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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 12 - Témoignages du 15 mai 2014 (séance du matin)


OTTAWA, le jeudi 15 mai 2014

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, auquel a été renvoyé le projet de loi C-30, Loi modifiant la Loi sur les grains du Canada et la Loi sur les transports au Canada et prévoyant d'autres mesures, se réunit aujourd'hui, à 8 h 3, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je remercie les témoins d'avoir accepté notre invitation à témoigner. Je m'appelle Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité. Chers collègues, je vous demanderais de vous présenter; nous commencerons par le vice-président.

Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud, Saint-Louis-de-Kent, au Nouveau-Brunswick, partisan des Canadiens de Montréal.

[Traduction]

La sénatrice Tardif : Claudette Tardif, de l'Alberta.

Le sénateur Oh : Sénateur Oh, de l'Ontario.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Bonjour. Je suis Jean-Guy Dagenais, du Québec, partisan des Canadiens.

[Traduction]

La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de l'Ontario. Go Habs go.

Le sénateur Plett : Don Plett, du Manitoba. Je suis le parrain du projet de loi.

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Merci, chers collègues.

Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-30, Loi modifiant la Loi sur les grains du Canada et la Loi sur les transports au Canada et prévoyant d'autres mesures.

Ce matin, dans notre premier groupe de témoins, nous accueillons M. Robert Ballantyne, qui est ingénieur et président de l'Association canadienne de gestion du fret. Représentant l'Alliance canadienne du camionnage, nous accueillons M. Stephen Laskowski, qui est vice-président aux Affaires économiques, et M. Jonathan Blackham, qui est adjoint, Politique et relations gouvernementales.

Merci d'avoir accepté notre invitation. Le greffier m'a indiqué que M. Ballantyne commencera, puis ce sera au tour de M. Laskowski. Je demanderais maintenant à M. Ballantyne de faire son exposé. Les sénateurs poseront des questions après les exposés.

Robert H. Ballantyne, Ing., président, Association canadienne de gestion du fret : Merci beaucoup, monsieur le président. Même si je suis né à Toronto et que j'y ai grandi, je pense que je suis aussi un partisan du Canadien de Montréal aujourd'hui.

Je vous remercie de me donner l'occasion de parler du projet de loi C-30. L'Association canadienne de gestion du fret, auparavant appelée l'Association canadienne de transport industriel, défend les intérêts de l'industrie canadienne dans le secteur du transport du fret auprès de divers ordres de gouvernement depuis 1916. Je n'ai pas assisté à la première réunion, contrairement à ce que l'on pourrait penser.

Je me concentrerai uniquement sur les articles du projet de loi C-30 qui modifieraient la Loi sur les transports au Canada. Au cours de ce bref exposé, je vais tenter de vous expliquer comment nous en sommes arrivés à la situation actuelle et vous donner un aperçu des besoins futurs.

Durant la période précédant la présentation du projet de loi C-8, qui est la modification à la Loi sur les transports au Canada à la suite d'un examen prévu par la loi, de nombreuses plaintes sur le service ferroviaire se sont fait entendre partout au pays. En adoptant le projet de loi C-8 en juin 2008, le gouvernement a convenu d'entreprendre un examen indépendant du service ferroviaire. Le Comité d'examen des services de transport ferroviaire de marchandises a reconnu ce problème fondamental et a indiqué ce qui suit dans son rapport final de 2011 :

Ce pouvoir sur le marché des chemins de fer entraîne un déséquilibre dans les relations commerciales entre les chemins de fer et les autres intervenants.

Depuis plus d'un siècle, les lois canadiennes sur les chemins de fer reconnaissent que le transport ferroviaire des marchandises n'est pas un marché concurrentiel comme les autres. En réponse à l'examen indépendant, le gouvernement a présenté le projet de loi C-52, Loi sur les services équitables de transport ferroviaire des marchandises, qui est entrée en vigueur en juin 2013. Le projet de loi C-52 innove, en ce sens qu'il accorde aux expéditeurs le droit à une entente sur le niveau de service fixée par arbitrage s'ils ne peuvent négocier une entente de service directement avec les sociétés ferroviaires.

Toutefois, certaines des plus importantes recommandations de l'examen des services de transport ferroviaire de marchandises ne figurent pas dans le projet de loi C-52. Six des recommandations proposées par la Coalition des expéditeurs par rail — une coalition de 19 associations de l'industrie dont j'assure la présidence — visant à renforcer le projet de loi C-52 n'ont pas été acceptées par le gouvernement. Par conséquent, aucun expéditeur n'a invoqué les dispositions du projet de loi C-52 pour obtenir un accord sur les niveaux de service.

Le projet de loi C-30 constitue une autre occasion d'examiner les lacunes du projet de loi C-52. L'article 5.1 du projet de loi C-30, qui modifie le paragraphe 116(4) de la Loi sur les transports au Canada, vise à corriger une de ces lacunes : la nécessité d'indemniser les expéditeurs lésés des dépenses qu'ils ont supportées en conséquence du non-respect des obligations de la compagnie ferroviaire prévues dans un accord sur les niveaux de service ou un contrat confidentiel. L'efficacité de cette disposition est liée à la définition que l'on donnera au terme « dépenses » dans les règlements de l'office.

L'article 7 du projet de loi C-30 précise que l'office peut, quant au règlement sur l'interconnexion, prévoir des distances différentes « selon les régions ou les marchandises qu'il précise ». Cette modification au règlement sur l'interconnexion permettra à l'office d'appliquer la politique annoncée par le gouvernement faisant passer de 30 à 160 kilomètres la limite d'interconnexion maximale dans les provinces des Prairies pour tous les expéditeurs et non pour les expéditeurs de produits céréaliers. Le règlement sur l'interconnexion s'applique aux expéditeurs depuis de nombreuses décennies en lieu et place d'une véritable concurrence.

Une autre disposition importante du projet de loi C-30 est pertinente pour les expéditeurs. Il s'agit de l'article 8, qui précise que dans une entente de niveau de service, « L'Office peut, par règlement, préciser ce qui constitue des conditions d'exploitation... » Bien que l'on ne sache pas comment l'office et le gouvernement utiliseront cette disposition, elle pourrait servir à mettre en place certaines modifications proposées par les expéditeurs et rejetées par le gouvernement pendant les discussions au sujet du projet de loi C-52.

L'arriéré du transport des grains que l'on voit actuellement est une situation inhabituelle et le gouvernement a jugé qu'il devait intervenir. Cependant, les acteurs du secteur de l'expédition craignent que le fait de créer une telle exception pour un groupe industriel n'entraîne des problèmes de service pour les autres expéditeurs.

Parmi ses membres, notre association compte des sociétés céréalières et des expéditeurs de beaucoup d'autres industries. Nous avons informé nos membres que le CN et le CP sont à l'origine des objectifs fixés dans le projet de loi C-30. On ne peut qu'émettre l'hypothèse selon laquelle les sociétés ferroviaires auraient proposé d'autres objectifs si elles avaient estimé être capables de maintenir le même niveau de service pour les autres expéditeurs.

Jusqu'à maintenant, les témoignages ne permettent pas de dire quels sont les effets sur les autres industries. Quant à l'application d'interventions comme celles prévues dans le projet de loi C-30, il convient de faire preuve de prudence et de le faire seulement en cas de circonstances exceptionnelles.

Le prochain examen législatif de la loi devrait régler les deux problèmes fondamentaux suivants : offrir à l'industrie canadienne, pour les prochaines décennies, une capacité de transport ferroviaire qui correspond à ses besoins; deuxièmement, la nécessité d'améliorer les rapports et la confiance qui existent entre les sociétés ferroviaires et une bonne partie de leur clientèle.

C'est là-dessus que se termine mon exposé. Je serai heureux de répondre aux questions des membres du comité.

Le président : Merci.

Monsieur Laskowski, veuillez faire votre exposé, s'il vous plaît.

Stephen Laskowski, vice-président, Affaires économiques, Alliance canadienne du camionnage : Merci de nous accueillir aujourd'hui. Certains de nos membres œuvrent dans le transport du grain; d'autres ont des activités dans tous les secteurs de l'économie. En guise d'aperçu de l'Alliance canadienne du camionnage, je vais en quelque sorte vous donner un cours d'initiation — version longue, 60 000 pieds — sur le transport par rail et le transport par camion et vous dire pourquoi on opte pour un mode de transport plutôt que l'autre. Ensuite, je vous parlerai de l'industrie du transport du grain, de la récente récolte — une véritable bénédiction —, de la réaction de l'industrie du camionnage et de son point de vue sur l'avenir.

L'Alliance canadienne du camionnage est à la fois une association et un groupe de pression composé de sept associations de camionnage provinciales de partout au Canada. Notre conseil d'administration est formé de membres de l'industrie canadienne du camionnage pour compte d'autrui, mais sa politique est fixée en vertu de mandats provinciaux, à l'échelle locale. Par conséquent, nous sommes très fiers du fait que toutes nos politiques sont amorcées aux échelles locale et provinciale. Par exemple, dans un cas comme celui-ci, nous avons collaboré avec nos collègues de l'Ouest canadien pour recueillir les renseignements que nous vous donnerons aujourd'hui.

Nous représentons environ 4 500 entreprises de camionnage de toutes tailles. La grande majorité des entreprises de camionnage qui sont membres de l'Alliance canadienne du camionnage ont moins de 20 camions. Nous représentons aussi l'industrie du camionnage. Comme toute industrie touchée par une vague de fusions, certaines entreprises de camionnage ont entre 5 000 et 7 000 camions. Présenter une politique est un exercice d'équilibre délicat. Chaque entreprise détient un vote. C'est donc comme au Parlement : les gros joueurs ont un vote, mais les petites entreprises disposent du même nombre de votes. La suite des choses est donc une question d'équilibre.

En ce qui concerne le transport du grain, l'ACC a consulté ses membres pour avoir une idée de la situation liée à cette récolte exceptionnelle, dont Bob a parlé, pour savoir ce qu'ils ont observé et savoir comment ils voient l'avenir.

Mais avant, il faut comprendre le rôle de l'industrie du camionnage auprès des fabricants et des agriculteurs, de même que le rôle des sociétés ferroviaires à l'égard de ces secteurs. Le camionnage et le rail sont deux modes de transport en concurrence. Si l'on traçait une ligne, on verrait un chevauchement, mais il n'est pas aussi important qu'on pense. Il augmente en fonction de l'augmentation de la ponctualité des services de chemin de fer, mais l'industrie du camionnage et les sociétés ferroviaires ont chacun un marché important qui leur est propre.

En général, le transport du grain est surtout un marché pour le secteur ferroviaire. Nos membres desservent l'industrie céréalière, mais dans l'ensemble, le transport du grain est dominé par le secteur ferroviaire et il le restera vraisemblablement dans un avenir prévisible.

