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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 12 - Témoignages du 14 mai 2014


OTTAWA, le mercredi 14 mai 2014

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 13 h 9 pour poursuivre l'étude du projet de loi C-30, Loi modifiant la Loi sur les grains du Canada et la Loi sur les transports au Canada et prévoyant d'autres mesures.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, je déclare ouverte cette séance du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

[Traduction]

Bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je suis le sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick, et j'assure la présidence de ce comité. Je demanderais à mes collègues de bien vouloir se présenter, après quoi nous présenterons les témoins. Commençons par le vice-président du comité.

Le sénateur Mercer : Merci, monsieur le président. Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse. Excusez mon retard.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud, Saint-Louis-de-Kent, au Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Tardif : Bonjour. Claudette Tardif, de l'Alberta.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l'Ontario.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Beyak : Sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario.

Le sénateur Plett : Sénateur Don Plett, du Manitoba, et c'est un honneur pour moi d'être le parrain de ce projet de loi.

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Merci, chers collègues.

Je remercie chaleureusement les témoins d'avoir accepté notre invitation.

Aujourd'hui, nous poursuivons l'étude du projet de loi C-30, Loi modifiant la Loi sur les grains du Canada et la Loi sur les transports au Canada et prévoyant d'autres mesures, aussi appelée Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain.

Honorables sénateurs, nous accueillons maintenant notre premier groupe de témoins et souhaitons la bienvenue au représentant de l'Inland Terminal Association of Canada, Perry Pellerin, directeur de GNP Grain Source LTD.

Nous accueillons par vidéoconférence, le président de Quorum Corporation, Mark Hemmes, ainsi que son directeur, Recherche et analyse pour l'industrie céréalière, Bruce McFadden.

Je tiens à remercier les témoins d'avoir accepté notre invitation à nous faire part de leurs observations et de leurs points de vue sur le projet de loi C-30, la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain.

Après les exposés des témoins, il y aura une période de questions-réponses et chaque sénateur aura cinq minutes pour poser des questions, avant que le président donne la parole à un autre sénateur.

[Français]

Par la suite, nous poursuivrons avec d'autres questions si des sénateurs veulent poser des questions additionnelles.

[Traduction]

Nous allons maintenant commencer les exposés. Le greffier m'informe que le premier à prendre la parole sera M. Pellerin, suivi de M. Hemmes.

Perry Pellerin, directeur, GNP Grain Source LTD, Inland Terminal Association of Canada : Merci de cette occasion de vous faire part des points de vue des agriculteurs propriétaires de terminaux au Canada. L'ITAC, l'Inland Terminal Association of Canada, représente les intérêts de sept entreprises propriétaires de terminaux céréaliers en Saskatchewan et en Alberta, des entreprises dont au moins 50 p. 100 des actionnaires sont des agriculteurs. Chaque année, les terminaux font la manutention de quelque 2,5 millions de tonnes de grains, d'oléagineux et de cultures spéciales, en plus d'assurer le nettoyage et le séchage des produits. Les sept membres de l'ITAC sont : South West Terminal, près de Gull Lake, en Saskatchewan; Gardiner Dam Terminal, près de Strongfield, en Saskatchewan; CMI Terminal, près de Naicam, en Saskatchewan; Prairie West Terminal, dans la région de Dodsland-Plenty, en Saskatchewan; North West Terminal, à Unity, en Saskatchewan; Great Sandhills Terminal, près de Leader, en Saskatchewan, et Providence Grain Solutions, établi à Fort Saskatchewan, en Alberta. Nous pensons que les terminaux exploités par des agriculteurs offrent une solution concurrentielle aux producteurs de grains, qu'ils soient actionnaires ou non.

Nous voyons d'un bon œil le maintien des exigences de volume minimal imposées au CN et au CP. Toutefois, cette approche globale pourrait avoir des répercussions négatives inattendues.

Cette mesure a attiré l'attention dont nous avions grandement besoin sur la question du transport des céréales, mais cela n'a pas résolu le défi qui continue de se poser aux terminaux indépendants. La méthode de répartition des wagons basée sur les pratiques historiques des expéditions n'est pas équitable et a une incidence sur la compétitivité au sein du pays. En limitant une entreprise à n'utiliser que 0,6 p. 100 de la capacité ferroviaire totale, on entrave sa capacité concurrentielle et cela, pour de simples raisons de contraintes d'espace qui restreignent leur capacité à acheter du grain en permanence.

En chiffres réels, avant l'adoption du projet de loi, cette même entreprise aurait reçu environ 18 wagons par semaine sur les 3 000 wagons répartis par la société ferroviaire, alors qu'à l'heure actuelle, avec un programme de 5 000 wagons par semaine, elle en reçoit 30. Cette situation, combinée à la contre-performance du nombre de wagons actuellement répartis par les sociétés ferroviaires, entraîne un ratio d'exploitation difficile pour l'indépendant.

En fait, le terminal indépendant est une installation à grande capacité qui avait toute la possibilité de croître et de prospérer dans ce nouveau marché ouvert, mais qui, au contraire, en a été empêchée par la piètre performance et l'inadéquation des processus de répartition. L'hiver dernier, deux de nos installations ont été vendues et on s'attend à ce que le printemps réserve le même sort à quelques autres.

Devant les exigences de volume minimal, les compagnies de chemin de fer ont centré leurs efforts sur ce que l'on pourrait appeler les fruits les plus accessibles, par exemple, en plaçant la majorité des wagons à proximité du port ou le long de la voie principale. Cela n'a rien de bon pour l'indépendant ou le réceptionnaire chez qui les trains n'arrivent plus dans l'ordre selon lequel ils ont été affrétés. Encore une fois, nous sommes certains que ce n'est pas l'objectif recherché par le projet de loi.

Le système manque de transparence. Il est difficile pour un expéditeur indépendant de déterminer où commence l'efficacité du chemin de fer et où finit le traitement juste et équitable de tous les expéditeurs. Les exigences de base en matière de bonne communication et de transmission de l'information en temps opportun ont été pratiquement oubliées. La volonté des compagnies ferroviaires de développer de nouvelles manières de fonctionner a été remplacée par la validation des causes de leur défaillance.

La question qui nous préoccupe pour le moment est le prolongement de la zone d'interconnexion, qui passe de 100 à 160 kilomètres. Cette mesure présente l'inconvénient potentiel que les installations situées au-delà de ces 160 kilomètres ne deviennent encore plus isolées qu'elles ne le sont actuellement. Les mécanismes d'interconnexion détermineront si cette mesure permettra d'obtenir les résultats souhaités. La taille, la structure tarifaire et l'accessibilité de l'interconnexion en détermineront la valeur. Évidemment, cela exige des compagnies ferroviaires qu'elles aient la volonté de faire en sorte que tout fonctionne plutôt que de se concentrer sur les raisons pour lesquelles ça ne fonctionne pas.

De plus, toute pénalité financière que l'Office des transports du Canada peut vraisemblablement imposer aux compagnies ferroviaires est payable au receveur général. Si ces pénalités étaient plutôt versées aux sociétés céréalières lésées, cela pourrait faciliter les paiements dus aux producteurs clients qui, en raison des arriérés, n'ont peut-être pas été en mesure de livrer le grain.

