Aller au contenu
AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 4 - Témoignages du 11 février 2014


OTTAWA, le mardi 11 février 2014

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 h 2, pour poursuivre son étude sur l'importance des abeilles et de leur santé dans la production de miel, d'aliment et de graines au Canada

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

[Traduction]

Nous souhaitons la bienvenue à nos invités qui seront présentés dans quelques instants.

Je m'appelle Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité. J'aimerais demander à mes collègues de se présenter. Commençons par le vice-président du comité.

Le sénateur Mercer : Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Merchant : Pana Merchant, de la Saskatchewan.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, Québec.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l'Ontario.

[Français]

Le sénateur Demers : Jacques Demers, Québec.

[Traduction]

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Honorables collègues et chers témoins, le comité poursuit son étude sur l'importance des abeilles et de leur santé dans la production de miel, d'aliments et de graines au Canada. Voici ce que précise notre ordre de renvoi :

Que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à étudier, pour en faire rapport, l'importance des abeilles et de leur santé dans la production de miel, d'aliment et de graines au Canada. Plus particulièrement, le Comité sera autorisé à étudier les éléments suivants :

a) l'importance des abeilles dans la pollinisation pour la production d'aliments au Canada, notamment des fruits et des légumes, des graines dans l'agriculture et du miel;

b) l'état actuel des pollinisateurs, des mégachiles et des abeilles domestiques indigènes au Canada;

c) les facteurs qui influencent la santé des abeilles domestiques, y compris les maladies et les pesticides, au Canada et dans le monde; et

d) les stratégies que peuvent adopter les gouvernements, les producteurs et l'industrie pour assurer la santé des abeilles.

Honorables collègues, nos témoins ce soir sont Kevin Nixon, délégué de l'Alberta au Canadian Honey Council, à l'Alberta Beekeepers Commission; Jake Berg, président, Saskatchewan Beekeepers' Association; Allan Campbell, président de la Manitoba Beekeepers' Association. Merci d'avoir accepté notre invitation à comparaître aujourd'hui pour nous faire part de votre opinion, de vos commentaires et de vos recommandations sur cette étude qui découle d'un ordre de renvoi du Sénat du Canada.

Le greffier vient de m'indiquer que nous allons commencer par le Manitoba, pour ensuite passer à la Saskatchewan et enfin à l'Alberta. Monsieur Campbell, allez-y, lisez-nous votre déclaration.

Allan Campbell, président, Manitoba Beekeepers Association : Bonsoir honorables sénateurs et merci de m'avoir invité à venir témoigner. J'aimerais aussi remercier le gouvernement du Canada de partager notre inquiétude à propos de l'industrie des abeilles mellifères et de s'intéresser à tous ceux qui participent à la pollinisation des cultures canadiennes et la production de miels qui se classent parmi les meilleurs au monde.

Lorsque j'affirme représenter l'Association des apiculteurs du Manitoba, je veux dire que je parle au nom d'environ 531 entrepreneurs travaillants qui s'occupent de 73 000 colonies d'abeilles mellifères. Ces colonies sont exploitées presque exclusivement pour la production de miel. Plus de trois millions d'acres de canola sont ensemencés dans notre province, ce qui nous offre les conditions idéales pour produire de grandes quantités de miel. Toutefois, il est presque impossible de générer des revenus avec les services de pollinisation dans cette province.

Avant d'entrer dans le cycle d'hivers entraînant des pertes considérables, nous exploitions 85 000 colonies. Maintenant, nous avons du mal à maintenir le nombre de colonies à 73 000, malgré l'augmentation du prix du miel, ce qui, dans une industrie saine, aurait fait grimper le nombre de colonies. Pour les spécialistes de l'économie dans la salle, disons simplement que, depuis 2006, le nombre d'acres où est produit du canola a augmenté de 44 p. 100, le prix de gros du miel a plus que doublé, passant d'environ 90 cents la livre à plus de 2 $ la livre aujourd'hui. Toutefois, le nombre de colonies a diminué de 15 p. 100, et nous avons perdu près de 100 apiculteurs, alors que nous étions à 632 auparavant. Pendant la même période, la valeur des importations d'abeilles au Canada a connu une forte hausse, pour passer de 2 millions de dollars par année à près de 7 millions de dollars par année, tandis que les exportations de miel du Canada ont diminué de 7,4 p. 100.

Au milieu des années 1980, avant qu'on impose l'embargo sur les abeilles en paquets des États-Unis, le Manitoba se targuait d'avoir 110 000 colonies et c'était en partie grâce à nous que le Canada était 10e au classement mondial des producteurs de miel. Malheureusement, depuis 2007, nous ne figurons plus sur cette liste des 10 principaux producteurs et nous n'avons jamais rattrapé ce retard. Il est clair que nous avons besoin d'abeilles de remplacement provenant d'autres sources. L'hiver dernier, nous avons perdu 46 p. 100 de nos abeilles. Les besoins sont criants au Manitoba et nous demandons au gouvernement de lever immédiatement l'embargo sur les abeilles en paquets des États-Unis. Nous voulons pouvoir donner à l'industrie américaine des abeilles en paquets la chance d'être évaluée en fonction des mêmes normes de santé que celles que doit respecter l'industrie canadienne des abeilles.

Les protocoles de l'ACIA permettent l'importation des reines des États-Unis et ces mêmes protocoles pourraient être observés pour importer des abeilles en paquets. De concert avec l'apiculteur en chef de notre province et Manitoba Agriculture, Food and Rural Development, l'Association des apiculteurs du Manitoba a rédigé un document de travail qui propose des protocoles, en matière de santé, qui rendraient les risques négligeables. J'ai joint des copies de ce document à titre informatif.

Les apiculteurs du Manitoba en sont venus à la conclusion que les risques auxquels ils sont confrontés aujourd'hui sont beaucoup plus grands que les risques associés à l'importation d'abeilles qui respectent nos normes. Au Canada, le climat ne nous permet tout simplement pas de produire suffisamment de nouvelles abeilles pendant l'année. Les ruches de remplacement doivent être disponibles en avril pour avoir le temps de devenir robustes avant la période de production de miel. Les éleveurs d'abeilles canadiens font indéniablement du bon travail et produisent d'excellents stocks de reines et de nucléus, mais nous ne profitons malheureusement pas d'hivers aussi cléments que les éleveurs de la Californie, de la Géorgie ou d'Hawaï.

Des témoins vous ont déjà indiqué que certaines provinces pourraient augmenter leur production pour fournir plusieurs milliers de nucléus, ou 100 000 reines canadiennes. Ces chiffres ne représentent que la moitié de ce que nous importons aujourd'hui. Même les apiculteurs qui essaient vaillamment de fournir des nucléus et des reines aux Canadiens perdent un nombre record d'abeilles. Lorsqu'ils n'arrivent à répondre qu'à la moitié de la demande et qu'ils risquent de subir des pertes majeures, qu'arrivera-t-il au reste de l'industrie s'ils subissent une perte catastrophique. Cette situation met l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement en danger.

De plus, il est peu rassurant de savoir qu'ils ne peuvent nous approvisionner au moment de l'année qui nous convient. « Vous pouvez acheter des nucléus pendant l'été et les faire hiverner pour qu'ils produisent du miel l'année prochaine », voilà ce qu'ils nous disent. Semble-t-il vraiment raisonnable de payer pour des colonies en juin, tout en sachant pertinemment que vous perdrez 30 p. 100 des abeilles en janvier, tout cela en espérant commencer à faire des profits en juillet, l'année suivante?

Penchons-nous maintenant sur les risques que comportent nos pratiques actuelles en matière de santé. Les maladies bactériennes et fongiques, le varroa et les acaricides appliqués par les apiculteurs font partie des plus grands risques auxquels nous sommes confrontés en matière de santé. En éliminant les 30 p. 100 de ruches que nous perdons de toute façon chaque année et en ne gaspillant pas des ressources et de l'énergie pour les faire hiverner, nous pourrions commencer à utiliser des paquets comme une approche intégrée de lutte antiparasitaire.

En agriculture, par exemple, il est largement reconnu qu'il n'est pas viable de semer la même culture année après année dans le même champ, en utilisant les mêmes produits chimiques année après année. En plus d'effectuer une rotation des cultures, les agriculteurs peuvent laisser leur champ « se reposer » et ils profitent de nos vigoureux hivers canadiens, qui gèlent de nombreux organismes nuisibles.

À l'heure actuelle, les apiculteurs canadiens n'ont pas cette option. On s'attend à ce que nous maintenions nos chiffres en gardant nos ruches au maximum de leur capacité tout au long de l'année, sans avoir la chance de placer l'équipement en entreposage sous froid, ce qui briserait le cycle des organismes nuisibles. Lorsqu'une ruche est utilisée par des abeilles 365 jours par an, elle abrite aussi des spores de nosema, des petits coléoptères et des spores de varroa toute l'année.

Alors, comment garder les abeilles tout en éliminant les organismes nuisibles? La pratique actuelle consiste à accroître constamment l'utilisation d'acaricides chimiques et de les appliquer de nombreuses fois par année sur les abeilles dans les rayons, qui se trouvent alors polluées par les pesticides. Si nous décidions plutôt d'importer des abeilles en paquets qui ont reçu un traitement chimique contre les acariens avant de les introduire dans nos équipements, nous réduirions non seulement la présence de résidus chimiques dans nos ruches, mais nous éliminerions aussi le risque que les acaricides agissent en synergie avec les néonicotinoïdes et d'autres pesticides et ne provoquent une surdose chez les abeilles.

Si on considère que les abeilles qui seraient introduites dans nos ruches ne comporteraient que des niveaux négligeables d'acariens, on constate qu'il ne serait probablement pas nécessaire d'appliquer un acaricide avant l'année suivante. Les apiculteurs pourraient ainsi réaliser des économies importantes parce qu'ils utiliseraient beaucoup moins de pesticides. De plus, le traitement contre le nosema et la loque ne serait pas nécessaire.

De bons couvains propres exempts de contaminants et de pesticides, voilà le bien le plus précieux pour un apiculteur, en plus de ses abeilles. Mais avec nos pratiques actuelles non durables, on ne peut pas avoir les deux. Il faut arrêter d'avoir recours aux produits chimiques. Je vous ai apporté une étude qui montre un modèle clair indiquant comment on peut avoir des abeilles en santé exemptes de traitement en se servant d'abeilles en paquets.

Comment l'ACIA peut-elle défendre son évaluation la plus récente des risques associés aux abeilles en paquets des États-Unis et affirmer que c'est dans le meilleur intérêt de la santé des abeilles canadiennes? La frontière a été fermée pour tenir les acariens de l'abeille à l'écart, puis la fermeture a été maintenue pour éviter que les varroas n'entrent au Canada. Depuis que l'embargo a été imposé, le Canada a tout de même été confronté aux acariens de l'abeille, puis aux varroas. Nos populations d'acariens ont développé une résistance aux mêmes produits chimiques qu'aux États-Unis. Une forme de loque américaine résistante au traitement est maintenant endémique dans certaines régions du Canada, et de petits coléoptères des ruches font leur apparition au Canada.