Pourquoi? Dans l'industrie du camionnage, la ponctualité se paie probablement plus cher. S'il s'agit d'un produit de plus grande valeur ayant un délai de livraison plus court, on aura recours au transport par camion. Si le produit est de plus faible valeur et qu'il est destiné à un marché plus éloigné, on utilisera le chemin de fer. Je généralise, en quelque sorte, parce que le marché évolue, mais si je devais généraliser, c'est ainsi que je le ferais. Cela explique en partie la structure actuelle du marché du grain.

Pour ce qui est de la situation actuelle concernant les itinéraires du grain et les trajets de camionnage — soit le recours au camionnage sur le marché du grain —, la situation est semblable à ce qui s'est produit dans les années 1940, après la Seconde Guerre mondiale. L'industrie du chemin de fer a alors été aux prises avec une importante grève des travailleurs. Que s'est-il produit alors? Il y a eu l'essor du camionnage. Dans le cas présent, par rapport à l'industrie céréalière, il n'y a pas de grève des chemins de fer, mais lorsque l'industrie ferroviaire a commencé à rationaliser les lignes dans l'Ouest du Canada et a cessé d'exploiter certaines lignes secondaires, il fallait tout de même que les produits qu'on y transportait se rendent aux marchés. C'est alors que le camionnage entre en jeu. Dans le secteur du camionnage, la distance moyenne pour le transport d'un chargement de grain est d'environ 212 kilomètres, ce qui est une distance très courte pour ce secteur.

Aujourd'hui, tandis que nos membres vont de l'avant, ils constatent que le marché du transport du grain est normalisé. Pour eux, tout fonctionne comme d'habitude. Sauf en cas de situation exceptionnelle cet été, les gens s'attendent à un marché légèrement plus fort cet été en raison du retard à rattraper. Habituellement, les mois d'été sont plutôt tranquilles pour le transport du grain par camion. Cette année, on prévoit un recours au camionnage afin d'éliminer l'arriéré. Toutefois, nos membres s'attendent à une situation normale, sauf s'il y a une autre récolte exceptionnelle comme celle qui a entraîné cette situation.

Nous avons cherché à savoir s'il y avait plus de joueurs sur le marché. Comme tous les autres marchés, plus de produits, cela signifie qu'il y a plus d'argent à faire. Avons-nous vu plus de gens de l'industrie du camionnage se lancer dans ce marché pour desservir l'industrie du grain? La réponse est non, et ce, pour deux raisons. Il y a d'abord le coût. Pour exploiter un camion gros porteur pour desservir l'industrie du grain, il en coûte entre 225 000 $ et 250 000 $ par camion. C'est beaucoup d'argent. Une récolte exceptionnelle, c'est une chose, mais si l'on pouvait prédire que ce serait comme cela pendant 10 ans, quelqu'un pourrait décider de se lancer dans ce marché. Or, lorsqu'il faut un tel capital pour investir un marché, cela incite à une plus grande prudence.

Pour nous, comme dans d'autres secteurs, l'autre aspect — et vous en avez sûrement discuté —, c'est la pénurie de chauffeurs. L'industrie du camionnage affronte une grave pénurie de main-d'œuvre. Notre taux de travailleurs approchant l'âge de la retraite est plus élevé que dans tout autre secteur au Canada. Même si nous avions l'occasion d'ajouter des camions pour répondre à un marché plus important, ce serait difficile, car il faut manifestement un capital humain, et pas n'importe lequel. On parle de chauffeurs ayant reçu une formation professionnelle, car ils partagent la route avec le public et conduisent des véhicules imposants. Les remplacer n'est pas facile. C'est là une autre de nos difficultés.

Pour ce qui est d'une perspective d'avenir par rapport à l'industrie du grain, nous estimons qu'il y aura une stabilisation dans le secteur du transport. Dans l'ensemble, il s'agit d'un marché axé sur le transport ferroviaire, et nous y sommes pour desservir notre clientèle de lignes secondaires précises.

Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre temps.

Le président : Chers collègues, nous allons essayer de nous en tenir à l'horaire établi. Pour ce faire, et aussi pour aider la présidence à permettre à tous les sénateurs de poser leurs questions — puisque vous avez presque tous demandé l'occasion de poser au moins une question —, vous devrez vous en tenir à la question.

Le sénateur Mercer : Merci d'être venus, messieurs.

Monsieur Laskowski, je suis surpris que vous n'ayez pas abordé le problème dont m'ont parlé plusieurs agriculteurs de l'Ouest canadien. La raison pour laquelle le camionnage ne fait pas partie de la solution dans ce dossier, c'est la difficulté de trouver un chargement pour le voyage de retour lorsque l'on transporte du grain au sud de la frontière, aux États-Unis. Les camionneurs ne veulent pas transporter du grain aux États-Unis pour ensuite revenir au Canada avec un camion vide. Est-ce un des problèmes?

M. Laskowski : C'est normal. Le transport du grain se fait à l'aide de trains doubles de type B dont il existe un modèle conçu précisément pour le transport du grain. Il y a deux types de camions; je suis certain que vous les avez vus. Le transport nord-sud par camion normal se ferait à l'aide d'un camion à plate-forme ou une remorque à conteneur sec, une boîte, en quelque sorte. On peut y transporter n'importe quelle marchandise; donc, il y a une plus grande marge de manœuvre par rapport au point que vous avez soulevé.

À cet égard, c'est en effet formidable de transporter le grain au sud de la frontière, mais vous devrez alors convaincre votre client, parce qu'étant donné la nature spécialisée de l'équipement, trouver un chargement pour le trajet de retour sera difficile. Que pourrez-vous transporter? Il est fort probable que ce sera très difficile à trouver. Vous devez maintenant convaincre votre client, car il veut payer pour un transport du point A au point B, mais non pour le voyage de retour. Donc, cela pose problème.

Encore une fois, c'est un aspect intrinsèquement structurel. Voilà pourquoi je dis qu'en général, c'est un marché pour le transport ferroviaire plutôt que pour le camionnage. Voilà l'explication. Il est difficile de transporter d'autres produits lorsque l'on a de l'équipement spécialisé.

Le sénateur Mercer : Monsieur Ballantyne, je vous remercie de votre exposé, et je me souviens des amendements au projet de loi C-52 proposés par la coalition. J'étais déçu à l'époque et je suis déçu aujourd'hui de voir qu'on ne profite pas de l'occasion pour intégrer certains engagements attendus depuis longtemps.

Vous dites que les interventions comme le projet de loi C-30 doivent être faites avec prudence et dans des circonstances extraordinaires seulement. S'agit-il de circonstances extraordinaires?

M. Ballantyne : Je crois que oui, sénateur. Comme on l'a fait valoir au sujet de ces cargaisons de grain, et pour répéter ce que tout le monde a dit, nous avons eu des récoltes record. L'hiver avait été très difficile. Cela a marqué la fin de la Commission du blé quant à la façon de commercialiser le grain. En raison de la quantité de grains sur les fermes et de leur valeur sur les marchés, il s'agissait d'une situation extraordinaire.

Il faut vraiment faire attention. Les chemins de fer forment un réseau. Les compagnies de chemin de fer ont du mal à fournir les bons équipements au bon endroit et au bon moment, de même que les équipes nécessaires non seulement pour le grain, mais pour tous les chargements. Les problèmes soulevés par Steve au sujet du retour de l'équipement pour les camions valent également pour les chemins de fer. Le transport est toujours plus complexe qu'il n'en a l'air. Lorsqu'on voit un train passer, c'est assez évident qu'il s'en va du point A au point B. Mais il est très difficile d'avoir les bons équipements au bon endroit et au bon moment, avec la bonne équipe, et de retourner les wagons vides.

Le sénateur Mercer : Qu'arrivera-t-il, monsieur Ballantyne, s'il ne s'agit pas d'une situation unique? J'espère que ces récoltes constitueront la nouvelle base qui nous permettra de grandir et de produire encore plus de grain. Le but du jeu est d'accroître les activités et de créer plus d'emplois, et d'améliorer la situation des agriculteurs. Qu'arrivera-t-il à l'avenir? Si mon souhait se réalisait, comment réagirait-on? Est-ce qu'on devrait faire cet effort extraordinaire chaque année?

M. Ballantyne : Nous espérons que non. Comme cela a toujours été le cas, si c'est la nouvelle norme — et je crois que nous espérons tous qu'elle le soit —, l'ensemble du réseau de transport évoluera et s'accroîtra pour répondre à la demande.

Dans mon exposé, j'ai parlé de l'examen législatif imminent de la Loi sur les transports au Canada, et le gouvernement doit notamment se pencher sur la question de la capacité ferroviaire au pays. Bien que les compagnies de chemin de fer aient prolongé les voies ferrées, installé des voies doubles et réalisé des projets relativement mineurs au fil du temps, nous renforçons notre capacité de gestion du trafic depuis plus de 100 ans, en fonction de ces restrictions.

Nous en sommes peut-être au point où les solutions à faible coût — comme la puissance en milieu de train, les trains plus longs et l'accroissement des charges par essieu qui permettent à chaque wagon de transporter plus de marchandises — ont atteint leur limite. Le gouvernement, les compagnies de chemin de fer et l'industrie devront tenir compte de la capacité des chemins de fer à supporter le trafic éventuel, dans le contexte de l'économie canadienne en général.

Le sénateur Plett : Je vous remercie, messieurs, de votre présence. Je vais également m'adresser à M. Laskowski en premier.

Ma question est assez simple. J'ai grandi dans une région agricole au sud du Manitoba. Les fermes sont de plus en plus grandes, et elles se regroupent. Ne croyez-vous pas que la plupart des grains seraient transportés par camion des fermes vers les silos, plutôt que par rail, et que dans de nombreux cas, les agriculteurs auraient leurs propres camions?

M. Laskowski : Oui, c'est ce que je voulais dire par ligne secondaire. L'un remplace l'autre.

Dans mon discours préliminaire, j'ai omis de dire que nous avons constaté une tendance à la hausse dans l'Ouest. Certains agriculteurs achètent des équipements d'une valeur de 235 000 $, forment du personnel et ont leurs propres camions et remorques pour transporter les biens sur de courts trajets.

Le sénateur Plett : Bien sûr, pour un agriculteur qui possède et exploite 5 000, 6 000 ou 7 000 acres, une moissonneuse-batteuse de 500 000 $ et tous les équipements connexes, l'achat d'un camion et d'un train double de type B représente un investissement important. C'est néanmoins possible pour de nombreuses fermes. Donc, si les agriculteurs ont des récoltes surabondantes et que les entreprises de camionnage ne peuvent pas répondre à la demande, ils décideront peut-être simplement d'acheter un nouveau camion, puisqu'ils en auront besoin l'année suivante également.

M. Laskowski : Tout à fait. C'est une option viable. L'industrie du camionnage s'inquiète toutefois d'une chose, et ce n'est pas la concurrence : les gens qui achèteront ces équipements devront apprendre à les utiliser correctement sur les voies publiques.

Le sénateur Plett : Absolument.

M. Laskowski : C'est notre préoccupation.

Le sénateur Plett : Je suis tout à fait d'accord.

