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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 8 - Témoignages du 1er avril 2014


OTTAWA, le mardi 1er avril 2014

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 18 h 7, pour étudier l'importance des abeilles et de leur santé dans la production de miel, d'aliment et de graines au Canada.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je remercie les témoins d'avoir accepté notre invitation.

Je m'appelle Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité. Chers collègues, pouvez-vous vous présenter?

Le sénateur Mercer : Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse, vice-président du comité.

Le sénateur Merchant : Pana Merchant, de la Saskatchewan. Merci de votre patience à notre égard.

[Français]

La sénatrice Tardif : Bonsoir, je m'appelle Claudette Tardif, je suis sénatrice de la province de l'Alberta.

Le sénateur Robichaud : Bonjour, je m'appelle Fernand Robichaud, je suis sénateur du Nouveau-Brunswick, à Saint-Louis-de-Kent.

Le sénateur Maltais : Bonjour, je m'appelle Ghislain Maltais, sénateur du Québec.

Le sénateur Dagenais : Bonjour, je m'appelle Jean-Guy Dagenais, sénateur du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Buth : Joanne Buth, du Manitoba.

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Merci

Le comité poursuit son étude sur l'importance des abeilles et de leur santé dans la production de miel, d'aliments et de graines au Canada.

[Français]

Le Comité permanent de l'agriculture a reçu un ordre de renvoi selon lequel le comité est autorisé à étudier, pour en faire rapport, l'importance des abeilles et de leur santé dans la production du miel, d'aliment et de graines au Canada.

Plus particulièrement, le comité sera autorisé à étudier les éléments suivants :

[Traduction]

a) l'importance des abeilles dans la pollinisation pour produire des aliments, en particulier les fruits et légumes, les graines pour les semailles et pour la production de miel au Canada;

b) l'état actuel des pollinisateurs indigènes, mégachiles et abeilles domestiques au Canada;

c) les facteurs qui affectent la santé des abeilles domestiques y compris les maladies, parasites et pesticides au Canada et à l'échelle globale.

d) les stratégies à adopter par les gouvernements, les producteurs et l'industrie pour garantir la santé des abeilles.

Chers collègues, nous avons aujourd'hui l'honneur de recevoir trois témoins : Mme Kimberley Fellows, coordinatrice des programmes de sensibilisation à la pollinisation; M. John Bennet, directeur de campagne nationale du Sierra Club du Canada; et Mme Gwen Barlee, directrice de politiques du Wilderness Committee.

Merci d'avoir accepté notre invitation à venir partager avec nous vos idées, recommandations et réflexions. J'invite les témoins à faire leurs exposés. Je rappelle aux sénateurs que, conformément aux instructions précédemment données aux témoins, chaque exposé ne devra pas durer plus de sept minutes. Après les exposés aura lieu une séance de questions-réponses. Chaque sénateur aura cinq minutes pour poser des questions, puis le président passera la parole à un autre sénateur. Il y aura autant de séries de questions que le permettra le temps imparti. Lors de la séance de questions-réponses, je demande aux sénateurs d'être concis et précis dans la formulation de leurs questions, et aux témoins d'en faire de même lors de leur réponse.

La première à parler sera Mme Kimberley Fellows, suivie de M. John Bennett et de Mme Gwen Barlee.

Madame Fellows, vous avez la parole.

Kimberley Fellows, coordinatrice des programmes de sensibilisation à la pollinisation, Pollinisation Canada : Bonsoir sénateurs, bonsoir aux témoins et à tous ceux qui sont présents. Je suis heureuse d'être ici. Votre greffier, Kevin Pittman, m'a informée qu'il n'était pas possible d'utiliser un diaporama en PowerPoint, mais il m'a assurée que les diapositives seraient imprimées et distribuées à chacun, vous les avez donc pour consultation, bien que les couleurs ne soient pas belles.

Je vais vous expliquer les principes fondamentaux de la pollinisation et puis je vous parlerai des pollinisateurs indigènes — de l'abeille des courges en particulier. Nous allons passer en revue les causes connues du déclin des abeilles, en particuliers les pesticides néonicotinoïdes, et nous terminerons par la situation des abeilles indigènes. Nous espérons que cela vous aidera à comprendre nos trois principales recommandations : la mise en place d'un moratoire sur les néonicotinoïdes pendant cinq ans au minimum; le soutien aux organismes agricoles nationaux qui encouragent les principes de l'écologie et la lutte intégrée contre les ravageurs; ainsi que le soutien aux recherches indépendantes sur tous les aspects de la santé des pollinisateurs, en mettant l'accent sur l'agrochimie.

Comme vous le savez, pour que les plantes produisent des graines ou deviennent des aliments, les grains de pollen des parties mâles de la fleur doivent atteindre les parties femelles de la fleur. Une fois que le pollen atteint les parties femelles, d'autres étapes conduisent à la fertilisation des graines et au développement des aliments. C'est ce transfert de grains de pollen qui est nommé « pollinisation ».

Les abeilles surclassent toutes les autres espèces vivantes en réalisant 70 p. 100 de la pollinisation dans nos écosystèmes. Elles ne savent pas qu'elles le font, elles ne font que se nourrir, elles et leur progéniture, en collectant le nectar et le pollen.

Voilà pour les fondamentaux de la pollinisation. Regardons de plus près les abeilles.

Beaucoup d'entre vous ont pensé à cette magnifique abeille domestique lorsque j'ai prononcé le mot « abeille ». Celle-ci a été très occupée, comme vous pouvez le constater au vu du pollen jaune qu'elle a accumulé sur ses pattes. L'abeille mellifère européenne est arrivée sur les côtes de la Virginie avec les colons voici environ 400 ans.

Beaucoup sont surpris quand ils apprennent qu'en plus des bourdons, il existe des centaines d'abeilles indigènes au Canada, plus de 800 : l'abeille plâtrière, l'abeille charpentière, l'abeille des courges, la mégachile et les halictes, pour n'en citer que quelques-unes. Elles ont évolué pour occuper tous les coins et recoins. Elles sont conçues pour différentes fleurs, différents pollens, différentes températures et différentes distances de vol, entre autres facteurs. Cette incroyable diversité des espèces indigènes est cruciale, pas seulement pour la résilience du système alimentaire, mais aussi pour l'équilibre des écosystèmes. L'avantage qu'il y a à connaître ces abeilles indigènes, c'est que si un cultivateur favorise leur présence, il profitera de services de pollinisation naturels et gratuits.

Maintenant nous allons regarder de plus près une de nos abeilles sauvages, l'abeille des courges. Vous voyez ici une abeille des courges mâle dans une fleur de potiron. Ici vous voyez un champ de maïs qui était planté de potirons l'année précédente. Les potirons, concombres, courges, melons et courgettes font tous partie de la famille des cucurbitacées, et l'abeille des courges se nourrit exclusivement du pollen et du nectar des cucurbitacées.

Jusqu'à 70 p. 100 des abeilles indigènes nichent au sol, y compris l'abeille des courges. Vous voyez ici des abeilles nichant très près les unes des autres. Parfois elles nichent sous les cultures qu'elles pollinisent, bien qu'ici elles ne pollinisent pas le maïs. Je ne veux pas vous embrouiller. Chaque drapeau orange que vous voyez sur l'image signale l'entrée d'un nid, dont on peut voir le détail en encart. On voit une abeille des courges femelle chargée de pollen, elle s'apprête à entrer dans son nid.

Une autre chose intéressante à noter concernant nos abeilles indigènes, c'est que la plupart d'entre elles sont solitaires. Ce qui signifie qu'elles ne sont pas sociales comme une colonie d'abeilles mellifères qui vivent et travaillent ensemble pour leur bien commun. Une femelle abeille indigène est solitaire et doit creuser son propre nid et collecter de la nourriture pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa progéniture.

Ce dessin vous montre à quoi ressemble le nid souterrain d'une abeille des courges. La femelle récolte du nectar et du pollen. Elle en fait une boule que l'on appelle parfois « pain d'abeille » et pond un œuf dessus. Elle scelle ensuite la cellule avec de la terre et passe à la suivante. L'œuf traversera encore deux stades de développement, en se nourrissant du pain d'abeille et restera sous terre sous cette forme jusqu'à la saison de culture suivante.

L'abeille des courges se lève très tôt, au moment où les fleurs s'ouvrent dans les cultures. Les abeilles s'empressent de collecter pollen et nectar. À midi au plus tard, les fleurs auront fané et se seront refermées, les nouvelles fleurs s'ouvriront le lendemain. L'après-midi les femelles s'activent dans leurs nids, mais si vous dépliez délicatement une fleur de courge et regardez à l'intérieur, vous trouverez des abeilles mâles tranquillement endormies. Les mâles ont passé la matinée à courir les filles et à boire du nectar, et ils sont fatigués, mais ils n'ont pas le droit d'entrer dans le nid. C'est un bon moyen d'observer les abeilles de près, car on peut même délicatement mettre l'abeille dans sa main et la regarder se réveiller, il n'y a aucun risque d'être piqué puisque seules les femelles piquent, il s'agit d'une adaptation de leur organe de ponte.

Les abeilles mellifères par contre ne commencent à chercher de la nourriture qu'une heure après les abeilles des courges. Si elles ont le choix, elles évitent le pollen de courge. Elles n'aiment pas ça. Le corps de l'abeille des courges est mieux adapté à la pollinisation des fleurs de courge.