Comment cela est-il possible? Nos frontières sont fermées. La raison est simple : la fermeture des frontières ne fonctionne pas parce qu'il n'existe aucune barrière géographique ou physique. Nous fermons peut-être la porte aux apiculteurs, mais nous ne pouvons pas fermer la porte aux abeilles et aux insectes qui ont des ailes ou aux maladies qui peuvent se propager dans l'air ou sur les ailes des insectes.

Au Dakota du Nord, des centaines de milliers de colonies d'abeilles sont déplacées dans l'État par des apiculteurs de partout aux États-Unis, dans le but de bâtir des colonies et de leur donner une pause par rapport aux rigueurs de la pollinisation et de leur permettre de profiter des abondantes récoltes de miel.

Ce sont des centaines de milliers de ruches qui se trouvent tout près de nos frontières, comme vous le voyez sur la carte que je vous ai fournie, et des apiculteurs américains ont peut-être même choisi certains des emplacements parce qu'ils se trouvent à une distance permettant à leurs abeilles de butiner les champs de canola manitobains.

Pour terminer, honorables sénateurs, je vous demande de tenir compte du fait que je suis venu témoigner aujourd'hui au nom de tous les apiculteurs manitobains et canadiens qui partagent notre opinion. Je vous demande de faire votre part pour nous aider à briser ce cycle et à bâtir une industrie plus saine, plus prospère et plus intelligente.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Campbell.

Nous allons maintenant entendre Jake Berg, président de la Saskatchewan Beekeepers' Association.

Jake Berg, président, Saskatchewan Beekeepers Association : Je suis ici pour exprimer le point de vue de la Saskatchewan sur la santé des abeilles. Je tiens d'abord à remercier le président et vous tous, honorables sénateurs, de nous avoir invités à parler des enjeux concernant la santé des abeilles au Canada.

C'est un dossier très important pour les apiculteurs et de nombreuses autres industries agricoles. La santé des abeilles est indispensable à la survie du métier d'apiculteur, et l'agriculture dépend en grande partie de la valeur ajoutée créée par le travail de pollinisation des abeilles.

La Saskatchewan appuie les efforts déployés pour assurer la viabilité de l'industrie. Plusieurs jeunes apiculteurs de notre province veulent exercer leur métier pendant encore longtemps et élever leur famille grâce au revenu tiré de l'apiculture.

Parmi les nombreux problèmes potentiels qui touchent les abeilles, deux sont particulièrement sérieux : les maladies et l'intoxication aux pesticides. Les deux présentent des risques importants pour les abeilles, les apiculteurs et toute l'agriculture.

Les maladies des abeilles constituent la principale menace pour l'apiculture en Saskatchewan. La plupart des cas de mortalité très importante observés dans la province sont attribuables à des maladies qui ont pris des proportions incontrôlables.

Au premier rang des coupables, on retrouve le varroa, un acarien qui représente un problème récurrent et que les apiculteurs ont du mal à éliminer. Le varroa a développé une résistance à deux des trois meilleurs produits utilisés contre lui, Apistan et CheckMite. Seul Apivar fonctionne encore. Il nous est absolument essentiel de préserver l'efficacité de ce produit. Pour ce faire, il faut éviter d'importer des acariens résistant à l'Apivar ou l'amitraze. Nous devons aussi trouver d'autres moyens de lutte, de manière à pratiquer la rotation des cultures et de réduire le développement des résistances.

On peut acheter des abeilles dans de nombreux pays, mais il faut également s'assurer que les abeilles importées au Canada viennent de sources sûres et qu'elles ne mettent pas davantage en péril l'apiculture canadienne. L'Agence canadienne d'inspection des aliments fait du bon travail en évaluant objectivement les sources d'abeilles afin de déceler des menaces qui pèsent sur notre industrie.

La plupart des apiculteurs sont conscients que les pesticides sont un outil important pour la rentabilité de l'agriculture. De la même manière que les apiculteurs utilisent des produits anti-varroa, les agriculteurs doivent pouvoir lutter contre les ravageurs. Les néonicotinoïdes, par exemple, ne semblent pas causer de problème jusqu'ici en Saskatchewan, mais ce ne serait pas le cas dans d'autres régions où le maïs occupe une plus grande place dans le système agricole.

En Saskatchewan, ce sont les insecticides à pulvérisation foliaire, particulièrement les organophosphates et les carbamates, qui causent des problèmes. Les pesticides sont néfastes pour les abeilles lorsqu'on augmente leur utilisation contre les ravageurs des cultures.

En 2012, les apiculteurs de la Saskatchewan ont constaté plus de dommage que la normale en raison de la lutte contre la légionnaire bertha, qui s'attaque au canola. En réaction à ce problème, notre association a collaboré avec la Saskatchewan Aerial Applicators Association, le ministère provincial de l'Agriculture et les entreprises de protection des cultures comme Bayer CropScience et Dow AgroSciences afin de produire un outil de communication destiné aux apiculteurs et aux utilisateurs de pesticides.

Nous prévoyons que DriftWatch pourra être utilisé dès la saison 2014. Il sera donc possible de déterminer les régions où l'on doit porter une attention particulière afin de ne pas nuire aux abeilles et à d'autres cultures vulnérables. Ce projet a servi de modèle dans d'autres provinces, et le Conseil canadien du miel envisage présentement d'adopter cette approche de collaboration pour tout le Canada. Bien entendu, la mise en œuvre de ce projet ne réglera pas tous les problèmes liés aux pesticides. Nous croyons simplement que c'est un pas dans la bonne direction.

L'apiculture est un élément important des systèmes agricoles. Les abeilles ne font pas que produire du miel : grâce à la pollinisation, elles créent beaucoup de valeur pour de nombreux autres producteurs agricoles. En matière de santé des abeilles, il est important d'adopter une approche misant sur la collaboration entre tous les acteurs du milieu. Il en va de l'intérêt de tous.

Le président : Merci.

Nous passons maintenant à M. Kevin Nixon, qui est un délégué de l'Alberta au Conseil canadien du miel.

Kevin Nixon, délégué de l'Alberta au Conseil canadien du miel, Alberta Beekeepers Commission : Merci, monsieur le président et honorables membres du comité, de m'offrir la possibilité de vous faire mon exposé aujourd'hui. Je siège au conseil d'administration de l'Alberta Beekeepers Commission depuis de nombreuses années et j'effectue actuellement un second mandat auprès du Conseil canadien du miel.

L'Alberta dispose actuellement d'environ 280 000 ruches dans la province, dont quelque 90 p. 100 sont exploitées par les apiculteurs commerciaux, des personnes qui gagnent leur vie uniquement en s'occupant de ces abeilles. Il y a environ 120 apiculteurs commerciaux en Alberta qui exploitent un très grand nombre d'abeilles.

Je vais tenter de couvrir les principaux sujets et je crois que vous avez tous une copie de mon mémoire entre les mains.

Vous avez eu le plaisir de recevoir M. Medhat Nasr, la semaine passée, qui est notre apiculteur provincial, et certaines parties de mon exposé risquent de répéter ce qu'il vous a dit, mais le besoin et la demande en abeilles ne cessent de croître. Chaque année, quelque 75 000 ruches d'abeilles sont louées à de grands producteurs de graines en Alberta pour produire des graines de canola hybrides. Les graines récoltées une année sont utilisées pour planter du canola commercial, partout au Canada, l'année suivante.

De très nombreuses ruches d'abeilles en Alberta, plus précisément de la région de la rivière de la Paix, sont déménagées en Colombie-Britannique pour améliorer leurs chances de survie à l'hiver. Là-bas, bon nombre d'entre elles sont louées pour la pollinisation des bleuets, des pommes, des poires et d'autres végétaux.

À l'échelle nationale, je crois qu'il y a des possibilités et des défis qui nous attendent, dont certains, dans un avenir très proche. Une recherche en cours se penche sur les avantages possibles de la présence d'abeilles domestiques dans les champs de canola commerciaux. Le canola ne nécessite pas de pollinisation, mais des indications porteraient à croire que la présence d'abeilles favoriserait une augmentation des rendements. Lorsque cette recherche sera terminée et aura confirmé cette hypothèse, le cas échéant, d'extraordinaires possibilités pourraient s'ouvrir aux apiculteurs, surtout dans les Prairies.

La deuxième possibilité est offerte par l'augmentation de la production de bleuets sur la côte Est et sur la côte Ouest. Nous avons appris récemment que de grandes étendues de terres sont converties en bleuetières dans les Maritimes. Le bleuet a besoin de la pollinisation par des abeilles domestiques. Notre industrie a entendu dire qu'on pourrait avoir besoin de 70 000 ruches additionnelles, voire beaucoup plus, au cours des 5 ou 10 prochaines années. Comment l'industrie peut-elle répondre à cette demande?

Il y a eu en novembre dernier une mise à jour de l'évaluation des risques associés à l'importation d'abeilles domestiques des États-Unis, et j'ai joint à mon exposé la réponse de l'Alberta Beekeepers Commission. Nous croyons que ce document comporte de nombreuses lacunes et que, moyennant des protocoles clairs, des abeilles en vrac des États-Unis pourraient offrir aux apiculteurs canadiens une solution intéressante pour le remplacement de leurs abeilles. À l'heure actuelle, nous recevons des abeilles de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie et on risque de mettre tous nos œufs dans un même panier. Avoir accès aux abeilles américaines ne va pas à lui seul résoudre le problème, mais cela peut offrir une autre option aux apiculteurs. M. Campbell, du Manitoba, nous a donné une analyse approfondie des avantages que cela pourrait procurer à l'industrie.

Voici la situation actuelle des abeilles domestiques : l'année dernière a été difficile presque partout au Canada. Les problèmes semblent principalement liés aux conditions météorologiques. Au final, les provinces n'ont pas récupéré les ruches enregistrées auprès du ministère de l'Agriculture de l'Alberta.

J'aimerais apporter une correction à mon mémoire. Au moment où je l'ai rédigé, je disposais d'anciennes données. J'ai parlé à M. Nasr, et il vous a présenté des données mises à jour. Nous avons atteint les 280 000 ruches de nouveau. Donc, le chiffre que je vous ai donné ici n'est pas correct. Je vous prie de m'en excuser.

En 2013, la production de miel a baissé d'environ 30 p. 100 dans la province. Même si ces ruches se sont remises de cette perte de 30 p. 100, ce qui était une perte moyenne pour un hiver dans la province, lorsqu'il vous faut récupérer ces chiffres, vous sacrifiez la production. Si nous devons faire des divisions ou des nucléus, nous volons des abeilles de la ruche mère et nous les transférons dans l'équipement. Nous achetons des reines et plaçons une reine auprès de ces abeilles et nous devons donc affaiblir une ruche pour en démarrer une autre. Nous sommes à la tête d'une entreprise et nous devons nous assurer de pouvoir justifier ce que nous faisons et de faire en sorte que c'est gérable. Dans ce cas-ci, avoir accès à des abeilles en paquets pourrait faire en sorte qu'on ait moins besoin d'affaiblir une ruche pour se remettre sur pied.

