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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 10 - Témoignages du 1er mai 2014


OTTAWA, le jeudi 1er mai 2014

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 3, pour étudier l'importance des abeilles et de leur santé dans la production de miel, d'aliments et de graines au Canada.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, je vous souhaite la bienvenue à la réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

Monsieur Hayes, nous tenons à vous remercier d'avoir accepté l'invitation de présenter vos commentaires et votre vision des choses. Avant de vous demander de présenter votre exposé, j'aimerais que tous les sénateurs se présentent, à commencer par le vice-président.

Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Bonjour, Fernand Robichaud, Saint-Louis-de-Kent, au Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Sénateur Victor Oh, de l'Ontario.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Bonjour, je m'appelle Jean-Guy Dagenais, je suis un sénateur du Québec.

Le sénateur Maltais : Bonjour, Ghislain Maltais, sénateur du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Buth : JoAnne Buth, du Manitoba.

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Et je suis le président, Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick.

Le comité poursuit son étude sur l'importance des abeilles et de leur santé dans la production de miel, d'aliments et de graines au Canada.

Nous avons reçu du Sénat du Canada un ordre de renvoi pour que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à examiner l'importance des abeilles et de leur santé dans la production de miel, d'aliments et de grains au Canada ainsi qu'à produire un rapport connexe.

Plus précisément, le comité sera autorisé à examiner les éléments suivants : l'importance des abeilles dans la pollinisation pour la production d'aliments au Canada, notamment des fruits et légumes, des graines pour l'agriculture et du miel; l'état actuel des pollinisateurs, des mégachiles et des abeilles domestiques indigènes au Canada; les facteurs qui influencent la santé des abeilles domestiques, y compris les maladies, les parasites et les pesticides, au Canada et dans le monde; et aussi les stratégies que peuvent adopter les gouvernements, les producteurs et l'industrie pour assurer la santé des abeilles.

Honorables sénateurs, ce matin, nous accueillons Gerald « Jerry » Hayes, responsable commercial, Beeologics.

Merci d'avoir accepté notre invitation, monsieur. Je vous invite maintenant à présenter votre exposé, après quoi les sénateurs vous poseront des questions. Monsieur Hayes, vous pouvez commencer votre exposé.

Gerald (Jerry) Hayes, responsable commercial, Beeologics/Monsanto : Monsieur le président, madame, messieurs, je vous remercie infiniment de m'avoir donné l'occasion de témoigner devant vous de St. Louis sur le sujet important des abeilles domestiques et de leur santé ainsi que de leur incidence sur nombre de secteurs agricoles, l'environnement et la santé humaine, et ce, dans le but d'améliorer la situation au Canada et dans le monde.

Je m'appelle Jerry Hayes, et je suis le responsable de Beeologics, maintenant une division de Monsanto. Je suis à Monsanto depuis environ deux ans. Avant d'occuper ce poste, j'étais chef de la section des ruchers du département de l'Agriculture de la Floride. Le trouble que nous avons nommé et décrit au moyen du terme « syndrome de l'effondrement des colonies d'abeilles », ou SECA, a été découvert lorsque j'étais en Floride. Le syndrome d'effondrement des colonies d'abeilles a une définition. La définition, c'est que la reine, la seule femelle fertile de la colonie, est abandonnée avec un petit groupe d'abeilles pour s'occuper d'elle, mais la majeure partie de la colonie est partie. Il y a des bébés abeilles qui sont encore là. Il y a de la nourriture. Il y a des ressources, mais la colonie est partie. Ses membres ne gisent pas morts au sol où au fond de quelque chose. Ils sont tout simplement partis comme s'ils avaient été téléportés. C'est important, car c'est ce qui nous a poussés à vouloir en savoir plus sur la santé des abeilles domestiques et leur interaction avec l'environnement, ce qui nous touche tous.

Nous avons appelé ça un syndrome, car les résultats de toutes nos analyses sur le terrain et en laboratoire n'ont pas révélé de maladie, de parasite ou d'organisme nuisible unique. Nous avons simplement appelé cela un syndrome.

Maintenant, après des années d'analyses en laboratoire et sur le terrain axées sur la biologie des abeilles domestiques, nous en savons plus que jamais sur la santé des abeilles domestiques. Le terme « syndrome d'effondrement des colonies d'abeilles » est aujourd'hui dépassé, car nous savons qu'il est erroné. La grande leçon que nous avons tirée, c'est que tout dépend de la santé générale des abeilles domestiques et des nombreuses variables qui contribuent à leur santé. On qualifie parfois la situation de multifactorielle. Ce que nous avons appris au fil des ans, c'est qu'il y a environ quatre éléments clés de la santé des abeilles qui touchent les apiculteurs, l'environnement et l'accès à ce pollinisateur primordial en agriculture.

Le premier s'appelle varroa destructor. Il s'agit d'un gros acarien parasitaire de l'Asie. Nos abeilles domestiques d'Amérique du Nord ont un patrimoine génétique européen, mais ce parasite, qui a été accidentellement introduit d'Asie, est un bon parasite, pour ainsi dire, chez les espèces d'abeilles asiatiques. Pour nos abeilles européennes, inadaptées, il s'agit d'un mauvais parasite. Il tue son hôte.

Si vous voulez bien, je vous demanderais de fermer le poing et de le placer sur votre corps. C'est proportionnellement la taille qu'a un varroa pour une abeille. C'est un parasite énorme. C'est comme si vous ou moi avions un rat parasitaire sur nous qui suçait notre sang, nous transmettant des virus et nous causant toutes sortes de problèmes. C'est ce que le varroa fait à nos abeilles.

J'ai mentionné que le varroa, qui se nourrit à même des abeilles, des vecteurs, des virus et des agents pathogènes, laisse des plaies ouvertes et cause la suppression du système immunitaire, de sorte que tout virus bénin ou latent commencera à se reproduire dans l'abeille et ajoutera au stress et aux dommages pour la santé.

Le troisième facteur serait la nutrition. Si vous regardez l'industrie professionnelle commerciale des abeilles en Amérique du Nord et au Canada, l'abeille qui produit du miel ou sert à la pollinisation moyennant des frais — ou les deux —, vous verrez des centaines, des milliers, des dizaines de milliers de colonies. Les abeilles domestiques sont essentielles à la pollinisation, ce qui signifie qu'elles butinent les fleurs. Les abeilles et les fleurs entretiennent une relation depuis des millions d'années. Les fleurs produisent de la nourriture pour les abeilles, qui recueillent cette nourriture et assurent aussi cette pollinisation.

Mais, lorsque vous avez des centaines ou des milliers ou des dizaines de milliers de colonies dans une région, il n'y a tout simplement pas assez de fourrage naturel. Il n'y a pas assez de fleurs naturelles pour assurer la nutrition complète de ces colonies.

Alors, nous avons tenté de compléter le régime alimentaire des abeilles à l'aide de suppléments artificiels, mais il n'existe aucun régime alimentaire complet pour les abeilles. C'est un peu étrange; nous savons comment alimenter tous les animaux au zoo, mais nous ignorons comment alimenter les abeilles. Par conséquent, il s'agit d'un stresseur de plus.

Le facteur numéro quatre, c'est l'utilisation de pesticides. Certainement, vous connaissez tous les conséquences des pesticides agricoles sur la santé des abeilles; et, oui, ces pesticides peuvent avoir une incidence s'ils ne sont pas bien appliqués ou utilisés, et c'est pourquoi les pratiques exemplaires en gestion qui ont été créées au Canada constituent un énorme pas en avant.

Mais il s'agit d'un élément mineur, d'après moi, en ce qui concerne la santé des abeilles en général. Pensez à ce gros parasite, le varroa. C'est seulement à l'aide de l'application par les apiculteurs de pesticides au sein d'une colonie d'abeilles domestiques, pour essayer de tuer un petit insecte sur un gros, que nous avons réussi à agir sur ce problème.

Toutes nos études et nos analyses démontrent que la majeure partie des résidus chimiques dans les colonies d'abeilles proviennent de ces acaricides, les pesticides que les apiculteurs ont dû appliquer parce qu'ils n'avaient pas d'autre choix pour éliminer ce varroa dévastateur. C'est fou, mais c'était notre seul recours.

Peu après l'apparition du SECA, nous avons découvert un virus chez l'abeille domestique, le virus israélien de la paralysie aiguë, qui avait de fortes corrélations avec le SECA. C'est là qu'intervient Beeologics. Beeologics était une entreprise privée en Israël qui menait des travaux de recherche sur un processus biologique qu'on venait de comprendre, appelé l'ARN, pour éliminer le virus israélien de la paralysie aiguë chez les abeilles.

C'était vers 2006-2007. Un collègue — le Dr Jamie Ellis, de l'Université de la Floride — et moi étions indépendamment engagés dans cette même voie pour voir si l'ARN pouvait servir à éliminer les virus et le varroa chez les abeilles domestiques; de façon non chimique, sans manipulation génétique.

L'ARN est à un processus biologique naturel qui se déroule dans votre corps et dans le mien. Il se trouve dans la nourriture que vous avez consommée pour déjeuner ou que vous consommerez en collation. Il est présent dans tous les organismes. Il s'agit d'un processus biologique. Je ne veux pas vous ennuyer, mais permettez-moi de vous l'expliquer rapidement, car bien des gens comprennent mal l'ARN.

Vous connaissez tous l'ADN. C'est votre code. Il est présent dans le noyau de chacune des cellules de votre corps; chaque cellule. Il contient le code pour toutes vos caractéristiques : la couleur de vos cheveux, celle de vos yeux, les enzymes que vous produisez pour digérer votre déjeuner... Toutes ces choses. Or, l'ADN ne quitte jamais le noyau de la cellule, alors comment transmet-il l'information d'une cellule à une autre pour activer ou désactiver une protéine? L'ADN fait une copie de l'instruction et, à l'aide de l'ARN, envoie le message à des cellules pour activer ou désactiver une protéine; c'est un processus normal.

Si nous pouvons reproduire ce processus, si nous pouvons reproduire l'ARN utilisé pour activer ou désactiver une protéine, nous croyons pouvoir l'utiliser de façon ciblée, et peut-être désactiver la capacité de ces virus de se reproduire ou de nuire au varroa; encore une fois, de façon non chimique, sans manipulation génétique. On ne touche pas aux caractéristiques de l'organisme. C'est un processus transitoire. Il est très difficile de le faire fonctionner et de le faire bien fonctionner, mais nous déployons tous les efforts pour y arriver.

Beeologics a recruté M. Ellis et moi-même, et nous avons commencé à collaborer jusqu'en 2007, environ, au moment où Monsanto a fait l'acquisition de Beeologics. Je travaille à Monsanto depuis deux ans. Je suis là tout simplement parce que Monsanto a les outils, la prévoyance et les ressources nécessaires pour déterminer s'il est même possible d'utiliser l'ARN à cette fin.

Je suis sans l'industrie depuis très longtemps. J'adore l'industrie. J'adore les apiculteurs. J'adore l'agriculture. Nous parlons d'éliminer le varroa depuis des dizaines d'années — 30 ans —, et le mieux que nous avons pu faire a été de donner des pesticides aux apiculteurs pour qu'ils les appliquent dans les colonies. C'est fou. Ce que je fais ici, c'est consacrer tout mon temps, tous mes efforts et toutes mes ressources, en utilisant la technologie mise au point par Beeologics, pour découvrir si nous pouvons réaliser une interférence à l'ARN, ou iARN, afin d'améliorer la santé des abeilles domestiques.

Dans une perspective plus large, pensez si l'ARN pouvait être utilisé pour éliminer d'autres parasites agricoles, les mauvaises herbes et même d'autres produits chimiques dans l'environnement — sans manipulation génétique, de façon non chimique — à l'aide de ce processus normal et naturel. Peut-être que cela peut fonctionner, peut-être pas, mais ce ne sera pas faute d'avoir tout essayé, ce ne sera pas faute d'avoir mis toutes les ressources et ce ne sera pas faute de détermination de la part de Monsanto pour faire quelque chose qui n'a jamais été fait auparavant.

L'ARN fait l'objet de recherches par toutes les sociétés pharmaceutiques dans le monde, qui dépensent des milliards de dollars pour trouver des façons de contribuer à votre santé et à la mienne, parce que c'est un processus ciblé, concentré, sans produit chimique et qui n'entraîne aucun dommage indirect. C'est le Saint-Graal, pas seulement pour la santé des abeilles, mais aussi pour votre santé et la mienne et celle de notre bétail et de nos animaux domestiques, pour les années à venir.

