Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international
Fascicule 24 - Témoignages du 1er avril 2015
OTTAWA, le mercredi 1er avril 2015
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 16 h 45, pour étudier les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant aux relations étrangères et au commerce international en général (sujet : promotion du commerce).
La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Chers collègues, il est 16 h 45. Nous avons été retardés, car nous avons dû régler une question d'ordre administratif. Nous sommes maintenant prêts à commencer la séance du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.
Avant de céder la parole à nos témoins d'aujourd'hui, je tiens à signaler que le comité de direction a accepté provisoirement, après préavis, que M. Adam Thompson soit détaché auprès d'un autre comité, dont le greffier doit s'absenter un certain temps pour des raisons médicales, je crois. Comme Adam est un de nos greffiers chevronnés, il a été appelé à remplacer son collègue, car l'autre comité sera saisi de quelques mesures législatives importantes.
Adam, nous vous remercions du travail que vous avez fait. Nous sommes conscients que vous reviendrez ici après votre détachement.
Quel est votre titre au long, monsieur Armitage?
Blair Armitage, greffier principal des comités, Sénat du Canada : Je suis actuellement greffier principal des comités.
La présidente : M. Armitage prendra le relais à titre de greffier au sein de notre comité. Il connaît les travaux des comités et il aura l'occasion de nous voir à l'œuvre aujourd'hui. Il recevra ainsi une petite formation d'appoint en cours d'emploi, en sa qualité de greffier pour notre comité. Donc, merci à vous, Adam, et bienvenue au comité, Blair. Nous allons maintenant passer aux témoins.
Nous étudions aujourd'hui les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant aux relations étrangères et au commerce international en général. Notre sujet d'étude est la promotion du commerce.
Nous recevons, par vidéoconférence, Mme Kati Suominen, fondatrice et présidente-directrice générale de TradeUp Capital Fund. Et je crois comprendre que vous êtes à Los Angeles. Nous accueillons également Mme Rhonda Barnet, vice-présidente des finances pour Steelworks Design Inc., à Peterborough.
Nous pouvons tous vous entendre et vous voir, et j'espère qu'il en sera ainsi durant l'heure que nous passerons ensemble. Je vous invite à faire des observations préliminaires selon l'ordre établi dans l'ordre du jour, après quoi nous passerons aux questions des sénateurs. Sur ce, je cède la parole à Mme Suominen, de TradeUp Capital Fund, pour ouvrir le bal. Bienvenue au comité.
Kati Suominen, fondatrice et présidente-directrice générale, TradeUp Capital Fund : Merci beaucoup. C'est pour moi un grand honneur de témoigner devant vous, et je vous suis très reconnaissante de l'invitation.
J'ai cru bon de prendre environ cinq minutes pour vous faire part d'abord de quelques idées, et je procéderai à partir de là. J'ai réalisé de nombreux travaux universitaires sur les exportateurs, mais je dirige aussi ma propre entreprise, qui vise à aider d'autres entreprises, en particulier à l'étape de démarrage, à accéder aux capitaux nécessaires à des fins d'exportation. J'aborde donc la question sous plusieurs angles.
D'entrée de jeu, permettez-moi de dire que le Canada, à l'échelle mondiale et comparativement à d'autres pays, a fait un excellent travail dans le dossier commercial. Vous avez non seulement conclu plusieurs accords commerciaux pour permettre aux entreprises et investisseurs canadiens d'accéder aux marchés étrangers, mais vous avez aussi accompli un travail remarquable grâce au Service des délégués commerciaux et à Exportation et développement Canada, deux organismes d'une importance cruciale lorsqu'il s'agit d'aider les Canadiens, surtout les petites et moyennes entreprises, à trouver des marchés mondiaux, à financer leur expansion mondiale, et tout le reste. Je pense qu'il y a de quoi célébrer, et c'est là une très bonne base de départ.
En même temps, il y a un énorme potentiel de croissance au Canada, tant sur le plan du nombre d'entreprises exportatrices que sur le plan du volume des exportations. Selon mes chiffres, seulement 4 p. 100 des entreprises canadiennes s'adonnent à l'exportation; plus particulièrement, les petites entreprises, qui représentent la majorité des exportateurs, comptent toujours pour seulement 45 p. 100 des exportations canadiennes. Nous avons donc l'occasion d'accroître le nombre d'exportateurs et d'intensifier le volume des exportations.
Maintenant, pourquoi est-ce important? De nombreuses recherches universitaires dans le monde entier, y compris au Canada, révèlent que les entreprises qui font de l'exportation surpassent sensiblement celles qui ne le font pas du point de vue de la productivité, des salaires, de la création d'emplois, de la stabilité et de la résilience. Donc, les entreprises ont intérêt à s'y mettre non seulement parce que l'exportation favorise la diversification, l'expansion et l'innovation grâce aux débouchés internationaux, mais aussi parce que ce sont habituellement les meilleures entreprises qui y parviennent. En effet, ce sont les entreprises fonceuses, celles qui veulent réellement croître, qui s'adonnent à l'exportation. Elles méritent donc notre attention, nos efforts de promotion et notre appui.
J'offrirais peut-être trois nouvelles pistes de réflexion en ce qui concerne les mesures à envisager ou les initiatives existantes à élargir au Canada à mesure qu'évoluent le monde, le marché international, le profil des exportateurs et la technologie.
Tout d'abord, les entreprises butent souvent contre l'énorme complexité des exportations. Pour les novices en la matière, c'est un peu comme lancer une nouvelle entreprise. Il faut acquérir une toute nouvelle série de capacités, et il en va de même pour les entreprises qui veulent explorer de nouveaux horizons, car l'expansion vers de nouveaux produits et marchés est très complexe. Les sondages menés au Canada montrent que les entreprises doivent tenir compte d'une immense liste de questions : trouver des partenaires, des agents à l'étranger, des débouchés, respecter les normes de produits, se conformer aux règles commerciales, et j'en passe. Les entreprises ont souvent beaucoup de mal.
À cela s'ajoutent des difficultés d'ordre conceptuel. Les entreprises obtiennent souvent de l'information sur ces domaines auprès de différentes entités et par différents moyens; elles doivent donc tout rassembler. Par ailleurs, elles ont souvent des besoins très différents. En effet, les besoins varient grandement d'une entreprise à l'autre. Elles œuvrent dans différents secteurs, et elles en sont à différentes étapes. À cet égard, les gouvernements ont pris l'habitude de créer des guichets uniques par l'entremise desquels les entreprises essaient d'obtenir tout ce qui est offert par leurs gouvernements respectifs. Au Canada, cela s'est traduit par des ateliers sur l'exportation, dans le cadre desquels les différentes entités canadiennes qui appuient le commerce aident les entreprises à obtenir, en un seul endroit, les mêmes renseignements provenant de différentes sources. Singapour et la République tchèque l'ont également fait avec brio.
Toutefois, je dirais qu'une des nouvelles pistes de solution réside dans l'apprentissage mutuel. Les entreprises devraient miser sur l'apprentissage entre pairs, c'est-à-dire s'inspirer des entreprises qui ont réussi à exporter, qui sont à la recherche de marchés internationaux, qui ont peut-être des partenaires étrangers, et cetera. C'est là un moyen très puissant de tirer des leçons et, de surcroît, d'adapter l'activité de promotion des exportations aux besoins des entreprises.
Soulignons aussi une initiative très intéressante : connectamericas.com. Elle est dirigée par la Banque interaméricaine de développement. D'ailleurs, je ne serais pas surprise que le Canada l'ait appuyée d'une certaine façon. C'est comme un réseau social pour les exportateurs partout en Amérique latine et dans la région des Caraïbes afin de les aider à établir des contacts, à faire du réseautage et à apprendre de nouvelles choses en toute souplesse. Elles n'ont pas besoin d'assister à des ateliers. Elles peuvent consulter le Web. Elles peuvent trouver la bonne information, celle dont elles ont besoin. Le site est adapté à la situation de chaque entreprise.
