Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule no 7 - Témoignages du 25 mars 2014
OTTAWA, le mardi 25 mars 2014
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 h 35, pour poursuivre son étude sur l'importance des abeilles et de leur santé dans la production de miel, d'aliment et de graines au Canada.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, nous allons commencer. Je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. J'aimerais remercier les témoins d'avoir accepté notre invitation.
Je suis le sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick. Avant de procéder à l'ordre de renvoi, je demanderais à tous les sénateurs de bien vouloir se présenter.
La sénatrice Tardif : Bonjour et bienvenue. Je suis la sénatrice Claudette Tardif, de l'Alberta.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud, St-Louis-de-Kent, Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Rivard : Michel Rivard, les Laurentides, de la province de Québec.
[Traduction]
La sénatrice Buth : JoAnne Buth, du Manitoba.
Le sénateur Ogilvie : Kenneth Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.
Le président : Merci.
Madame et messieurs les témoins, le comité poursuit son étude sur l'importance des abeilles et de leur santé dans la production de miel, d'aliment et de graines au Canada.
[Français]
Le comité continue son étude autorisée par le Sénat du Canada afin d'étudier, pour en faire rapport, l'importance des abeilles et de leur santé dans la production de miel, d'aliment et de graines au Canada. Plus particulièrement, le comité sera autorisé à étudier les éléments suivants :
[Traduction]
a) l'importance des abeilles dans la pollinisation pour la production d'aliment au Canada, notamment des fruits et des légumes, des graines pour l'agriculture et du miel;
b) l'état actuel des pollinisateurs, des mégachiles et des abeilles domestiques indigènes au Canada;
c) les facteurs qui influencent la santé des abeilles domestiques, y compris les maladies, les parasites et les pesticides, au Canada et dans le monde;
d) les stratégies que peuvent adopter les gouvernements, les producteurs et l'industrie pour assurer la santé des abeilles.
Honorables sénateurs, nous accueillons aujourd'hui quatre témoins. D'abord, Mme Anne Fowlie, première vice- présidente du Conseil canadien de l'horticulture.
[Français]
M. Michel-Antoine Renaud, directeur général, Alliance canadienne de l'horticulture ornementale (ACHO).
[Traduction]
Nous accueillons également M. Cary Gates, directeur de la Gestion des organismes nuisibles chez Flowers Canada Growers, et le Dr Derek Lynch, professeur agrégé et titulaire d'une chaire de recherche du Canada en agriculture biologique de l'Université Dalhousie.
Nous allons maintenant entendre les exposés des témoins, après quoi nous passerons à la période des questions. Notre greffier, M. Pitman, m'informe que nous entendrons d'abord Mme Fowlie, suivie de M. Renaud, de M. Gates et du Dr Lynch.
Madame Fowlie, vous avez la parole.
[Français]
Anne Fowlie, première vice-présidente, Conseil canadien de l'horticulture : Merci beaucoup, monsieur le président. Merci aussi aux membres.
[Traduction]
Nous sommes très reconnaissants envers le comité pour cette occasion de venir discuter du sujet de l'ordre de renvoi. Ce n'est un secret pour personne que le secteur agricole dépend énormément des produits antiparasitaires et des pollinisateurs, comme les abeilles. Selon nous, le secteur horticole est un modèle exemplaire de la coexistence entre les agriculteurs, les producteurs et les pollinisateurs résistants. Cette coexistence est absolument nécessaire : sans abeilles, il n'y a pas d'aliments; inversement, sans outils ou produits de gestion des cultures, il n'y a pas d'aliments.
Les pommes, les bleuets et les cerises sont des exemples plutôt saisissants de cette coexistence. Par exemple, l'industrie du bleuet dépend beaucoup de la pollinisation. Selon Gary Brown, de la société Oxford Frozen Foods : « Nous comptons environ 100 millions de fleurs par acre, alors, les abeilles jouent un rôle très, très important dans la pollinisation de notre culture. »
[Français]
Je ne suis pas scientifique. Mes commentaires ne seront donc pas scientifiques.
[Traduction]
Toutefois, nous croyons fermement en une approche scientifique aux questions comme celles que nous abordons aujourd'hui. Nous nous appuyons sur la recherche, l'innovation et un cadre réglementaire favorable pour proposer de nouvelles technologies et de nouvelles compositions chimiques.
Je remarque que, dans le cadre de cette étude, le comité a entendu d'excellents exposés, dont celui d'un de nos membres, Oxford Frozen Foods Limited, qui respecte rigoureusement l'engagement d'investir dans les pollinisateurs et de gérer cette population. La réussite de cette société et celle des autres seraient impossibles sans cet engagement que tous les intervenants doivent observer et accepter.
Le Conseil canadien de l'horticulture représente des producteurs de partout au pays qui se livrent à la production et à l'emballage de plus de 100 cultures de fruits et légumes, des pommes au zucchini. Parmi nos membres, on trouve des organismes provinciaux et nationaux de produits horticoles, ainsi que des organismes alliés et de services, des gouvernements provinciaux et des producteurs individuels.
Nous représentons nos membres dans plusieurs dossiers, comme la protection des cultures, l'approvisionnement régulier en main-d'œuvre agricole, l'innocuité et la traçabilité des aliments, l'accès équitable aux marchés, à la recherche et à l'innovation, et la gestion du risque. Notre mission est très claire et très importante : développer une industrie horticole plus novatrice, rentable et durable pour les générations à venir. Les producteurs horticoles s'engagent à ce que les exploitations agricoles canadiennes performantes puissent continuer à offrir des aliments salubres et sains aux familles canadiennes et au reste du monde.
Je crois que nous avons démontré un bilan de réussite à cet égard. Parmi ces réussites, on compte la création du Programme des travailleurs agricoles saisonniers qui permet aux agriculteurs de disposer d'une main-d'œuvre précieuse. Ce programme a été créé il y a plus de 40 ans grâce à la vision et au leadership du secteur. Il s'agit, selon moi, d'une excellente histoire de réussite et une des plus importantes et remarquables au Canada en matière d'aide étrangère. Le CCH a joué un rôle essentiel dans la création du Centre de la lutte antiparasitaire d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. D'ailleurs, avant la création de ce centre, le CCH était le « IR-4 Nord » dans le cadre des essais canadiens qu'il a coordonnés. Le CCH a également élaboré et mis sur pied le CanadaGAP, un programme de salubrité des aliments à la ferme pour les fruits et légumes cultivés au Canada, le premier programme d'innocuité alimentaire équivalent à l'Initiative mondiale pour la sécurité alimentaire.
Nous avons également mené une initiative de collaboration avec, notamment, le Fonds mondial pour la nature afin de développer un programme intégré de production fruitière. Nous sommes également fiers d'être un des membres fondateurs de l'initiative Cultivons l'avenir.
En vertu d'une production primaire évaluée à plus de 5 milliards de dollars et à plus de 10 milliards de dollars après l'emballage et la transformation, nous sommes l'un des plus importants secteurs de production agricole. Nos exportations s'élèvent à plus de 3 milliards de dollars, ce qui est considérable. Nous sommes un agent de croissance économique. Nous continuons et continuerons à créer des emplois. Après tout, nous sommes une industrie de croissance; la production horticole a doublé au cours des 25 dernières années.
Encore une fois, vous avez entendu certaines de nos histoires de réussite, notamment en ce qui concerne la production de bleuets dans l'Est du Canada. Bien entendu, il y a d'autres exemples de réussite avec d'autres cultures ailleurs au pays. L'an dernier, le ministre Ritz et le Secrétariat à l'accès au marché ont permis aux cerises canadiennes de pénétrer le marché chinois et d'autres bonnes nouvelles du genre sont à venir.
La réussite repose sur de nombreux facteurs, dont de bonnes pratiques de production, de gestion et de gérance dans les exploitations agricoles, sans oublier le facteur le plus important, les pollinisateurs.
Les pollinisateurs jouent un rôle important dans la réussite agricole. Comme je l'ai souligné, le secteur horticole canadien est un modèle exemplaire de cette coexistence. Déjà élevés, les chiffres ont augmenté considérablement au cours des 20 dernières années et, selon Statistique Canada, ils ont atteint un sommet encore jamais vu. Aujourd'hui, on compte plus de 8 000 apiculteurs au Canada et plus de 600 000 ruches. Cela représente une augmentation d'environ 24 p. 100 depuis 2000. Selon certaines statistiques et études, la population mondiale des abeilles domestiques a également augmenté.
Certains rapports publiés récemment font état d'un déclin de la population des abeilles domestiques et d'autres pollinisateurs. Bien entendu, cela a suscité un vif intérêt auprès de la communauté scientifique et du public. Même si plusieurs facteurs potentiels sont pointés du doigt pour expliquer ce déclin, aucun facteur n'a été défini comme étant la cause principale.
Les néonicotinoïdes sont devenus un outil antiparasitaire important en horticulture, y compris dans le cadre de programmes antiparasitaires intégrés. Ils constituent un moyen efficace de contrôler certains parasites pendant la saison des cultures agricoles. Selon les experts, au cours des dernières années, des inquiétudes ont été soulevées au Canada et à l'étranger sur la santé à long terme des pollinisateurs. Cependant, les chercheurs canadiens qui s'intéressent aux abeilles conviennent massivement que les principaux agents stressants pour les abeilles sont les parasites, la maladie, l'alimentation inadéquate et la météo. À certains égards, ce sont les mêmes agents stressants qui nous affectent nous. Lorsqu'on est épuisé ou fatigué, par exemple, on est plus susceptible d'attraper quelque chose.