Monsieur Ballantyne, en réponse à la question du sénateur Mercer, vous avez dit que le gouvernement devait être très prudent lorsqu'il s'engageait auprès d'une industrie. Nous nous engageons principalement auprès de l'industrie ferroviaire, et non des autres industries, et nous ne voulons pas une intervention ou une participation trop importante du gouvernement. C'est mon avis, et je crois que c'est aussi celui du gouvernement. Comme on l'a dit, nous espérons qu'il s'agit de la nouvelle norme pour les cultures, mais nous espérons que ce ne sera pas le cas pour les hivers. Nous espérons ne pas connaître à nouveau un tel hiver avant 100 ans.

De toute évidence, les lignes directrices se fondent sur les conditions de l'hiver dernier. Si nous avons des récoltes surabondantes, mais que nous ne connaissons pas le même hiver, il ne sera pas aussi coûteux pour les compagnies de chemin de fer de répondre à la demande, en raison de la formulation de la loi proposée.

M. Ballantyne : C'est vrai. Étant donné l'expérience vécue par tous les intervenants de la chaîne d'approvisionnement des grains l'hiver dernier et la situation que nous connaissons, maintenant que le gouvernement tente de régler la question, tout le monde en tirera une leçon. Même si les prochaines récoltes sont aussi importantes et si d'autres industries qui utilisent le transport ferroviaire connaissent une croissance, les compagnies de chemin de fer s'ajusteront pour pouvoir mieux répondre à la demande. Je m'attends à un rendement nettement supérieur au cours de l'hiver prochain. À moins qu'on ne connaisse un hiver encore pire que le dernier, je crois que nous réaliserons des progrès.

Ce qui est intéressant avec le projet de loi C-30, c'est qu'il s'autodétruira le 1er août 2016. Les législateurs ont probablement présumé qu'on prendra les dispositions habituelles après cette période. Le projet de loi C-30 se veut une mesure temporaire. Il était prudent et raisonnable qu'il s'étende sur une période de trois ans. Je m'attends à ce que tous les intervenants de la chaîne d'approvisionnement des grains commencent à répondre à la nouvelle norme.

Le sénateur Plett : Croyez-vous aussi que lorsque toute l'industrie est touchée, comme cela a été le cas — c'est-à-dire que ce ne sont pas que quelques agriculteurs qui sont touchés, mais bien l'ensemble de l'industrie agricole du Canada —, la réputation du pays à l'étranger en souffre également, parce que nous n'arrivons pas à exporter le grain? Parfois, l'intervention du gouvernement est nécessaire.

M. Ballantyne : Oui, c'est ce que je crois. Le gouvernement joue toujours un rôle de surveillance dans la gestion de l'économie. L'intervention du gouvernement, sous diverses formes, n'est pas inhabituelle. Cela n'a pas souvent été le cas dans le domaine du transport, mais étant donné les problèmes qu'a connus l'industrie automobile au cours des dernières années, le gouvernement a jugé qu'il était nécessaire d'intervenir dans ce secteur. De toute évidence, le gouvernement a un rôle à jouer.

La sénatrice Tardif : Monsieur Ballantyne, dans votre exposé, vous avez dit que la communauté des expéditeurs craignait que le fait de cibler un seul groupe de l'industrie de la sorte puisse entraîner des problèmes de service pour les autres expéditeurs. Quels seraient ces problèmes?

M. Ballantyne : Pour respecter cet engagement, le décret et le projet de loi C-30 exigent que les compagnies de chemin de fer — le CN et le CP —livrent 5 500 wagons de grain par semaine. Si elles ne répondent pas à cette exigence, elles seront assujetties à des amendes considérables. Elles sont fortement incitées à respecter cet engagement.

Comme toutes les autres, cette industrie a des ressources limitées. Si elle ne peut répondre à la demande des autres industries en ce qui a trait au nombre de locomotives et d'équipes de train disponibles parce qu'elle concentre une grande partie de ses ressources aux grains, alors cela pourrait en théorie entraîner des problèmes pour les autres expéditeurs. Ils n'auront peut-être pas suffisamment de locomotives, par exemple. Je ne crois pas qu'il y ait de problème avec les wagons, puisqu'on utilise des wagons spécialisés pour le grain. Il s'agit de wagons-trémies couverts utilisés uniquement dans l'industrie du grain. C'est un problème possible seulement.

Ce que le gouvernement demande aux compagnies de chemin de fer dans le décret et le projet de loi C-30, c'est ce qu'elles ont dit qu'elles pouvaient faire. J'ai dit à nos autres sociétés membres, qui ne produisent pas de grain, que nous devions nous fier à l'hypothèse voulant que les compagnies de chemin de fer offraient ce qu'elles pouvaient donner tout en continuant de répondre à la demande de leurs clients.

Jusqu'à présent, selon les renseignements anecdotiques dont je dispose, la situation n'est pas claire. Certaines de nos sociétés membres ont dit qu'elles n'avaient pas constaté de changement sur le plan du service, tandis que d'autres ont été touchés dans une certaine mesure. Il est un peu tôt pour se prononcer à l'heure actuelle.

La sénatrice Tardif : Quelles sont les autres industries qui se disent touchées?

M. Ballantyne : Il s'agit peut-être des sociétés minières ou forestières, surtout ce type d'industries. Comme les entreprises de camionnage, les compagnies de chemin de fer transportent d'importantes quantités de biens d'une grande valeur, sur de très longues distances, du port de Vancouver à Toronto ou Chicago, par exemple. Il est peu probable que ces marchandises soient touchées.

La sénatrice Eaton : Monsieur Ballantyne, ma première question nous mènera à un point que vous avez soulevé pendant votre exposé. Est-ce que le projet de loi forcera les compagnies de chemin de fer à améliorer leurs infrastructures pour s'adapter à cette nouvelle norme? La ministre a clairement établi la demande mondiale relative à nos aliments.

M. Ballantyne : Je crois que oui. Comme toutes les entreprises, si les compagnies de chemin de fer constatent que la demande est accrue — et il faut bien sûr que ce soit logique sur le plan commercial —, elles investiront dans les voies ferrées et les wagons pour répondre à la demande perçue. C'est assez difficile de prévoir la demande. Les compagnies devront obtenir les prévisions de diverses industries pour savoir ce qui va se passer.

La sénatrice Eaton : Je pense à la potasse et au pétrole, il y en a de plus en plus.

M. Ballantyne : Oui. Ils jouent un rôle important dans l'économie du Canada, qui est fondée en grande partie sur les produits issus des ressources naturelles de faible valeur vendus en grandes quantités. L'économie peut être touchée par le prix mondial des marchandises. Il reste à savoir si les producteurs peuvent payer ce que les compagnies de chemin de fer pensent devoir demander pour couvrir leurs frais, leurs investissements et ainsi de suite.

La réponse simple à votre question, c'est que le projet de loi va faciliter les choses parce que les compagnies de chemin de fer devront répondre à une demande accrue.

La sénatrice Eaton : Cela m'amène à un point de votre exposé, qui portait sur l'avenir. L'examen législatif imminent devrait se concentrer sur deux questions de base : d'abord, le besoin d'une capacité ferroviaire appropriée pour répondre aux besoins de l'industrie canadienne; ensuite, le besoin d'améliorer les relations et la confiance entre les compagnies de chemin de fer et de vastes segments de leur clientèle.

M. Ballantyne : Excusez-moi, quelle est votre question à ce sujet?

La sénatrice Eaton : Vous y avez répondu quand vous avez dit que les compagnies seront obligées de le faire.

Voici peut-être une question négative : croyez-vous qu'au cours des 20 dernières années, les compagnies de chemin de fer ont amélioré leur industrie comme elles auraient dû le faire, ou est-ce qu'elles se sont un peu laissé aller en raison des baisses de prix et de la faible demande?

M. Ballantyne : Non. Je crois qu'elles investissent de façon générale. Je n'ai pas les chiffres sous la main, mais selon ma mémoire, le CN et le CP investissent probablement plus de 1 milliard de dollars en capital, année après année. Certains investissements visent le remplacement des voies ferrées, ce genre de choses, et d'autres visent l'achat de nouveaux wagons et locomotives pour répondre aux diverses demandes. Les compagnies utilisent beaucoup les nouvelles technologies pour accroître leur capacité.

Dans l'ensemble, les compagnies investissent. Certains ont formulé des critiques. La communauté des investisseurs qui surveille les actions de l'industrie ferroviaire se fie habituellement au coefficient d'exploitation. Les compagnies de chemin de fer subissent donc des pressions pour réduire leur coefficient d'exploitation.

Certains feront valoir que les compagnies n'en font peut-être pas toujours assez, mais en règle générale, elles s'en tirent assez bien en ce qui a trait aux investissements.

Le sénateur Robichaud : Monsieur Ballantyne, vous parlez d'indemnités, et non de formules — ce qui est dit dans le projet de loi —, et vous dites que cela dépend de la définition de « dépenses » qui sera utilisée. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?

M. Ballantyne : Bien sûr. En vertu de la Loi sur les transports au Canada, les compagnies de chemin de fer ont le droit d'imposer des tarifs. Selon le libellé de la loi, lorsque la compagnie de chemin de fer établit un tarif, il s'agit du prix légal du service.

C'est une chose d'établir le taux de fret pour le transport des marchandises d'un point A au point B, mais les compagnies peuvent également imposer des tarifs pour d'autres choses comme le stationnement, qui constitue essentiellement la location des wagons lorsque le chargement prend trop de temps, les suppléments pour le carburant et d'autres choses du genre.

Même la communauté des expéditeurs ne s'y oppose pas vraiment, mais lorsque les compagnies de chemin de fer ne respectent pas leurs obligations, si l'on revient aux frais de stationnement lorsque le chargement des wagons est trop long, les expéditeurs enfreignent leurs obligations. Par conséquent, les expéditeurs se voient infliger des pénalités par les compagnies de chemin de fer à cet effet.

La loi ne prévoit aucune disposition inverse. Si l'expéditeur engage une équipe pour charger les wagons et que la compagnie de chemin de fer ne les charge pas ou ne les livre pas au moment désigné, alors l'expéditeur doit payer les membres de son équipe, et il n'a pas de recours contre la compagnie de chemin de fer pour obtenir une indemnité.

Il semble maintenant que le nouvel article 5 du projet de loi C-30 permettra d'aller plus loin. On ne sait pas trop si le terme « dépenses », dans le projet de loi C-30, ne s'applique qu'aux coûts immédiats déboursés par l'expéditeur, ou s'il s'applique aussi aux dommages qui pourraient comprendre, par exemple, la perte de revenus de l'expéditeur.

Il sera intéressant de voir comment... Je pense que selon le libellé, l'Office des transports du Canada définira le terme « dépenses » dans ce contexte dans le règlement établi pour appliquer cette nouvelle disposition, qui permettra à l'office de dire aux compagnies ferroviaires : « Vous avez créé un problème; vous devrez verser quelque chose aux expéditeurs. » Il faut se demander quelle sera la portée de cette définition.