Encore une fois, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous présenter cet exposé général sur la santé des abeilles et son importance pour nous tous. Le tiers des aliments que nous mangeons chaque jour est le fruit de cette relation entre un pollinisateur et une plante. Il faut conserver cela pour maintenir la santé humaine, la diversité alimentaire et la nutrition.

Merci beaucoup.

Le président : Merci, monsieur Hayes. C'est le vice-président, le sénateur Mercer, qui posera la première question, et il sera suivi de la sénatrice Buth.

Le sénateur Mercer : Monsieur Hayes, merci beaucoup d'avoir présenté un exposé très instructif. Vous avez introduit des idées qui étaient nouvelles pour nous et nous avez donné de l'espoir que nous n'avions pas auparavant. Je suis un peu troublé par l'image d'un rat parasitaire, mais c'est une autre histoire.

Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé du syndrome d'effondrement des colonies d'abeilles et du fait que les abeilles avaient quitté la colonie. La question qui s'impose est la suivante : où sont-elles allées? Le savons-nous?

M. Hayes : Ce que nous avons découvert au fil des ans, c'est que la colonie d'abeilles est très altruiste, pourrait-on dire. Ce sont toutes des sœurs. Elles veulent protéger leurs sœurs et leur colonie. Lorsqu'elles tombent malades ou ont l'impression d'être malades, elles quittent la colonie et n'y retournent simplement pas, pour ne pas infecter leurs sœurs et contribuer à la propagation de la maladie. Mais, lorsqu'un phénomène touche l'ensemble de la colonie, comme celui- ci dont nous parlons ici, les abeilles sentent qu'elles sont malades, quittent la colonie en quelques jours ou en quelques semaines et réduisent la population de la colonie de façon spectaculaire et s'en vont mourir dans l'environnement se séparant de leurs sœurs pour ne pas les infecter.

Le sénateur Mercer : Alors, elles ne commettent pas un suicide de masse; elles partent simplement pour mourir individuellement. Ce n'est pas un phénomène collectif; la nature fait son œuvre parce qu'elles sont dans l'environnement plutôt que dans la ruche.

M. Hayes : Exactement. Elles prennent cette décision indépendante de protéger leur colonie et leurs sœurs.

Le sénateur Mercer : Dans la dernière partie de votre exposé, vous avez parlé d'ARN et... Avez-vous dit iARN? Était-ce l'autre terme que vous avez utilisé?

M. Hayes : L'ARN est le véhicule des instructions provenant de l'ADN, et nous l'avons fait précéder d'un « i » lorsque nous parlons de l'iARN utilisé; le « i » correspond au mot « interférence », lorsque l'ARN est utilisé pour désactiver la protéinogénèse.

Le sénateur Mercer : Il est très positif d'envisager de pouvoir faire cela sans utiliser de pesticides. Où en sommes- nous à ce chapitre?

M. Hayes : J'ai des réunions tous les jours, et je suis probablement plus impatient ici que certains ne le voudraient, car je veux qu'on y arrive rapidement. Il nous faudra encore probablement aux alentours de cinq ans, sénateur.

Le sénateur Mercer : Dans le milieu de la recherche et dans le monde en général, cinq ans n'est pas une longue période, alors c'est pour bientôt.

M. Hayes : C'est pour bientôt, et ce que je veux faire, c'est trouver la bonne façon, mettre au point un procédé impeccable qui aura une valeur réelle pour les apiculteurs et l'industrie. Nous avons reculé à quelques reprises ici, sous ma direction, tout simplement parce que ce n'était pas parfait, et je ne vais pas introduire sur le marché quelque chose qui n'apporte pas une réelle valeur et de réelles solutions.

Le sénateur Mercer : Vous avez aussi parlé du fait que les travaux de recherche ne portaient pas seulement sur la santé des abeilles; l'iARN est envisagée pour agir sur la santé humaine, notamment, ainsi que sur celle d'autres organismes. Dans l'ensemble du milieu scientifique, à quoi accorde-t-on la priorité? L'accorde-t-on aux chercheurs qui travaillent sur la santé humaine ou l'accorde-t-on à d'autres domaines, comme les travaux de Beeologics?

M. Hayes : Je crois que les cheminements sont parallèles. Les sociétés pharmaceutiques sont à la recherche de traitements pour nous, pour éliminer les maladies sans recourir à des médicaments. Lorsque nous prenons un médicament, il peut assurément avoir une incidence sur une bactérie ou je ne sais quoi, mais il nous cause aussi des dommages indirects, et la même chose est vraie pour les cultures agricoles. Si on regarde la situation générale, de fait, l'industrie pharmaceutique a déjà mis au point une méthode pour contrôler la dégénérescence maculaire dans l'œil. Le problème, lorsqu'on essaie de faire fonctionner l'ARN, c'est qu'il s'agit d'une — je vais utiliser le mauvais terme ici — protéine normale. Le gros problème, c'est d'introduire une protéine dans notre corps sans qu'elle soit décomposée, assimilée ou déchiquetée, ou je ne sais quoi. Nous savons comment amener l'ARN à compromettre les mauvaises bactéries et à les désactiver — on songe même à cela pour contrer le cancer —, mais la difficulté est de le faire traverser tous nos systèmes de surveillance pour qu'il atteigne la cible et fonctionne bien. À Monsanto, nous envisageons aussi cette méthode pour lutter contre la chrysomèle des racines du maïs et le ver de l'épi du maïs afin que ces produits chimiques — le traitement des semences — puissent être éliminés.

La sénatrice Buth : Bonjour, monsieur Hayes. Merci d'avoir présenté votre exposé.

Puis-je seulement vous demander pendant combien de temps vous avez travaillé... Avez-vous dit au département fédéral de l'Agriculture en Floride?

M. Hayes : Non, je travaillais au département de l'Agriculture de la Floride. J'étais chef de la section des ruchers. Mon bureau était à côté de l'Université de la Floride.

J'ai appris l'existence de l'ARN lorsque j'ai été invité à une réunion du département fédéral de l'Agriculture, juste au coin de la rue où j'étais. On tenait un atelier, aux alentours de 2006, sur la façon d'éliminer les moustiques transporteurs de la malaria à l'aide de l'ARN. J'ai trouvé cela formidable. J'ignore tout des moustiques, mais si nous pouvions faire la même chose avec les abeilles domestiques... Alors, je me suis arrêté au bureau de M. Jamie Ellis en retournant au mien, et je lui ai demandé : « Jamie, que penses-tu de ceci? » Alors, nous avons examiné cela. Nous avons obtenu de l'argent de l'assemblée législative de l'État, et nous nous sommes engagés dans cette voie. Comme nous posions beaucoup de questions, les gens de Beeoligics nous ont trouvés — et nous les avons trouvés —, et nous avons décidé de collaborer.

La sénatrice Buth : Vous avez mentionné un virus, le virus israélien de la paralysie aiguë. Y a-t-il d'autres virus qui touchent les abeilles domestiques?

M. Hayes : Oui. On a cerné environ 27 virus, mais les dernières données semblent indiquer qu'un virus, le virus des ailes déformées, en plus du varroa, était fatal. Mon dilemme tient au fait que nous pouvons éliminer des virus avec l'ARN, et nous espérons pouvoir éliminer le varroa à l'aide de l'ARN. Alors, s'attaque-t-on aux virus pour les anéantir, en laissant le varroa, ou s'attaque-t-on plutôt au varroa, ce qui élimine le vecteur de virus? Ce n'est pas une question facile. J'essaie de déterminer la meilleure façon de procéder.

La sénatrice Buth : Nous avons parmi nous M. Kelvin Ogilvie, sénateur qui a en fait mis au point les méthodes liées à l'ARN. J'allais lui poser des questions, mais je vais plutôt vous les poser à vous.

M. Hayes : N'hésitez pas à lui demander. Je n'y vois pas d'objection.

La sénatrice Buth : J'ai de la difficulté à me figurer ce que vous faites réellement. Si ce n'est pas un produit chimique et si c'est une protéine, quelles sont les modalités d'application? Comment l'introduit-on dans le corps? Que fait-elle lorsqu'elle est là?

M. Hayes : Comme je le disais au sénateur, s'introduire dans le corps humain est difficile, car nous avons tous ces mécanismes de défense qui reconnaissent les protéines et les produits chimiques étrangers. Les abeilles — les insectes — n'ont pas un système immunitaire aussi sensible que le nôtre. Dans nos études, nous avons introduit l'ARN que nous avons repéré dans les abeilles, pour éliminer le varroa, par exemple. Les abeilles produisent de l'ARN, mais elles ne peuvent pas le faire assez rapidement pour éliminer cet énorme parasite. Nous avons défini ce qu'était l'ARN. Nous le mettons dans du sirop de sucre. Nous le donnons à manger aux abeilles, car c'est l'une des façons de procéder des apiculteurs pour nourrir les abeilles. Les abeilles l'ingèrent, puis l'ARN se répartit dans toutes les cellules. Lorsque le varroa se nourrit sur l'abeille, il absorbe cet ARN, et nous voyons à quel point cela contrôle la protéinogénèse du varroa et le blesse, l'endommage ou le tue.

La sénatrice Buth : Combien de temps prend normalement ce processus?

M. Hayes : C'est un processus biologique. Ce n'est pas comme un produit chimique où vous verriez l'effet immédiat, la mort immédiate. On peut voir des effets au cours d'une période d'une semaine à 10 jours, je dirais. Nous aimerions certainement accélérer cela, mais, à l'heure actuelle, c'est ce que démontre notre analyse.

La sénatrice Buth : Quelle est la situation de l'ARN en matière de propriété intellectuelle?

M. Hayes : L'ARN est largement connu. Deux hommes, MM. Mello et Fire, ont décroché un prix Nobel à ce sujet en 2009. Il n'y a rien de secret. La PI se rattache à l'endroit où on fait intervenir l'ARN et aux segments de gènes qui vont être désactivés. C'est là qu'elle entrerait en jeu.

La sénatrice Eaton : Monsieur Hayes, mes questions sont moins difficiles sur le plan intellectuel. Lorsque vous parliez de priorités, vous avez nommé quatre choses. Nous les avez-vous présentées par ordre d'importance? Y a-t-il une raison pour laquelle vous avez commencé par le Varroa destructor et êtes passé à la nutrition, au varroa et aux pesticides?

M. Hayes : En fait, j'ai triché, madame la sénatrice. J'ai repris ce que le département fédéral de l'Agriculture a défini comme étant les quatre éléments fondamentaux de la santé des abeilles aux États-Unis.

La sénatrice Eaton : Quel ordre de priorité donneriez-vous?

M. Hayes : C'est mon opinion. Si vous me regardez, vous pouvez voir que j'existais avant l'époque du varroa, et nous avons maintenant traversé cette époque. Le monde a changé dans l'industrie apicole en raison du varroa. Selon moi, si nous pouvions éliminer le varroa de façon raisonnable et sécuritaire, sans manipulation génétique et sans produit chimique, nous pourrions probablement améliorer la santé des abeilles de 70 à 80 p. 100 sans rien faire d'autre. À mon avis, c'est l'essentiel du problème. Tous les chercheurs du monde — dont les brillants chercheurs au Canada, selon moi — partageraient mon avis aussi.

La sénatrice Eaton : Vous nous avez expliqué ce qu'était le varroa, et nous en avons entendu parler. Y a-t-il un lien avec le fait que les abeilles sont aujourd'hui élevées dans des ruches artificielles? Cela contribue-t-il au problème?

M. Hayes : Oui. Sans vouloir m'en prendre aux apiculteurs, mais c'est le modèle d'agriculture industrielle. Oui, les abeilles sont dans des boîtes. À vrai dire, ces boîtes n'ont pas la bonne taille. Regardez comment les abeilles sélectionnent leur cavité de nidification et comment elles butinent et se séparent. Pensez à la ruche. Ce n'est pas la bonne cavité, et ce n'est pas la bonne taille. L'entrée n'est pas au bon endroit. Nous les installons côte à côte, et cela contribue à mettre en commun les organismes nuisibles, les prédateurs et les maladies.

Si vous avez déjà vu un rucher ou une colonie d'abeilles commerciale, où se côtoient des centaines ou des milliers de colonies, c'est un peu comme une école primaire. Tout le monde se transmet tout, mais ce n'est pas différent de l'agriculture industrielle, lorsqu'on cultive une seule chose sur 500 hectares. Alors, c'est le modèle agricole le plus efficient que nous ayons, et, à l'heure actuelle, il n'existe pas d'autre modèle.

La sénatrice Eaton : C'est peu susceptible de changer, alors, j'imagine?

