Aller au contenu
AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule 21 - Témoignages du 29 janvier 2015


OTTAWA, le jeudi 29 janvier 2015

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 10 h 32, pour étudier les conditions de sécurité et les faits nouveaux en matière d'économie dans la région de l'Asie- Pacifique, leurs incidences sur la politique et les intérêts du Canada dans la région, et d'autres questions connexes.

La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Chers collègues, aujourd'hui, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international poursuit son étude sur les conditions de sécurité et les faits nouveaux en matière d'économie dans la région de l'Asie-Pacifique, leurs incidences sur la politique et les intérêts du Canada dans la région, et d'autres questions connexes.

Nous avons lancé cette étude depuis un bon moment déjà. Nous avons donc pensé qu'il serait sage, en préparation à la prochaine étape, d'obtenir une mise à jour sur des enjeux qui pourraient être importants ou sur toute autre question que vous pourriez avoir pour le groupe d'experts.

Je suis très heureuse que le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement ait répondu à notre invitation et que ses représentants soient ici aujourd'hui pour nous présenter une mise à jour sur toute question qu'ils considèrent comme importante pour notre étude. Représentant le ministère, nous accueillons Mme Susan Gregson, qui est sous-ministre adjointe pour l'Asie-Pacifique; M. Peter MacArthur, directeur général, pour l'Asie du Sud, l'Asie du Sud-Est et l'Océanie, et M. Jeff Nankivell, directeur général de la Programmation en Asie.

Bienvenue au comité. Comme ce n'est pas votre première comparution, vous savez que nous aimons poser des questions. Veuillez présenter votre exposé. La parole est à vous.

Susan Gregson, sous-ministre adjointe, Asie-Pacifique, Affaires étrangères, Commerce et Développement Canada : Madame la présidente, honorables sénateurs, je vous remercie de me permettre à nouveau de venir vous parler aujourd'hui pour faire le bilan des relations qu'entretient le Canada avec la Birmanie, l'Indonésie, Singapour et les Philippines, ainsi que pour faire le point sur les développements régionaux, avant votre visite en Asie du Sud-Est.

[Français]

Au cours des mois qui ont suivi ma dernière présentation devant ce comité, les relations qu'entretient le Canada avec les pays de l'Asie du Sud-Est et de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est, l'ANASE, ont continué de croître au rythme de l'importance que prenait cette région. Il convient de souligner que la région de l'ANASE représente un marché attrayant et dynamique qui possède une main-d'œuvre nombreuse, d'importantes ressources naturelles, une infrastructure en expansion et un bassin de consommateurs vaste et croissant. L'engagement du Canada auprès de l'ANASE facilite la promotion de notre politique étrangère et de nos intérêts commerciaux.

[Traduction]

En août 2014, à la Conférence postministérielle ANASE-Canada, le ministre Baird a annoncé des plans visant à augmenter de façon considérable la visibilité du Canada dans la région par la nomination d'un ambassadeur affecté à l'ANASE et par l'amélioration de sa représentation diplomatique dans les 10 États membres de l'ANASE en ouvrant des bureaux canadiens au Cambodge et au Laos. Le Canada a également gagné en visibilité lorsque le ministre Baird a annoncé de nouveaux projets importants en matière de sécurité pour atténuer les menaces biologiques et nucléaires, lutter contre le passage de clandestins et d'autres formes d'activités criminelles transnationales, améliorer les outils de cybersécurité régionaux et s'attaquer au phénomène des combattants étrangers et à leur radicalisation.

Notre travail effectué auprès des pays de l'ANASE dans le domaine de la sécurité offre des avantages réels et importants aux pays membres et au Canada. Les programmes canadiens d'aide au développement régional en Asie du Sud-Est sont axés sur les priorités de l'ANASE dans les secteurs des droits de la personne et de la réduction des risques de catastrophe, ainsi que sur le programme de connectivité régionale de l'ANASE.

Depuis ma dernière présentation, le Canada a été l'hôte de la tournée des ministres responsables de l'économie de l'ANASE, tournée qui s'est avérée un succès. Nous vous présenterons aussi un document d'information à ce sujet.

Le ministre Fast a accueilli une délégation de ministres des Affaires économiques de l'ANASE et de hauts responsables de l'économie de l'ANASE à Vancouver et à Toronto en juin 2014. La tournée a mis l'accent sur les secteurs de l'énergie, des infrastructures, de la science et de la technologie et des services financiers et a aidé à faire connaître le Canada comme un partenaire économique important des pays membres de l'ANASE.

Pour aborder les pays membres de l'ANASE, permettez-moi de commencer par l'Indonésie, puisqu'elle demeure l'un des plus importants partenaires diplomatiques du Canada et constitue le plus grand marché d'exportation de marchandises du Canada et la première destination en importance pour les investissements directs canadiens dans la région.

À l'échelle mondiale, le prestige et l'influence de l'Indonésie sont en pleine croissance. L'Indonésie est le seul pays de l'Asie du Sud-Est membre du G20, et c'est à cet endroit que le secrétariat de l'ANASE est situé.

[Français]

L'événement le plus marquant s'étant produit en Indonésie depuis ma dernière présentation est l'élection présidentielle de juillet 2014. Le président Joko Widodo, ou Jokowi, est le premier président indonésien à ne pas être membre de l'élite économique, politique et militaire traditionnelle qui a dominé la politique indonésienne depuis l'indépendance. Les attentes à son égard sont élevées. En effet, on s'attend à ce qu'il soit un grand réformateur, qu'il s'attaque à la corruption endémique et qu'il améliore l'économie de l'Indonésie. Les principales priorités de Jokowi sont, par exemple, d'attirer des investissements étrangers et d'intégrer davantage l'Indonésie au commerce mondial, ce qui constitue des occasions d'affaires pour le Canada. Comme mesure concrète pour soutenir la participation du secteur privé canadien et pour aider l'Indonésie à répondre à ses besoins en infrastructures, le Canada appuie l'établissement d'un centre pilote de partenariats public-privé en Indonésie afin de promouvoir l'investissement du secteur privé dans le développement de l'infrastructure du pays.

[Traduction]

En 2015, la relation bilatérale sera axée sur la mise en œuvre du Plan d'action Canada-Indonésie signé par le ministre Baird et son homologue indonésien en août 2014. Le plan donne un aperçu des objectifs pour améliorer les relations bilatérales par une coopération renforcée en matière de politique, de défense et de sécurité, d'échanges commerciaux, d'investissement, d'économie et de développement, ainsi que par une collaboration accrue en ce qui a trait aux relations sociales, culturelles et interpersonnelles pour 2014-2019. L'Indonésie demeure un pays ciblé par le Canada pour l'aide au développement, et l'attribution annuelle ne cesse d'augmenter.