Le sénateur Robichaud : Tout le monde devra s'en tenir à la définition qu'ils présenteront.

M. Ballantyne : Oui.

Le sénateur Robichaud : Il n'y a aucun mécanisme d'appel.

M. Ballantyne : Je pense que non. Il faudrait consulter les dispositions réglementaires générales régissant l'office, mais si j'ai bonne mémoire, il n'y aurait probablement aucun appel dans un tel cas. Lorsque l'office prend la décision, c'est terminé.

Il conviendrait peut-être de poser la question à l'office. Je ne dispose pas de cette information.

Le sénateur Robichaud : Monsieur Laskowski, il existe une certaine limite quant aux coûts exigés par les compagnies ferroviaires pour le transport du grain. Dans l'industrie du camionnage, comment cela fonctionne-t-il?

M. Laskowski : C'est dicté par le marché. C'est une négociation. Le taux est publié, et les discussions s'amorcent ensuite. Lorsque la demande est forte et l'offre est faible, on s'attend à ce que les prix augmentent, et vice versa. L'industrie du camionnage est déréglementée, et ses prix le sont également.

Le sénateur Robichaud : En quoi se compare-t-elle aux compagnies ferroviaires en ce qui concerne le coût du transport du grain?

M. Laskowski : Les distances sont plus courtes. Je ne saurais dire combien paierait un agriculteur à une compagnie ferroviaire pour le transport sur longue distance. En plus du fait que la distance est plus courte, c'est aussi un type de service très différent; les prix sont donc établis en conséquence.

Par exemple, durant la récolte exceptionnelle, au cours de l'hiver et tout au long de l'automne, il y a eu des mouvements exceptionnels, par exemple de l'Ouest vers Thunder Bay, qui étaient normalement faits par train. De par sa nature, le transport par camion coûte plus cher à l'unité parce que les chargements sont moins importants.

Le sénateur Robichaud : Il n'y avait pas beaucoup de mouvements, mais il y en avait tout de même dans ce corridor.

M. Laskowski : C'est exact.

Pour revenir à ma déclaration préliminaire, nous ne nous attendons pas à ce type de mouvements, à moins que cette récolte exceptionnelle ne soit une nouvelle réalité. Comme d'autres sénateurs l'ont mentionné, cela laisse entrevoir une nouvelle réalité, tant pour les compagnies ferroviaires que pour l'industrie du camionnage et les agriculteurs, sur l'évolution des systèmes de transport. C'est la même chose dans tous les secteurs. Il y a une évolution, un changement, une adaptation.

Le sénateur Robichaud : Combien d'années faudrait-il pour établir une tendance afin que l'industrie du transport ferroviaire ou du transport par camion puisse s'adapter? Nous disons que le CN devrait avoir davantage de ressources, et ce genre de choses; c'est tout simplement impossible à cause de cette année, n'est-ce pas?

M. Laskowski : Tout à fait. Sur le plan des affaires, ce serait... Je ne connais pas une banque dont le modèle d'affaires vous permettrait d'entrer dans un marché et de dire : « J'ai besoin d'acheter 10 unités à 225 000 $, pour 2,25 millions de dollars. » On vous répondrait : « Pour transporter quoi, monsieur? »

Comme Bob l'a mentionné, sur le plan de la rationalisation et de la croissance des réseaux, ce n'est pas différent du camionnage. L'industrie du camionnage se fie aux prévisions à long terme. S'agit-il d'une récolte exceptionnelle, ou est-ce la nouvelle norme? Si c'est la nouvelle norme, des occasions d'affaires se présenteront pour l'industrie ferroviaire et pour l'industrie du camionnage.

[Français]

Le sénateur Dagenais : M. Ballantyne, pensez-vous qu'on devrait rendre obligatoires des accords de niveau de services entre les compagnies ferroviaires et les expéditeurs de grains?

[Traduction]

M. Ballantyne : Je ne crois pas que nous devrions nécessairement les rendre obligatoires, mais selon moi, dans n'importe quel secteur, y compris celui des grains, les expéditeurs devraient avoir droit à un accord sur les niveaux de service. Le projet de loi C-52, qui est maintenant dans la Loi sur les transports au Canada, prévoit que tous les expéditeurs ont droit à un ANS.

Le projet de loi C-52 a été conçu de façon à ce que ce soit négocié entre la compagnie ferroviaire et l'expéditeur. Dans l'éventualité où les deux parties ne peuvent en arriver à un accord négocié sur les niveaux de service, l'expéditeur a le droit de s'adresser à l'office afin d'en obtenir un par voie d'arbitrage.

Tous les expéditeurs devraient avoir ce droit. Comme je l'ai dit, je ne crois pas que cela devrait nécessairement être obligatoire, mais tous les expéditeurs devraient y avoir droit, et entre les projets de loi C-52 et C-30, nous espérons que les expéditeurs essaieront d'obtenir des accords sur les niveaux de service.

Le sénateur Mercer : Je voulais poser cette question plus tard, mais elle est en rapport direct avec celle qu'a posée le sénateur Dagenais. Combien de personnes ont profité des accords sur les niveaux de service, ou ANS, depuis que le projet de loi C-52 est entré en vigueur? Êtes-vous au courant des coûts financiers élevés qui sont associés, semble-t-il, à la mise en place de ces accords? Savez-vous — puisque vous représentez un si grand nombre de gens — si cela fonctionne réellement, même si cela paraît bien sur papier?

M. Ballantyne : À ma connaissance, personne n'a encore eu l'occasion d'essayer d'obtenir un accord sur les niveaux de service par voie d'arbitrage. Effectivement, on s'entend généralement pour dire que selon la manière dont le projet de loi C-52 a été conçu, il en coûtera très cher pour en obtenir un. La structure du projet de loi C-52 fait que les expéditeurs devront surmonter un certain nombre d'obstacles juridiques afin de l'obtenir. Les compagnies ferroviaires ont la possibilité de se servir du système judiciaire afin qu'il soit difficile d'en arriver à un accord; la plupart des expéditeurs devraient donc dépenser beaucoup d'argent.

À l'association, un peu plus tôt cette année, nous avons offert des séances d'information aux expéditeurs — une à Regina et une autre à Toronto — pour tenter de leur fournir le plus de renseignements possible sur la façon dont ils pourraient l'utiliser. Nous avons aussi reçu des conférenciers; l'un représentait l'Office des transports du Canada, et l'autre était un avocat spécialisé dans le transport.

Nous offrirons une troisième séance de ce genre à Montréal, plus tard ce mois-ci. À ma connaissance, personne n'y a encore eu recours.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma seconde question s'adresse à M. Laskowski.

Certains intervenants de l'industrie céréalière prétendent que le projet de loi C-30 est un bon projet de loi; d'autres disent qu'il devrait aller plus loin. On propose quand même des solutions à long terme.

Y aurait-il d'autres solutions à long terme que vous voudriez apporter pour améliorer le projet de loi?

[Traduction]

M. Laskowski : Je ne peux vous en parler que du point de vue de l'industrie du camionnage. Ce projet de loi n'est qu'un élément d'un ensemble beaucoup plus grand concernant le transport du grain, la vente du grain sur le marché et le processus évolutif de ce marché.

Au sein de l'industrie du camionnage, qui est un maillon de la chaîne d'approvisionnement, même s'il n'est pas nécessairement le plus important, nous attendons patiemment de voir précisément ce que tout cela va donner. Je reviens toujours à l'investissement requis pour se faire une place sur ce marché, pour y prendre part. Nous attendons de voir jusqu'où va le projet de loi sur le plan de la protection des droits liés au marché et de l'accès des producteurs de grains au transport; c'est ce qui déterminera la réaction de notre industrie.

Imaginez que vous êtes un homme ou une femme d'affaires dans l'industrie du camionnage. Même s'il y avait des récoltes exceptionnelles dans l'avenir, seriez-vous prêt à investir si l'on intervient davantage sur le plan des exigences qui définiront le marché de demain? Même si l'ACC ne peut dire jusqu'où le projet de loi devrait ou ne devrait pas aller, sachez qu'il aura bel et bien une incidence sur la réaction de notre industrie par rapport à son évolution dans le secteur du transport du grain dans l'avenir.

[Français]

Le sénateur Maltais : Bienvenue messieurs, merci d'être ici.

Je vais m'adresser à vous, monsieur Laskowski, parce que vous touchez une industrie qui est particulière. Avec vous, on sait que tout est clair. Vous avez expliqué vos problèmes.

Je voudrais faire un parallèle parce que vous transportez du grain, en particulier dans l'Ouest, avec des camions. Bien sûr, dans l'Est du Canada, on a le même problème, mais pas avec du grain. Vous savez, les papetières sont approvisionnées avec des copeaux et les moulins de sciage ne sont pas toujours à la portée. Les camionneurs conduisent un van spécial qui ne peut servir à rapporter du stock, et c'est un problème un peu similaire au problème que vous avez dans l'Ouest. Évidemment, un camion qui ne transporte rien dépense quand même de l'essence, et le conducteur doit manger et dormir. Ce sont des coûts incontournables.

Est-ce qu'il n'y aurait pas possibilité, en faisant appel à des associations de répartition, de s'associer à d'autres entreprises? On sait que ce sont des vans spéciaux et qu'on ne peut pas y transporter n'importe quoi. Mais les vans s'accrochent au tracteur, donc cela peut être interchangeable.

Est-ce qu'il pourrait y avoir possibilité de conclure une entente avec les répartiteurs afin de diminuer l'ampleur du problème? Ce ne sera probablement pas parfait, mais si un voyage sur deux pouvait revenir avec de la marchandise, cela améliorerait de beaucoup le sort des camionneurs.

[Traduction]

M. Laskowski : Je vous remercie de la question, sénateur.

En ce qui concerne l'est du Canada et la question de l'accès aux camions, des coûts et de tout le reste, la situation est un peu différente lorsqu'il est question de produits de papetières. Pour tout dire, cela a davantage à voir avec l'offre et la demande.

Si les papetières veulent un meilleur accès à des services de camionnage, et il y a d'excellents parcs qui desservent les papetières avec l'équipement spécialisé, et que la question des grains dont nous avons parlé, les trains doubles de type B, le retour de livraison nord-sud, soit moins problématique, ce serait beaucoup moins difficile d'un point de vue logistique.

Le problème dans l'est du Canada — et ce n'est pas nécessairement un problème exclusif aux papetières —, c'est qu'au cours des quatre dernières années, l'industrie de la fabrication a été confrontée à d'énormes défis. Cela a donné lieu, pour ses clients, mais aussi pour notre industrie et nos clients, au paiement des services. Quand ces problèmes de paiements des services seront réglés et que l'industrie du camionnage sera un peu plus entière, ces questions de logistique seront résolues, ce qui veut dire que si la demande de papier est plus élevée, les prix seront plus élevés. Il pourra alors y avoir un partage avec les entreprises de camionnage et un meilleur accès aux services de transport pour le nord, le sud, l'est et l'ouest. Le problème est davantage lié à la chaîne d'approvisionnement.