Le milieu international de la recherche travaille à définir et à caractériser l'impact de ces facteurs. Notre industrie doit déjà composer avec un nombre limité de produits antiparasitaires. Si un produit devait être frappé d'une interdiction absolue, cela aurait des conséquences dévastatrices.
Les abeilles et les pesticides jouent tous les deux un rôle essentiel en agriculture. Les abeilles pollinisent de nombreuses cultures importantes, alors que les pesticides protègent les cultures contre les parasites et les maladies. Ainsi, la science des végétaux s'engage à faire en sorte que l'agriculture et les abeilles puissent coexister, être florissantes de santé et prospérer. Grâce à une meilleure communication, la coexistence est possible. L'an dernier, les producteurs ne savaient peut-être pas toujours quelles mesures adopter. Au cours de l'hiver, et grâce à une plus grande vigilance, ils ont pris connaissance de certaines mesures pratiques qu'ils peuvent mettre en œuvre dans leurs champs. Aussi, plusieurs groupes d'études ont été créés.
Les problèmes de santé de la population des abeilles ne sont pas uniques à l'Ontario ou à une région en particulier. L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire du Canada collabore avec diverses organisations, dont la U.S. Environmental Protection Agency, l'Autorité européenne de sécurité des aliments et l'OCDE. Elle participe également à différents groupes de travail sur les pollinisateurs et travaille à l'élaboration de stratégies de gestion.
Évidemment, Agriculture Canada étudie également certaines choses. D'ailleurs, un important atelier sur les abeilles a eu lieu aujourd'hui à Ottawa, et le CCH y était à titre de participant.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Avec ceci?
Mme Fowlie : Oui, c'était aujourd'hui, à Agriculture Canada.
[Traduction]
La santé des pollinisateurs est un problème complexe influencé par de multiples facteurs. Cependant, lorsqu'on se concentre uniquement sur les pesticides, on perd de vue l'impact potentiel d'autres facteurs contributifs.
Les agriculteurs sont conscients que les pollinisateurs jouent un rôle essentiel dans la santé des cultures. Plus de la moitié des colonies d'abeilles au Canada participent chaque année à la pollinisation du canola. Les pollinisateurs jouent aussi un rôle nécessaire dans la production de certaines cultures clés, dont les pommes, les bleuets et les cerises, comme je l'ai mentionné, mais il y en a de nombreuses autres.
Un article publié récemment — je crois que c'était en page couverture du magazine Time — soulignait l'importance cruciale des abeilles domestiques et des autres pollinisateurs dans la vie de tous les jours : « Une bouchée sur trois est une gracieuseté des abeilles domestiques de l'Ouest. »
Les producteurs horticoles canadiens savent que les produits antiparasitaires et les pollinisateurs sont tous les deux nécessaires. La perte de l'un ou l'autre aurait des conséquences dévastatrices, non seulement pour l'industrie, mais aussi pour tous les consommateurs.
Certains de nos membres sont parmi les clients les plus importants des apiculteurs commerciaux au pays. D'ailleurs, un des problèmes les plus criants, notamment en horticulture, c'est le manque d'abeilles pour la pollinisation.
Une chose est claire : les apiculteurs, les producteurs horticoles et d'autres intervenants collaborent afin de trouver une solution équitable et raisonnable qui satisfait les besoins et protège les intérêts de toutes les parties concernées. Notre secteur se consacre pleinement à ce processus.
En terminant, il existe des possibilités de croissance, tant pour les producteurs que pour les apiculteurs. Il ne fait aucun doute que leur engagement, ainsi que celui d'autres intervenants pertinents, leur permettra de profiter de ses possibilités. La coexistence réussie et les solutions avantageuses ne sont pas une option; elles sont nécessaires.
[Français]
Michel-Antoine Renaud, directeur général, Alliance canadienne de l'horticulture ornementale : Monsieur le président, je remercie le comité de prendre écoute et de prendre foi de nos présentations. Je vais vous présenter en premier lieu l'Alliance canadienne de l'horticulture ornementale et M. Gates vous parlera des portions plus techniques qui ont un lien avec les abeilles.
L'Alliance canadienne de l'horticulture ornementale, c'est l'alliance des trois associations canadiennes qui représentent les producteurs de fleurs en serre, les producteurs en pépinière, les paysagistes, les architectes paysagers et, en fait, toute la chaîne des valeurs de l'horticulture ornementale à travers le pays.
C'est une alliance de trois associations, la Canadian Landscape Nursery Association (CLNA), la Flowers Canada Growers et la Fédération interdisciplinaire de l'horticulture ornementale du Québec. Ces trois associations font une alliance pour parler d'une seule voix sur les sujets d'enjeux nationaux au Canada.
Sa mission est d'offrir une voie unifiée qui représente et favorise des priorités durables pour l'horticulture ornementale canadienne. En ce qui concerne la question de la santé des abeilles et des pollinisateurs, nous pensons être en mesure d'apporter une voie de solution. En milieu urbain comme en milieu rural, l'horticulture ornementale, les fleurs et les plantes sont très importantes et peuvent produire une suite de solutions pour leur santé.
Je vais retourner un peu aux chiffres pour vous mettre dans le contexte de la taille de l'industrie. On parle de 1,75 milliard en termes de valeur de production à la ferme, dans les pépinières et les serres canadiennes. Cela représente une incidence économique de plus de 14,5 milliards au Canada, par l'emploi de plus de 200 000 Canadiens, soit plus de 38 000 en production primaire.
Il y a une production à l'exportation de 266 millions qui compte un peu plus de 2 000 acres de production en serre, un peu moins de 60 000 acres en pépinière, et un peu plus de 60 000 acres en gazonnière. Il y a environ 350 producteurs en serre au Canada qui produisent pour 1,13 milliard de fleurs coupées, de pots fleuris, de plantes à repiquer, en fait tout ce que vous utilisez pour jardiner à chaque été, pour fleurir vos maisons, pour fleurir les villes, les parcs et les jardins botaniques.
Pour ce qui est des pépinières et des gazonnières, il y a environ 3 500 exploitants en pépinière et 400 gazonnières. Parmi les quatre grandes sections que vous abordez dans le cadre de ce comité, il y en a deux en particulier sur lesquelles on peut travailler sur le plan de l'horticulture ornementale. Ce sont les secteurs qui influencent la santé des abeilles, y compris les maladies, les parasites et les pesticides au Canada et dans le monde, ainsi que le dernier point, sur les stratégies gouvernementales, les producteurs de l'industrie visant à assurer la santé des abeilles.
L'horticulture ornementale a comme avantage d'apporter une grande diversité de cultures. L'introduction d'une grande variété de fleurs et de plantes produit aussi une grande variété de possibilités d'alimentation pour les abeilles qui, comme de fait, les gardent en meilleure santé. Il y a des études canadiennes et internationales qui parlent de la santé des abeilles en milieu urbain et qui lient la variété de sources alimentaires produites par l'horticulture ornementale à la santé des abeilles. Dans le cadre de l'horticulture ornementale, il y a aussi l'écologisation des paysages urbains et ruraux grâce à la culture de plantes qui produisent des fleurs. Ce faisant, encore une fois, on offre une alimentation variée aux abeilles.
L'horticulture ornementale comporte d'autres avantages qui lui sont propres. Elle permet de filtrer les substances polluantes, de produire de l'oxygène, de faire fonction de puits de carbone. Elle fournit de l'ombre, réduit les îlots de chaleur dans les zones urbaines, réduit l'érosion des sols et préserve la qualité de l'eau.
Je pourrais vous nommer d'autres avantages de l'horticulture ornementale, mais je vais revenir sur les avantages pour les pollinisateurs. Ça leur fournit un habitat et permet aussi une augmentation des zones d'apiculture dans les zones urbaines. Il y a une mode quand même assez récente d'amener l'apiculture en milieu urbain, d'y installer des ruches pour la production de miel. Les études démontrent encore que le miel a une qualité différente; la qualité du miel produit en zone urbaine est souvent supérieure, justement à cause de la variété de plantes et de fleurs utilisées pour la pollinisation.
La seconde partie concerne le mode de production que nous avons en serre et en pépinière. La qualité des fleurs devant être mises en marché ou destinées à l'exportation doit être parfaite. Vous avez tous acheté des fleurs pour souligner une occasion. Vous savez qu'il ne peut manquer un pétale et qu'il ne peut y avoir une petite imperfection, et c'est ce que les producteurs doivent remettre à leurs grossistes et aux détaillants.
Pour ce faire, l'horticulture ornementale au Canada a été un leader international au chapitre de la lutte intégrée parce que l'homologation de pesticides est très limitée au Canada et le nombre d'outils est quand même très restreint. Il est important d'avoir plusieurs outils à sa disposition pour contrôler les insectes et les ravageurs. Compte tenu du nombre limité de pesticides dont on dispose, les biopesticides et les bioinsecticides ont pris beaucoup d'importance dans la lutte contre les insectes ravageurs. Toutefois, il nous faut des produits dans notre coffre à outils, tels que les néonicotinoïdes à certaines occasions.
Il faut tenir compte du fait que c'est la science qui tranche ces questions. Nous sommes intéressés à participer aux groupes de discussion parce que c'est un sujet très important. Nous figurons parmi les sources de solution pour la santé des pollinisateurs et la santé des abeilles. Notre participation peut être positive et c'est important pour nous d'y participer.