Une étude menée en Ohio en 2007 a montré que moins de 1 p. 100 des cultivateurs savaient que cette abeille indigène pouvait polliniser les courges et les potirons, et aucun n'avait entendu parler de l'abeille des courges. Cependant la sensibilisation et la vulgarisation peuvent permettre aux agriculteurs de tirer profit des services de pollinisation gratuits des abeilles.

Après ce rapide aperçu de la vie de l'abeille des courges, penchons-nous sur les raisons qui nous rassemblent ici et passons en revue les multiples facteurs stressants qui contribuent au déclin généralisé de l'industrie apicole. Quelles en sont les raisons?

La perte d'habitat a deux impacts. Elle diminue la diversité des fleurs disponibles. La monoculture, c'est le mot que l'on utilise pour désigner de grandes surfaces d'une seule culture, mais les abeilles ont besoin d'une diversité constante de nutrition florale au cours de la saison de culture, exactement comme les humains ont besoin de divers minéraux et vitamines provenant d'un éventail de produits frais.

La destruction des habitats provoque aussi une perte de sites de nidification et de reproduction. Si un champ de maïs est semé jusqu'au bord et qu'il n'y a plus de bordures, il n'y a pas d'habitat pour les abeilles. Si ce n'était pas déjà le cas, vous comprenez maintenant que le travail du sol peut détruire les nids et les larves des abeilles indigènes.

L'utilisation de produits chimiques contribue au déclin des abeilles. Nous y reviendrons plus en détail dans un instant.

Les facteurs que j'ai cités, ont pour effet de supprimer les défenses immunitaires des abeilles, les rendant plus vulnérables aux ravageurs et aux maladies.

En plus de cela il y a les changements climatiques. Ils ont leur part de responsabilité, surtout en perturbant la synchronisation de l'apparition des fleurs et des abeilles au printemps.

Certains disent que c'est le désastre complet pour les abeilles.

Le président : Madame Fellows, je dois vous demander de terminer en à peu près 20 secondes parce que vous avez dépassé votre temps de parole. Puisque nous avons les documents, les sénateurs auront eu le temps de les regarder. Pouvez-vous conclure en 20 secondes?

Mme Fellows : Bien sûr. Nos trois principales recommandations sont l'instauration d'un moratoire sur les néonicotinoïdes pendant cinq ans au minimum; le soutien aux organismes agricoles nationaux qui encouragent les principes de l'écologie et la lutte intégrée contre les ravageurs; et enfin le soutien aux recherches indépendantes sur tous les aspects de la santé des pollinisateurs, en mettant l'accent sur l'agrochimie.

Le président : Merci beaucoup, madame Fellows.

Nous allons maintenant écouter John Bennett, directeur de campagne nationale du Sierra Club du Canada.

Monsieur Bennett, vous avez la parole.

John Bennett, directeur de campagne nationale, Sierra Club du Canada : Monsieur le président, honorables sénateurs, je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de participer à votre étude sur la santé des abeilles.

Le Sierra Club du Canada est l'une de plus anciennes organisations environnementales du Canada. Nos origines remontent à la naissance de la conservation en Amérique du Nord en 1892. Nous avons des membres et des sympathisants dans chaque province et territoire du Canada.

Notre organisation s'inquiète de l'usage des pesticides depuis très longtemps. Nous nous rappelons l'ouvrage d'avant-garde de Rachel Carson, Silent Spring, qui nous a alerté des périls qu'il y a à faire un usage généralisé des pesticides avant de comprendre leurs effets à long terme. Nous pensions que notre société avait évolué jusqu'à un stade où nous mettrions en place des mécanismes de contrôle pour que cela ne se reproduise jamais, mais je dois maintenant vous demander : l'avons-nous fait?

J'ai suivi votre travail, alors je serai bref et j'essaierai de ne pas répéter ce qui a déjà été dit. Je veux juste dire que nous nous faisons l'écho de l'Ontario Beekeepers Association en appelant à un moratoire sur l'usage des pesticides néonicotinoïdes, dans le même esprit que ce qui a été fait dans l'Union Européenne il y a un an.

Nous pensons que conformément au principe de précaution, le gouvernement a le devoir d'agir quand il est clair qu'une substance peut avoir un impact négatif sur l'environnement et qu'il doit empêcher que cette substance soit diffusée dans l'environnement alors que son impact n'est pas entièrement compris.

Dans le cas des pesticides néonicotinoïdes ni l'un ni l'autre n'ont été faits.

L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire a délivré des licences aux fabricants de ces pesticides sans avoir toutes les données nécessaires sur la toxicité chronique et a échoué dans l'application de la Loi sur les produits antiparasitaires, en cela elle a échoué dans la prévention de risques inacceptables pour l'environnement.

Je voudrais en particulier attirer votre attention sur le manque d'études sur la toxicité chronique pour les abeilles. J'ai avec moi, dans mon mémoire, une liste de ce que l'on appelle les avis de l'article 12 — ils sont émis par l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire — et leur donne le droit de demander davantage d'informations. Ils ont été émis et établissent les conditions pour l'octroi de licences pour les pesticides. Nous avons jusqu'ici découvert 31 de ces documents. Tous stipulent que d'autres études doivent être menées et que davantage de données doivent être fournies pour que l'on puisse donner des licences pour les néonicotinoïdes.

Ces études datent d'il y a 10 ans, et les produits sont toujours sur le marché et sont toujours renouvelés de façon conditionnelle. Nous ne comprenons pas comment des entreprises peuvent avoir des licences pour des pesticides sans avoir fourni toutes les données toxicologiques requises, puis faire renouveler ces licences, malgré le fait qu'elles n'ont toujours pas fourni ces études.

Elles sont toutes similaires à celle que je vais citer maintenant, à savoir :

Actara 25WG numéro d'homologation d'insecticide 28408

9.2, invertébrés terrestres non ciblés

Détail des études sur le terrain : une étude de toxicité sur les abeilles, y compris des résidus systémiques dans les conditions ambiantes in situ, soit une étude de surveillance, est requise.

Cela a été demandé à ce fabriquant de pesticides en 2004.

La semaine dernière, nous avons tenu une conférence de presse en association avec d'autres organisations pour faire état de notre objection à l'attribution de licences pour la clothianidine parce que presque exactement les mêmes termes sont employés pour dire qu'il faut des études de toxicité pour les abeilles.

Je vous le demande : comment est-ce possible? Comment est-ce possible que nous ayons un pesticide sur le marché depuis 10 ans sans jamais avoir vu les études de toxicité exigées par la loi? Je voudrais que vous posiez cette question au gouvernement dans le cadre de votre étude. Pourquoi les néonicotinoïdes sont-ils toujours sur le marché alors que les études de base qui sont exigées pour déterminer s'ils sont des produits viables à déverser dans l'environnement n'ont pas été fournies?

Je vais me répéter : nous espérons que dans votre rapport vous demanderez au gouvernement d'interdire l'usage des néonicotinoïdes ou au moins de décréter un moratoire, mais idéalement ces produits devraient être retirés du marché jusqu'à ce que nous sachions enfin quel est leur impact. Nous ne devrions plus jamais mettre un pesticide sur le marché de façon conditionnelle, surtout pas pendant une décennie entière. Merci beaucoup.

Le président : Merci, monsieur Bennett.

Gwen Barlee, directrice des politiques, Wilderness Committee : Merci beaucoup d'avoir invité le Wilderness Committee, honorables sénateurs, pour parler des abeilles. Nous avons un document que vous devez tous avoir sous les yeux. Il n'y a pas de version française, je m'en excuse.

Je vais notamment vous parler des néonicotinoïdes et de leur impact sur les abeilles, mais d'abord je vais vous dire quelques mots au sujet du Wilderness Committee. Le Wilderness Committee est une organisation environnementale fondée en 1980 en Colombie-Britannique. Nous avons maintenant 30 000 membres et 300 000 sympathisants dans l'ensemble du Canada. Nos membres et sympathisants, comme beaucoup de gens au Canada sont très préoccupés par ce qui est en train d'arriver aux abeilles et autres pollinisateurs sauvages.

Certains de mes amis et des gens de notre bureau ont des petits jardins à côté de leur appartement ou de leur maison. Dans un cas, ils ont remarqué que le plant de courge n'avait pas été pollinisé et ne portait pas de fruit. Personnellement, je n'avais pas entendu parler des néonicotinoïdes il y encore deux ans. J'ai commencé à m'en inquiéter lorsque 55 tilleuls en fleurs ont été aspergés dans un parc de stationnement à Wilsonvile, dans l'Oregon. Ils ont été traités au Safari. Un insecticide dont l'ingrédient principal est le néonicotinoïde. En trois jours on a dénombré 50 000 bourdons morts sous ces 55 tilleuls en fleurs. Ils ont été tués par les néonicotinoïdes. Cela m'a profondément choqué.

Lorsqu'un pesticide est suffisamment toxique pour exterminer autant de bourdons, juste par l'aspersion de 55 arbres, on peut parler de crise. Ce n'est pas un incident isolé. Nous avons vu les impacts mortels sur les abeilles et les pollinisateurs sauvages en Ontario, au Québec, au Manitoba et dans tout le Canada. Des dizaines de millions d'abeilles ont été tuées après que des champs voisins aient été semés de maïs traité aux pesticides néonicotinoïdes. Santé Canada a découvert que 75 p. 100 des abeilles mortes contenaient des résidus détectables de pesticides néonicotinoïdes qui avaient été utilisés pour traiter les champs de maïs et de colza plantés à proximité.

