Aller au contenu
AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule 23 - Témoignages du 12 mars 2015


OTTAWA, le jeudi 12 mars 2015

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour étudier les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant aux relations étrangères et au commerce international en général (sujet : promotion du commerce).

La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue. Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international poursuit son étude sur les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant aux relations étrangères et au commerce international en général. Aujourd'hui, le sujet de notre séance est la promotion du commerce.

Je suis très heureuse d'accueillir, par vidéoconférence, Mme Danielle Goldfarb, directrice associée du Centre du commerce mondial du Conference Board du Canada. Est-ce que vous m'entendez?

Danielle Goldfarb, directrice associée, Centre du commerce mondial, Conference Board du Canada : Je vous entends très bien. Bonjour.

La présidente : Ensuite, nous accueillons, à titre personnel, Jean-Michel Laurin, vice-président et directeur, Bureau d'Ottawa pour Octane Stratégies. Soyez le bienvenu.

Jean Michel Laurin, vice-président et directeur, Bureau d'Ottawa pour Octane Stratégies, à titre personnel : Bonjour.

La présidente : C'est donc Mme Goldfarb qui va ouvrir le bal, suivie de M. Laurin. Nous enchaînerons ensuite avec une période de questions.

Madame Goldfarb, la parole est à vous.

Mme Goldfarb : Je vous remercie beaucoup de m'avoir invitée à témoigner devant le comité. Étant donné que le Conference Board du Canada est un institut de recherche, je vais surtout m'attarder aux études que nous avons réalisées. Même si nos recherches ne portent pas expressément sur les programmes de promotion du commerce, bon nombre des travaux que nous avons effectués sur le commerce mondial et les tendances et stratégies connexes ont d'importantes répercussions sur les politiques et les programmes publics; je vais donc aborder la question en cinq points.

Tout d'abord, je tiens à dire que même si le public canadien, les médias et les entreprises ont tendance à s'intéresser principalement aux ressources pétrolières et naturelles du Canada, il y a une série d'exportations qui passe inaperçue au Canada, mais qui connaît une forte croissance et qui présente un grand potentiel commercial, et je parle ici des services. J'aimerais d'ailleurs préciser que les services font partie de trois des cinq secteurs d'exportation dont la croissance a été la plus rapide au cours de la dernière décennie au Canada. Évidemment, ici, il ne s'agit pas de choses matérielles.

On pense souvent que les services sont d'une importance négligeable pour le commerce du Canada mais, en fait, nos recherches ont démontré qu'ils représentent près de 40 p. 100 des échanges commerciaux du Canada; ce n'est donc pas rien. La vente de services occupe une très grande place dans le commerce du Canada. Les entreprises canadiennes profitent de débouchés énormes autant sur nos marchés traditionnels que sur les marchés émergents. En outre, il est possible d'ajouter des services de grande valeur à nos ventes de ressources et de produits manufacturiers. Il est important d'en tenir compte dans nos politiques en matière de promotion du commerce.

Pour commencer, il me semble qu'on devrait intégrer le commerce des services à nos politiques et programmes en matière de promotion du commerce et favoriser davantage les échanges de services dans le cadre de nos programmes.

Les obstacles qui nuisent au commerce des services sont beaucoup plus complexes que dans le cas du commerce des biens. On se heurte à toutes sortes de problèmes liés aux visas et à l'accès aérien — bref, tout ce qui se rapporte aux déplacements des gens.

De plus, comme il y a davantage de services qui sont vendus par l'intermédiaire de filiales canadiennes à l'étranger plutôt qu'exportés directement à partir d'ici, la question de l'investissement doit également être prise en considération à mesure que nous élaborons nos activités de promotion du commerce.

Nous devons aussi prendre en compte que les institutions financières qui accordent des prêts aux exportateurs canadiens doivent revoir leur façon de penser. Les usines ont pu servir de garantie de prêt. Toutefois, lorsqu'il est question des services et des industries du savoir, nous devons trouver un moyen d'utiliser la propriété intellectuelle comme garantie. C'est donc une façon différente d'envisager les échanges commerciaux.

C'était le premier point que je voulais faire ressortir : l'importance du commerce des services.

Deuxièmement, j'aimerais parler de l'essor des marchés émergents, dont le comité a sans aucun doute entendu parler. Au cours de la dernière décennie, période pendant laquelle le commerce mondial a explosé, les exportations canadiennes, quant à elles, ont essentiellement stagné. Nos exportations sont fortement orientées vers les États-Unis, et ce, même si l'économie mondiale a énormément évolué depuis la montée en puissance des marchés émergents, qui représentent aujourd'hui la moitié des échanges commerciaux à l'échelle mondiale et une part importante des investissements étrangers.

Le commerce du Canada sur les marchés émergents s'est accru, en particulier en Asie, mais il se limite aux produits de base, et on sait que le supercycle des produits de base tire à sa fin. Selon l'étude que nous publierons bientôt, le Canada a du mal à conserver sa part de marché en Asie, en dépit de sa proximité et du fait que nous possédons tout ce dont l'Asie a besoin. Nos recherches démontrent en fait que de nombreux concurrents du Canada s'en sortent mieux sur les marchés asiatiques en exportant des services ou en se concentrant sur des créneaux et des produits à forte valeur ajoutée. Il faudrait en tenir compte dans nos politiques en matière de promotion des exportations.

Troisièmement, il ne faut pas oublier les États-Unis, où l'on retrouve d'importants débouchés pour les entreprises canadiennes. Nos exportations demeureront orientées vers le marché américain. Le redressement de l'économie américaine et la faiblesse de notre dollar font en sorte qu'il y a d'extraordinaires perspectives pour les entreprises canadiennes aux États-Unis. Même si nous cherchons à accroître nos échanges commerciaux au-delà des États-Unis, nous devons tout de même reconnaître l'avantage significatif que représentent les liens privilégiés que nous entretenons avec eux.

Nous devons également tenir compte des éléments qui pourraient nuire à notre capacité de profiter du marché américain. De nombreuses entreprises canadiennes n'ont pas investi dans leurs capacités ces dernières années. Elles n'ont pas investi dans les technologies de l'information et des communications ni dans leur capacité de pouvoir tirer avantage des débouchés sur le marché américain. Il y a des secteurs et entreprises qui sont mieux à même de saisir ces occasions et, en fait, le Conference Board du Canada se penchera sur cette question au cours des prochains mois.

J'aimerais aborder deux autres questions, tout d'abord la nécessité que les entreprises et le gouvernement se renseignent bien avant de se lancer sur les marchés émergents et traditionnels. De toute évidence, les accords commerciaux que nous concluons nous ouvrent des portes, mais nos recherches révèlent que certaines entreprises sont mieux préparées que d'autres à affronter les marchés étrangers. J'aimerais donc vous faire part de deux constatations que nous avons faites dans le cadre de nos recherches.

Nous avons pris connaissance de toutes les entreprises canadiennes qui se sont imposées sur les marchés émergents au cours des 15 dernières années et nous nous sommes penchés sur le rythme auquel elles ont introduit de nouveaux produits sur ces marchés. Nous avons remarqué que l'introduction de nouveaux produits, en excluant l'incidence de tous les autres facteurs, contribuait au succès des entreprises canadiennes et à leur capacité de survivre plus longtemps sur les marchés émergents. Le développement de nouveaux produits et l'innovation se sont révélés essentiels sur ces marchés. Ce n'est pas quelque chose dont on a seulement entendu parler; nos études le prouvent. Ces deux facteurs jouent un rôle extrêmement important, que ce soit sur les marchés émergents ou les autres marchés. À vrai dire, nous avons également mené une étude sur l'Union européenne et nous avons constaté que l'introduction de nouveaux produits était tout aussi essentielle au succès et à la longévité des entreprises.

Ensuite, dans le cadre de nos recherches, nous avons constaté que les entreprises canadiennes n'augmentent pas leurs profits à court terme en exportant en Europe. Selon nous, c'est parce qu'elles se heurtent à des obstacles qu'elles n'avaient pas prévus, y compris des obstacles réglementaires. Par exemple, elles n'avaient pas anticipé les différences entre les divers marchés sous-régionaux de l'Europe. Cela démontre l'importance de bien se préparer avant de se lancer sur des nouveaux marchés. Les gouvernements pourraient peut-être jouer un rôle à cet égard en leur fournissant l'information dont elles ont besoin.

Enfin, on déploie énormément d'efforts pour aider un plus grand nombre d'entreprises à percer les marchés mondiaux. Je tiens à dire que ce ne sont pas toutes les entreprises qui sont destinées à réussir sur ces marchés. Parmi les entreprises canadiennes qui ont exporté leurs produits ces 15 dernières années, certaines ont connu un succès phénoménal alors que d'autres ont échoué lamentablement.

Nous avons constaté que 25 p. 100 des entreprises qui réussissent le mieux ont doublé leurs ventes sur les marchés émergents année après année. Il est donc possible pour certaines entreprises de s'imposer sur les marchés émergents et traditionnels, mais nos recherches révèlent que pour d'autres d'entreprises, les chances de succès sur les marchés mondiaux sont quasi improbables. Il faut donc songer à d'autres façons de tirer parti des avantages de l'économie mondiale. Certaines entreprises pourraient connaître un plus grand succès en faisant affaire à des multinationales canadiennes ou américaines.

Il est important de trouver différentes façons d'être exposés aux marchés émergents car ce ne sont pas toutes les entreprises qui devraient se lancer directement sur ces marchés. Plutôt que de nous concentrer sur des entreprises ou des secteurs précis, en fonction de leur taille, nos politiques et nos programmes devraient cibler les entreprises qui sont prêtes pour les marchés mondiaux, qui proposent des produits et des services innovateurs, qui ont des liens sur les marchés mondiaux et qui sont mieux à même de relever les défis que représentent ces marchés.

Merci beaucoup. Je serais ravie de répondre à vos questions.

La présidente : Merci, madame Goldfarb. Je vais maintenant céder la parole à M. Laurin.

M. Laurin : Merci beaucoup de m'avoir invité à comparaître ce matin. Je suis heureux de témoigner de nouveau devant le comité, à titre personnel cette fois-ci, afin de vous faire part de mes réflexions sur les efforts de promotion du commerce du gouvernement.

Comme vous l'avez dit, je suis le vice-président d'Octane Stratégies. Notre firme offre des conseils dans les domaines de la planification stratégique, de la commercialisation, des affaires publiques et des relations communautaires. Le commerce international figure parmi nos domaines d'expertise.