Le retour de combattants étrangers ainsi que la remise en liberté imminente de prisonniers impliqués dans des incidents terroristes majeurs en Indonésie ont suscité des préoccupations concernant les menaces terroristes dans ce pays. Le Canada continue d'offrir un soutien important à l'Indonésie pour le renforcement des capacités antiterroristes et de lutte contre la criminalité, dont une aide pour lutter contre le passage de clandestins.

Une preuve convaincante de l'approche à long terme adoptée par le Canada est le déploiement d'un agent de la GRC au Jakarta Centre for Law Enforcement Cooperation. Ce poste permet au Canada de continuer à offrir directement une formation aux forces de sécurité de l'Indonésie et des régions.

L'événement le plus marquant s'étant produit aux Philippines depuis ma dernière visite est peut-être la signature, en mars 2014, de l'accord de paix historique entre le gouvernement et le Front Moro islamique de libération. Dans les mois à venir, le Congrès des Philippines devrait approuver les dispositions législatives nécessaires permettant l'entrée en vigueur de l'accord. On prévoit la tenue d'un plébiscite dans les régions touchées, ce qui rendrait possible l'élection d'un nouveau gouvernement autonome au Bangsamoro et mettrait ainsi fin à des décennies de guerre civile dans le sud des Philippines, une priorité pour l'administration du président Aquino. Le Canada a appuyé et appuie toujours ce processus de paix.

Des progrès ont également été réalisés en ce qui a trait à l'aide aux personnes et aux régions touchées par le typhon Haiyan — appelé Yolanda par les habitants de la région — qui a frappé en novembre 2013.

Le Canada a été parmi les premiers à intervenir à la suite du passage du typhon, et il est aussi le troisième donateur en importance. Le Canada a notamment déployé l'Équipe d'intervention en cas de catastrophe, ou DART, et créé le Fonds de contrepartie pour le typhon Haiyan, qui a permis d'amasser 85,59 millions de dollars par l'intermédiaire de dons faits par des particuliers canadiens à des organismes de bienfaisance enregistrés. Au total, le gouvernement du Canada s'est engagé à verser plus de 90 millions de dollars pour l'intervention en réponse au typhon Haiyan; 70 millions ont été affectés à ce jour. En novembre 2014, le Canada a annoncé un appel de propositions de 20,6 millions de dollars concernant le projet d'aide à la reconstruction à la suite du passage du typhon Haiyan.

En décembre dernier, les Philippines ont fait face au typhon Hagupit — connu localement sous le nom de Ruby —; le pays s'y est préparé et est intervenu avec succès. Les Philippines n'ont pas demandé de soutien international; le Canada a toutefois été prêt à répondre, ayant envoyé une mission d'évaluation initiale. En réponse à la tempête, le Canada a déployé son équipe de soutien stratégique interministérielle avant que la tempête touche le sol philippin afin d'entreprendre des évaluations sur le terrain, et a versé 5,13 millions de dollars en aide humanitaire.

[Français]

De plus, le Canada a désigné les Philippines parmi les 25 pays en développement ciblés. Le Programme d'aide au développement du Canada appuie la croissance économique durable aux Philippines en cherchant à élargir les possibilités offertes aux femmes, aux jeunes et aux groupes marginalisés, ainsi qu'en améliorant le contexte pour favoriser une croissance inclusive dans tout le pays. En outre, j'ai le plaisir de vous informer que, depuis ma dernière visite, les Philippines sont maintenant visées par le Plan d'action sur les marchés mondiaux. Ces deux désignations permettront au Canada de soutenir les besoins en matière de développement aux Philippines tout en bénéficiant des occasions économiques et commerciales qui y sont offertes.

[Traduction]

Sur le plan multilatéral, les Philippines ont pris la relève de la Chine pour présider le Forum de coopération économique Asie-Pacifique (APEC). Elles accueilleront le 23e Sommet des dirigeants de l'APEC à Manille en novembre. Cette année, le Canada aura l'occasion de revoir ses niveaux optimaux de participation à l'APEC pour veiller à ce que les intérêts régionaux soient défendus à l'occasion des forums de l'APEC.

Les Philippines ont récemment appuyé publiquement la proposition du Canada de participer au Sommet de l'Asie de l'Est, ou SAE et deviendront pour lui un partenaire solide puisqu'elles seront le pays coordonnateur du Canada de l'ANASE en 2015.

[Français]

Plusieurs événements importants ont eu lieu depuis ma présentation sur la Birmanie en décembre 2013, y compris l'ouverture officielle de notre première ambassade permanente à Rangoon, en août 2014. Cette présence sur place nous permet de surveiller les changements de près et de contribuer aux succès des réformes en cours. Nous sommes bien placés pour respecter nos priorités en matière de commerce et de développement. La Birmanie a été désignée comme un marché prioritaire dans le Plan d'action sur les marchés mondiaux et elle est également un pays ciblé pour la coopération au développement. Le Canada entend se concentrer sur la mise en œuvre de programmes qui stimulent la croissance économique durable et qui favorisent la démocratie.

[Traduction]

En mai 2014, Manuvie est devenue la première entreprise canadienne à s'établir en Birmanie. Depuis l'assouplissement des sanctions en 2012, le commerce entre la Birmanie et le Canada croît rapidement. Les données pour 2014 révèlent une croissance stable, les échanges bilatéraux ayant atteint 26 millions de dollars, une hausse par rapport aux 4,8 millions de dollars de 2012. Les investissements bilatéraux demeurent limités en raison des sanctions économiques.

Pour la Birmanie, 2014 a été une année charnière; le pays a en effet présidé l'ANASE et accueilli le Sommet de l'Asie de l'Est en novembre, ces deux évènements s'étant avérés un succès. Le ministre Baird et le ministre Fast se sont tous deux rendus en Birmanie en 2014 et ont rencontré des intervenants birmans clés du gouvernement, du secteur privé et de la société civile.

Malgré de nombreux progrès, la situation des minorités ethniques et religieuses en matière de droits de la personne, notamment celle des communautés musulmanes comme les Rohingyas, demeure préoccupante. Le gouvernement birman a déployé des efforts concertés pour conclure un cessez-le-feu à l'échelle nationale avec les groupes ethniques armés, et des progrès rapides ont été réalisés pendant la première moitié de 2014. Cependant, les pourparlers ont conduit à une impasse et certains craignent que si aucun accord n'est conclu d'ici avril, il soit plus difficile d'en conclure un par la suite.