M. Hayes : J'en doute, à vrai dire, parce que, si vous regardez le Canada, il est le premier producteur de canola au monde, car vous avez des millions d'acres exploitées, gérées et cultivées de façon efficiente, et ce modèle particulier est le seul qui vous permet de faire cela.

La sénatrice Eaton : Vous nous avez dit une autre chose étonnante, lorsque vous avez mentionné que personne ne sait comment nourrir les abeilles. Nous avons posé la question à différents témoins — « Êtes-vous certain que vos abeilles auront assez à manger pour tout l'hiver? » — en parlant de nos problèmes d'hivernage ici. « Oh, oui oui, nous le savons. » Vous êtes le premier à souligner que nous ne savons pas vraiment comment nourrir les abeilles et ne comprenons pas leur nutrition.

M. Hayes : Certainement. Les abeilles recueillent du pollen, mais elles ne mangent pas de pollen. L'enveloppe du pollen est dure. Les abeilles ne sont pas dotées d'une mâchoire pour croquer et mâcher. Elles recueillent le pollen. Elles y ajoutent des bactéries, des champignons et de la levure et l'insèrent dans la cellule, puis, après un processus de fermentation, le grain de pollen s'ouvre et libère ses trésors. Les abeilles s'en nourrissent.

Alors, c'est un produit naturel, mais les apiculteurs commerciaux doivent artificiellement stimuler les abeilles pour les préparer à la pollinisation et à la production de miel. Ils donnent aux abeilles des suppléments pour combler certaines lacunes, mais leur nutrition n'est pas complète. Elles ont besoin de la composante complète d'acides aminés, de vitamines et de minéraux. De fait, des données révèlent que le meilleur régime alimentaire sur le marché pour les abeilles domestiques peut seulement sustenter une colonie pendant environ neuf semaines. C'est un facteur de stress, car, si je colle un rat parasitaire sur vous, madame la sénatrice, et que je vous donne seulement des tablettes Hershey à manger, je peux vous garantir que vous tomberez malade.

La sénatrice Eaton : Si nous en comprenions davantage au sujet de la nutrition des abeilles, cela nous aiderait-il à surmonter nos problèmes d'hivernage, selon vous?

M. Hayes : Je crois que oui, car nous parlons du varroa. Nous parlons de virus. Nous parlons de nutrition, puis nous parlons de ces acaricides que nous utilisons pour maîtriser le varroa. C'est comme mourir d'un millier de coupures. Aucun facteur individuel — outre le varroa, peut-être — ne tuera carrément une colonie, alors ce sont tous les facteurs de stress additionnels. Quels sont les plus faciles à éliminer de ce modèle de fatalité chez les abeilles? L'un des plus simples — et je ne sais pas trop pourquoi personne n'a encore agi —, c'est la nutrition, d'après moi.

La sénatrice Eaton : Merci beaucoup.

Le sénateur Ogilvie : Merci, monsieur Hayes. Votre exposé était absolument fantastique. Je tiens à vous remercier d'avoir été si clair. Vous avez essentiellement répondu aux questions que j'allais vous poser, et elles portent sur la façon dont vous avez pu réussir à stabiliser l'inférence à l'ARN pour que l'ARN puisse passer par les systèmes biologiques pour toucher la cible. Vous décrivez le processus que vous étudiez. Jusqu'où dans le processus — de l'abeille jusqu'à l'acarien — avez-vous pu assurer la stabilité de l'iARN jusqu'à maintenant?

M. Hayes : Excellente question. En laboratoire, dans une boîte de Pétri, nous pouvons le rendre actif en cinq jours et tuer environ 50 p. 100 des acariens. Ce n'est pas suffisant, et, comme vous le savez, lorsqu'on arrive sur le terrain, les choses changent.

Alors, il faut se pencher, comme vous le laissez entendre, sur les tampons. Y a-t-il un type de tampon... Ou peut-on insérer l'ARN dans des particules grasses — des liposomes — pour allonger un peu sa durée de vie pendant qu'il chemine dans l'organisme?

Nous nous penchons aussi sur les façons d'établir un système de contact, pour que l'ARN soit absorbé par la cuticule et n'ait pas à passer dans ces organismes. Dans les calendriers des grandes sociétés et organisations de recherche, il y a la découverte, puis les phases 1, 2, 3 et 4, et nous sommes au début de la phase 1, à l'heure actuelle; nous essayons de comprendre certains de ces phénomènes. À vrai dire, nous n'avons pas de réponse absolue à l'heure actuelle, sénateur.

Le sénateur Ogilvie : C'est le problème pour toutes les possibilités d'inférence à l'ARN. Alors, c'est une difficulté considérable, mais le potentiel est énorme. Je savais exactement de quoi vous parliez lorsque vous avez utilisé les termes « protéine » et « ARN » à un certain moment. Je crois toutefois que nous devons préciser que l'ARN n'est pas du tout une protéine, mais vous faisiez valoir qu'il se comporte comme cela. Il est instable dans un système biologique. En ma qualité de chimiste spécialisé en ARN et en ADN au cours de ma carrière, je devais seulement m'assurer que nous apportions cette précision. Mais je savais exactement où vous vouliez en venir lorsque vous avez fait ce commentaire. Merci.

M. Hayes : Merci, sénateur.

[Français]

Le sénateur Maltais : Est-ce que vous pourriez m'indiquer le type d'abeilles que vous avez à St. Louis?

[Traduction]

M. Hayes : Nos abeilles arrivent au deuxième rang dans le monde, après celles du Canada, sur le plan de la qualité. Non. Nous avons l'abeille européenne. Nous avons des abeilles italiennes. Nous avons des abeilles caucasiennes et, bien sûr, nous avons des mélanges. Nous avons un bagage génétique mixte où sont représentées la plupart des races d'abeilles européennes.

À l'heure actuelle, les apiculteurs de St. Louis — en fait, j'ai des colonies dans ma cour — ne tiennent plus en place. Il y a du pollen qui entre, du nectar et le printemps est dans l'air, alors c'est une époque stimulante de l'année.

[Français]

Le sénateur Maltais : Vous avez peut-être les meilleures abeilles, mais les plus infidèles. Elles abandonnent leur reine et vont ailleurs.

[Traduction]

M. Hayes : Encore une fois, elles tentent de protéger la colonie. Elles n'y arrivent peut-être pas parfaitement, mais elles essaient.

La croissance de l'apiculture et l'intérêt pour cette discipline ont été phénoménaux au cours des 10 dernières années. Je suis certain que vous l'avez constaté aussi, au fur et à mesure que les gens découvrent les abeilles et découvrent ce lien avec l'environnement et la possibilité d'aider, mais il y a beaucoup de choses à apprendre à l'égard des abeilles. Ce n'est pas comme acheter un chiot, un chaton ou un oiseau. Il y a une nouvelle langue et une nouvelle biologie à apprendre. Il y a beaucoup de choses à apprendre, alors il y a beaucoup de nouveaux apiculteurs bien intentionnés qui en ont beaucoup à apprendre. Par conséquent, vu l'hiver extrême que nous avons tous connu, le taux de survie hivernale aura probablement diminué au cours des derniers mois.

[Français]

Le sénateur Maltais : Contrairement à nous, vous n'avez pas les effets de la température hivernale, qui est sans doute un facteur très important dans le décès des abeilles au Canada. Quel est le taux moyen de décès par année dans vos ruches?

[Traduction]

M. Hayes : Je suis membre du groupe de travail sur le syndrome d'effondrement des colonies depuis sa création. En moyenne — depuis environ 2006 ou 2007, les pertes sont d'environ 30 p. 100 aux États-Unis.

Il y a un groupe d'apiculteurs qui se réunit chaque mois au campus de Monsanto, dans l'un de nos auditoriums, et ses membres connaissent des pertes — typiques, en passant — allant de 20 à 60 p. 100.

La chose qu'il faut comprendre non seulement des apiculteurs amateurs, mais aussi des apiculteurs professionnels — surtout eux, en fait —, c'est que, si vous essuyez une perte de 30 p. 100, si vous exploitez une petite entreprise et perdez 30 p. 100 de vos stocks chaque année, ce n'est pas viable. Vous ne pouvez pas survivre. La seule chose qui maintient les apiculteurs en vie à l'heure actuelle, c'est la possibilité de prendre une colonie survivante et de la diviser en deux pour remplacer les pertes, mais pendant combien de temps peut-on faire cela? On crée ainsi deux colonies faibles plutôt que deux colonies fortes. Notre objectif est de favoriser la santé des abeilles domestiques et de faire en sorte qu'elles soient un aspect actif de l'agriculture.

[Français]

Le sénateur Maltais : Est-ce que Monsanto, qui fait de la recherche sur la survie des abeilles, a régulièrement des contacts avec les autres centres de recherche, tels que la Californie, la Floride et les États qui s'impliquent dans la recherche pour trouver les causes des acariens, et déterminer comment réduire ce fléau et peut-être y remédier? Quels contacts avez-vous avec les autres domaines scientifiques universitaires?

[Traduction]

M. Hayes : Je suis actif dans l'industrie depuis très longtemps. J'ai été président de l'Association américaine des inspecteurs de ruchers pendant deux mandats. Je signe chaque mois une chronique dans l'American Bee Journal, intitulée « The Classroom », où je réponds à des questions. J'ai publié un livre du même nom, et je suis auteur ou coauteur d'un grand nombre d'articles.

En raison de toutes ces choses — je ne me vante pas —, j'entretiens des liens avec la communauté de recherche depuis des années; pas seulement ici aux États-Unis, mais mondialement. Là, encore, je mentionne mes collègues. Les apiculteurs provinciaux au Canada sont de bons amis à moi. Comme M. Steve Pernal, à Beaverlodge, nous avons travaillé ensemble en Colombie-Britannique. Nous sommes une petite partie du secteur agricole. Nous sommes une petite famille. Nous sommes nombreux à avoir grandi ensemble, et nous nous appuyons les uns sur les autres, et nous nous faisons confiance.

Le sénateur Robichaud : Est-ce que les travaux de recherche que vous menez et la forme que vous voulez donner à cette iARN ont une incidence sur les caractéristiques génétiques des abeilles?

M. Hayes : Non, il n'y a aucun changement génétique. Le phénomène se déroule actuellement dans votre organisme, mesdames et messieurs les sénateurs. Vos cellules libèrent de l'ARN pour activer ou désactiver une protéine dans vos cellules et dans votre corps. À la fin de ce processus, l'ARN est décomposé par des enzymes; voilà ce qui se passe, et voilà le processus que nous tentons d'introduire pour lutter contre les maladies chez les abeilles.

Comme l'a dit le sénateur Ogilvie, faire en sorte que le processus fonctionne de façon constante et que l'ARN se conserve assez longtemps pour que ce soit possible est difficile, car l'ARN est mangé; il est digéré. Si vous en versez par terre, les bactéries le consommeront. C'est un excellent point, mais, du point de vue de la recherche, il est vraiment difficile de le conserver assez longtemps dans un organisme pour faire quoi que ce soit.

Le sénateur Robichaud : Cherchez-vous à modifier génétiquement les abeilles pour qu'elles puissent mieux absorber et transférer la protéine?

M. Hayes : Non. Lorsque j'ai commencé à travailler à Monsanto, je disais à tout le monde que Monsanto était connu pour son travail fantastique et la modification génétique des plantes afin d'augmenter les récoltes pour les agriculteurs. Mais je leur ai dit, lorsque je suis venu ici, que nous n'allions pas procéder ainsi pour les abeilles. Cela ne serait pas sage, ni nécessaire. Alors, on m'a souvent rabroué parce que je disais que Monsanto allait génétiquement modifier les abeilles pour qu'elles ne pollinisent que les cultures de Monsanto.

Le sénateur Robichaud : Je voulais aussi vous rabrouer là-dessus.

Vous dites que, lorsque vous trouverez le bon processus, il sera breveté. Il deviendra une propriété intellectuelle, n'est-ce pas?

M. Hayes : Pas tant le processus que la protéine que nous allons activer ou désactiver et la façon de le faire. Cela va probablement faire partie de la PI, oui.

Le sénateur Robichaud : Comment transmettra-t-on cela aux producteurs? Ensuite, la question qui s'impose est : Combien cela coûtera-t-il?