Vous vous souvenez peut-être de moi. J'ai déjà comparu devant le comité à titre de vice-président des politiques d'affaires mondiales de Manufacturiers et Exportateurs du Canada. J'ai passé 11 ans à MEC où j'ai travaillé étroitement avec les entreprises qui soutiennent la concurrence sur les marchés étrangers et les représentants du gouvernement qui font la promotion des entreprises canadiennes à l'étranger.

Je suis heureux que le comité s'intéresse aux initiatives de promotion du commerce du gouvernement. Il est important de reconnaître que notre prospérité est de plus en plus liée à la capacité du secteur privé de tirer avantage des débouchés sur les marchés émergents. Ces marchés représentent aujourd'hui la moitié du PIB mondial et 80 p. 100 de la croissance mondiale. Pourtant, comme Danielle l'a noté, l'exposition directe du Canada aux marchés émergents demeure très faible comparativement à ses pairs.

Selon moi, la promotion du commerce est un domaine dans lequel le gouvernement doit jouer un rôle important, et ce, pour quatre raisons. Tout d'abord, il y a ce que les économistes appellent l'échec du marché. Nous savons tous qu'en diversifiant nos échanges commerciaux, nous aurons une économie plus solide et plus résiliente; toutefois, il y a de plus grands coûts et de plus grands risques associés aux marchés étrangers. Par conséquent, les entreprises ont tendance à se concentrer davantage sur les marchés qu'elles connaissent déjà et dans lesquels elles sont à l'aise de travailler. Les délégués commerciaux, par exemple, contribuent à remédier à cette situation en réduisant les coûts et les risques associés aux marchés étrangers en communiquant des renseignements clés aux entreprises.

Qui plus est, nous avons constaté que la promotion du commerce donne de bons résultats. Selon l'analyse qu'a publiée le MAECD en 2011, chaque dollar investi dans le Service des délégués commerciaux du Canada se traduit par une hausse de 27 $ des exportations.

En outre, étant donné que d'autres pays offrent des services de promotion du commerce à leurs entreprises, il est important que les entreprises canadiennes puissent compter sur ces services pour pouvoir lutter à armes égales avec leurs concurrents sur les marchés internationaux.

Enfin — et je sais que d'autres personnes ont soulevé cette question auparavant —, notre gouvernement doit jouer un rôle à ce chapitre, par l'intermédiaire de la diplomatie. Il est souvent nécessaire de miser sur nos outils diplomatiques pour faire avancer les intérêts commerciaux du Canada, surtout lorsque l'avis du gouvernement hôte pèse lourd dans les décisions commerciales, ce qui n'est pas rare dans les économies en plein essor.

Je crois qu'il convient de féliciter le gouvernement de s'être fixé comme objectif de faire passer le nombre de PME canadiennes sur les marchés émergents de 11 000 à 21 000 d'ici 2018, mais en même temps, je crains qu'on n'obtienne pas les résultats escomptés en faisant plus ou moins la même chose que par le passé. Je m'explique.

Si le gouvernement et les PME veulent stimuler le commerce du Canada, particulièrement sur les marchés émergents, il est clair que le modèle habituel ne suffira pas.

Bien que le Plan d'action sur les marchés mondiaux du gouvernement établit clairement les priorités, il propose essentiellement d'orienter les ressources commerciales existantes vers les secteurs où les besoins sont grandissants. Autrement dit, il ne prévoit pas affecter de nouvelles ressources aux efforts actuels de promotion du gouvernement et ne vise pas non plus à élargir ces services de promotion du commerce. Cela me préoccupe.

Je suis ravi de constater que le gouvernement établit des partenariats avec des associations et visite des collectivités à l'échelle du pays afin de mieux faire connaître ces services de promotion du commerce, grâce à sa série d'ateliers « Le monde à votre portée ». Selon une étude que Deloitte a rendue publique l'an dernier, seulement 20 p. 100 des exportateurs canadiens connaissent ces services. Il est donc essentiel de leur donner plus de visibilité si on veut accroître considérablement le nombre d'entreprises qui réussissent sur les marchés internationaux.

Admettons qu'on réussit à sensibiliser davantage les entreprises aux services de promotion du commerce du gouvernement, les questions suivantes s'imposeront : d'une part, est-ce que nos efforts sont suffisants; et d'autre part, que pouvons-nous faire pour améliorer la promotion du commerce?

Dans le premier cas, je crois qu'il est important que nous nous comparions aux autres pays. J'ai souvent entendu des entreprises canadiennes affirmer que leurs concurrents à l'étranger jouissaient d'un meilleur accès au financement direct pour appuyer le développement de leur entreprise. Nous avons un excellent programme au Canada intitulé Opportunités mondiales pour les associations. Vous en avez sans doute entendu parler. Les associations sectorielles y ont recours pour soutenir leurs membres, mais le financement est limité et les entreprises peuvent seulement y accéder par l'entremise des associations sectorielles. D'autres pays, notamment le Royaume-Uni et l'Australie, fournissent également des fonds de contrepartie aux entreprises pour compenser les risques que présentent les nouveaux marchés.

Par ailleurs, il convient de soulever la question du financement global de la promotion du commerce. La Chambre de commerce du Canada — et je sais que Cam Vidler a comparu devant le comité récemment — a indiqué dans l'un de ses rapports de l'an dernier que le Service des délégués commerciaux était de plus en plus en demande, mais qu'il était à court de ressources.

Certains diront que la conjoncture économique n'est pas propice à un investissement majeur dans les programmes gouvernementaux ni à une hausse considérable des dépenses ministérielles. C'est peut-être vrai si on prend seulement le Service des délégués commerciaux, mais en réalité, si on inclut EDC, qui fait également partie du portefeuille du commerce du gouvernement, sachez qu'il génère des surplus importants chaque année pour le compte du gouvernement. En fait, EDC s'attend à réaliser en moyenne un excédent de plus de 600 millions de dollars par année au cours des quatre prochaines années, et cette somme devrait se multiplier à mesure qu'un nombre croissant d'entreprises canadiennes se tailleront une place sur les marchés internationaux. Par comparaison, le Service des délégués commerciaux coûte probablement entre 200 et 300 millions de dollars par année. Autrement dit, grâce à EDC, le gouvernement bénéficie largement du commerce qu'il contribue à créer par l'intermédiaire de ses délégués commerciaux.

Enfin, je veux également dire que l'accroissement des exportations et la réussite des PME canadiennes dans les marchés mondiaux passent par l'aide à la promotion des investissements — Danielle en a parlé — et par un milieu d'affaires concurrentiel à l'échelle nationale.

Je serai ravi de discuter de ces deux questions plus en profondeur au cours de la prochaine heure environ. Je vous remercie de nouveau de m'avoir invité. Je serais ravi de répondre à vos questions et de discuter avec vous.

La présidente : Merci. Vos exposés ont suscité l'intérêt de bon nombre d'intervenants. C'est la sénatrice Eaton qui commence.

La sénatrice Eaton : Merci beaucoup. Ma question s'adresse à Mme Goldfarb.

Vous avez dit qu'une série d'exportations passe inaperçue, c'est-à-dire les services et la propriété intellectuelle. Nous revenons d'un voyage en Indonésie et à Singapour, de cette partie du monde, de ces pays membres de l'ANASE, qui pourraient être d'énormes partenaires commerciaux pour le Canada. Y a-t-il des mesures de protection des marques?

D'après mon expérience, je sais qu'en Chine, les marques et la propriété intellectuelle ne sont pas toujours respectées. Comment pouvons-nous faire en sorte que les marques et la propriété intellectuelle des entreprises canadiennes ne soient pas vendues subrepticement?

Mme Goldfarb : Excellente question. Il y a deux éléments ici.

En vous écoutant, je crois comprendre que vous craignez que l'on vole la propriété intellectuelle canadienne, essentiellement, lorsque nos entreprises créent quelque chose. Dans le cadre de nos travaux, nous avons effectué des études de cas et nous nous sommes penchés sur l'expérience des entreprises canadiennes dans les marchés émergents. Nous avons constaté que la meilleure défense, c'est l'attaque, qui comporte deux volets, du moins d'après ce que nous révèle notre recherche.

Premièrement, tout à l'heure, j'ai parlé de nos recherches sur le rythme auquel les entreprises ont introduit de nouveaux produits sur les marchés émergents. En mettant de nouveaux produits sur ces marchés plus rapidement, une entreprise a beaucoup plus de chance de réussir, de demeurer longtemps sur le marché et de mousser ses ventes. Ce n'est qu'un indicateur de l'innovation, mais c'est vraiment ce que j'appellerais l'un des meilleurs moyens de se défendre contre le vol de propriété intellectuelle — nos entreprises doivent toujours continuer à innover et à créer de nouvelles choses.

Le deuxième type d'attaque — excusez-moi?

La sénatrice Eaton : J'allais seulement dire que nous avons constaté que beaucoup de temps avait été investi pour essayer de mettre un terme à cela ou de régler cela. Au bout du compte, nous avons vendu l'entreprise, et c'était seulement l'an dernier ou il y a 18 mois.

Mme Goldfarb : Oui.

La sénatrice Eaton : Nous avons investi beaucoup de temps à cet égard, comparativement à ce que nous faisons dans le cadre d'activités commerciales avec un pays comme la Grande-Bretagne ou les États-Unis, qui sont très faciles pour nous. On sait qu'ils ne vendront pas le produit subrepticement à quelqu'un d'autre qui le fabriquera plus rapidement. Ils respecteront la marque de commerce et les redevances. C'est bien beau de dire qu'il faut s'attaquer au problème, mais il ne faut pas oublier que cela prend énormément de temps.

Mme Goldfarb : C'est vrai, et je le comprends. Ce que je veux dire, c'est qu'on ne connaît pas véritablement ces marchés émergents — et vous avez parlé des pays membres de l'ANASE — et qu'il est difficile d'y mener des activités. En examinant les indicateurs de la Banque mondiale sur la facilité de faire des affaires, on se rend compte qu'ils sont tous considérés comme des pays dans lesquels il est très difficile de faire des affaires. Ce ne sont pas des partenaires commerciaux traditionnels et nous ne pouvons pas miser sur les voies légales autant que nous le faisons avec nos partenaires commerciaux habituels.