Je vais passer la parole à mon collègue Cary Gates, qui va parler des portions techniques liées au contrôle des insectes.
[Traduction]
Cary Gates, directeur, Gestion des organismes nuisibles, Flowers Canada Growers : Merci. C'est un honneur et un privilège de venir témoigner devant le comité. Merci de nous avoir invités.
J'aimerais parler de certaines pratiques de production nécessaires à la culture des plantes ornementales et revenir sur certains commentaires formulés par mon collègue Michel-Antoine.
Habituellement, les consommateurs de marchandises agricoles tolèrent très peu les produits qui ne sont pas esthétiquement parfaits. C'est une distinction importante et il faut le souligner. Cela est vrai également dans la production agricole conventionnelle. Les consommateurs exigent des produits parfaits, qu'il s'agisse de fleurs ou d'arbustes, et tolèrent peu les dommages. Par conséquent, les pesticides et les autres outils antiparasitaires jouent un rôle crucial dans cette production.
Cela dit, il est important de comprendre que les pesticides sont appliqués par des professionnels licenciés qui suivent les directives légales sur les étiquettes légales approuvées par Santé Canada et les méthodes strictes de LAI. Flowers Canada Growers et l'Alliance canadienne de l'horticulture ornementale — l'ACHO — font confiance au système de réglementation en place à Santé Canada et à Agriculture Canada.
Comme je l'ai souligné, nous utilisons les pesticides, mais ce n'est pas la principale approche que préconiseraient les producteurs. Ceux-ci préféreraient utiliser des agents de lutte biologiques. Selon les résultats d'un sondage que nous avons mené il y a deux ou trois ans, environ 90 p. 100 des producteurs utilisaient, dans une certaine mesure, des agents de lutte biologique, que ce soit des biopesticides ou des arthropodes.
Cela dit, il existe d'autres stratégies, dont la lutte culturale, comme la climatisation, et les méthodes chimiques.
Je tiens à souligner, cependant, que de nombreux agriculteurs préfèrent ne pas utiliser de pesticides. Ceux-ci sont dispendieux et ne sont utilisés qu'en dernier recours. Lorsque leurs cultures sont menacées par la maladie ou les parasites, les agriculteurs se tournent souvent vers les méthodes chimiques.
Je sais qu'un des mandats du comité est d'étudier diverses stratégies visant à assurer la santé des abeilles. Nous aussi avons analysé ce dossier et avons déterminé que de nombreux intervenants pourraient jouer un rôle à ce chapitre, notamment, le gouvernement. Il faut continuer de surveiller les problèmes concernant les abeilles et les pollinisateurs et poursuivre les recherches. Santé Canada doit maintenir son soutien et respecter son mandat national et international, tout comme Agriculture Canada, le Groupe de travail technique de l'ALENA et l'Environmental Protection Agency des États-Unis. Selon moi, le gouvernement doit également poursuivre son examen scientifique de tous les facteurs contributifs au déclin de la population des pollinisateurs et des problèmes connexes.
La communication avec les intervenants est essentielle. Les occasions comme celle-ci sont un exemple de l'engagement envers un processus transparent.
En outre, il faut sérieusement prendre en compte les décisions prises par les autorités fédérales, provinciales et municipales, et les conséquences réelles qu'elles peuvent avoir dans les exploitations.
Les producteurs ont eux aussi un rôle à jouer. Les producteurs et les agriculteurs doivent continuer d'être des intendants responsables des terres. Il est essentiel qu'ils utilisent les pesticides de manière stratégique, mais il importe également qu'ils recourent davantage à la lutte culturale et biologique.
Les producteurs doivent envisager l'adoption de nouvelles approches, de technologies comme des pulvérisateurs et de méthodes d'application des pesticides, ainsi que la conception de structures qui pourraient servir à cultiver des plantes ornementales, comme des serres.
Je crois que les agriculteurs doivent continuer d'appuyer Santé Canada et Agriculture Canada dans les efforts qu'ils déploient pour examiner ce problème. Je considère également qu'ils sont capables de communiquer directement avec le public. C'est un rôle qu'ils doivent jouer afin de permettre au public et à ceux qui achètent des cultures, ornementales ou autres, de comprendre les choses de manière transparente. Il faut vraiment que cela arrive.
L'industrie doit également faire sa part à cet égard. Elle a de toute évidence profité financièrement des ventes d'outils de lutte antiparasitaire. Certaines de ces activités se poursuivent, mais je pense qu'il faut étendre la recherche à certaines sources du déclin des populations d'abeilles.
Les parties intéressées, comme les apiculteurs, les organismes de réglementation et les agriculteurs, doivent continuer de collaborer. L'industrie doit également continuer d'appuyer l'intégration de nouvelles technologies d'application, comme je l'ai indiqué précédemment. Cela signifie qu'elle devrait lancer de nouveaux outils de lutte antiparasitaire ciblés.
Enfin, l'industrie doit continuer de favoriser l'utilisation accrue de biopesticides et de produits biorationnels.
De façon générale, le public et toutes les parties intéressées doivent s'attacher à trouver une solution qui satisfera tout le monde, et pas seulement leur propre industrie. Nous devons, selon moi, continuer de surveiller les tendances concrètes à l'échelle mondiale. Nous devons entreprendre des activités de recherche afin d'examiner le problème dans toute son ampleur et maintenir une communication professionnelle et respectueuse entre toutes les parties prenantes.
Je dirai en terminant que je pense que le déclin des pollinisateurs constitue un problème extrêmement complexe et qu'il est fort difficile d'en trouver la cause précise. On a énormément discuté des néonicotinoïdes. Il importe de se rappeler que ces outils peuvent être employés de manière responsable, comme ils l'ont d'ailleurs été par le passé. Par exemple, notre industrie les utilise précisément pour lutter contre les parasites nécessitant l'imposition d'une quarantaine dans des produits ornementaux expédiés aux États-Unis. Sans ces néonicotinoïdes, nous pourrions ne plus pouvoir vendre certains de nos produits à l'un de nos plus importants partenaires commerciaux.
Sur ce, je vous dirai merci.
Le président : Merci, monsieur Gates. Nous entendrons maintenant le dernier exposé, présenté par M. Lynch, de l'Université Dalhousie.
Derek Lynch, professeur agrégé et titulaire d'une chaire de recherche du Canada en agriculture biologique, Université Dalhousie : Merci beaucoup, monsieur le président. En mon nom et en celui de mes collègues du Centre d'agriculture biologique du Canada de l'Université Dalhousie, j'aimerais remercier le comité de me donner l'occasion de traiter de ce sujet extrêmement important pour la santé des abeilles. Je parlerai principalement du rôle que pourraient jouer les systèmes d'exploitation et les pratiques agricoles afin de préserver les populations d'abeilles sauvages en particulier.
Il s'agit d'un problème complexe. La recherche vise de plus en plus à déterminer le rôle des pesticides et des pesticides rémanents par rapport à celui que jouent l'habitat, sa fragmentation et sa perte, et même les facteurs comme un transfert potentiel de pathogènes des bourdons commerciaux aux espèces de bourdons indigènes.
Je sais que vous avez entendu des exposés sur l'agriculture biologique qui interdiraient l'utilisation des néonicotinoïdes et des pesticides rémanents; on s'emploie à faire les recherches nécessaires à ce sujet pour déterminer les effets de ces produits sur la santé des abeilles. Je ne traiterai pas du tout de cette question. Je parlerai plutôt des autres aspects du système d'exploitation pouvant favoriser l'adoption de pratiques bénéfiques qui, de fait, pourraient préserver les pollinisateurs sauvages et les communautés d'abeilles. J'indiquerai si l'agriculture pourrait en soi être particulièrement bénéfique à cet égard, en précisant notamment ce que la recherche nous a appris au Canada.
Je vais vous faire un petit topo sur l'agriculture biologique : les Normes canadiennes de certification en agriculture biologique, qui ont été publiées il y a cinq ans et auxquelles les règlements fédéraux du Canada font référence, sont semblables à celles qui ont cours dans le reste du monde. En première page de ces normes, les principes fondamentaux font référence aux avantages environnementaux du système d'exploitation comme tel. Aucune affirmation n'est faite sur les produits; il est question de la nature du système d'exploitation.
Un certain nombre des objectifs concernent des questions comme la préservation de la biodiversité sur l'exploitation. Il faut constamment se demander si cet objectif est atteint, mais le but vise à préserver la biodiversité sur l'exploitation. En ce sens, l'agriculture biologique peut être considérée comme une forme d'agroécologie, dont le but consiste à optimiser le rendement tout en maintenant la biodiversité et les services écosystémiques dans le système d'exploitation.
Depuis 10 ans, mes recherches et celles de mes collègues portent de plus en plus sur les aspects de cette question au Canada, comme l'intensité de l'utilisation des éléments nutritifs, les charges d'azote et de phosphore, l'utilisation de l'énergie dans l'agriculture écologique, la qualité et la quantité de sol et de matière organique, l'activité biologique dans le sol, en examinant diverses biodiversités sous terre, et la santé du sol. De façon générale, et ce n'est peut-être pas une surprise, la plupart des recherches confirment que l'agriculture biologique est intrinsèquement moins intensive, presque par définition, et tend à être plus variable ou complexe sur le plan de l'espace, de la rotation et du type des cultures dans les exploitations, du moins en ce qui concerne la culture en plein champs.