C'était aussi intéressant de parler de la manière dont cette question implique véritablement les Canadiens. En entrant tout à l'heure dans le bâtiment du Sénat, j'ai discuté avec l'agent de sécurité à l'accueil, un monsieur avec une barbe rousse. Il a un ami apiculteur qui a perdu 100 p 100 de ses abeilles au cours de l'année passée. L'ami de l'apiculteur qui a également des ruches en a perdu 54 p. 100 sur la même période.

Les néonicotinoïdes sont si toxiques qu'à volume égal ils sont en fait 10 000 fois plus toxiques que le DDT. Vous pouvez voir cela dans le Journal of Applied Ecology, dans un article de 2013 par David Goulson. Il suffit d'environ trois nanogrammes de Clothianidine par abeille, un des néonicotinoïdes les plus toxiques, pour avoir 50 p 100 de mortalité au sein d'un groupe d'abeilles mellifères adultes, soit trois milliardièmes de grammes. Vous vous demandez ce qu'est un gramme? Pour vous donner une idée, cette feuille de papier pèse quatre grammes et demi, un quart de cette feuille en néonicotinoïdes pourrait tuer des millions d'abeilles.

Un autre article provenant de la Purdue University, dans l'Indiana, montre que si un gramme de talc, utilisé pour enrober les graines de maïs, contient 1 p. 100 de clothianidine, il pourrait théoriquement tuer un million d'abeilles. Le professeur Greg Hunt, entomologiste et spécialiste des abeilles à l'Université de Purdue a déclaré :

Bien qu'il existe peut-être un pesticide plus toxique pour les abeilles, je n'en connais pas.

Bien que les effets aigus et mortels des néonicotinoïdes soient terrifiants, les effets sub-létaux sont très préoccupants. C'est ce qui se produit lorsque l'exposition aux néonicotinoïdes ne tue pas l'abeille immédiatement. Elle est désorientée et a des difficultés à rejoindre sa ruche, ce qui est de plus en plus associé au syndrome d'effondrement des colonies, cela affecte aussi sa capacité à chercher efficacement de la nourriture, sa mémoire et sa capacité d'apprentissage, sa capacité à communiquer avec les autres abeilles de la colonie, cela réduit le taux de reproduction, l'efficacité métabolique et la résistance aux maladies, ce qui rend aussi les abeilles plus vulnérables aux infections.

Il y a aussi la contamination des nappes phréatiques et des sols. L'essentiel des néonicotinoïdes aspergés sur les plantes finissent dans le sol. Récemment, le Japon a refusé une récolte de sarrasin canadien contaminé par les néonicotinoïdes.

Il y a une urgence extrême car la période de plantation du maïs va commencer dans seulement quelques semaines en Ontario et dans l'Est du Canada. Si nous regardons ce qui s'est passé en 2012 et en 2013, nous constatons que presque toutes les graines de maïs étaient traitées aux néonicotinoïdes. Nous verrons mourir des millions d'abeilles avec ces semis et aussi des millions de pollinisateurs sauvages, comme les bourdons qui n'ont pas de gardiens humains.

En 14 années auprès du Wilderness Committee, je n'ai jamais vu un enjeu qui trouve autant d'écho chez les gens. Les gens voient de leurs propres yeux le déclin des abeilles et des pollinisateurs. Des gens viennent me voir pour me dire qu'ils voient de moins en moins d'abeilles dans leur jardin. Le Wilderness Comittee appelle à l'interdiction des néonicotinoïdes au Canada à cause de leur effet profondément toxique sur les abeilles mellifères et sur les autres pollinisateurs sauvages.

Le sénateur Mercer : Merci pour vos exposés. C'est une étude très importante pour une industrie très importante. Plus de 500 000 emplois sont en jeu au Canada dans le secteur agricole. C'est plus que le secteur automobile ou que n'importe quel autre secteur de l'économie, alors personne ne doit prendre ça à la légère.

Nous avons écouté vos propos, mais je n'ai pas entendu beaucoup de faits scientifiques. Madame Barlee, vous avez dit qu'en théorie cela pourrait tuer un million d'abeilles. Nous avons besoin de faits scientifiques pour étayer cela afin de nous aider à faire des recommandations. Avec un moratoire de cinq ans, comment ferons-nous pour protéger les investissements des agriculteurs et les rendements dont ils ont besoin, si nous devions interdire l'usage des pesticides dans les champs?

Mme Barlee : Merci pour cette question, monsieur le sénateur Mercer.

Il existe des études très intéressantes et je serais ravie de revenir au sénat à une date ultérieure pour poursuivre. Elles montrent que les hausses de rendement associées aux néonicotinoïdes sont très faibles et parfois même nulles.

Bien entendu, le rôle que jouent les abeilles et les pollinisateurs dans un écosystème sain pour la production de légumes et de fruits frais ne peut pas être sous-estimé. Cela vaut des milliards et des milliards de dollars au Canada. Nous pourrions aller vers la lutte antiparasitaire intégrée et regarder quelles sont les quantités de parasites présents dans les champs pour voir si les néonicotinoïdes sont utiles. Nous pensons qu'ils ne le sont pas.

L'impact sur les abeilles est la raison pour laquelle l'Union européenne a mis en place une interdiction temporaire à partir de décembre 2013. Il y a des données scientifiques probantes qui montrent à quel point les néonicotinoïdes sont dangereux pour les abeilles et les pollinisateurs sauvages. Les études effectuées en Italie et en Slovénie, je crois, ont porté sur des cultures plantées sans néonicotinoïdes et n'ont constaté aucune différence de rendement.

Le sénateur Mercer : L'autre question dont nous ont parlé les agriculteurs, équipementiers, et cetera, c'est celle d'une meilleure gestion et d'une meilleure diffusion des néonicotinoïdes — la manière dont ils sont pulvérisés et diffusés. Cela inclue des déflecteurs sur les machines qui plantent les graines et une meilleure gestion des pulvérisations. Si un agriculteur doit pulvériser, il pourrait attendre un jour sans vent ou pulvériser la nuit quand les abeilles sont dans les ruches.

Ne devrions-nous pas examiner cela et aussi se demander ce que serait une absence totale de néonicotinoïdes? On pourrait imaginer un meilleur système de gestion des pulvérisations, de diffusion et de gestion des ruches, parce qu'il n'y a pas que l'agriculteur qui soit responsable. La personne qui possède les abeilles ou les ruches doit également être impliquée dans la gestion.

M. Bennett : Cela fait des millénaires que nous cultivons sans utiliser les pesticides néonicotinoïdes. Cela fait seulement une décennie qu'ils existent. Suggérer que nous ne pourrions pas produire assez de nourriture sans eux est absurde d'un point de vue historique.

Pour ce qui est de la science, l'été dernier un ministre a déclaré que la décision de Santé Canada serait basée sur des faits scientifiques. J'ai demandé à un stagiaire de faire une recherche sur Google à ce sujet et en moins de 20 minutes il m'a apporté 20 études scientifiques publiées dans des revues à comité de lecture, qui concluaient toutes à la toxicité des néonicotinoïdes sur les abeilles.

Les faits scientifiques sont absolument clairs. C'est le même argument que pour le changement climatique. La science est claire. C'est un produit très toxique, il tue les abeilles. En réalité cela fait 10 ans que le gouvernement demande à l'industrie de fournir davantage de faits scientifiques, ils ne l'ont pas fait, et le gouvernement a continué d'autoriser l'utilisation de ce produit.

Il y a de nombreuses façons de continuer à augmenter la production, mais nous n'avons pas besoin d'utiliser ces pesticides de façon prophylactique. Ils sont pulvérisés sur chaque graine de maïs plantée en Ontario. Cela représente un million de sacs de graines de maïs par an, et chaque graine est enrobée.

Il y a quelques semaines j'ai parlé avec un apiculteur qui est aussi cultivateur de maïs, il a fait une commande spéciale à l'entreprise de semences pour avoir des graines non-traitées. Il y a deux semaines on lui a répondu : « désolé, mais nous ne pouvons pas vous livrer de graines non-traitées, vous devez accepter les graines traitées au néonicotinoïdes. »

Comment en sommes-nous arrivés au point où un agriculteur n'a plus le choix? Comment en sommes-nous arrivés là? Il y a quelques années quand Rogers a voulu recourir aux pratiques d'abonnement par défaut et qu'il fallait se désabonner du service pour ne pas avoir à payer, tout le pays s'est révolté et le gouvernement s'est impliqué pour arrêter cela. Les entreprises de pesticides sont en train de faire exactement la même chose, ils donnent un choix négatif au lieu d'un choix positif. On devrait pouvoir demander cette option et non pas devoir demander pour ne pas l'avoir.

Mme Fellows : Les pratiques actuelles de l'agriculture ne sont pas viables, l'ARLA l'a admis en septembre.

Il y a aussi cet article scientifique de Dave Goulson publié en 2013, il explique le cheminement des néonicotinoïdes. Si vous regardez la grosse flèche rouge sur ce document, vous verrez que 96 p. 100 des néonicotinoïdes finissent dans le sol et qu'ils y restent. Ils peuvent y rester, selon M. Goulson, pendant 19 ans.