Tout ce dont je peux parler, c'est de ce qui émerge de nos travaux, qui nous révèlent qu'il est important de ne pas cesser d'innover. De plus, le deuxième facteur qui ressort de bon nombre de nos études de cas, c'est l'importance d'établir des relations de confiance à long terme dans ces marchés. Je ne parle pas ici de visites ponctuelles. Il s'agit de maintenir des liens de façon constante, tant avec les gouvernements qu'avec les entreprises. Les entreprises qui connaîtront du succès et qui seront capables de surmonter les obstacles que posent ces marchés sont celles qui seront persévérantes et qui seront capables de créer des liens à long terme, de continuer à innover et de relever ce type de défis.

Quant à savoir si le gouvernement pourrait adopter des programmes ou des politiques en particulier, nous ne nous sommes pas penchés sur la question. Je ne suis donc pas certaine d'être en mesure de dire quelque chose au sujet du problème dont vous parlez. Je peux dire toutefois que nos études de cas et nos travaux en général nous ont permis de constater que ce sont les stratégies qui sont les plus efficaces.

La sénatrice Eaton : Êtes-vous au courant — car ce n'est certainement pas mon cas — de ce qui se passe au sujet des négociations sur le PTP? Les droits de propriété intellectuelle et la protection des marques sont-ils des éléments faisant partie des négociations? Aurait-on des recours s'ils faisaient l'objet de vol? Est-ce un élément des négociations?

M. Laurin : Oui. Les négociations sur le PTP incluent un volet sur la propriété intellectuelle qui inclut le type de questions qui couvrent les problèmes que vous soulevez. Je pense qu'un environnement mieux réglementé comprenant des règles que nous pouvons faire respecter est utile pour les entreprises. C'est pourquoi les entreprises aiment les accords commerciaux en général. Ils contiennent des règles uniformes pour tous.

À propos de votre remarque, j'ai été confronté à cela à maintes reprises, surtout dans mes fonctions antérieures, et dans cette situation, les associations et les délégués commerciaux sont de très bonnes ressources. Les entreprises croient qu'elles doivent se débrouiller seules et qu'elles sont les seules à être confrontées à ce problème, mais souvent, d'autres entreprises ont tracé la voie en quelque sorte. En d'autres termes, d'autres entreprises ont vécu le même type de situation et ont trouvé des moyens efficaces — et parfois moins efficaces — d'y faire face.

J'encourage les entreprises à entrer en contact avec, d'une part, d'autres entreprises qui sont déjà dans le marché et qui ont le même problème — s'il ne s'agit pas de compétiteurs, les entreprises sont habituellement ravies de communiquer ce type de renseignements —, et d'autre part, des délégués commerciaux, surtout dans les marchés émergents. Le plus souvent, les entreprises communiquent avec l'ambassade ou le consulat local, et les délégués commerciaux savent habituellement que l'entreprise mène des activités au pays depuis sept ans, qu'elle fait face à des difficultés et qu'elle a essayé des choses, mais que cela n'a pas fonctionné. Elle a perdu beaucoup d'argent. L'entreprise voudra peut-être entrer en contact avec telle ou telle personne et lui demander si elle peut lui parler de son expérience de sorte qu'elle ne fasse pas les mêmes erreurs et qu'elle apprenne de son expérience. Je pense que c'est à cet égard que le gouvernement et les associations peuvent aider les gens à épargner beaucoup de temps et d'argent, essentiellement par l'établissement de liens et la communication des pratiques exemplaires.

La présidente : Voulez-vous ajouter quelque chose, madame Goldfarb?

Mme Goldfarb : Je suis d'accord avec Jean Michel.

La sénatrice Ataullahjan : Madame Goldfarb, vous avez écrit que les immigrants sont une force pour les entreprises canadiennes. Vous dites qu'ils leur permettent d'accéder aux marchés mondiaux et que les entreprises canadiennes ont plus de chance d'accéder à des marchés mondiaux. Pourquoi les entreprises qui appartiennent à des néo-Canadiens ont davantage tendance à exporter sur des marchés non-américains, et qu'avez-vous appris de ces activités?

Mme Goldfarb : Je vous remercie de la question. Je suis ravie d'apprendre que vous avez lu notre étude sur les exportateurs immigrants. Nous nous sommes penchés sur le cas de nouveaux immigrants qui sont arrivés au Canada ou qui sont devenus immigrants au cours des cinq dernières années, et nous avons constaté que généralement — toutes choses étant égales par ailleurs et nous avons éliminé toutes les autres caractéristiques que nous pouvions éliminer —, ils exportent davantage que leurs homologues canadiens.

À notre avis, les raisons qui expliquent cela sont celles auxquelles on s'attend. Ils ont des contacts. En fait, ils ont de meilleurs contacts dans leurs pays d'origine. Ils ont une expérience internationale. Ils ont de meilleures relations dans leur pays d'origine que dans les réseaux d'affaires au Canada. Nous avons été en mesure d'évaluer leur accès aux réseaux d'affaires au Canada, et nous avons constaté qu'il était plutôt faible, comme vous pouvez l'imaginer, mais leurs réseaux d'affaires à l'étranger sont très importants. Du moins, c'est ce que notre travail de recherche nous permet de conclure.

Ils sont capables de surmonter bon nombre des difficultés auxquelles sont confrontées les entreprises canadiennes non seulement dans les marchés émergents, mais aussi dans le marché américain. Dans les marchés émergents, ils ont tout simplement des contacts et des liens depuis longtemps. Ils connaissent la culture. Ils comprennent la langue. Ils ont tous ces atouts contrairement aux gens qui sont nés au Canada, aux entrepreneurs nés au Canada, qui n'ont peut-être pas le même type d'expérience à l'étranger.

Nous avons constaté qu'en général, ils exportent davantage, non seulement dans leur pays d'origine, mais également aux États-Unis. Nous croyons que c'est parce qu'ils ont davantage une vision internationale et qu'ils sont capables de surmonter ces difficultés.

Nous avons constaté que leurs expériences varient, et je crois que c'est vraiment important. Ces exportateurs immigrants n'ont pas tous le même succès. Certains sont actifs dans des secteurs à faibles coûts dans lesquels ils essaient de se démarquer en fonction des coûts. D'autres jouent un rôle plus actif dans les industries du savoir privilégiant les services, et ce sont eux qui soutiennent la concurrence en cherchant à innover et à se distinguer et, à notre avis, ce sont eux qui auront de plus grandes possibilités à long terme.

La sénatrice Johnson : Madame Goldfarb, en ce qui concerne l'AECG, l'Accord économique et commercial entre le Canada et l'Union européenne, pour que le Canada puisse profiter pleinement des dispositions, il faut que les associations professionnelles négocient des accords de reconnaissance mutuelle avec l'Union européenne et les gouvernements, ce qui devrait faciliter les négociations. Pourriez-vous nous dire si ces négociations sont particulièrement difficiles?

Mme Goldfarb : Parlez-vous de l'accord en général ou seulement du volet de la reconnaissance mutuelle?

La sénatrice Johnson : Je parle des ARM, des accords de reconnaissance mutuelle.

Mme Goldfarb : Je ne suis pas une spécialiste des ARM, mais au Conference Board, nous avons rédigé un document dans lequel nous tentons de donner un aperçu de ce qu'ils prévoient.

Je crois comprendre que l'AECG met en place un cadre qui permettra aux entreprises et aux associations de négocier des accords de reconnaissance mutuelle. Concernant l'établissement du cadre pour ces accords, c'est difficile en ce sens qu'il doit y avoir des négociations entre bon nombre de pays différents, les pays européens et le Canada, pour assurer une mobilité de la main-d'œuvre dans les deux marchés. C'est difficile.

En plus du fait que les négociations comportent elles-mêmes des difficultés, les pays se sont entendus sur un texte portant sur ce qu'englobera l'AECG, mais ce qui est peut-être encore plus difficile maintenant, c'est que les associations professionnelles doivent prendre les mesures nécessaires et négocier des accords de reconnaissance mutuelle entre le Canada et l'Union européenne, bien que je crois comprendre que certaines associations professionnelles, comme celles d'ingénieures, font progresser les discussions à ce sujet et sont actives maintenant. Il faut que des associations canadiennes prennent part à des discussions avec leurs homologues de l'Union européenne pour profiter de ces dispositions, car sinon, elles ne signifieront pas forcément quelque chose en réalité.

Tout dépendra des éléments sur lesquels le gouvernement négociera, de même que des mesures que prendront les entreprises et les associations pour en tirer avantage. Ai-je répondu à votre question?

La sénatrice Johnson : Oui, c'est excellent. Connaissez-vous des entreprises qui veulent en tirer avantage? Je sais que vous dites que vous n'êtes pas nécessairement une spécialiste de ce domaine, mais je vous remercie de votre réponse; c'était très bien.

Mme Goldfarb : J'allais dire que je crois comprendre que des entretiens exploratoires ont lieu entre les associations d'ingénieurs, par exemple.

La sénatrice Johnson : Monsieur Laurin, que pensez-vous du PAMM jusqu'à maintenant? Reflète-t-il les orientations stratégiques que vous et vos membres avez prônées dans le passé?

M. Laurin : Dans mon ancienne vie, je faisais partie de Manufacturiers et exportateurs du Canada, et je sais que Phil Turi est venu témoigner devant votre comité et qu'il serait mieux en mesure d'en parler.

J'ai quitté mon poste au sein de MEC en 2013 et effectivement, notre rôle n'était pas nécessairement de dire à nos membres comment ils devaient diriger une entreprise, mais nous leur donnions des conseils sur les possibilités qui existent dans les marchés internationaux.

En ce qui concerne l'objectif que le gouvernement a inclus dans le PAMM, qui consiste à presque faire doubler le nombre de PME dans les marchés émergents, nous avons toujours aimé que le gouvernement fixe des objectifs, et je crois que c'est encore le cas. Nous l'avons vu dans d'autres secteurs, par exemple, parce que c'est bon sur le plan des ressources. Lorsqu'on dit que c'est une priorité, que c'est l'objectif que nous fixons pour le gouvernement, normalement, des ressources sont allouées pour l'atteindre.

Quant à savoir si nous atteindrons l'objectif, je n'ai pas les derniers chiffres. Je présume que le gouvernement surveille la situation de près, mais nous nous fions essentiellement aux données de StatCan. Pour ce qui est du nombre d'établissements qui mènent des activités dans les marchés internationaux, Danielle en sait plus que moi, mais les données sont habituellement en retard de deux ans. J'ignore donc si nous avons des données qui nous permettraient de savoir si nous sommes en train d'atteindre l'objectif.