M. Hayes : C'est une autre excellente question. Monsanto a fait l'acquisition de Beeologics, grande et prospère entreprise semencière qui n'avait aucune relation avec l'industrie apicole, et cette dernière n'avait aucune relation avec elle. Alors, Monsanto a acheté Beeologics et — que Dieu la bénisse — elle a conservé la division responsable des abeilles mellifères. Elle n'était pas obligée de faire cela, et elle n'avait pas grand-chose à gagner sur ce plan. Si vous regardez le marché qu'on a ici pour les abeilles domestiques — même à l'échelle mondiale —, Monsanto pourra faire un petit profit, mais rien comme l'exploitation du maïs ou du soja et ce genre de choses.

Alors, l'idée aujourd'hui, c'est de trouver une façon de collaborer avec des organisations nationales ou internationales. Une fois que le procédé sera mis au point, il s'agira essentiellement de le confier à l'une de ces organisations pour qu'elle le vende et le distribue et obtienne les fonds connexes, seulement parce que ce n'est pas quelque chose qui va beaucoup profiter à Monsanto.

Le sénateur Robichaud : Une dernière question. Vous avez entendu tout le monde parler des néonicotinoïdes et de leurs effets. Si vous trouvez une façon de protéger l'abeille, alors il y aura moins de pression de la communauté agricole pour qu'un terme soit mis à l'utilisation des néonicotinoïdes. Monsanto sera le gagnant au bout du compte, n'est-ce pas?

M. Hayes : C'est le capitalisme, sénateur; oui.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Monsieur Hayes, j'ai deux questions pour vous. La première concerne les abeilles reines. Devons-nous limiter à certains pays l'importation des reines? Quelles reines présenteraient les meilleures aptitudes pour vivre au Canada?

[Traduction]

M. Hayes : C'est une pente glissante, sénateur, car le Canada importe des reines et des abeilles d'autres pays.

Quand j'étais chef de la section des ruchers en Floride, j'interagissais avec le département fédéral de l'Agriculture, entre autres. Au début, lorsque nous perdions beaucoup d'abeilles, les États-Unis importaient des abeilles de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande pour compenser les pertes d'abeilles. Mais, après quelques années, on s'est ravisé, car le risque d'introduire d'autres parasites ou d'autres maladies était trop grand, compte tenu des problèmes de santé avec lesquels nous étions déjà aux prises. Alors, on a évité cela.

La reine est la seule femelle fertile dans une colonie d'abeilles domestiques. Le Canada a un bon élevage de reines qui permet de répondre à ce besoin. Une opinion, c'est comme le nez : tout le monde en a une. Je crois que les reines que produit le Canada seraient probablement mieux que celles qu'il importe.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Vous avez mentionné que les pesticides avaient peu d'impact sur la vie des abeilles. Comment expliquer les différences de survie des abeilles dans les régions où on n'utilise pas les pesticides?

[Traduction]

M. Hayes : Je ne crois pas avoir dit qu'ils n'avaient pas d'incidence sur les abeilles. Par exemple, il y a eu des cas où le traitement des semences, des problèmes de poussières empreintes de néonicotinoïdes, ont eu des conséquences pour des apiculteurs canadiens. Aux États-Unis, c'est pareil. Il y a peu de cas, et ils sont mineurs, mais il y a aussi eu des rapports.

Par exemple, on vient de publier en Australie un rapport sur la mort des abeilles domestiques. On utilise beaucoup de néonicotinoïdes là-bas. On les pulvérise sur de grandes surfaces, mais les Australiens n'ont pas observé les mêmes problèmes de santé chez les abeilles qu'ici aux États-Unis ou au Canada. C'est parce que le varroa n'existe pas dans ce pays. Le varroa semble être la clé, puis toutes les autres choses sont des facteurs de stress supplémentaires.

Il ne faut pas non plus oublier que les abeilles domestiques entretiennent une relation avec les plantes et les fleurs depuis des millions d'années. Ces plantes produisent leurs propres toxines pour éloigner les insectes dommageables, alors les abeilles ont trouvé des façons de neutraliser ces toxines qui sont introduites dans le pollen ou le nectar. Elles ont des systèmes. Mais, lorsqu'on ajoute ces autres facteurs, comme les acaricides pour essayer d'éliminer le varroa... La cire d'abeille et le rayon de miel sont constitués d'acides gras; ce sont des éponges chimiques, alors beaucoup de ces acaricides utilisés par les apiculteurs sont absorbés. Et les abeilles y sont exposées 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, 365 jours par année.

C'est pourquoi j'ai dit plus tôt que, si nous pouvions éliminer ou réduire ces conséquences chimiques, nous pourrions grandement améliorer la santé des abeilles, pas seulement grâce au contrôle direct du varroa, mais grâce à ces résidus.

Le sénateur Oh : Bonjour, monsieur Hayes.

Quel est le pourcentage d'abeilles qui quittent la ruche dans votre région? Est-ce un problème qui augmente?

M. Hayes : Nous attendons toujours les chiffres du mois prochain. Le nombre de morts dans les colonies sera déclaré. Vu l'hiver plus rigoureux qui vient de passer, je prévois des pertes supérieures à 30 p. 100. Si vous pratiquez l'apiculture dans votre cour et que vous perdez l'une de vos deux colonies, il s'agit d'une perte de 50 p. 100. Ce n'est pas aussi grave que si vous êtes un apiculteur chargé de 10 000 colonies et que vous en perdez 50 p. 100. C'est énorme.

Où se situe le point de non-retour? C'est un grand sujet de discussion dans mon milieu depuis quelques années. Où est le point de non-retour? À quel moment cela devient-il insuffisant, et à quel moment l'agriculture qui dépend des pollinisateurs est-elle compromise?

Le sénateur Oh : Avons-nous le même problème au Canada?

M. Hayes : Il ne semble pas être aussi grave qu'aux États-Unis. Vous pratiquez certainement l'apiculture de transhumance et de pollinisation à des fins commerciales, mais les apiculteurs canadiens doivent être meilleurs que les nôtres. On signale des cas, mais le problème ne semble pas aussi grave qu'ici aux États-Unis.

Des apiculteurs commerciaux viennent en Floride durant l'hiver pour pouvoir élever des abeilles. La première période de pollinisation, qui se déroule en février, touche les amandiers; alors on transporte les abeilles en semi- remorque, de la Floride à la Californie, afin d'introduire 1,6 million de colonies d'abeilles domestiques dans cet État. Nous n'en avons que 2,4 millions aux États-Unis. C'est comme la migration des gnous dans la plaine du Serengeti, lorsqu'on emmène toutes ces abeilles à un seul endroit. Elles se partagent les parasites, les prédateurs et les maladies. J'ignore ce qu'est le stress pour les abeilles, mais charger 500 colonies dans une semi-remorque, c'est stressant. Ensuite, on les emmène à un endroit plus de 3 000 miles plus loin, parcours où les températures et les climats varient. Elles passent trois semaines là-bas. Elles ne sont pas nourries correctement. Ensuite, on les transporte vers le nord, dans l'État de Washington ou en Oregon, pour la pollinisation des pommiers et des cerisiers puis, peut-être qu'elles retournent en Floride et finissent par aller au Maine pour la saison des canneberges.

C'est une vie de nomade, si vous voulez. De pouvoir prendre un nid d'insectes, le transporter ailleurs et attendre que ses occupants s'adaptent... On ne peut pas faire ça avec autre chose. Les abeilles sont le maillon fort dans l'agriculture dépendant d'un pollinisateur, mais aussi le maillon faible, car, en leur absence, l'agriculture industrielle et l'économie ainsi que notre régime alimentaire et notre nutrition sont compromis.

Le sénateur Robichaud : Je ne suis pas capitaliste. Les abeilles sauvages ont-elles le même problème d'acariens? Avez- vous examiné les espèces indigènes sauvages pour voir si elles avaient combattu le parasite ou si elles éprouvaient le même problème?

M. Hayes : Elles n'ont pas le même problème. Ce varroa semble s'attaquer exclusivement aux espèces d'abeilles domestiques. On l'a trouvé sur des bourdons, mais il ne semble pas se reproduire. La nature trouve une façon... C'est assez génial. Lorsque le varroa veut se multiplier, il s'attache à une abeille domestique. Lorsqu'elle se pose sur une fleur, le varroa s'attache à la fleur et attend l'arrivée de la prochaine abeille ou du prochain insecte pour s'y attacher afin de se multiplier. Il se promène, mais il semble seulement pouvoir se reproduire sur ce que nous appelons nos abeilles domestiques.

Les autres pollinisateurs indigènes sont touchés par les changements environnementaux, les phénomènes météorologiques et certains produits chimiques dans l'environnement. Certains de ces autres pollinisateurs indigènes sont de loin supérieurs aux abeilles domestiques, prises individuellement, sur le plan de la pollinisation. Les abeilles domestiques sont fantastiques, mais il s'agit de généralistes, et la raison pour laquelle elles sont si efficaces, c'est que nous pouvons les transporter. On peut en amener 50 000 dans une boîte, puis les laisser sortir, et elles feront leur travail. L'efficacité en matière de pollinisation tient à la redondance. Il y a beaucoup d'abeilles. Certains pollinisateurs indigènes spécialistes d'une certaine plante sont beaucoup plus efficaces, et je crois qu'il faut aussi leur accorder plus d'attention.

Le sénateur Robichaud : C'est là où je voulais en venir. À quel point accordons-nous de l'importance aux pollinisateurs sauvages? Merci.

Le président : Monsieur Hayes, merci beaucoup. Votre exposé et vos réponses nous ont éclairés et ont été très instructifs. Avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Hayes : Juste deux ou trois choses, si vous permettez. Encore une fois, je vous remercie de votre temps et de votre préoccupation à ce sujet.

Ce n'est pas un sujet que tout le monde doit connaître. Vos électeurs ne pensent probablement pas beaucoup à cela lorsqu'ils vont faire le marché. Si vous pensez à environ le tiers de nos aliments qui dépendent de cet effet de pollinisation, puis si vous pensez à l'environnement, les abeilles domestiques ne pollinisent pas seulement les plantes que nous reconnaissons et qui produisent des aliments que nous pouvons manger; pensez à toutes les plantes qu'elles pollinisent dans l'environnement, qui produisent des graines permettant à cette plante de se reproduire, ou des baies ou des noix pour les oiseaux et la faune. Je n'ai pas vu d'estimation du coût que cela représente, mais il doit être énorme. Quelle est l'incidence de tout cela pour nous? L'abeille domestique illustre les difficultés que nous connaissons à l'égard de l'environnement, et, à mon avis, les efforts que vous déployez pour poser ces questions et mobiliser des gens sont remarquables. Encore une fois, je vous suis reconnaissant de m'avoir donné cette occasion.

Le président : Merci, monsieur.

Chers collègues, c'est l'heure de notre deuxième groupe de témoins : Mme Coral Sproule, 2e vice-présidente, Syndicat national des cultivateurs; et M. Michael Lynch-Staunton, à titre personnel.

Le greffier m'a dit que Mme Sproule présentera l'exposé; ensuite, nous allons passer aux questions. Allez-y, s'il vous plaît.

Coral Sproule, 2e vice-présidente, Syndicat national des cultivateurs : Merci. Tout d'abord, je tiens à remercier le comité de mener une étude en profondeur sur les abeilles et leur santé. De toute évidence, il est très important, au sujet de l'un de nos principaux pollinisateurs, de regarder les mesures que nous pouvons prendre pour améliorer la santé, car nous avons vu beaucoup de pertes dans le passé. Merci au comité de faire cela et d'avoir invité le Syndicat national des cultivateurs à parler.

Tout d'abord, une brève introduction : j'exploite une petite ferme dans le comté de Lanark, environ une heure à l'ouest d'ici, et Michael Lynch-Staunton est un petit exploitant apicole et agricole dans la même région. Le Syndicat national des cultivateurs est une organisation générale. Nous représentons des exploitations agricoles familiales qui produisent différentes marchandises, dont du grain, des oléagineux, des légumes et du miel. Nous représentons différents agriculteurs, toutes tailles confondues, actifs sur des marchés locaux et directs, mais aussi sur le marché des produits de base.

Nous sommes déterminés à protéger la biodiversité, et c'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. Nous sommes aussi une organisation démocratique et croyons fermement en une société démocratique où les Canadiens ont un rôle à jouer dans le processus décisionnel touchant notre environnement et notre système alimentaire.

Nous avons soumis des commentaires dans le cadre de la consultation de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire en décembre 2013, et nous avons envoyé une lettre à la ministre de la Santé, Mme Rona Ambrose, en avril de cette année, en 2014.