Jusqu'à présent, toutefois, sauf peut-être en Europe, peu de recherches ont été effectuées pour établir un lien entre cette différence — si c'est une grande différence dans le système d'exploitation — et les avantages que retirent les pollinisateurs. Il s'est fait très peu de recherche, particulièrement en Amérique du Nord. Je parlerai brièvement des quelques documents d'intérêts publiés afin de faire un lien entre les pratiques agricoles ou le système d'exploitation et la préservation des populations d'abeilles indigènes.
Nous ne connaissons pas vraiment l'influence relative de la non-utilisation des pesticides. Quelle est l'influence relative de la réduction de la charge en éléments nutritifs ou de la diversité de l'habitat sur la préservation des pollinisateurs indigènes?
Quelle est la contribution des terres non cultivées sur l'exploitation? La complexité des terres avoisinantes a-t-elle une influence sur l'exploitation elle-même, voire sur le système d'exploitation? La complexité du paysage pourrait dominer.
Si vous êtes réunis ici aujourd'hui, c'est bien entendu en raison de l'urgence et de l'importance de la pollinisation comme service écosystémique. On estime que la pollinisation soutient 800 cultures arables et 35 p. 100 de l'approvisionnement en aliments dans le monde. Or, l'intensification de l'agriculture et la perte de l'habitat constitue notre plus gros problème à l'échelle mondiale. Le Programme des Nations Unies pour l'environnement, l'organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture et d'autres organismes admettent que nous sommes aux prises avec un problème de perte de biodiversité en raison de l'intensification de l'agriculture.
Les abeilles sauvages ont besoin d'endroits adéquats pour s'établir à proximité de ressources diversifiées de fleurs pour s'approvisionner en nectar et en pollen. Elles sont donc particulièrement sensibles à l'intensification de l'agriculture, et la diminution de la diversité des plantes est le principal responsable de la perte de pollinisateurs dans les agroécosystèmes.
Par exemple, on a établi un lien entre la densité des nids de bourdons et les ressources florales dans un rayon d'un kilomètre des lieux d'échantillonnage, et des études réalisées en Europe, comme celle de Le Féon que je cite, ont examiné la relation qui existe avec l'intensité de l'agriculture dans quatre pays européens. Utilisant des indices fondés sur l'apport d'azote, la densité en bétail et l'utilisation de pesticides, les auteurs ont observé un effet néfaste sur la richesse des espèces, et l'abondance et la diversité des abeilles sauvages, dont la moitié étaient des bourdons.
Par ailleurs, la présence de prairies dans le paysage atténue vraiment ces effets et améliore la richesse des espèces.
Nous savons qu'un apport élevé d'azote peut réduire les ressources florales, à l'intérieur et parfois en bordure des champs. Les excellents travaux réalisés par des écologistes en Ontario ont montré que même en bordure des champs, la dérive d'herbicides à des doses infimes influe sur la diversité des végétaux et des fleurs au fil du temps.
En Ontario, les études menées récemment par l'Université York et d'autres établissements ont montré que l'abondance et la richesse des espèces de bourdons avaient considérablement diminué depuis 35 ans.
Si on passe des terres en culture aux prairies et aux prés, il semble que l'histoire se répète concernant l'intensité de l'utilisation des éléments nutritifs. L'azote et le phosphore modifient réellement la complexité des végétaux et réduisent la diversité des fleurs dans les prairies. Des études effectuées dans les pâturages d'Irlande ont montré que les pollinisateurs bénéficiaient d'une plus grande diversité de fleurs sur les fermes laitières biologiques. Or, l'élevage de bétail biologique exige notamment des pâturages et la production de fourrage, souvent dans des prairies où on utilise moins d'éléments nutritifs.
Les Européens ont effectué beaucoup de recherches et d'examens depuis 20 ans. S'il est une chose qu'ils ont montré à propos des systèmes d'exploitation biologiques, c'est qu'ils tendent à favoriser une diversité de végétaux supérieure. Quand je le dis aux agriculteurs biologiques, ils me répondent : « En effet. Nous avons plein de mauvaises herbes ». Nous ne parlons pas nécessairement de mauvaises herbes. Permettez-moi de vous donner un exemple tiré d'une excellente étude réalisée par Céline Boutin, une écologiste qui a préparé une série de documents sur 30 fermes de l'Est de l'Ontario depuis la fin de 2008. J'admire toujours le travail des écologistes parce qu'ils sont très exhaustifs. Ces travaux ont étudié la diversité végétale et les fleurs indigènes et exotiques, dans les champs et les haies sur des exploitations biologiques et traditionnelles jumelées. Conformément aux examens et aux études réalisés à l'échelle mondiale, ces travaux révèlent que la diversité des végétaux est toujours plus élevée sur les fermes biologiques, sans qu'il s'agisse nécessairement de mauvaises herbes pouvant nuire à la production de cultures. Ce sont parfois des espèces forestières exotiques, souvent très rares, qui étaient plus abondantes dans les haies. On note aussi une diversité de l'habitat. Ce n'est donc pas seulement la gestion des cultures qui entre en jeu. La diversité de l'habitat, particulièrement dans les haies, était plus élevée dans les fermes biologiques. Ces dernières, conformément aux normes d'agriculture biologique, doivent souvent maintenir des zones tampons pouvant mesurer jusqu'à huit mètres de large entre leurs cultures et celles des exploitations non biologiques adjacentes. On y trouve très souvent des haies et des brise-vent, et nous n'avons presque aucune donnée sur la densité de végétation sur ces bandes de terre non cultivées obligatoires, qui assurent peut-être un service écosystémique à la grandeur du pays.
En Allemagne, les liens entre la diversité végétale et la pollinisation et la présence des pollinisateurs sur les fermes biologiques ont été prouvés, mais au Canada, peu d'études ont porté sur le système d'exploitation et l'influence du paysage et la complexité sur la diversité des pollinisateurs et des abeilles sauvages.
Une série d'études menées dans le nord de l'Alberta par Morandin et d'autres auteurs a porté sur l'abondance d'abeilles sauvages et ce qu'ils ont qualifié de « déficit de pollinisation ». Ils voulaient déterminer le déficit de grenaisons pour des semences de canola transgéniques, traditionnelles — c'est-à-dire non modifiées — et biologiques. Ils ont découvert un taux de grenaison de près de 100 p. 100 dans le champ biologique, mais un déficit de 16 p. 100 dans le champ traditionnel et de 22 p. 100 — sans grenaison — dans le champ ensemencé avec des graines transgéniques. Les auteurs ont établi un lien direct avec une diminution correspondante de la diversité de fleurs et la préservation des pollinisateurs dans les divers systèmes d'exploitation.
Cependant, cet aspect est, une fois encore, influencé par le paysage. Les mêmes chercheurs se sont demandé ce qui suit : et s'il y avait des prairies ou des pâturages permanents dans un rayon d'un kilomètre environ de ces champs également? Comme en Europe, ce facteur a compensé ce qui se passait dans le champ. La présence d'une prairie permanente dans les environs immédiats a sans aucun doute fourni un habitat et des ressources florales.
Les chercheurs ont même effectué une analyse coût-avantage, dont je ne traiterai pas ici, entre la perte de semences et le fait d'avoir un paysage plus complexe, ce qui est très utile à étudier.
En Alberta, d'autres travaux réalisés par James et des collaborateurs ont permis de découvrir que l'habitat semi- naturel était plus abondant dans les fermes biologiques et permettait de préserver davantage de bourdons. Les auteurs ont donc proposé de peut-être utiliser les fermes biologiques comme refuges dans le paysage, particulièrement dans le cas des terres soumises à une exploitation agricole intensive.
En Europe, on s'est posé la question un peu plus longtemps, et il y a une sorte de polémique dans la littérature. Dans certains cas, on juge qu'il faudrait plutôt utiliser les fermes biologiques comme refuges sur les terres où l'exploitation est moins intensive, car le compromis sur le plan du rendement serait moins important.
Enfin, sachez surtout que la diversité dans le paysage, dans l'exploitation et aux bordures des champs a une influence considérable sur la préservation des pollinisateurs. Il ne fait aucun doute que le cycle de rotation des cultures en plein champs a également une incidence à cet égard. Si la rotation est plus complexe, le paysage l'est aussi. Les fermes biologiques doivent presque inévitablement faire des rotations plus étendues et plus complexes. Elles doivent stimuler la fertilité de manière biologique grâce aux légumineuses et à d'autres cultures. Très peu de recherches ont été effectuées pour savoir si ces rotations plus étendues ont des avantages directs ou pas sur les pollinisateurs, mais on peut déduire que c'est probablement le cas. Les légumineuses produisent énormément de fleurs, ce qui attire beaucoup les pollinisateurs. L'intégration de légumineuses dans la rotation est en soi bénéfique. Des études menées en Europe et ailleurs ont montré qu'une simple pause d'un an dans le travail du sol est bénéfique pour les bourdons et les pollinisateurs qui nichent au sol.