Je veux dire en général qu'en gros, dans cinq ans, le résultat sera complètement différent. Le nombre de PME qui feront des affaires dans les marchés émergents aura presque doublé. C'est très bien. Je crois que tout le monde s'entend pour dire que c'est un objectif louable pour l'économie et les entreprises canadiennes, mais à mon avis, à moins que nous changions notre façon de les aider, il sera difficile à atteindre.

Je présume que, compte tenu des événements que tiennent le MAECD, la CCC et EDC présentement au pays, on recourra davantage à leurs services. J'ai toujours encouragé — et je le fais toujours — les entreprises à communiquer avec le Service des délégués commerciaux et EDC parce qu'ils aident beaucoup les entreprises qui mènent des activités à l'étranger.

S'ils voient la demande de services augmenter, ils auront besoin de ressources supplémentaires. Ce que j'essaie de faire valoir, c'est que certains pays sur lesquels je me suis penché sont beaucoup plus dynamiques lorsqu'il s'agit de financer la promotion commerciale et de faire preuve de souplesse sur le plan du nombre de services fournis et de diversifier les services. J'ai mentionné que certains financent directement les entreprises, ce que font certains gouvernements provinciaux, mais le gouvernement fédéral ne le fait que par les associations.

Nous devons nous demander si nous avons les outils nécessaires pour que le gouvernement soit en mesure d'aider ces entreprises à qui nous disons essentiellement d'aller en Malaisie, en Thaïlande et en Turquie pour y mener des activités. Avons-nous ce qu'il faut pour leur fournir les services dont elles ont besoin? Je pose la question.

La sénatrice Johnson : Je vois. Merci. Je suis certaine qu'il y aura un suivi.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : D'abord, je tiens à vous remercier pour vos présentations.

Ma première question s'adresse à Mme Goldfarb.

Madame, à votre connaissance, existe-t-il des programmes mis en place par le gouvernement canadien dont vous pouvez témoigner du succès?

[Traduction]

Mme Goldfarb : Jean Michel est peut-être mieux placé que moi pour répondre à cette question.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : M. Laurin a mentionné que les délégués commerciaux d'EDC étaient de bons supports, mais n'y a-t-il pas d'autres programmes?

M. Laurin : Le ministère des Affaires étrangères, Commerce et Développement Canada ont deux principaux programmes. En fait, ils en ont trois. Le plus important et celui qui est le plus connu, c'est Opportunités mondiales pour les associations (OMA). En anglais, c'est Global Opportunities for Associations (GOA). C'est un programme de financement d'environ 3 millions de dollars par année. Une trentaine ou une quarantaine d'associations sectorielles, notamment des producteurs de plastique, de produits automobiles, et cetera, recevront du financement. Grâce à ce programme, ces associations sont en mesure de financer une partie des coûts liés à leur participation à des foires commerciales à l'étranger ou à l'élaboration de matériel visant à faire connaître les produits canadiens. Si ma mémoire est bonne, ce programme est d'environ 3 millions de dollars par année.

Un autre programme intitulé Investissement Canada-Initiatives des communautés (ICIC) vise à soutenir des groupes locaux tels que des grappes industrielles ou des chambres de commerce locales. Cette initiative a pour but d'attirer les investissements. À titre d'exemple, si Montréal International mène des missions à l'étranger dans le but de promouvoir Montréal comme endroit où investir, il peut bénéficier du programme du gouvernement qui apporte un soutien à ce genre d'initiative. Ce programme, très populaire et très apprécié, joue un rôle important dans la promotion des investissements. Et il a un impact positif sur nos exportations parce que souvent les entreprises séduites localiseront une nouvelle chaîne de production au Canada. Leurs produits seront vendus un peu partout au Canada et, plus particulièrement, ils seront exportés vers d'autres marchés.

Il y a aussi le Programme de coopération industrielle qui existe depuis longtemps, mais dont le financement est moins important. À une époque, c'était l'ACDI qui était responsable de ce programme. Si ma mémoire est bonne, ce programme vise à soutenir les entreprises canadiennes qui souhaitent implanter des usines d'opération dans des pays en développement.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Ces programmes ont connu du succès?

M. Laurin : Oui.

La sénatrice Fortin-Duplessis : J'aimerais vous poser une autre question, monsieur Laurin. Quels pays pourraient servir de modèle pour le Canada en matière de stratégie de promotion commerciale?

M. Laurin : C'est une excellente question. Il y a plusieurs pays qui font des choses intéressantes. On se compare souvent à l'Australie parce qu'on dit que c'est une économie semblable à la nôtre. Ce pays a beaucoup de ressources naturelles et a une base industrielle importante. Cependant, les Australiens sont meilleurs que nous pour faire des affaires avec les marchés en Asie en raison du facteur de proximité. Ils sont beaucoup plus près des marchés asiatiques que nous et ils y sont depuis plus longtemps. Par exemple, l'équivalent australien de notre ministère des Affaires étrangères, Commerce et Développement est une agence qui s'appelle Austrade. Elle offre le programme Export Market Development Grants depuis une quarantaine d'années. Ce programme accorde des subventions à plus de 3 000 entreprises en Australie. Il s'agit de fonds de contrepartie : l'entreprise doit débourser une certaine somme pour recevoir un montant équivalent. Cette initiative aide les compagnies australiennes à financer leur participation à des foires commerciales à l'étranger.

C'est souvent frustrant. À l'époque, je travaillais pour l'association, et on se faisait dire : il y a des missions commerciales de partout dans le monde qui viennent ici, et quand on parle avec les entreprises, leur gouvernement a souvent organisé ou aidé à soutenir l'organisation. Il arrivait souvent qu'on déboursait une partie des frais engendrés par les compagnies. L'Australie est souvent citée comme un modèle parce qu'elle offre un programme et un modèle intéressants. Son ministère travaille très étroitement avec les associations, apporte un soutien et du financement aux associations pour promouvoir davantage le commerce. Et si on compare par personne, ils investissent beaucoup plus dans la promotion commerciale que nous ici au Canada.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Et du côté de l'Europe, y a-t-il un pays qui peut nous servir de modèle?

M. Laurin : L'Angleterre offre aussi un programme intéressant. Ce pays a créé une agence comme une société de la couronne qui est chargée de faire la promotion commerciale. L'Angleterre pourrait aussi nous servir de modèle.

En outre, la Suède est souvent citée comme modèle au chapitre de la promotion commerciale. C'est intéressant parce qu'elle offre, entre autres, des services de consultation aux entreprises. Donc, certains services sont offerts gratuitement par le gouvernement comme au Canada. Je me souviens d'avoir visité une entreprise suédoise qui avait un agent au Canada, c'est-à-dire un délégué commercial suédois. J'ai demandé si c'était financé par le gouvernement. On m'a répondu que c'était financé en partie, mais qu'il fallait aussi payer de notre poche. Leur modèle est un peu plus hybride. Ils offrent des services que l'on ne fournit pas, mais il y a une partie de ces services qu'il faut payer.

[Traduction]

Le sénateur Demers : Je vous remercie beaucoup de vos exposés. Devant le comité de l'autre endroit, Mme Lorna Wright, de l'Université York, a dit que se lancer en affaires comporte des risques chaque fois. Bon nombre d'entreprises canadiennes hésitent à mener des activités à l'étranger à cause du risque. Quel rôle devraient jouer les fournisseurs fédéraux de services en matière de promotion commerciale pour aider les PME canadiennes « prêtes à être exportées » à surmonter leur aversion contre le risque? Que pourraient-ils faire pour rassurer les entreprises?

[Français]

M. Laurin : Vous avez raison. Souvent, quand on s'entretient avec les entrepreneurs, deux lumières s'allument quand on fait référence au commerce international : quels sont les débouchés et quels sont les risques? Bon nombre de nos entreprises se concentrent sur les marchés canadiens et nord-américains parce qu'ils entendent souvent dire que le marché américain est l'un des plus risqués au monde. Toutefois, nous connaissons les risques. Nous savons comment les gérer et, la plupart du temps, nous avons l'expérience pour le faire. Alors, quel rôle doit jouer le gouvernement pour aider les entreprises à gérer les risques à l'étranger? EDC est une ressource d'une grande valeur pour les entreprises canadiennes. Elle offre divers services, assure vos comptes clients à l'étranger et fournit des conseils lorsqu'il s'agit d'assurer telle ou telle compagnie. C'est déjà une bonne indication des risques à éviter. Et il y a des fournisseurs privés d'assurance qui offrent le même service.

À mon avis, les délégués commerciaux jouent un rôle majeur en ce qui concerne la diffusion d'informations. Ils sont en mesure de cerner les risques auxquels les entreprises peuvent s'exposer. Ils fournissent des conseils aux entreprises sur la façon de gérer les risques. Dans les marchés émergents, il y a souvent des facteurs macroéconomiques importants, des enjeux auxquels tout le monde au pays est confronté. Cependant, la clé du succès pour toute entreprise est de trouver le bon partenaire. Il faut se poser les questions suivantes : a-t-on développé une bonne relation avec ce partenaire? Est-il fiable? Ce n'est pas au gouvernement de dire avec qui vous devriez faire affaire. Mais il doit être en mesure de tracer la voie à suivre aux entrepreneurs, de faciliter la diffusion d'informations et d'encourager de meilleures pratiques. C'est dommage de constater que des compagnies commettent des erreurs alors qu'elles auraient pu s'inspirer de l'expérience d'autres entreprises. Dans bien des cas, avec le soutien du gouvernement, les associations peuvent offrir un programme de mentorat pour que les nouveaux exportateurs apprennent des plus anciens.

Je suis d'avis que le rôle du gouvernement à cet égard est indispensable. Je parlais de la diplomatie économique, qui est d'une aide précieuse pour les entreprises en ce qui concerne la gestion des risques. C'est une sécurité pour les entreprises de savoir que le gouvernement est sur place. Cela facilite la représentation de l'entreprise et les contacts clés du côté de l'autre pays, en particulier dans les pays où l'État joue un rôle important.

Tous les gouvernements partout dans le monde fournissent ce type de service. C'est un bon indicateur que le gouvernement a un rôle à jouer dans la réduction des risques. Si les entreprises font souvent appel à ces services, c'est parce qu'ils sont efficaces et d'une aide précieuse.

[Traduction]

Le sénateur Demers : Voulez-vous ajouter quelque chose, madame Goldfarb?