Voilà donc quelques solutions avant-gardistes qui nous permettent d'aller au-delà des outils d'apprentissage et des trousses d'information passe-partout qui sont transmis aux entreprises par le gouvernement; il faudrait plutôt créer une tribune où les entreprises peuvent interagir et trouver l'information par elles-mêmes. En tout cas, vous seriez exceptionnellement bien placés pour faire quelque chose de ce genre.
Il y a un certain nombre d'autres éléments qui sont essentiels à la réussite des entreprises canadiennes au chapitre de l'exportation. Le premier, c'est le financement. Donc, l'accès aux capitaux est d'une importance absolument cruciale pour la croissance et les activités d'exportation des entreprises, toutes tailles confondues. Bien entendu, dans le cas des petites entreprises, l'accès au financement est toujours plus difficile qu'il ne l'est pour les grandes entreprises. Cela dit, les entreprises ont besoin de financement pour donner suite aux grosses commandes destinées à l'exportation — il y a donc un aspect transactionnel — et pour élargir leur capacité de production, notamment leurs activités manufacturières au Canada. Elles ont besoin de plus de ressources pour peut-être acheter du nouveau matériel, acquérir de nouvelles usines, embaucher de nouveaux employés, dans l'optique d'exporter avec plus de succès. Or, pour trouver ces capitaux, il faut suivre un processus long et ardu. Dans les sondages que j'ai vus concernant les États-Unis, l'Union européenne et l'OCDE, y compris le Canada, les entreprises affirment que l'accès aux capitaux est la principale entrave à leurs exportations.
Par conséquent, il s'agit d'un domaine où les efforts sont essentiels. Beaucoup d'organismes de financement des exportations, dont Exportation et développement Canada, aident habituellement les entreprises à obtenir une garantie ou à garantir leurs prêts auprès d'une banque pour que l'institution bancaire soit disposée à leur consentir un prêt, mais il faut surmonter quelques obstacles, ne serait-ce que pour utiliser ce modèle.
Un des obstacles, c'est que beaucoup d'entreprises aujourd'hui sont « à vocation internationale ». Elles ont une visée mondiale dès leur démarrage. Il peut s'agir d'entreprises dans le domaine d'Internet, de logiciels ou du commerce électronique. Dès le départ, elles ont déjà une vocation internationale.
Toutefois, ces entreprises n'ont pas beaucoup de biens affectés en garantie. Elles répondent rarement aux critères de souscription des banques. N'empêche qu'elles pourraient avoir besoin de capitaux. En pareil cas, les entreprises ont besoin de financement par actions ou de tout autre type de financement de soumission à long terme, c'est-à-dire de financement plus risqué, et c'est dans ce domaine que les organismes de financement des exportations accusent généralement un retard.
Le gouvernement a déjà déployé des efforts très utiles, par l'entremise d'Exportation et développement Canada, pour aider les entreprises à accéder au financement par actions — non seulement les petites entreprises à vocation internationale, mais aussi les exportateurs plus aguerris qui, du coup, ont besoin de plus de capitaux. Il y a maintenant lieu d'étendre ces efforts et de les rendre peut-être plus systématiques. Je crois que le Canada est à l'avant-garde dans ce domaine, et il vaut certes la peine de lier des entreprises canadiennes à des fonds d'actions et à des fonds de capital de risque; le gouvernement pourrait peut-être songer à des moyens de faciliter ce financement à long terme à l'intention des exportateurs, parallèlement au financement accordé par les banques.
J'aimerais faire valoir quelques derniers points. La plupart des efforts de promotion des exportations et du commerce, notamment au Canada, ont mis l'accent sur les aspects externes. Comment s'y prendre pour trouver des marchés étrangers, et comment obtenir des capitaux? Que faire sur le terrain? Cependant, l'exportation nécessite beaucoup de capacités organisationnelles. Il s'agit d'une initiative très complexe qui touche l'élaboration de stratégies, la mise au point de produis, les opérations, la distribution, le marketing, les ventes, et j'en passe. Elle exige beaucoup de souplesse organisationnelle. Selon une enquête réalisée par Manufacturiers et Exportateurs du Canada, 39 p. 100 des PME ont évoqué l'organisation de l'entreprise et 31 p. 100, le manque de savoir-faire interne parmi les facteurs qui limitent l'expansion de leurs exportations. Ces capacités internes, notamment sur le plan du personnel, sont souvent mentionnées, non seulement au Canada, mais aussi à l'échelle mondiale, comme étant les principales contraintes auxquelles se heurtent les entreprises qui souhaitent faire des affaires à l'échelle mondiale. Bien entendu, l'effort d'exportation doit être dirigé par le PDG d'une entreprise, mais l'expertise en gestion du commerce mondial est absolument nécessaire dans l'ensemble de l'entreprise, dans toutes les disciplines. Il faut donc former le personnel.
Je suppose que cette formation devrait commencer même plus tôt, peut-être dans le cadre de programmes d'accréditation, de certificats à l'université sur la gestion du commerce mondial ou la conformité aux règles en la matière et d'autres cours de ce genre qui exposent les cadres de toutes les disciplines, même ceux qui s'occupent des opérations ou du marketing, aux subtilités des échanges commerciaux sur les marchés mondiaux.
Là encore, le Canada pourrait être un meneur dans ce domaine. Très peu de travail a été fait à l'échelle internationale, et nous avons une excellente occasion d'aller encore plus loin, sachant que beaucoup de produits sont maintenant vendus en ligne et que le commerce électronique est la voie à suivre. En effet, les entreprises dans le domaine du commerce électronique, c'est-à-dire celles qui vendent leurs produits en ligne, ont tendance à faire de l'exportation. Il y a une corrélation incroyable entre la vente en ligne — au moyen de plateformes comme eBay — et l'exportation, notamment la diversification des exportations. Aux États-Unis, par exemple, 1 p. 100 des entreprises s'adonnent à l'exportation. Parmi les entreprises qui vendent sur eBay, 97 p. 100 d'entre elles exportent leurs produits. D'habitude, les entreprises exportent vers un ou deux pays. Au Canada, les exportations sont généralement destinées aux États-Unis. Toutefois, les entreprises sur eBay, même les plus petites, desservent régulièrement 28 marchés aux États-Unis.
Par conséquent, il s'agit d'un nouveau champ d'activité qui exige des capacités internes et externes pour permettre aux entreprises de saisir des occasions. Ce n'est pas aussi simple que d'afficher son produit en ligne. Il faut des capacités comme la recherche de clients étrangers et de marchés sur Internet; l'élaboration d'une stratégie de marketing au moyen de plateformes comme Internet, les médias sociaux et le commerce électronique; l'optimisation des moteurs de recherche; et, enfin, la création d'une image de marque, l'étiquetage et l'établissement de prix des produits vendus dans le cyberespace.
Il y a toute une liste de capacités particulières et, je le répète, le Canada occuperait une place de choix dans la foulée de ses efforts en vue d'aider les entreprises à comprendre l'exportation, à créer des capacités internes en la matière, à profiter du commerce électronique sous cet angle précis et à utiliser des outils en ligne — bref, à devenir des chefs de file à l'échelle mondiale. Il ne s'agit pas seulement de s'informer sur l'exportation, mais aussi de passer à l'action.
Merci beaucoup.
La présidente : Merci. Maintenant, nous allons entendre Mme Rhonda Barnet, vice-présidente des finances auprès de Steelworks Design Inc.
Rhonda Barnet, vice-présidente, Finances, Steelworks Design Inc. : Madame la présidente, mesdames et messieurs les sénateurs, merci de m'avoir invitée. C'est la première fois que j'ai l'occasion de témoigner devant un comité permanent du Sénat, et je vous en suis très reconnaissante.