Parvenir à un accord sur les niveaux de service est un processus de confrontation qui non seulement coûte cher, mais exige beaucoup de temps et d'énergie. De tels accords doivent viser l'établissement d'un niveau de service acceptable et la détermination des conséquences applicables en cas de non-respect des obligations de part et d'autre. Pourtant, ils ont plutôt pris la forme d'une version modifiée d'une plainte sur le niveau de service, avec toute la théâtralité souvent associée à ce processus. Encore une fois, ce n'est pas ce qui était prévu et ces accords sont devenus impossibles à envisager pour l'indépendant ou le petit expéditeur.

Nous accueillons plus que favorablement l'engagement visant à recueillir davantage de données auprès de compagnies ferroviaires et de l'ensemble des acteurs de la chaîne logistique. Cet élément est au cœur même de l'amélioration du réseau. Il importe cependant de s'assurer que les données recueillies reflètent la vraie nature de la situation. Une quantité record de déchargements dans les ports ou un record sur le plan de la vitesse des wagons ne signifie pas nécessairement que les bons wagons arrivent à la bonne heure pour tous les expéditeurs.

En conclusion, l'ITAC est d'avis que s'il est crucial d'apporter des améliorations immédiates au réseau de transport du grain — et nous sommes reconnaissants des efforts menés par le gouvernement et par la loi précédente —, il reste cependant beaucoup à faire. Il est primordial d'instaurer des changements qui permettront à l'industrie d'adopter des solutions viables à long terme. Merci.

Le président : Nous passons maintenant au prochain témoin, Mark Hemmes, président de Quorum Corporation, par vidéoconférence depuis l'Alberta.

Mark Hemmes, président, Quorum Corporation : Je tiens à vous remercier de m'avoir invité à témoigner devant le comité aujourd'hui. Notre entreprise surveille la situation du grain depuis 2001 dans le cadre d'un contrat avec le gouvernement fédéral. Nous sommes chargés de surveiller le rendement du réseau de manutention et de transport du grain dans l'Ouest du Canada. Nous rendons des comptes au ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire et à la ministre des Transports. Nous produisons des rapports trimestriels, mais nous rédigeons aussi régulièrement des rapports ponctuels lorsque la situation l'exige, comme c'est le cas avec la situation actuelle. Afin de bien comprendre tous les aspects des problèmes auxquels est confrontée notre industrie, nous entretenons des contacts réguliers avec les intervenants de tous les maillons de la chaîne d'approvisionnement. Les observations que je ferai aujourd'hui sont fondées sur ces multiples communications et sur les statistiques et les mesures que nous avons établies dans le cadre du Programme de surveillance du grain. Je parlerai essentiellement de la situation actuelle du réseau de manutention et de transport du grain.

En septembre dernier, la prévision préliminaire pour cette dernière campagne agricole annonçait une récolte exceptionnelle. En effet, Statistique Canada publiait une prévision de récolte préliminaire de 65 millions de tonnes. À ce moment-là, les entreprises céréalières avisaient déjà les sociétés ferroviaires que la récolte allait être plus élevée que d'habitude et qu'elles allaient vouloir expédier beaucoup plus de grain. Malgré ce préavis, les sociétés ferroviaires ont informé l'industrie qu'elles ne prévoyaient pas transporter de volumes beaucoup plus considérables qu'elles ne l'avaient fait l'année précédente. Elles ont aussi dit qu'elles essaieraient de fournir de 5 000 à 5 500 wagons par semaine chacune, ou de 10 000 à 11 000 wagons par semaine au total à elles deux.

Les vraies conséquences de l'ampleur de la récolte ne se sont pas fait sentir avant novembre, au moment où Statistique Canada a publié les résultats de son enquête et annoncé le chiffre définitif de 75 millions de tonnes.

Pour ce qui est de la performance du réseau, à la septième semaine de cette campagne agricole, c'est-à-dire à la mi-septembre, les silos de collecte du pays se remplissaient de la récolte automnale et avaient presque atteint les limites de leur capacité. Entre ce moment et la semaine 33, six mois plus tard, les silos de collecte du pays n'ont jamais fonctionné à moins de 95 p. 100 de leur capacité. À toutes fins utiles, le réseau de silos était plein pendant toute cette période.

Pendant la même période, le secteur des terminaux portuaires a connu une situation contraire avec des stocks qui se sont maintenus à des niveaux historiquement bas. Par conséquent, les terminaux portuaires ont donc eu beaucoup de difficulté à remplir les navires qui arrivaient, parce qu'il n'y avait pas de grain dans le port à transporter.

Toute l'année, nous avons surveillé de près l'affectation des compagnies de chemin de fer et des wagons, exerçant un suivi étroit des déchargements et des chargements de navires et des files de navires en attente de grain au port, en particulier sur la côte Ouest.

En ce qui concerne la performance globale du réseau, l'un des chiffres clés à considérer est le nombre de déchargements au port. Comme nous l'avons indiqué, le réseau a bien fonctionné environ jusqu'à la fin octobre. Au cours de ces 12 semaines, le nombre total des déchargements sur la côte Ouest a augmenté de 7 p. 100 comparativement à l'année dernière. Thunder Bay a connu une diminution de 13 p. 100 et l'Ouest du Canada a augmenté de 2 p. 100 par rapport à la fin octobre de l'année dernière. Cependant, de la fin octobre à la fin mars, soit sur une période de 18 semaines, nous avons assisté à la dégradation constante et considérable de la performance, le nombre de déchargements ayant diminué de 8 p. 100 par rapport à l'année dernière, et de 12 p. 100 pour l'ensemble de l'Ouest du Canada.

Si on établit la comparaison entre la répartition des navires et le nombre de déchargements sur la côte Ouest, on estime entre 15 et 25 p. 100 la pénurie hebdomadaire d'approvisionnement en wagons. Il est clair que les compagnies ferroviaires ne fournissaient pas aux sociétés de grain les wagons qu'elles s'étaient engagées à fournir. Résultat : des niveaux de stocks très bas dans les terminaux, un ralentissement dans le chargement des navires et des files d'attente de proportion historique — à un moment, on a vu une file d'attente de 38 navires à Vancouver et de 17 à Prince Rupert.

Il importe toutefois de souligner qu'un tournant significatif a marqué la période qui a suivi la mise en œuvre de l'ordre de référence. Ces huit dernières semaines, soit entre les semaines 13 et 39, le nombre de déchargements sur la côte Ouest a augmenté de près de 22 p. 100, celui de Thunder Bay, de 5 p. 100, et celui de l'ensemble des ports de l'Ouest du Canada, de 20 p. 100. Nous sommes également témoins d'une réduction des stocks dans l'ensemble du pays, ce qui libère de l'espace pour la livraison de grain des producteurs et accroît la quantité de stocks disponibles dans les ports. Même si les files d'attente de navires sur la côte Ouest demeurent anormalement longues, elles ont tout de même diminué de façon notable : on compte actuellement 24 navires à Vancouver et 7 à Prince Rupert. Quant au niveau des expéditions depuis les ports de la côte Ouest, il est similaire à celui de l'an dernier à la même période et, dans l'ensemble, demeure 3 p. 100 plus bas que celui de l'année dernière.