[Français]

Le sénateur Maltais : L'autre point important, c'est la relève de vos camionneurs. On sait que la population vieillit. C'est un problème qui ne se retrouve pas uniquement chez vous, mais c'est un grave problème aussi.

Est-ce que vous avez des ententes avec les centres de formation pour vous assurer d'une relève en temps opportun? On sait que l'industrie ne s'arrêtera pas parce que le conducteur prend sa retraite.

[Traduction]

M. Laskowski : Absolument. Nous collaborons avec le gouvernement du Canada afin d'élaborer de nouvelles normes de formation pour améliorer la profession.

Honnêtement, le problème qui touche notre industrie, c'est que le camionnage n'est pas considéré comme étant une profession; nous travaillons donc actuellement avec le gouvernement fédéral, et les associations provinciales avec leur gouvernement provincial à améliorer les normes de formation dans le domaine du camionnage. Nous estimons que si nous rehaussons les normes de formation et le niveau de professionnalisme au niveau d'entrée, cela attirera davantage de camionneurs, nous aurons des conducteurs de qualité, et les jeunes ou les travailleurs en transition voudront venir travailler dans ce secteur. Alors oui, absolument.

[Français]

Le sénateur Maltais : La perspective de libre-échange et les ententes signées avec certains pays d'Asie vont certainement augmenter les volumes de production de céréales. Avez-vous une perspective d'avenir pour régler ces problèmes? La question s'adresse également à M. Ballantyne. Êtes-vous plus prévisionniste que le CN et le CP?

[Traduction]

M. Ballantyne : Oui. Les expéditeurs et les compagnies ferroviaires discutent toujours des prévisions. L'an dernier, il semble y avoir eu une rupture des communications en ce qui concerne les prévisions sur les grains pour la récolte de la saison courante. Il se peut que personne ne soit à blâmer. C'est simplement que la récolte a été plus importante que prévu et qu'on ne l'a su qu'à la fin de la campagne agricole, peut-être trop tard pour mettre rapidement les ressources en place afin de faire face à la situation.

Cela arrive constamment. Il y a assurément des discussions entre les expéditeurs et les compagnies ferroviaires au sujet des prévisions, car les compagnies ferroviaires en ont besoin pour répondre à la demande, tout comme les camionneurs.

Le président : Pour terminer, sénateur Oh.

Le sénateur Oh : Merci, messieurs.

Nous savons que le projet de loi C-30 est une mesure législative très importante qui doit être adoptée le plus rapidement possible. Il permettra de protéger notre part du marché mondial des céréales. De plus, tous les acheteurs ont besoin que nous livrions les marchandises à temps, ce qui est essentiel. Dans le marché du grain, nous faisons concurrence à des pays comme l'Australie et les États-Unis. Il faut que le Canada soit réputé pour livrer les marchandises à temps. Cela favorise la situation financière des agriculteurs, et la réputation du Canada est en jeu. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez? Il nous faut régler ce problème, car en cas de récolte exceptionnelle, si l'on n'est pas en mesure de livrer la marchandise, tout le monde s'en ressent.

M. Ballantyne : Le bon fonctionnement de la chaîne d'approvisionnement est certes important pour l'économie canadienne et pour toutes les entreprises qui exportent des céréales, des produits forestiers ou autres choses, car autrement, nos clients étrangers perdront confiance en notre capacité d'être une source d'approvisionnement fiable. Je pense que votre point est très valable. Il est nécessaire, pour l'ensemble de l'économie canadienne, que tous les acteurs de la chaîne d'approvisionnement travaillent le plus possible en collaboration et en harmonie.

Je crois que les initiatives du gouvernement relativement au corridor et l'initiative de la porte d'entrée du Pacifique, qui visait à réunir le fédéral, les provinces, ainsi que le secteur privé et les transporteurs, sont un bon modèle pour assurer le bon fonctionnement de la chaîne d'approvisionnement.

Le président : Monsieur Ballantyne, merci beaucoup.

Je tiens encore une fois à remercier les témoins d'avoir accepté notre invitation et de nous avoir fait part de leurs observations, de leurs points de vue et de leurs recommandations.

Chers collègues, nous entendrons notre deuxième groupe de témoins par vidéoconférence. Par souci de clarté, si vous regardez l'écran, à la droite se trouve M. Andrew Mayer, vice-président, Affaires commerciales et réglementaires, Prince Rupert Port Authority, de Prince Rupert. À la gauche de l'écran se trouve M. Tim Heney, chef de la direction, Administration portuaire de Thunder Bay, d'Anvers, en Belgique.

Je tiens à remercier les témoins d'avoir accepté notre invitation à participer à notre étude sur le projet de loi C-30, la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain.

J'aimerais que nous procédions par ordre alphabétique en commençant par M. Heney, suivi de M. Mayer.

Tim Heney, chef de la direction, Administration portuaire de Thunder Bay : Merci, monsieur le président. Au nom de l'Administration portuaire de Thunder Bay, je vous remercie de l'occasion qui m'est offerte de témoigner aujourd'hui.

Le port de Thunder Bay est le point d'entrée de la voie maritime du Saint-Laurent pour l'Ouest du Canada. Quatre-vingt-quinze pour cent des marchandises manutentionnées au port arrivent de l'ouest, dont plus de 70 p. 100 sont des céréales de l'Ouest canadien.

En moyenne, 7,5 millions de tonnes métriques de marchandises y sont manutentionnées chaque année, ce qui place Thunder Bay au neuvième rang des 19 administrations portuaires au Canada. Il s'agit de la deuxième administration portuaire en importance des Grands Lacs. Nous sommes le plus grand port d'exportation de la voie maritime : plus de 85 p. 100 de nos cargaisons traversent la voie maritime pour se rendre dans les marchés de l'Europe, de l'Afrique du Nord et de l'Amérique latine. Le port dessert également les marchés nationaux de l'est du Canada, ainsi que ceux qui bordent les Grands Lacs, aux États-Unis. La voie maritime du Saint-Laurent est la plus grande voie navigable intérieure du monde; elle a été construite pour donner aux producteurs de grains de l'Ouest canadien un accès direct aux marchés européens.

Actuellement, plus de 2 milliards de dollars y sont investis, dont 1 milliard pour la construction de nouveaux bâtiments à la suite de la suppression du droit d'importation de 25 p. 100 pour les navires construits à l'étranger. Depuis la saison dernière, les navires transocéaniques sont de plus en plus nombreux dans le port, et il est temps que l'on effectue un examen réglementaire des coûts imposés à ces navires, notamment les péages, les droits de pilotage, de services maritimes et de déglaçage. Ces coûts dépassent maintenant les 135 000 $ par voyage pour un navire transocéanique se rendant à Thunder Bay et ils nuisent à la compétitivité de la voie maritime, à un moment où les expéditions de grains via Churchill sont subventionnées.

Le port de Thunder Bay a huit silos et on peut y entreposer 1,2 million de tonnes de grains, ce qui correspond à la plus grande capacité d'entreposage au Canada. Il a le plus court temps d'escale de tous les ports au Canada, et la durée de cycle des wagons s'est améliorée de 36 p. 100 au cours des 10 dernières années. Richardson International, Patera, Cargill, Canada Malting Company, la Commission canadienne du blé, la Western Grain and Processing Division et Mobil Grain exploitent tous des installations de manutention du grain au port de Thunder Bay. En janvier dernier, la Commission canadienne du blé a acheté des installations à Thunder Bay et à Trois-Rivières; elle a ainsi témoigné de toute la confiance qu'elle a dans le corridor d'exportation. Cette année, après une ouverture retardée à cause du pire état des glaces dont je peux me rappeler, le port fonctionne maintenant à plein rendement et nous prévoyons que 1,2 million de tonnes de grains seront expédiées en mai.

Je suis prêt à répondre à toutes vos questions.

Le président : Merci.

Nous demandons maintenant à M. Mayer de présenter son exposé. Nous passerons aux questions par la suite.

Andrew Mayer, vice-président, Affaires commerciales et réglementaires, Administration portuaire de Prince Rupert : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de me permettre de témoigner au nom de l'Administration portuaire de Prince Rupert.

L'Administration portuaire de Prince Rupert est l'une des 18 administrations portuaires du Canada. Conformément à la Loi maritime du Canada, nous administrons les terres de la Couronne fédérale et le port de Prince Rupert, le deuxième port en importance sur la côte Ouest après celui de Vancouver. C'est l'un des ports les plus importants au Canada; en 2013, le volume a été d'environ 30 millions de tonnes de marchandises.

Je voudrais prendre le temps de dire que la grande majorité des marchandises qui arrivent au port de Prince Rupert ou qui en proviennent sont transportées par voie ferroviaire. Il est donc essentiel que les services ferroviaires soient efficaces. Notre port constitue une porte d'entrée de l'Ouest canadien pour divers produits. Nous nous attendons à ce que l'augmentation rapide du volume découlant du commerce avec l'Asie-Pacifique fasse augmenter la demande de capacité ferroviaire pour la manutention de divers produits, dont des cargaisons conteneurisées et d'autres produits de ressources exportés du Canada.

Par exemple, Prince Rupert reçoit tout un éventail de produits d'exportation et d'importation expédiés par rail. Le charbon, qui est un produit d'exportation important — le deuxième en importance en Colombie-Britannique et un produit d'exportation important en Alberta —, est une marchandise en vrac principale transportée par rail, comme le grain, une marchandise importante pour le port de Prince Rupert également, la cargaison conteneurisée acheminée par le transport multimodal, les granulés de bois, qui est un biocombustible, et cetera.

Nous avons également un certain nombre de projets consistant soit à faire une évaluation environnementale ou à attendre une décision d'investissement finale. Sans tenir compte des produits de GNL, les projets liés au secteur ferroviaire valent plus de 2,5 millions de dollars de coûts d'investissements. Bon nombre de ces projets seront desservis par le réseau ferroviaire.

À Prince Rupert, nous avons quelques préoccupations concernant les répercussions du projet de loi sur l'efficacité de la chaîne d'approvisionnement, non seulement pour les grains, mais pour toutes les marchandises.

J'aimerais parler de la question de l'interconnexion. Les ports canadiens rivalisent fortement avec les ports américains. La compétition est particulièrement forte sur la côte Ouest du Canada entre les ports canadiens et ceux de Seattle, de Tacoma, de Portland en Oregon, et dans certains cas, d'autres petits ports.

Nous craignons que l'augmentation des distances d'interconnexion ait l'effet involontaire de diriger les marchandises vers des ports américains au sud de la frontière, alors qu'autrement, elles seraient exportées à partir de ports canadiens après avoir été livrées par des transporteurs ferroviaires canadiens. Nous comptons sur le comité qui, nous l'espérons, tiendra compte de cet aspect lorsqu'il déterminera si l'augmentation des distances d'interconnexion convient dans ce cas.