Aujourd'hui, j'espère vous éclairer sur certaines des questions dont ma collègue vient de parler. Je représente la PME cible, et j'ai connu bon nombre de ces scénarios. Je souhaite donc vous faire part de mon expérience de première main pour montrer ce que c'est que de faire croître une entreprise au Canada.
Notre entreprise, Steelworks Design, est une firme d'ingénierie spécialisée dans la conception et la fabrication de machines et de matériel sur mesure à l'intention de fabricants partout dans le monde. Il s'agit d'une très petite installation dans la ville de Peterborough, et nous employons 27 travailleurs spécialisés et ingénieurs, ce qui représente des emplois de grande valeur au Canada. Nos clients sont surtout de grandes multinationales comme GE, Siemens, Rolls-Royce et Honda.
Nous avons parlé de Manufacturiers et Exportateurs du Canada tout à l'heure. J'ai aussi le privilège de siéger au conseil national de cette association, où je représente les besoins des petits fabricants.
Donc, en tant que porte-parole des PME dans le secteur, j'ai eu l'occasion de rencontrer de nombreux ministres du Cabinet fédéral afin de discuter des besoins et des défis des PME canadiennes dans le secteur. J'ai également eu le privilège d'assister récemment à deux missions commerciales dirigées par le premier ministre. En mars dernier, j'étais aux Pays-Bas et, en novembre, j'ai accompagné le premier ministre en Chine.
Je suis convaincue que les missions commerciales ouvrent des portes à des occasions auxquelles les petites entreprises comme la nôtre n'auraient autrement jamais eu accès. Grâce à ma participation à des missions commerciales fédérales, j'ai pris conscience de tous les programmes d'appui de calibre mondial que le gouvernement du Canada a mis en place.
Permettez-moi de commencer par dire que je vous parle aujourd'hui par vidéoconférence à partir de l'usine de GE Large Motors, à Peterborough. GE Canada a joué un rôle crucial dans la réussite de notre entreprise au chapitre de l'exportation. Forte de son grand succès dans la fabrication de matériel sur mesure pour cette usine de Peterborough, notre entreprise a été invitée, à plusieurs occasions, à rencontrer des acheteurs d'autres installations de GE aux quatre coins du monde.
Cela dit, je sais que GE est l'une des rares multinationales avec lesquelles EDC a conclu ce qu'on appelle un protocole réciproque; aux termes de cette entente, EDC fournit du soutien à GE partout dans le monde et lui ouvre des portes, en échange de quoi GE, au Canada, travaille à inclure des PME canadiennes dans ses chaînes d'approvisionnement mondiales. Et notre entreprise figure justement parmi ces PME. Grâce au travail d'EDC dans ce domaine, conjugué à notre succès local auprès de cette usine de GE, notre entreprise travaille maintenant pour cinq divisions de GE un peu partout dans le monde.
En général, les exportations des aciéries représentent environ 20 p. 100 des ventes annuelles. Notre chiffre d'affaires frôle les 2 millions de dollars depuis 7 ans, et notre entreprise existe depuis 13 ans. Toutefois, une nouvelle tendance s'amorce.
Je suis ici pour vous parler du programme de mentorat d'EDC auquel Steelworks a eu l'occasion de prendre part récemment. Si nous y avons participé, c'était pour appuyer la croissance de nos ventes à l'exportation. Résultat : au cours du présent exercice financier, qui se terminera le 31 mai, nos ventes ont augmenté pour atteindre 2,5 millions de dollars et, maintenant, les ventes à l'exportation représentent 50 p. 100 de notre chiffre d'affaires. Nous sommes en passe de devenir une entreprise de 5 millions de dollars au cours des 24 prochains mois grâce à la croissance de nos exportations.
Les résultats immédiats que nous avons enregistrés sur le plan de la croissance sont directement attribuables au mentorat dévoué que nous avons reçu de la part d'EDC. Cette année, notre société a fait appel aux services d'experts-conseils de la BDC pour nous aider à planifier notre processus de vente de façon stratégique. J'aimerais donc parler des divers programmes fédéraux auxquels nous participons. À ce jour, nos ventes à l'exportation se sont faites par défaut; comme nous travaillons avec des multinationales, nous n'avons jamais eu à solliciter de personnes à froid. Nous essayons maintenant de concevoir un système avec l'appui de la BDC et d'EDC dans le cadre duquel nous disposerons d'un plan à suivre pour planifier nos ventes à l'exportation. Avec nos efforts combinés, nous croyons maintenant qu'il n'y a plus de limites à ce que notre société peut accomplir.
Cette année, dans le cadre du programme de mentorat, Steelworks Design a joui de l'appui de GE Canada, d'employés de l'installation d'ici, d'EDC, des MEC et du Service des délégués commerciaux pour faire un voyage d'affaires au Mexique. Notre société a déterminé que ce pays était un secteur d'intérêt dans le contexte du programme.
Il y a 27 usines de GE au Mexique. En août dernier, nous en avons visité trois au sein de la division de la conversion de l'alimentation. Au cours de ce voyage, le délégué commercial, EDC et les MEC ont organisé de nombreuses réunions en tête-à-tête afin de mieux nous faire connaître la culture d'entreprise de là-bas et de nous ouvrir des portes afin de nous donner tout le soutien nécessaire pour réussir dans la région.
Avec le soutien d'EDC, notre société est maintenant en train d'élaborer un plan d'exportation très formel pour pénétrer le marché mexicain, alors nous prenons vraiment le temps de dresser un plan stratégique concernant les services que nous offrirons à ces clients.
Le prochain défi auquel est confrontée une PME comme Steelworks qui pénètre le marché mexicain et d'autres marchés est assez simple. Une petite entreprise n'a pas toute l'expertise, les ressources et le financement voulus pour pleinement saisir les occasions qui se présentent; ma collègue en a d'ailleurs parlé. Nous en avons tous été témoins.
Notre société fait fond sur les services et le financement d'EDC, de la BDC, du MAECD, des MEC et de programmes comme RS&DE. Nous en tirons pleinement parti et, lorsque vous êtes propriétaire d'une petite entreprise, vous devez toujours à la fois exploiter ces possibilités et gérer vos opérations existantes. Or, il est rare qu'un entrepreneur ait de l'expérience en matière de commerce international. Je crois que vous en avez aussi parlé.
J'estime que dorénavant, la meilleure chose que le gouvernement puisse faire pour une société comme la mienne serait de lui donner accès à des collaborateurs talentueux, par exemple, un gestionnaire des exportations ou un spécialiste principal; des collaborateurs talentueux que nous aurons les moyens de payer — idéalement sur une période assez longue. Le gouvernement de l'Ontario a récemment lancé un programme semblable — je crois que c'était il y a un an —, mais auquel il n'a affecté aucun financement supplémentaire. Lorsque j'ai voulu présenter une demande, le programme était fermé. J'ignore si on lui affectera à nouveau du financement.
C'est le genre d'initiative fédérale qui vous en donnerait le plus pour votre argent, une subvention pour financer 50 p. 100 du salaire d'un gestionnaire principal des exportations ou un responsable de la liaison avec les entreprises pendant, par exemple, deux ans maximum. C'est ce en quoi consistait le programme du gouvernement de l'Ontario. On verserait donc jusqu'à 80 000 $ sur deux ans, soit la moitié du salaire de cette personne. L'idée serait que cette personne d'expérience se joigne à une petite entreprise pour l'aider à élaborer et à mettre en place un mécanisme pour les exportations grandissantes. Cette mesure aurait une incidence importante sur des PME comme Steelworks en leur fournissant l'expertise et les ressources nécessaires pour saisir les occasions qui se présentent dans le marché mondial.