En résumé, je ne crois pas qu'on puisse attribuer les problèmes dont nous avons été témoins à un seul événement isolé, mais je voudrais citer trois points que vous devriez prendre en compte. Il y a effectivement un sérieux problème de non-respect des obligations de la part des compagnies ferroviaires envers les sociétés céréalières, qui a poussé ces dernières à conclure des ventes et à affréter des navires transocéaniques que le réseau a été incapable de charger. Cela a entraîné d'interminables files d'attente de navires, des pénalités pour bris de contrat, des plaintes des expéditeurs sur le service et la fiabilité du transport ferroviaire et de graves problèmes d'ancrage dans les ports de la côte Ouest. La presque totalité de ces coûts seront refilés au producteur.

Cet hiver, les sociétés ferroviaires ont eu beaucoup de mal à surmonter les difficultés opérationnelles importantes qu'elles ont connues. Ce n'est qu'en mars qu'elles se sont vraiment remises sur pied.

Je voudrais aussi souligner le fait que la récolte exceptionnelle de cette année n'a pas encore touché le réseau de manutention et de transport du grain. Ses effets sur le réseau ne commenceront à se faire sentir qu'au cours des prochaines semaines. À l'heure actuelle, le réseau travaille essentiellement à maintenir le même rythme que l'an dernier, et c'est au cours des prochaines semaines qu'il commencera à transporter les volumes supplémentaires.

La dynamique qui ressort de cette campagne agricole est, une fois de plus, la communication ciblée. J'aimerais souligner cela également. Le gouvernement a démontré qu'il prenait le SMTG au sérieux et qu'il était prêt à travailler à l'amélioration et à la mise en place de mécanismes durables et plus efficaces.

Il ne fait aucun doute que l'ordre de référence a eu une incidence sur l'approche des compagnies ferroviaires à l'égard du transport du grain. Pendant que nous assistions à l'augmentation des volumes dans les ports, nous entendions parler des défis que doivent relever les plus petits expéditeurs situés loin de la voie principale ou incapables de remplir des trains complets pour satisfaire aux objectifs de volumes des compagnies ferroviaires, comme Perry l'a souligné. Les marchés lucratifs des États-Unis souffrent également de cette situation, car comme le ravitaillement de ces marchés consiste en de petits volumes, les compagnies ferroviaires s'en sont détournées.

En terminant, je dirais qu'outre les problèmes rencontrés l'hiver dernier, ces conséquences que l'on pourrait qualifier d'involontaires contribuent à ternir la réputation internationale du Canada à titre de fournisseur de céréales régulier et fiable.

Je vous remercie de votre attention. Je répondrai avec plaisir à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Hemmes. Nous allons passer aux questions.

Le sénateur Mercer : Je vous remercie tous les trois d'être ici aujourd'hui et vous en sais gré.

Monsieur Pellerin, vous avez signalé que certaines de vos petites installations avaient été vendues cet hiver. À qui?

M. Pellerin : En fait, le terminal intérieur de Lethbridge a été vendu à Viterra, qui l'a acheté aux alentours de fin février. La Prairie West Terminal Ltée vote la semaine prochaine, mais nous nous attendons à ce que sa vente à la Commission canadienne du blé soit approuvée.

Le sénateur Mercer : À la Commission du blé? Donc, les plus petits sont vendus au plus gros des deux que vous avez mentionnés.

M. Pellerin : Vous savez que nos installations, comme je l'ai indiqué, sont essentiellement la propriété d'agriculteurs, pour la majorité d'entre elles. Plusieurs ont comme seuls propriétaires des agriculteurs. Elles ont des conseils dirigés par des agriculteurs.

Cette nouvelle réalité de la commercialisation leur a posé un défi. Je crois qu'ils étaient prêts à s'y attaquer, mais quand on combine cela à l'incertitude du service ferroviaire, c'est trop pour certains d'entre eux. Un certain nombre des gros joueurs vont en profiter; ils savent qu'on bat de l'aile et qu'on a peur, donc c'est le bon moment d'aller voir certains des conseils d'administration et de leur offrir de les « soulager de cette pression ».

Le sénateur Mercer : Encore une fois, je ne veux pas relancer le débat sur la Commission du blé, mais une chose que j'observe — et corrigez-moi si j'ai tort — c'est qu'au moment du passage du libre marché au guichet unique, nous n'avons pas prévu un autre plan pour ces agriculteurs et fournisseurs individuels maintenant seuls dans un marché où ils ne relèvent plus d'une grande organisation telle que la Commission canadienne du blé. Bien sûr, ils sont dorénavant en concurrence directe avec des joueurs beaucoup plus gros.

M. Pellerin : Du point de vue des indépendants, le débat sur la Commission du blé est du passé. Nous en sommes à une autre étape. Nous avons cru que nous pourrions effectivement fonctionner sur le marché libre. Nous avons pensé être en mesure de s'occuper de nos clients.

Ça s'est compliqué du fait qu'il est difficile d'ouvrir un petit commerce quand le voisin d'en face reçoit des marchandises wagon après wagon et que nous n'obtenons aucun service. Ça nous met dans le pétrin. Alors, quand on a fini par obtenir un train, s'il lui fallait 14 jours pour se rendre à Vancouver, c'était avec nos capitaux immobilisés pour toute cette période. Pour un indépendant, c'est plutôt important.

Le sénateur Mercer : Votre commentaire sur les personnes situées à l'extérieur de la zone de manœuvres terminales interréseaux de 160 kilomètres m'a intrigué. Vous avez déclaré que ces personnes seraient plus isolées. Je croyais que les nouvelles limites seraient à leur avantage du fait qu'elles se rapprocheraient d'une ressource?

M. Pellerin : J'aurais aimé que ça ait été en place il y a cinq ans. Je crois que ça aurait aidé. Je crois que ça va accroître la concurrence dans cette zone, mais si vous êtes à l'extérieur de cette zone — disons, par exemple, les gens du nord de l'Alberta ou, encore mieux, je représente le silo terminal Great Sandhills à Leader, en Saskatchewan, qui serait à l'extérieur de cette zone — le grain n'a vraiment nulle part où aller. Donc, si vous êtes une compagnie ferroviaire, vous allez vous préoccuper des endroits où il y aura dorénavant de la concurrence.

Là où le grain est bloqué, que ce soit à Leader, Saskatchewan — le nord de l'Alberta est un autre endroit qui me préoccuperait, et la zone de Rycroft et Grande Prairie — l'isolement sera plus grand. Pourquoi la compagnie de chemin de fer irait chercher ce grain alors que c'est rentable dans les autres régions?

Le sénateur Mercer : Monsieur Hemmes, vous vous occupez de la surveillance des grains depuis 2001. Nous aimerions entendre votre point de vue, étant donné votre situation. Comment se compare le système de manutention et de transport du grain de 2013 et de 2014 par rapport aux années précédentes?

M. Hemmes : Au cours des 13 dernières années, la situation a beaucoup évolué. D'abord, il y a eu une réduction importante du nombre de silos élévateurs; on est passé d'environ mille silos à 392. La longueur des convois ferroviaires a augmenté en gros de 18 à 25 wagons pour atteindre plus de 75 wagons en moyenne.

L'un dans l'autre, je dirais que le système est beaucoup, beaucoup plus efficace qu'il y a 13 ans. Les volumes transportés par rail et le système ont fortement augmenté également, en moyenne.

Depuis la fin du régime du comptoir unique, le système est en fait plus efficace de plus d'une façon. Je dirais donc que nous avons un meilleur système aujourd'hui. Cela dit, je crois que nous avons divers problèmes en ce qui concerne la capacité de transport par rail.