Mme Goldfarb : Le gouvernement a un rôle important à jouer dans l'élimination des obstacles aux échanges de produits et de services, de même que pour ce qui est de fournir de l'information, comme l'a dit M. Laurin. En ce qui a trait au manque de financement, il importe vraiment de se demander si le marché est dans une mauvaise situation et si une intervention sur le plan politique est nécessaire. Ce n'est peut-être pas clair, mais je crois qu'il faut poser la question plutôt que de dire que le gouvernement a toujours un rôle à jouer en matière de financement simplement parce que cela s'applique dans d'autres pays. J'ajouterais seulement cet élément rationnel.

Le sénateur Oh : Ma question s'adresse à M. Laurin. Je vais fréquemment en Asie. J'ai remarqué qu'il y avait des droits de propriété intellectuelle concernant les droits d'auteur. En Chine et dans d'autres pays asiatiques, il y a beaucoup moins de problèmes liés aux droits d'auteur. On y retrouve bien moins de produits de contrefaçon sur le marché qu'il y a 10 ans, où l'on vendait des produits de contrefaçon Gucci ou d'autres marques à chaque coin de rue. Avez-vous des observations à faire à ce sujet?

M. Laurin : Je peux essayer, mais vous semblez en savoir plus que moi à ce sujet. Je me souviens qu'il y a 10 ou 15 ans, on commençait à dire que la Chine était un marché émergent. Tout le monde était préoccupé par la question de la protection de la propriété intellectuelle. La Chine évolue. D'après ce que j'entends dire, les Chinois s'attaquent au problème, peut-être plus vigoureusement qu'auparavant. Il faut en partie qu'ils aient la capacité de régler ces problèmes.

J'ignore si c'est toujours un problème. Certaines entreprises disent toujours qu'il est évident que cela représente un risque dont elles tiennent compte. Je vous incite à poser la question à des entreprises qui mènent des activités en Chine. Les entreprises ne me disent pas toutes la même chose. Certaines ont élaboré des stratégies pour régler le problème, qu'il s'agisse de ne pas donner tous leurs droits de PI au même partenaire ou de prendre des mesures pour protéger leur produit contre l'ingénierie inverse. Cela repose également en partie sur le type de partenaires choisis et les liens qui sont établis avec eux.

C'est un problème qui existe, et pas seulement en Chine, mais dans bon nombre de pays, dont au Canada. Chaque entreprise a sa propre façon d'intervenir. Pour ce qui est du rôle du gouvernement, nous avons parlé des règles auparavant, et établir des règles strictes et s'assurer que les gouvernements étrangers les respectent font partie de son rôle.

J'ai vu des entreprises adopter différentes stratégies pour essayer de régler le problème et certaines ont mieux réussi que d'autres. Malheureusement, certaines n'ont pas été en mesure de s'attaquer au problème et font face aux conséquences du vol de PI et de ce type de problèmes. D'autres ont bien réussi à cet égard.

Le sénateur Oh : En général, je remarque qu'en Asie, sur le plan des droits de propriété intellectuelle, la situation s'améliore.

M. Laurin : C'est bien de le faire remarquer.

La présidente : J'ai quelques questions à vous poser avant que nous suspendions la séance.

Madame Goldfarb, vous avez parlé de la question des services canadiens en Asie et des travaux de recherche que vous effectuez. S'agira-t-il d'un rapport? Si c'est le cas, quand sera-t-il accessible? Il aura des répercussions sur nos études.

Mme Goldfarb : Deux études seront publiées dans environ deux semaines. Elles porteront sur le commerce entre le Canada et l'Asie et sur les changements dans les relations entre le Canada et l'Asie. La deuxième étude portera sur les grandes possibilités des entreprises canadiennes en Asie, qui s'étendent au-delà du secteur des ressources naturelles. Nos deux études seront publiées le jour où le Canada lancera son centre pour le RMB, c'est-à-dire le 23 mars. Je serais ravie d'en fournir des exemplaires au comité.

De plus, notre prochaine série de recherches va mettre l'accent sur le commerce de services. Ce sera l'un de nos principaux thèmes de recherche au cours des trois ou quatre mois. Nous allons tenir un événement en mai sur le commerce de services et nous allons publier nos constats de recherche à peu près en même temps. Je suis tout disposé à faire part au comité de ce que nous constaterons et au fur et à mesure que nos recherches avancent.

La présidente : Merci, c'est bien utile.

Monsieur Laurin, vous avez abordé la question des droits de propriété intellectuelle. Vous avez mentionné que c'était un problème partout, mais qu'il était manifestement plus prononcé dans certains secteurs que d'autres.

Est-ce que vos entreprises font une différenciation en fonction de la sécurité? Autrement dit, les droits de propriété intellectuelle concernent peut-être les rapports entre entreprises, mais il arrive parfois que nos technologies soient élaborées à la lumière de recherches extérieures ou de recherches financées par le gouvernement en matière de sécurité ou sur les questions militaires. Y a-t-il une différenciation qui se fait selon ces critères et que les entreprises devraient connaître?

M. Laurin : J'ai remarqué avec le temps que les entreprises... Prenons les entreprises de la défense : nous avons un secteur de l'aérospatiale fort au Canada, et j'ai visité beaucoup d'entreprises de ce secteur. Je dirais que comme beaucoup d'entre elles sont des multinationales, elles me semblent mieux outillées que d'autres pour composer avec la situation. Ce n'est pas qu'une question de protection de la propriété intellectuelle : ces entreprises ont accès à des renseignements privilégiés sur leurs clients.

Prenons des sous-contractants en matière de défense. Ils ont accès à des secrets militaires, parfois même à des stratégies militaires qu'on ne voudrait voir communiquées à personne au monde. J'ai remarqué que les entreprises dans ces secteurs ont des pratiques exemplaires, en partie parce que ce sont des multinationales, mais même les PME des secteurs de la défense et de l'aérospatiale sont particulièrement habiles pour gérer le risque, d'après ce que j'ai pu observer, non seulement pour éviter que d'autres entreprises volent leur propriété intellectuelle, mais même pour veiller à ce qu'au sein même de l'entreprise, seules certaines personnes aient accès à l'information dont elles ont besoin.

On le voit dans d'autres secteurs aussi. Je me rappelle être allé rendre visite à des entreprises qui fabriquaient des pièces pour différents constructeurs automobiles, et ceux qui participaient à un projet de R-D pour Ford ne pouvaient pas parler à ceux qui faisaient de la R-D pour un autre constructeur automobile et ils n'avaient pas accès aux renseignements sur cette autre entreprise.

Les entreprises ont leurs propres mécanismes de vérification et de contrôle interne pour que seules certaines personnes aient accès à certains renseignements.

On organise souvent des visites d'usine dans des entreprises en aérospatiale, et c'est un problème parce qu'il y a très peu d'employés qui ont accès à toute l'usine. La plupart ne jouissent que d'un accès limité à certaines zones. Quand on essaie d'organiser une visite pour des jeunes du secondaire, par exemple, afin de leur montrer le genre de travail qui se fait dans ce genre d'usine, c'est toujours un problème parce qu'il y a énormément de mécanismes de sécurité en place.

Ces entreprises sont les mieux placées puisqu'elles connaissent particulièrement bien les risques associés au fait de faire des affaires dans différents marchés.

La présidente : Nous sommes allés récemment en Asie du Sud-Est dans le cadre de l'une de nos études, comme on l'a déjà mentionné. Nous avons aussi fait d'autres études par le passé, et il semble que chaque fois qu'il est question de développement économique et de promotion du commerce, le Canada se fait repousser par ces pays, qui lui reprochent d'arriver en retard, mais qui ajoutent néanmoins qu'il reste tout de même des possibilités.

Quelle valeur devrions-nous accorder à cela? Cela semble être un thème récurrent, qui nous rend nerveux, on se demande pourquoi le Canada n'est pas allé avant, ou est-ce normal que ces pays réagissent ainsi?

Vous avez tous deux l'expérience d'études sur ces questions. Je vais commencer par M. Laurin, si vous avez quelque chose à dire à ce sujet.

M. Laurin : J'entends souvent la même chose. Je n'ai pas vérifié auprès de nos homologues d'autres pays pour savoir s'ils l'entendent eux aussi, mais c'est un thème récurrent.

Il y a parfois des avantages à se joindre à la partie sur le tard parce qu'on peut apprendre des erreurs des autres. Je pense que tout dépend de ce qui arrive par la suite.

Pendant mes dernières années au service des MEC, et je suis certain que mes anciens collègues qui sont toujours là pourraient en attester, il y avait beaucoup plus de demandes pour les services liés aux marchés internationaux. Je sais que vous avez entendu Phil Turi, mais il dirige un programme extraordinaire qui vise à arrimer les entreprises canadiennes aux débouchés les plus intéressants sur les marchés étrangers. Jay Myers, le président de l'association s'en fait une priorité. Je sais qu'il y a d'autres associations qui prennent des mesures similaires.

Il y a une dizaine d'années — j'exagère un peu — les entreprises cherchaient surtout à réduire leurs coûts. Elles devaient composer avec la hausse rapide du dollar canadien et trouver des moyens de gagner en rentabilité. Bien que ce soit toujours important, je pense qu'elles consacrent désormais plus d'énergie à essayer de trouver de nouveaux consommateurs et à augmenter leurs ventes à l'échelle internationale.

Je suis assez optimiste, parce que d'après ce que je peux voir ici et là, il semble y avoir plus d'entreprises qui placent la diversification de leurs marchés d'exportation au sommet de leur liste de priorités.

Mme Goldfarb : J'entends le même son de cloche de mon côté. Il semble en effet que le Canada ait tardé à établir des relations de gouvernement à gouvernement dans beaucoup de marchés.

Cela dit, ce n'est pas comme s'il n'y avait qu'un seul et même marché émergent homogène. Il y a beaucoup de marchés émergents différents, dont ceux des pays que vous avez visités, qui vont bien au-delà du BRIC (le Brésil et dans une moindre mesure la Russie, mais particulièrement des pays comme le Brésil, l'Inde et la Chine), il y a beaucoup de pays d'Asie du Sud-Est auxquels le Canada a peu tardé à s'intéresser. Beaucoup d'autres pays se sont joints à la table avant le Canada, mais ces marchés restent énormes et présentent encore un potentiel gigantesque.

Le Canada a beaucoup de choses dont ces marchés ont besoin. La classe moyenne y est en progression. Le Canada a beaucoup de ressources, de produits et de services qui correspondent exactement aux besoins de ces marchés, avec un petit peu d'adaptation.

Je ne crois pas que cela devrait nous dissuader d'y voir un potentiel.