Dans le cadre de mon travail avec les MEC à l'échelon national, j'ai observé qu'il n'y avait environ que 40 000 entreprises sur 1,1 million qui exportaient régulièrement — ma collègue l'a d'ailleurs mentionné. Alors pourquoi cela est-il le cas? En partie parce que l'on ne reconnaît pas la possibilité et en partie parce que l'on manque de ressources ou de temps — c'est mon cas — ou que l'on n'estime pas que ce soit une priorité immédiate pour l'entreprise. C'est aussi parce que l'on n'a pas de produit qui soit prêt à exporter ou la capacité nécessaire pour traiter des commandes supplémentaires et répondre aux exigences de la chaîne d'approvisionnement. C'est aussi en partie parce qu'on ne sait pas comment s'y prendre.
Les services gouvernementaux et autres peuvent ici être utiles et c'est clair qu'ils le sont. Le mentorat, le réseautage et l'analyse du marché sont tous très importants, tout comme le financement de la mise au point de nouveaux produits et de la hausse de la production. L'augmentation du fonds de roulement est primordiale.
L'assurance comptes clients offerte par EDC est essentielle à la réussite et le deuxième élément clé est l'accès à des ressources humaines spécialisées talentueuses et abordables pour permettre aux entreprises de vraiment participer à ce processus et de devenir de véritables exportatrices.
Je crois que la BDC accomplit un travail formidable. Elle offre du financement garanti et non garanti. Ma société a bénéficié de ce type de financement pour les investissements à l'étranger et l'expansion du marché. EDC peut aider les PME à gérer le risque de change sur les transactions grâce à certains de leurs programmes d'assurance et à mobiliser un surcroît de fonds de fonctionnement auprès des banques à charte.
Je pense que l'un des défis auxquels nous sommes confrontés — et ma collègue l'a mentionné — est qu'il arrive souvent que les banques à charte ne misent pas pleinement sur les programmes en place. Il y a du travail à faire. En fait, j'en ai glissé un mot au premier ministre. Je ne suis pas certaine de la direction à prendre, mais nous devons faire en sorte que les banques à charte misent pleinement sur les programmes que le gouvernement a mis en place.
Nous avons des délégués commerciaux et des représentants de l'EDC qui peuvent parler des possibilités qui, selon les données que j'ai devant moi, sont infinies pour les Canadiens. EDC offre maintenant ce mentorat stratégique aux PME.
Lorsque je parle du programme SMART, je fais allusion à un programme extraordinaire en Ontario. J'aimerais voir s'il peut s'étendre au reste du Canada pour aider les PME à faire les investissements nécessaires dans leurs entreprises pour être prêtes à exporter. Nous avons besoin de petits programmes pour que les petites entreprises puissent faire les investissements dont elles ont tant besoin.
Le gouvernement a aussi annoncé du nouveau financement pour aider les PME avec Le monde à votre portée, pour les aider à participer aux missions commerciales et à élaborer un plan d'affaires axé sur l'exportation, et cetera. On prend de nombreuses mesures et il est clair qu'il y aurait lieu d'en faire plus à certains points de vue.
Je pense que le Canada n'a jamais été en meilleure position pour appuyer et renforcer les entreprises de toutes tailles, mais jamais auparavant on ne s'est autant attaché à offrir des possibilités aux PME désireuses de croître en ayant accès aux marchés d'exportation. Je le vois et je le sens. Les PME sont devenues un moteur de croissance pour les exportations canadiennes, et toute aide que le gouvernement peut offrir pour appuyer les investissements et offrir du mentorat aux sociétés désireuses de percer dans de nouveaux marchés aura certainement des retombées positives à long terme sur le pays.
La BDC, EDC, le MAECD et même des organismes comme les MEC font un travail remarquable pour favoriser la croissance des petites entreprises dans les marchés d'exportation; et compte tenu du nouveau financement que le premier ministre a annoncé — je crois que c'était il y a deux semaines — pour aider les PME, il est évident que l'on peut en faire davantage. J'espère que, en vous parlant de mon expérience personnelle, j'ai réussi à vous donner des renseignements pertinents concernant les PME et des façons potentielles d'aider dans les programmes futurs. Je me réjouis à la perspective de répondre à vos questions. Merci.
La présidente : Merci. Vous nous avez toutes les deux donné beaucoup d'informations. J'ignore si vous vous êtes parlé, mais vous avez offert des témoignages complémentaires concernant certaines des questions avec lesquelles nous nous colletons. Je vous remercie pour vos présentations.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : Je tiens à vous féliciter toutes les deux pour vos intéressantes présentations.
Madame Suominen, vous possédez une expertise approfondie dans le domaine du commerce international, du financement du commerce et de la mondialisation des entreprises. Vous menez également un projet parrainé par eBay pour catalyser les petites entreprises exportatrices en ligne, et d'ailleurs, vous avez mentionné que c'est la voie de l'avenir. J'aimerais savoir, selon votre expérience, quels défis vous entrevoyez dans le cadre de ce nouveau type d'activité commerciale, lorsque les entreprises commercent en ligne. J'aurai d'autres questions à vous poser à ce sujet par la suite.
[Traduction]
Mme Suominen : Merci beaucoup. Premièrement, j'aimerais souligner que si une entreprise cherche à vendre des produits et des services en ligne, l'exportation lui permettra de croître considérablement. La majorité des entreprises qui ont des magasins en ligne, qui vendent par l'intermédiaire de plateformes en ligne, qui utilisent Internet pour vendre à l'échelle tant internationale que nationale vendent aussi partout dans le monde en général. Il existe une très forte corrélation entre la vente en ligne et l'exportation.
Si tel est le cas, c'est en partie parce qu'il est plus facile pour des clients internationaux de vous trouver en ligne si vous y êtes visible. C'est un modèle assez typique : une entreprise canadienne vend, disons, sur eBay et un acheteur de Corée, du Chili ou de France la trouve et grâce à cela, elle devient exportatrice par accident. C'est très fréquent et les chiffres sont stupéfiants.
À titre d'exemple, aux États-Unis, 10 p. 100 des petits vendeurs en ligne sur eBay exportent vers 28 marchés internationaux différents. Ils n'ont peut-être pas cherché stratégiquement à percer dans ces marchés; il est possible qu'ils aient été découverts par hasard.
Au fond, le commerce en ligne réduit la distance qui a entravé le commerce international pendant des siècles. Lorsque les acheteurs et les vendeurs sont éloignés les uns des autres, ils manquent de renseignements les uns sur les autres. Les uns connaissent mal les produits des autres. Il leur est difficile de se faire confiance mutuellement, alors les outils en ligne facilitent grandement les choses. Vous avez des systèmes de paiement, vous avez des garanties — par exemple, d'autres acheteurs vous ont-ils donné cinq étoiles? C'est un outil merveilleux. Cela dit, je n'ai toujours pas vu d'efforts systématiques chez la plupart des agences de promotion de l'exportation à l'échelle internationale pour aider les entreprises à vendre en ligne et à prendre aussi conscience du fait que c'est une façon extraordinaire de vendre des produits et des services, et que c'est la voie de l'avenir.
Lorsque l'on prend la génération Y, les personnes dans la vingtaine et la trentaine, elles vivent en ligne. Elles y trouvent des produits. Elles y interagissent. La génération future est donc très axée sur le cyberespace. Si vous ne vendez pas en ligne au Canada, vous allez accuser des pertes importantes. Vous vous privez d'un débouché commercial extraordinaire.
Si vous songez aux défis que représente la croissance du commerce en ligne — que vous vendiez des produits et des services —, vous devez toujours vous plier aux mêmes exigences que les vendeurs traditionnels.
Vous avez besoin de trouver des clients étrangers. Vous avez besoin d'élaborer une stratégie de marketing axée sur le Web. Vous devez comprendre comment tirer parti des médias sociaux. Vous devez connaître les plateformes de commerce en ligne et ce qu'elles font. Vous devez optimiser votre image de marque, votre étiquetage, votre tarification des produits destinés aux clients étrangers. Vous devez traduire vos sites web en langues étrangères. Vous devez comprendre comment formuler une stratégie d'exportation multicanaux ou une stratégie axée sur le consommateur, dans le cadre de laquelle vous ne vous limitez pas à un seul canal, mais trouvez un certain nombre de façons de rejoindre différents types de clients en ligne, sur leurs téléphones cellulaires, leurs iPad, leurs iPhone, leurs ordinateurs portables, et tissez des liens avec des plateformes de commerce électronique locales. À titre d'exemple, si vous voulez vendre en ligne à des clients chinois, vous devez connaître des plateformes comme Tmall, Alibaba et ce genre de choses.