Le sénateur Plett : Monsieur Pellerin, vous avez indiqué que les amendes sont versées au gouvernement plutôt qu'aux expéditeurs. Ce que je comprends, en ce qui concerne le volume minimal exigé — en fait, un amendement a été apporté au projet de loi et la nouvelle disposition tient compte de problèmes comme les surestaries — les coûts sont imputés à l'expéditeur par la compagnie de chemin de fer; est-ce exact? Que pouvez-vous nous dire à ce sujet? Que pensez-vous de cet amendement?

M. Pellerin : En fait, je m'excuse. C'est exact. C'est une chose que nous appuyons certainement.

Comme je l'ai indiqué, pour une installation indépendante, la marge de crédit n'est pas la même que pour ses concurrents. Vous pouvez vous exposer à des coûts importants. Je sais que l'une de nos installations risquait de payer des surestaries de 75 000 $ par jour en attendant qu'arrive le produit. La capacité de recouvrer ces pertes auprès des compagnies de chemin de fer fautives est essentielle à notre bon fonctionnement.

Le sénateur Plett : Donc, nous allons dans la bonne direction?

M. Pellerin : Tout à fait.

Le sénateur Plett : À mon avis, l'interconnexion est quelque chose de fantastique. Je viens du Manitoba. Nous allons entendre OmniTRAX plus tard aujourd'hui. L'entreprise nous affirme être en mesure de se rendre dorénavant dans le nord. Je crois que vous parlez de certaines régions isolées de la Saskatchewan et de l'Alberta, mais il est certain que, dans la province du Manitoba, elle se rend dans la partie nord de la région agricole qu'elle n'était pas en mesure d'atteindre auparavant. Dans une région où 14 silos étaient desservis auparavant, elle a maintenant accès à 150 silos.

Mis à part le fait qu'il y aura toujours des problèmes et une certaine part d'isolement, cette mesure va grandement aider beaucoup de personnes qui étaient isolées auparavant.

M. Pellerin : Oui. Quand vous regardez une carte du sud du Manitoba — et quand je dis le sud, ça monte jusqu'à Dauphin quasiment — et le sud de l'Alberta, en particulier avec la BNSF qui s'y rend à partir des États-Unis, je crois que ce sont là d'immenses avantages.

Même en Saskatchewan, avec OmniTRAX, le revers de la médaille sera la structure tarifaire. Même dans l'ancienne zone de manœuvres terminales interréseaux de 30 kilomètres, la compagnie ferroviaire rendra la chose quasi impossible sur le plan financier. Il ne faut pas oublier de surveiller quelle sera la structure tarifaire dans ces nouvelles zones de manœuvres terminales interréseaux, mais tout ce qui est fait pour améliorer et susciter la concurrence est définitivement un plus; il n'y a aucun doute à ce sujet.

Le sénateur Plett : Dauphin est certainement largement à l'intérieur de la zone maintenant. Je regarde sur la carte que nous avons et Dauphin est bien desservi. Par rapport au sud du Manitoba, je dirais que Dauphin est au cœur du nord du Manitoba.

M. Pellerin : Je dois toujours faire attention à ce sujet. Les gens de Kenora et de cette région ne se considèrent pas comme étant au centre.

Le sénateur Plett : J'en conviens.

J'aimerais poser une ou deux questions à Quorum Corporation. Comme l'a déjà dit le sénateur Mercer, vous vous occupez de surveiller les grains dans ce coin-là depuis pas mal de temps. J'aimerais vous entendre à propos des ports et savoir si vous avez l'impression que ces derniers seront en mesure de manutentionner tout ce qu'ils recevront après l'adoption de cette loi. Vous avez signalé que l'arriéré de certains terminaux portuaires reste important. Je vais vous adresser une série de questions d'un coup, si vous permettez.

Vous avez dit que l'arriéré reste très important dans certains terminaux portuaires. Je veux vous demander ce que vous considérez comme normal quand vous dites que c'est toujours élevé, et comment revient-on à la normale?

Ensuite, vous avez dit avoir eu des récoltes exceptionnelles cette année. Corrigez-moi si je me trompe dans mon interprétation de ce que vous avez dit, mais vous avez affirmé que l'arriéré vous empêchait de ressentir les bienfaits de cette législation. Je me demande donc à quel moment vous allez en sentir les répercussions et ce qui va se passer s'il y a une autre récolte exceptionnelle l'année prochaine? Est-ce que nous faisons ce qu'il faut pour régler cela? Quand va-t-on en ressentir les effets?

Ce sont là trois ou quatre questions. J'espère que vous pouvez faire la lumière sur toutes ces questions.

M. Hemmes : Pour répondre à votre première question au sujet des terminaux portuaires et de leur capacité à s'occuper des choses, leur performance ces quelques dernières semaines en donne une idée. De fait, pendant la semaine 39, la dernière qui a été retracée, soit l'avant-dernière semaine, Vancouver a établi un record quant au volume déchargé. Ils ont déchargé 4 867 tonnes métriques. Prince Rupert a eu la deuxième semaine record de son histoire. La quantité totale déchargée sur la côte Ouest a été de 6 740 tonnes métriques. C'est la meilleure semaine de son histoire pour la côte Ouest. C'est à l'usage que l'on peut juger de la qualité d'une chose. Je crois que les terminaux portuaires peuvent s'en occuper.

J'ai fait quelques appels téléphoniques ce matin. Les dernières semaines, il est arrivé qu'il manque de wagons, donc j'en déduis qu'ils pourraient manutentionner encore plus que ce qu'ils ont fait à ce jour. Je ne suis pas inquiet.

Quant à l'arriéré, je souligne ce fait parce que nos réalisations à ce jour n'ont permis de transporter cette année que la même quantité de grain que l'année dernière, en fait un peu moins. J'en déduis que nous nous contentons de continuer à avancer. L'approche du printemps et cet été, il faudra accélérer le rythme pour transporter suffisamment de grain pour libérer les soutes, sinon nous allons avoir un problème.

Je crois que le ministre a mentionné hier que nous aurions déjà atteint un nombre record de livraisons cette année. Peu importe ce que nous faisons, les livraisons seront importantes. Même si la récolte est normale, on se retrouvera pas mal dans la même position qu'à l'automne dernier, où il fallait transporter d'importantes quantités de grain.

Il faut demander aux compagnies ferroviaires si elles sont prêtes à transporter de forts volumes de grain pendant tout l'été et tout l'automne jusqu'à l'hiver prochain.

L'autre chose qui préoccupe beaucoup de membres de l'industrie concerne la capacité à se remettre très vite des perturbations inévitables qu'amène la période hivernale, parce que l'expédition par rail pendant l'hiver est difficile. Ils doivent être en mesure de récupérer très vite.

Est-ce que j'ai répondu à vos questions?

Le sénateur Plett : Oui, je crois.

J'aimerais vous en poser une dernière, en vous demandant votre pronostic, si possible. Si vous ne voulez pas vous prononcer, j'accepterai cela. Nous allons entendre les compagnies ferroviaires, mais j'aimerais connaître votre point de vue à ce sujet. Tout le monde a lu les articles dans les médias affirmant que les compagnies ferroviaires passaient au transport d'autres produits — par exemple la potasse, le pétrole, et ainsi de suite — et ça a été un des problèmes qui a permis d'atténuer tous les enjeux ici.