En Italie, cela fait cinq ans que le produit est interdit, et les agriculteurs n'ont subi aucun revers économique, probablement parce qu'il y a tellement de néonicotinoïdes dans les sols qu'ils jouent toujours leur rôle de protection.

C'est une occasion unique. Si un moratoire d'au moins cinq ans est mis en place, alors cela permettra de faire des études indépendantes et objectives. En même temps, en gros, les cultures seront encore protégées dans le sol et cela permettra aussi de donner l'occasion aux organismes agricoles nationaux de faire de la sensibilisation et de l'éducation aux principes de l'écologie agricole, et à la lutte antiparasitaire intégrée.

Le sénateur Buth : Merci beaucoup d'être parmi nous ce soir.

Nous avons entendu beaucoup d'opinions diverses, disons, avec des arguments scientifiques des deux côtés. Cela fait 15 ans que nous avons les néonics au Canada. On les utilise depuis 15 ans et pourtant cela fait seulement sept ans environ que l'on constate de sévères destructions hivernales.

Des témoins nous ont également rapporté que Statistique Canada dit que le nombre de colonies d'abeilles mellifères a continué d'augmenter et qu'en 2013 le nombre de ruches au Canada était le deuxième plus élevé de ces 25 dernières années.

J'aimerais entendre vos remarques sur le nombre d'années d'utilisation des néonicotinoïdes et surtout sur les augmentations que nous avons constaté pour les colonies d'abeilles.

Mme Fellows : Certainement, je serai ravie de répondre à cela.

À mon avis la raison pour laquelle on observe des destructions hivernales que depuis sept ans, c'est la vente continue des néonicotinoïdes, les enrobages de graines, les traitements, avec une utilisation préventive. Ce qui se passe c'est que personne ne va dans les champs pour tester les niveaux de parasites présents. Je ne devrais pas dire « personne », mais on dirait que c'est comme cela que ça se passe.

Ce qui se passe, c'est que c'est la peur et l'anxiété qui poussent les agriculteurs à utiliser ces graines alors qu'ils n'en ont pas besoin. Encore une fois, il y a une accumulation de toxiques dans le sol. C'est pourquoi on en voit davantage les effets maintenant, et chaque année cela s'aggrave. Chaque année il y en a de plus en plus, et je pense que c'est cette accumulation qui explique les destructions hivernales.

Mme Barlee : Pour continuer là-dessus, il y a d'assez bonnes données sur les destructions hivernales, dans l'ensemble du Canada elles ont avoisiné les 35 p. 100 durant les trois dernières années, me semble-t-il. Dans certains cas comme sur L'île de Vancouver, près de Vancouver d'où je viens, les destructions ont été de 80 p. 100. Je crois que nous assistons, comme l'ont montré les scientifiques, à une accumulation des néonicotinoïdes dans l'environnement et à un effet plus toxique sur les abeilles.

Parce que nous avons plus de colonies d'abeilles, je crois que les apiculteurs font venir plus d'abeilles pour compenser les pertes d'abeilles liées aux pesticides. Notre téléphone sonnait sans cesse au Wilderness Committee lorsque nous avons publié cet article sur les néonicotinoïdes et les abeilles. Des apiculteurs m'ont dit : « J'ai perdu 50 p. 100 de mes abeilles l'an dernier », ou : « J'ai perdu 80 p. 100 de mes abeilles l'an dernier ». Ou encore comme l'agent de sécurité à l'entrée dont l'ami a perdu 100 p. 100 de ses abeilles l'an dernier.

Avant 1995, les destructions hivernales se situaient entre 10 et 15 p. 100, on considérait que c'était un niveau normal. Mais ce n'est pas normal de voir des niveaux de destructions d'abeilles atteindre les 35 p. 100. Et pas seulement des destructions d'abeilles en hiver, mais aussi au printemps, juste après que des graines enrobées de néonicotinoïdes aient été semées.

Encore une fois, Santé Canada montre que plus de 75 p. 100 des abeilles tuées avaient sur elles des résidus détectables d'insecticide néonicotinoïde. Nous savons que les insecticides néonicotinoïdes sont incroyablement toxiques. Il me semble que la question c'est uniquement de savoir ce que l'on va faire à ce sujet.

Le sénateur Buth : Vos organisations ont-elles fait des recherches sur les abeilles? Vous citez d'autres études, et cetera. Avez-vous fait des recherches indépendantes, portant principalement sur les abeilles, et ayant été publiées?

Mme Barlee : Le Wilderness Committee s'est surtout appuyé sur des études menées par des universités nord-américaines ou européennes. Nous prévoyons de faire des analyses de sol cette année.

M. Bennett : Nous dépendons de la recherche indépendante. Nous n'avons pas la capacité d'investir dans ce type de recherches.

Mme Fellows : Oui, c'est la même chose pour nous. Nous avons des liens étroits avec l'ancienne initiative canadienne de pollinisation, CANPOLIN, mais aucune étude n'a été faite sur les néonicotinoïdes.

Le sénateur Buth : Merci.

Le sénateur Merchant : Il me semble qu'un ou plusieurs témoins nous ont dit qu'il était possible d'avoir des graines non traitées si on le voulait.

Le sénateur Tardif : C'est exact.

Le sénateur Merchant : Il se peut qu'ils ne produisent pas assez de graines non traitées, si tout le monde devait soudain dire : « Nous ne voulons pas utiliser les graines traitées », mais on nous a dit que c'était une possibilité.

Je ne discute pas, je vous donne une autre version des choses. Quelqu'un s'est assis ici, il avait apporté les graines pour nous montrer, et il a dit que les agriculteurs avaient la possibilité de choisir l'un ou l'autre, mais que la plupart choisissaient les graines traitées parce que les rendements semblaient meilleurs. Nous recevons beaucoup d'informations, et à la fin nous devons les comparer.

En Europe, ils ont mis en place des interdictions, je ne sais pas s'il y a des endroits où ils ont supprimé les néonics complètement, mais peut-être qu'ils ne sont pas aussi investis dans l'agriculture que nous le sommes ici? Je viens de la Saskatchewan et l'agriculture est très importante là-bas. Pensez-vous que peut-être ils ont un point de vue différent et que leurs économies ne sont pas affectées de la même manière?

Mme Barlee : D'après les études que j'ai lues, dans l'étude de l'Union européenne qui a conduit à une interdiction temporaire de deux ans, ils ont travaillé sur des régions d'agriculture intensive, que cela soit en Italie ou dans d'autres pays européens. C'est d'après ces études qu'ils ont dit ne constater aucun impact négatif sur les rendements après avoir supprimé les néonicotinoïdes.

Le sénateur Merchant : Il m'a semblé que nos cultivateurs de canola ont dit qu'ils avaient vu une forte hausse des rendements, alors nous devons peser les deux points de vue.

Mme Barlee : Je serais ravie de poursuivre le débat avec des études sur ce sujet parce qu'il en existe plusieurs, beaucoup sont sorties récemment, durant les deux dernières années, car il y a eu beaucoup d'inquiétude à propos des néonicotinoïdes. Bien sûr, c'est l'argument des entreprises de semences pour vendre leurs graines. C'est l'un des gros arguments de vente auprès des agriculteurs : « Vos rendement vont faire un bond. » Mais, encore une fois, les études que j'ai lues indiquent plutôt que les rendements n'augmentent pas du tout, ou peut-être de 4 p. 100. Je serais ravie d'en reparler.

Mme Fellows : D'après ce que je sais ce n'est que très récemment que Pioneer a mis sur le marché des graines non traitées, en quantité limitées, pour les semis de printemps de cette année. Les gens que je connais, par exemple au Syndicat national des cultivateurs, veulent des graines non traitées et n'en trouvent tout simplement pas en quantité suffisante pour répondre à leurs besoins. Je crois qu'il faut s'attaquer à ce problème aussi.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je remercie nos trois témoins pour leur présence. La population des abeilles domestiques, qu'on appelle l'apis mellifera, a diminué de 30 p. 100 depuis une quinzaine d'années. On attribue cela à différentes causes, dont les néonicotinoïdes, mais également à la diminution des plantes à fleurs et à l'utilisation des produits chimiques. On n'a pas beaucoup parlé des fameux champs électromagnétiques — les lignes à haute tension —, des parasites ravageurs ainsi que de la concurrence des abeilles exotiques. Il y a aussi les tueurs d'abeilles qui croupissent dans les flaques d'eau et qui sont des résidus de pesticide, souvent.

Bref, je vous ai mentionné plusieurs causes de mortalité des abeilles, mais j'aimerais vous entendre sur les correctifs qui pourraient être apportés, s'il y en a. Sinon, comment entrevoyez-vous le futur des abeilles? On parle beaucoup des néonicotinoïdes, mais il y a beaucoup d'autres facteurs qu'on néglige un peu.

[Traduction]

Mme Barlee : Merci pour la question. Je suis d'accord pour dire qu'il y a beaucoup d'autres facteurs, y compris le changement climatique, qui affectent nos abeilles et nos pollinisateurs. C'est certainement vrai, mais les néonicotinoïdes constituent un risque connu. Leur toxicité est si élevée que nous savons que si nous cessions de les répandre dans l'environnement et que nous instaurions un moratoire au Canada, il est fort probable que la santé des abeilles s'améliorerait.

