouvez-vous penser à d'autres obstacles qui mèneraient à une incidence négative sur les activités canadiennes en matière de commerce et d'investissement?
[Traduction]
M. Burney : Merci pour cette question. Il est certain que nous avons souvent entendu les intervenants dire qu'il peut être plus difficile de composer avec les barrières non tarifaires que les barrières tarifaires. Nous avons accordé beaucoup d'attention à cela au cours de ces négociations. L'accord contient d'excellentes dispositions sur la facilitation du commerce, qui réduiront les tracasseries administratives à la frontière et qui favoriseront l'adoption de procédures automatisées et le transfert électronique de données. Il existe un chapitre important sur la facilitation du commerce.
L'accord contient aussi d'excellentes dispositions sur la transparence pour veiller à ce que les gens aient une meilleure compréhension du processus de réglementation en Corée.
Nous avons prévu des disciplines relatives au traitement national, qui veillent à ce que les produits canadiens soient traités sur le même pied que les produits coréens.
Nous avons prévu des dispositions spécifiques dans un certain nombre de secteurs. Dans l'industrie automobile, nous avons passé beaucoup de temps sur les questions non tarifaires. Qu'il s'agisse des normes relatives à l'économie de carburant, aux émissions, à la sécurité des véhicules ou aux taxes internes — tous les domaines problématiques qui peuvent être assujettis à des barrières non tarifaires —, nous avons négocié des dispositions musclées pour veiller à ce que ces normes ne deviennent pas des obstacles à nos échanges commerciaux et à ce que les avantages que nous obtenons sur le plan de la réduction des barrières tarifaires ne soient pas compensés par une augmentation des barrières du côté non tarifaire.
L'autre point important à souligner, c'est que, dans l'ensemble de cet accord, nous avons négocié des dispositions institutionnelles très rigoureuses qui nous offriront un forum pour soulever des problèmes précis au fur et à mesure qu'ils se présentent avec la Corée. Dans les domaines des barrières techniques et des mesures sanitaires et phytosanitaires ainsi que dans le secteur automobile, nous avons constitué des comités spécialisés. Dans le secteur forestier, nous avons chargé un comité spécialisé et aussi un groupe de travail de se pencher sur les produits de construction. Nous avons spécifiquement ciblé les secteurs les plus importants de nos intervenants, et nous avons négocié non seulement des disciplines importantes pour pouvoir régler les problèmes, mais aussi les mécanismes procéduraux et institutionnels nécessaires pour pouvoir les régler à l'avenir.
La sénatrice Ataullahjan : Les investissements directs de la Corée du Sud au Canada s'élèvent à 4,9 milliards de dollars, ce qui place le pays au 12e rang des sources d'investissements étrangers au Canada. Savons-nous dans quels secteurs les Coréens du Sud investissent?
M. Burney : Oui, d'abord et avant tout, ils investissent énormément dans le secteur énergétique, mais ils investissent aussi dans le secteur manufacturier et celui des services financiers.
Samsung joue un rôle très actif dans le secteur de l'énergie propre en Ontario. POSCO, sa plus importante entreprise d'acier, investit beaucoup au Canada. La Korea Gas Corporation et la Korea National Oil Corporation investissent au pays, surtout dans l'Ouest. Il s'agit là des principaux investisseurs.
Au cours de la dernière année, je pense qu'un investissement lié au domaine pharmaceutique a été effectué dans la province du Québec.
Il s'agit d'une relation diversifiée. En fait, d'après mes chiffres, le total de leurs investissements au Canada se rapproche davantage de 5,5 milliards de dollars; c'est donc beaucoup d'argent.
La présidente : Merci. Je crois que nous avons fait le tour des questions. Merci à vous et à votre équipe d'avoir comparu, afin de préparer le terrain pour notre étude. Nous avons abordé certaines préoccupations. Nous vous remercions du temps que vous avez consacré à ce dossier, non seulement dans le cadre de vos négociations, mais aussi en venant ici pour faire une présentation. Merci pour cela. Nous attendrons les observations du ministre avant de terminer notre étude du point de vue du gouvernement.
Mesdames et messieurs les sénateurs, la séance est levée jusqu'à demain, à 10 h 30, quand nous entreprendrons notre étude sur le commerce entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.
(La séance est levée.)