Ensuite, nous craignons que l'arbitrage obligatoire ait un effet néfaste sur ce qui s'avérait être généralement de bonnes discussions commerciales entre les expéditeurs et les transporteurs ferroviaires. Nous appuyons l'idée d'encourager les compagnies de chemin de fer et les intervenants qui dépendent des services ferroviaires, dont les producteurs et les exportateurs de grains, à conclure des accords sur les niveaux de service et à faire en sorte que ces accords sont mis en application et qu'ils sont applicables. Nous avons réussi à cet égard, et nous pensons que les accords sur les niveaux de service ont un effet positif sur l'efficacité de la porte d'entrée.

La dernière question qui nous préoccupe, c'est le projet d'imposer un volume minimum pour le transport du grain au cours d'une année. Selon le projet de loi proposé, nous croyons comprendre que l'Office des transports du Canada doit consulter les chemins de fer et les propriétaires et les entreprises de manutention des grains. Aucune exigence équivalente n'oblige l'OTC à consulter d'autres utilisateurs, comme d'autres expéditeurs de marchandises; les exploitants de terminaux et les transporteurs maritimes, qui dépendent d'un service ferroviaire efficace; et les administrations portuaires, qui doivent veiller à ce que les corridors commerciaux du Canada soient efficaces. Je dirais que les conséquences pour chacun de ces autres intervenants seront terribles si le système ferroviaire devient moins efficace.

Le problème, c'est que si l'OTC ne consulte pas les autres intervenants, un secteur de produits sera privilégié injustement au détriment d'autres secteurs aussi importants, et dans bien des cas, plus importants pour ce qui est du volume.

J'ai terminé mes observations, monsieur le président.

Le président : Merci, monsieur Mayer. Nous allons maintenant passer aux questions.

Le sénateur Mercer : Messieurs, j'aimerais vous remercier tous les deux d'avoir accepté de comparaître devant notre comité.

Avant de poser mes questions aux témoins, j'aimerais dire à quel point je suis déçu que le port de Vancouver n'ait pas accepté notre invitation à venir témoigner. Bon nombre de témoins nous ont dit que le problème dans le transport du grain, c'est l'engorgement au port de Vancouver. Je pense qu'il est scandaleux que l'Administration portuaire de Vancouver n'ait pas accepté notre invitation, et il faut inscrire au compte rendu qu'elle a refusé de comparaître tandis que les bonnes personnes de Churchill — du moins ceux qui représentent le chemin de fer là-bas —, de Thunder Bay et de Prince Rupert ont pris le temps de rencontrer le comité par téléconférence. Encore une fois, je vous en remercie, messieurs.

Monsieur Heney, vous avez dit que les subventions pour Churchill nuisent au port de Thunder Bay. Comment cela se manifeste-t-il? Comment avez-vous constaté le problème?

M. Heney : Il faut préciser que le port de Churchill est très petit; toutefois, l'an dernier, il a expédié plus de 500 000 tonnes de marchandises, ce qui représente une assez grande quantité dans son cas. Les marchés sont les mêmes que ceux qui sont desservis par Thunder Bay, et nous subventionnons un corridor plutôt qu'un autre, ce qui semble étrange alors que la voie maritime est soumise à des dispositions sur les frais d'utilisation maximums. Il semble que ce n'est pas équitable.

Le sénateur Mercer : Monsieur Mayer, M. Heney a dit que le port de Thunder Bay a le plus court temps d'escale de tous les ports au Canada. Je suis intrigué; au cours des derniers jours, des témoins nous ont parlé du temps d'escale des ports de Vancouver et de Prince Rupert et nous ont dit qu'un certain nombre de navires attendent le grain. Bien entendu, si un navire est en attente, il ne fait pas d'argent et le produit n'est pas transporté. Quelle est la situation actuelle à Prince Rupert?

M. Mayer : Vous posez une très bonne question, sénateur Mercer. En raison de l'engorgement, tant pour l'exportation du grain que pour celle du charbon, un plus grand nombre de navires que d'habitude étaient ancrés pendant de longues périodes au port de Prince Rupert. Les raisons étaient surtout liées aux retards causés par les conditions météorologiques pendant les mois d'hiver, au début de l'année, et cela a créé des problèmes dans le réseau du CN en particulier. Nous croyons comprendre qu'ils ont subi la plus longue période durant laquelle la température était de -30 degrés Celsius, ce qui fait que dans certains cas, il était impossible d'utiliser les wagons, car le système de freinage hydraulique ne fonctionnait pas. Il y a eu un problème lié au retard des navires, et la capacité d'exportation a été réduite pendant cette période.

Par contre, je dirais que, pour ce qui est du temps d'escale des wagons, les exploitants de terminal du port de Prince Rupert et moi, et Vancouver également, diraient que ce sont des terminaux efficaces. Le terminal céréalier de Prince Rupert, exploité par Prince Rupert Grain, est très efficace, et une fois que les wagons sont là, on est en mesure de faire la rotation très rapidement.

Le sénateur Mercer : Vous avez également parlé de l'interconnexion et des problèmes que cela vous pose. Cela force certains de nos expéditeurs à passer par des ports américains. Disons que nous pouvons exaucer notre vœu et que l'interconnexion s'arrêtait à la frontière, qu'elle restait au nord de la frontière. Est-ce que les ports de Vancouver et de Prince Rupert — et je sais que vous ne pouvez pas parler au nom de celui de Vancouver, et c'est pourquoi il devrait comparaître aujourd'hui — seraient en mesure de manutentionner ce volume supplémentaire?

M. Mayer : Sénateur Mercer, le problème, c'est que l'augmentation des distances d'interconnexion ou du nombre de kilomètres concernant les droits liés à l'interconnexion pourrait permettre aux transporteurs américains de marcher sur les plates-bandes canadiennes, de transporter des marchandises qui autrement seraient transportées par le réseau ferroviaire canadien vers l'ouest, les ports canadiens ou vers l'est, les ports de Thunder Bay, de Churchill et de Montréal. C'est un problème.

L'autre problème, c'est qu'il n'existe pas de droit équivalent permettant aux transporteurs ferroviaires canadiens de prendre des marchandises américaines [difficultés techniques liées à la vidéoconférence]. Je le mentionne parce que nous faisons très fortement concurrence à de nombreux ports américains. Des mesures sont prises, par exemple [difficultés techniques liées à la vidéoconférence] les marchandises canadiennes acheminées par des ports américains. Cela nous préoccupe.

En ce qui concerne la capacité d'accueillir une si grande quantité, si toutes les marchandises restaient au nord de la frontière, nous considérerions qu'il y a une capacité supplémentaire pour le grain, une capacité supplémentaire pour le charbon et une capacité supplémentaire pour d'autres types de produits, tant à Vancouver qu'à Prince Rupert.

Le sénateur Plett : Merci, messieurs.

Monsieur Heney, j'aimerais revenir sur ce que vous avez dit au sujet du port de Churchill. Je viens du Manitoba, et lorsque nous subventionnons certains intervenants parfois, nous ne le faisons pas pour aider seulement une ou deux personnes, mais bien un vaste secteur d'une province, comme nous sommes en train de le faire. Le port de Churchill jouait un rôle important dans le transport du blé à l'époque de la commercialisation à comptoir unique. Bien entendu, le gouvernement a choisi, à juste titre, de passer à la commercialisation mixte, ce qui, à court terme, s'imposait dans le port de Churchill. Beaucoup de Premières Nations dépendent du port de Churchill.

Seriez-vous du même avis si un secteur ne cessait pas nécessairement ses activités, mais si quelque chose comme cela se produisait à Thunder Bay? Penseriez-vous la même chose si quelqu'un ne recevait pas d'aide pendant quelques années pour s'assurer qu'il puisse se remettre sur pied?

M. Heney : Je vous remercie de la question, sénateur. Je réside à Thunder Bay depuis toujours et j'ai été témoin du déclin d'industries pendant ma carrière; je travaillais dans l'industrie forestière originellement. Je travaille au port, dans l'industrie des grains, depuis 23 ans, et nous faisons une forte concurrence aux ports américains. Ils sont également subventionnés et nous réussissons à les concurrencer avec succès pour les cargaisons liées à un projet. Je suis habitué à la compétition. Aucune subvention n'a été accordée pour sauver l'industrie forestière, et je ne peux donc pas vraiment voir les choses sous cet angle; j'examine la situation en tant que compétiteur. Il semble qu'à certains égards, je rivalise avec mon propre gouvernement. Nous payons des frais excessifs sur la voie maritime, dont certains n'ont pas été révisés depuis de nombreuses années.

En raison de sa très courte saison et du nombre de marchandises qu'il reçoit, le port de Churchill n'a à peu près rien à voir avec l'avenir de celui de Thunder Bay. Je veux attirer l'attention sur d'autres corridors, le corridor maritime. Un examen des règlements sur le corridor serait de mise également. Nous ne demandons pas de subvention, mais bien un examen des règlements.

Le sénateur Plett : Très bien. S'il n'a à peu près rien à voir, je ne pense pas que nous devrions nous en faire trop s'il obtient un coup de pouce. Cependant, monsieur Mayer, vous dites à juste titre que le projet de loi prévoit que les expéditeurs et les compagnies ferroviaires doivent être consultés. Toutefois, le projet de loi permet au gouvernement de consulter tous les intervenants, dont les ports. Les ministres Ritz et Raitt ont dit que tous les intervenants seront consultés. Le saviez-vous? Aimeriez-vous intervenir là-dessus?

M. Mayer : Je vous remercie de vos observations. Si les dispositions législatives, dans leur version finale, incluent l'obligation de consulter les intervenants clés, je retirerais nos préoccupations. Si j'ai bien compris les dispositions — et je m'excuse si je n'ai pas bien compris —, il est obligatoire de consulter les transporteurs ferroviaires et les manutentionnaires de grains, et il est facultatif de consulter d'autres intervenants. Voilà le problème. Bien sûr, si c'est le cas, il y a un risque que les intervenants d'autres groupes, autres que les producteurs et les manutentionnaires de grains, ne soient pas consultés. Ainsi, ils ne pourront pas exprimer leur point de vue avant qu'on prenne une décision qui pourrait toucher l'efficacité du point d'entrée en général.

Le sénateur Plett : J'aimerais que vous parliez brièvement du nombre de navires qui se trouvent dans vos ports respectifs normalement et qui attendent qu'on les charge par rapport à la situation de l'hiver dernier, en raison des problèmes que nous avons eus. Tout comme le sénateur Mercer, j'aurais souhaité qu'un représentant du port de Vancouver vienne comparaître pour répondre à ma question, car il s'agit d'un intervenant important. Vous êtes tous les deux des intervenants importants également. À quoi correspondrait une situation normale pour vos navires dans vos ports respectifs au regard de la situation de cette année?

M. Heney : Le temps d'escale des navires est de deux jours en moyenne. Il y a eu un vaste mouvement ce printemps, et je veux préciser que nous ne sommes pas ouverts durant l'hiver. Après une ouverture retardée cette année, nous voyons deux ou trois navires ancrés qui attendent de recevoir le grain, ce qui est un nombre raisonnable. Nous pouvons charger six navires en même temps à Thunder Bay.