Nous pourrions commencer par dire que nous devons mettre en place un moratoire sur les néonicotinoïdes afin de permettre aux agriculteurs d'acheter des graines qui ne soient pas traitées aux néonicotinoïdes et d'avoir des rotations culturales diversifiées — comme l'a dit Mme Fellows tout à l'heure, cela serait aussi une bonne chose — d'essayer de maintenir un habitat diversifié, d'utiliser la lutte antiparasitaire intégrée et de promouvoir l'agriculture biologique. Avec la lutte antiparasitaire intégrée, on regarde la quantité de parasites, pucerons ou doryphores, dans un champ. Si c'est une quantité moyenne, on peut essayer de ne pas utiliser de pesticides. Si la quantité est élevée, on utilisera peut-être des pesticides. Mais encore une fois, puisque les néonicotinoïdes sont si toxiques pour les abeilles, ils ne devraient pas être utilisés.

C'est intéressant de noter que des publications scientifiques très récentes, qui viennent juste de paraître, montrent une horrible synergie entre des fongicides et des néonicotinoïdes, et font la comparaison entre un fongicide et un pesticide néonicotinoïde. Les pesticides néonicotinoïdes sont beaucoup plus toxiques pour les abeilles et les autres pollinisateurs.

M. Bennett : Il faut aussi prendre en compte les doses sub-létales de ces pesticides qui peuvent affecter le système immunitaire des abeilles ce qui fait que d'autres problèmes —parasites et virus —deviennent plus dangereux parce que les abeilles sont affaiblies. On peut remédier à ce problème d'affaiblissement immunitaire en retirant les pesticides, les abeilles seront alors en meilleure santé. Il y a donc d'autres facteurs, mais les néonicotinoïdes ne font pas que tuer les abeilles immédiatement, ils aggravent aussi les autres problèmes.

Mme Fellows : Je suis entièrement d'accord avec ce qu'ont dit Mme Barlee et M. Bennett. Je n'ai pas grand-chose à ajouter. Ces produits sont très toxiques, en particulier les effets sub-létaux. Cela affecte vraiment leur orientation et leur capacité à collecter de la nourriture pour leur progéniture. Par conséquent cela touche la génération suivante. Nous constatons aussi beaucoup d'effets sur la descendance.

Le sénateur Tardif : Merci d'être avec nous ce soir. Vous avez tous les trois appelé à un moratoire sur l'usage des néonicotinoïdes. Vous avez indiqué que la France a mis en place un moratoire il y a, me semble-t-il quelques années, et que l'Union européenne a également instauré un moratoire à compter de juillet 2013, pour une durée de deux ans. Il est peut-être trop tôt pour en voir les résultats, mais à partir de l'expérience de la France et de l'Italie, savez-vous si les colonies se sont régénérées pour atteindre des niveaux normaux? Y a-t-il des études là-dessus, quelle est la situation?

Mme Fellows : Oui, leurs populations d'abeilles ne connaissent pas les mêmes taux de mortalité.

Le sénateur Tardif : Quel est le taux de mortalité?

Mme Fellows : Je n'ai pas les chiffres.

Le sénateur Tardif : Vous n'avez pas ces résultats?

Mme Fellows : Je peux vous donner les noms d'un chercheur italien et d'un autre français, qui sont les personnes de référence, et je crois que l'une des recommandations du groupe de travail sur la santé des abeilles de l'Ontario, et du ministre de l'Agriculture de l'Ontario, qui se trouve être le premier ministre, était d'organiser une table ronde et d'inviter des chercheurs pour savoir ce qui se passe.

Le sénateur Tardif : D'autres commentaires? Non, très bien.

Madame Fellows, vous avez dit avoir deux autres recommandations en plus du moratoire. Apporter un soutien aux organismes agricoles nationaux qui utilisaient des approches intégrées de gestion agricole et de soutenir la recherche indépendante dans le secteur, je crois, des produits agrochimiques. Est-ce bien cela?

Mme Fellows : C'est cela.

Le sénateur Tardif : Pouvez-vous développer ces deux recommandations?

Mme Fellows : Absolument. Le soutien aux organismes agricoles nationaux qui encouragent les principes de l'écologie et de la gestion antiparasitaire intégrée inclurait des programmes qui existent en Ontario, par exemple les Services de diversification des modes d'occupation des sols, l'ALUS. Il y a aussi un autre office, Farms at work, qui travaille dans la région de Peterborough avec Sue Chan.

L'ALUS est très intéressant. C'est un programme qui aide à mettre en place des pratiques de conservation et de protection sur des terres agricoles peu productives, les agriculteurs sont en fait rémunérés à hauteur de 150 $ à l'acre par an pendant trois ans parce qu'ils fournissent de la nourriture et des espaces de vie pour les pollinisateurs. Nous voyons maintenant beaucoup de secteurs qui redeviennent, disons, des prairies à herbes hautes, constituées d'un mélange de plantes extrêmement favorable aux abeilles, mais qui rendent également des services écologiques considérables. Elles sont des pièges à carbone. Elles résistent très bien à la sécheresse.

Bryan Gilvesy par exemple, est agriculteur dans le comté de Norfolk, il a gagné le prix de la conservation des pollinisateurs des agriculteurs et éleveurs canadiens, il a utilisé ce programme et élève des Longhorn Texans. Au cœur de l'été, la prairie à herbes hautes est florissante, ses racines pénètrent profondément et donc elle n'a pas besoin d'eau. Il fait paître ses Longhorns dans ce milieu particulier après avoir récolté du foin pendant la période moins chaude. Voilà juste quelques exemples concernant les organismes agricoles nationaux.

Puis-je répondre à votre seconde question?

Le sénateur Tardif : Allez-y je vous en prie.

Mme Fellows : CANPOLIN est un excellent exemple de ce que l'on peut faire pour soutenir la recherche indépendante et objective. L'initiative canadienne de pollinisation était une subvention de 5 millions de dollars du CRSNG. C'est en grande partie un autre de vos estimés témoins, M. Peter Kevan, qui en a été l'initiateur, et cela a été une excellente collaboration entre chercheurs et institutions dans tout le pays.

Cela serait formidable de voir ce genre de choses, plus de centres d'excellence. Ils pourraient être indépendants, comme l'Institut Perimeter ou l'IICG qui travaille à Waterloo. Ils pourraient être associés avec des universités, ou pourraient être dans les universités. L'Université Wilfrid Laurier a un nouveau centre, le Centre for Sustainable Food Systems.

Voilà le genre de choses que nous aimerions voir. Nous aimerions voir que la recherche est indépendante et objective.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je vais m'adresser à Mme Fellows. Je ne sais pas quelle profession vous pratiquez, mais vous feriez une excellente enseignante dans les écoles, avec vos tableaux. Je vous félicite, car je ne crois pas que tous les enfants canadiens connaissent aussi bien les abeilles, comme vous nous l'avez expliqué. Bravo!

Je ne vous parlerai pas d'études scientifiques, car plusieurs scientifiques sont venus ici et ils nous ont tous dit la même chose, mais sous une forme différente. Ils nous ont dit que les pesticides entraient dans la terre, allaient dans l'eau et qu'il fallait un bout de temps assez long, presque éternel, avant que ceux-ci ne se dissolvent dans la nature. C'est un constat qu'ils ont fait, et je ne les conteste pas car je ne suis pas scientifique.

Les explications que vous nous avez données sur l'abeille solitaire, madame Fellows, sont excellentes. Ce sont surtout les abeilles que j'ai dans mon coin du Nord du Québec. Les fabricants de pesticides sont aussi venus nous voir. Le dernier — je ne le nommerai pas, car il est défendu de faire de la publicité —, a tenté de nous convaincre que ces nouveaux pesticides contenaient une bactérie extraordinaire qui entrait dans l'abeille et qui était aussi salutaire pour celle-ci que l'huile de foie morue pour nos enfants. Est-ce vrai? Je leur ai posé la question. Ils m'ont répondu qu'il était prouvé que l'abeille était plus en santé avec ces pesticides que nos enfants avec l'huile de foie de morue.

J'aimerais savoir si vous êtes d'accord, ou si vous êtes du même avis que moi que les pesticides ne sont pas fameux pour les abeilles.

[Traduction]

Mme Barlee : Je suis d'accord avec votre sentiment que les pesticides ne sont pas bon pour les abeilles, et la science l'a démontré.

Une chose intéressante, et qui n'est peut-être pas une surprise pour les sénateurs autour de cette table, c'est que les études financées par les entreprises de pesticides et d'insecticides sont systématiquement plus favorables aux pesticides et aux insecticides. Je crois qu'il est important de regarder qui finance les études et lire attentivement les études indépendantes publiées dans des revues à comité de lecture.

[Français]

Le sénateur Maltais : Les scientifiques nous ont dit également — et je ne le conteste pas — qu'un champ qui n'a pas reçu de pesticides est aussi producteur qu'un champ qui en a reçus. Êtes-vous d'accord avec cette théorie des scientifiques?

[Traduction]

Mme Fellows : Je dois m'assurer d'avoir bien compris. Il a dit qu'un champ n'ayant jamais reçu de néonicotinoïdes ne produirait pas autant qu'un champ ayant été traité.

Mme Barlee : C'est le contraire. Il produirait la même chose.

Mme Fellows : Je ne comprends pas comment cela est possible si l'on tue énormément de micro-organismes qui contribuent à l'équilibre tout entier de l'écosystème. Cela n'est pas logique.