Les sociétés doivent maîtriser toute une gamme de nouvelles compétences pour pouvoir vendre en ligne. Il peut simplement s'agir d'offrir un produit sur eBay et de recevoir accidentellement une commande du Mexique ou des États-Unis lorsque quelqu'un le trouve. Si vous voulez rester concurrentiel à l'échelle internationale et le faire de façon stratégique à l'avenir, alors que chaque entreprise dans le monde vend de plus en plus de produits en ligne, il vous faut avoir énormément de compétences que, selon moi, la plupart des agences de promotion des exportations ne vous aident toujours pas à acquérir. Je connais des exemples en Corée, au Salvador, dans certaines économies avancées dans lesquelles ces pratiques ont porté fruit, notamment en Inde, alors j'encouragerais le Canada à étudier certains de ces modèles.
Si je devais ne retenir qu'un seul élément de la recherche que j'ai menée sur l'exportation, ce serait la vente en ligne. C'est absolument magnifique de voir l'effet qu'elle a sur les entreprises pour les aider à élargir et à diversifier leurs opérations à l'échelle internationale.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : Je veux simplement savoir, brièvement, si vous avez cerné des dangers ou des désavantages liés au commerce en ligne. Vous avez mentionné qu'il s'agit de la voie du futur, et que les PME peuvent bien réussir lorsqu'elles traitent en ligne. Cependant, est-ce que vous avez constaté des dangers ou des désavantages?
[Traduction]
Mme Suominen : C'est une question intéressante. Je ne vends pas personnellement en ligne. J'aide plutôt les entreprises à mobiliser des capitaux en ligne à des fins d'exportation. Je n'ai rien constaté de tel moi-même. Il y a toujours des enjeux liés à ce que disent les enquêtes réalisées dans les marchés avancés et émergents, comme la sécurité des paiements en ligne. À l'échelle mondiale, certains clients hésitent davantage à fournir des renseignements personnels au vendeur et à utiliser les outils en ligne. Il y a peut-être quelque chose à ce chapitre. Lorsque les entreprises utilisent des outils en ligne pour mobiliser des capitaux auprès d'investisseurs, qu'ils exportent ou non, il y a bien sûr des incidents de fraude. Les entreprises frauduleuses font appel à des investisseurs providentiels en ligne.
Dans l'ensemble, je pense qu'il faut tenir compte de certains risques, et que les risques traditionnels doivent eux aussi être gérés. Par exemple, l'entreprise satisfait-elle aux pratiques d'exportation à l'étranger, aux règles commerciales, et ainsi de suite? Il faut tenir compte d'un certain nombre de normes en matière d'exportation. Il faut aussi gérer les données qui sont traitées en ligne. Par exemple, comment gérer la sécurité, la cybersécurité et les données de l'entreprise? Ce sont des techniques de gestion des risques qu'il faut toujours utiliser, à l'échelle nationale aussi.
La présidente : C'est maintenant au tour de la sénatrice Johnson.
La sénatrice Johnson : Bonjour. Je vous remercie de comparaître aujourd'hui devant nous.
Madame Suominen, vous disiez dans vos remarques liminaires que le Canada est en bonne posture, avec Exportation et développement Canada, ou EDC, et ses relations commerciales. Je sais que nous appuyons fermement la promotion du commerce, à l'instar des États-Unis, du Royaume-Uni et de l'Allemagne. À votre avis, qu'est-ce qui manque aux efforts qui sont déployés au nom du gouvernement?
Mme Suominen : C'est une excellente question. Ma consœur pourrait répondre elle aussi puisqu'elle y participe activement. Puisque je suis loin d'être spécialiste de la promotion de l'exportation canadienne, je dois apporter quelques précisions avant de répondre.
Je trouve que le Canada a mené des campagnes songées afin de faire la promotion des exportations, et qu'il propose un certain nombre de mécanismes de soutien par l'intermédiaire de différents organismes. Je crois donc qu'il y a de nombreuses raisons de se réjouir. Il faut peut-être dans une grande mesure déployer davantage d'efforts dans les secteurs essentiels, comme le concept voulant que les entreprises aient besoin de capital à plus long terme que ce que les banques peuvent ou souhaitent leur offrir — je parle de financement par actions, ce que vous avez déjà fait. Cette mesure pourrait systématiquement être bonifiée. Il y a d'autres façons d'y arriver. Compte tenu de l'évolution des marchés commerciaux internationaux, il y a le concept relatif à l'utilisation d'outils en ligne pour former les entreprises à leur échelle, de sorte qu'elles n'aient pas à participer à des ateliers ou à des colloques. Elles peuvent ainsi obtenir de l'information juste en ligne, à partir de leurs bureaux, au moment où elles en ont besoin. Voilà qui peut également être utile.
Ma consœur a parlé de renforcer la capacité du personnel. Il s'agit plutôt d'une question transversale. Lorsque le Canada s'occupe de quelque façon que ce soit des petites et des grandes entreprises sur les marchés internationaux, comment peut-il s'assurer qu'elles ont les ressources humaines nécessaires pour faire des affaires à l'échelle mondiale, qu'elles sont à l'aise sur les marchés internationaux et qu'elles comprennent leur rôle à l'échelle internationale, du côté des ventes non seulement nationales, mais mondiales aussi? La bande passante semble être insuffisante dans un certain nombre de marchés du secteur, y compris aux États-Unis, où la capacité du personnel est essentielle.
Le thème dominant que j'ai découvert dans les recherches et les enquêtes de partout dans le monde, y compris aux États-Unis et probablement au Canada aussi — même si je ne suis au courant d'aucune publication particulière —, c'est qu'il semble que les entreprises des pays membres de l'OCDE n'ont pas conscience de tout ce que les gouvernements font de bien. Mes collègues d'ici ont parcouru le système du gouvernement canadien et ont compris qui offre quoi, où le financement peut être obtenu, où les subventions peuvent être accordées, qui soutient les missions commerciales, et ainsi de suite. Cependant, la plupart des entreprises ne le savent pas. Elles ne comprennent pas que le gouvernement est là pour offrir toutes ces ressources. Nos banques ignorent que le gouvernement offre des améliorations des termes de crédit et des garanties de prêts. Il y a un grand travail de sensibilisation à faire et, là encore, des spécialistes du marketing expérimentés qui savent vraiment comment joindre le client devraient s'en charger. Le client est difficile à atteindre puisque le marché des petites entreprises est fragmenté et qu'elles sont un million. Comment pouvons-nous nous adresser à chacune d'elles? Voilà le défi de taille que doivent relever les organismes de promotion de l'exportation et les gouvernements des États-Unis, du Royaume-Uni et du Canada aussi, j'imagine.
Il y a beaucoup d'ignorance aux États-Unis. Moins de 10 p. 100 des banques comprennent les outils offerts par le gouvernement. Ce sont pourtant elles qui interagissent avec les PME. Il est donc très important de déployer un effort de sensibilisation et de marketing, plus particulièrement pour un pays comme le Canada, qui dispose de compétences de classe mondiale pour aider les exportateurs.
La sénatrice Johnson : Mme Barnet, vouliez-vous répondre vous aussi?