En résumé, l'agriculture et l'élevage de bétail biologiques, en fournissant plus d'habitat et de ressources en fleurs, contribuent très probablement au maintien des populations d'abeilles sauvages. Je dis « très probablement » parce que deux études réalisées au Canada laissent entendre que c'est le cas. Cet effet est probablement attribuable à la complexité spatiale et temporelle accrue sur les fermes biologiques, au fait qu'on évite les herbicides et leur dérive dans les limites des champs, à l'absence de cultures transgéniques, à une utilisation moins intense de l'azote et du phosphore, à la densité en bétail moins élevé et à la diversité accrue de l'habitat qui va de pair avec les haies, les brise-vent et les pâturages en général. Cependant, je ne serais pas chercheur si je ne vous disais pas qu'il faut effectuer plus de recherches au Canada, peu importe si elles portent réellement sur cette question, pour mieux comprendre la biodiversité de l'habitat et des ressources florales à l'échelle des champs, des fermes et du paysage, ainsi que la manière dont ces facteurs agissent en interaction, sous l'influence du système d'exploitation, afin de fournir ce service écosystémique crucial.
Peut-on faire la promotion des fermes biologiques pour qu'elles servent de réservoirs de biodiversité et favorisent l'intensification écologique des écosystèmes agricoles? La réponse variera probablement selon les systèmes et les paysages du Canada. Il nous suffit peut-être de nous attaquer à un aspect de l'aménagement agricole pour y intégrer des habitats non cultivés. Ce n'est pas une question de système d'exploitation, mais de pratiques agricoles. Il serait également utile d'effectuer des études à long terme sur l'ensemble des rotations. Merci beaucoup.
[Français]
La sénatrice Tardif : Merci beaucoup pour vos excellentes présentations.
[Traduction]
Monsieur Lynch, vous avez fait un éloquent plaidoyer en faveur de l'agriculture biologique au Canada et de ses effets bénéfiques sur la santé des pollinisateurs. Comment le gouvernement peut-il favoriser l'agriculture biologique au Canada? Qu'est-ce qui se fait actuellement à cet égard, et comment les gouvernements devraient-ils élargir leurs politiques? Que peut-on faire pour intégrer l'agriculture biologique afin d'encourager une rotation et une diversité accrues des cultures et une modification du paysage agricole?
M. Lynch : Je quantifierais les choses. À cet égard, je ne suis pas certain de promouvoir exclusivement l'agriculture biologique. Je soutiens peut-être une approche agroécologique, et l'agriculture biologique constitue peut-être une méthode pour aller en ce sens.
Comme dans bien des aspects de mes recherches, j'ai constaté que c'est souvent la pratique agricole employée sur les fermes biologiques, mais ce n'est pas que là que ses avantages se font sentir, si vous comprenez ce que je veux dire.
La sénatrice Tardif : Oui, je comprends.
M. Lynch : Vous m'avez également demandé ce qui se fait actuellement. Sachez qu'on fait beaucoup dans ce domaine. La norme d'agriculture biologique dont j'ai parlé et les révisions dont elle fait l'objet constituent une démarche importante qui est entreprise actuellement grâce au financement du gouvernement fédéral. Le secteur du commerce des produits biologiques reçoit également des fonds pour soutenir le secteur des produits biologiques et s'occuper des questions de commerce international.
Dans le domaine de la production agricole biologique en particulier, il y a le programme fédéral de grappe scientifique financé par Agriculture et Agroalimentaire Canada. Nous venons de terminer le dernier tour de la grappe scientifique biologique et nous espérons participer à un deuxième tour au cours des trois ou quatre années afin de financer divers programmes de recherche au pays.
Il s'agit toutefois d'un programme de partenariat avec l'industrie, et vous pouvez probablement deviner où je vais en venir. Cette question a tendance à être oubliée. Quel partenaire de l'industrie devrait se faire le champion de la diversité du paysage et des végétaux? Il est question ici d'un avantage global pour la population, particulièrement quand il s'agit des pollinisateurs sauvages. Certains secteurs particuliers, comme celui des producteurs de bleuets, ont tout intérêt à porter attention à de telles recherches.
En ce qui concerne les grandes cultures, il n'est pas évident de déterminer qui devrait être le partenaire de l'industrie. Selon moi, il faudrait accorder davantage de financement pour l'écosystème agricole, comme l'ont admis d'autres pays, particulièrement en Europe. Depuis 10 ou 20 ans, on y observe les avantages qu'il y a à modifier des aspects de l'écosystème agricole, sans nécessairement promouvoir l'agriculture biologique. Cela varie d'une région à l'autre. Si vous consultez les recherches actuelles, vous verrez qu'on observe les avantages du ralentissement de la perte de diversité des bourdons.
Nous n'avons pas besoin de réinventer la roue. Il s'agit cependant d'une question transectorielle à laquelle il faudrait accorder un financement particulier.
[Français]
La sénatrice Tardif : Monsieur Renaud, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Renaud : En fait, j'appuie M. Lynch en ce qui a trait à la question de déterminer qui devrait jouer le rôle de leader. C'est une question assez floue. Le Conseil canadien de l'horticulture et l'Alliance canadienne de l'horticulture ornementale ont présenté une demande auprès du même programme de grappes de recherche d'Agriculture Canada avec des projets financés en partenariat privé-public. Nous attendons tous nos réponses. La situation est la même, cela tombe entre les craques. C'est une question d'ordre public, d'ordre général qui couvre tellement de domaines qu'elle retourne entre les mains d'Agriculture Canada pour que celui-ci finance la recherche. Ce serait peut-être une idée d'établir une chaire sur l'étude de la santé des pollinisateurs au Canada pour qu'on puisse obtenir cette information ou centrer cette recherche à un endroit. À ce moment-là, chacun des acteurs de l'industrie pourrait travailler avec cette chaire.
La sénatrice Tardif : Merci beaucoup pour votre excellente suggestion. Monsieur le président, je vais revenir à la deuxième ronde de questions.
[Traduction]
La sénatrice Buth : Merci beaucoup de comparaître ce soir. Madame Fowlie, vous avez indiqué que nous devons chercher une solution équitable et raisonnable afin de protéger les abeilles et les cultures.
Avez-vous une idée de ce que cette solution pourrait être?
Mme Fowlie : À bien des égards, une bonne partie de la solution est en évolution et est soit en cours, soit en voie de l'être.
Il y a énormément de partenariats, que ce soit entre les fabricants, les groupes de producteurs ou les organismes de réglementation, et ce, tant au Canada qu'à étranger. Il y a beaucoup de partenariats et d'échange d'informations à l'heure actuelle.
On a parlé des producteurs, des pratiques de gestion et du fait qu'il fallait reconnaître que tous ont des rôles et des responsabilités à assumer. Il se passe certainement bien des choses. J'ai parlé d'Oxford, et il y en a certainement d'autres qui agissent. Vous avez entendu dans les témoignages précédents qu'on s'est clairement engagé à gérer les aspects des activités qui concernent les pollinisateurs et qu'on est réellement déterminé à comprendre les différences entre la gestion des abeilles pour la pollinisation ou pour le miel.
Tous les acteurs de l'industrie sont foncièrement déterminés à échanger ce genre de renseignements. Ici encore, il y a des rôles et des responsabilités pour chacun, peu importe la taille de l'exploitation, parce qu'il revient à tous de favoriser et d'adopter de saines pratiques de gestion et s'informer sur un certain nombre d'entre elles.
La sénatrice Buth : Vous avez indiqué que vous assistiez à un atelier aujourd'hui. Avez-vous des rapports solides avec certaines organisations apicoles, comme le Conseil canadien du miel?
Mme Fowlie : Ce n'est pas moi qui y assistait, mais un membre de notre équipe. Nous avons effectivement des liens avec ces organisations, que ce soit directement grâce à notre organisation ou par l'entremise de nos membres. J'ai rencontré le Conseil canadien du miel avec les apiculteurs de l'Alberta. Nous avons donc certains liens avec ces organisations.
Les divers partenaires ont certainement beaucoup dialogué à l'occasion de notre récente réunion annuelle, il y a quelques années. Un certain nombre d'acteurs ont pris part à ce forum qui visait à permettre aux gens de dialoguer et d'échanger de l'information. Que faites-vous? Que fait ce groupe? Où sont l'ARLA et Agriculture Canada?
La sénatrice Buth : Certains exhortent l'ARLA à interdire les néonicotinoïdes. Qu'en pensez-vous?
Mme Fowlie : Nous ne sommes pas d'accord.
La sénatrice Buth : Pourquoi?
Mme Fowlie : Comme je l'ai indiqué, nous croyons à la science et aux approches axées sur la science. Je ne suis pas scientifique, mais je ne pense pas, d'après ce que nous voyons, que de telles mesures soient justifiées. Il faut considérer les conséquences non intentionnelles qu'elles pourraient avoir.
Tout le monde admet que c'est un problème très complexe, et tous devront s'impliquer pour réussir à le juguler. Il y a énormément d'occasions de croissance dans le secteur, y compris pour les apiculteurs et les pollinisateurs. De formidables occasions s'offrent à eux également; il faut donc qu'ils soient en mesure d'en profiter.
La sénatrice Buth : Monsieur Gates, à la fin de votre exposé, vous avez fait une observation que je ne suis pas certaine d'avoir compris. Je n'ai pas tout noté, mais il était question de la perte de produits exportés aux États-Unis.
M. Gates : Si un certain ravageur nécessitant l'imposition d'une quarantaine est détecté sur un plant lors de l'entrée aux États-Unis, par exemple, ces derniers pourraient fermer leur frontière à certains produits ornementaux. Au Canada, on utilise les néonicotinoïdes pour lutter contre ce ravageur, communément appelé scarabée japonais, Popillia japonica.