Je vais décrire dans leurs grandes lignes les préoccupations présentées dans notre mémoire, qui est un peu plus détaillé. L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire a conclu que la mortalité des abeilles en 2012 et en 2013, dans des régions productrices de maïs et de soja en Ontario et au Québec, avait été causée par le traitement de semence aux néonicotinoïdes. En septembre 2013, l'ARLA a donc « conclu que les pratiques agricoles actuelles liées à l'utilisation de semences de maïs et de soja traitées avec des néonicotinoïdes ne sont pas viables ». C'est une citation du rapport qu'elle a publié.

Le personnel du ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Affaires rurales de l'Ontario a déclaré que le traitement aux néonicotinoïdes était appliqué sur presque toutes les acres consacrées à la culture du maïs et du canola en Ontario et sur 80 p. 100 des acres consacrées à la culture du soja; 35 p. 100 des acres consacrées à la culture du blé faisaient aussi l'objet d'un tel traitement des semences.

Le personnel du ministère provincial a déclaré qu'une proportion de seulement 10 à 30 p. 100 de semences de maïs et de soja font l'objet d'un traitement aux néonicotinoïdes.

Comme l'ARLA a conclu que le traitement des semences était la cause de mortalité des abeilles, nous nous demandons pourquoi elle continue à permettre l'utilisation à grande échelle de traitements de semences aux néonicotinoïdes à des fins prophylactiques.

Au SNC — le Syndicat national des cultivateurs —, nous considérons que les abeilles sont une espèce indicatrice. Faisant partie du système agricole officiel, elles font l'objet d'un suivi plus uniforme sur le plan de leur population et de leur santé comparativement à d'autres pollinisateurs. Nous croyons aussi que d'autres pollinisateurs sont probablement touchés. Il y a aussi eu des études relatives aux effets sur certaines espèces d'oiseaux.

Je vais seulement énumérer certaines des recommandations du SNC. Nous croyons que le gouvernement canadien et d'autres organismes de réglementation au Canada ont la responsabilité de prendre des mesures dans l'intérêt supérieur de la population canadienne, de notre environnement et de notre biodiversité. Comme l'ARLA a conclu que les pratiques agricoles actuelles liées au traitement des semences de maïs et de soja aux néonicotinoïdes ne sont pas viables, il est dans l'intérêt du public de mettre fin à l'utilisation à grande échelle de ce traitement à des fins prophylactiques.

La position du Syndicat national des cultivateurs est fondée sur une résolution présentée aux agriculteurs dans le cadre de notre congrès annuel de 2013, tenu en novembre. L'une des résolutions consistait à demander l'imposition d'un moratoire de cinq ans sur le traitement des semences aux néonicotinoïdes dans toutes les grandes cultures. Nous demandons aussi, au besoin, d'appliquer le moratoire d'abord au maïs et au soja de l'Ontario et du Québec, à compter du 1er janvier 2015, parce que certaines des études ont démontré que la perte d'abeilles dans ces provinces particulières avait été supérieure aux autres.

Durant le moratoire, nous aimerions que des travaux de recherche soient menés par un tiers — grâce à un financement public, au besoin —, afin de déterminer s'il y a un avantage, sur le plan du rendement, à la mise au point et à la promotion de solutions de rechange, dont des solutions non chimiques, et à la surveillance de populations pollinisatrices et des résidus de néonicotinoïdes dans l'eau et dans le sol.

Nous demandons aussi au gouvernement d'adopter une approche fondée sur le principe de précaution, plutôt que de gérer le risque une fois ces néonicotinoïdes libérés dans l'environnement, comme l'ont fait jusqu'à maintenant certains pays européens qui ont imposé des moratoires sur ces pesticides particuliers, jusqu'à ce qu'on mène d'autres études.

J'aimerais seulement vous lire quelques citations d'études tirées du mémoire plus détaillé que nous vous avons soumis, seulement pour appuyer nos propos. Il y a une femme nommée Tracey Baute, entomologiste responsable de grandes cultures, chargée du programme du ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Affaires rurales de l'Ontario. Selon elle, il ne fait aucun doute que l'intoxication aiguë des colonies d'abeilles ces dernières années est en lien avec la mise en terre de semences traitées de maïs et de soja. Le traitement des semences ne profite qu'à une proportion de 10 à 30 p. 100 des acres consacrées à la culture de maïs et de soja, et le ministère a recensé des facteurs qui exposent un champ donné à un risque, comme le type de sol, la rotation des cultures et les antécédents en matière de parasites. Tracey recommande entre autres que les agriculteurs reviennent à la lutte intégrée contre les parasites, que je désignerai plus tard par l'acronyme LIP si j'en reparle, et de faire des choix de traitement de semence sans insecticide dans les champs qui n'ont pas d'antécédents en matière de parasites.

Le Center for Food Safety aux États-Unis a publié le 14 mars 2014 une revue d'études indépendantes évaluées par les pairs sur la relation entre le traitement des semences et le rendement dans les grandes cultures d'Amérique du Nord. Selon les auteurs, dans de nombreux cas, les composés ne procurent pas un avantage économique ni un rendement supérieur aux agriculteurs, encore une fois.

L'utilisation à grande échelle du traitement de semences aux néonicotinoïdes a fait qu'on s'est éloigné de la lutte intégrée contre les parasites. Certaines des autres pratiques qui pourraient être appliquées pour lutter contre les parasites dans les champs ne le sont pas en raison de la dépendance à l'égard de ces traitements des semences.

Christy Morrissey, biologiste à l'Université de Saskatchewan, aurait dit que les néonicotinoïdes ont été utilisés de plus en plus ces dernières années dans les cultures de l'Ouest canadien et que ces produits chimiques font leur chemin vers des milieux humides, ce qui pourrait se traduire par une réaction en chaîne dévastatrice pour les insectes et les oiseaux qui en dépendent.

Quant à la démarche fondée sur le principe de précaution que j'ai mentionnée, que nous aimerions voir adoptée par les organismes de réglementation du gouvernement, le Canada souscrit à cette démarche dans le cadre de traités internationaux. En 1992, on a tenu la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement. Le principe de précaution demande des autorités publiques qu'elles agissent pour prévenir des dommages irréversibles lorsqu'elles en ont la capacité, même en l'absence d'une certitude scientifique complète.

Une grande partie de notre argument ici, c'est que nous ne savons pas vraiment. Je sais que le témoin précédent a parlé de multiples facteurs de stress touchant la santé des abeilles, mais, comme nous le savons bien, il y a parmi les agents qui compromettent la santé et le système immunitaire des abeilles les néonicotinoïdes. Nous aimerions essayer de mener davantage de travaux de recherche pour connaître exactement les effets avant d'aller plus loin.

Le gouvernement canadien et les organismes de réglementation du Canada devraient agir dans l'intérêt du public. L'ARLA a déterminé que les pratiques agricoles actuelles liées à l'utilisation de néonicotinoïdes pour traiter les semences de maïs et de soja ne sont pas viables. Je l'ai répété à maintes reprises. Encore une fois, nous déclarons notre volonté de voir abandonnée l'utilisation à grande échelle de traitements des semences à des fins prophylactiques, car cela nuit aux abeilles, aux pollinisateurs et aux écosystèmes.

Merci de m'avoir invitée à témoigner. Nous sommes à votre disposition si vous avez d'autres questions, je suppose.

Le président : Merci, madame Sproule.

Le sénateur Mercer : Merci à vous deux d'être venus. La matinée a été instructive, car nous avons entendu deux différents points de vue sur la question.

Nous avons déjà entendu d'autres témoins proposer un moratoire de cinq ans. Le problème, c'est que, si nous imposons un moratoire de cinq ans, quel sera l'effet, selon vous, sur la production agricole? Nous parlons de la santé des abeilles, mais l'un des enjeux qui touchent les gens de la communauté agricole, c'est le maintien de rendements élevés, ce qui veut dire que l'agriculteur touche un plus gros profit. Quel serait l'effet d'un moratoire de cinq ans sur le rendement des cultures?

Mme Sproule : Comme je l'ai indiqué, dans les études effectuées jusqu'à maintenant, seulement 10 à 30 p. 100 des surfaces dans des cultures particulières profitent du traitement des semences. Ce n'est pas partout pareil, bien sûr. Il s'agit d'une moyenne. Il y a des agriculteurs qui n'ont pas été touchés.

Dans le cas particulier d'un agriculteur avec qui j'ai parlé il y a quelques années, il était toujours capable d'obtenir des semences non traitées, il faisait cela lui-même — bien sûr, cela ne reflète pas nécessairement une étude particulière —, mais il ensemençait une partie d'un champ de maïs avec des semences non traitées et l'autre, avec des semences traitées, et il n'a pas constaté de différence notable dans le rendement de ses cultures. Il s'agissait d'un seul membre du Syndicat national des cultivateurs qui tend à produire des cultures commerciales à grande échelle.

Sans adopter le principe de précaution, nous ne pouvons pas vraiment savoir quel est l'effet sur les abeilles, ce qui peut compromettre le rendement de nos cultures destinées à la production alimentaire en général. Nous ne parlons pas seulement de la production de maïs et de soja; nous parlons aussi de la production d'aliments partout au pays. L'importance des abeilles et de la pollinisation pour la production d'aliments est un sujet qu'il faut absolument examiner. Nous ne pouvons pas seulement regarder la diminution du rendement potentiel des cultures de maïs et de soja. Nous devons aussi regarder l'effet potentiel à long terme pour les autres cultures. Nous voyons déjà des pertes dévastatrices pour les apiculteurs. Nous voyons des pertes dévastatrices chez les producteurs de fruits et d'autres qui sont touchés par le manque de pollinisateurs. Comme on l'a vu, bien des fois, aux États-Unis, on entend de plus en plus parler de vergers qui doivent faire venir des abeilles de différents endroits; on doit les transporter par camion partout au pays, ce qui a aussi un effet sur la santé des abeilles. Comme nous examinons la santé des abeilles ici, cela fait partie de l'enjeu.

Pour parler de cela un peu, nous sommes préoccupés par le manque de disponibilité de semences de maïs et de soja non traitées aussi. C'est aussi quelque chose que nous aimerions aborder. Il ne semble pas y avoir sur le marché beaucoup de semences de maïs non traitées pour la production à grande échelle, mais nous aimerions voir des solutions de rechange mises au point.

Michael Lynch-Staunton, à titre personnel : En Europe, il y a un an — ou deux ou trois ans, je crois que c'était en France —, les apiculteurs ont protesté contre les néonicotinoïdes. Un moratoire sur ce traitement est en vigueur depuis trois ans pour cette raison.

Le sénateur Mercer : Nous savons qu'il y a un moratoire, mais...

M. Lynch-Staunton : Nous utilisions... Les néonicotinoïdes sont un nouveau traitement.

Le sénateur Mercer : Je voulais obtenir des données relatives aux changements.

M. Lynch-Staunton : Il s'agit d'un nouveau pesticide. Nous produisons du maïs et du blé dans le pays depuis longtemps. Il s'agit d'un nouveau pesticide. Comme il s'agit d'un nouveau pesticide, nous ne pouvons pas revenir à l'ancien système; voilà ce que j'essaie de dire. Savez-vous ce que je veux dire?

Le sénateur Mercer : D'accord.

Monsieur Lynch-Staunton, le nom Lynch-Staunton est un nom qu'on entend souvent dans les environs.

M. Lynch-Staunton : Mon oncle était sénateur.

Le sénateur Mercer : Je présume qu'un des membres de votre parenté en Alberta évolue dans l'industrie de l'élevage des bovins, et un de nos anciens collègues, John Lynch-Staunton, était leader du gouvernement au Sénat.

M. Lynch-Staunton : J'imagine qu'on parle de mon oncle qui était à la tête de l'Association des éleveurs de bovins en Alberta, et il était aussi sénateur, oui.

Le sénateur Mercer : Et un excellent sénateur, je dois le dire.

M. Lynch-Staunton : Merci.

Le sénateur Mercer : C'était un homme bien. Il ne m'arrive pas très souvent de dire cela d'un conservateur.

M. Lynch-Staunton : Il désignait toujours le Sénat comme la Chambre du second examen objectif.

Le sénateur Mercer : Élevez-vous des abeilles vous-même?

M. Lynch-Staunton : Oui.

Le sénateur Mercer : Quel était votre taux de mortalité cette année?

M. Lynch-Staunton : Zéro. Je n'ai pas eu de mortalité. Toutes mes abeilles ont survécu.

Le sénateur Mercer : Pourquoi?

M. Lynch-Staunton : J'ai changé mes pratiques depuis l'année dernière.

Le sénateur Mercer : Qu'avez-vous fait de différent?