Mme Barnet : Je suis tout à fait d'accord avec tout ce que ma consœur a dit. Certes, mon expérience est assez unique. Nous avons eu beaucoup de succès. Dans ma région, il a été assez facile de m'y retrouver et de comprendre les outils offerts. Je pense avoir entendu Manufacturiers et Exportateurs du Canada et d'autres PME se plaindre de ne pas trouver d'information sur les programmes offerts. Je pense qu'EDC et la Banque de développement du Canada, ou BDC, multiplient les efforts pour être plus accessibles. Mais même si notre pays est vaste, ces sociétés sont présentes à l'échelle régionale. Les organisations telles que les fabricants canadiens travaillent en partenariat avec EDC pour faire connaître ce qui se passe et dire comment elles peuvent aider. Mais je pense qu'il y a encore beaucoup de pain sur la planche.
À la lecture de la transcription de délibérations précédentes, j'ai vu l'idée de créer une réception ou un point de contact unique permettant aux petites entreprises de connaître tous les programmes qui s'offrent à elles. Même nos banques à charte, nos avocats et nos comptables locaux ne les connaissent pas tous. Nous devons donc commencer à former les professionnels de la région pour qu'ils puissent informer leurs clients, à savoir les PME.
La sénatrice Johnson : Il y a évidemment beaucoup de pain sur la planche à cet égard. J'ai une dernière question à l'intention de Mme Suominen.
Je vous félicite, car vous avez été sélectionnée en 2012 par un promoteur mondial des femmes entrepreneures hautement sélectif afin de former une cohorte aux côtés de seulement 11 autres dirigeantes d'entreprise. Pourriez-vous nous parler de votre expérience au sein de l'organisation, et de ce que les femmes apportent à l'esprit d'entreprise dans le groupe avec lequel vous travaillez actuellement, en partie du moins? J'ai vraiment hâte de connaître la réponse.
Mme Suominen : Merci. C'est une question intéressante. Je ne suis pas tellement portée à envisager les choses en fonction du genre.
La sénatrice Johnson : C'est parfois nécessaire.
Mme Suominen : Je trouve que certains éléments complètent bien le sujet du jour. Je siège aussi au conseil d'une organisation non gouvernementale de Chicago, Women Entrepreneurs Grow Global, qui vise à aider les femmes entrepreneures à élargir leurs horizons à l'échelle internationale.
Sur le plan de la recherche, j'ai découvert que les femmes apportent souvent à l'entreprise des compétences différentes de celles des hommes. Elles peuvent voir les choses différemment. Puisqu'elles forment un tout autre segment de la population, elles ont un sens inné pour certains enjeux des affaires différent de celui des hommes simplement parce qu'elles consomment d'autres produits, pensent à des choses différentes, et ainsi de suite.
J'ai trouvé des recherches fort intéressantes démontrant que lorsque des femmes siègent au conseil d'administration d'entreprises et font partie de l'équipe de gestion, ces entreprises se portent généralement beaucoup mieux. C'est d'ailleurs ce que viennent confirmer les données empiriques des chercheurs.
En outre, de nouvelles données empiriques démontrent que les femmes entrepreneures s'en sortent généralement très bien sur la scène internationale, pour une raison ou pour une autre. C'est peut-être parce qu'elles sont plus à l'écoute de la culture, ou je ne sais quoi. Je l'ignore. Je ne suis pas spécialiste de la question, mais je trouve intéressant sur le plan de la recherche de constater que certaines des observations se confirment maintenant sur le marché et qu'il peut bien souvent être avantageux d'être une femme pour faire des affaires à l'échelle mondiale, par exemple.
Parallèlement, comme nous l'avons tous constaté aux États-Unis du moins, une grande partie du capital de risque et des systèmes d'aide est encore assez fortement axée sur les entreprises dirigées par des hommes. Ces entreprises sont également majoritaires, bien sûr; on ne peut donc pas parler de discrimination ou de quoi que ce soit du genre. Néanmoins, les programmes tels qu'ASTIA, qui exposent les femmes aux chefs d'entreprises internationaux, fournissent de bons outils, sont très pratiques et fort valables, d'autant plus qu'ils ne coûtent pas trop cher. Je ne dirais donc pas que la différence est grande entre les hommes et les femmes d'affaires. Je pense que nous avons besoin des deux genres, mais des éléments de preuve intéressants me portent à croire qu'il pourrait être valable aussi d'inciter les femmes à devenir chefs d'entreprise dans un contexte de mondialisation des entreprises.
La sénatrice Johnson : C'est excellent. Je vous remercie. Je m'intéresse beaucoup au volet international et je pourrais continuer, mais je sais que le président m'arrêtera bientôt. Je vous remercie infiniment toutes les deux.
Le président : Vous êtes perspicace, merci. Si vous souhaitez intervenir au deuxième tour, je peux vous ajouter à la liste.
Le sénateur D. Smith : J'ai une question à l'intention de Mme Barnet. Je dois dire être très surpris que vous nous veniez de la grande usine GE de Peterborough, car ce ne sont pas toutes les grandes installations industrielles de l'Ontario qui ont survécu aux dernières années. Je sais que les activités de GM à Oshawa soulèvent actuellement toutes sortes de questions. J'espère qu'elles trouveront réponse, mais on s'interroge beaucoup sur l'avenir de l'usine.
Je suis fort intrigué, car, si ma mémoire est bonne, votre usine de GE employait environ 4 000 travailleurs à son apogée à la fin des années 1950 et dans les années 1960. Vous avez maintenant 27 travailleurs spécialisés et ingénieurs, et des clients comme Honda, Siemens et d'autres. Ce qui m'étonne, c'est la mesure dans laquelle les activités de haute technologie peuvent aller de pair avec une grande usine de fabrication comme celle de GE. Je me demande combien de gens y travaillent encore. Je suis persuadé qu'ils sont loin d'être 4 000. Mais il peut s'agir d'une sorte de combinaison permettant aux deux parties de survivre. Autrement dit, vous avez une grande usine de fabrication pouvant faire toutes sortes de choses que vous ne fabriquez pas nécessairement, mais vous avez aussi ces petits spécialistes. Je pense que vous pouvez comprendre ce qui pique ma curiosité. En Ontario, où les fabricants ont éprouvé des difficultés ces dernières années, j'ai l'impression que lorsqu'un ensemble d'exploitants travaille avec un fabricant, les deux parties peuvent bien réussir. Je vous invite simplement à me dire si je rêve ou si j'ai raison.
Mme Barnet : Je suis tout à fait d'accord, et c'est bel et bien ainsi que notre entreprise a grandi. J'ai passé ma vie à Peterborough. J'ai connu GE à son apogée, et je pense que l'usine avait même près de 5 000 employés à la fin des années 1970. Je viens de voir le conseil d'administration, et l'usine GE de Peterborough en compte désormais 982. Il s'agit toutefois d'emplois hautement spécialisés. Je pense que tous les emplois qui ont été perdus ou déménagés étaient d'une faible technicité. Les emplois d'aujourd'hui sont donc hautement spécialisés. GE compte deux branches : GE Power, qui fabrique de gros moteurs, et GE Hitachi, qui fabrique des outils et un combustible pour les réacteurs nucléaires. Il y a donc actuellement un centre de fabrication technologique de pointe à Peterborough. On y retrouve Rolls-Royce, Siemens et General Electric. Nous avons souvent été surnommés la ville électrique. Peterborough est toujours bien vivante. Au sein de Manufacturiers et Exportateurs du Canada, je travaille aux côtés des multinationales et je siège au conseil d'administration. Je comprends maintenant que les multinationales ne feront probablement pas de nouveaux investissements au Canada, mais elles ne semblent pas retirer leurs avoirs non plus. L'usine de Peterborough a été créée par Edison, et Elyse Allan, la présidente de GE, y est très attachée et y fabrique de nouvelles gammes de produits année après année. Je pense donc que les choses vont bon train, et c'est passionnant.