Sans ces produits, nous pourrions ne plus pouvoir lutter contre ce ravageur. Si on en interceptait à la frontière, nous pourrions perdre l'accès à un marché extrêmement précieux, ce qui entraînerait des difficultés financières pour les agriculteurs canadiens.
La sénatrice Buth : Quels genres de produits exporte-t-on aux États-Unis?
M. Gates : Ce sont habituellement des produits de pépinières, entre autres.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Madame Fowlie, j'ai cru comprendre de votre présentation que, à un moment donné, il y avait un manque d'abeilles pour la pollinisation. Est-ce que cela peut devenir une entrave à la croissance de votre industrie?
Mme Fowlie : Il est certain que c'est vraiment un défi. Il y a des moyens pour stimuler la croissance de l'industrie, mais cela prend les abeilles aussi pour soutenir cette croissance.
Le sénateur Robichaud : Est-ce qu'on est rendu à ce point?
Mme Fowlie : Les acteurs sont vraiment au courant des possibilités et des défis à relever pour gérer les problèmes que l'on voit. Je crois vraiment que tous les acteurs travaillent pour s'assurer que cela ne devienne pas un problème plus sérieux qui aurait un impact sur la croissance.
Le sénateur Robichaud : Tout le monde dit que l'on doit se fier à la science en ce qui concerne les pesticides et tout ce qui a trait à la culture, mais je suis sûr que vous seriez d'accord aussi avec le fait que la science doive être au point. Les études sur lesquelles nous nous appuyons datent déjà de plusieurs années. Une révision est en cours à l'heure actuelle, et vous l'appuyez, n'est-ce pas?
Mme Fowlie : C'est certain que la science doit suivre l'évolution de près, mais M. Lynch a aussi dit qu'on pouvait toujours faire plus de recherches pour appuyer nos enjeux. Il reste à savoir ce qui va se passer après et quels seront les résultats produits par les différents groupes de recherche et de travail qui sont en place, que ce soit ici au Canada, aux États-Unis ou dans d'autres pays.
[Traduction]
Le sénateur Robichaud : Monsieur Lynch, que savons-nous au sujet des pollinisateurs sauvages?
M. Lynch : Nous n'en savons pas assez. Je ne suis pas entomologue, mais j'aime échanger avec eux et je lis sur le sujet. Je suis un agronome qui s'intéresse à l'agroécologie, mais je ne suis pas entomologue.
Les bourdons sont de très importants pollinisateurs sauvages qui semblent être dominants dans de nombreux écosystèmes. J'ai lu des études récentes où on compare les fluctuations du déclin des espèces seulement pour les dernières années et uniquement en Ontario et dans d'autres régions. D'après ce que je comprends, nous avons fort à faire pour mieux comprendre nos pollinisateurs sauvages, mais surtout leurs différents besoins au chapitre de l'habitat et du paysage, leur sensibilité à l'agriculture et ce que nous pouvons faire pour les préserver. Nous pouvons nous occuper des espèces dominantes en premier, évidemment. Voilà ce que je comprends de notre compréhension actuelle.
Le sénateur Robichaud : Vous avez indiqué qu'ils sont très importants et qu'« ils semblent être ». Ne fait-on que de simples suppositions pour l'instant?
M. Lynch : Au sujet du déclin des bourdons?
Le sénateur Robichaud : Oui.
M. Lynch : L'étude de Colla, de l'Université York, était selon moi très exhaustive et portait sur environ 14 espèces de bourdons. Même si certaines espèces avaient augmenté, les auteurs, qui disposaient des données des 35 dernières années sur les mêmes endroits en Ontario, ont étonnamment pu étudier de nouveau les mêmes endroits et découvrir que certaines espèces étaient introuvables. Selon cette étude, la richesse et la diversité ont diminué.
Ici encore, la situation varie. On a peut-être modifié le paysage, ce qui fait que certaines espèces peuvent s'adapter et sont moins sensibles. Certaines espèces doivent s'approvisionner en nectar tout au long de la saison et seraient très vulnérable s'il n'y a qu'une floraison de deux semaines. Vous pouvez imaginer comment les choses se passent. Il semble qu'on manque de données de référence pour un grand nombre de pollinisateurs sauvages.
Le sénateur Robichaud : Approuveriez-vous la proposition qui a été faite d'établir une autorité, une chaire qui canaliserait en quelque sorte tous les efforts vers l'étude des pollinisateurs?
M. Lynch : Je pense que c'est une excellente proposition et je considère certainement que c'est nécessaire.
Le sénateur Robichaud : Me remerciez-vous?
Le président : Je vais répéter ce que le témoin a dit : c'était une bonne question.
[Français]
Le sénateur Rivard : La sénatrice Buth a posé des questions à Mme Fowlie sur les néonicotinoïdes. Je ne suis pas certain d'avoir entendu votre réponse. L'Alliance canadienne de l'horticulture est-elle pour ou contre l'utilisation des néonicotinoïdes?
Mme Fowlie : Nous sommes pour.
Le sénateur Rivard : Vous savez que l'Union européenne a décrété un moratoire de deux ans, bien qu'il n'existe aucune preuve à l'appui du fait ce soit nuisible. Je comprends que vous ne seriez pas d'accord à ce que le Canada impose un tel moratoire?
Mme Fowlie : C'est vrai.
Le sénateur Rivard : J'aimerais en savoir plus sur votre plan stratégique. Vous aimeriez que votre alliance soit reconnue comme étant la voix de l'industrie canadienne. En plus du gouvernement fédéral, plusieurs provinces ont leur propre ministère de l'Agriculture. Êtes-vous consultés, entendus ou écoutés sur vos activités? Votre seul lien est avec le gouvernement fédéral.
M. Renaud : C'est le plan stratégique de l'Alliance canadienne de l'horticulture ornementale. Ce sont deux associations distinctes.
Le sénateur Rivard : Pour ce qui est de l'ACHO, c'est vous?
M. Renaud : Oui.
Le sénateur Rivard : Il n'y a que le fédéral qui vous consulte, ou avez-vous des rapports avec le ministère de l'Agriculture de certaines provinces? La plupart des provinces ont leur propre ministère.
M. Renaud : Nous avons des rapports également au niveau provincial. La structure est, en fait, assez similaire à celle du Conseil canadien de l'horticulture. L'alliance canadienne agit au niveau fédéral. C'est une alliance d'associations qui, elles, ont des mandats au niveau provincial ou régional. L'alliance en tant que telle n'a de rapports qu'au niveau fédéral. Toutefois, ses membres ont des rapports au niveau provincial.
Le sénateur Rivard : Pour ce qui est de la recherche et de l'innovation, avez-vous une idée de l'enveloppe que le gouvernement fédéral investit dans ce domaine? Parle-t-on de plusieurs dizaines de millions de dollars? Vous nous direz que le montant est probablement insuffisant. Toutefois, quel est le montant actuel que vous recevez du gouvernement fédéral pour la recherche?
M. Renaud : On parle d'environ un million de dollars par année. Par rapport à ce qu'on recevait il y a une vingtaine d'années, on a perdu à peu près 90 p. 100 des dollars de recherche en horticulture ornementale. En ce moment, la majorité des fonds de recherche sont distribués à travers des grappes de recherche d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. La grappe que l'on vient de terminer, sur une durée de trois ans, avait une valeur d'un peu moins de 3 millions de dollars.
Le sénateur Rivard : Dans votre mémoire, vous parlez de 266 millions de dollars en exportation.
M. Renaud : Oui.
Le sénateur Rivard : Doit-on comprendre que le marché principal est celui des États-Unis, ou exportez-vous un peu partout dans le monde?
M. Renaud : Quatre-vingt-dix-huit pour cent du marché de l'exportation de l'horticulture ornementale canadienne est aux États-Unis. Des problèmes phytosanitaires se posent à l'exportation des plantes à cause du sol. La recherche se fait, par exemple, sur l'exportation d'arbres à racines nues. Des marchés comme l'Asie, l'Europe, la Russie et l'Allemagne ont un intérêt particulier pour les roses de jardin et les arbres de plus gros calibre, mais à racines nues, sans terre.
Le sénateur Rivard : Je dois comprendre qu'on exporte beaucoup plus que l'on importe. Certains pays exportent au Canada. Je pense à la Hollande, pas nécessairement pour les tulipes, mais à d'autres pays, pour des plantes japonaises, par exemple. J'ai l'impression que nous avons à cet égard un déficit où on importe plus que l'on exporte?
M. Renaud : On importe plus que l'on exporte, mais seulement depuis quelques années. L'année 2004-2005 a inscrit le record d'exportation de l'horticulture ornementale canadienne. On exportait un demi-milliard vers les États-Unis. Aujourd'hui, nous en sommes à un quart de milliard. Maintenant, il y a une croissance de l'importation, surtout grâce à l'Accord de libre-échange avec la Colombie. Ce pays est un immense producteur de fleurs. Il y a donc une croissance incessante d'importation de fleurs colombiennes. On est revenu maintenant à la base commerciale et on est en déficit de près de 100 millions.
[Traduction]
La sénatrice Cordy : Je ne suis pas membre régulière du comité, mais c'est certainement une étude fascinante et très intéressante.