M. Lynch-Staunton : J'ai adopté de meilleures pratiques en matière de surveillance des acariens et ce genre de choses.

Je ne veux pas contredire le représentant de Monsanto, mais tout ce dont nous avons entendu parler, c'est le varroa. Le varroa est présent depuis 30 ans. Pourquoi est-ce devenu un si grand enjeu aujourd'hui? Eh bien, en raison de facteurs supplémentaires que les abeilles ne peuvent tout simplement pas supporter.

J'ai lu un rapport hier selon lequel le pollen des ruches était plein de fongicides, de pesticides et de choses comme ça. Il donne un bon exemple. Si je vous colle un rat dessus et que je vous nourris de chocolat, tôt ou tard, vous allez mourir. L'analogie est parfaite. Si je ne vous donne rien d'autre que de mauvais aliments sur le plan nutritif tout au long de l'hiver, puis que je vous fais subir un stress accru, alors, oui, il est raisonnable de penser que vous risquez de mourir. Mais, si vous surveillez vos ruches et que vous les recouvrez de plateaux grillagés et vous assurez qu'il y a assez de provisions pour passer l'hiver, alors, je crois qu'elles peuvent survivre. Je ne crois pas qu'elles aient besoin de quantités massives de fongicides et d'acaricides et de choses comme ça.

Il y a un apiculteur à London, en Ontario, nommé Szabo, qui tente de produire génétiquement une abeille résistante aux acariens, ce qui, à mon avis, est une meilleure direction à prendre. Notre société adore dire : « Voici une pilule pour ceci et voici une pilule pour cela. » Si nous avons une compagnie prête à produire ces pilules, c'est fantastique pour l'économie, mais, à long terme, cette mesure sera-t-elle vraiment bonne pour l'économie?

J'essaie de déterminer ce que je peux faire pour améliorer mon environnement. Si j'utilise une telle mesure pour mes abeilles, je vais faire tout mon possible pour veiller à ce que cela fonctionne. Si je ne les surveille pas bien, si je ne suis pas la procédure correctement, alors je peux m'attendre à avoir des pertes. C'est ce qui arrive.

Si j'additionne un plus un plus un plus un, je vais obtenir un chiffre. Ce chiffre sera élevé. Je ne veux pas qu'il soit élevé; je veux qu'il soit petit. Si tous mes facteurs de stress sont petits, alors j'ai de meilleures chances de voir mes abeilles survivre.

Le sénateur Mercer : Je suis fasciné d'apprendre que vous n'affichez aucune mortalité.

M. Lynch-Staunton : L'année dernière, j'ai eu un taux de 50 p. 100, mais j'ai adopté les mêmes pratiques que d'autres.

Le sénateur Mercer : J'espère soit que vous trouviez une façon de mettre en marché ce que vous avez fait...

M. Lynch-Staunton : Je ne suis pas capitaliste, toutefois : je donne l'information gratuitement.

Le sénateur Mercer : C'est très bien aussi. J'aimerais assurément obtenir plus de détails; pas nécessairement ici, aujourd'hui, vu le contexte dans lequel nous nous trouvons.

M. Lynch-Staunton : C'est anecdotique. Ces données ne sont pas scientifiques ni rien de cette nature, mais ce que j'aime faire est de faire un suivi sur quelques années pour voir quels sont les résultats. C'est tout ce que nous demandons ici.

Le sénateur Mercer : La première année a été un franc succès, mais elle marque un changement dans la façon dont vous traitez vos abeilles.

M. Lynch-Staunton : Exactement.

Le sénateur Mercer : Comparativement à l'autre problème de pesticides dans les cultures.

Le sénateur Robichaud : Dans quelle mesure utilisiez-vous des néonicotinoïdes sur votre ferme?

M. Lynch-Staunton : Il y a une grande exploitation agricole sur mon rang; probablement 200 acres destinées à la culture de maïs, et on y cultive aussi du soja. Cela me préoccupe. Elle est à moins de deux kilomètres de moi. Cela me préoccupe beaucoup. C'est pourquoi j'ai changé ma façon de faire, parce que, lorsque j'ai essuyé des pertes de 50 p. 100 l'année dernière, ma principale préoccupation tenait à cette exploitation voisine. Je ne veux pas jeter le blâme sur cette exploitation. Savez-vous ce que je veux dire? Je veux que tout le monde vive heureux, mais, s'il y a un problème, alors je veux le savoir. S'il y a un problème, alors je dois changer mes pratiques pour composer avec ce problème.

Le sénateur Robichaud : Si je comprends bien, l'utilisation de néonicotinoïdes sur votre ferme est minimale.

M. Lynch-Staunton : Je n'en utilise pas.

La sénatrice Buth : Merci beaucoup d'être venu.

Monsieur Lynch-Staunton, vous avez mentionné que les néonicotinoïdes étaient un nouveau produit, mais ce traitement existe depuis environ 10 ans. Ma question ne vous est pas particulièrement adressée : l'un ou l'autre peut répondre.

Sans néonicotinoïde, quels types de pratiques les cultivateurs pourraient-ils adopter?

M. Lynch-Staunton : Nous reviendrons à ce que nous faisions avant. D'après ce que je comprends des néonicotinoïdes, il s'agit d'un insecticide ou d'un pesticide systémique. Il agit dans la plante. Il fait partie de l'ADN de la plante.

La sénatrice Buth : Plutôt que de parler de son fonctionnement, je veux seulement...

M. Lynch-Staunton : Nous reviendrons tout simplement à nos anciennes pratiques et pulvériserons du Roundup.

Le président : Pourriez-vous laisser la sénatrice terminer son idée, puis nous vous écouterons?

M. Lynch-Staunton : Pardon.

La sénatrice Buth : Ce que j'essaie de dire, c'est que les cultivateurs utilisaient des produits foliaires auparavant s'ils n'utilisaient pas de traitement des semences. Je ne veux pas lancer un débat opposant les produits foliaires aux traitements des semences. Je préférerais comprendre le type de LIP qu'adopteraient les cultivateurs de maïs et de soja.

Mme Sproule, pourriez-vous me parler des types de choses que vous faites dans votre organisation?

Mme Sproule : Je m'occupe d'un éventail diversifié de cultures, principalement des légumes, et aussi d'un petit élevage. Je dirige un programme agricole communautaire dans le cadre duquel je vends un panier de légumes variés. Je cultive jusqu'à 40 types de légumes dans ma ferme. La biodiversité s'inscrit dans une démarche de promotion de la production agricole saine, de la rotation des cultures, du recours à des cultures-abris et d'autres choses du genre. Une culture-abris de sarrasin peut améliorer la santé des abeilles et être aussi pour elles une excellente source d'alimentation.

Il y a d'autres méthodes que je ne connais pas aussi bien, mais au sujet desquelles nous pourrions vous transmettre de l'information plus tard, comme l'utilisation d'autres espèces d'insectes susceptibles de contrer les insectes que nous avons dans nos fermes et ce genre de choses.

L'un des problèmes que causent ces traitements de semences — et les pesticides en général —, c'est qu'elles créent une résistance aux pesticides. Les membres les plus en santé de l'espèce d'insectes qu'on essaie d'éliminer développent en fait une résistance aux pesticides.

On les utilise depuis un bon moment, mais c'est leur utilisation désormais systémique qui nous préoccupe. Je ne saurais vous dire spontanément en quelle année c'est devenu un enjeu, mais c'est un processus qui s'apparente davantage à une nouvelle technologie. Le pesticide se trouve désormais dans la plante, et nous faisons valoir que ce procédé n'a pas très bien été étudié et n'a pas été utilisé de façon très répandue jusqu'à tout récemment. Il semble y avoir une corrélation avec l'augmentation de la mortalité chez les abeilles.

La sénatrice Buth : Nous n'avons pas reçu de témoin nous ayant véritablement présenté de l'information ou des études précises au sujet du phénomène de résistance. Si vous avez de la documentation sur le sujet, au sujet de la résistance, il serait très utile que vous la transmettiez au greffier.

Mme Sproule : Oui.

La sénatrice Buth : Votre commentaire au sujet des semences non traitées pique ma curiosité. Avez-vous parlé à des cultivateurs particuliers qui n'avaient pas accès à des semences non traitées cette année?

Mme Sproule : Oui. Une lettre a été envoyée à Mme Ann Slater, vice-présidente aux politiques du Syndicat national des cultivateurs, qui a préparé le mémoire déposé aujourd'hui. Elle n'a pas pu transmettre la lettre à vous ni à moi- même, car elle vient de la recevoir, et j'imagine qu'il faut obtenir la permission de l'auteur de la lettre pour pouvoir la soumettre à des sénateurs. Nous pouvons également transmettre cette lettre au comité. C'est en parlant à des agriculteurs jusqu'à maintenant que j'ai pu comprendre que des semences non traitées étaient disponibles, mais les stocks semblent s'écouler très rapidement. Cela me donne à penser que la disponibilité sur le marché n'est pas aussi bonne qu'elle pourrait l'être.

J'encouragerais le comité à se pencher sur cette question aussi. Des témoins m'ont dit que c'était leur cas dans le cadre de différentes réunions tenues à différents endroits en Ontario et ailleurs. Je sais que le problème ne semble pas être aussi grand dans l'Ouest, ou alors on n'y a pas attaché d'importance dans l'Ouest, mais j'ai parlé à des cultivateurs de canola de l'Ouest qui disent que, en guise de solution de rechange, ils peuvent utiliser différents produits chimiques sur ces semences ainsi que des fongicides qu'ils ne veulent pas non plus nécessairement libérer dans l'environnement.

Le problème, c'est que les solutions de rechange ne sont pas nécessairement quelque chose que les cultivateurs veulent utiliser.

La sénatrice Buth : La question des semences non traitées est intéressante. Je viens de voir un rapport sur la disponibilité de semences de maïs non traitées en Ontario. En fait, j'ignore si c'était du maïs et du soja, mais les gens ont indiqué qu'il y avait une bonne quantité de semences non traitées sur le marché cette année et qu'elle suscitait très peu d'intérêt. Très peu de cultivateurs en ont acheté cette année, essentiellement, mais les marchands de semences l'offraient.

Je me demande où se produit la rupture entre les cultivateurs qui disent ne pas pouvoir en trouver et les compagnies de semences qui affirment essentiellement les avoir mises sur le marché. J'ignore s'il s'agit d'un problème de communication.

Mme Sproule : Où avez-vous entendu cela?

La sénatrice Buth : Je l'ai vu sur Twitter. Je crois que cela venait de l'Association canadienne du commerce des semences. Ce sont les gens qui fournissent les semences, alors ils savent ce qui est disponible. Nous avons entendu un témoin ici affirmer qu'il en offrait.

Je veux revenir à votre organisation, car j'aime toujours me renseigner sur les activités d'une organisation. Vous dites représenter des milliers de fermes familiales. Combien de fermes le SNC représente-t-il?

Mme Sproule : Je ne saurais vous donner un chiffre exact à l'heure actuelle. Nous avons des milliers de membres. En Ontario, nous avons 1 600 membres en ce moment, mais nous avons dans cette province un programme de financement stable qui encourage les agriculteurs à adhérer à l'une des trois organisations agricoles générales. Il s'agit d'un programme provincial, et nous en avons dans d'autres provinces. Nous représentons des agriculteurs de la Colombie- Britannique jusqu'aux provinces de l'Est.

Le président : Monsieur Lynch-Staunton, vous vouliez faire un commentaire?

M. Lynch-Staunton : Seulement sur votre point au sujet de l'obtention des semences libres.

J'écoutais un reportage de la CBC au sujet de l'obtention des semences non traitées. Si j'étais un agriculteur qui devait choisir entre des semences non traitées et des semences traitées, c'est un coup de dés, alors je peux m'imaginer que beaucoup d'agriculteurs se disent simplement : « Je vais continuer de faire ce que j'ai toujours fait par le passé plutôt que de cultiver une semence en ignorant les résultats que j'obtiendrai. » C'est la prémisse sur laquelle était fondé le reportage de la CBC au sujet des semences libres.

La sénatrice Buth : Une autre source digne de foi. C'est un choix, vraiment.

M. Lynch-Staunton : Je suis d'accord.

La sénatrice Buth : Si la semence traitée est disponible sur le marché, elle fait partie des choix.

M. Lynch-Staunton : Si nous avons une compagnie qui dit : « Voici les résultats que vous obtiendrez en cultivant nos semences », et une autre qui dit : « Nous avons une nouvelle semence », j'ignore quels seront les résultats.

Le sénateur Ogilvie : Je vais modifier mes questions, car vous nous avez présenté une observation extrêmement intéressante, et je veux l'aborder, monsieur Lynch-Staunton.