Tous les regards sont tournés vers la Birmanie, qui se prépare pour des élections générales prévues à l'automne 2015. Ces élections seront hautement révélatrices des progrès continus de la démocratie en Birmanie. Il semble que, puisqu'aucun changement constitutionnel ne sera fait avant le scrutin, la chef de l'opposition, Aung San Suu Kyi, ne pourra pas être candidate à la présidence.

Singapour demeure le cœur économique de l'Asie du Sud-Est et continue à dépasser les attentes à l'échelle internationale, notamment en accueillant le Secrétariat de l'APEC. L'année 2015 sera importante pour la cité État, qui célébrera les 50 ans de son indépendance. Le Canada soulignera aussi ses 50 ans de relations diplomatiques avec elle. L'année sera également occupée pour Singapour sur le plan politique. On s'attend en effet à ce que les Singapouriens tiennent des élections législatives à la fin de l'année ou au début de 2016.

[Français]

De plus, le Canada collabore avec le gouvernement de Singapour en versant 4,5 millions de dollars au Centre d'excellence des infrastructures de l'ANASE afin d'appuyer les projets de partenariats public-privé destinés à répondre aux besoins pressants en infrastructure de l'Asie du Sud-Est et pour aider les pays membres de l'ANASE à définir et à préparer des projets d'infrastructure régionaux en PPP, à la fois viables, bancables et qui présentent d'importantes retombées. Compte tenu de l'importance de Singapour au sein de la région, il est peu surprenant que le ministre Baird ait choisi cet endroit pour prononcer son importante allocution en août 2014, dans le cadre de laquelle il a fait part de la vision du Canada sur ses relations avec l'ensemble de la région de l'Asie-Pacifique.

[Traduction]

De nombreux évènements ont eu lieu au cours des derniers mois dans cette région dynamique qui évolue rapidement. Malgré tous ces changements, l'Asie du Sud-Est et l'ANASE sont toujours d'un intérêt primordial pour le Canada à l'échelle de l'Asie-Pacifique, et même de la planète; le Canada continue donc à chercher des façons d'y accroître et d'y améliorer sa visibilité et sa participation.

Mes collègues de l'ambassade du Canada à Jakarta et du haut-commissariat du Canada à Singapour ont hâte de vous accueillir le mois prochain. Je vous souhaite un voyage fructueux et agréable.

La présidente : Merci beaucoup. Monsieur MacArthur, monsieur Nankivell, je crois que vous êtes ici pour répondre à des questions précises.

Avant de céder la parole à mes collègues, j'aimerais avoir des précisions sur deux aspects.

Premièrement, vous dites que sur le plan des droits de la personne, la situation des minorités ethniques et religieuses demeure préoccupante. Je sais que les gouvernements communiquent et entretiennent peut-être des discussions, mais il semble que la majorité, qui avait très peu de liberté d'action dans l'ancien régime, révèle de plus en plus les excès des minorités et des majorités. C'est préoccupant.

Que ce soit à l'échelle communautaire ou parlementaire, travaillons-nous à la question des droits de la personne ou à celle des différences?

Mme Gregson : Parlez-vous de la Birmanie, madame la sénatrice?

La présidente : Oui. Je suis désolée; j'aurais dû le préciser.

Mme Gregson : C'est exact. Le Canada appuie les réformes démocratiques en Birmanie. Nous avons travaillé avec les autorités locales et la société civile sur les questions liées au respect des droits de la personne, la démocratie, la primauté du droit, et cetera. Toutefois, nous sommes toujours très préoccupés par la violation des libertés religieuses des Rohingyas et d'autres minorités ethniques.

Récemment, des violences ont éclaté dans l'État de Rakhine, dans l'ouest du pays. C'était en juin et en octobre 2012; la situation est le résultat de tensions qui couvaient depuis longtemps entre la majorité bouddhiste, soit les citoyens appartenant à la minorité ethnique des Arakans, et les Rohingyas, pour la plupart apatrides, mais que les Birmans considèrent comme des Bangladais. Cette tension continue donc de couver. Le Canada fait une promotion énergique de la résolution pacifique de ces questions. Nous condamnons sans relâche les conflits sectaires.

La présidente : Vous avez souligné que 2015 marquera le 50e anniversaire de l'indépendance de Singapour et que le Canada célébrera 50 ans de relations diplomatiques avec la cité-État. Y a-t-il des programmes? Ce qui me préoccupe, c'est que si nous nous rendons sur place, nous devrions être au courant de ce qui a été prévu, car on nous demande souvent de participer à des cérémonies. Nous devrions connaître la position du Canada et ce que le gouvernement planifie en vue du 50e anniversaire.

Mme Gregson : Je sais que le haut-commissariat prépare diverses activités pour souligner le 50e anniversaire. Je ne sais pas si des activités sont prévues pendant votre visite.

La présidente : Très bien. Nous devons savoir ce que prévoient les deux gouvernements afin de ne pas être pris au dépourvu.

Mme Gregson : C'est à l'étape de la planification, mais je vais demander à Peter de répondre.

Peter MacArthur, directeur général, Asie du Sud, du Sud-Est et Océanie, Affaires étrangères, Commerce et Développement Canada : Avec plaisir. À ce jour, Singapour n'a annoncé aucun plan pour la célébration de cet anniversaire, mais je suis heureux de vous dire que le haut-commissariat invite les jeunes de Singapour à participer aux célébrations en lançant un concours pour la création d'un logo qui sera utilisé tout au long de l'année. Il y a également eu cette semaine le lancement d'un concours de conception de page web. Le concours s'adresse aux jeunes Singapouriens de 14 à 25 ans et a pour thème la signification et l'importance de la relation entre le Canada et Singapour. Nous faisons appel aux jeunes Singapouriens pour aider à célébrer cet anniversaire. Nous cherchons aussi d'autres occasions de souligner l'importance de la relation de longue date que nous entretenons avec Singapour.

La présidente : Voilà une raison de plus qui justifie notre choix d'aller à Singapour.

Je tiens aussi à dire, aux fins du compte rendu, que j'ai contacté l'ambassadeur à Jakarta et le haut-commissaire à Singapour et je souligne qu'ils se sont tous deux montrés extrêmement coopératifs et obligeants pour la préparation de notre programme. Le ministère devrait en prendre bonne note.