La sénatrice Ataullahjan : Madame Goldfarb, je regarde votre article intitulé « Five trade trends for 2015 » et ce que vous dites sur la façon dont le Canada peut en profiter. Vous y écrivez qu'au cours des 10 dernières années, les exportations du Canada vers les États-Unis sont restées à un niveau stable et que les entreprises canadiennes doivent miser sur d'autres pays pour la croissance. Les dirigeants d'entreprises canadiennes sont-ils conscients du fait qu'ils doivent travailler plus fort et chercher à percer d'autres marchés que les États-Unis?

Mme Goldfarb : Dans l'ensemble, le commerce stagne, même si nous avons peut-être observé un léger sursaut au cours des dernières années, lorsque l'économie américaine a commencé à reprendre.

Si l'on fait abstraction des États-Unis un instant, on observe une tendance constante à la hausse. Autrement dit, le Canada intensifie ses échanges commerciaux avec le reste du monde. Une grande partie des échanges sont destinés à l'Asie et concernent le secteur des ressources naturelles, mais si l'on examine la situation de chaque secteur séparément, beaucoup d'entre eux ont déjà commencé à diversifier leurs exportations et à chercher de nouveaux marchés. Il n'y en a probablement pas encore autant qu'on le voudrait, idéalement, mais il y a beaucoup d'exemples de sociétés canadiennes de diverses industries qui cherchent ailleurs. Cela commence.

La présidente : Madame Goldfarb et monsieur Laurin, vous nous avez fourni beaucoup d'information, et c'est exactement ce dont nous avons besoin pour notre étude. Vos suggestions et vos recommandations nous sont extrêmement utiles. Il ne fait aucun doute que vous nous verrez reprendre vos mots quelque part dans notre rapport, donc nous vous remercions d'avoir été parmi nous ce matin.

Nous allons maintenant entendre le témoignage de M. Geoff Chutter, président et chef de la direction de WhiteWater West Industries Ltd., qui comparaît par vidéoconférence de Vancouver, si je comprends bien.

M'entendez-vous?

Geoff Chutter, président et chef de la direction, WhiteWater West Industries Ltd. : Oui, madame, merci beaucoup.

La présidente : Merci. Je vous remercie de comparaître devant notre comité. Nous avons pour habitude d'entendre d'abord une déclaration préliminaire, comme je suis certaine que le greffier vous en a informé, après quoi nous aimons poser des questions.

La parole est à vous. Je vous souhaite la bienvenue au comité.

M. Chutter : Je vous remercie infiniment de cette occasion.

Pour vous mettre brièvement en contexte, après une carrière de comptable agréé au sein de KPMG à Toronto et à Vancouver, j'ai fondé WhiteWater il y a 35 ans cette année. Nous sommes le plus grand concepteur de parcs aquatiques au monde et le plus grand fabricant de produits pour parcs aquatiques.

Nous fabriquons des génératrices de vagues, des glissades d'eau, des zones de jeu interactif et des machines à surf. Carnival Cruise Lines, Disney, Samsung, Six Flags, Palm Island, Dubai, Atlantis (aux Bahamas) et votre propre parc aquatique thématique Calypso, à Ottawa, sont autant d'exemples des plus de 5 000 projets auxquels nous avons participé dans le monde.

Nous offrons aussi des services d'architecture pour la conception d'enseignes, ainsi nous avons réalisé 100 p. 100 des stations d'essence Petro-Can du pays, les enseignes rouges avec le néon à l'intérieur. Bien que 98 p. 100 de nos activités soient destinées à l'exportation, 96 p. 100 de notre effectif se compose de 625 employés qui résident au Canada.

Nous avons plus de 100 brevets et avons reçu plus de 100 prix, dont celui que nous avons reçu il y a deux jours, mardi dernier, où nous avons été nommés parmi les sociétés les mieux gérées au Canada. Bref, je crois que nous accomplissons exactement ce que vous essayez de favoriser. Je siège au conseil consultatif des petites et moyennes entreprises du ministre Fast, qui est présidé par Jim Reynolds.

Je crois que vous avez entendu la statistique assez surprenante selon laquelle moins de 5 p. 100 des PME participent au marché de l'exportation. Je pense que nous nous trompons de cible en mettant l'accent sur cette statistique, plutôt que de nous concentrer sur ces 5 p. 100. J'ai proposé à notre dernière réunion du conseil d'adopter l'adage selon lequel plus nous serons forts chez nous, plus nous serons forts à l'étranger.

La plupart des entreprises n'envisageront pas le marché de l'exportation avant d'avoir assuré leur position sur le marché nord-américain. Par « nord-américain », j'entends le Canada et les États-Unis. Franchement, tout homme d'affaires qui a besoin d'aide pour vendre ses produits sur le marché américain devrait peut-être songer à changer de vocation.

La première question que je poserais serait : que pouvons-nous faire pour renforcer nos entreprises chez nous? C'est là où je crois que des groupes comme la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, l'Association des manufacturiers et exportateurs du Canada et la Chambre de commerce peuvent fournir une foule d'idées aux entreprises pour leur venir en aide.

Il s'agit essentiellement de créer de l'emploi, voici donc les trois priorités que je ciblerais pour y arriver. Premièrement, il faut poursuivre l'excellent travail du ministre Fast par la négociation d'accords de libre-échange et le déploiement de son récent programme Préparons-nous à la mondialisation. Je n'ai vu personne accumuler autant de milles aériens et travailler aussi fort que le ministre Fast en ce sens, mais en même temps, je pense qu'il faut nous concentrer sur la base et sur le libre-échange au sein même de notre pays.

La population du Canada équivaut approximativement à la population de la Californie, mais nous sommes répartis en 10 petites provinces, qui ont toutes leurs codes et leurs organisations. Imaginons un peu qu'il y ait 10 codes de plomberie, 10 associations médicales et 10 associations de comptables agréés en Californie; ce serait extrêmement inefficace.

Je proposerais d'adopter la politique de Jean Charest, à l'époque où il était en politique fédérale, soit de négocier pendant un an avec les provinces, puis de légiférer si elles n'arrivent pas à s'entendre. Je sais que le ministre Moore s'est attelé à la tâche, mais je trouve qu'il est un peu hypocrite de parcourir le monde pour négocier des accords de libre-échange alors que nous semblons incapables d'en conclure à l'intérieur même de nos frontières.

Deuxièmement, il faut repenser l'impôt des entreprises. Il est bien possible que notre régime d'imposition des entreprises ait été conçu à une époque où les particuliers pouvaient verser des dons importants aux partis politiques et qu'en retour, on leur ait accordé des crédits d'impôt sur les dividendes et les gains en capital. En contrepartie, il a fallu imposer les sociétés. Mais n'est-ce pas un peu chose du passé? Après tout, est-ce que ce ne sont pas les entreprises qui créent de l'emploi? Nous pourrions peut-être réduire ou éliminer l'impôt des sociétés — une société n'est qu'un regroupement de bureaux et de téléphones, quelque chose d'inanimé — et imposer plutôt pleinement les dividendes et les gains en capital. L'impôt enlève de l'argent aux sociétés qui créent de l'emploi. Les dividendes font la même chose. Elles retirent de l'argent du système, mais sans créer d'emplois. Je vous inciterais donc à imposer pleinement ceux et celles qui reçoivent des dividendes et réalisent des gains en capital. Ces économies permettraient aux sociétés de réinvestir et d'embaucher du personnel.

Si j'extrapole un peu, j'inciterais même le gouvernement à revoir tous ses programmes de redistribution de la richesse aux entreprises qui ne sont pas naturelles au Canada, puisqu'ils enlèvent de la richesse aux entreprises susceptibles de prospérer.

Il me semble contre-productif de dépenser de l'argent pour des activités comme celles du Fonds de diversification de l'économie de l'Ouest ou de son pendant sur la côte Est; il serait plus profitable d'investir cet argent ailleurs. Après tout, Terre-Neuve-et-Labrador et les provinces de l'Ouest sont celles qui possèdent la richesse.

En même temps, je vous inciterais à revoir les règles de transfert de propriété pour les petites et moyennes entreprises. Si je souhaitais aujourd'hui transférer WhiteWater à mon fils, l'entreprise devrait réduire considérablement ses activités, au risque de disparaître, pour respecter les règles de l'imposition sur les gains en capital. L'impôt sur les gains en capital nuit gravement aux entreprises mêmes que nous voyons comme l'avenir de l'exportation et de la création d'emplois au Canada.

Je vous inviterais à envisager d'adopter une politique semblable à celle qui prévaut en agriculture. C'est-à-dire que lorsqu'une entreprise est transférée à la génération suivante, le prix de base lui est également transféré, pour que le jour où l'entreprise passera à des mains extérieures, le plein impôt applicable soit versé au gouvernement.

Troisièmement, cela représente probablement tout un défi politique, mais s'il y a une industrie au monde dans laquelle les Canadiens sont les numéros un mondiaux incontestables, c'est celui des soins de santé. Pourtant, la commercialisation de ces produits est interdite. Nous vivons aux côtés de la plus grande économie au monde, dont les coûts en santé sont astronomiques. Je nous exhorterais fortement à trouver des moyens de permettre à nos professionnels d'offrir leurs services sur ce marché. Je comprends tout à fait les ramifications politiques à cela. Tout est une question de leadership, à mon avis, et il serait certainement temps de nous lancer sur ce que certains appelleraient une pente glissante. Selon moi, ce changement à lui seul éliminerait 100 p. 100 de notre problème de chômage.

Bref, je vous recommande de concentrer vos énergies à préparer les 95 p. 100 de PME qui ne sont pas encore prêtes à exporter. Pour les exportateurs eux-mêmes, ou les futurs exportateurs, je vous exhorte à appuyer EDC, le système des délégations commerciales et la BDC. Notre usine de fabrication de Kelowna est financée par la BDC, et nous utilisons beaucoup les délégués commerciaux pour la recherche, les missions d'introduction et la langue.

Depuis 20 ans, EDC est un partenaire clé pour WhiteWater. Il nous offre des garanties subsidiaires et bancaires, ainsi que du financement. C'est absolument fantastique. Notre entreprise s'en trouverait grandement affaiblie si ce n'était d'EDC, et nous sommes très heureux de payer pour ses services. En fait, deux heures après cette séance, je vais rencontrer des gens d'EDC pour les inciter à bonifier notre garantie bancaire pour que nous puissions créer plus d'emplois.