Ma réponse, c'est que nous avons besoin d'une recherche indépendante et objective, allons-y, alors, faisons la même étude.

[Français]

Le sénateur Maltais : J'aimerais une réponse au sujet de l'azote. Les pesticides détruisent-ils l'azote?

[Traduction]

M. Bennett : J'allais répondre à une autre question. Ce que j'allais dire c'est que nous n'avons aucun intérêt économique là-dedans, aucun d'entre nous. Ceux qui vous ont dit que ces pesticides sont nécessaires et qu'ils sont très précieux ont tous des intérêts économiques dans ce débat, mais pas nous.

Je pense effectivement que l'on peut produire la même quantité de nourriture dans un champ géré écologiquement que dans une ferme utilisant des produits chimiques comme c'est souvent le cas actuellement.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je n'ai que cinq minutes.

[Traduction]

Le sénateur Ogilvie : Merci. Tous vos exposés étaient intéressants et pertinents.

La question de fond est relativement simple, à savoir que les néonicotinoïdes sont toxiques pour les insectes, et les abeilles sont des insectes. Les néonicotinoïdes sont toxiques pour les abeilles et ont un taux de LD50 très faible. Ces faits sont confirmés.

La question dans ce cas, puisque les insecticides seront certainement employés en agriculture pendant encore assez longtemps, est vraiment de savoir comment on peut gérer les choses correctement dans le système en général?

J'ai deux questions pour vous. Lors d'une séance précédente j'avais posé la question de l'accumulation dans le sol sur une période de 10 ans et on m'avait répondu qu'on atteignait un certain niveau de néonicotinoïdes durant la première ou la deuxième année qui n'augmentait pas par la suite.

Je vous pose donc la question, avez-vous des preuves démontrant que la même pratique agricole répétée au fil des ans mène à une augmentation des résidus de néonicotinoïdes dans le sol au fil du temps?

Mme Fellows : Absolument. Revenons à la diapositive. Cela provient de Dave Goulson — il m'a fait parvenir cette diapo.

Le sénateur Ogilvie : Je comprends la diapositive. Ma question est simple : avez-vous des références montrant une accumulation mesurée au fil du temps avec ces pratiques agricoles répétées démontrant que le taux n'atteint pas un certain seuil sans augmenter par la suite?

Mme Fellows : Je ne connais aucune étude sur ce sujet actuellement.

Mme Barlee : J'ai lu des études préliminaires à ce sujet et cela dépend de la durée de vie du néonicotinoïde en question. Certains néonicotinoïdes persistent pendant plus de 1 000 jours, dans ce cas, vous verriez une augmentation continue dans le sol. D'autres néonicotinoïdes n'ont pas une aussi longue durée de vie.

Le sénateur Ogilvie : D'accord. Vous n'êtes pas en mesure de répondre à la question parce que — je comprends l'accumulation. Je comprends tous ces facteurs. Je comprends qu'il y a des taux différents. On nous a dit explicitement qu'un certain niveau était atteint sans être dépassé par la suite, sans accumulation au fil du temps. Ma question est donc : a-t-on des preuves tangibles du contraire?

Ma deuxième question est la suivante. Vous avez tous suggéré un moratoire, mais étant donné les réalités de ce monde et les pratiques agricoles très variées dont on entend parler, que ce soit pour les semences plantées, le maïs par rapport au soja, les techniques agricoles au niveau d'introduction de la semence et de gestion de la culture, je pose donc la question : appelez-vous à un moratoire à l'échelle du Canada dans tous les cas ou bien suggérez-vous un moratoire sélectif selon l'emplacement, le type de culture, et cetera?

Mme Fellows : Je suis favorable à un moratoire à l'échelle nationale. La raison en est simple. Permettez-moi de vous présenter Paul, l'agriculteur respectueux des abeilles. Il vit en Californie, il cultive neuf acres. Il a de très bons taux de matières organiques dans le sol grâce à de bonnes pratiques de gestion. Le Rodale Institute a effectué les mêmes tests pendant 23 ans et n'ont pu obtenir que des augmentations limitées de taux de matières organiques grâce au labour organique. Mais sur cette exploitation, ils ont vu une forte augmentation des taux. J'ai les chiffres ici, je ne voulais pas me tromper.

Les résultats ont été atteints en quatre ans seulement, sans méthode de labour adaptée aux productions de cultures mixtes, sans tracteur, sans chevaux, sans motoculteur, sans rien, seulement grâce au travail manuel et à un système fondé sur les connaissances. C'est d'ailleurs notre version d'une gestion intégrée des parasites : un système fondé sur les connaissances.

Par ailleurs, ce système génère 65 000 $ par acre et par an de chiffre d'affaire. La moyenne de l'État pour des cultures mixtes similaires n'est que de 9 000 $ et les fermes expérimentales d'UC Davis n'atteignent que 17 000 $ par acre et par an.

De plus, il met en œuvre toutes sortes de pratiques respectueuses de la pollinisation — comme la présence de haies, de l'eau propre, ce genre de choses. Et il n'est pas le seul. Il y a de nombreux agriculteurs qui font cela de façon viable et durable. Jean-Martin Fortier vit au Québec, et cultive une acre et demie.

Le président : Si vous pouvez nous transmettre des informations supplémentaires par l'intermédiaire du greffier, nous vous en serions reconnaissants.

Monsieur Bennett, souhaitez-vous répondre aux questions du sénateur Ogilvie et de Mme Barlee?

M. Bennett : Nous aimerions renverser les choses. Actuellement, l'exception est de ne pas employer de pesticides. L'exception devrait être d'utiliser les pesticides, pas l'inverse. Il faut une justification.

Par ailleurs, nous ne devrions pas délivrer des permis soumis à conditions sur la base du besoin d'études à venir. On peut voir qu'en 2004, l'information n'existait pas, et si l'information avait été donnée, aurait-on délivré ces permis?

Comment se fait-il que ces produits soient même en vente sur le marché? Nous voulons une interdiction complète dans tout le pays. Si un agriculteur peut démontrer un besoin crucial pour justifier son utilisation, alors ce serait à l'agence de gestion des parasites de l'autoriser, mais son usage doit être l'exception à la règle, non pas la règle.

Mme Barlee : Le Wilderness Committee soutient une interdiction nationale des pesticides de type néonicotinoïdes, à cause des dizaines de milliers d'abeilles qui meurent, que ce soit sous les tilleuls en fleur en Oregon ou les dizaines de milliers d'abeilles qui se meurent après que des semences de maïs traités au néonicotinoïdes soient plantées en Ontario.

Nous nous concentrerions particulièrement sur les trois néonicotinoïdes qui sont déjà fortement soumis à de fortes restrictions en Europe, à savoir l'imidaclopride, le thiamethoxame et la clothianidine. Ce sont les pesticides sur lesquels on se concentrerait.

Le sénateur Robichaud : Dans votre exposé, vous avez mentionné que, mis à part les abeilles, il y a beaucoup d'autres insectes qui font de la pollinisation. Voit-on les mêmes effets sur ces autres insectes que sur les abeilles?

Mme Barlee : Ils n'ont pas été autant étudiés que les abeilles, mais il y a des études très intéressantes qui sont sorties ces trois dernières années et qui examinent l'impact des néonicotinoïdes sur les bourdons. On a découvert que l'exposition au néonicotinoïdes réduit de 85 p. 100 la production de reines.

D'autres études démontrent que cela attaque même les oiseaux chanteurs. Si un oiseau chanteur mange une graine enduite de néonicotinoïde, l'oiseau peut en mourir. Il semble y avoir un lien de cause à effet — non encore prouvé — entre le déclin important d'oiseaux chanteurs insectivores et les pesticides néonicotinoïdes. Il faut faire davantage de recherches, mais il y a beaucoup de recherches qui montrent déjà que les abeilles domestiques, qui sont davantage étudiées parce qu'elles sont proches des humains, subissent des impacts importants, ainsi que les bourdons, et on constate une fois de plus une forte réduction du nombre de reines produites.

Le sénateur Robichaud : Vous avez mentionné quelques exemples d'abeilles qui ont été exterminées lorsque l'on a pulvérisé des insecticides sur des arbres en fleurs.

Mme Barlee : Oui.

Le sénateur Robichaud : La toxicité est liée au dosage. Si on pulvérise trop, ça tue tout aux alentours. C'est pour cela que je remets en question l'exemple que vous citez. On peut trouver ça n'importe où ou les gens ne lisent pas les étiquettes. Ils ont un problème de parasites. J'utilise parfois un aérosol qui tue les frelons ou autres. Lorsqu'il vient vers moi, je ne mesure pas la quantité que je pulvérise dessus.

Cela a une incidence. Ce que l'on nous a dit c'est que lorsque les dosages et les bonnes pratiques sont respectés sur le terrain, cela réduit considérablement la toxicité pour les autres insectes ou animaux présents dans le champ.