Est-ce que votre surveillance vous a permis de constater que c'était vraiment un problème? Bien sûr, les compagnies ferroviaires disent non, qu'elles n'ont jamais remplacé le grain par d'autres produits : c'était simplement le dur hiver et d'autres circonstances qui ont créé les problèmes.

J'aimerais avoir votre point de vue, car c'est certainement une question que nous allons poser aux compagnies ferroviaires.

M. Hemmes : Je dirais que je ne crois pas que le pétrole soit le problème. Si vous étudiez leur contingent total de pétrole, en moyenne, ça correspond à environ 2 p. 100 par année de tous leurs transports, comparativement au grain, qui, pour le CN, représente 18 p. 100 et, pour le CP, autour de 22 p. 100. À cet égard, je ne vois pas d'effet possible.

L'autre élément, c'est que le pétrole est essentiellement déplacé vers le sud et un peu vers l'est. Le grain va vers l'ouest ou vers l'est, donc ces deux produits ne se font pas concurrence pour les équipages de toute façon, et ils n'utilisent pas le même genre d'équipement. Je ne vois pas cela comme faisant partie du problème.

Quand on parle de la potasse, ce secteur a lui aussi souffert cette année. Si ma mémoire est bonne, lors d'une réunion de Canpotex à laquelle j'ai assisté, la compagnie a dit avoir un arriéré de 400 000 tonnes cette année. La mauvaise performance des compagnies ferroviaires ne fait pas mal au secteur céréalier seulement, d'autres produits sont également touchés.

Vous pouvez blâmer l'hiver, mais ce n'est pas forcément le seul problème, puisque l'hiver vient tous les ans depuis que je suis né, et la température se refroidit.

La sénatrice Tardif : Je vous remercie de votre présence et pour vos déclarations.

Monsieur Pellerin, j'aimerais revenir sur certaines de vos observations et sur votre remarque sur les conséquences imprévues. Vous avez indiqué que les compagnies ferroviaires se concentrent peut-être sur les produits faciles d'accès. Comment s'assurer qu'elles vont faire plus que s'occuper des produits faciles d'accès?

M. Pellerin : Je crois que ça a un lien avec la dernière question au sujet de leur faible capacité. Un ou deux silos terminaux intérieurs sont également propriétaires de l'Alliance Grain Terminal de Vancouver. Je participe à la logistique permettant d'arriver à ce terminal portuaire. Quant à la question précédente, une chose qui sera importante, c'est que les compagnies ferroviaires portent attention aux besoins.

Si nous devons transporter ce genre de volume au cours de la prochaine année, il nous faut les bons wagons qui arrivent au bon moment pour correspondre aux jours d'arrivée des navires. Une des raisons pour lesquelles, du moins à mon avis, vous constatez actuellement de bons volumes déchargés à Vancouver, c'est qu'il y a encore 28 navires stationnés là à ne rien faire. À un moment donné, il faudrait être à jour et à ce moment-là, l'arrivée à temps du grain sera critique. Si le grain qui est nécessaire se situe au centre de la Saskatchewan, nous devons aller le chercher et la compagnie ferroviaire doit comprendre cela.

Je crois que nous avons non seulement besoin d'un engagement de leur part de mettre en place les ressources nécessaires, mais également la promesse de mettre le bon grain au bon endroit au bon moment.

La sénatrice Tardif : Y a-t-il une manière de réguler le transport du grain entre des corridors précis?

M. Pellerin : Je veux être prudent. Ce que nous pensions que serait le mode de fonctionnement du système le printemps dernier, c'était que la capacité du réceptionnaire à décharger saurait réguler un peu tout cela. Donc, si l'installation pouvait décharger 800 wagons par semaine, il était logique qu'elle affirme avoir besoin de 800 wagons et, dans la mesure où la compagnie ferroviaire les lui amènerait, tout serait parfait.

Ce que les compagnies ferroviaires ont adopté comme attitude, une fois que les récoltes sont apparues comme étant très élevées, c'est ce pourcentage historique. À mes yeux, ce n'était pas normal. Il est arrivé à l'automne qu'Alliance Grain Terminal n'ait que 250 wagons pour le chargement. Nous avions beaucoup plus, mais parce que nous ne recevions pas le nombre alloué, nous ne pouvions rien faire de cette capacité d'approvisionnement.

Le mode de répartition des wagons, du moins à mon avis, devrait mieux tenir compte du réceptionnaire et des besoins de ce dernier et de nos clients. J'espère avoir répondu à la question.

La sénatrice Tardif : Est-ce que vous considérez que ce projet de loi offre une solution à long terme à toute cette question du transport du grain au Canada?

M. Pellerin : Je vais vous dire ce que je pense que fait ce projet de loi. Je travaille dans ce domaine depuis — sans vouloir trahir mon âge — 37 ans. Ma présence ici et celle de Mark Hemmes, venus parler de grain avec vous, me font dire que ce projet de loi est une bonne chose. Il faut continuer. Il reste du travail à faire, parce que ce nouveau marché offre d'énormes débouchés. La taille des récoltes ne va pas diminuer, à moins d'une grave sécheresse ou autre catastrophe naturelle.

Je pense que le fait de réfléchir et de travailler sur une solution à long terme est très positif et je crois que la législation a retenu l'attention de tout le monde. Finalement, nous affrontons collectivement les compagnies ferroviaires pour qu'elles comprennent que nous en avons assez et qu'il faut améliorer les choses. Je crois que l'approche adoptée a été positive. Ce fut désagréable, mais positif.

La sénatrice Tardif : Pensez-vous que le projet de loi va assez loin?

M. Pellerin : Je serai prudent, parce que je ne veux pas être critiqué à l'extérieur.

Je crois qu'il y a encore lieu d'espérer. Il est évident que la situation des petits expéditeurs m'inspire encore des inquiétudes, et pas seulement la situation des silos terminaux indépendants que je représente, voire même quelques-uns des petits joueurs.

Mark en a parlé un peu; je crois que le deuxième gros problème vient du manque de communication. Il nous est très difficile d'obtenir de l'information auprès des compagnies ferroviaires et d'essayer de comprendre ce qu'elles veulent faire. Le message qu'elles vous adressent peut être différent du message que je reçois. C'est notre prochain défi. Je ne suis pas certain que vous pouvez légiférer les communications — c'est difficile — mais je vois cela comme étant notre prochain défi de taille.

Par ailleurs, comparativement à la situation de départ, je crois que nous avons fait de grands pas depuis peu.

La sénatrice Tardif : Monsieur Hemmes, voulez-vous commenter?

M. Hemmes : Le point que soulève Perry est vraiment important, parce qu'une partie des problèmes, c'est que les communications entre les expéditeurs et les compagnies ferroviaires ne sont pas ce qu'il y a de mieux; il y a des problèmes quant aux méthodes et quant aux messages. Je pense que si ces deux groupes pouvaient s'asseoir et se parler comme des égaux, nous réussirions beaucoup mieux à résoudre quelques-uns des problèmes. Une des difficultés que nous avons rencontrées jusqu'à présent, c'est qu'ils ne se parlent pas en tant qu'égaux pour des raisons telles que la force de leurs marchés respectifs.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur le président. Évidemment, je veux revenir sur la question soulevée par la sénatrice Tardif. Elle a fait remarquer que le projet de loi à l'étude aujourd'hui a pour but, entre autres, de trouver des solutions à long terme pour régler le problème du transport du grain. Je comprends aussi la nécessité de faire preuve de prudence. Vous avez aussi mentionné aux autres collègues qu'il faudrait résoudre le problème des communications. Seriez-vous prêt à envisager d'autres solutions? Nous sommes conscients que le présent projet de loi s'inscrit dans une perspective à long terme. Pourrait-on prendre d'autres mesures pour améliorer la situation, puisque l'on sait que le transport du grain est de plus en plus important?