J'aimerais vous donner un exemple d'une perception répandue qui, à mon avis, est aberrante. Il y a six ans, j'ai participé à un programme pour déplacer 60 p. 100 de notre travail à l'étranger, c'est-à-dire aux Philippines et en Chine. À l'époque, nous avions 300 employés au Canada. Nous avons terminé cette transition et aujourd'hui, nous avons plus de 600 employés au Canada. Comment est-ce possible? Comment peut-on envoyer plus de 60 p. 100 du travail à l'étranger et parvenir à doubler les effectifs au pays? Cela semble paradoxal, mais voici comment on peut y arriver.

Lorsque nous avons déplacé notre production dans des pays mieux équipés pour fabriquer des produits de base, nos coûts ont diminué, ce qui nous a permis de diminuer nos prix de vente; par conséquent, nos ventes ont monté en flèche. En raison de l'augmentation de nos ventes, nous avons dû concevoir et gérer des projets et fabriquer des produits spécialisés pour ces projets partout dans le monde. À cette fin, nous avons dû embaucher plus de 300 employés. Dans l'ensemble, ce sont des employés très bien payés, car il s'agit d'ingénieurs, d'architectes et de gestionnaires de projet. Je crois que c'est exactement le type d'emplois dont nous voulons favoriser la croissance au sein de notre industrie.

Je pense que les gouvernements devraient cesser de croire que la sous-traitance est une mauvaise chose et abandonner l'idée de subventionner certaines des industries, surtout les industries de produits de base, car d'autres pays sont mieux équipés pour les fabriquer. Quant à nous, nous sommes mieux équipés, à mon avis, pour effectuer du travail haut de gamme, par exemple dans les domaines de la conception, de la création et de l'ingénierie.

J'aimerais terminer avec quelques points supplémentaires.

Tout d'abord, veuillez envisager la possibilité que les sanctions visant des industries comme la nôtre, c'est-à-dire l'industrie des parcs aquatiques, ne font que nuire aux Canadiens. En effet, certaines de nos entreprises souhaitent signer des contrats en Iran et au Bélarus, et on leur interdit de le faire. La meilleure façon de changer l'attitude des gens, c'est de travailler avec eux, et non de les isoler.

Deuxièmement, comme vous le savez, le Brésil est un pays du BRIC. C'est une économie virtuellement fermée, tout simplement parce que les droits à l'importation sont de 30 à 50 p. 100 dans ce pays. J'aimerais encourager les discussions en vue de conclure un accord de libre-échange. Toutefois, entre-temps, on devrait encourager les entreprises canadiennes à fabriquer leurs produits en Amérique du Sud, sans doute dans d'autres pays qui ont des accords de libre-échange à l'intérieur du continent.

Troisièmement, nous devons reconnaître que l'ALENA est un accord de libre-échange négocié par des gouvernements nationaux. Les gouvernements d'État et les gouvernements municipaux des États-Unis ne se sentent pas liés à cet accord. De plus, un important programme faisant la promotion des produits américains est en place. Lors de notre prochaine série de négociations avec les Américains, nous devons veiller à ce que de telles négociations visent tous les paliers de gouvernement.

Quatrièmement, il faut se pencher sur le programme de RS&DE, et la recherche et le développement. Nous avons observé que le financement de ces programmes avait été considérablement réduit ces trois dernières années, peut-être en raison de compressions budgétaires. Nous embauchons un consultant qui passe plusieurs mois par année à examiner ce programme. D'une certaine façon, j'ai fait valoir qu'il faut éliminer ce type de programmes et les largesses du gouvernement, et fondamentalement, j'y crois, si ces mesures s'accompagnent d'une réduction d'impôt. Toutefois, toutes les entreprises accueilleront à bras ouverts l'argent offert par le gouvernement. Si le gouvernement est déterminé à conserver ce programme et à encourager la R-D — mais je crois que la meilleure façon est de réduire les impôts pour permettre aux compagnies d'y arriver par elles-mêmes —, mais s'il est déterminé à le faire, il devrait le faire dans la pleine mesure du programme.

En terminant, j'aimerais me faire l'écho de vos frustrations liées aux efforts pour entrer et croître sur le marché de l'exportation. C'est peut-être en raison de notre comportement plus docile sur le plan historique, ou peut-être que cela remonte à notre subordination à la mère patrie, l'Angleterre, à nos débuts et c'est peut-être parce que nous n'aimons pas beaucoup le risque. Toutefois, nous avons un grand avantage qu'aucun autre pays ne possède, et c'est que nous sommes Canadiens.

Lorsque je travaille à l'étranger, le simple fait d'être Canadien commande un énorme respect, car on présume que je suis intègre, que je joue franc jeu, et que je respecte la primauté du droit — et je dois cette réputation à ceux qui sont venus avant moi. J'encourage certainement les entreprises canadiennes à mener des affaires à l'étranger, et depuis les 30 dernières années, c'est plus facile grâce à notre politique en matière d'immigration axée sur l'ouverture qui a permis aux Canadiens de mieux comprendre la culture d'autres pays. Lorsque nous les embauchons, nous pouvons les encourager à favoriser ces relations.

Merci beaucoup.

La présidente : Merci. Vous avez abordé de nombreux enjeux et vous avez bien expliqué votre point de vue.

Je ne vous poserai pas la question qui vient immédiatement à l'esprit, c'est-à-dire comment un comptable sérieux s'est-il retrouvé dans le secteur du divertissement et des loisirs? Je la poserai dans une conversation personnelle.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : Monsieur Chutter, je vous remercie infiniment pour vos conseils judicieux et vos recommandations. Vous êtes en mesure de cerner ce qui fonctionne bien et ce qui ne fonctionne pas.

Ma question prochaine question est simple. Je ne sais pas si votre entreprise serait en mesure de réaliser le projet que suivant : notre comité revient d'une mission à Jakarta. À Jakarta même, il n'y a pas d'eau potable. L'eau du robinet est non potable et peut nous rendre malades si on la consomme.

Votre entreprise peut-elle — auprès de ces pays en voie de développement — aider à mettre en place un système d'approvisionnement en eau portable afin d'offrir une eau saine à cette population?

M. Chutter : Je vous remercie de votre question, sénatrice.

[Traduction]

Oui, nous sommes WhiteWater West Industries, et votre question est une extrapolation naturelle. Toutefois, bien honnêtement, je dois vous dire que nous œuvrons dans le secteur de l'amusement et du divertissement. Nous sommes un peu comme Disney, mais à plus petite échelle.

Toutefois, à côté de notre usine et de nos bureaux, il y a une entreprise appelée Canadian Springs. C'est un groupe d'entreprises qui œuvrent dans le secteur de la purification et de l'embouteillage de l'eau, et cetera, et je pourrais rencontrer mon collègue dans cette entreprise pour approfondir la question.

Vous savez, dans l'ensemble, je trouve que ce que nous avons fait s'apparente à Richard Nixon et Forrest Gump qui se rendent en Chine pour jouer au ping-pong et lancent ainsi le processus d'ouverture de ce pays.

Notre objectif est de faire sourire les familles — les enfants, les parents et les grands-parents. J'en retire non seulement un sentiment de satisfaction personnelle, mais je me rends compte que partout dans le monde, même dans nos régions déchirées par les conflits, nous avons tous les mêmes valeurs. Nous croyons tous que nos enfants sont ce qui importe le plus dans la vie. C'est ce genre d'attitude que nous tentons de favoriser pour contribuer, très humblement, à ouvrir les frontières du globe et à en faire une seule planète au lieu d'un groupe de pays individuels aux objectifs différents.

Nous sommes heureux de faire notre travail dans des régions du monde où les simples plaisirs familiaux ne sont pas du tout au premier plan.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : Je vous félicite. Vous avez comme but de faire rire les familles et de réjouir tout le monde.

[Traduction]

La présidente : J'ai quelques questions sur certains de vos commentaires. Avez-vous d'abord exploité votre entreprise et réalisé vos ventes au Canada? Vous avez indiqué qu'une petite entreprise devrait avoir un fondement solide au Canada avant de s'aventurer ailleurs. Est-ce le modèle qu'a suivi la progression de votre entreprise?

M. Chutter : Oui. Lorsque j'ai quitté KPMG, j'ai ouvert un petit parc aquatique à Penticton, dans la vallée de l'Okanagan. Nous utilisions nos propres moules pour fabriquer nos glissades, et d'autres messieurs nous ont approchés pour nous demander comment ils pouvaient s'y prendre. J'ai commencé à leur vendre des glissades d'eau et à faire des travaux de conception. Nos premiers projets ont été exécutés à Salmon Arm, à Birch Bay, dans l'État de Washington, et à Niagara Falls.

Pour entrer sur le marché international, il faut d'abord commencer par conclure une vente à l'étranger et y envoyer un vendeur. Ensuite, à mesure que l'entreprise s'agrandit, il faut valoriser la connaissance intime du client et reconnaître qu'être sur place représente un énorme avantage. Nous avons 20 bureaux partout dans le monde, mais l'un de nos deux bureaux principaux est à Shanghai, où nous avons installé certains de nos ingénieurs et de nos gestionnaires de projets, et il est intéressant de noter — mais c'est peut-être évident — qu'il s'agit de personnes dont la langue maternelle est le mandarin, mais qui sont de vrais Canadiens. L'autre bureau principal se trouve à Barcelone.

Ce processus s'effectue par étape, mais on peut démarrer l'entreprise dans un sous-sol et la faire croître pour atteindre 625 employés et envoyer 98 p. 100 des activités à l'extérieur du pays, et 96 p. 100 des employés à l'intérieur du pays. À mon avis, c'est le scénario idéal dans le cadre de votre mandat.

La sénatrice Eaton : Vous êtes un exemple merveilleux pour de nombreuses PME. Lorsque vous avez commencé à exercer vos activités à l'étranger, et lorsque vous avez conclu vos premières ventes là-bas, avez-vous demandé l'aide d'autres entreprises canadiennes déjà établies en Chine ou à Shanghai, ou avez-vous tout fait vous-mêmes?

M. Chutter : Non, nous avons pratiquement tout fait nous-mêmes. Notre industrie organise des salons professionnels internationaux. Au début, nous nous sommes contentés d'y assister, et ensuite nous avons loué un kiosque 10 par 10, et des entreprises internationales étaient toujours présentes. Par exemple, aujourd'hui, nous participons à plus d'une douzaine de salons commerciaux, notamment un gros salon en Asie, un autre en Europe et le plus gros à Orlando. C'est un peu étrange, mais c'est le troisième salon en importance dans le monde.

Nous avons tout simplement commencé par rencontrer des gens d'affaires qui s'intéressaient à nos produits et à voyager pour les rencontrer et collaborer avec eux et, honnêtement, nous avons agi en Canadiens. C'était un bon début. Ensuite, l'entreprise a pris son envol.