Mme Barlee : Il est important de toujours lire les étiquettes. Les néonicotinoïdes sont particuliers. Je citerai le professeur Greg Hunt, entomologiste et spécialiste des abeilles domestiques à la Purdue University d'Indiana. Il a dit : « Même s'il y en a peut-être un, je ne connais pas de pesticide qui soit plus toxique pour les abeilles. »

Une fois de plus, la clothianidine, un néonicotinoïde particulièrement toxique pour les abeilles — cette information vient également de l'université Purdue — est l'une des substances les plus toxiques connues pour les abeilles. Une exposition orale de trois nanogrammes par abeille donne une chance de survie de 50 p. 100 à un groupe d'abeilles adultes. C'est trois milliardièmes de gramme. Les néonicotinoïdes sont 10 000 fois plus toxiques que le DDT pour le même volume. Vous trouverez cette information dans un article du Journal of Applied Ecology, 2013, sous le titre « An Overview of the Environmental Risks Posed by Neonicotinoid Insecticides » soit l'aperçu des risques environnementaux posés par les insecticides néonicotinoïdes. C'est une catégorie unique de pesticides hautement toxiques, non seulement pour les insectes parasites, mais également pour les insectes bénéfiques.

Le sénateur Robichaud : Nous comprenons cet aspect.

M. Bennett : Permettez-moi. Les pratiques agricoles suggérées par l'ARLA et l'EPA peuvent aider à réduire les premières pertes d'abeilles au printemps. Si c'était le seul moment où les abeilles sont exposées au néonicotinoïdes et meurent ce pourrait être une des solutions. Mais cela n'explique pas pourquoi l'année dernière en Ontario, on a vu une deuxième hécatombe d'abeilles à la fin juillet lors de la floraison du maïs. Ça n'explique pas non plus pourquoi les essaims d'abeilles sont affaiblis durant l'hiver. On se réduit à dire : « Ne pulvérisons pas trop ».

À noter aussi que, contrairement à l'aérosol d'insecticide pour les frelons, l'agriculteur ne reçoit pas un bidon de néonicotinoïdes. Il reçoit quelques tonnes de semences déjà enduites. Ce qui se trouve sur l'étiquette n'est pas pertinent. Les conseils de ne pas semer lorsqu'il y a du vent, lorsque ce n'est pas poussiéreux...

Le sénateur Robichaud : Comme on nous le dit actuellement.

M. Bennett : C'est comme ça que ça se fait. C'est déjà sur la graine. Ce ne sont pas les agriculteurs qui l'appliquent.

Le sénateur Robichaud : C'est sur les semences, donc ils doivent lire les étiquettes.

M. Bennett : Ils doivent lire les étiquettes, mais c'est déjà sur la graine. Le semoir peut être ancien, ils ne peuvent pas changer ou modifier cet équipement.

Le sénateur Robichaud : Mais c'est ce qu'ils font.

M. Bennett : La production de nouveaux équipements est recommandée. Mais j'ai également écouté un exposé de John Deere l'été dernier, et ils ont dit qu'il était impossible de modifier les milliers de semoirs à maïs existants. Les systèmes sont très précis, ils doivent planter 35 000 graines par acre. Les graines doivent avoir exactement le bon espacement. Si vous montez un filtre sur l'échappement, vous modifiez la pression nécessaire. Ces changements ne peuvent donc pas se faire.

Cela prendrait peut-être une génération pour renouveler tous les semoirs, peut-on se permettre d'attendre si longtemps?

Mme Barlee : C'est une question intéressante. L'un des problèmes est lorsque les néonicotinoïdes sont appliqués aux traitements de plants ou de semences, la grande majorité du pesticide néonicotinoïde, qui est un poison, ne se retrouve pas sur la plante, mais sur le sol, puis ça part dans les milieux aquatiques et contamine d'autres plantes et d'autres espèces.

[Français]

Le sénateur Rivard : Selon Statistique Canada, le nombre de colonies d'abeilles domestiques ne cesse d'augmenter à tel point qu'il aurait atteint le plus haut niveau des 25 dernières années. Par contre, Santé Canada a fait une étude sur les abeilles dans trois provinces : le Québec, l'Ontario et le Manitoba. La conclusion est tout à fait contraire; Santé Canada prétend qu'il y a une nette décroissance. Alors qui dit vrai?

[Traduction]

M. Bennett : Je crois que l'on voit là la volonté des apiculteurs de continuer à investir. Chaque année ils achètent davantage d'abeilles de régions qui ne sont pas traitées avec des pesticides afin de maintenir leur activité. Nous allons certainement voir cet investissement continuer pendant un moment. Mais au fur et à mesure qu'il est plus difficile de tirer un revenu de la vente de miel, leur capacité d'investissement déclinera et le nombre de colonies chutera. Je crois que les statistiques de 2013 en Ontario montrent que la production de miel a en fait baissé.

Chaque apiculteur achète des abeilles tous les ans pour remplacer celles perdues durant l'hiver précédent. Si vous avez perdu de l'argent cette année, vous achèterez sûrement des ruches supplémentaires l'année prochaine pour récupérer ce que vous avez perdu. C'est pour cela que l'on voit la mise en production d'autant de ruches.

[Français]

Le sénateur Rivard : Je vous remercie pour vos éclaircissements.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Bienvenue au comité permanent du Sénat. Ma question est simple. Vous indiquez dans votre journal, madame Barlee, qu'à Elmwood, en Ontario, 37 millions d'abeilles butineuses furent tuées en 2012. C'est beaucoup d'abeilles. Comment ce chiffre a-t-il été calculé?

Mme Barlee : De nombreux rapports en font état. Bien sûr, après avoir semé les graines de maïs traitées avec les néonicotinoïdes dans un champ, on a observé une hécatombe parmi les abeilles. Effectivement, l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire et Santé Canada a dit que les pratiques agricoles actuelles liées aux graines de maïs et au soja traitées au néonicotinoïdes ne sont pas durables.

Ils donnent ensuite la liste impressionnante des ruches touchées. En Ontario, en 2012, on parle de 4 500 à 5 890 ruches touchées. Au Québec, moins touché, c'était 788. Puis, en 2013, ils disent qu'il y a de 3 789 à 6 639 ruches touchées. Cela représente énormément de ruchers. Il n'est pas inhabituel de voir des millions d'abeilles mourir d'empoisonnement au néonicotinoïde. Cela devient normal et c'est cela qui nous fait très peur.

Le sénateur Oh : Combien y-a-t-il d'abeilles dans une colonie? Avez-vous une idée?

Mme Barlee : Non, je ne sais pas.

Mme Fellows : Il y en a entre 20 000 et 30 000 en basse saison et en haute saison on peut voir 50 000 à 60 000 abeilles dans une ruche. Dave Schuit, à Elmwood, a perdu 600 ruches. C'est donc ainsi qu'ils obtiennent ce chiffre de 37 millions. C'était en juin, après la plantation du maïs. À l'émission de télévision du matin « Canada AM » il a décrit comment elles meurent avec les pattes et les ailes paralysées. Leurs langues pendaient, du venin gouttait de leurs abdomens et il pleurait en les regardant. Ce sont ses bêtes, ses employés.

Il a aussi raconté à quel point il est difficile de garder ses reines en vie pendant à peine trois mois, alors qu'elles vivaient auparavant jusqu'à cinq ans. Il voit ici un problème de grande ampleur. Il dit que la mort des abeilles est un signal d'alarme, comme les canaris dans une mine de charbon. Je dois dire que je suis d'accord avec lui.

Le sénateur Mercer : Je ne suis pas insensible à votre cause, mais je comprends aussi que nous sommes l'un des seuls pays au monde à pouvoir augmenter notre production de nourriture. D'ici 2050, il y aura 9 milliards d'habitants sur la planète. Avec la production actuelle nous ne pourrions pas les nourrir, il faut donc trouver des solutions. Si nous devons continuer à produire davantage d'abeilles et que davantage d'abeilles doivent être sacrifiées, il faut un équilibre.

Le pauvre apiculteur voit ses abeilles mourir. Ce n'est pas drôle pour lui, j'en suis sûr, et ça lui coûte de l'argent, mais nous devons trouver un moyen de gérer l'agriculture, quelqu'un doit arriver à gérer l'agriculture afin de produire davantage de nourriture à temps, pour nourrir les milliards d'êtres humains de plus que nous aurons sur la planète. La solution exigera de recourir à une forme ou une autre de produits chimiques pour gérer les pesticides.

Monsieur Bennet, vous avez dit que l'on a longtemps été capables de se nourrir sans recourir aux néonicotinoïdes. Oui, mais nous avons employé d'autres produits chimiques pour nous aider et d'autres types de gestions des cultures. Comment proposez-vous qu'on s'occupe de ces 9 milliards d'êtres humains?

M. Bennett : Eh bien, comme Mme Fellows l'a indiqué, il y a moyen de produire d'énormes quantités de nourriture biologiquement avec succès, mais nous devons effectivement produire davantage. Lorsque l'on parle des plantations de maïs, il faut savoir que le maïs ne sert pas uniquement à produire de la nourriture, mais aussi des carburants et d'autres choses dont on pourrait bien se passer.

C'est une question complexe, mais les néonicotinoïdes ne sont pas la seule solution, surtout si sur le long terme ils mettent à mal notre capacité à produire de la nourriture. Si l'on perd la capacité de pollinisation des insectes en plus des abeilles domestiques, alors on perdra notre capacité de production de nourriture. On aurait peut-être un bond temporaire de la production, même si les chiffres laissent penser le contraire.