[Traduction]

M. Pellerin : À mon avis, nous examinons les ententes de services et ces dernières pourraient considérablement responsabiliser toutes les parties quant à leur rendement. Si votre rendement est nul, il y aura une pénalité. Je pense qu'on doit en arriver là.

Comme je l'ai déjà dit, ce qui est malheureux dans tout ça, c'est qu'on ne peut en faire un processus lourd et compliqué, comme ce fut le cas pour les plaintes relatives au niveau de service, car cela ne serait pas une option envisageable pour les petits expéditeurs ou un indépendant. Il reste du travail à faire de ce côté-là. Nous devons nous assurer que le processus répond à ce que je croyais être son objectif, c'est-à-dire être plus facile d'emploi.

Je crains que le processus ne s'enlise et que presque tout le monde fasse intervenir ses avocats et tout le tralala, et ce n'est bon pour personne. Si on regarde l'histoire, on m'a souvent demandé pourquoi il n'y avait pas plus de plaintes quant à la qualité du service. Une des raisons pour cela, c'est le coût et le temps que cela exige. Lorsque vous vous attaquez à une compagnie ferroviaire, vous affrontez la petite brute de la classe. C'est une chose très difficile à faire. Il est à espérer que les ententes de services n'emprunteront pas cette voie.

Je ne sais pas si cela répond à votre question.

Le sénateur Robichaud : Monsieur Pellerin, vous avez dit que vous aviez l'impression qu'il y avait une faiblesse dans le mode de répartition des wagons. Auparavant, vous receviez 18 wagons par semaine et maintenant, vous en recevez 30, et cela va vous causer de sérieux problèmes. De combien de wagons avez-vous besoin pour desservir votre région?

M. Pellerin : Comme l'a indiqué Mark, nous nous sommes réunis avec les compagnies ferroviaires et leur avons donné un chiffre en leur disant que pour chacun de ces endroits où chacun de ces groupes d'indépendants, voilà le nombre de wagons dont nous avons besoin par semaine. Je crois qu'une partie de ce total tient compte du fait que non seulement nous avons besoin d'un certain nombre de wagons — nous leur donnons un chiffre pour l'ensemble du groupe que je représente. Ce n'est pas tous les membres de l'ITAC, mais pour le groupe que je représente, nous leur donnons le chiffre d'environ 225 wagons par semaine. L'élément à retenir, c'était que nous devions toujours recevoir 225 wagons. On ne peut avoir une situation comme celle qui s'est présentée cet hiver, lorsque nous recevions 75 wagons certaines semaines et que nous devions essayer de les répartir entre sept silos élévateurs. Vous devez téléphoner à ces gars-là et leur dire qu'ils vont en recevoir chacun 10. Vous ne pouvez faire des affaires de cette façon; ce n'est pas viable.

Nous avons dit aux compagnies ferroviaires que nous étions prêts à nous engager à prendre un nombre fixe de wagons et que si nous ne les utilisions pas, il y aurait une pénalité. Les compagnies ferroviaires engagent des frais pour réunir le carburant, les équipages et les ressources humaines, nous comprenons cela, mais nous devons recevoir un service constant et ce qu'on demande n'est pas beaucoup plus que ce que leurs propres calculs leur disent que nous devrions obtenir.

Par exemple, s'ils gèrent 5 000 wagons par semaine, le groupe que je représente obtient environ 200 wagons. Vraiment, tout ce que nous avions demandé, c'était 225 wagons. Nous ne demandions que la constance. Pendant cette période couvrant la semaine 7 jusqu'à maintenant, si nous avions reçu 225 wagons par semaine, je crois qu'on s'en serait assez bien sorti. Si vous en recevez 70, 60, voire moins que cela pour le groupe, il n'y a pas moyen de s'en sortir. Il est arrivé que des installations aient un arriéré de mille wagons. On ne peut pas rester en affaires en procédant de cette manière; ça ne marche pas.

Le sénateur Robichaud : Donc cela aura une incidence directe sur les agriculteurs qui sont membres de votre groupe, n'est-ce pas?

M. Pellerin : En effet. En janvier, il y avait des installations qui devaient faire ce qu'on appelle une offre nulle. Autrement dit, si vous étiez un producteur et que vous vous rendiez à un silo élévateur pour lui offrir votre canola, l'installation allait refuser de vous faire une offre parce qu'elle ne pouvait pas l'acheter.

Non seulement il n'y avait plus de place dans l'installation, nous ne prévoyions aucune autre vente, tellement nous étions en retard et que nous ne pouvions nous permettre d'augmenter nos risques. Nous payions déjà des surestaries, donc nous pensions devoir attendre jusqu'en juillet pour se rattraper. Nous ne pouvions nous permettre de faire d'autres ventes, donc nous avons dit aux producteurs que nous ne pouvions rien faire pour les aider.

Le sénateur Robichaud : Est-ce que ces personnes étaient des clients réguliers? Qu'est-ce qui est arrivé? Est-ce qu'elles sont allées l'offrir ailleurs?

M. Pellerin : Malheureusement, certaines étaient des actionnaires. Dans certains endroits, elles faisaient partie du conseil et le PDG devait leur dire que, malheureusement, l'installation ne pouvait prendre leur grain. Elles ont été obligées, soit de trouver une autre installation qui était en mesure de prendre leur grain — et malheureusement ce pouvait être un de nos gros concurrents — soit elles se mettaient dans la position difficile de garder leur production et d'attendre que les choses s'arrangent, ce que certains pourraient être en train de faire encore aujourd'hui.

Ce qui complique les choses pour ces producteurs, c'est qu'actuellement, ils essaient de mettre une nouvelle semence en terre, ce qui exige des intrants agricoles et une graine et tout cela. Je pense que certains de nos clients ont vécu une situation financière difficile l'année dernière.

[Français]

Le sénateur Robichaud : J'ai une question à poser aux participants à la téléconférence.

[Traduction]

Monsieur Hemmes, vous et votre associé assurez la surveillance des grains et du transport du grain et tout ce qui a rapport avec cela. Vous avez indiqué qu'à un moment donné, Statistique Canada a établi que la récolte s'élèverait à 65 millions de tonnes. En novembre, l'organisme a sorti le nouveau chiffre de 75 millions de tonnes. Quand vous avez entendu cela, vous avez certainement réalisé qu'il y avait un grave problème à l'horizon. Quand est-ce que les autorités ont été mises au courant de cette situation qui vous attendait au détour?

M. Hemmes : Ils étaient au courant à ce moment-là, quand le chiffre prévu était de 65 millions de tonnes. Une récolte normale s'élèverait à environ 55 millions de tonnes. C'est passé à 65, et plus tard, un autre 10 millions s'est ajouté. À ce moment-là, les compagnies ferroviaires avaient déclaré qu'elles allaient livrer 5 000 à 5 500 wagons par semaine chacune. À partir de cette période jusqu'à la fin octobre, elles ont plutôt bien respecté ce nombre. C'est vers la fin octobre que tout s'est effondré.