Mme Gregson : Ils attendent votre visite avec impatience.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : Soyez les bienvenus à notre comité. J'aimerais en savoir davantage sur les secteurs de développement les plus prometteurs en ce qui concerne le commerce et les investissements bilatéraux entre le Canada et l'Indonésie.

M. MacArthur : L'Indonésie est notre marché exportateur le plus important de la région pour le Canada. Nous ciblons particulièrement les services financiers et les projets d'infrastructure, ce qui veut dire tous les projets en partenariat public-privé, pour lesquels le Canada, y compris l'Ontario, est chef de file dans le monde. Nous avons des firmes juridiques et comptables, des compagnies axées sur l'infrastructure et qui s'intéressent surtout au marché de l'Indonésie et à celui des Philippines. M. Nankivell pourrait décrire ce que nous faisons dans le cadre des PPP en matière de développement.

Jeff Nankivell, directeur général, Programmation en Asie, Affaires étrangères, Commerce et Développement Canada : Nous entrevoyons un marché très prometteur pour les entreprises canadiennes qui offrent des services dans le secteur de l'infrastructure en Indonésie, laquelle a des besoins énormes à l'échelle internationale, mais n'a pas réussi, jusqu'à maintenant, à développer son infrastructure efficacement. Le premier ministre Harper a annoncé, en 2013, l'appui du Canada, en collaboration avec d'autres pays donateurs, y compris l'Australie, et la Banque asiatique de développement en faveur de l'établissement d'un nouveau centre d'expertise sur les projets PPP en Indonésie.

Le ministre des Finances du nouveau gouvernement indonésien facilitera l'émergence de cette entente, car il y a beaucoup de contraintes aux chapitres réglementaires, législatifs, administratifs, et cetera.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Ma deuxième question porte sur la sécurité. Mme Gregson a mentionné que le Canada apportait son aide en matière de sécurité. Avez-vous examiné tous les importants défis en matière de sécurité auxquels est confrontée l'Indonésie?

Mme Gregson : Nous participons, avec l'Indonésie, à un groupe de travail contre le terrorisme. L'Indonésie a démontré beaucoup de leadership en ce sens. Nous avons un programme contre le terrorisme au sein du ministère. Nous avons contribué à plusieurs initiatives, en particulier en partenariat avec l'Indonésie, ainsi qu'avec d'autres partenaires au sein de programmes régionaux.

Nous travaillons à l'élaboration de la législation sur des plans régionaux et avec les agences de l'Asie du Sud-Est, y compris l'Indonésie.

[Traduction]

La sénatrice Ataullahjan : Merci d'être ici aujourd'hui. La question s'inscrit dans la même veine de celle de la sénatrice Andreychuk. À la fin décembre, l'Assemblée générale de l'ONU a adopté une résolution demandant à la Birmanie de modifier ses lois en matière de citoyenneté afin qu'elles ne soient plus discriminatoires à l'égard des Rohingyas. Cela a-t-il accru la pression exercée sur le gouvernement birman? Quelle a été sa réaction? Je ne peux répéter les propos tenus par le moine birman à l'égard du représentant de l'ONU, ni le langage qui a été utilisé. Quelle a été la réaction du gouvernement?

Mme Gregson : Comme je l'ai indiqué plus tôt, nous exhortons les autorités et les groupes ethniques à trouver une solution pacifique à ces tensions. Le ministre Baird a soulevé la question des minorités ethniques avec le ministre des Affaires étrangères de la Birmanie. Il a également soulevé des questions relatives à la liberté religieuse en Birmanie et aux groupes minoritaires musulmans avec le président à l'occasion de sa visite en Birmanie, en août dernier. Nous saisissons toutes les occasions qui s'offrent à nous d'inviter toutes les parties concernées en Birmanie — notamment le gouvernement, les communautés, les dirigeants et les groupes d'opposition — à donner à tous les organismes humanitaires un accès total, sûr et sans entrave aux personnes touchées par les crises, y compris dans l'État de Rakhine, où beaucoup de ces problèmes sévissent.

J'ajouterais que notre ambassadeur au pays travaille continuellement, comme son équipe, avec les diverses instances et les groupes ethniques, notamment, pour essayer de promouvoir le dialogue et trouver une solution pacifique à ces conflits.

Le sénateur Demers : Merci beaucoup de votre exposé. Quels sont les organisations ou les groupes régionaux les plus importants en Asie du Sud-Est? Quelle est la politique du Canada à l'égard des divers groupes de la région?

Mme Gregson : Je vous remercie pour votre question. Dans ma déclaration préliminaire, j'ai mentionné l'ANASE, qui demeure une association très importante dans la région. Les 10 pays qui en font partie travaillent donc à renforcer leur intégration économique. Bien sûr, vous comprendrez qu'ils se trouvent à divers stades de développement. Il y en a de peu développés comme le Laos et, à l'inverse, il y a Singapour. On observe toute une gamme de stades de développement. Mais ces pays s'appuient mutuellement, particulièrement dans les domaines d'intégration économique.

Comme je l'ai dit plus tôt, le Canada a entamé un dialogue suivi avec l'ANASE il y a 37 ans, je pense. Ces quelques dernières années, nous avons essayé de prouver le sérieux de notre engagement pour cette région en veillant à nous faire représenter par des ministres aux diverses réunions qui ont lieu plusieurs fois par année. Les ministres Baird et Fast ont ainsi régulièrement assisté à ces réunions. Depuis quelques années, nous exprimons le souhait de devenir membre du Sommet de l'Asie de l'Est, qui réunit les chefs d'État, et, aussi, de la Réunion des ministres de la défense de l'ANASE, l'ADMM-plus consacrée à la défense. L'année dernière, en novembre, nous avons eu le grand bonheur d'être accueillis publiquement au Sommet de l'Asie de l'Est par le président Aquino des Philippines, qui nous a offert d'appuyer notre adhésion au sommet. C'est vraiment le signal le plus manifeste que nous ayons reçu jusqu'ici.

Je dois aussi mentionner l'APEC, la Coopération économique Asie-Pacifique, une importante organisation régionale. Bien sûr, elle englobe aussi le Mexique et les États-Unis. Non limitée à l'Asie, elle est cependant surtout constituée de pays asiatiques, dont beaucoup sont aussi membres de l'ANASE. La priorité de l'APEC est donc en grande partie l'intégration économique régionale.

Cette année, sous la présidence des Philippines, nous nous occupons aussi des priorités de ce pays, qui englobent les PME. Comme c'est aussi une priorité importante du Canada dans son Plan d'action sur les marchés mondiaux, la coïncidence est parfaite.