Passons aux facteurs qui influent sur la santé des abeilles : en Alberta, il ne semble pas y avoir de nombreux incidents liés à des pesticides agricoles. Quelques incidents isolés ont été signalés, mais notre programme de communication et d'éducation sur les applicateurs par voie aérienne semble avoir porté fruit. Nous n'avons pas enregistré les incidents liés aux néonicotinoïdes que connaissent d'autres régions, malgré le fait que les mêmes produits sont utilisés sur le canola, la pomme de terre et le maïs en Alberta.

Nos plus graves problèmes pour le moment semblent être le varroa et les virus qu'il peut transmettre et une infection parasitaire appelée nosémose. Il s'agit de problèmes de longue date qui ne sont toujours pas résolus. Il semble que l'on réussisse à mettre au point un produit contre le varroa qui dure entre cinq et sept ans, le temps qu'il faut à cet acarien pour développer une résistance. Contrairement aux autres secteurs, les apiculteurs ne disposent pas d'une réserve de produits prêts à utiliser. Nous pourrions, en fait nous devrions, disposer d'un programme de lutte antiparasitaire intégrée de rotation de miticides; or, faute de leadership, nous ne l'avons pas fait. On fonde de grands espoirs sur l'utilisation de la technologie de l'interférence ARN, pas encore au point, une filière qui nécessitera d'importants investissements dans la recherche.

L'alimentation des abeilles est un autre facteur très important. D'un bout à l'autre du pays, l'agriculture a changé, non seulement en ce qui concerne les végétaux, mais aussi en ce qui touche les pratiques de gestion. À cause de cela, de nombreuses sources d'habitat de pollinisateurs ont été éliminées ou détruites. Les agriculteurs cultivent jusqu'à la lisière du champ et enlèvent les haies et les brise-vent afin d'augmenter la surface de production. Quelles superficies appartiennent à l'État et quelles superficies sont administrées par des municipalités et de grands groupes industriels? Si toutes ces terres étaient couvertes de luzerne, de mélilot officinal, de trèfle alsike, de trèfle rampant et d'autres végétaux de ce type, cela aiderait énormément à fournir aux abeilles un régime multifloral plutôt qu'un régime monofloral. Quand nous sommes bien nourris, nous sommes en meilleure santé; il en va de même pour les abeilles.

Il existe des stratégies pour assurer la santé des abeilles : les producteurs doivent continuer à être informés sur les méthodes d'identification et de surveillances des organismes nuisibles et des maladies. Il faut qu'ils adoptent des mesures de biosécurité pour reconnaître et réduire les zones à risque. Il faut que les producteurs soutiennent la recherche. En Alberta, M. Nasr fait un excellent travail et il collabore avec notre industrie sur des programmes de surveillance et d'éducation, ce qui a permis d'améliorer, de manière tangible, l'industrie.

Dans l'industrie, au cours des dernières années, les rapports entre les producteurs et l'industrie agricole dans son ensemble se sont améliorés. Nous avons travaillé avec CropLife Canada et avec certaines organisations qui en font partie, dans différents dossiers. Cette collaboration doit continuer.

Nous devons également continuer de dialoguer avec l'ARLA et d'informer les autorités quant aux manières dont les pesticides peuvent représenter des risques pour les abeilles domestiques. Nous savons que les insecticides tuent des insectes, mais il y a aussi le risque d'exposition. Nous devons dialoguer avec les autres industries pour nous assurer qu'il n'y a aucune lacune dans notre pratique.

L'industrie doit également collaborer avec les pouvoirs publics afin d'encourager le maintien des habitats de pollinisateurs, réduire l'épandage d'herbicides et la tonte sur les bords des routes, planter davantage de végétaux utiles aux abeilles sur les terres domaniales et dans les réserves. Elle doit également collaborer avec l'industrie pétrolière et gazière pour qu'elle fasse de même, dans la mesure du possible, notamment dans le cadre de ces projets de réhabilitation des terres.

L'industrie a besoin de l'aide du gouvernement pour effectuer des recherches en vue de mettre au point des traitements nouveaux et novateurs pour lutter contre le varroa et la nosémose. Il faut que le gouvernement, l'ACIA, reconnaissent la diversité des régions au Canada et leur permettent d'importer des paquets d'abeilles domestiques, en particulier des États-Unis, afin de disposer de stocks de remplacement pour regarnir les ruches. Cela se ferait dans le respect des protocoles, de manière à garantir que nous importons des abeilles en santé. Nous avons besoin de l'appui continu de l'ARLA pour garantir que les pesticides agricoles actuels et nouveaux homologués sont sans danger pour les abeilles domestiques et sont accompagnés de procédures d'application appropriées. Également avec l'ARLA, il faut accélérer le processus d'agrément des nouveaux produits de traitement des ruches, afin que les producteurs puissent les utiliser sans tarder.

Enfin, le gouvernement doit soutenir l'industrie en mettant en place une stratégie visant à encourager les propriétaires, les agriculteurs, les gouvernements provinciaux et les administrations municipales à semer des végétaux favorables aux pollinisateurs.

Merci, monsieur le président.

Le président : Merci, monsieur Nixon.

Le sénateur Mercer : Merci, messieurs, d'être venus. Cette séance a été fort éclairante. Au fil des réunions, nous en apprenons davantage au sujet des abeilles et de la gravité de ce problème qui s'étend d'un océan à l'autre.

Monsieur Nixon, dans votre exposé, vous avez indiqué que nous devrions disposer d'un programme de lutte antiparasitaire intégrée de rotation de miticides mais que, faute de leadership, nous ne l'avions pas fait. À qui attribuez- vous ce manque de leadership?

M. Nixon : Je pense que, dans une certaine mesure, nous sommes tous responsables. De notre côté, les producteurs, nous aurions dû mettre davantage l'accent sur cette idée et essayer de l'appuyer. Je pense qu'une certaine responsabilité doit également être assumée par nos scientifiques canadiens, soit les spécialistes apicoles avec lesquels nous travaillons. Le problème attribuable au varroa perdure depuis son arrivée. Au cours des 12 dernières années, une résistance s'est développée vis-à-vis de deux produits. À l'heure actuelle, nous utilisons un autre produit pour contrer le varroa. Il me semble que nous allons l'utiliser jusqu'à ce que cela ne fonctionne plus et alors nous allons baisser les bras en nous demandant quoi faire. Et alors, on se retrouvera en état de panique et on essaiera de trouver un nouveau produit et d'obtenir une homologation d'urgence. Nous avons découvert l'amitraze. Il a fallu attendre le mois d'octobre pour qu'il obtienne son homologation d'urgence. Les dommages avaient été faits. Idéalement, les traitements doivent être effectués tôt.

Nous pouvons utiliser des produits chimiques plus doux, comme de l'acide formique et de l'acide oxalique, de concert avec les produits chimiques plus durs. Nous pourrions élaborer un système de rotation. Il n'existe pas beaucoup d'autres produits chimiques, mais il y en a quand même quelques-uns, et nous devrions tenter d'essayer d'y avoir accès.

Il faut continuer à faire de la recherche. L'interférence ARN semble très prometteuse, mais n'arrivera pas sur le marché avant plusieurs années.

Le sénateur Mercer : Les apiculteurs du Canada atlantique nous ont dit à quel point il serait utile que l'on ouvre les frontières pour qu'ils puissent envoyer leurs abeilles aux États-Unis au cours de l'hiver. Ainsi, par exemple, ma province produit beaucoup de bleuets. Nous pourrions amener nos ruches en Floride pour l'hiver. Les abeilles pourraient donc y butiner. Ensuite, lorsque le temps serait plus clément, on pourrait les ramener et cela donnerait une deuxième source de revenu aux apiculteurs. Bien entendu, il y aura quand même un certain coût lié à cette manière de faire affaire. Est-ce que l'on a envisagé cette possibilité en Saskatchewan, au Manitoba ou en Alberta? Si les frontières étaient ouvertes, vous pourriez envoyer vos ruches au sud de la frontière au cours de l'hiver.

Cette question s'adresse à tous les témoins et non seulement à M. Nixon.

M. Campbell : J'aimerais y répondre. Nous faisons face à deux enjeux distincts lorsque nous parlons de faire venir des abeilles des États-Unis et d'ouvrir la frontière pour que les ruches puissent circuler.

L'embargo sur les abeilles dont je vous parlais remonte à 1986 ou 1987. Le fait de déplacer des abeilles au sein de la ruche, et de les faire traverser la frontière et revenir est une pratique illégale depuis 1927, si ma mémoire est bonne. L'embargo visait à contrer la propagation de la loque américaine, une maladie qui se propageait sur le rayon. C'est du moins le cas au Manitoba où nous estimons qu'il y a plus de risques et que les produits chimiques et les maladies peuvent être propagés au sein de la ruche sur le rayon.

Le sénateur Mercer : Mais les Américains déplacent leurs abeilles, les faisant passer du nord au sud du pays. Les abeilles qui étaient actives dans le Maine resteraient actives au cours de l'hiver en Floride. La même chose se produirait pour les abeilles actives de l'État de Washington qui se rendraient en Californie.

M. Campbell : C'est vrai.

M. Nixon : Nous en avons parlé à bon nombre de reprises en Alberta. En Alberta, nous ne voulons pas voir de mouvement d'abeilles sur le rayon. Cela nous ferait tomber dans un véritable guêpier. Lorsque les abeilles sont contenues dans un paquet, elles sont expédiées dans un carton de 12 pouces par 10 pouces par 6 pouces. Il y a deux ou trois livres d'abeilles dans ce paquet. Il s'agit d'un emplacement idéal pour traiter les abeilles en cas de parasite ou de maladie. Le varroa aime se reproduire dans un couvain operculé à l'étape de la larve et de la chrysalide dans le rayon. Quand vous mettez les abeilles dans un paquet, il n'y a pas de rayon, de cire, de larve ou de couvain. Il n'y a que des abeilles. Vous pouvez vous attaquer à tout ce qui est exposé, et tout est exposé dans un paquet. Quand on commence à parler du déplacement des ruches, cela change complètement le niveau de risque.

De plus, notre merveilleux climat canadien est en fait une véritable bénédiction. L'hiver donne un excellent congé aux abeilles. Les ruches s'arrêtent. Elles n'ont plus de couvain. Vous pouvez alors utiliser des traitements d'une manière efficace. Aux États-Unis, lorsqu'on entretient les ruches à longueur d'année, les abeilles se font déplacer très souvent sur des camions et n'ont jamais de congé. L'hiver n'est pas une mauvaise chose si l'on veut avoir des abeilles en santé.

M. Berg : En Saskatchewan, nous avons beaucoup examiné pourquoi nous souhaitons que les frontières restent fermées. Nous sommes fort préoccupés des pratiques apicoles américaines en vertu desquelles les abeilles doivent travailler toute l'année. Les maladies empirent année après année, et on n'est plus capable de les contrôler. Nous estimons que la santé des abeilles au Canada est bien meilleure. Si les frontières étaient ouvertes, même pour les paquets, nous risquerions de voir une détérioration de la santé de nos abeilles.

La sénatrice Buth : Merci beaucoup d'être venus. Je viens du Manitoba. Je suis ravie de voir que l'Ouest canadien, notamment les Prairies, est représenté aujourd'hui.