Il est vrai que l'orientation de l'usine a changé. Elle cible désormais la technologie de pointe et fait énormément appel à des ressources externes. C'est également le cas de Rolls-Royce. Nous travaillons d'ailleurs pour les branches maritimes et nucléaires de cette société. Rolls-Royce s'occupe de l'ingénierie de première ligne et obtient de l'aide à ce chapitre, en plus de faire l'assemblage. Toutes les tâches intermédiaires sont désormais confiées à des sociétés comme la mienne à l'échelle locale. Je pense qu'il y a une grande synergie. Voilà pourquoi nous constatons cette montée des chiffres.
Le sénateur D. Smith : Votre cas est-il un cas unique ou y a-t-il un certain nombre d'entreprises spécialisées qui réussissent bien, notamment à cause du travail qu'elles font en étroite collaboration avec de grands manufacturiers comme GE?
Mme Barnet : Je crois que nous sommes un cas particulier à cause de nos capacités sur le plan technique. La plupart des entreprises comme la mienne auraient une unité de conception avec, peut-être, quelques technologues, mais nous sommes une entreprise d'ingénierie de bonne tenue. C'est ce qui explique l'intérêt que nous portent des entreprises comme General Electric, Siemens ou Rolls-Royce. Nous avons des qualités qu'elles recherchent. C'est un gros investissement pour nous. Pour avoir une équipe de ce calibre, nous devons décrocher des contrats et trouver des clients. Nous réussissons très bien.
Le sénateur D. Smith : Comme dernière question, j'aimerais savoir si votre entreprise s'est adressée à la Peterborough Collegiate Vocational School ou à l'école Adam Scott.
Mme Barnet : À l'école secondaire Thomas A. Stewart.
Le sénateur D. Smith : D'accord. Ma fille est diplômée de Trent.
La sénatrice Cordy : Merci à vous deux. Les renseignements que vous avez fournis au comité au sujet des petites et moyennes entreprises nous seront très utiles. Du reste, c'est toujours plaisant d'entendre parler de réussites dans notre pays. Vous avez toutes les deux parlé des défis des petites et moyennes entreprises relativement au commerce international; Mme Suominen a parlé des complexités entourant l'exportation en précisant qu'à certains égards, c'était un peu comme s'il fallait reprendre la mise sur pied de l'entreprise depuis le début en fonction des choses que vous pourriez avoir à offrir. Mme Barnet a parlé des problèmes que peuvent avoir les petites et moyennes entreprises en raison d'un manque de savoir-faire en matière de commerce international ou, en fait, des contraintes de temps. Vous fonctionnez ni plus ni moins avec un personnel réduit par rapport aux très grandes entreprises. Vous êtes donc actifs sur deux fronts : vous cherchez à prendre de l'expansion et à faire affaire à l'étranger tout en veillant à maintenir la viabilité de l'entreprise.
Madame Barnet, parmi les éléments que vous avez évoqués, il a été question d'un gestionnaire des exportations. Je me demandais si vous pouviez nous en dire plus long à ce sujet. Je crois que vous avez dit que ce serait quelqu'un qui viendrait dans votre entreprise. Vous avez bel et bien expliqué que quelqu'un de votre entreprise aurait une personne à qui téléphoner pour avoir de l'information. J'ai cru vous entendre dire ensuite que ce serait quelqu'un qui viendrait dans votre entreprise. Je me demandais si je vous ai mal entendue. Pourriez-vous reprendre votre explication sur ce gestionnaire des exportations?
Mme Barnet : Bien sûr. Ce qui manque vraiment dans mon organisation — et si je me fie aux conversations que j'ai eues avec mes collègues d'un peu partout au pays —, c'est un savoir-faire maison pour développer l'entreprise. Nous travaillons en collaboration avec Exportation et développement Canada afin de trouver des débouchés, et nous sommes en mesure de financer et de concrétiser ces activités en majeure partie. Mais, lorsque vous dirigez une petite entreprise, et que vous devez faire attention à vos résultats, il ne reste plus beaucoup de marge de manœuvre. Vous êtes constamment en train de réinvestir l'argent dans l'entreprise, et vous essayez de réaliser quelque bénéfice pour être en mesure d'emprunter plus d'argent. C'est un dilemme de tous les instants : vous devez réaliser suffisamment de bénéfices pour emprunter plus d'argent, mais vous devez réinvestir assez d'argent pour montrer que les dépenses étaient justifiées.
Bref, il est très difficile pour une PME de faire des investissements stratégiques. Je crois que l'un des aspects qui méritent qu'on y investisse est le savoir-faire en matière de commerce international. Si au moins il y avait un programme pour contrebalancer ces coûts initiaux. Je ne crois pas que ce soit quelque chose que l'on puisse confier à un débutant. Il nous faudrait plutôt une personne d'expérience. Une personne sur le terrain qui pourrait vraiment tirer parti des possibilités qui se présentent et aider à concrétiser les choses.
La sénatrice Cordy : Ce savoir-faire en commerce international viendrait de l'échelon fédéral. Qui pourrait selon vous fournir ce savoir-faire?
Mme Barnet : Non. Je vois cela comme les programmes de stages pour les jeunes. J'engagerais quelqu'un et le gouvernement m'aiderait à assumer une partie des coûts liés à cette embauche pour la première année ou les deux premières années.
La sénatrice Cordy : Voilà qui est plus raisonnable, car lorsque vous parliez, je prenais des notes et je me disais que c'était impossible qu'un fonctionnaire fédéral se rende dans chaque entreprise. Je comprends maintenant qu'il y aurait de l'aide financière pour vous aider à engager quelqu'un pendant une brève période, et j'estime que c'est une très bonne idée.
Une chose que l'on nous a répétée tant et plus — et encore une fois aujourd'hui —, c'est ce besoin d'un guichet unique ou d'un contact unique, un peu comme le modèle de Services Canada. Beaucoup d'organismes ou de ministères gouvernementaux s'intéressent à des domaines de connaissances particuliers et cherchent à offrir des services aux petites et moyennes entreprises, et d'autres ont suggéré des choses semblables. Selon vous, quel modèle devrait-on adopter pour vous éviter d'avoir à faire 50 appels téléphoniques ou à rencontrer 15 personnes différentes?
Mme Barnet : Ce serait une tierce partie que le gouvernement choisirait. Il pourrait s'agir d'un organisme comme la Chambre de commerce du Canada, Manufacturiers et Exportateurs du Canada ou l'Association canadienne des importateurs et exportateurs, qui agirait comme point de référence et où les PME pourraient obtenir des renseignements sur les programmes et comprendre comment en tirer parti — les PME profitant d'un programme particulier aux manufacturiers. Peut-être que certains de ces organismes devraient travailler en collaboration pour créer un front unifié à l'intention des PME, pour leur montrer comment manœuvrer et à qui il faut s'adresser. Certaines régions, comme celle de Peterborough — là où nous sommes —, ont d'excellents groupes de développement économique qui ont structuré cet aspect des choses. Même dans les grandes villes, les petites entreprises ne savent pas où s'adresser pour obtenir cette aide.
La présidente : J'ai deux questions. Nous allons tenter de préparer un rapport. Certains thèmes reviennent constamment, comme le besoin d'informer et de mettre au courant ainsi que le besoin de solliciter ces programmes et ces systèmes de soutien. Je ne sais pas si c'est un projet pilote ou un programme qui a déjà été mis en place, mais je sais que le gouvernement a récemment placé certains agents commerciaux dans des associations de manufacturiers, en partant du principe que les petites, moyennes et grandes entreprises s'adresseront d'abord à ces associations pour obtenir l'information et l'aide qu'il leur faut. D'où l'utilité d'avoir un représentant du gouvernement sur place. Croyez-vous que cette façon de faire, ce service de « concierge » sur le terrain, est une meilleure façon d'aider les entreprises à progresser que la seule communication de renseignements?
Mme Barnet : Absolument. C'est un bon modèle. La plupart des PME appartiennent à au moins un organisme vertical ou horizontal. Si vous pouvez choisir quelques-unes de ces associations représentant le gros des PME, ce serait formidable.