Mais, avant, y a-t-il un grand nombre de cultivateurs industriels membres du SNC?

Mme Sproule : Oui, nous avons beaucoup de membres. Notre organisation a été fondée dans les Prairies, alors nous avons beaucoup de producteurs de céréales à grande échelle parmi nos membres.

Le sénateur Ogilvie : Je voulais poser cette question. Ce n'est pas un sujet auquel je veux m'attacher; c'est seulement pour avoir l'information.

Monsieur Lynch-Staunton, j'ai trouvé votre observation extrêmement intéressante pour nous, lorsque vous avez parlé de la différence entre l'année dernière et cette année. Soit dit en passant, je n'estime pas que vos observations étaient très différentes de celles de M. Hayes. Je crois qu'il disait qu'il existe un certain nombre de facteurs de stress, mais si vous avez un grand facteur de stress ou deux grands facteurs de stress, l'acarien et le virus, cela affaiblit l'organisme et le rend beaucoup plus vulnérable à des problèmes de nutrition et à des pesticides et à d'autres risques. À mon avis, quant aux répercussions globales sur les abeilles, il n'était pas très loin du compte. Il s'attache à l'élimination d'un de ces facteurs, mais, au bout du compte, l'enjeu est l'impact intégral sur les abeilles en général et sur leur capacité de survie.

Pour parler un peu de votre ferme, sur quelle superficie vos abeilles butinent-elles?

M. Lynch-Staunton : Nous avons 55 acres.

Le sénateur Ogilvie : Combien de ruches avez-vous?

M. Lynch-Staunton : J'ai commencé par six. J'en ai perdu trois l'an dernier, mais je peux scinder. Alors j'en ai créé deux autres. J'en ai cinq à l'heure actuelle.

Le sénateur Ogilvie : Vous avez pris cinq ruches et leur avez fait traverser cet hiver rigoureux, sans la moindre perte nulle part.

M. Lynch-Staunton : Sans la moindre perte.

Le sénateur Ogilvie : C'est très intéressant.

Sur vos 55 acres, de quoi ont l'air les habitats?

M. Lynch-Staunton : C'est varié. Nous avons deux champs consacrés à la culture du foin, puis il y a une zone où j'ai mon érablière et où je produis mon sirop d'érable. Ensuite, il y a un boisé, mes deux voisins — de part et d'autre — sont des éleveurs de bovins.

Le sénateur Ogilvie : D'accord. Alors, deux fermes, puis la grande exploitation quelques kilomètres plus loin?

M. Lynch-Staunton : Elle est à deux kilomètres, oui.

Le sénateur Ogilvie : Vos abeilles vivent essentiellement dans ce qu'on considérerait comme un habitat naturel traditionnel?

M. Lynch-Staunton : Oui.

Le sénateur Ogilvie : Pourtant, l'année précédente, vous avez essuyé des pertes d'environ 50 p. 100?

M. Lynch-Staunton : Oui.

Le sénateur Ogilvie : Cela donne à penser que la façon dont vous avez géré le rucher a une incidence énorme sur des facteurs de stress qu'on considérerait relativement normaux, qui, l'année d'avant, ont causé chez les abeilles des pertes de l'ordre de 50 p. 100, tandis que, cette année, il n'y a eu pratiquement aucune perte.

M. Lynch-Staunton : C'est là que je m'oppose aux propos du représentant de Monsanto, car je ne crois pas qu'il soit nécessaire de...

Le sénateur Ogilvie : D'accord. Vous envisagez une solution différente.

M. Lynch-Staunton : J'envisage une solution axée sur la gestion plutôt qu'une solution axée sur l'argent.

Le sénateur Ogilvie : C'est ce que je dis; vous vous entendez sur la nature du problème. Vous parlez de différentes démarches pour trouver une solution.

M. Lynch-Staunton : Exactement.

Mme Sproule : Je crois qu'on a utilisé le mot « anecdotique » plus tôt. Nous avons pris connaissance d'un de ces cas, lorsque nous avons parlé au gardien de sécurité à l'entrée, qui est apiculteur à Orleans. Il a perdu la totalité de ses ruches cette année. Il n'avait que six ruches, mais il a dit qu'il avait un voisin un peu plus loin sur sa rue. Il est membre d'une association d'apiculteurs aussi, et nombre des éleveurs d'abeilles qu'il connaît et rencontre régulièrement ont aussi observé d'énormes pertes.

Le sénateur Ogilvie : Cela se peut bien.

Juste pour finir sur cette question, M. Lynch-Staunton a donné un exemple particulièrement évocateur de mesures concrètes qui ont été présentées au comité, parce qu'il a élevé des abeilles dans le même environnement durant plusieurs années, et a essuyé des pertes importantes à quelques reprises. Il a pris des mesures concrètes qu'il peut documenter, et il nous dit qu'il n'a vu presque aucune perte cette année. Il ne s'agit pas d'une observation anecdotique et insignifiante.

Mme Sproule : Non.

Le sénateur Ogilvie : Je voulais seulement dire que je vous suis très reconnaissant de nous avoir présenté cette information.

Mme Sproule : Je crois que nous tentons aussi de démontrer la responsabilité des organismes de réglementation de mener ce genre d'études, d'étudier ces cas, et c'est ce que nous demandons.

Le sénateur Robichaud : Lorsqu'on se déplace aux alentours d'Ottawa, on voit beaucoup de maïs dans les champs, et, parfois, je vois une affiche portant le sigle OFA devant. Il s'agit de la Fédération de l'agriculture de l'Ontario?

Mme Sproule : Oui.

Le sénateur Robichaud : Ces gens sont-ils aussi membres du Syndicat national des cultivateurs?

Mme Sproule : Non, il s'agit d'une organisation agricole générale distincte. L'OFA est la Fédération de l'agriculture de l'Ontario, qui est rattaché à la Fédération canadienne de l'agriculture. En Ontario, nous avons le Syndicat national des cultivateurs. Notre organisation est constituée en personne morale en Ontario, aux termes d'une loi du Parlement, mais nous faisons partie de l'organisation générale du Syndicat national des cultivateurs.

Le sénateur Robichaud : Quelle serait la principale différence entre les deux? Je veux seulement le savoir, parce que je veux aborder les résolutions que vous avez adoptées au sujet du moratoire.

Mme Sproule : Je ne suis pas tout à fait certaine du fonctionnement de la Fédération de l'agriculture de l'Ontario. Il se trouve que nous sommes une organisation communautaire, alors beaucoup de gens de la localité interviennent de façon active. Nous avons beaucoup de gens très actifs à l'échelon local, et c'est d'eux que proviennent nos résolutions. Ils viennent d'un échelon local et passent à un échelon régional, que nous avons organisé aussi. C'est à notre congrès national que ces résolutions sont adoptées ou rejetées. Il s'agit d'une résolution qui vient de la région 3, la région ontarienne du Syndicat national des cultivateurs, et qui a été présentée à l'occasion de notre congrès de mars 2013 dans cette région, en Ontario. Ensuite, on l'a présentée lors du congrès national tenu en novembre de la même année, et elle a été adoptée là aussi.

Notre organisation se distingue par son caractère familial. Nos membres incluent tous les éléments de la ferme familiale. Lorsqu'une ferme devient membre, les femmes, les enfants et toutes les autres personnes sur cette ferme sont membres. Nous avons effectivement des positions particulières par rapport aux jeunes et aux femmes. Nous avons un président et un vice-président de l'aile jeunesse à l'échelon national. Nous avons un comité consultatif des femmes. Nous avons un comité consultatif des jeunes, et nous avons effectivement beaucoup plus de ce que j'appellerais des agriculteurs diversifiés et à petite échelle, ainsi que des représentants de ce que nous considérons comme le seul secteur en croissance de l'industrie agricole : le nouvel agriculteur qui est en quelque sorte un agriculteur de deuxième génération sans nécessairement être issu d'une longue tradition agricole. Mais notre organisation compte beaucoup de ces membres aussi, et nous avons aussi des membres représentants l'agriculture urbaine.

Notre organisation a un profil très diversifié, et peut-être que l'OFA s'attache davantage à l'agriculture commerciale à grande échelle et pas nécessairement à des fermes familiales indépendantes.

Le sénateur Robichaud : Vous avez dit que la résolution qui avait été présentée à la réunion venait de la région 3.

Mme Sproule : La région 3 du Syndicat national des cultivateurs est l'Ontario. Nos régions sont habituellement séparées par province, et nous ne menons aucune activité au Québec, car la loi québécoise prévoit seulement un représentant pour les fermes au Québec.

Le sénateur Robichaud : Je vois que votre résolution prévoit un moratoire en Ontario et au Québec. Est-ce que je l'interprète correctement?

Mme Sproule : Je crois que nous avons demandé précisément un moratoire de cinq ans sur l'utilisation de traitements des semences aux néonicotinoïdes dans les grandes cultures. Donnez-moi un instant.

J'ai la résolution ici. Voulez-vous que je lise la résolution intégrale, pour que nous puissions remettre les pendules à l'heure?

Il est donc résolu que le SNC exercera des pressions auprès du ministère fédéral Santé Canada en vue d'un moratoire immédiat de cinq ans sur l'utilisation des pesticides de la catégorie des néonicotinoïdes pour le traitement de semences destinées aux grandes cultures.

Il est également résolu que le SNC demande à Santé Canada d'exiger la réalisation d'études scientifiques indépendantes, à l'écart d'influences de l'industrie, à propos des effets sublétaux et synergétiques des néonicotinoïdes sur les abeilles domestiques, les pollinisateurs sauvages et autres espèces affectées, y compris les agriculteurs qui utilisent ces produits, les résultats complets devant être rendus publics et proposés pour examen et commentaires avant la levée de tout moratoire sur l'utilisation de traitements aux néonicotinoïdes de semences.

Alors on le demande à l'échelon fédéral, mais, parfois, nous devons adopter une approche provinciale. On a constaté que les pertes d'abeilles étaient plus prononcées en Ontario et au Québec, alors c'est là que nous commençons. En fait, il y a une liste de 13 recommandations, je crois. Je ne les ai pas toutes citées dans mon mémoire, mais il y en a 13.

Le président : Avez-vous souligné, madame Sproule...

Mme Sproule : Elles figurent dans le mémoire.

Le sénateur Robichaud : Le gouvernement de l'Ontario a le pouvoir de demander un moratoire en Ontario. Quel genre de débat cela créerait-il dans la province?

Mme Sproule : Parmi nos agriculteurs?

Le sénateur Robichaud : Parmi les agriculteurs. Disons entre l'OFA et le SNC.

Mme Sproule : À vrai dire, j'ai parlé à quelques membres de l'OFA qui ont assisté à une réunion de notre section locale 362, qui correspond à la région d'Ottawa qui va jusqu'à Winchester et Chesterville. L'agriculteur cultive le maïs et le soja. Il a assisté à notre réunion — à l'AGA — parce que nous avions invité un apiculteur qui parlait de l'utilisation des traitements de semences, et il était très intéressé parce que ces traitements de semences étaient utilisés dans son exploitation agricole. Comme je l'ai mentionné, nous dépendons tous de ces pollinisateurs pour la pollinisation de nos cultures. C'est une préoccupation que partagent ces agriculteurs.

Il y a aussi la Fédération des agriculteurs chrétiens de l'Ontario, et il s'agit de la troisième organisation agricole générale reconnue officiellement dans la province. Elle n'a pas nécessairement présenté grand-chose, mais j'ai vu des communiqués de presse dans Rural Voice — une publication agricole — l'an dernier, ainsi que dans Ontario Farmer, où elle parlait des traitements de semences aux néonicotinoïdes, alors c'est aussi une préoccupation pour les autres organisations. Je ne connais pas bien leurs politiques, alors il nous faudrait étudier cette question. Mais les membres de l'OFA à qui j'ai parlé sont préoccupés par cette question aussi, et ils cherchent à savoir si elle est abordée ou si on pose ce type de questions dans d'autres organisations, pas nécessairement de façon continue, mais on veut savoir si elles ont fait l'objet de communiqués de presse aussi.

La sénatrice Eaton : C'est très intéressant. J'ai quelques questions.

Nous essayons de fonder le plus possible nos rapports sur des données scientifiques. Avez-vous un chercheur qui travaille au SNC et qui a collaboré pour déterminer si ces dénominateurs communs entre les néonicotinoïdes et les abeilles existent parmi vos familles membres? Y a-t-il quelqu'un qui examine les données en profondeur?