De plus, ces pays cherchent à acquérir de la résilience aux catastrophes naturelles. Le Canada, bien sûr, a réagi avec diligence au terrible typhon Haiyan, l'année dernière.

La sénatrice Eaton : Cette présence accrue, à laquelle vous travaillez depuis de nombreuses années, nous aidera-t-elle dans les négociations sur le Partenariat transpacifique? Cela fait-il partie d'une stratégie plus ambitieuse pour ce partenariat?

Mme Gregson : Nous voudrions y croire. Je poserais plutôt la question à ma collègue Kirsten Hillman, notre négociatrice en chef du Partenariat transpacifique, pour lequel les négociations forment un ensemble très complexe. Notre engagement économique dans la région offre diverses possibilités comme celle de conclure différents accords commerciaux avec certains des pays membres de l'ANASE ou certaines des économies membres de l'APEC. Mais nous avons décidé de nous concentrer sur le Partenariat transpacifique, la priorité de notre engagement dans la région, pour lequel nous avons des objectifs très ambitieux. Nous voulons donc nous assurer que cet accord sera bénéfique pour le Canada et pour d'autres pays de la région.

La sénatrice Eaton : N'est-il pas vrai que cela nous a valu quelques réactions? Les États-Unis ne voulaient pas vraiment que nous fassions partie du partenariat, à ce que je sache. Y a-t-il des pays de l'ANASE qui, à votre connaissance, nous sont défavorables ou pensez-vous que, par exemple, Singapour, l'Indonésie ou la Birmanie sont très heureuses de notre présence aux négociations?

Mme Gregson : J'ai compris qu'il y avait certainement beaucoup de pays engagés dans le Partenariat transpacifique et qu'ils essayaient tous de collaborer pour atteindre certains objectifs. Je cède la parole à mon collègue, plus savant que moi à ce sujet.

M. MacArthur : Madame la présidente, pour répondre à la question, sur les dix pays membres de l'ANASE, quatre seulement font partie du Partenariat transpacifique : Singapour, Brunei, le Vietnam et la Malaisie. Nous participons aux négociations, qui se passent en grande partie entre les États-Unis et le Japon. Je pense que des pourparlers ont lieu actuellement à New York pour essayer de conclure ce partenariat. Nous voudrions que d'autres pays de l'ANASE s'y joignent, mais c'est un début. Tous les membres du partenariat sont en négociation, et nous espérons tous profiter collectivement d'une issue favorable.

La sénatrice Eaton : À côté de ces pays, la Chine, qui prend beaucoup de place, peut sembler menaçante. Quels sont ses sentiments pour le Canada? Par exemple, lorsque j'ai été intégrée dans la marine, la première année que j'étais sénatrice, l'Australie a fait des exercices de guerre avec nous au large de Terre-Neuve, parce que la Chine construisait sa marine. Avez-vous une idée des sentiments de la Chine à l'égard du rôle plus important que nous voulons assumer en Asie du Sud-Est?

Mme Gregson : En peu de mots, la réponse serait que nous supposons que la Chine réagirait bien à notre participation dans la région. Bien sûr, la Chine a des sujets de disputes territoriales — je pense que c'est ce à quoi vous faisiez allusion — particulièrement pour des territoires maritimes dans la région, avec un certain nombre de pays de l'ANASE. Le Canada ne se prononce pas. Nous avons pour règle de préconiser le règlement pacifique des différends, mais nous gardons l'œil ouvert.

Le sénateur Oh : Je vous remercie pour votre exposé. Ma question concerne la sécurité aérienne. Dernièrement, l'attention du monde s'est beaucoup dirigée vers l'Asie du Sud-Est, en grande partie en raison du manque de sécurité aérienne dans la région. On donne parfois le prétexte que, face à la demande croissante de déplacements aériens commerciaux, le savoir et les infrastructures de l'aviation ne peuvent simplement pas suivre au même rythme. Pouvez- vous dire au comité si c'est la crainte générale que vous inspire la région? Le Canada aide-t-il à la maintenance ou aux services de l'aviation?

Mme Gregson : C'est certainement un sujet d'inquiétude pour tous. Le Canada a exprimé ses condoléances aux pays dont des citoyens avaient péri dans ces accidents tragiques. La sécurité aérienne préoccupe tout le monde. L'OACI, dont le siège est à Montréal, est la première à vouloir examiner la question de la sécurité aérienne.

Pour réagir aux diverses catastrophes, nous examinerions, s'il y a lieu, la possibilité de déployer les compétences du Canada, mais, en général, l'aide est venue de pays situés un peu plus près du lieu des catastrophes. M. MacArthur pourra aussi compléter ma réponse.

M. MacArthur : J'ajouterais, madame la présidente, que la société montréalaise CAE, chef de file mondial des simulateurs de vol, a accentué sa présence déjà étendue par la création, par exemple, d'un important centre régional de formation des pilotes de l'aviation civile et militaire, à Brunei, l'année dernière. Elle possède aussi des installations dans d'autres pays et elle joue un rôle très important dans l'amélioration de la formation des pilotes. Je devrais aussi mentionner que, dans les consultations régulières que nous avons avec beaucoup de ces États, nous nous adjoignons Transports Canada et, dans certains cas, nous offrons notre collaboration dans des domaines tels que les enquêtes sur les écrasements, dans lesquelles nous excellons, ainsi qu'en matière de temps froid, par exemple, et de situations dangereuses en régions éloignées. C'est le genre de questions qui, effectivement, se posent. Dans le cas du dernier accident d'avion en mer, nous avons offert au gouvernement indonésien notre aide, un dispositif submersible, une technologie dans laquelle excelle le Canada. Ici, un certain nombre de sociétés la produisent, et certains de nos services gouvernementaux emploient certains de ces dispositifs. On n'en a pas eu besoin à ce moment-là, mais le gouvernement réitère constamment son offre, pour la recherche et le sauvetage d'avions tombés dans l'eau.

La présidente : Quelques questions seulement pour épuiser certains sujets : Il n'y a pas longtemps, il y a peut-être deux décennies, nous avons entrepris la deuxième voie, en partie pour chercher à jouer un rôle plus important dans la région de l'Asie du Pacifique. C'était en partie dû à un manque de confiance ou, encore, devrais-je dire, à certains soupçons entre des pays de la région, principalement la Chine mais aussi d'autres pays, et ç'a donné d'excellents résultats.