La sénatrice Eaton : Pendant notre voyage commercial à Jakarta et à Singapour, on nous a dit qu'il était très important que les gens s'établissent et qu'ils maintiennent une présence dans ces pays. En effet, les gens de l'endroit n'étaient pas contents lorsque ces personnes venaient seulement pour une journée avant de repartir. Je présume que votre intuition était la bonne. Avez-vous constaté que d'autres entreprises viennent vous poser des questions sur votre expérience ou sur la façon de réussir là-bas?

M. Chutter : Oui, parfois. Honnêtement, c'est l'une des raisons pour lesquelles je m'intéresse énormément au travail du conseil consultatif sur les PME du ministre Ed Fast, car on peut utiliser notre expérience pour illustrer les processus qui fonctionnent.

Dans votre exposé, vous aviez absolument raison lorsque vous avez parlé du désir de s'établir localement. Manifestement, les petites entreprises qui débutent ne peuvent pas ouvrir un bureau à Shanghai ou à Kuala Lumpur. Elles commencent par le projet de conclure une vente et d'établir des liens. Il faut quelques voyages. On dit qu'il est impossible de vendre quoi que ce soit au Japon en moins de cinq voyages, et je crois que c'est vrai. Il faut d'abord établir et nourrir un lien de confiance avant de recevoir une offre de contrat dans ce pays.

De plus, l'entreprise veut en arriver au point où elle peut justifier l'embauche d'un vendeur à Shanghai pour couvrir le marché asiatique, plutôt que d'avoir recours à un vendeur de Vancouver, comme nous l'avons fait. Ensuite, l'entreprise peut envoyer un gestionnaire de projet, suivi d'un ingénieur, et elle se retrouve avec un effectif de six ou dix personnes là-bas.

Le point que j'essaie de faire valoir relativement à la fabrication à l'étranger est très important, car nous avons presque tendance à penser que les entreprises canadiennes nuisent à notre pays lorsqu'elles déplacent leurs activités de production. Notre exemple est probant. En fait, nous avons créé beaucoup plus d'emplois après le déplacement de nos activités à l'étranger. C'est un peu paradoxal, mais honnêtement, le Canada n'est pas un endroit naturel pour fabriquer des produits de base. Ce n'est pas logique. Nous sommes le pays le plus dispendieux au monde et notre emplacement géographique n'est pas idéal pour de nombreuses raisons.

Nous devrions reconnaître cette réalité pour ces types d'emplois et nous devrions admettre qu'il est plus économique de fabriquer des produits aux Philippines et que si nous faisons cela, les prix diminueront et les ventes augmenteront. Je pense que nous souhaitons favoriser les bons emplois — c'est-à-dire dans le domaine de l'ingénierie, de l'architecture, et cetera — au Canada, et surtout dans le secteur de la fabrication. Il ne fait aucun doute que ce sont de bons emplois pour nous.

La sénatrice Cordy : Je suis tout à fait d'accord avec vos commentaires selon lesquels nous faisons du bon travail en ce qui concerne les accords commerciaux internationaux. Pourtant, au Canada, nous ne pratiquons pas le libre-échange d'un océan à l'autre. Il s'agirait certainement d'une façon positive d'envisager le commerce.

Vous êtes visiblement au courant des tout derniers développements et vous savez où chercher vos renseignements, mais d'autres témoins nous ont dit que parfois, les intervenants des PME ne savent pas vraiment où chercher. Avez-vous une suggestion pour ceux qui ne sont pas nécessairement conscients des étapes à suivre? Comment devraient-ils commencer à s'harmoniser aux organismes gouvernementaux?

Le gouvernement a habituellement plusieurs organismes. Il n'y a pas de guichet unique. Auriez-vous des conseils pour ceux qui n'ont pas votre chance, vos ressources ou vos connaissances?

M. Chutter : Oui, et il s'agit certainement d'un élément sur lequel les membres du conseil consultatif sur les PME du ministre Ed Fast ont tenté de se concentrer. En effet, nous avons encouragé les divers organismes du gouvernement fédéral à communiquer entre eux, car comme vous le dites, d'un point de vue extérieur, c'est-à-dire du point de vue des PME, ils semblent assez dispersés. Des progrès remarquables ont été accomplis à cet égard au cours des derniers 18 à 24 mois.

Dès le début, nous avons eu recours au Service des délégués commerciaux offert par le gouvernement fédéral, et ce fût un grand succès. Ce n'est pas un service particulièrement bien connu, mais il fournit d'excellents services aux entreprises qui s'intéressent au marché de l'exportation, mais qui ne savent pas vraiment comment s'y prendre. Comme vous le savez, ils sont partout dans le monde; on peut donc communiquer avec un délégué commercial à Shanghai, le rencontrer et examiner une gamme de produits, et ce délégué effectuera des recherches pour une entreprise canadienne, lui ouvrira des portes et organisera des réunions pour lui permettre de se rendre sur place et de lancer le processus. Je ne crois pas que ce service est particulièrement bien connu. C'est l'une des choses que le conseil consultatif sur les PME tente de faire connaître. C'est l'un des mandats de l'initiative « Le monde à votre portée » du ministre Ed Fast. Le Service des délégués commerciaux a représenté un avantage exceptionnel pour WhiteWater et pour moi-même pendant les premières années de l'entreprise. Si les PME connaissaient ce service, nous pourrions observer plusieurs changements.

Cela dit, mon premier commentaire était — et je le crois profondément — qu'il faut s'établir solidement chez soi avant de s'établir à l'étranger. Je crois que nous devrions nous concentrer sur les 96 p. 100 d'entreprises qui ne font pas d'exportations — et elles représentent en fait 97,5 p. 100 des entreprises si on ne tient pas compte des exportations aux États-Unis — et que nous devrions trouver des façons de les aider à renforcer leurs activités au pays avant qu'elles se lancent sur le marché international. Je crois qu'il faudrait communiquer avec des organismes qui représentent ces groupes, par exemple la FCEI, les chambres de commerce, Manufacturiers et Exportateurs du Canada, et cetera. Ils ont des listes de suggestions positives qui visent à revitaliser les PME et les affaires au Canada.

Même en ce qui concerne les impôts, vous pouvez constater que si nous réussissons bien, le gouvernement perçoit des impôts et agit de façon très efficace. Je suis d'accord qu'au niveau des particuliers, on peut jouer à Robin des Bois et prendre aux riches pour donner aux pauvres, et cela vaut pour les programmes sociaux, et cetera.

Toutefois, lorsqu'il s'agit des entreprises, je ne crois pas que nous devrions faire cela. Je ne crois pas que nous devrions prendre aux entreprises pour redistribuer dans certaines industries. Vous vous souvenez des concombres à Terre-Neuve. C'était absolument ridicule, mais c'est le genre de choses que nous continuons de faire. Pouvez-vous justifier le Fonds de diversification de l'économie de l'Ouest dans les trois provinces les plus riches du pays?

La sénatrice Cordy : Je me souviens des concombres à Terre-Neuve. Mon mari est comptable et syndic en matière de faillites et il s'est occupé de cette serre à Terre-Neuve. Je connais donc bien cette affaire.

Vous avez dit que vous aviez constaté, au cours de vos voyages, que la marque du Canada était très bien accueillie. Pour nous qui voyageons au nom du Canada, lorsque les gens voient cette marque et qu'ils se rendent compte que nous sommes Canadiens, nous avons un avantage dès notre arrivée. J'ai lu le rapport de la Chambre de commerce du Canada. Ses membres sont d'accord et ils ont dit que la marque du Canada occupe le deuxième rang lorsqu'elle s'applique aux personnes qui viennent du Canada, mais que la marque « fait au Canada » — et il faut faire la distinction — n'occupe même pas l'un des 20 premiers rangs. Comment pouvons-nous être respectés en tant que Canadiens tout en profitant d'une marque « fait au Canada » qui inspire le même respect, car la marque est extrêmement importante lorsqu'il s'agit des ventes?

M. Chutter : La marque est importante. Il ne fait aucun doute qu'en ce qui concerne certains de nos produits, la marque « fait au Canada » fonctionne bien. Dans notre cas, c'est plutôt que les produits sont fabriqués par WhiteWater, et non qu'ils sont fabriqués au Canada. Je dois admettre que je mets moins l'accent sur l'aspect « fait au Canada ». Je m'attarderais plus sur la première partie de vos commentaires.

Le monde des affaires repose sur les relations, la confiance et l'intégrité. C'est l'aspect du Canada qui nous sert extrêmement bien. Nous devrions saluer et honorer nos ancêtres, nos parents, nos grands-parents, et cetera, pour avoir créé cette impression qu'éprouvent les entreprises internationales envers les Canadiens. Honnêtement, il est agréable de profiter de cet avantage.

Vous vous souvenez peut-être qu'autrefois, les produits fabriqués au Japon, notamment dans les années 1960, étaient de la camelote. On les évitait. Pourtant, de nos jours, les produits de ce pays sont parmi les produits de plus haute qualité. Je ne sais pas si le facteur le plus important, c'est que les produits sont fabriqués au Japon, aux États-Unis, en Italie ou ailleurs. Je crois que c'est plutôt lié à l'entreprise et aux gens avec qui nous faisons affaire dans ces pays. C'est de plus en plus vrai à mesure que les distances rétrécissent.

Si vous avez un ami américain ou français, au bout du compte, qu'est-ce que cela change? C'est la qualité de la personne qui importe. Dans les affaires, c'est la même chose, c'est-à-dire que ce sont les relations qui importent.

Nous avons d'excellents antécédents, mais nous devons encourager nos PME à se lancer sur le marché et à rester elles-mêmes. Nous ne sommes pas arrogants ou fanfarons. Nous échappons à tous ces qualificatifs qui sont parfois attribués à nos cousins du Sud.

La sénatrice Cordy : Votre commentaire sur les relations est extrêmement important, tout comme celui sur la connaissance du marché. Qui aurait pu prévoir que la venue de Target au Canada serait un échec? Il faut connaître son marché et ne pas présumer que ce qui fonctionne dans un pays fonctionnera dans un autre.

La présidente : La réunion tire à sa fin. Vous avez certainement bien fait valoir vos points, et vous les avez répétés. Cela nous a été très utile.

Je vous remercie d'être un si bon ambassadeur pour le Canada.

Honorables sénateurs, la séance est levée.

(La séance est levée.)


Haut de page