Le sénateur Plett : S'agit-il de la situation actuelle ou de la norme?

M. Heney : Il s'agit de la situation actuelle, ce qui est un nombre élevé pour nous. Normalement, les navires n'attendent pas. Ils arrivent directement au quai et repartent. Je crois que compte tenu du nombre de navires océaniques qui ont fait la queue en raison de l'ouverture tardive, ce n'est pas beaucoup.

M. Mayer : Merci beaucoup, sénateur. Comme je l'ai dit plus tôt, le temps d'escale était plus long — pour les navires au mouillage qui attendent leur cargaison. Surtout, le temps d'escale était plus long tant pour les transporteurs de grains [difficultés techniques liées à la vidéoconférence]. Je dirais que normalement, le temps d'escale normal pour les navires, lorsque les navires jettent l'ancre, est d'environ un à trois jours selon la période de l'année et le type de produit transporté. Après l'hiver difficile que nous avons eu cette année, dans certains cas, les navires restaient en place de 7 à 10 jours ou même plus longtemps. Encore une fois, je veux souligner que ces retards ont été subis non seulement par les navires qui chargent du grain, mais aussi ceux qui chargent du charbon.

La sénatrice Tardif : Vous en avez déjà parlé, mais j'aimerais revenir sur un point. À votre avis, dans quelle mesure les exigences relatives au volume de grain transporté qui ont été imposées par le projet de loi aux deux grandes compagnies de chemin de fer auront-elles des répercussions sur d'autres produits transportés sur les mêmes voies ferrées par l'entremise du même système logistique?

M. Heney : Le port de Thunder Bay offre une capacité excédentaire assez élevée pour d'autres produits. Nous n'avons jamais atteint notre capacité de transport maximale, qui est d'environ 3 700 wagons de céréales par semaine. Après l'ouverture, nous n'avons même pas atteint 2 000 wagons. En ce moment, ces exigences n'auront aucune répercussion sur le charbon ou la potasse qui transitent par le port. En effet, on dispose de la capacité nécessaire pour transporter ces deux produits.

La sénatrice Tardif : Et qu'en est-il de Prince Rupert?

M. Mayer : J'aimerais seulement mentionner que le port de Prince Rupert connaît une période de croissance spectaculaire en ce qui concerne les exportations et les importations de marchandises. Nous avons également des projets supplémentaires pour lesquels nous prendrons très bientôt les dernières décisions liées aux investissements; ces projets permettront d'augmenter le trafic ferroviaire à destination et en provenance de Prince Rupert et de son port, et il y aura en particulier un nouveau terminal de potasse par lequel on exportera de la potasse de la Saskatchewan et du Manitoba. L'évaluation environnementale à cet égard est terminée. Le point que j'essaie de faire valoir, c'est que les exigences liées à l'exportation de ces produits augmentent nos volumes de trafic, ce qui entraîne l'augmentation des volumes de trafic ferroviaire.

Nous sommes préoccupés par l'obligation qui sera potentiellement imposée aux compagnies de chemin de fer d'affecter une certaine partie des ressources au secteur céréalier, car pour y arriver, surtout étant donné le fait qu'il y aura des sanctions si on ne le fait pas et d'autres sanctions potentielles, on pourrait devoir diminuer la capacité dans d'autres secteurs qui comptent également sur ce mode de transport.

À titre de comparaison — et nous ne sommes pas d'avis qu'on devrait accorder un traitement préférentiel à un produit en particulier —, en tonnage annuel, le volume de charbon qui passe actuellement par le port de Prince Rupert comparativement au volume de céréales présente un ratio d'environ 2,5 à 1; 13 millions de tonnes de charbon dans [difficultés techniques : transmission vidéo].

La sénatrice Tardif : Je suis désolée, mais je ne vous ai pas entendu. Il semble que le son est transmis de façon intermittente.

M. Mayer : Je suis désolé, madame la sénatrice. Je vais essayer encore une fois. On prévoit que les volumes de céréales seront d'environ 6 millions [difficultés techniques : transmission vidéo], un peu moins de la moitié de nos volumes de charbon. Ce qui nous préoccupe, c'est que si le CN est notre seul transporteur vers Prince Rupert, et que nous avons une voie simple au lieu d'une voie double, et qu'on exige que des ressources en véhicules ferroviaires et en locomotives soient affectées exclusivement au transport des céréales pendant certaines périodes de l'année — ou en pourcentage plus élevé —, cela aura des répercussions, à notre avis, sur le transport d'autres produits ainsi que sur le fret en conteneurs, car on réduira la capacité en locomotives vers le port de Prince Rupert.

La sénatrice Tardif : Je vais répéter cela pour vérifier si j'ai bien entendu. Vous avez indiqué que vos exportations de céréales représentaient la moitié de celles de charbon; est-ce exact?

M. Mayer : C'est exact, madame la sénatrice.

La sénatrice Tardif : Vous expédiez plus de charbon. Qu'en est-il de la potasse?

M. Mayer : En ce qui concerne la potasse, on a terminé l'évaluation du marché pour le terminal, mais la construction de ce dernier n'est pas terminée. Nous prévoyons qu'il sera en activité très bientôt. Le terminal de potasse sera en mesure de traiter de 13,5 à 20 millions de tonnes par année. Il sera approximativement deux fois la taille de notre terminal céréalier à Prince Rupert.

La sénatrice Tardif : Je vous remercie d'avoir clarifié nos préoccupations.

Avez-vous d'autres voies ferrées, à part celles du CN, qui assurent le transport vers Prince Rupert?

M. Mayer : Non. Le CN est le seul fournisseur de services ferroviaires vers Prince Rupert [difficultés techniques : transmission vidéo].

La sénatrice Tardif : Si ces wagons étaient utilisés exclusivement pour le transport des céréales, vous craignez de manquer de wagons pour le transport d'autres produits. Est-ce exact?

M. Mayer : C'est exact, madame la sénatrice.

La sénatrice Tardif : S'agit-il du même type de wagons? D'après ce que je comprends, les mêmes wagons ne seraient pas nécessairement utilisés.

M. Mayer : Vous avez raison, madame la sénatrice. Il serait plus approprié de parler de locomotives ou de la source d'énergie utilisée pour tirer les wagons de céréales. On utilise manifestement un type différent de wagons pour transporter le charbon. Ces wagons sont ouverts, contrairement à ceux transportant des céréales. De plus, les conteneurs sont transportés sur des châssis.

La sénatrice Tardif : Avez-vous le personnel et la capacité nécessaires pour traiter ce volume supplémentaire, qu'il s'agisse de céréales ou des nouveaux produits destinés à l'exportation pour lesquels vous construisez de nouveaux terminaux?

M. Mayer : Je vais procéder par étapes, madame la sénatrice, si vous me le permettez.

À notre avis, la capacité ferroviaire liée aux trains qui tirent des wagons dans le corridor de Prince Rupert permet d'ajouter une grande capacité en matière de transport supplémentaire, c'est-à-dire de 30 à 40 p. 100 de la capacité actuelle. Cela dit, le nombre de wagons céréaliers, de wagons pour le charbon ou de wagons pour transporter des conteneurs n'est pas illimité, et c'est la même chose pour les locomotives.

Par conséquent, l'augmentation des volumes exigera des transporteurs ferroviaires et du CN [difficultés techniques : transmission vidéo] les expéditeurs [difficultés techniques : transmission vidéo] wagons pour transporter leurs produits.

Dans le port de Prince Rupert, nous planifions en fonction de la croissance. La taille de notre organisme a triplé au cours des cinq dernières années. Nos terminaux se trouvent également dans une période d'expansion, et nous croyons que cela sera très profitable pour les collectivités de la région.

La sénatrice Tardif : Je vous félicite de votre succès.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci aux deux témoins. On parle de transfert de marchandises qui devrait s'accélérer pour favoriser le commerce. Le ministre de l'Agriculture avait d'ailleurs mentionné que, au port de Vancouver, un bateau était resté à quai, vide, pendant plusieurs jours. M. Mayer a aussi mentionné qu'il faut penser aux coûts des brise-glaces qui doivent ouvrir la voie maritime du fleuve Saint-Laurent, alors de nombreux coûts sont liés au transport de marchandises. En quoi le projet de loi va-t-il favoriser vos activités portuaires?

[Traduction]

M. Heney : Oui, sénateur, notre port dépend manifestement et dans une grande mesure du transport ferroviaire, tout comme les ports qui expédient des marchandises en vrac. Notre port se consacre presque exclusivement au transport des céréales, à part le charbon et la potasse qui représentent des volumes beaucoup plus petits. Il s'ensuit que le transport efficace des céréales par voie ferrée est extrêmement important pour nous, et la mesure dans laquelle le projet de loi facilite ce transport et se concentre sur cet élément profitera à notre programme de Thunder Bay.

Dans d'autres secteurs, par exemple celui des produits forestiers, des moulins doivent fermer leurs portes, car leurs exploitants n'ont pas accès à des wagons ferroviaires. Je ne suis donc pas certain si cette situation rend les choses plus difficiles, mais il s'agit également d'un élément essentiel dans notre collectivité.

M. Mayer : Je vous remercie, sénateur, de votre question. À mon avis, on pourrait certainement encourager les compagnies de chemins de fer à améliorer l'efficacité de leurs systèmes, à investir dans l'équipement pour augmenter leur capacité et à investir dans leurs systèmes ferroviaires en créant des voies d'évitement et d'autres infrastructures pour les rendre plus efficaces.

À mon avis, à certains égards, le projet de loi inciterait certainement les transporteurs ferroviaires à faire cela, et nous pensons donc que c'est un élément positif. Nous appuyons certainement le transport efficace des céréales vers tous les ports du Canada. C'est très important pour tous les Canadiens et c'est important pour nous, à Prince Rupert.

Ce qui nous préoccupe, cependant, c'est qu'il pourrait y avoir un traitement préférentiel non prévu [difficultés techniques : transmission vidéo].

Le sénateur Robichaud : M. Mayer a mentionné qu'il était préoccupé par l'interconnexion. Qu'en est-il de Thunder Bay? Y a-t-il des préoccupations à cet égard là-bas?

M. Heney : À Thunder Bay, nous sommes essentiellement dans la première année complète suivant l'élimination du monopole de la Commission canadienne du blé. Il s'ensuit que la majorité des cargaisons qui passent par Thunder Bay contiennent du blé canadien destiné à l'exportation. Nous surveillons très attentivement les conséquences de l'élimination de cette commission. L'un de nos concurrents principaux en ce qui concerne l'exportation des céréales canadiennes pourrait être le couloir du Mississippi. Comme on l'a dit plus tôt, nous n'aimerions pas qu'on encourage ou qu'on favorise, d'une façon ou d'une autre, le détournement des céréales canadiennes par cette route. Nous croyons qu'on devrait garder ces marchandises au nord de la frontière et que nous devrions utiliser la voie maritime, qui offre la capacité idéale pour y arriver. Toutefois, la voie maritime présente également des problèmes sur le plan de la concurrence.