Nous passons maintenant à l'adhésion à des structures officielles. Nous en entendons parler de temps à autre dans la presse, et cetera, mais est-ce que les tensions entre les divers acteurs, dans le sud de l'Asie, notamment en Asie du Sud- Est, ont diminué? Ont-ils trouvé des façons de régler ensemble leurs différends, mais aussi de collaborer aux questions de commerce et de sécurité? Comment percevez-vous l'évolution de ces dossiers?

Mme Gregson : Puisque vous avez mentionné la deuxième voie, je ne peux pas résister. Vous aurez appris l'immense succès de la visite du premier ministre Harper en Chine, en novembre 2014, et que les deux chefs d'État ont signé une longue liste commune de résultats. L'un d'eux était l'instauration d'un dialogue officieux sur les relations commerciales entre les deux pays. C'est aussi un dialogue économique.

Nous sommes très heureux des résultats de cette visite et des processus entrepris dans le cadre de ce dialogue.

En ce qui concerne les disputes dans la région de l'Asie-Pacifique, nous sommes vraiment très heureux de voir des organisations comme l'ANASE prendre l'initiative de s'occuper d'un certain nombre de ces questions.

Le Forum régional de l'ANASE discute de questions régionales de sécurité et, bien sûr, le ministre Baird y assiste tous les ans.

Peter, aviez-vous quelque chose à ajouter?

M. MacArthur : Je voulais simplement dire que le Canada voudrait que la Chine suive l'évolution d'un joueur responsable et intégré dans la région. Comme vous l'avez entendu dire, nous considérons les forums de l'ANASE comme les tribunes les plus convenables pour la mobilisation dans des questions régionales de sécurité. Je tenais à le réitérer.

La réunion la plus récente de l'ANASE a été emblématique à cet égard.

La présidente : Concernant la sécurité du point de vue canadien, quand nous avons entrepris cette étude, il y avait certainement des sénateurs et d'autres intéressés qui considéraient les structures de sécurité dans le Pacifique du même œil que ceux de l'Atlantique. À mesure que les témoignages se sont accumulés, chacun s'est rendu compte qu'il n'existait pas de structures de sécurité telles que nous les connaissons ailleurs dans le monde, notamment celles que nous partageons avec l'OTAN, et cetera.

Est-ce que la plupart des architectures de sécurité que l'on crée sont bilatérales ou sont-elles des mécanismes réagissant aux crises? Réfléchit-on à des structures à long terme? La situation encourage-t-elle la Chine à prendre l'initiative dans beaucoup de ces questions, ce qui risque quelque peu d'inquiéter les autres acteurs, s'ils sont tenus à l'écart? Quelle est la tendance, actuellement, de l'architecture de sécurité?

Mme Gregson : Essentiellement, la situation de la sécurité dans la région concerne surtout des territoires disputés. Ils semblent soulever beaucoup de questions de sécurité.

Il y a notamment la possession contestée d'îles dans la mer de Chine méridionale, les archipels Spratly et Paracels. Cela comporte aussi un aspect économique, parce que ce sont des pêcheries commerciales très fréquentées, mais on soupçonne aussi la présence, en certains endroits, de gisements de pétrole. Tous les pays revendicateurs ont intérêt à continuer à revendiquer ces territoires.

Des pays — le Vietnam et les Philippines, sauf erreur de ma part — ont saisi l'UNCLOS, la Convention de l'ONU sur le droit de la mer, de la « ligne en neuf traits » imposée par la Chine. La Chine récuse la compétence de cette convention sur ces disputes et tient à les résoudre par voie bilatérale. Encore une fois, nous ne nous prononçons pas sur les disputes territoriales, mais nous incitons les parties à régler pacifiquement leurs différends.

Encore une fois, le Forum régional de l'ANASE est l'une des principales organisations qui favorisent la discussion et contribuent à la résolution pacifique des problèmes dans ces régions.

Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, le Canada contribue à divers titres à la mise en place de capacités pour favoriser la sécurité de la région.

La présidente : Concernant justement la sécurité, vous avez parlé de disputes régionales et ce sont les éléments déstabilisants, les minorités religieuses et d'autres. Il y a le terrorisme international et des menaces de portée internationale. Comment y voyons-nous actuellement avec l'Indonésie? Est-ce seulement par le dialogue par l'entremise de l'ONU ou essayons-nous d'exercer une influence plus efficace par l'entremise de l'ANASE, et cetera?

Mme Gregson : C'est sur ce point, bien sûr, qu'intervient notre désir de faire partie du Sommet de l'Asie de l'Est. Ce sommet des chefs d'État donne l'occasion de discuter à ce niveau de toutes les questions qui touchent la région, y compris celles de sécurité. Nous poursuivons nos efforts sur ce plan.

Il y a aussi le dialogue au Shangri-La. Nous avons aussi des discussions bilatérales sur la sécurité avec beaucoup de pays de la région.

Peter, aviez-vous quelque chose à ajouter?

M. MacArthur : Seulement qu'on estime à 500 le nombre d'Indonésiens partis en Syrie combattre le régime Assad. Nous surveillons la situation de près.

Je suis heureux de mentionner que l'Indonésie a reçu du ministère environ 5,5 millions de dollars en vertu de son enveloppe « Immigration clandestine et renforcement des capacités de lutte contre la criminalité ». Cela comprend la formation et l'équipement pour améliorer la capacité de la police indonésienne de prévenir l'immigration clandestine. Cette formation est donnée en partie par des organismes canadiens comme la GRC et l'Agence des services frontaliers du Canada.

Voilà un exemple de la sorte de collaboration qui est toujours à l'ordre du jour des discussions aux rencontres de nos ministres.

La présidente : Nous nous sommes intéressés à la piraterie dans l'océan Indien. De plus en plus j'entends dire qu'elle se déplace vers certaines régions de l'Asie du Sud-Est. Pouvez-vous formuler des observations sur ce problème de sécurité?

Mme Gregson : Sur la piraterie? Je crains, madame la présidente, de ne pas posséder de renseignements sous la main. Avec votre permission, je vous répondrai par écrit.

La présidente : Merci.

Le sénateur D. Smith : J'ai visité plusieurs fois cette partie du monde, mais pas l'Indonésie. Parmi ces pays, c'est manifestement la première puissance. Ce pays évoque encore chez moi ce vieux film que j'ai vu plusieurs fois, L'Année de tous les dangers. Tout à fait fascinant.

Si nous devions nous arrêter à deux ou trois questions ou même à une ou deux questions utiles, lesquelles nous conseilleriez-vous particulièrement?