Mme Sproule : Nous avons des chercheurs. Nous avons un chercheur au sein du personnel de l'organisation nationale.

Nous avons également essuyé une certaine perte financière l'an dernier en raison d'une décision rendue par un tribunal ici en Ontario, parce que notre reconnaissance nous avait été retirée illégalement, ce qui a été démontré devant un tribunal. Cela nous a coûté très cher. En tant qu'agriculteurs, nous sommes habitués à la simplicité et à l'utilisation la plus efficace possible de nos ressources, mais notre organisation n'a pas nécessairement les ressources nécessaires pour produire ce genre d'études. En réalité, nombre des études qui ont été publiées jusqu'à maintenant ont été menées par les compagnies responsables de la vente des pesticides et des semences traitées. C'est pourquoi nous demandons aussi qu'un tiers effectue une vérification et que cette responsabilité soit confiée aux organismes de réglementation, car le fardeau ne devrait pas incomber aux agriculteurs et aux apiculteurs. C'est un enjeu qui touche la protection de la santé et de l'agriculture au Canada.

La sénatrice Eaton : Cela nous touche tous.

Mme Sproule : Oui.

La sénatrice Eaton : Monsieur Lynch-Staunton, simplement pour reprendre là où le sénateur Ogilvie s'est arrêté, au sujet de vos abeilles qui ont traversé l'hiver sans problème, vous avez entendu M. Hayes parler du peu de connaissances que nous possédons vraiment au sujet de la nutrition des abeilles. Pourriez-vous nous préciser les choses que vous avez faites pour aider vos abeilles à passer au travers? Nous avons connu un hiver terrible, à la fois long et froid.

M. Lynch-Staunton : Exactement.

Lorsque je suis allé chez mon fournisseur de matériel apicole local et que je lui ai posé la question — car il parle à tout le monde dans la région —, il a répondu que, dans la région, les pertes étaient d'environ 40 p. 100. Si vous avez deux ruches, 40 p. 100...

La sénatrice Eaton : C'est énorme, la moitié de vos ruches.

M. Lynch-Staunton : Oui, mais ce qui est bien, c'est qu'on peut se reprendre facilement si la ruche est forte.

J'ai dépensé un peu plus d'argent. Les acariens ont leurs petites habitudes particulières. Les acariens se multiplient seulement dans une cellule de faux bourdons. La taille d'une cellule de faux bourdons est supérieure à celle d'une cellule d'ouvrières normales. Si vous placez un cadre qui oblige les abeilles à ne faire que des cellules de faux bourdons, puis vous le retirez et ne permettez pas à ces cellules de se développer, alors vous pouvez réduire le nombre d'acariens dans votre ruche. Si vous placez un panneau grillagé au fond de votre ruche, les acariens passent à travers le grillage, puis ils ne peuvent plus remonter dans la ruche.

La sénatrice Eaton : Qu'y a-t-il normalement dans le fond d'une ruche?

M. Lynch-Staunton : Habituellement, un simple panneau.

La sénatrice Eaton : Si vous ajoutez un grillage, ils passent au travers et tombent sur le plateau?

M. Lynch-Staunton : Sur un autre plateau, puis vous pouvez les compter pour voir combien il y en a, mais en plus, ils ne remontent pas dans la ruche. Si vous avez un acarien stupide — et ils ne sauraient être très intelligents —, ils tombent et ils ne remontent pas. Si je peux en éliminer 10 p. 100 en faisant ceci, 10 p. 100 en faisant cela, 10 p. 100 en faisant ceci et un autre 10 p. 100 en faisant cela...

La sénatrice Eaton : Vous tenez vos ruches propres.

M. Lynch-Staunton : Oui, et si je peux obtenir des abeilles qui se nettoient instinctivement — car il y en a qui se nettoient instinctivement —, alors je ne produis que des abeilles qui ont un instinct...

La sénatrice Eaton : S'agit-il d'un type d'abeille qui se nettoie instinctivement?

M. Lynch-Staunton : Oui. Les abeilles se nettoient elles-mêmes.

La sénatrice Eaton : Toutes les abeilles?

M. Lynch-Staunton : Toutes les abeilles se nettoient elles-mêmes ainsi que toute la ruche. Vous pouvez avoir une ruche très propre ou une ruche sale. Les abeilles sont comme les gens. Sans blague, elles sont comme les gens. Il y a de bonnes ruches, et il y a de mauvaises ruches. J'ai une ruche qui est toujours en colère.

La sénatrice Eaton : Est-elle sale?

M. Lynch-Staunton : J'ignore si elle est sale. J'ai quelques ruches où on peut aller sans le moindre problème, mais j'ai une ruche où, dès qu'on l'ouvre, les abeilles cherchent à vous confronter et elles sont mécontentes. Je vais éliminer ces abeilles. Je vais remplacer la reine de la ruche afin d'éliminer les gènes responsables de cette agressivité excessive.

Les abeilles ont différentes personnalités, car il y a différents types d'abeilles. Les abeilles italiennes ne sont pas les mêmes que les abeilles russes, qui ne sont pas les mêmes que les abeilles néo-zélandaises. Il faut envisager la question en tenant compte de cela et tenter de les gérer plutôt que de simplement camoufler le problème, ce qui ne fonctionne pas vraiment la plupart du temps.

J'ai donc parlé à mes confrères apiculteurs et j'ai parlé à un représentant de l'OBA, qui s'occupe de ses propres ruches depuis 10 ans, et il m'a expliqué comment il procédait, ce qui a changé ma démarche.

La sénatrice Eaton : Il y a aujourd'hui plus de connaissances qui circulent d'un apiculteur à l'autre en ce qui concerne les méthodes naturelles d'élimination du varroa.

M. Lynch-Staunton : Oui.

La sénatrice Eaton : Vous avez entendu M. Hayes. Selon lui, le varroa constitue 80 p. 100 du problème.

M. Lynch-Staunton : Je croyais qu'il allait même aborder le grand tabou — ça commence par un « n » —, mais il ne l'a pas fait.

La sénatrice Eaton : Mais il a parlé de pesticides.

M. Lynch-Staunton : Il a consacré tout son exposé à ce nouveau produit que Monsanto va mettre sur le marché pour lutter contre le varroa, qui est parmi nous depuis à peu près 30 ans. Tout d'un coup, on décide de faire cela maintenant?

La sénatrice Eaton : Je croyais que Monsanto faisait quelque chose avec l'ARN, qui n'est pas...

M. Lynch-Staunton : Je comprends, mais pourquoi maintenant? Pourquoi tout d'un coup aujourd'hui? Nous avons le varroa — c'est lui-même qui l'a dit — depuis 30 ans maintenant. Nous sommes aux prises avec le problème du varroa depuis 30 ans. Et c'est maintenant qu'on décide de faire quelque chose? Ma question est la suivante... Et je sais que je ne suis pas censé poser une question...

La sénatrice Eaton : Oui, vous le pouvez.

M. Lynch-Staunton : Ma question est la suivante...

Le président : Monsieur Lynch-Staunton, vous avez fait passer le message.

Y a-t-il une autre question, madame la sénatrice?

La sénatrice Eaton : Non, merci beaucoup. Nous pourrions continuer pendant des heures.

M. Lynch-Staunton : Invitez-moi à prendre un verre, un de ces quatre.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Monsieur Lynch-Staunton, ce n'est pas toujours la colère des abeilles, ça peut être n'importe quoi.

Votre organisme a laissé entendre que les mesures de protection émises par l'ARLA pour protéger les abeilles contre les pesticides lors de l'ensemencement pour l'année 2014 n'étaient pas suffisantes. Voyez-vous d'autres mesures qui pourraient protéger les abeilles contre les pesticides? L'ensemencement n'a pas dû être fait parce que l'hiver est assez long, merci. Auriez-vous autre chose à suggérer qui pourrait aider à protéger les abeilles des pesticides? Les périodes d'ensemencement doivent commencer bientôt, j'imagine.

[Traduction]

Mme Sproule : Il faudrait que je relise les pratiques de gestion exemplaires. J'en ai la liste ici, mais elles ne préviennent pas tous les résidus de pesticides. Comme je l'ai dit, il s'agit d'un insecticide à l'intérieur de la plante. Alors, si le pollen de cette plante se retrouve sur d'autres plantes aussi — en raison du vent et je ne sais quoi — il est susceptible de nuire à d'autres plantes et à leur pollen aussi. Je n'ai pas nécessairement de données scientifiques pour le prouver, mais je suppose que c'est ça, le problème. Cela n'a, de fait, été étudié jusqu'à maintenant, alors nous ne croyons pas que la simple prise de certaines mesures fondées sur le principe de précaution soit nécessairement adéquate.

Je ne saurais dire, à ce stade, quelles autres recommandations s'imposent, mais nous tentons d'obtenir un moratoire le temps que d'autres études soient menées, car il n'y a pas eu beaucoup de recherches techniques sur le sujet jusqu'à maintenant.

[Français]

Le sénateur Dagenais : À titre d'information, tantôt il y avait un témoin qui a travaillé au ministère de l'Agriculture en Floride. Vous parlez de la pollinisation par les plantes et vous savez qu'en Floride — il ne l'a pas mentionné — il y a un problème de prolifération de mauvaises plantes, de mauvais pollen, et c'est dû aux excréments d'oiseaux. Avez-vous eu connaissance de cela au Canada? Peut-être qu'à cause de l'hiver, cela se produit moins?

[Traduction]

Mme Sproule : Non, je n'en ai pas eu connaissance.

Le sénateur Robichaud : Vous recommandez notamment que Santé Canada exige l'exécution d'études scientifiques indépendantes. Je ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit, mais n'estimez-vous pas que c'est l'ARLA qui devrait être responsable de ces études? Elle n'est pas assez indépendante pour le faire?

Mme Sproule : Nous n'avons pas nécessairement dit cela. Nous disons simplement que ces études n'ont pas été menées et que le traitement des semences et les semences sont déjà dans notre environnement, alors nous demandons l'imposition d'un moratoire pour que nous puissions comparer de façon concluante une situation sans semences traitées avec une situation où les semences sont traitées. Si elles sont déjà dans notre environnement, il n'y a aucune façon d'isoler les champs peut-être contaminés, par exemple. Ce n'est pas tant une question de savoir qui se charge actuellement de l'examen, mais nous disons que nous ne pouvons pas en assumer la responsabilité. Nous ne pouvons pas nécessairement nous fier aux rapports ou à la recherche des sociétés qui vendent les semences traitées, alors nous demandons un examen par un tiers indépendant.

Il n'y a aucune recommandation quant à la nature précise de la recherche.

Le sénateur Robichaud : Ces semences enrobées, ces pesticides et ces insecticides ne peuvent pas être utilisés avant d'être soumis à un processus rigoureux mené par l'ARLA. Ai-je raison de dire cela?

Mme Sproule : Je ne suis pas certaine de la teneur du processus à l'heure actuelle. Je ne crois pas que ce processus se soit avéré suffisant, car les abeilles semblent être touchées d'une façon ou d'une autre, et des études menées dans d'autres pays ont révélé qu'il y a une corrélation entre l'utilisation de ces traitements de semences et la mortalité et l'état de santé des abeilles. Alors, selon nous, on n'en a pas fait assez jusqu'à maintenant.

Du reste, en ce qui concerne votre question de savoir si ces méthodes sont utilisées, nous avons également recommandé que les agriculteurs puissent demander la permission d'utiliser ces traitements des semences une fois, mais qu'ils soient tenus de démontrer, à la suite d'une analyse du sol, que leur culture est menacée par les parasites et qu'il n'y a aucune autre solution de rechange; l'achat de semences traitées aux néonicotinoïdes serait ensuite assujetti à un permis, les traitements seraient achetés séparément, et le coût des semences et le coût des traitements seraient séparés. Je crois que cela permettrait de gérer la situation. Il serait possible d'utiliser cette méthode dans un cadre adéquat, éventuellement, durant le moratoire, mais il faudrait qu'il y ait un type de processus de demande connexe. Notre solution ressemble plutôt à cela, à l'heure actuelle.

Le sénateur Robichaud : Vous utilisez ces pesticides et ces insecticides, et ils sont sécuritaires si vous appliquez les pratiques exemplaires. Croyez-vous que, de façon générale, on applique des pratiques exemplaires lorsqu'on utilise ces produits chimiques ou je ne sais quoi?

Mme Sproule : Non.

Le président : Monsieur Lynch-Staunton, madame Sproule, s'il y a d'autres renseignements que vous aimeriez communiquer au comité, veuillez le faire par l'intermédiaire du greffier.

(La séance est levée.)


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