La crise ne s'est pas vraiment pointé le nez avant début décembre, quand il est paru évident que la combinaison d'un excédent de 10 millions de tonnes et d'un mauvais service de la part des compagnies ferroviaires allait devenir un problème.

Nous discutions avec des fonctionnaires d'Agriculture Canada et de Transports Canada et leur disions qu'une crise était imminente. Proche de Noël, c'est devenu vraiment évident. Comme l'a dit Perry, c'est à peu près à ce moment-là que l'offre à l'exportation a vraiment commencé à s'agrandir, les compagnies céréalières envoyant ce signal.

Je veux également faire remarquer que ce ne sont pas seulement les silos élévateurs d'ITAC qui ont passé leur tour pour acheter pendant cette période. Les grosses compagnies céréalières ne faisaient pas d'offres non plus, parce qu'il n'y avait plus d'espace pour le grain ni aucune marge à vendre. On pourrait dire que le programme de ventes a lui aussi commencé à fermer juste autour de Noël. Ils venaient de se rendre compte qu'il n'y avait pas lieu d'essayer de vendre puisque les navires étaient refoulés au port, et que nous étions en difficulté.

Le sénateur Robichaud : Quand cette situation troublante a-t-elle atteint le niveau de la crise? Avez-vous dit janvier ou décembre?

M. Hemmes : Je dirais que l'ampleur du problème a commencé à apparaître début décembre.

J'aimerais aussi souligner que je ne pense pas qu'il y ait eu une seule personne dans le secteur qui ait cru une seconde que les compagnies ferroviaires seraient en mesure de transporter toute cette récolte. J'ai posé la question aux PDG des grosses compagnies céréalières et ils m'ont tous répondu qu'ils n'ont jamais cru être en mesure de transporter la récolte. Tout le monde savait que l'année en serait une de grosses livraisons.

Ce qu'ils espéraient, et je pense que vous allez apprendre que le ministre Ritz — je ne veux pas lui faire dire ce qu'il n'a pas dit, mais tout le monde s'attendait à ce que nous en prenions une grosse partie cette année. S'il n'y avait pas eu le décret, je ne pense pas que nous en aurions pris une grosse partie, peu importe les circonstances.

Le sénateur Robichaud : Mais comment expliquez-vous le temps qui s'est écoulé entre le moment où il est devenu évident qu'il y avait une crise et le moment où des mesures ont été prises pour que le grain soit transporté? Il y a eu quelques mois entre ces deux dates.

M. Hemmes : Il y avait des discussions entre le gouvernement, les compagnies ferroviaires et le secteur agricole pour tenter d'en arriver à un plan. Je dirais que lorsque ces discussions se sont mises à piétiner, que c'est à ce moment-là qu'ils ont pris la décision.

Encore une fois, je ne peux rien dire des intentions du gouvernement pendant cette période, mais j'ai assisté à un certain nombre de réunions pendant lesquelles le ministre a vraiment essayé de mettre les parties d'accord et de convenir d'un plan différent.

Le sénateur Oh : Merci, messieurs. Jusqu'à présent, on nous a dit que le système s'était amélioré et était plus efficace, mais pourquoi? Est-ce qu'il y a des problèmes de communication? Ils ont dû se rendre compte d'avance que la récolte serait exceptionnelle et qu'il y aurait de grosses quantités à transporter. Même en l'absence d'une récolte exceptionnelle, le système devrait quand même se rendre jusqu'au port de Vancouver ou de Prince Rupert. Pourquoi y a-t-il des navires qui attendent encore le grain? Je pense que les communications constituent un grave problème entre les agriculteurs ou les compagnies céréalières et les compagnies ferroviaires. Pouvez-vous expliquer cela?

M. Pellerin : Je crois qu'en général, la communication est sans doute le plus grave problème que nous ayons. Comme l'a indiqué Mark, fin octobre, début novembre, on se rend compte qu'on a un gros problème. Quand vous parlez aux compagnies ferroviaires, ça prend un mois avant qu'elles vous répondent, donc il ne faut pas espérer qu'elles tentent de résoudre un aussi gros problème. On entend souvent dire que les gouvernements sont lents à réagir, mais je crois que ce n'est rien, comparé à toute tentative de négociation ou de collaboration avec les compagnies ferroviaires. Je crois que c'est notre plus gros problème. Ça prend vraiment trop de temps. Je crois que les compagnies ferroviaires espéraient que l'hiver ne serait pas trop rude ou que quelque chose allait tomber du ciel pour sauver la situation, mais ça ne s'est pas produit. Ce n'est qu'en décembre que tout le monde s'est dit que ça suffisait et qu'on avait un gros problème. Il fallait prendre des mesures. Il n'y avait plus de place pour le dialogue. Quelque chose devait se passer et je pense que c'est ce qu'a fait le gouvernement.

Le sénateur Oh : Mais vous devez avoir le flux normal et les camions qui se rendent au port.

M. Pellerin : J'ai déjà travaillé pour les chemins de fer. Au cours de mes 22 années au CN, et je sais que Mark était là, je n'ai jamais vu 69 navires à Vancouver et je n'ai jamais vu 17 navires à Prince Rupert.

Pour moi, nous savions que la situation était mauvaise. La situation a empiré et nous devions prendre ce genre de mesures. Un si grand nombre de navires refoulés nous amènera à la fin de l'été avant qu'il y ait quelque espoir de combler le retard. Comme Mark l'a indiqué, nous parvenons à peine à garder la tête au-dessus de l'eau avec ce qu'elles font aujourd'hui. Si jamais on a une autre récolte exceptionnelle — je ne crois pas que nous soyons encore sortis du bois. Même si, comme on l'a mentionné, nous avons près de 28 millions de tonnes à livrer, si la récolte est moyenne, nous aurons des problèmes l'année prochaine.

On peut supposer sans trop s'avancer que les compagnies de chemin de fer sont très au courant de la nature de ces défis. Comme l'a mentionné Mark, je crois que l'hiver reviendra, donc il faut être prêt l'année prochaine. Elles ne peuvent invoquer aucune excuse pour ne pas être prêtes et nous devons attendre cela de leur part.

On a mentionné précédemment d'autres produits. Nous avons tous le droit de transporter notre produit. Je ne fais pas la lutte au gars qui produit de la potasse ou au gars du pétrole. Je crois que nous avons tous le droit de transporter ce qu'il faut.

Le président : Dans un esprit de collaboration, avant d'examiner le deuxième panel, il nous reste quatre minutes, donc, pour une deuxième série de questions, les sénateurs Plett et Mercer ont chacun deux minutes.

Le sénateur Plett : Également à la lumière de l'esprit de collaboration qui existe, je vais poser une question rapide à M. Pellerin. Vous avez affirmé, monsieur, avoir besoin de 200 wagons par semaine.

M. Pellerin : Je crois que c'était environ 225. Je veux être prudent. Je ne veux pas négocier.

Le sénateur Plett : Bien, à toutes fins utiles, je dirai que vous avez droit à 250 wagons.