Mme Gregson : Excellente question. Comme que je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, on s'intéresse beaucoup au nouveau président Joko Widodo, aussi connu sous le nom de Jokowi, et au fait qu'il ne fait pas partie de l'establishment. C'est aussi en raison de son style très populiste et de sa façon de faire, qui sont très différents de ceux des autres.

Quand il était gouverneur de Djakarta, il se présentait essentiellement à pied, en chaussures de tennis, dans des organismes gouvernementaux qui délivrent des permis, ce genre de choses, et s'il n'y recevait pas le genre de service promis aux citoyens, ils en entendaient parler.

Voilà le genre de méthode que le nouveau président a apporté au gouvernement. Cela nous intéresse, parce que, pour nous, la corruption est un problème endémique et généralisé en Indonésie. Elle a pénétré toutes les couches de l'administration publique et elle gangrène la justice. D'après Transparency International, l'Indonésie se classe au 107e rang sur 175 pays. Manifestement, c'est inquiétant.

La police est généralement considérée comme l'organisation la plus corrompue en Indonésie, à égalité avec la législature. Cela donne une idée de l'omniprésence du problème.

Cela se répercute sur les engagements commerciaux des intérêts canadiens. Néanmoins, nous estimons que l'Indonésie offre un potentiel énorme.

Pour ne parler que de notre activité commerciale, je vous dirige vers une autre question à examiner. Beaucoup de sociétés canadiennes sont présentes là-bas : Bombardier; BlackBerry. Quant à Manuvie et Sun Life, leur croissance y est phénoménale. Il y a aussi Talisman Energy, Husky Energy, McElhanney Engineering, Ballard, avec les piles à combustible. Ajoutons SNC-Lavalin. Les possibilités sont incroyables.

J'ai parlé, plus tôt, d'infrastructures pour cet État constitué de milliers d'îles.

M. MacArthur : Dix-sept mille.

Mme Gregson : Dix-sept mille îles. Merci. Vous pouvez comprendre la difficulté de se doter d'infrastructures permettant le déplacement des gens et des marchandises. Cela présente aussi une occasion incroyable à saisir pour les sociétés canadiennes du domaine, par exemple, des partenariats public-privé.

Voilà des domaines que vous pourriez explorer davantage au cours de votre visite. Peter aimerait faire une suggestion.

M. MacArthur : Madame la présidente, j'aimerais faire remarquer que beaucoup de gens disent que l'Indonésie — un pays du G20 — est le pays le plus important que très peu de personnes connaissent. Par exemple, les médias sociaux sont très importants là-bas et, compte tenu de l'essor de la classe moyenne, en ce qui concerne Facebook et Twitter, les Indonésiens comptent parmi les groupes d'utilisateurs les plus importants au monde. Voilà une des raisons pour lesquelles BlackBerry dit que l'Indonésie constitue son plus gros marché à l'échelle mondiale.

Les jeunes Indonésiens branchés offrent des occasions de toutes sortes aux entreprises canadiennes et aux TIC, notamment sur le plan des applications pour Internet. Cela rend l'Indonésie intéressante pour des marchés autres que l'aérospatial et l'infrastructure agro-alimentaire, dont nous avons parlé.

Le sénateur D. Smith : J'ai souvent travaillé, et je continue de le faire, avec la Banque mondiale et le FMI à toute cette question de la transparence et de la corruption. J'ai siégé au conseil d'administration de deux ou trois grandes banques internationales et j'ai fait d'autres choses de ce genre; les membres des conseils aiment bien être informés.

Toutefois, ce nouveau président semble vraiment encourageant. Parfois, on voit quelqu'un comme Nelson Mandela, qui était aussi honnête qu'on peut l'être et qui allait tout à fait à contre-courant de la culture de son pays sur des questions de ce genre. Croyez-vous que ce nouveau président sera de la même trempe que lui? Ce serait une bonne nouvelle et, très franchement, ce serait réjouissant si c'était vraiment le cas parce que les histoires que j'entends des gens de la Banque mondiale — ils m'envoient sans cesse à des conférences où des pays du tiers monde veulent recevoir des choses et où l'on essaie d'encourager la transparence et la lutte contre la corruption. Cela nourrit l'espoir. Croyez-vous que c'est vrai?

Mme Gregson : Nous l'espérons bien. Nous croyons que c'est une excellente question. Notre ambassade suit ce dossier de très près et produit des rapports sur le sujet.

Bien sûr, quand il s'agit de corruption et d'autres problèmes de ce genre qui sont tellement endémiques, c'est réellement un combat ardu. Nous sommes dans les premiers jours de son mandat, alors nous avons bon espoir pour l'avenir. Je crois que notre ambassade sera très bien placée pour vous offrir des séances d'information approfondies sur ce que fait le gouvernement Jokowi au cours de votre visite.

La présidente : Je crois qu'on a déjà dit ceci : est-ce qu'il changera le système ou est-ce que le système le changera? Nous en sommes à ces premiers jours, et nous devrons suivre son évolution de près.

Le sénateur Dawson : Très brièvement, monsieur MacArthur, vous avez dit que l'Indonésie était en quelque sorte le secret le mieux gardé du monde en matière de croissance économique. Vous avez aussi parlé de BlackBerry. Maintenant que le secret est révélé, est-ce que BlackBerry subit plus de concurrence sur le marché indonésien? Est-il encore l'acteur dominant sur le marché des médias sociaux, des courriels et des communications en général?

M. MacArthur : La dernière fois que j'ai vérifié, BlackBerry était encore à la tête du peloton, en partie à cause du fait que le système de messagerie BBM est économique pour les jeunes, mais aussi parce que l'entreprise offre encore les produits les plus prisés sur ce marché.

Je dirais que d'autres entreprises devraient entrer sur le marché. BlackBerry est à la tête du peloton, mais il existe beaucoup d'autres entreprises canadiennes dans ce secteur qui devraient explorer plus sérieusement le marché indonésien, parce qu'il est si vaste.

La sénatrice Ataullahjan : Merci. Pour faire suite à la question de la sénatrice Andreychuk, sous la présidence de la Malaisie en 2015, l'ANASE a décidé d'intensifier ses efforts en vue de résoudre le conflit dans la mer de Chine méridionale, en établissant notamment un code de déontologie. À votre avis, comment progressent ces négociations? Comment est-ce que les autres ont réagi à ces efforts?