Le sénateur Mercer vous a parlé des importations. Il a également mentionné — et monsieur Nixon, vous en avez parlé — le programme de lutte antiparasitaire intégrée. Cela me préoccupe car j'ai entendu des témoins nous raconter que les miticides sont homologués et qu'ensuite on y développe une résistance. Il faut alors leur trouver un produit de rechange. Il me semble tout à fait logique d'essayer de trouver des produits de remplacement et d'avoir un programme intégré. Qui devrait être responsable de l'élaboration d'un tel programme?

M. Nixon : Me posez-vous la question?

La sénatrice Buth : Elle s'adresse à vous tous. Je suis curieuse.

M. Nixon : Je vais tenter d'y répondre.

Notre industrie doit accepter favorablement cette étape. Je pense que la meilleure solution devrait provenir de l'Association canadienne des professionnels de l'apiculture. Vous avez entendu le témoignage de M. Nasr la semaine dernière. Il représentait cette organisation. Il faut savoir que tous les professionnels de l'apiculture provinciaux font partie de cette organisation, et c'est sur eux que s'appuient les universitaires. Ce sont eux les spécialistes canadiens des abeilles. Ensuite, il devrait appartenir aux producteurs de déterminer à quoi devrait ressembler un tel programme.

La sénatrice Buth : J'ai travaillé dans le milieu de l'agriculture, et j'ai donc pris part à certains programmes, comme celui des pesticides à usage limité pour les cultures. Est-ce que vous savez si l'on a utilisé le Programme des pesticides à usage limité pour les produits apicoles? Votre industrie n'est pas assez grande pour obtenir les fonds pour ce faire et je me demandais comment vous pouvez faire appel à l'industrie pour qu'elle vous fournisse des solutions.

M. Campbell : C'est une question difficile.

La sénatrice Buth : Je sais qu'il s'agit d'une question difficile.

M. Berg : Nous représentons une petite industrie.

M. Nixon : Si vous me le permettez, j'ai amené un spécialiste émérite aujourd'hui. Grant Hicks, président de l'Alberta Beekeepers Commission, m'accompagne. Il connaît le domaine. Il pourrait peut-être répondre à votre question.

Le président : Oui, absolument. Voulez-vous venir à la table s'il vous plaît?

Monsieur le président, auriez-vous l'obligeance de répondre à la question.

Grant Hicks, président, Alberta Beekeepers Commission : Je ferai de mon mieux. J'étais présent lorsque le CheckMite + (coumaphos) a été homologué, et notre spécialiste en matière de pesticides à usage limité du ministère de l'Agriculture de l'Alberta a fait beaucoup de travail avec l'Association canadienne des professionnels de l'apiculture. Nous sommes bien au courant qu'il faudrait suivre la piste des pesticides à usage limité.

De plus, utiliser sans relâche un miticide jusqu'à ce qu'on y développe une certaine résistance ne constitue pas une façon professionnelle d'aborder le problème. Comme l'a évoqué Kevin, il y a plusieurs autres produits qui pourraient être utilisés, et leur efficacité est de l'ordre de 95 p. 100. C'est ce dont nous avons besoin. Nous devons mettre le tout en œuvre. Et c'est là que nous manquons de spécialistes. Comment fonctionne le système de rotation? Quand un produit a été pleinement homologué, comment arrive-t-on à faire dire à l'entreprise de produits chimiques qu'elle ne vendra pas ce produit pendant deux ou trois ans? Ces enjeux sont hors de la portée des producteurs.

La sénatrice Buth : Monsieur Campbell et monsieur Berg, souhaitez-vous intervenir à ce sujet? Qui est responsable des programmes de lutte antiparasitaire intégrée? Comment pouvons-nous assurer que nous avons mis en place le meilleur plan?

M. Campbell : Je pense que nous devons tous assumer la responsabilité de nos propres programmes de lutte antiparasitaire intégrée. Au bout du compte, sans avoir visité votre exploitation et examiné vos ruches, aucun autre professionnel ne pourrait vous expliquer ce qui se passe dans vos ruches et quelle sont les meilleures solutions qui s'offrent à vous. Il faut savoir que les produits chimiques plus doux, comme l'acide formique et l'acide oxalique, dépendent beaucoup des conditions météorologiques. Si la température n'est pas adéquate, cela pourra donner de moins bons résultats.

Cela entrera en jeu, et il faut tenir compte par exemple de la quantité de couvains dans la ruche à un moment donné.

M. Berg : Je pense que nous sommes tous responsables de la mise en œuvre d'un programme de lutte antiparasitaire intégrée. Il faut également faire davantage de recherche afin de pouvoir homologuer les autres types de miticides. Plus on injecte des fonds dans la recherche, plus nous pourrons rapidement obtenir d'autres produits chimiques au Canada.

La sénatrice Buth : J'ai toute une série de questions à poser au sujet du financement et de la recherche. Je vais y revenir à la deuxième série de questions. Me permettriez-vous tout de même de poser une question à M. Campbell?

Le président : Oui, absolument, madame la sénatrice Buth.

La sénatrice Buth : M. Berg et M. Nixon ont tous les deux parlé du fait de collaborer avec l'industrie et d'avoir travaillé ensemble à plusieurs programmes. Vous n'en avez pas parlé dans vos observations. Quel genre de relations de travail entretenez-vous avec d'autres groupes au Manitoba et dans l'industrie?

M. Campbell : Nous nous entendons très bien avec d'autres groupes au Manitoba. Nous sommes membres de Keystone Agricultural Producers. Nous estimons beaucoup leur travail. Nous les rencontrons souvent et travaillons ensemble pour trouver des solutions. Nous avons une excellente relation avec les producteurs de canola et de maïs au Manitoba.

La sénatrice Buth : Et qu'en est-il des entreprises de pulvérisation par voie aérienne? Entretenez-vous une relation de travail avec elles?

M. Campbell : Oui. Nous avons une bonne relation de travail avec elles et nous travaillons également à mettre sur pied un logiciel de cartographie pour veiller à la sécurité des abeilles, pour qu'on sache où se trouvent les ruches.

La sénatrice Merchant : Compte tenu de toute la recherche qui se fait, je me demande comment vous communiquez aux apiculteurs les données qui proviennent des chercheurs. J'ai remarqué dans les documents que vous nous avez fournis que, en Saskatchewan, vous avez un nombre égal d'apiculteurs amateurs. Comment leur transmettez-vous les renseignements? Comment vous assurez-vous que tous soient au courant des dernières données de recherche?

M. Campbell : Dans notre province, nous nous rencontrons une fois chaque été. De tels événements visent à rassembler les apiculteurs du Manitoba. Il y a également d'autres associations dans notre province qui jouent un rôle très actif. Il y a notamment la Red River Apiarists' Association et la Brandon Area Beekeepers Association. Elles permettent également de bien transmettre des renseignements.

La sénatrice Merchant : Avez-vous des bulletins? Publiez-vous des documents?

M. Campbell : Oui. Nous avons des bulletins trimestriels. Nous avons également un site web que vous pouvez consulter en tapant manitobabee.org. Nous tenons également un congrès et un symposium à la fin de février.

M. Berg : En Saskatchewan, nous nous rencontrons une fois par année en juin. Nous avons un congrès à la fin de novembre ou au début de décembre et une assemblée générale annuelle à la fin de février. Cela permet de transmettre des renseignements.

Il y a environ trois ans, nous avons mis sur pied une équipe d'adaptation technique. Il s'agit d'une équipe de recherche gérée par l'association des apiculteurs. Nous essayons de trouver des subventions par l'entremise de divers organismes subventionnaires du pays. Les chercheurs s'occupent alors de leur projet de recherche et donnent également des cours d'apiculture pour débutants. Ils ont donné un cours l'année dernière sur l'élevage des reines. Cela permet de transmettre des renseignements aux apiculteurs amateurs.

La sénatrice Merchant : J'aimerais également en apprendre davantage au sujet de l'importance des abeilles en ce qui a trait à la pollinisation des récoltes. Nous avons vu au cours des dernières années qu'il y a eu de récoltes exceptionnelles. Nous avons également fait face à des hivers très durs, ce qui a nui à la survie des abeilles. Existe-t-il des études qui mettent l'accent sur l'importance des abeilles pour polliniser les récoltes?

Je pense que M. Nixon avait évoqué une semence spéciale de canola. Pouvez-vous nous en parler davantage?

M. Nixon : Au Sud de l'Alberta, on produit une semence de canola hybride. On a alors besoin des abeilles. Il s'agit de la semence mère, si vous le voulez, et c'est semé l'année suivante.

On utilise souvent des mégachiles et des abeilles. Les deux abeilles travaillent à des degrés de température différents, ce qui permet de répartir un peu le risque en fonction des conditions météorologiques de la saison.

Je suis certain qu'il y a des gens plus intelligents que moi qui pourraient vous en parler davantage, mais je peux vous dire que les entreprises principales avec lesquelles nous travaillons directement sont Bayer CropScience, Dow, Pioneer Dupont et Monsanto. Il y a également une autre entreprise privée qui provient du Sud de l'Alberta et qui a également des contrats couvrant des acres.

En ce qui a trait à la pollinisation des bleuets, et vous avez peut-être déjà entendu le témoignage de la part de producteurs de bleuets, l'on constate un accroissement du rendement lorsqu'il y a plus d'abeilles. Les producteurs ont obtenu de bonnes récoltes, et il s'agit peut-être d'une occasion à saisir pour en obtenir des meilleures encore. C'est ce qu'on nous a dit en ce qui a trait au canola commercial. Mais les recherches sont encore très préliminaires. Il faut en faire davantage. Je crois d'ailleurs que le conseil du canola comparaîtra plus tard.

Le sénateur Oh : Merci, messieurs.

Il existe tant de ruches près de nos frontières. Les Américains ne font-ils pas face aux mêmes problèmes que les Canadiens en ce qui a trait au varroa.

M. Campbell : Oui, absolument.

Le sénateur Oh : Comment règlent-ils leur problème? Pourquoi avons-nous du mal à le faire ici?

M. Campbell : Ils semblent s'occuper du problème de la même manière que nous. Ils travaillent très fort. Ils font les divisions. Il faut également tenir compte de leurs facteurs économiques, comme la pollinisation des amandes. Cela a été un véritable moteur pour l'industrie, lui permettant de se rétablir après avoir essuyé de lourdes pertes. Ils ont la possibilité d'acheter plus d'abeilles car ils arrivent à faire de l'argent.

Le sénateur Oh : Comment se comparent leurs problèmes aux nôtres?

M. Campbell : Nous avons l'impression que nous faisons face à bon nombre de problèmes similaires, des problèmes qui reviennent chaque année. Cette année, ils ont plus de ruches que ce dont ils ont besoin pour la pollinisation des amandes. Une fois qu'ils ont terminé leur travail en février et que les ruches ont cessé de polliniser, ces dernières finissent par exploser parce qu'elles sont trop peuplées. Cela présenterait un moment opportun pour partager les paquets avec le marché canadien.

M. Berg : Oui, ils se heurtent aux mêmes problèmes que nous. Leurs problèmes de varroa sont un peu pires que les nôtres. L'Apivar et l'amitraze sont plus utilisés aux États-Unis. Ils ont une longueur d'avance de quatre ou cinq ans en ce qui a trait à la résistance vis-à-vis des produits. Ils doivent ainsi traiter les ruches environ quatre fois par année, mais ils n'obtiennent en retour qu'un taux de 50 p. 100 d'efficacité. En Saskatchewan, nous faisons un traitement une fois par année et c'est efficace à hauteur de 95 p. 100.