En répondant à une question, vous avez indiqué plus tôt qu'il fallait traiter avec les gouvernements provinciaux et fédéral. À quelles difficultés l'industrie se heurte-t-elle? Vous traitez avec Santé Canada, Agriculture Canada et les ministères provinciaux. Les municipalités ont aussi commencé à interdire les pesticides et d'autres produits.
À quel point est-il difficile de traiter avec les divers ordres de gouvernement?
M. Renaud : Voulez-vous que je vous réponde franchement?
La sénatrice Cordy : Oui.
M. Renaud : Je vais vous répondre franchement. La responsabilité de toutes ces tâches est en train de passer massivement au secteur privé. Les associations de l'industrie ont essentiellement pris le relais et assumé cette responsabilité. Agriculture Canada, l'ACIA et l'ARLA avaient autrefois de nombreux employés pour s'occuper de l'information, des recherches effectuées pour l'homologation des nouveaux pesticides et les exportations ou simplement des recherches scientifiques. Toutes ces tâches sont passées au secteur privé, où les associations ont dû investir leurs propres fonds pour les assumer. Nos équipes se sont élargies et comprennent maintenant des experts en la matière. Nous pouvons compter sur des spécialistes en commerce, en pesticides, en recherche, pour n'en nommer que quelques- uns. Nous commençons maintenant à gérer un grand nombre de ces dossiers.
C'est difficile, car nous ne recevons pas vraiment plus d'argent de nos producteurs agricoles. La somme prévue à leur budget pour appuyer leur association industrielle n'augmente pas d'une année à l'autre. C'est pourtant à ces associations que le gouvernement fédéral transfère la responsabilité. C'est un défi. Nous devons assumer de nombreux rôles parallèlement.
Mme Fowlie : C'est vrai. M. Renaud fait valoir de bons points. Il est vrai que les ressources sont limitées partout. Je pense que nous sommes conscients de l'omniprésence des contraintes financières, et nous respectons la situation.
Au bout du compte, puisque les engagements à l'égard de la nourriture et de l'agriculture sont fondamentaux pour notre société, la situation est bel et bien préoccupante.
Pour ce qui est de la communication, celle-ci est extrêmement importante, mais c'est bien souvent une de ces choses qui sont toujours reportées au lendemain; peut-être qu'on n'y accorde pas autant d'attention qu'on le devrait.
Sur cette question, il y a des groupes de travail provinciaux, certains projets fédéraux qui voient le jour et des liens entre les associations nationales. Comme Michel-Antoine l'a dit, puisque nos deux regroupements sont des associations d'associations, il est primordial de parler avec nos membres aussi de ce qui se passe dans les différentes provinces. Les gens ont des occasions de discuter.
Comme je l'ai dit, les engagements à l'égard de la nourriture et de l'agriculture sont tellement importants. Même si nous ne pouvons pas toujours nous comparer aux autres pays ou à ce que font nos concurrents, il y a bel et bien des disparités entre certains de nos concurrents et nous.
La sénatrice Cordy : Notre comité s'intéresse évidemment à la situation d'un point de vue fédéral. Où le gouvernement pourrait-il intervenir d'après vous pour aider l'industrie et assurer la santé des pollinisateurs, qui est le sujet à l'étude? Certains d'entre vous ont parlé de la grande importance de la recherche scientifique, et de la communication aussi.
Monsieur Gates, vous avez parlé de faire participer les intervenants. Quel est selon vous le meilleur rôle que les organismes fédéraux peuvent jouer du côté de l'industrie et de la recherche?
M. Gates : J'aime beaucoup l'idée d'un président des pollinisateurs. Je pense que cette solution serait fort utile. Il existe une grande quantité de données scientifiques provenant d'une multitude de sources, dont certaines prennent un parti qui reflète ou non les pratiques sur le terrain. Je pense qu'il est très important que quelqu'un revoie l'information qui est diffusée, car bien des malentendus sont transposés. Voilà pourquoi un évaluateur impartial serait vraiment utile.
La sénatrice Cordy : Monsieur Lynch, vous avez dit qu'il nous manque de points de repère pour déterminer si nos pollinisateurs sont en santé, et si leur population augmente ou diminue. Pourriez-vous nous en dire un peu plus là- dessus?
M. Lynch : Je devrais mentionner que certaines études nationales viennent d'être terminées. Mon collègue Chris Cutler, qui a témoigné il y a quelques mois devant un comité, je crois, a participé à cette étude du nom de CANPOLIN. Je pense qu'une autre recherche très récente pourrait aussi nous aider à comprendre. J'espère ne pas parler trop vite, mais on peut dire sans se tromper que bien des choses nous échappent à propos de l'écologie fondamentale des pollinisateurs indigènes. Il ne suffit pas de déterminer s'ils sont assez nombreux ou si leur population s'accroît ou décroît. Je parle de leurs besoins fondamentaux en matière d'habitat et de ressources florales, et de la façon dont nous pouvons les préserver.
Même leur apport varie beaucoup d'une culture à l'autre. Ce n'est que très récemment que nous avons compris ce qu'ils apportent aux cultures massives, et c'est vraiment incroyable. Ce service rendu gratuitement à l'écosystème est primordial. Les estimations de la valeur financière des pollinisateurs indigènes varient considérablement aux États- Unis et ailleurs. C'est probablement vrai; nous pouvons imaginer que c'est dans les grands paysages et les grandes cultures que leur contribution est la plus importante, une pratique de plus en plus répandue; c'est toutefois le secteur que nous connaissons le moins, comparativement à la culture intensive de fruits et de légumes, où nous pourrions agir de manière plus ciblée.
Je pense que le besoin de travail fondamental en écologie et en entomologie est réel, mais il y a évidemment aussi des problèmes très précis qu'il faut régler à court terme — je pense à des efforts ciblés.
J'y songeais justement aujourd'hui. Je me dis parfois que nous sommes un peu dans la même situation qu'il y a 40 ans, avant l'avènement de la lutte antiparasitaire intégrée, lorsque nous pensions de façon réductrice pouvoir lutter contre les parasites à l'aide d'intrants. Nous nous sommes rendu compte qu'il fallait trouver un compromis pour l'écosystème. Il faut donc que nous trouvions une solution plus évoluée et que tout le monde participe, y compris les entomologistes, les écologistes, ceux qui connaissent la lutte antiparasitaire et la conduite des cultures, et tous les autres. La pollinisation rend un service encore plus important à l'écosystème, et nous nous limitons de façon réductrice à l'étude des abeilles domestiques. Je suis probablement injuste à l'endroit de ceux qui gèrent ces cultures, mais on peut établir une sorte d'analogie ici. Si nous jetons un regard rétrospectif, nous constatons que la lutte antiparasitaire intégrée est désormais pratique courante. Nos interventions sont beaucoup plus subtiles. Elles sont propres à la culture, à la région, aux prédateurs indigènes, et ainsi de suite. Nous devons maintenant faire de même avec la pollinisation : connaître le système, savoir ce qui nous aide, être à l'écoute des pollinisateurs, trouver ce dont ils ont besoin, puis le leur fournir au besoin. Nous devons consacrer des dizaines d'années à la pollinisation, comme nous l'avons fait pour la lutte antiparasitaire intégrée. Je pense que l'analogie est pertinente.
La sénatrice Eaton : Monsieur Lynch, nous sommes en quelque sorte pris entre l'arbre et l'écorce, n'est-ce pas? Si la population mondiale est pour atteindre 9 milliards en 2050, nous devons continuer à intensifier nos pratiques agricoles; nous avons toutefois besoin de nos pollinisateurs aussi. Pour répondre à la question de la sénatrice Tardif, devrait-on déployer de grands efforts de sensibilisation?
Je suis persuadée que vous vous souvenez tout comme moi que l'Angleterre a laissé tomber ses haies pendant longtemps au profit de grands champs et de grosses machines. Mais n'est-ce pas lentement en train de changer? De nombreux témoins de l'Ouest canadien nous disent que la tendance s'inverse là-bas, et en Ontario aussi. On revient à l'idée de laisser des bandes de terre et de plantes indigènes entre les champs. Avez-vous remarqué cette pratique? Avez- vous constaté que c'est plus courant dans le cadre de vos recherches?
M. Lynch : Je pense que c'est vrai. Il existe des programmes à ce chapitre. Je sais que le MAPAQ, le ministère de l'Agriculture du Québec, offrait un programme peut-être encore en vigueur pour commanditer la culture en couloirs au Québec et la polyvalence, c'est-à-dire la diversité.
Pour ce qui est de l'Angleterre, je pense que le pays a renversé la vapeur en réussissant au moins à freiner l'effondrement des abeilles domestiques, ce qui est surtout attribuable à 20 années de programmes de services relatifs à l'agroécosystème, des programmes qui commanditent les agriculteurs européens qui conservent leurs haies. J'ai visité des agriculteurs en Angleterre auxquels on avait demandé de repousser la première coupe du pâturage pour laisser des fleurs sauvages aux pollinisateurs. Cela revient un peu à la question de l'industrie : qui va payer et offrir une aide? Par où va-t-on commencer?
La sénatrice Eaton : L'enjeu se résume à des questions économiques, n'est-ce pas? Croyez-vous que les considérations financières inciteront les agriculteurs à opter pour des prairies et des fleurs indigènes, des bandes de terre et des haies? Lorsqu'ils constateront que les pollinisateurs coûtent de plus en plus cher, croyez-vous que l'aspect économique va les porter à faire le saut? Avez-vous bon espoir ou non?