La sénatrice Eaton : J'aimerais remercier nos deux témoins. Cette conversation est très intéressante.

Je suis désolée, monsieur Mayer; nous avons beaucoup de difficulté à vous entendre, car le son coupe.

Monsieur Heney, j'aimerais d'abord m'adresser à vous. Vous soutenez que les règlements et les coûts liés à la Voie maritime du Saint-Laurent défavorisent Thunder Bay comparativement à d'autres ports. Lorsqu'il s'agit de modifier les règlements, devez-vous seulement vous adresser au gouvernement fédéral, ou devez-vous également faire affaire avec la province de l'Ontario et celle du Québec?

M. Heney : Les règlements sont habituellement fédéraux. Lorsqu'on a apporté le changement lié au droit d'importation de 25 p. 100 sur la construction des bateaux canadiens à l'étranger, cela a immédiatement provoqué un investissement d'un milliard de dollars dans la flotte des Grands Lacs. Ces règlements peuvent donc avoir des répercussions spectaculaires sur l'utilisation de la voie maritime. Le pilotage d'un navire transocéanique à Thunder Bay coûte 60 000 $. Vous devez confier le navire à un pilote à Montréal et le faire traverser les Grands Lacs, c'est-à-dire 2 300 milles à l'intérieur des terres jusqu'à Thunder Bay. Cela n'arrive nulle part ailleurs dans le monde.

Le pilotage sur des lacs ouverts, sur les principaux Grands Lacs du Canada, n'est pas vraiment nécessaire, et ces règlements nous rendent non concurrentiels. Nous devons les réviser. En effet, ils ont été pris avant l'invention du GPS et des techniques modernes de navigation, et ils nuisent à notre compétitivité.

Je crois qu'un examen de ces types de règlements, en vue de les moderniser, contribuerait certainement à augmenter de façon importante le transport de céréales sur la voie maritime et à améliorer sa compétitivité. Nous faisons concurrence aux routes américaines.

La sénatrice Eaton : Avez-vous fait du lobbying auprès de la ministre des Transports au sujet de ces règlements?

M. Heney : Oui. Nous en parlons chaque fois que l'occasion se présente. Un groupe de lobbyistes puissant appuie le pilotage et ces types de groupes. Ce n'est pas une chose facile à changer, mais il faudrait examiner attentivement la situation en vue de moderniser ces règlements.

La sénatrice Eaton : Pour la prochaine question, j'aimerais obtenir les commentaires des deux témoins. Le projet de loi C-30 semble tenter de réduire le monopole des compagnies de chemin de fer avec le nouveau programme de manœuvres et de les pousser à construire une infrastructure plus importante, qu'il s'agisse d'améliorer les voies ferrées, de construire plus de wagons, d'acquérir d'autres moteurs et d'améliorer l'efficacité. Un témoin nous a dit hier que les compagnies de chemin de fer avaient suffisamment de wagons, mais qu'elles manquaient de mécaniciens, de locomotives, de personnel, d'équipages et de moteurs. Quel est votre avis à cet égard?

M. Heney : Il y a deux compagnies de chemin de fer au Canada. Le Canadien Pacifique a récemment entrepris une restructuration majeure, ce qui a énormément réduit son personnel et sa capacité en locomotives. Je suis certain que c'est en partie la cause de la situation dans laquelle nous sommes maintenant. Les efforts en vue d'affecter les ressources uniquement aux produits les plus payants nuiront toujours au transport céréalier.

À Thunder Bay, nous avons constaté qu'une fois que le décret a été mis en œuvre, une grande quantité de céréales a immédiatement été transportée à Thunder Bay, à partir de courtes distances comme le Manitoba, pour maximiser les livraisons. Pour nous, cela représente en quelque sorte un avantage, car Thunder Bay est à courte distance des Prairies. De plus, cela a fait en sorte que les compagnies de chemin de fer n'ont pas transporté de grandes quantités de céréales à l'est de Thunder Bay pendant l'hiver. Ces événements ont donc permis à Thunder Bay de se retrouver dans une meilleure position à certains égards.

Le rationnement des wagons et des locomotives est une pratique risquée lorsque le secteur des marchandises est sur le point de connaître une période de croissance.

M. Mayer : Tout d'abord, nous soutiendrions tous les efforts fournis par les transporteurs ferroviaires pour améliorer les niveaux de leur flotte, le nombre de locomotives et leurs voies ferrées. Nous pensons que des progrès importants ont été réalisés à cet égard dans le couloir de Prince Rupert, et nous appuyons donc le CN dans la poursuite de ses efforts.

En ce qui concerne la question de savoir si cela a causé ou non les retards pendant les premiers mois de 2014, madame la sénatrice, je répondrais que les retards, à notre avis, n'étaient pas vraiment attribuables à la capacité en équipement, mais plutôt aux conditions météorologiques; ils n'étaient pas non plus liés à la main-d'œuvre. Il s'ensuit qu'à notre avis, il s'agissait vraiment d'une situation inhabituelle. Cela dit, nous pensons certainement qu'il faut encourager les compagnies de chemin de fer à tenter d'être plus efficaces.

La sénatrice Eaton : Comme vous le savez tous les deux, ce projet de loi contient une disposition de temporisation, et il sera vraiment intéressant de voir ce qu'il aura accompli dans deux ans.

Monsieur Heney, n'avez-vous pas un avantage comparativement à Churchill, étant donné que d'après ce que je comprends, la voie ferrée vers Churchill est très difficile? En effet, une grande partie passe dans la toundra, et les trains doivent se déplacer très lentement. Cela vous donne-t-il un avantage intrinsèque?

M. Heney : Sans m'attarder sur le cas de Churchill, nous avons de nombreux avantages, mais ils ne font aucune différence, au bout du compte, dans la facture de transport. Thunder Bay profite d'un excellent service ferroviaire fourni par les deux compagnies de chemin de fer, d'une grande capacité de transport pour les céréales et d'un port très efficace, mais tout cela ne se reflète pas nécessairement dans les coûts de transport.

Le sénateur Mercer : J'ai une question pour chacun de nos témoins.

Monsieur Heney, vous affirmez offrir le temps de traitement le plus rapide, et c'est formidable. Les navires quittent le port de Thunder Bay, empruntent la voie maritime et traversent plusieurs lacs. Je vais maintenant parler en ma qualité de membre du Comité des transports. Je sais pertinemment que le niveau de l'eau dans les Grands Lacs a diminué de façon importante au cours des dernières années, et que certains navires n'ont pas été en mesure de les traverser lorsqu'ils étaient à pleine charge. Cela a-t-il eu des répercussions sur le transport des céréales?

M. Heney : Oui, en 2007, sénateur. L'an dernier, nous avons vu la plus grande remontée dans les niveaux des lacs en 60 ans. Après l'hiver que nous venons de traverser, nous assisterons à une autre remontée. Pour la première fois depuis de nombreuses années, les niveaux sont bien au-dessus de la moyenne dans le lac Supérieur. Comme nous le savons, les niveaux des lacs descendent la colline à partir du lac Supérieur, et on assistera à la correction de ces niveaux. Je ne peux pas prévoir combien de temps cela durera. Quant à savoir si le réchauffement climatique ou le changement climatique a un effet à long terme, cela peut faire l'objet d'un débat, mais j'ai vu des remontées rapides alors que d'autres soutenaient qu'il s'agissait d'une situation permanente. Vous pouvez me faire confiance, ce n'est pas une situation permanente. Les niveaux des lacs n'ont jamais posé de problème dans le port de Thunder Bay, mais il y a des régions problématiques le long de la voie maritime. Ces problèmes se résolvent d'eux-mêmes aujourd'hui, grâce aux effets positifs engendrés par le climat de l'hiver dernier.

Le sénateur Mercer : Le rude hiver n'a donc pas été en vain.

Monsieur Mayer, je dois faire plaisir à mes collègues, mais c'est un peu hors sujet. Vous nous avez dit que vous transportiez surtout du charbon, des céréales, des conteneurs et des granules de bois. L'autre responsabilité de notre comité concerne les forêts. Nous avons mené une étude sur le secteur forestier, et nous savons qu'il y a eu une grande étendue de bois mort en Colombie-Britannique en raison du dendroctone du pin ponderosa. Les granules de bois viennent-elles de là-bas? Le savez-vous?

M. Mayer : J'en sais un peu sur le sujet, et je vais donc vous dire ce que je sais.

Les granules de bois sont certainement un biocarburant fabriqué à partir de déchets de bois [difficultés techniques : transmission vidéo]. Ils sont maintenant comprimés et transformés en biocarburant qu'on exporte vers l'Europe et l'Asie et qu'on considère comme étant un carburant vert. Le secteur des granules de bois est donc un petit secteur en croissance, à notre avis.

Il faut également souligner un autre élément important lié à l'exportation des produits forestiers et à l'accès aux chemins de fer pour le transport de ces produits. En ce moment, le secteur d'exportation qui connaît la croissance la plus rapide dans le port de Prince Rupert, c'est le secteur des produits du bois. Les billots et le bois d'œuvre fini sont chargés dans des conteneurs et exportés vers les marchés asiatiques. Il s'ensuit que l'accès à un réseau ferroviaire efficace pour le secteur forestier est très important pour l'économie de l'Ouest du Canada.

Le sénateur Plett : Monsieur Heney, vous avez dit que vous êtes fermé pendant l'hiver. Quelle est votre capacité d'entreposage à Thunder Bay? Ne me répondez pas en tonnes, car j'ai de la difficulté à déterminer combien de navires chargés cela représente. Combien de navires seriez-vous en mesure de charger au printemps avant de devoir recevoir de nouvelles cargaisons de céréales?

M. Heney : La capacité d'entreposage, sénateur, est de 1,2 million de tonnes métriques. Je sais que cela ne signifie pas grand-chose. Pour utiliser un nombre arrondi, il y a 10 000 tonnes métriques dans un train-bloc de céréales. Cela signifie environ 300 trains. Il faudrait que je fasse le calcul pour diviser cela en unités de 25 000 tonnes. Je ne peux pas le faire mentalement. Je suis désolé.

Il s'agit de 10 000 tonnes par train, pour une capacité d'entreposage de 1,2 million de tonnes. Lorsque les activités ont repris, nous chargions six navires à la fois, c'est-à-dire un train-bloc par heure, ce qui représente 10 000 tonnes par heure dans le port, et donc une énorme capacité. Je crois qu'il s'agit de la plus grande capacité d'entreposage en Amérique du Nord. À Ghent, en Belgique, la capacité est de 1,1 million de tonnes. On soutient que c'est la plus grande capacité d'entreposage en Europe, et la capacité d'entreposage de Thunder Bay est donc de classe mondiale.

Le président : Merci, honorables sénateurs.

J'aimerais remercier les témoins de nous avoir donné leur avis et d'avoir formulé des recommandations.

Honorables sénateurs, nous reprenons les travaux à 14 heures, aujourd'hui, dans cette salle.

(La séance est levée.)


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