Pour ce qui est de la suggestion selon laquelle les néonicotinoïdes sont essentiels pour produire de la nourriture, il n'y a pas d'études qui le prouvent. Des études suggèrent que l'on peut produire tout autant de nourriture sans eux, mais c'est l'impact à long terme de ces pesticides qui doit être notre préoccupation car 40 p 100 de la nourriture produite dépendent de la pollinisation par les insectes. Si l'on tue les pollinisateurs, il faut penser surtout aux autres insectes pollinisateurs, pas juste les abeilles. On ne sait pas exactement à quel point ils sont frappés car on ne les surveille pas. Personne ne perd de l'argent lorsqu'ils meurent, donc nous n'avons pas encore beaucoup d'information à leur sujet, mais nous savons que cela les tue. Sur le long terme, on devrait faire un usage plus intelligent des produits chimiques que ce que l'on fait aujourd'hui.

Mme Barlee : Je dirais que l'une des pires choses à faire en termes de production de nourriture c'est de tuer les abeilles. Les abeilles participent à la fabrication de 40 p 100 de la nourriture consommée et une fois de plus, les néonicotinoïdes sont extrêmement toxiques pour les abeilles. Ils sont infiniment, terriblement plus toxiques que les autres types de pesticides, on a vu ça avec plus de 25 millions d'abeilles qui sont mortes sur un seul rucher. On a vu ça se produire aussi avec les bourdons.

Nous pouvons être plus intelligents, faire mieux que ça, nous pouvons continuer à produire de la nourriture et commencer à produire de façon durable, mais encore une fois, la pire chose à faire en termes de production c'est de tuer les abeilles.

Mme Fellows : Nous nous sommes écartés de l'équilibre naturel de la terre. Les néonicotinoïdes n'ont pas besoin d'être dans le sol et les autres produits chimiques non plus. Les principes de l'agro écologie soutiennent l'idée que l'on peut nourrir la planète en 2050. Les exemples que j'ai utilisés proviennent de Paul Kaiser, Jean-Martin Fortier, et même Daniel Brisebois au Québec. Il s'agit de travailler plus intelligemment, pas plus dur, de travailler avec la nature. Toutes les réponses sont déjà dans la nature. Joël Salatin fait partie de ce courant de pensée. Et ce ne sont pas que des idées. C'est quelque chose qui est mis en pratique. D'autres ne font que lancer des théories dans savoir.

Le sénateur Tardif : Je pense connaître la réponse à cette question, mais je voudrais entendre votre réponse à nouveau.

Pensez-vous que l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire de Santé Canada travaille bien pour ce qui est de gérer la santé des abeilles et la mortalité des colonies?

M. Bennett : Absolument pas. L'agence a délivré des permis conditionnels puis rallongé la validité des permis alors que les conditions n'étaient pas remplies. Elle a demandé des informations supplémentaires, mais n'a rien reçu et malgré cela elle continue de donner les permis. Son travail ne devrait pas consister à aider l'industrie des pesticides à faire des bénéfices, mais à nous protéger et protéger l'environnement. Ce devrait être son seul et unique mandat et elle fait exactement l'inverse actuellement.

Mme Barlee : Je crois que Santé Canada n'a pas fait du bon travail pour ce qui est de réglementer les néonicotinoïdes, surtout après les pertes catastrophiques de dizaines de millions d'abeilles directement imputables à un empoisonnement au néonicotinoïdes.

On assiste à une crise parmi nos abeilles, avec certaines ruches éradiquées complètement, des pertes durant l'hiver d'environ 35 p. 100 de nos abeilles sur les trois dernières années au Canada. Les proportions sont affolantes et on se tourne vers Santé Canada pour qu'ils fassent ce qu'il faut et se basent sur les preuves scientifiques qui démontrent que les néonicotinoïdes tuent des dizaines de millions d'abeilles.

Le sénateur Robichaud : Je ne vous donne peut-être pas cette impression, mais je suis de votre bord. J'aimerais que vous me donniez des preuves scientifiques convaincantes.

J'ai reçu ce matin dans mon bureau tout un groupe de gens d'un peu partout au Canada représentant l'agriculture. Ils rétorquent toujours que ce que l'on recommande ou ce qui est appliqué en agriculture doit l'être basé sur la science. Si vous leur demandez : « Devrions-nous interdire les néonicotinoïdes? » ils vous répondront : « Oh, non, nous ne pourrions pas survivre. »

Avez-vous tenté de travailler avec la communauté agricole pour interdire ces néonicotinoïdes?

Mme Barlee : Je peux répondre à la première partie de la question pour ce qui est de la science. Vous avez ici le rapport de l'Union européenne qui a mené à l'interdiction des néonicotinoïdes, ou l'imposition de strictes restrictions sur les néonicotinoïdes, en Europe, depuis décembre dernier. Vous verrez dans ce rapport que l'Union européenne se base sur de multiples études scientifiques pour imposer de si dures restrictions.

On peut trouver d'avantage d'études ici : « ImmuneSuppression by Neonicotinoid Insecticides at the Root of Global Wildlife Declines. », autrement dit : L'immunosuppression à la base du déclin de la faune mondiale est causée par les insecticides néonicotinoïdes. Cette étude provient de la University of Technology de Sydney, en Australie. Il y a un excellent rapport intitulé « Pesticides and Honey Bees : State of the Science » — Pesticides et abeilles domestiques : l'état de la science — qui examine différents articles scientifiques reconnus par la communauté de spécialistes en la matière qui démontrent l'incroyable toxicité des néonicotinoïdes pour les abeilles et autres pollinisateurs sauvages.

Les preuves scientifiques existent. Il s'agit d'agir en conséquence.

Mme Fellows : Vous avez demandé si nous travaillons avec des agriculteurs. Oui, avec le Syndicat national des cultivateurs. J'ai soumis leurs résolutions, rédigées en réponse aux observations de l'ARLA en décembre. Ce document a fait l'objet d'un vote d'approbation durant leur congrès national annuel en novembre dernier et approuvé par les membres agriculteurs présents. Je vous soumets leurs résolutions détaillées. M. Pittman les a déjà. Elles sont en train d'être traduites, c'est pour cela qu'elles n'ont pas été distribuées.

J'ai également mentionné l'ALUS, le Service de diversification des modes d'occupation des sols, une agence d'agriculteur à agriculteur. Ici les personnes qui participent à ce programme par lequel les agriculteurs sont récompensés s'ils offrent un habitat propice à la pollinisation et ils deviennent à leur tour porte-parole et vont voir d'autres agriculteurs, c'est un système très précieux.

Le sénateur Robichaud : Je ne suis pas persuadé que la communauté agricole soit convaincue.

M. Bennett : Eh bien, je ne veux pas me montrer négatif, mais ils ne nous ont pas convaincus quant à la sécurité de l'usage de ces produits. Voici une liste des études demandées par l'ARLA sur différentes versions des néonicotinoïdes qui n'ont pas été reçues, et malgré tout ils permettent que ces produits soient sur le marché. Je ne crois pas que ce soit à nous de prouver que ces produits sont néfastes, c'est à eux de prouver qu'ils ne sont pas dangereux et ils ne l'ont pas encore fait.

Le sénateur Robichaud : Monsieur le président, c'est un débat intéressant, vous pouvez participer.

Le président : Sénateur Robichaud, si vous me le permettez, voyant l'heure, je demanderais à M. Bennett, à Mme Barlee et à Mme Fellows de nous envoyer toute information ou document qu'ils souhaitent transmettre au comité. Mme Barlee, vous avez dit tout à l'heure que c'était dix fois plus toxique que le DDT.

Mme Barlee : Non, 10 000 fois.

Le président : Pourriez-vous nous donner cette information? Ce qu'il y a c'est que les scientifiques de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture ne donnent pas les mêmes chiffres que vous.

Mme Barlee : J'ai l'article ici.

Le président : Veuillez nous le transmettre, et croyez-moi, vous, ainsi que les autres intervenants, avez généré beaucoup d'intérêt. C'est ce comité qui fera des recommandations aux parties concernées et aux gouvernements. Soyez assurés que ça se fera.

Le sénateur Robichaud : Pour revenir à ce que vous disiez ici, vous n'avez rien à gagner par vos actions, mais les parties prenantes ont beaucoup à perdre si elles ne peuvent pas produire. Même si on leur garantit la même production, c'est ce qu'ils croient qui importe, car leur survie en dépend. C'est pourquoi je dis qu'il faut faire pression pour les forcer à voir une solution de rechange.

Mme Barlee : J'adorerai vous en dire plus à ce sujet.

Les entreprises de pesticides ont bien réussi à monter les agriculteurs contre les apiculteurs, et c'est triste car ce ne sont que des grandes entreprises qui engrangent d'énormes bénéfices au détriment de la santé des abeilles au Canada et partout dans le monde.

M. Bennett : J'aimerai répéter une dernière fois qu'il n'a pas encore été prouvé que ces produits ne sont pas dangereux. On a demandé des informations qui n'ont pas été données et malgré cela les produits sont sur le marché et nous sommes ceux à devoir demander que des mesures soient prises.

Le président : Merci, monsieur Bennett.

Mme Fellows : Je suis tout à fait d'accord avec les propos de M. Bennett et de Mme Barlee.

Le président : Merci d'avoir accepté notre invitation. Nous avons reçu des invités auparavant et pouvons leur demander de revenir. Il ne fait aucun doute, à la suite des informations partagées ce soir, que le comité sera en mesure d'examiner le mandat en entier, l'ordre de renvoi que nous avons reçu du Sénat, pour nous assurer que nous portons des recommandations à tous les acteurs qui auront un rôle à jouer. Merci.

Chers collègues, je déclare la séance levée.

(La séance est levée.)


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