M. Nixon : J'aimerais parler de plusieurs choses. Il ne fait aucun doute qu'ils se heurtent aux mêmes problèmes que nous. Nous entendons beaucoup de choses dans les médias, mais de quoi nous parlent-ils? Ils mettent l'accent sur les scénarios les plus défavorables. Il y a également des histoires couronnées de succès des États-Unis. Il y a certains moments de l'année où on arriverait à des résultats identiques si l'on comparait l'état de santé des abeilles au Canada et aux États-Unis. Si vous ne cherchez pas, vous ne trouverez pas. C'est une des grandes règles dans la vie. Aux États- Unis, il y a des moments dans l'année où les abeilles se trouvent sans doute à leur plus haut niveau de stress et peuvent présenter des signes de mauvaise santé.

Je connais des apiculteurs aux États-Unis qui ont commencé à hiverner leurs abeilles dans des cabanes de pommes de terre dans le nord-ouest. Cela permet de briser le cycle des couvains, comme c'est le cas avec l'hiver canadien. Ils arrêtent les abeilles et les retirent à la fin de janvier. Ils leur donnent un mois pour se reconstituer et vont butiner les fleurs d'amandier — ça se passe en fait en ce moment. Il s'agit de techniques de gestion qu'apprennent les apiculteurs et qu'ils mettent en œuvre pour avoir des abeilles en bonne santé.

Mon collègue a parlé de l'efficacité de l'amitraze aux États-Unis. On nous a fourni un chiffre en ce qui a trait au taux d'efficacité. Nous avons appelé aux États-Unis et, il y a quelques semaines, j'ai eu l'honneur de me retrouver à Baton Rouge, en Louisiane, pour aller au congrès des apiculteurs américains. Le chiffre que l'on nous a fourni ne mesure pas véritablement l'efficacité. Ils ont encore un bon taux d'efficacité avec l'amitraze. Cette étude a été effectuée par le laboratoire USDA de Beltsville. Ils sont en train de mener un projet de surveillance nationale aux États-Unis qui s'appelle le projet Apis mellifera. Ils examinent la situation et surveillent les maladies. Il y a des régions où les choses ne vont pas si bien par moment, mais il y en a d'autres où cela va bien.

La sénatrice Tardif : J'aimerais revenir sur un point soulevé tout à l'heure. Monsieur Campbell, vous nous avez demandé fort éloquemment de sommer le gouvernement de cesser immédiatement l'embargo sur les paquets d'abeilles en provenance des États-Unis. Monsieur Berg, vous avez indiqué que, du point de vue de la Saskatchewan, il faudrait être vigilant quant à la source des abeilles qui peuvent être importées au Canada. Monsieur Nixon, et je ne suis pas certaine de bien suivre la position de l'Alberta en ce qui a trait à l'importation des abeilles, mais vous avez mentionné que vous n'étiez pas en faveur lorsque cela ne touchait pas le rayon. Est-ce que les conditions sont si différentes dans les trois provinces des Prairies pour que vous adoptiez des points de vue aussi différents? Pouvez-vous m'éclairer s'il vous plaît?

M. Campbell : Je pourrais commencer par vous dire qu'il y a des différences géographiques de taille entre les provinces.

La sénatrice Tardif : Même pour les Prairies?

M. Campbell : Oui, même en ce qui a trait aux Prairies.

Au Manitoba, une grande partie de l'apiculture a lieu au sud. Comme la carte vous l'indique, nous nous retrouvons à côté de la frontière américaine. Les abeilles américaines sont donc à côté de la frontière canadienne. Cela est inévitable.

En Saskatchewan, il s'agit d'une situation tout à fait différente, car on est plus loin de la frontière. Alors, il ne s'agit peut-être pas d'un problème dans cette province.

La sénatrice Tardif : Vous demandez à ce qu'on permette aux abeilles américaines d'entrer au Canada.

Qu'en pensez-vous, monsieur Berg?

M. Berg : Je demanderais à ce que cela soit interdit. Il est vrai que la situation géographique de la Saskatchewan est un peu différente. La plupart de nos abeilles se retrouvent plus au nord et sont plus éloignées de la frontière. Ainsi, nous ne faisons pas face aux mêmes problèmes frontaliers que le Manitoba. Mais nous avons peur que, si l'on permet aux abeilles d'entrer ici, nous allons avoir plus de varroas résistant à l'amitraze alors que nous n'en avons pas dans notre province en ce moment.

M. Nixon : L'Alberta est en faveur de l'accès aux paquets d'abeilles américains. Nous croyons en des décisions fondées sur la science pour les néonicotinoïdes et en l'importation des stocks. Nous estimons que, si l'on met en place le bon protocole, on pourrait obtenir des abeilles en bonne santé des États-Unis.

Nous ne demandons pas à ce que la frontière soit grande ouverte. À l'heure actuelle, nous importons des abeilles des États-Unis. Ce serait les mêmes producteurs qui fourniraient les paquets d'abeilles. Le Canada importe environ 40 000 paquets par année de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie. On fait presque le tour du monde pour importer un produit d'un endroit dans l'hémisphère où les saisons sont inversées. Ces pays peuvent bien nous envoyer leurs abeilles, mais elles ne sont pas forcément dans le meilleur état de santé lorsqu'elles arrivent chez nous.

En ce qui a trait aux abeilles que nous pourrions importer des États-Unis, il faut savoir qu'il n'y a qu'une poignée de fournisseurs dans le Nord de la Californie qui respectent les conditions du protocole pour l'exportation de reines au Canada. Il s'agit des mêmes fournisseurs qui enverraient des abeilles ouvrières. Ces abeilles seraient en fait, dans la plupart des cas, les rejetons de ce qu'ils nous envoient déjà.

Des questions d'ordre économique entrent en jeu. On nous dit depuis 1988 que des régions du pays peuvent nous fournir en reines et en abeilles. Vous avez entendu des témoignages à cet effet la semaine dernière...

La sénatrice Tardif : De la Colombie-Britannique, en fait.

M. Nixon : ... on nous a dit que l'on pouvait s'efforcer de répondre aux besoins en matière de reines. On a pris conscience du fait que la production de reines a chuté au cours des six ou sept dernières années.

Si quelqu'un est en mesure de produire quelque chose de haute qualité, cela va se savoir sur le marché et ce produit se vendra bien. Nous importons des reines de la Californie et d'Hawaï. Ce sont parmi les meilleures reines que nous n'ayons jamais eues. Elles résistent bien à l'hiver, produisent bien et pollinisent bien.

Les États-Unis ne résoudront pas les problèmes de l'apiculture. Quoi qu'il en soit, nous allons nous heurter à de la résistance. Avec CheckMite, le produit d'avant l'amitraze, on observait de la résistance quelques mois après que le même phénomène ait été observé aux États-Unis. Cela ne nous permet pas de gagner tant de temps. Fermer la frontière ne fait que limiter les possibilités des apiculteurs. Nous avons tous nos œufs dans deux paniers : l'Australie et la Nouvelle-Zélande.

J'ai constaté que, la semaine dernière, trois sénateurs ont posé un grand nombre de questions à M. Nasr. Comment l'Alberta a-t-elle réussi à développer son industrie? L'amitraze fait partie de la réponse. Il nous faut un moyen de lutter contre le varroa. L'Alberta est passée de 190 000 à 280 000 colonies principalement parce que les apiculteurs ont dépensé des centaines de milliers de dollars — des gens d'affaires, des agriculteurs — pour les investir dans les paquets, les nucléus, les divisions et leurs activités. C'est ce qui a fait avancer l'industrie.

L'autre facteur clé, c'est la pollinisation. La pollinisation, c'est environ 80 000 ruches. Quelle a été la croissance observée en Alberta? Quatre-vingt-dix mille ruches. Il y a là une forte corrélation qui indique que la pollinisation a été un moteur dans l'industrie. On voit aussi cette occasion ailleurs. Allons-nous parvenir à répondre à ces besoins?

La sénatrice Tardif : Puis-je vous poser une question sur quelque chose que vous avez dit, monsieur Nixon? Vous avez beaucoup parlé de pratiques de gestion des abeilles, d'excellentes pratiques en fait. Existe-t-il des normes nationales? Si ce n'est pas le cas, pensez-vous qu'il devrait y en avoir? Il semble y avoir une forte variation d'une province à l'autre. J'ai cru comprendre qu'il existe notamment de grandes différences géographiques d'une région à l'autre, mais qu'en pensez-vous et comment voyez-vous les choses?

M. Nixon : Je pense qu'il serait très difficile d'imposer une norme nationale. Les différences au sein de nos provinces peuvent être très importantes. Le système global de gestion des ruches peut être très semblable. Au sortir de l'hiver et du printemps, vous remplacez et rétablissez votre population. Vous tentez de peupler votre ruche au maximum soit pour la production de miel soit pour la pollinisation. La production a lieu l'été, et au cours de l'automne, on se prépare à l'hiver, en administrant des médicaments et des aliments. Ces systèmes de gestion sont relativement semblables partout au pays, et je crois qu'ils sont mis en œuvre partout.

Pour ce qui est des traitements employés, certains peuvent avoir des réactions différentes selon les températures. Le taux d'humidité peut être un facteur. Par exemple, l'humidité peut influencer l'efficacité de l'acide formique dans le cadre de la lutte contre les acariens.

Des facteurs régionaux pourraient entrer en jeu, et je pense donc que, dans ce cas, une norme nationale serait difficile à imposer.

M. Berg : J'aurais tendance à être d'accord avec M. Nixon dans le sens où une norme nationale serait très difficile à mettre en œuvre. Les abeilles ne sont pas les mêmes en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba au même moment de l'année, et les choses sont quelque peu différentes pour ce qui est de la gestion. Certains autres produits chimiques au centre national pourraient aussi entrer en jeu. Leur efficacité dépend entièrement de la température et de l'humidité. C'est la raison pour laquelle il serait très difficile de mettre en place une norme nationale.

M. Campbell : Venant du Manitoba, on entend souvent dire que d'autres apiculteurs de la Colombie-Britannique ou peut-être de l'est font produire leurs abeilles à un moment de l'année où les températures au Manitoba tournent toujours autour de moins 30, et ces autres provinces sont déjà en production. C'est très différent.

L'une des raisons pour lesquelles je pense que le Manitoba a eu tant de difficultés à rétablir ses ruches, c'est que notre saison est extrêmement courte. Normalement, dans notre propre exploitation, on s'attendrait à travailler sur nos ruches le 12 avril. Cette année, nous n'avons pas pu commencer avant le mois de mai, et même là, il nous a fallu nous faire un chemin dans les bancs de neige.

La sénatrice Tardif : C'est rude dans les Prairies. Le climat est difficile.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma question s'adresse à M. Nixon. Vous avez mentionné que l'hiver était une saison bénéfique pour la santé des abeilles parce qu'elles pouvaient alors se reposer. Certains des témoins que nous avons entendus ont mentionné qu'il était peut-être être préférable de les envoyer en Floride. J'ai posé la même question à des gens qui vous ont précédé : que pensez-vous des printemps hâtifs ou tardifs? Est-ce que cela peut nuire à la santé des abeilles?