J'aimerais revenir sur l'un de vos sujets, la Banque de développement du Canada. Les PME canadiennes ont l'impression que la BDC est encore la banque de dernier recours ou l'institution que l'on décrivait il y a 20 ans, alors qu'elle n'a plus rien à voir avec cette description. La BDC est l'outil le plus formidable dont je me sers dans mon entreprise. Le gouvernement doit faire connaître cet organisme et expliquer aux entreprises comment il fonctionne et faire circuler des témoignages d'entreprises comme la mienne pour montrer ce que fait la BDC dans le contexte du XXIe siècle. Il y a encore beaucoup de notions désuètes qui circulent à propos de cet organisme.
Mme Suominen : J'abonde dans le même sens que ma collègue. J'estime que c'est une initiative formidable que de placer ces personnes-ressources dans les associations sectorielles pour répondre aux questions des entreprises ou à leurs besoins particuliers. C'est une idée formidable. Bien entendu, si l'on pressent des capacités particulières dans certaines entreprises, il vaudra mieux les aider à plus long terme pour qu'elles comblent leurs besoins en matière d'exportations. J'imagine qu'une personne-ressource ne saurait plus où donner de la tête au bout d'un moment. C'est une initiative formidable, mais vous pourriez aussi aider les entreprises sur une base individuelle avec une sorte de gestion des cas intégrée aux entreprises à l'échelle du pays, ce qui serait mieux, bien entendu.
La présidente : Nous avons souvent entendu dire que les entreprises canadiennes ont une plus grande aversion au risque que celles d'autres pays. Cela dit, il convient aussi de reconnaître que les petites et moyennes entreprises n'ont pas les capacités des grandes. Madame Barnet, est-il correct de dire que les entreprises canadiennes craignent davantage le risque — à l'exception d'eBay, qui est le modèle du nouvel entrepreneur, l'exemple de la nouvelle façon de faire? Dans les secteurs traditionnels avec lesquels nous travaillons comme l'agriculture et le secteur manufacturier, avez-vous constaté une plus grande hésitation à faire affaire à l'étranger ou si votre entreprise vous a tout simplement poussée à explorer les possibilités à l'extérieur du pays? En d'autres mots, est-ce que l'on commence chez soi pour ensuite se tourner vers l'extérieur ou est-ce le concept que vous avez qui vous conduit à l'étranger? Ce n'est pas un impératif de croissance qui vous pousse vers le commerce à l'étranger, mais une question de produit ou de service.
Mme Barnet : En général, les entreprises ont une aversion au risque et les institutions financières ne sont pas en reste. Cela fait partie de la culture et c'est une attitude qui doit être combattue. Le premier ministre essaie vraiment d'inciter les entreprises à prendre plus de risques en établissant des programmes. Par exemple, jusqu'ici, toutes mes exportations ont été une simple conséquence de ce que nous faisons d'office. Comme je travaille sur le plan national et que j'ai du succès, une autre entreprise GE ou Siemens veut acheter le même produit. On me présente donc à ces entités et je conclus la transaction. Je n'ai pas eu à faire grand-chose pour que cela arrive.
Il y a quelques semaines, j'ai parlé de nos succès avec GE au président d'EDC. Il m'a dit : « Eh bien, pourquoi n'allez-vous pas parler au président de Siemens Canada afin qu'on vous intègre à leur chaîne d'approvisionnement mondiale? » Comme je travaille pour la chaîne canadienne, je n'avais jamais pensé à le demander. Nous avons maintenant ce programme de mentorat d'EDC et beaucoup de hauts fonctionnaires qui incitent les entreprises canadiennes à penser différemment. L'impulsion devra venir du gouvernement; c'est lui qui doit encourager les entreprises à penser différemment.
Nous allons aller de l'avant et nous pouvons pressentir nos réussites. Aux États-Unis, le système bancaire est mieux adapté aux risques que prennent les entreprises. Nous devons harmoniser les systèmes, et la BDC permettra aux entreprises canadiennes de prendre plus de risques. Nous devons en prendre plus pour percer les marchés. S'aventurer dans un pays étranger peut être apeurant. Quand je pense au Mexique, je pense à la criminalité et à la drogue. C'est une nouvelle chose pour moi que de penser à la façon dont je vais me comporter dans mon secteur d'activité. Oui, nous avons une aversion au risque, et il nous faudra faire plus.
Mme Suominen : Je ne peux pas me prononcer sur la mentalité, mais permettez-moi de vous dire qu'il y a une raison pour expliquer pourquoi si peu d'entreprises exportent sur une base régulière. Si elles ont un grand marché intérieur — et, dans votre cas, on pourrait aussi dire que vous avez le marché américain —, elles n'ont pas nécessairement besoin d'envisager tout de suite une expansion internationale. La donne est très différente si, comme moi, vous venez d'un petit pays. Je suis Finlandaise et notre marché intérieur est très petit, très limité, et les entreprises sont contraintes d'exporter pour éviter de s'étioler.
Les statistiques à l'échelle mondiale indiquent que 1 p. 100 des entreprises américaines exportent; au Canada, elles sont 4 p. 100 et, au Mexique, 6 p. 100. Du côté des pays plus petits, le Chili a 18 p. 100 de ses entreprises qui exportent; pour la Jamaïque et les îles des Caraïbes, les chiffres oscillent de 25 et 30 p. 100. Les entreprises exportatrices sont toujours en minorité, mais on peut affirmer qu'il y a une corrélation avec la taille de l'économie.
Je demanderais ceci : pourquoi les entreprises craignent-elles de prendre des risques? Leur aversion vient du fait qu'elles ne voient pas le rendement sur l'investissement. À quel rendement puis-je m'attendre si je me lance dans l'exportation? Je ne comprends pas en quoi consistent les marchés. Je ne comprends pas comment mon produit pourra fonctionner à l'étranger. Voilà le genre d'objections typiques que je vois en Amérique. Ils ont la même technologie de calibre mondial que vous, des entreprises de pointe extrêmement bien dirigées, mais ils ne savent pas comment leurs produits vont se comporter à l'étranger, s'ils vont avoir du succès.
Nous devons informer les entreprises au sujet de produits particuliers et de marchés particuliers. Plutôt que de recourir à des rapports de 30 ou 40 pages sur un marché ou un produit donné, nous devons leur montrer de manière rapide et accessible les formidables débouchés qui existent pour tel produit sur tel marché. Mieux encore, si nous pouvons leur montrer le succès remporté par une entreprise semblable, quelque chose que l'entreprise voisine a réussi et qui s'est traduit par un résultat de tant de pour cent, c'est une façon très efficace de faire passer le message et de montrer qu'un investissement en ce sens peut rapporter.
Comme celle de ma collègue, les entreprises qui voient ce potentiel finissent par comprendre et elles mettent le cap sur l'expansion. Elles constatent que leurs craintes étaient exagérées. Elles voient les occasions qui s'offrent à elles. C'est quelque chose que je constate souvent aux États-Unis, et cela dépend selon moi de la capacité de démontrer qu'il y a un rendement sur l'investissement.
La présidente : Voilà où nous allons nous arrêter : le rendement sur l'investissement, une notion qui se retrouvera peut-être dans notre rapport.
Je veux vous remercier toutes les deux d'avoir pris part à la séance d'aujourd'hui et de nous avoir attendus pendant que nous allions voter. Vos observations et vos commentaires vont nous être d'une grande utilité, et j'espère que cette expérience vous sera profitable. Nous espérons de vous avoir incitées à faire profiter de votre savoir-faire à d'autres entrepreneurs désireux de se lancer dans le commerce international. Nous espérons également que vos mots d'aujourd'hui ont su inspirer des gens d'un peu partout au pays, attendu que, si je ne m'abuse, nos délibérations étaient télédiffusées dans tout le Canada.
Chers collègues, la séance est levée.
(La séance est levée.)