M. MacArthur : La dernière réunion de l'ANASE, qui a été dirigée par la Birmanie, s'est déroulée beaucoup mieux que celle qui avait été dirigée par le Cambodge. Selon moi, il est bien reconnu dans les journaux et chez les gens en général que les Birmans se sont montrés à la hauteur de la tâche, qu'ils ont fait un excellent travail à la présidence et qu'ils ont veillé à ce qu'il y ait des discussions plus équilibrées sur ces questions entre la Chine et certains pays membres de l'ANASE.

Ce que l'on constate, c'est que non seulement les Philippines et le Vietnam, mais maintenant aussi l'Indonésie et Brunei, se disent préoccupés par l'approche plus bilatérale de la Chine. À mon avis, l'ANASE sert à permettre aux petits pays de se réunir et de travailler en plus étroite collaboration avec la Chine, mais aussi avec d'autres acteurs de la région, comme le Japon et les États-Unis.

Une réunion de l'ANASE bien présidée a un certain mérite, surtout quand il s'agit de gérer des partenaires de dialogue comme la Chine, où il est possible de mettre de telles choses au clair. Des occasions et des tribunes comme celle-ci, notamment le Dialogue de Shangri-La auquel le sous-ministre de la Chine prend part, contribuent à favoriser le dialogue.

Toutefois, comme Mme Gregson l'a mentionné, les Chinois adoptent une position bien arrêtée selon laquelle ils rejettent l'internationalisation et préfèreraient une entente bilatérale. Cela nous pose problème. Nous tenons pour acquis que la meilleure façon de procéder serait de s'aligner sur le droit international public de la mer des Nations Unies. Il s'agit d'une solution pacifique et conforme au droit international.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : Madame Gregson, vous avez mentionné plus tôt que, en Indonésie, les forces policières sont corrompues et que le président aura de la difficulté à régler ce problème.

En cas de conflit entre un Canadien et un Indonésien, ou bien entre une compagnie canadienne et une compagnie indonésienne, est-ce qu'un Canadien peut s'attendre à avoir un règlement juste?

Mme Gregson : Madame la présidente, c'est une très bonne question. C'est vraiment quelque chose que l'on suit de très près, surtout dans le cas de situations où des Canadiens, des Canadiennes font face à des difficultés d'ordre juridique en Indonésie.

C'est vraiment une situation à évaluer au cas par cas. Or, avec la connaissance qu'ils ont acquise de la corruption du système, nos fonctionnaires en Indonésie, nos agents consulaires et notre ambassadeur profitent de toutes les occasions possibles pour soulever la question de la transparence et de la primauté du droit auprès des autorités afin de leur faire part de nos préoccupations et de les encourager à faire tout ce qui est possible pour en arriver à un système plus transparent.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Lorsque notre comité s'est déplacé en Chine, on a eu connaissance, justement, d'un cas flagrant où un Canadien croupit en prison, parce qu'un juge s'est laissé acheter par une compagnie chinoise accusée de ne pas avoir bien exécuté les travaux qu'elle devait faire. On essaie maintenant par tous les moyens de le faire relâcher, à moins que vous ayez une nouvelle de dernière heure selon laquelle il aurait été libéré. C'était vraiment inquiétant pour nous. On a trouvé qu'il y avait des manquements en Chine, puisqu'il y est possible de corrompre un juge.

J'espère que cela ne se passera pas ainsi en Indonésie.

Mme Gregson : C'est une préoccupation et une question que nous partageons avec plusieurs pays.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Merci beaucoup.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Merci. Je vois que l'Indonésie fait rapidement des bonds sous la direction du nouveau président Widodo. Récemment, je suis allé en Équateur pour participer à une conférence du Forum parlementaire Asie- Pacifique, et l'Indonésie avait sans doute la délégation la plus importante, avec près de 40 membres.

Quels sont les domaines les plus prometteurs pour augmenter les échanges bilatéraux avec l'Indonésie et les investissements dans ce pays?

Mme Gregson : Merci beaucoup de cette question.

À l'heure actuelle, le Canada a en fait un excédent commercial avec l'Indonésie. C'est un des seuls pays du monde avec lequel nous avons un excédent commercial. Il est devenu le plus important marché d'exportation du Canada; en 2013, les exportations se sont élevées à 1,9 milliard de dollars. Il est le plus important marché d'exportation dans la région de l'ANASE, et il constitue aussi la plus importante destination de l'investissement direct canadien à l'étranger. Les actions s'élevaient à 3,2 milliards de dollars en 2012. De 2009 à 2013, nos exportations ont augmenté de 96 p. 100.

Les secteurs d'intérêt — et mon collègue a mentionné certains d'entre eux un peu plus tôt — sont tout particulièrement les technologies de information et des communications, les services financiers — raison pour laquelle Manulife et Sun Life sont très présents là-bas — et l'aérospatial. Il s'agit également d'un de nos plus importants marchés pour les produits agricoles et agroalimentaires.

M. MacArthur : J'aimerais simplement ajouter qu'il s'agit aussi d'un marché très intéressant à cause du fait que les gigantesques investissements canadiens sont surtout dans le domaine de l'extraction minière, où l'image de marque de la responsabilité sociale des entreprises canadiennes est bien connue en Indonésie.

Je tiens aussi à souligner que le secteur énergétique est très important. Nous parlons de conflits maritimes. Deux des grandes entreprises énergétiques du Canada, Husky et Talisman, exercent des activités dans cette partie du monde et nous sommes aussi très dynamiques dans les domaines des piles à combustible, de l'ingénierie, de la cartographie et de tous les services associés à l'aérospatial, notamment la formation au pilotage, dont j'ai parlé tout à l'heure. C'est un marché intéressant, pas seulement pour les exportations, mais aussi, comme vous l'avez entendu, pour les investissements canadiens sur le marché, ce qui permet aux Indonésiens de soutenir la concurrence.

La présidente : Merci d'avoir comparu devant le comité encore une fois pour faire le point. Cela nous est bien utile. Nous espérons que notre rapport vous sera utile dans le travail suivi que vous faites. Nous serions certainement heureux d'entendre ce que vous aurez à nous dire concernant notre rapport. Merci encore une fois d'avoir accepté de comparaître.

Sénateurs, nous allons maintenant mettre fin à nos travaux, mais j'aimerais d'abord préciser que nous tiendrons une réunion mercredi, pendant laquelle nous préparerons notre visite. Nous prévoyons la tenir mercredi, à 16 h 15. Il y aura un témoin. Nous déterminerons dans quel ordre nous aborderons ces points, puis jeudi, nous accueillerons nos témoins pendant notre réunion ordinaire.

(La séance est levée.)


Haut de page