[Traduction]

M. Nixon : À certains égards, j'adorerais aussi aller en Floride.

Le sénateur Dagenais : Comme tous les retraités qui passent l'hiver dans le Sud.

M. Nixon : Je suis d'avis que l'hiver donne à la ruche la possibilité de faire une pause. L'hiver peut être difficile pour les abeilles. Cela ne fait aucun doute — indirectement, j'ajouterais. Il semble que plus l'hiver est froid, plus on utilise d'aliments, mais cela dépend aussi de leur état à l'automne. Si une ruche est fortement touchée par les acariens en septembre et en octobre et que l'apiculteur ne procède pas au traitement assez rapidement ou à temps, les œufs qui éclosent à ce moment-là peuvent donner naissance à des abeilles aux ailes déformées ou atteintes de virus susceptibles de détruire la ruche. Cela affaiblit le système immunitaire de la ruche pour les mois d'hiver, ce qui entraîne une diminution progressive de sa population.

Afin d'illustrer la rigueur de l'hiver pour les abeilles, je vous signale que l'année dernière nous avons commencé à nous occuper de nos ruches au cours de la première semaine de mars en Alberta. Je me trouve juste au nord de Calgary. Les abeilles avaient l'air en très bonne santé; seulement 10 p. 100 étaient mortes. Je pensais que cela allait être prometteur. J'envisageais de procéder à des divisions supplémentaires et peut-être d'accroître un peu ma population. Au cours des six semaines qui ont suivi, nous avons perdu 20 p. 100 supplémentaires d'abeilles. Les ruches qui avaient l'air en très bonne santé en mars voyaient sans cesse leur population diminuer, simplement en raison du climat.

Le printemps est essentiel à une ruche. Nous avons administré des suppléments — des galettes de protéines, du sucre liquide —, ce qu'on fait chaque année. Mais il faisait si froid que les abeilles n'étaient pas en mesure de briser la coquille pour s'alimenter. Le supplément de protéines stimule la reine pour qu'elle ponde des œufs. Elle n'en consommait pas. La reine ne pondait pas. Les abeilles adultes pour lesquelles l'hiver dure normalement quatre ou cinq mois ont dû subir un hiver de six mois, et ces quatre ou six semaines supplémentaires ont tout changé. C'est pour cela que le printemps peut être difficile pour les abeilles.

Le sénateur Robichaud : J'ai lu la lettre que l'Alberta Beekeepers Commission a envoyée à l'ACIA concernant l'analyse des risques liés à l'importation d'abeilles en paquets. Il semble que vous ne soyez pas d'accord avec M. Berg qui indique qu'il ne veut pas des abeilles en paquets. Selon vous, on devrait y avoir recours.

Vous dites que leur analyse du risque semble aller à l'encontre des données concernant les abeilles. Je pense que ça vaut le coup de lire cette lettre, parce qu'il y a certaines pages où vous indiquez que vous êtes insatisfait de leur façon de voir les choses. Avez-vous reçu une réponse de la part de l'ACIA?

M. Nixon : Non, nous n'en avons pas encore reçu.

Le sénateur Robichaud : Quand cette lettre a-t-elle été envoyée?

M. Nixon : Je crois que la période d'observation s'est terminée fin novembre.

Le sénateur Robichaud : Monsieur le président, c'est quelque chose qui a été porté à notre connaissance par les apiculteurs. Je pense qu'il y a là beaucoup de renseignements qui devraient nous intéresser, dans le sens où ils basent leur recommandation de ne pas importer des abeilles en paquets sur des renseignements infondés d'un point de vue scientifique. C'est bien cela?

M. Campbell : Nous partageons l'opinion de l'Alberta selon laquelle bon nombre d'éléments de l'évaluation des risques ne sont pas fondés sur des données scientifiques. En fait, il y a toute une partie où ils parlent d'hypothèses qu'ils ont formulées, et les hypothèses n'ont pas leur place en science, en ce qui me concerne.

Le sénateur Robichaud : On y trouve aussi des renseignements concernant les mouvements entre les États. On nous indique qu'il n'y avait aucun contrôle de déplacement des abeilles d'un État à l'autre, et vous indiquez que c'est le cas, d'après ce que vous savez?

M. Campbell : Oui, il y a des inspecteurs de comté et des inspections nationales des ruches effectuées dans l'ensemble du pays. Il y a des postes où l'on vérifie la présence de fourmis de feu et il faut nettoyer les palettes pour pouvoir importer des ruches dans la province ou les exporter à l'extérieur de celle-ci. À deux ou trois endroits dans l'évaluation des risques, on semble indiquer qu'il n'y a aucune étude nationale sanitaire des abeilles et environ au tiers de la lettre, on fait référence à une telle étude aux États-Unis.

Le sénateur Robichaud : Il y a des contradictions dans leur propre évaluation?

M. Campbell : C'est le cas.

Le sénateur Robichaud : Pourrait-on les faire comparaître devant nous?

Le président : Monsieur Nixon, avez-vous des observations à faire à la suite de la question soulevée par le sénateur Robichaud?

M. Nixon : Non. Ce que M. Campbell a dit est juste. Il existe des mécanismes de protection contre les mouvements entre les États, et l'APHIS est l'organisme réglementaire qui effectue actuellement les inspections aux États-Unis, pour l'exportation des reines. Nous avons la même chose en Alberta. Si l'on déplace des abeilles entre les provinces, on exige des renseignements des apiculteurs provinciaux.

M. Hicks : À des fins d'éclaircissement, dans la réponse de l'Alberta à l'évaluation des risques, on a interrogé des scientifiques et des professionnels des États-Unis. Nos observations n'ont pas été faites sur un coin de table dans un café d'une petite ville de l'Alberta. Ces renseignements proviennent de sources fiables, et lorsque l'ACIA y aura répondu, nous avons l'intention de fournir davantage de détails. C'est très certainement quelque chose qui nous intéresse et auquel nous allons donner suite.

Le sénateur Robichaud : Cela pourrait influencer la recommandation d'importer ou de ne pas importer des abeilles en paquets, n'est-ce pas? Selon les conclusions?

M. Campbell : Oui.

Le sénateur Robichaud : Mais vous n'êtes pas d'accord.

M. Berg : En Saskatchewan, nous sommes très satisfaits des résultats de l'évaluation des risques. Nous sommes d'avis que ce sont les bons résultats. Nous pensons que le fait d'ouvrir cette frontière représente un risque considérable pour l'apiculture canadienne.

Le sénateur Ogilvie : Jusqu'à maintenant, cela a été une séance très importante et très intéressante qui nous a permis d'entendre des observations concrètes et de reconnaître ce qui devrait être évident mais qui ne l'est finalement pas pour ce qui est des différences entre les grandes régions agricoles, dans ce cas en ce qui a trait aux insectes, aux différences géographiques, climatiques, notamment. Ma question vise à mettre les choses en perspective pour ce qui est de l'ensemble du territoire.

Au cours des cinq dernières années dans les trois provinces des Prairies, y a-t-il eu une augmentation importante de la superficie des terres cultivées? C'est là ma première question et j'en aurai une deuxième, courte.

M. Berg : Je dirais que non.

M. Nixon : En Alberta, à ma connaissance, non, il n'y a pas eu d'accroissement de la superficie des terres cultivées. On est au maximum de la capacité.

M. Campbell : Vraiment, je ne suis pas en mesure de vous parler de cela.

Le sénateur Ogilvie : Y a-t-il eu des changements importants dans la lutte contre les mauvaises herbes ou les parasites sur les terres non agricoles dans ces trois provinces, des friches, des bordures d'autoroute, les terres qui entourent les zones agricoles importantes?

M. Nixon : Non.

Il y a quelque chose qui m'énerve. En juillet et août, j'ai traversé l'ensemble de mon comté et j'ai pu voir des bandes de 10 ou 12 pieds de large de trèfles jaunes, morts ou desséchés. Lorsqu'on parlait de nutrition des abeilles, j'ai mentionné que c'était là un domaine qui pouvait être amélioré. Les apiculteurs de l'Alberta ont formé un comité pour tenter d'entamer ce genre de discussion avec les administrations régionales et les gouvernements provinciaux. Nous demandions de l'aide pour que cette discussion ait lieu.

Ces discussions intéresseraient aussi le Conseil canadien du miel parce que, d'après ce que l'on entend, les choses peuvent changer d'une région à l'autre. Cela dépend de quelle frontière on parle, et il y a aussi probablement d'autres secteurs avec lesquels on peut collaborer pour obtenir leur aide. Je pense qu'on utilise de plus en plus de produits chimiques car ils sont pratiques à utiliser.

Le sénateur Ogilvie : Pour revenir à ma question, au cours des cinq dernières années, pensez-vous qu'il y ait eu un accroissement considérable de ces activités?

M. Nixon : Oui.

Le sénateur Ogilvie : En Alberta.

M. Nixon : Oui. Il y a quelques années, j'ai appelé quelqu'un à ce sujet et on était censé utiliser des modes de traitement localisés, mais je n'en vois plus; je vois des camions dont le vaporisateur latéral va d'un bord à l'autre de la route.

Le sénateur Ogilvie : Qu'en est-il au Manitoba et en Saskatchewan?

M. Berg : Au cours des cinq dernières années, nous avons assisté à un accroissement de l'utilisation de la vaporisation au hasard sur les cultures et le long des routes.

M. Campbell : Nous avons assisté à la même chose. Comme Kevin l'a indiqué, si vous conduisez, vous allez voir des endroits où il y a des arbres et où il devrait y avoir des plantes en fleur mais où l'on ne trouve que des arbres morts. Un apiculteur de ma ville a perdu des ruches cette année en raison de la vaporisation, par la municipalité, de produits contre les sauterelles. Lorsque les agriculteurs procèdent à un traitement contre les sauterelles, il semble étrange de vaporiser les fossés pour les mêmes raisons.

Le sénateur Ogilvie : Merci.

Le sénateur Demers : Ce soir, je remplace un de mes collègues.

Je viens de la ville, et j'ai une observation et une question. Quel comité! C'est incroyable tout ce que j'ai appris ce soir. J'habite dans une région où les abeilles me rendent fou. Elles piquent mon chien. Je brûle ce qui reste sur le toit. Je peux vous assurer que je ne tuerai plus jamais une abeille.

J'ai bien écouté tout le monde. Quelle mine de renseignements! Je suis vraiment content de remplacer un sénateur. Je ne tente pas de me faire une place au sein du comité d'ailleurs. J'essaie simplement de faire preuve de franchise. Je ne pensais pas que les abeilles pouvaient être aussi importantes. Oui, elles font du miel, mais elles sont aussi extrêmement importantes pour notre pays. Merci beaucoup de votre exposé. Cela m'a beaucoup éclairé. On dit souvent qu'on ne cesse jamais d'apprendre, et j'en ai appris beaucoup ce soir.