M. Lynch : Nous n'avons pas à chercher la réponse jusqu'en Europe. Certaines de ces pratiques sont désormais courantes dans les systèmes californiens d'horticulture intensive. On travaille depuis un moment déjà avec des bandes florales contrôlées dans ces systèmes d'exploitation agricole.
La sénatrice Eaton : Parlez-vous des vergers d'amandes, par hasard?
M. Lynch : Pas uniquement des vergers d'amandes, mais je pense au travail fondamental nécessaire pour démontrer les avantages de prendre en charge les pollinisateurs dans la production intensive de fruits et de légumes. Je crois que nous pouvons dans une certaine mesure évaluer les coûts-avantages de chaque culture.
La sénatrice Eaton : Je sais que le Lady Bird Johnson Wildflower Centre d'Austin, au Texas, a lancé le mouvement visant à ne pas couper l'herbe sur l'accotement des routes. C'est ce qu'elle voulait faire.
M. Lynch : C'est exact. Les haies ne sont pas nécessairement la solution.
La sénatrice Eaton : Ce peut être le long de nos routes.
M. Lynch : En effet. Ce que j'essayais de vous faire comprendre, c'est que la complexité du paysage complique encore davantage la question, car il arrive que tout ce qu'il faut se trouve dans les environs. La responsabilité ne revient pas nécessairement à l'agriculteur, aux cultures et aux mesures visant à compenser le rendement. Il suffit parfois de préserver la diversité du paysage environnant.
La sénatrice Eaton : Faites-vous valoir ces solutions à vos étudiants de l'Université Dalhousie? Allez-vous en parler sur le terrain?
M. Lynch : Oui, et nous observons les problèmes. Nous voyons la quantité de mauvaises herbes, et certains étudiants s'en préoccupent. Nous essayons de les amener à réfléchir sur le plan économique au seuil de mauvaises herbes et de diversité florale, et aux compromis possibles. En fait, peu d'études ont réalisé des analyses coût-avantage. Dans le cadre de l'étude sur le canola, on a effectué ce genre d'analyse sur les pertes de graines résultant de la conversion de 10 ou 20 p. 100 des terres en prairie; on s'est attardé au compromis.
En Europe, des travaux approfondis portent sur ce genre d'analyses et cherchent à trouver un équilibre entre le rendement des cultures et la conservation de la biodiversité. Encore ici, il se peut que tout soit déjà dans le paysage, et qu'il ne nous reste qu'à le préserver. Les agriculteurs n'ont pas nécessairement à faire ces choix.
La sénatrice Eaton : Non. Il y a d'autres solutions.
M. Lynch : Oui.
La sénatrice Eaton : Merci. Avez-vous une idée de la qualité générale des pratiques de gestion des pesticides dans les centres jardiniers et les fermes forestières?
M. Gates : Je dirais qu'elles sont très bonnes en général.
La sénatrice Eaton : Je peux comprendre, car j'ai déjà eu une très petite serre. On veut toujours produire une plante parfaite. On ne veut pas vendre une rose ayant une feuille à moitié mangée. Je comprends parfaitement. Mais à votre connaissance, les gens utilisent-ils les systèmes de gestion les plus avant-gardistes?
M. Gates : Disons qu'un centre jardinier vend des centaines de variétés, ou peut-être une centaine, il doit pouvoir lutter contre les parasites de chacune. Pour y arriver efficacement, il faut vraiment comprendre la biologie de la plante et du parasite et savoir comment contrôler la culture et l'environnement. Puisqu'il n'existe aucun pesticide qui puisse régler tous les problèmes, l'approche est très globale, d'une certaine façon. Voilà pourquoi bien des cultivateurs se sont tournés vers les agents de lutte biologique plutôt que d'opter pour des pesticides, surtout du côté de la culture en serre.
La sénatrice Eaton : Les abeilles sont-elles moins attirées par les plantes hybrides que par les variétés indigènes?
M. Gates : Je l'ignore.
M. Renaud : Je ne le sais pas non plus, mais pourquoi l'abeille verrait la différence dans une fleur?
La sénatrice Eaton : Certaines plantes attirent les papillons, et les oiseaux préfèrent les couleurs vives. Tout cela a un effet.
M. Renaud : Mais la production variée de l'industrie donne en fait toute une gamme de couleurs.
En réponse à votre question sur les considérations financières et l'utilisation de pesticides, une part des coûts est attribuable à la pépinière ou à la serre.
La sénatrice Eaton : Je voulais plutôt dire le contraire. Le coût découlant du manque de pollinisateurs incitera-t-il les gens à adopter de meilleurs systèmes d'exploitation agricole et de meilleures pratiques agricoles et serricoles? Je voulais dire le contraire.
M. Renaud : Tout dépend vraiment du secteur. En horticulture ornementale, nous n'avons pas besoin de plantes pollinisées. Nous ne produisons pas de fruits, mais la situation est tout autre en horticulture comestible, vous voyez?
[Français]
Le sénateur Dagenais : Monsieur Renaud, je sais que votre organisation joue un rôle important dans l'élaboration d'une politique de croissance durable et rentable pour l'industrie agricole. Je sais également que votre industrie est essentielle à la nourriture des abeilles. Vous avez mentionné que vous utilisiez des produits pour pouvoir nous présenter des fleurs qui sont quasi parfaites et qu'on utilise dans de multiples occasions.
On sait que les abeilles sont particulièrement sensibles aux pesticides; cela nous a été démontré par plusieurs témoins qui ont témoigné précédemment. Quelle est l'impact de ces pesticides sur la santé des abeilles? J'imagine que cela doit avoir un impact même si vous utilisez les pesticides qui causent le moins de dommages.
M. Renaud : À la base, le concept est d'en utiliser le moins possible pour plusieurs raisons. La première raison, ce n'est pas la santé des abeilles, mais bien celle des gens qui travaillent dans les fermes et dans les serres. Peu importe le produit, on se dit toujours qu'il est préférable de ne pas vaporiser et de ne pas en utiliser.
Pour ce qui est de la question de l'impact des pesticides sur la santé des abeilles précisément, n'étant malheureusement pas un scientifique, je ne peux pas y répondre de façon détaillée. On sait que ce ne sont pas tous les produits qui affectent de la même façon la santé des abeilles. Certains produits peuvent avoir un impact différent, mais l'ensemble des études n'est pas suffisamment convaincant.
Dans le domaine de l'horticulture ornementale, surtout la production en serre, on utilise des éléments biologiques — comme des insectes qui mangent d'autres insectes — qui sont utilisés dans 90 p. 100 des fermes, selon les sondages qu'on a menés. Il y a donc neuf serres sur dix au Canada qui se concentrent sur l'utilisation d'éléments biologiques dans le cadre de leur lutte antiparasitaire, et l'utilisation de produits chimiques tombe vraiment au second plan, quoiqu'elle demeure toutefois toujours nécessaire.
Le sénateur Dagenais : Monsieur Gates, avez-vous des commentaires?
[Traduction]
M. Gates : J'abonde dans le même sens. En serriculture, lorsqu'on dépend autant de mécanismes biologiques comme des agents de lutte biologique pour contrôler les parasites, on ne veut pas utiliser de pesticides de peur de nuire à ce programme, qui est efficace. Le message à retenir, c'est que les pesticides ne sont qu'une mesure de dernier recours.
Le président : Nous allons conclure avec le sénateur Robichaud, qui est le dernier intervenant du deuxième tour.
Le sénateur Robichaud : Monsieur Lynch, si je vous disais « ne nous inquiétons pas des pollinisateurs sauvages puisque nous pouvons nous débrouiller avec les abeilles domestiques », qu'en penseriez-vous?
M. Lynch : Je pense évidemment que ce serait difficile, notamment parce que nous ignorons dans quelle mesure nous bénéficions des pollinisateurs sauvages, surtout dans certaines cultures intensives.
Nous risquons aussi de dépendre d'un nombre limité de pollinisateurs. Cet enjeu ne touche pas uniquement la production agricole, mais aussi l'écologie dans son ensemble. Il y a une forte corrélation entre la présence de pollinisateurs et la diversité végétale. La relation fonctionne dans les deux sens : c'est ce qu'on appelle le mutualisme. Sans nos pollinisateurs, nous perdrons une grande diversité des fleurs que nous aimons tant. Voilà un aspect important de la valeur des terres, selon le lieu où nous sommes, et de l'esthétique. Je ne crois donc pas que nous devrions opter pour une diminution du nombre de pollinisateurs, et ce, pour des raisons que nous ignorons même encore.
Le sénateur Robichaud : Nous avons donc besoin de recherches?
M. Lynch : J'en ai bien peur.
Le sénateur Robichaud : Je devrais dire de recherches supplémentaires, car il y a déjà de la recherche.
M. Lynch : Mais pas uniquement pour le plaisir de faire des recherches. Ici encore, si j'établis une analogie avec la lutte antiparasitaire intégrée, il a fallu des recherches complexes pour en arriver là, mais l'enjeu était vraiment important. Mais puisque celui du sujet fondamental à l'étude est peut-être plus grand encore, nous n'avons pas le choix.
Le président : Pour conclure le tour, j'aimerais, en tant que président, faire savoir aux témoins que leurs exposés et leurs réponses ont été des plus éducatifs, éclairants et révélateurs dans le cadre de l'ordre de renvoi que le Sénat canadien a confié au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
Je vous remercie infiniment. La séance est levée.
(La séance est levée.)