L'industrie de l'apiculture au Canada englobe les apiculteurs commerciaux de même que les apiculteurs amateurs. Ma question est la suivante : Quelles sont les difficultés associées à la diversité de producteurs?

M. Hicks : Le sénateur Mercer a déjà abordé ce sujet. Je ne pense pas que cela relève du mandat du comité, étant donné que cela touche à l'économie de l'apiculture, mais on a parlé d'économie de coin de table et c'est un peu ce que nous avons fait cet après-midi.

Si vous prenez les chiffres bruts de Statistique Canada, il semble que chaque Canadien contribue à hauteur de 7 $ à l'industrie de l'apiculture. On a parlé de fruits, de baies et de noix et de l'apport des abeilles mellifères partout au pays. Il semble qu'une contribution de 7 $ par personne ne soit pas si considérable. Comme industrie, dans une certaine mesure, nous manquons de professionnalisme dans ce que nous faisons, en matière de lutte antiparasitaire intégrée et notre capacité d'avoir recours à des professionnels pour mettre en place des programmes de lutte antiparasitaire intégrée, entre autres choses. Je dirais qu'on pourrait peut-être, pour améliorer l'industrie, faire passer la contribution de chaque Canadien à l'industrie de l'apiculture à 12 ou 13 $, ce qui n'est pas un fardeau financier excessif pour un pays comme le Canada. Cela pourrait beaucoup changer la donne pour l'industrie de l'apiculture.

M. Nixon : Je vais revenir à la question qui a été posée.

Pour faire quelques observations sur votre déclaration préliminaire, le tiers de ce que nous mangeons nécessite la pollinisation par une abeille domestique. C'est donc considérable.

Les apiculteurs en milieu urbain, les apiculteurs amateurs, constituent un élément important de l'industrie. À bien des égards, ils sont le visage de notre secteur. Comme apiculteurs commerciaux, nos entreprises ne sont pas forcément représentées dans les marchés des centres-villes, exposées au public. Ils constituent un pont important du secteur. L'un des obstacles consiste à leur transmettre cette information, et c'est ce qu'on a demandé plus tôt. Comment pouvons- nous assurer cette transmission d'informations?

Nous pensons que cela fonctionne en Alberta, mais il a fallu procéder à certains changements pour y parvenir. À cause du contexte dans lequel se trouve l'industrie de l'apiculture depuis les dernières années, les campagnes de préservation des abeilles existent partout, et c'est une excellente chose pour l'industrie. Il y a des gens qui souhaitent gérer leurs abeilles de la façon la plus biologique possible, ce qui est bien, mais le fait est que les abeilles volent et qu'elles échangent des maladies et des parasites. Le but est d'assurer cet échange d'information entre les groupes, qui peuvent très bien décider de ne pas s'en servir. La décision leur appartient, mais c'est aussi un risque d'exposition pour les apiculteurs commerciaux. Cependant, il y a cette relation.

Le président : Messieurs Berg et Campbell, souhaitez-vous ajouter quelque chose à la réponse?

M. Berg : Je ne pense pas avoir grand-chose à ajouter.

M. Campbell : Je pense que c'est une bonne opinion.

[Français]

Le sénateur Rivard : Ma question s'adresse à M. Nixon.

Dans votre présentation, à la section C, intitulée « Les facteurs qui influent sur la santé des abeilles », vous énoncez qu'il ne semble pas y avoir de nombreux incidents liés à des pesticides agricoles en Alberta, malgré l'utilisation des mêmes produits sur le canola, la pomme de terre et le maïs. Vous attribuez cette situation au succès de votre programme de communication et d'éducation des applicateurs par voie aérienne. Pouvez-vous apporter des précisions à ce sujet et nous dire également si ce programme d'éducation est en fonction et s'il en existe un au Québec et en Ontario?

[Traduction]

M. Nixon : Je ne suis pas certain du fait que cette relation existe au Québec et en Ontario. Je pense que vous pourriez convoquer des témoins qui seraient plus à même de répondre à cette question que moi.

Dans mes observations, j'ai indiqué qu'il y avait deux choses différentes. La relation avec les applications aériennes, c'est-à-dire l'application foliaire à des cultures, et cette relation se renforce chaque année, je dirais, de même que la relation avec les exploitants agricoles. Bon nombre de ces derniers procèdent eux-mêmes à la vaporisation, et la communication est la clé. Partout dans la province, je pense que les choses s'améliorent de plus en plus.

Le deuxième aspect, c'est toute la question des néonicotinoïdes et des pesticides utilisés sur le canola et d'autres cultures. C'est ce à quoi je fais référence. Les néonicotinoïdes utilisés sur le maïs et le soya, lorsque l'on entend parler de ces incidents en Ontario et au Québec, sont le même produit que celui qui est employé sur les graines de canola dans l'Ouest du Canada, et on n'observe donc pas les mêmes incidences que dans les Prairies.

Le sénateur Mercer : Messieurs, des témoins du Canada atlantique et, je pense, aussi du Québec ont parlé de la coopération entre les apiculteurs et les exploitants agricoles en matière de vaporisation, et il se peut que ces témoins proviennent aussi de l'Ontario. Cette coopération permettait aux exploitants agricoles d'accepter de ne pas vaporiser. S'ils savaient où se trouvaient des ruches, ils acceptaient de ne pas vaporiser lorsque le vent soufflait dans cette direction ou, si possible, ils vaporisaient la nuit lorsque les abeilles sont dans leur ruche. Il me semble que ce n'est pas la seule solution au problème, mais cela semble être une mesure relativement simple qui a fait ses preuves. C'est une solution humaine par opposition à une solution scientifique.

S'efforce-t-on, du côté de l'industrie de l'apiculture et du côté des exploitants agricoles, de parvenir à une entente pour que, dans la mesure du possible, la vaporisation ait lieu la nuit, ou, si le vent souffle dans un sens, les exploitants agricoles décident de reporter la vaporisation pour s'attaquer aux cultures qui ne sont pas à proximité de ruches et de revenir vaporiser l'autre champ soit quand il n'y a pas de vent ou que le vent souffle dans une autre direction? S'efforce-t-on de parvenir à un certain degré de coopération et de coordination?

M. Berg : En Saskatchewan, nous avons beaucoup travaillé là-dessus. Au cours du dernier hiver, nous avons travaillé à la mise en place de DriftWatch, qui est une carte GPS qui permet aux apiculteurs de localiser leurs ruches. Les utilisateurs de pesticides seront en mesure de consulter ce système de cartographie afin de connaître l'emplacement de toutes les ruches.

Le sénateur Mercer : Que cela va-t-il faire? Va-t-il y avoir une entente officielle ou une entente officieuse, si je puis m'exprimer ainsi, entre les apiculteurs et les exploitants agricoles?

M. Berg : Pour le moment, c'est un système que l'on utilise de façon volontaire. Les opérateurs ne seraient pas obligés de se servir de ce système. Mais cela permet de connaître l'emplacement des ruches. Par le passé, on a souvent entendu dire : « Oh, je ne savais pas que les abeilles étaient là. »

Le sénateur Mercer : C'est là une question que je tenais à poser, car c'est ce que nous avons entendu au début de l'étude. Si une ruche est située à côté d'un champ et que les abeilles y sont, l'exploitant agricole ne sait-il pas qu'elles sont là? S'il l'ignore, c'est peut-être qu'elles sont, bien sûr, dans une autre exploitation agricole. N'y a-t-il pas un moyen d'identifier rapidement, au moyen, par exemple, d'un drapeau placé au-dessus de la ruche, l'emplacement des ruches, afin que l'exploitant agricole sache que, même s'il ne s'agit pas d'abeilles lui appartenant, des abeilles sont quand même présentes. Il doit y avoir un moyen universel d'identifier une ruche afin que tous les exploitants agricoles soient au courant. Ils ont besoin de vous tout autant que vous avez besoin d'eux, si ce n'est pas plus. Il doit certainement y avoir un moyen de se rassembler et de coopérer en identifiant l'emplacement des ruches et en incitant les exploitants agricoles à procéder à une vaporisation responsable. Je ne veux pas dire qu'ils devraient arrêter de vaporiser, mais je parle de vaporisation intelligente. S'agit-il de ce que DriftWatch permettra de faire?

M. Berg : C'est exactement l'objectif de DriftWatch. En Saskatchewan, bien souvent, nos ruches sont cachées dans de vieilles cours abandonnées et entourées d'arbres de 30 ou 40 pieds de haut. Donc, à moins que votre voisin agriculteur ne traverse l'endroit par hasard, il n'a aucune raison de s'y rendre. Des abeilles pourraient s'y trouver pendant 20 ans sans même qu'il le sache, et il pourrait avoir un pré un quart de mille ou un demi-mille de là.

Le sénateur Mercer : Ces prés sont pollinisés par ces abeilles.

M. Berg : C'est là le problème. À moins d'être dans un avion, si vous vaporisez à l'aide d'équipement au sol, il se peut que vous ne soyez pas au courant de l'existence de ces ruches.

M. Nixon : C'est un sujet délicat. Les abeilles peuvent se déplacer dans un rayon de trois milles, et couvrent donc une grande superficie. Je pense qu'il y a là aussi des différences régionales car, dans les Prairies, on exploite de grandes terres d'un quart de section. Dans bien des cas, un agriculteur possède beaucoup de terres dans une région précise. Lorsque l'on vient dans l'est, on s'aperçoit que ces quarts de section de terre sont divisés en parcelles beaucoup plus petites et réparties entre plusieurs propriétaires. Combien de gens va-t-il falloir appeler pour prendre les dispositions nécessaires pour vaporiser ou non en l'absence ou en présence de vent? Il faut tenir compte de l'aspect pratique des choses. Nous savons qu'il y a une certaine marge de manœuvre permettant aux cultivateurs de contrôler certaines choses, et c'est ce que nous devons respecter.

C'est une question délicate. Je pense qu'on a fait des progrès considérables grâce aux travaux de l'ARLA pour ce qui est de la façon dont on évalue les produits chimiques et dont on homologue les nouveaux produits à la lumière de leur toxicité pour les abeilles. Dans ce domaine aussi, du bon travail est réalisé.

Le sénateur Mercer : Et qu'en est-il de l'assemblée annuelle de la Fédération canadienne de l'agriculture? Les apiculteurs y assistent-ils?

Monsieur Hicks, vous avez mentionné l'éducation tantôt, mais ça, c'était à l'interne. N'est-ce pas la responsabilité des apiculteurs de sensibiliser les agriculteurs à l'échelle nationale, d'assister à l'assemblée annuelle et aux rencontres régionales de la fédération pour dire : « Voici notre problème et savez-vous que, si vous n'y réagissez pas, vous n'allez pas réussir par la suite? »

M. Nixon : Je crois que cela a commencé à se faire, mais il y a encore beaucoup à accomplir à cet égard. Le Conseil canadien du miel a certainement entamé des discussions avec certains de ces autres secteurs. Mais il nous reste beaucoup de chemin à faire et vous avez tout à fait raison de dire que nous devons aller rencontrer ces gens et leur expliquer les modalités et les raisons. Cela doit se faire à tout prix.

La sénatrice Buth : J'aurais un commentaire donnant suite à ceux du sénateur Robichaud. L'ACIA a comparu devant le comité et a discuté de son évaluation des risques. Donc, je ne voulais pas vous donner l'impression qu'elle n'avait pas comparu.

Le sénateur Robichaud : Mon commentaire, madame la sénatrice Buth, portait sur la lettre qu'ils lui ont envoyée.

La sénatrice Buth : Cela fait partie du processus d'évaluation des risques. C'est un simple commentaire de ma part.

Le sénateur Robichaud : Ce sont des questions fort importantes. D'après moi, ils peuvent y répondre ici.

La sénatrice Buth : Désolée de mal lancer le débat.

Je me pose une question au sujet de vos prélèvements. Chacune de vos organisations a-t-elle un système de prélèvements ou de redevances, et comment cet argent est-il dépensé?

M. Campbell : Nous n'avons pas de prélèvements pour ainsi dire, au Manitoba pour les abeilles.

Le sénateur Baker : Dans ce cas, comment votre organisation survit-elle?

M. Campbell : Nous arrivons tout juste. Nous comptons principalement sur les cotisations des membres. Aussi, nous recueillons de petites sommes grâce aux échantillons qui sont analysés pour vérifier l'état de santé des abeilles.

M. Berg : En Saskatchewan, nous avons deux organisations. Il y a la Saskatchewan Beekeepers' Association, qui dépend entièrement des cotisations de membres et des recettes publicitaires, ainsi que la Saskatchewan Beekeepers Development Commission, qui mise entièrement sur les prélèvements.

La sénatrice Buth : Et quelle est cette somme?

M. Berg : Je crois qu'il s'agit actuellement d'un dollar par ruche.

La sénatrice Buth : Et cet argent est versé dans un fonds commun?

M. Berg : Effectivement, il est versé dans un fonds commun, ayant comme mandat la recherche et l'éducation.

M. Nixon : Notre commission est réglementée. Il s'agit d'une commission volontaire, à laquelle les producteurs versent une redevance par ruche. Ils paient un montant fixe en plus du prélèvement par ruche. Le tout est volontaire. Donc, ils peuvent demander un remboursement.

Nous avons assez bien réussi depuis la création de la commission, qui existe depuis 2002, soit depuis un peu plus de 10 ans. Je crois que, parmi nos producteurs, nous jouissons d'un niveau de conformité (si c'est le bon mot à emprunter) ou de soutien qui s'élève à 95 p. 100. Nous avons une excellente gestionnaire au bureau qui s'occupe de l'argent comme s'il s'agissait du sien, et nous arrivons à allouer environ un quart de notre budget au financement de la recherche.

La sénatrice Buth : Savez-vous si le Conseil canadien du miel ou toute autre association apicole a accès à des fonds par le truchement des grappes de recherches, c'est-à-dire les grappes agroscientifiques?

M. Hicks : Oui. Les membres de l'Association canadienne des apiculteurs professionnels ont accès au financement du CRSNG et d'AgroInnovation. Il existe en outre plusieurs organismes de financement auxquels peuvent avoir accès nos professionnels.

M. Berg : En Saskatchewan, nous avons l'équipe d'adaptation, qui vient juste de recevoir une subvention de 499 000 $. Medhat Nasr y participe aussi. Rob Currie, du Manitoba, participe également à cette étude. Il s'agit d'une étude triennale. Par ailleurs, ces messieurs sont déjà venus témoigner devant votre comité par le passé.

La sénatrice Buth : J'aurais une question au sujet de la pollinisation des amandes. Monsieur Campbell, vous avez parlé de pouvoir gagner le même revenu qu'obtiennent les apiculteurs en pollinisant les amandes. Savez-vous ce qu'ils reçoivent pour la pollinisation des amandes aux États-Unis?

M. Campbell : Par le passé, je crois qu'ils recevaient jusqu'à 150 $ par colonie.

La sénatrice Buth : Alors, ils étaient payés pour placer les colonies dans un champ d'amandiers?

M. Campbell : C'est exact, oui, tout comme dans le cas des bleuets au Canada, ou des canneberges, ou même du canola hybride en Alberta.

La sénatrice Buth : Et que recevez-vous pour la production du canola hybride, monsieur Nixon?

M. Nixon : Il existe évidemment certaines petites différences entre les entreprises. Chacune a son propre contrat. Elles inspectent nos ruches, examinant 10 p. 100 des abeilles que nous fournissons et leur accordant une cote. Donc, il y a un barème. C'est environ 150 par ruche comme montant de base.

La sénatrice Buth : Cela ressemble donc au service de pollinisation que vous fournissez.

M. Nixon : Oui.

Le sénateur Robichaud : Pour que tout cela soit clair, et je sais que la lettre ou l'information que vous nous avez fait parvenir l'indique, le coût lié à l'importation des abeilles de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie comparativement au coût de les importer de la Californie, et leur état de santé lorsqu'elles arrivent ici, tout cela a une influence directe sur le prix que vous payez pour ce que vous obtenez.

M. Nixon : À cause de notre dollar, je crois que le prix des abeilles de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande a augmenté de 10 à 15 p. 100 au cours des dernières semaines. À l'heure actuelle, il semblerait que le prix des abeilles en paquets s'élèverait à environ 150 $ pour un paquet de deux livres, ou d'un kilo de la Nouvelle-Zélande.

On pourrait consulter une revue d'apiculture américaine aujourd'hui et y voir une annonce d'un paquet d'abeilles de trois livres se vendant 45 $. Nous sommes tous des gens d'affaires, et les Américains savent très bien à quel prix nous achetons les paquets d'abeilles de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande. Pour être réalistes, nous ne nous attendons pas à ce que ces paquets se vendent au prix de 45 $; mais la santé en soi a son prix. De l'Australie et la Nouvelle-Zélande, une bonne partie du prix de 150 $ est attribuable aux frais de transport. Par moment, le problème pour commander des paquets, c'est la quantité d'avions et d'espace disponibles pour transporter les abeilles. Vous pouvez bien vous imaginer qu'il s'agit d'une cargaison délicate. Nous avons déjà perdu des cargaisons entières en transit à cause du surchauffage. Il y a certainement des risques liés à l'importation des paquets. D'après nous, pour optimiser nos investissements, nous pouvons obtenir des abeilles qui sont tout aussi bonnes ou encore supérieures pour le même montant ou encore moins.

Le sénateur Robichaud : De la Californie.

M. Nixon : Oui.

La sénatrice Buth : J'ai appris qu'il existe de l'assurance pour les abeilles en Saskatchewan. S'agit-il d'un nouveau programme? Pouvez-vous m'en parler un peu?

M. Berg : L'assurance-mortalité a été annoncée hier par le programme d'assurance-récolte de la Saskatchewan. Malheureusement, je n'ai pas pu assister à l'annonce puisque j'étais déjà en route vers Ottawa. C'est du tout nouveau pour nous. Je crois que le Manitoba et l'Alberta ont déjà mis en œuvre un tel programme. C'est la première année que nous y aurons accès. Malheureusement, je n'en connais pas encore les détails.

La sénatrice Buth : C'est un domaine bien intéressant en matière d'assurance. Peut-être que nos analystes pourraient se renseigner davantage.

M. Campbell : Nous avons maintenant deux ans d'expérience de l'assurance contre la mortalité hivernale. Cet hiver est le troisième. J'ai participé au programme d'assurance, et la première année s'est passée sans sinistre. L'an dernier, j'ai été moins chanceux. Je préfère largement avoir des abeilles dans mes ruches plutôt que de recevoir de l'argent pour essayer d'en obtenir d'autres. Lorsque vous subissez une perte énorme comme la nôtre, et que votre hiver dure aussi longtemps que le nôtre, c'est trop tard, dans bien des cas, pour commander de nouvelles abeilles une fois qu'on a découvert la perte. Vous recevez de l'argent de la société d'assurance pour compenser cette perte, et cela devient votre revenu pendant le reste de l'année puisque vous n'avez plus celui que rapportaient les ruches perdues.

Cela permet à bien des entreprises de survivre, mais ce n'est pas la solution.

La sénatrice Buth : Je comprends, et j'étais simplement curieuse puisque je n'avais pas entendu parler du programme d'assurance. Nous aimerions mieux ne pas avoir à gérer des situations comme des inondations.

M. Campbell : Nous sommes très reconnaissants pour tout ce qu'a fait la Société des services agricoles du Manitoba pour nous.

La sénatrice Buth : Monsieur Nixon, que savez-vous de l'assurance-mortalité?

M. Nixon : Cela existe en Alberta depuis environ cinq ans, je crois. La participation ne s'est pas avérée très élevée jusqu'ici. Compte tenu du coût de l'assurance, il ne valait vraiment pas la peine de faire une réclamation, mais dans certaines circonstances, cela pourrait s'avérer utile. J'ai des commentaires semblables à ceux de M. Campbell.

La sénatrice Buth : Je vous remercie.

Le sénateur Robichaud : Pouvons-nous nous attendre à recevoir une copie de la réponse que vous obtiendrez de l'ACIA?

M. Nixon : Si nous en obtenons une, je pense que nous pourrions la partager avec vous.

Le sénateur Robichaud : D'accord.

Le président : Voilà une courte question et une brève réponse.

Antérieurement, le comité a entendu parler du rôle clé que jouent les abeilles indigènes dans la pollinisation des récoltes, des fruits et des légumes dans l'ensemble du Canada. Pouvez-vous nous dire si certains de vos membres élèvent des abeilles indigènes et quel pourcentage de ces abeilles seraient indigènes?

Je commencerai par M. Nixon. C'était une question brève nécessitant une réponse brève.

M. Nixon : Non, nous, les apiculteurs commerciaux, élevons des colonies d'abeilles de miel européennes. Les abeilles indigènes vivent dans la population, et nous utilisons une souche qui est censée produire des abeilles de miel pour polliniser. Les abeilles indigènes vivent naturellement dans des peuplements plus petits et sont moins faciles à élever.

M. Berg : Je n'ai rien à rajouter.

M. Campbell : Non. Je rajouterai simplement qu'il s'agit non seulement de petites populations mais aussi de faibles densités de population. Comme il l'a indiqué, dans la plupart des Prairies, les zones agricoles sont énormes. Donc, il ne reste probablement plus beaucoup de place pour elles.

Le président : J'aimerais dire aux témoins que leur témoignage a été très instructif. Votre présence ici démontre votre niveau de coopération par rapport au mandat de notre étude sur la santé des abeilles. Je vous remercie beaucoup. Si par la suite vous vouliez rajouter des commentaires à votre témoignage, n'hésitez surtout pas à communiquer avec le greffier du comité.

Monsieur Nixon, avant de lever la séance, je vous donne le dernier mot.

M. Nixon : Je voulais simplement vous remercier de votre invitation à témoigner et de votre étude approfondie de cet enjeu. J'aimerais bien vous lancer une invitation. Si jamais vous êtes en Alberta, veuillez s'il vous plaît communiquer directement avec notre bureau. Nous nous ferions un plaisir de vous montrer comment fonctionne l'élevage des abeilles en Alberta.

Le sénateur Demers : Monsieur Nixon, il possède un condo en Floride.

Le président : Nous avons terminé. Je remercie les témoins.

(La séance est levée.)


Haut de page