La question que je vous pose, c'est qu'il est évident que vous n'êtes pas le plus gros joueur, donc par comparaison, qu'est-ce qu'exigerait Viterra?

M. Pellerin : Si je vous disais 150 wagons, seriez-vous d'accord? Vous savez quoi : je ne vois pas et je ne connais pas leur carnet de commandes. Il ne serait pas du tout juste de ma part de suggérer un chiffre, parce que ce serait délicat. Je m'attirerais probablement plus d'ennuis que ça ne le vaut.

Le sénateur Plett : Vous conviendrez que, par rapport aux Viterras et aux Cargills de ce monde, vous n'êtes pas un gros joueur, si vous vous comparez à eux?

M. Pellerin : Non, nous ne le sommes pas. Je considère que les indépendants dans leur ensemble représentent ce que vous pourriez classer dans les petits expéditeurs. Nous manutentionnons quand même 2,5 millions de tonnes dans une campagne agricole normale. Si vous voulez faire le calcul, vous pouvez regarder ce qu'ils manutentionnent et je vous le ferai savoir.

Le sénateur Mercer : Je veux soulever deux points très importants. Vous avez dit qu'au début octobre, nous étions en sérieuse difficulté. Quelqu'un d'autre a placé la situation de crise au début de septembre, et on a qualifié tout cela de très grave pour bien mettre en évidence toutes ces circonstances. Début décembre, fin octobre, et le gouvernement ne fait rien avant mars. Est-ce que la situation serait meilleure si le gouvernement avait réagi en janvier au lieu d'attendre jusqu'en mars, étant donné qu'il devait assimiler l'information pour décembre et octobre?

M. Pellerin : Vous savez quoi, selon mon expérience personnelle des relations d'affaires avec les compagnies ferroviaires, vous pouvez tenir beaucoup de réunions avec elles et elles peuvent vous montrer beaucoup de chiffres, vous dire beaucoup de choses qui vous font croire qu'elles ont une idée de ce qui va changer ou de ce qui va arriver, et vous pensez qu'il y a de l'espoir.

J'ai vu une personne, un gouvernement ou quiconque être induit en erreur du fait d'avoir organisé une ou des rencontres avec les compagnies ferroviaires en pensant que les choses allaient s'améliorer. Il m'arrive vraiment de parier aux courses un peu. Avec du recul, si je savais qui allait gagner la course, il serait plus facile de parier.

Dans le cas présent, les compagnies ferroviaires peuvent être très convaincantes, ce sont des organisations puissantes et quand elles vous disent que les choses vont s'améliorer, je peux comprendre que les gens croient ou veulent croire la chose.

Le sénateur Mercer : Malheureusement, non seulement elles sont les propriétaires des chevaux, mais elles possèdent également le champ de courses.

La question qui est mise en évidence ici, c'est le manque de communication et l'échec des ententes de services qui sont censées exister entre les expéditeurs et les compagnies ferroviaires. Elles ne fonctionnent pas. Il n'y a pas d'ententes conclues. Si je me fie à ce que nous avons entendu jusqu'à présent, les compagnies ferroviaires ne veulent pas avoir des ententes de services, mais vous avez mentionné précédemment que le coût de signature de ces ententes est prohibitif. Quel est le coût, de votre point de vue? Vous êtes un petit opérateur dans un vaste océan de transporteurs de grain et de transporteurs ferroviaires.

M. Pellerin : Eh bien, nous avons entendu dire que, pour un expéditeur individuel, on parle de 75 000 à 100 000 $ au moins, pour conclure une entente de services.

Le sénateur Mercer : Ouah!

Le sénateur Robichaud : Est-ce qu'on pourrait se retrouver dans la même situation l'année prochaine, en dépit de cette législation? Ça dépend de la récolte.

M. Pellerin : Si c'est le cas, je serais la personne la plus déçue au pays.

Le sénateur Robichaud : Nous le serions nous aussi.

M. Pellerin : Il y a tellement de personnes qui sont maintenant au parfum à propos des enjeux et qui posent les bonnes questions, comme vous le faites aujourd'hui vous-mêmes. Si nous sommes dans la même situation ou dans une situation pire au printemps prochain, je serai embarrassé en tant que Canadien. Je ne trouverais pas cela acceptable.

Je pense que ce processus et la législation aident. Nous allons dans la bonne direction, donc il faut garder le pied sur l'accélérateur.

Le président : Monsieur Pellerin, monsieur Hemmes et monsieur McFadden, nous vous remercions de nous avoir fait part de vos observations et réflexions.

Mes chers collègues, nous éprouvons des difficultés techniques avec le matériel de vidéoconférence. Cela dit, nous allons commencer en raison du peu de temps à notre disposition et lorsqu'ils se connecteront, nous nous mettrons immédiatement en rapport avec eux.

Chers collègues, le prochain groupe est composé de M. Merv Tweed, président d'OmniTRAX. Nous devions avoir par vidéoconférence M. Ken Eshpeter, président-directeur général de la Battle River Railroad.

Nous demandons à M. Tweed de faire son exposé, qui sera suivi des questions des sénateurs.

Monsieur Tweed, pour mémoire, j'aimerais, en tant que président du comité, signaler que vous êtes l'ancien président du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes. Je crois que c'est la première fois qu'un ancien président de comité comparaît devant notre comité.

Vous avez la parole.

Merv Tweed, président, OmniTRAX : Merci beaucoup et je vous souhaite un bon après-midi. Je vais simplement vous donner un bref aperçu avant de formuler une ou deux observations concernant directement la législation.

OmniTRAX Canada est propriétaire de la Carlton Trail Railway en Saskatchewan et de la Hudson Bay Railway au Manitoba; nous possédons également une petite partie de la Kettle Falls Railway en Colombie-Britannique, laquelle assure la correspondance avec l'Oregon au sud.

Nos activités couvrent l'ensemble de l'Amérique du Nord. Il y a 17 lignes ferroviaires que nous exploitons — sur de courtes distances. Nous sommes le plus important propriétaire indépendant de lignes ferroviaires sur courtes distances en Amérique du Nord et, pas plus tard qu'hier, nous avons annoncé l'achat des installations portuaires et ferroviaires de Brownsville au Texas.

Notre croissance se continue donc. Ces dernières années, avec l'aide du gouvernement fédéral, nous avons revitalisé des installations portuaires, en leur apportant essentiellement des améliorations. Je pense que je vais dire une chose tout de suite pour ne pas l'oublier.

Une des améliorations apportées nous a permis de doubler la capacité de chargement et de déchargement de nos installations portuaires, ce qui est très important lorsqu'on parle de durée de cycle dans le secteur ferroviaire. Autrefois, ce cycle tournait autour de 17 à 22 jours, pour la simple raison qu'il y avait des retards dans le transbordement du produit. Maintenant, nous pouvons effectuer un cycle en 6,5 à 7 jours. Nous avons donc sensiblement amélioré notre capacité à desservir les communautés que nous représentons.

Nous offrons également un service marchandises. Nous assurons le service maritime dans la région de la baie d'Hudson et nous exploitons également des services voyageurs pour VIA Rail au nord.

Le fait d'être situé à Churchill nous donne l'avantage concurrentiel d'être en mesure d'expédier par bateau à destination de Rotterdam en 2,75 jours, à Liverpool en 2,68 jours et à Oslo en 2,85 jours. Nous sommes donc bien placés pour transporter des produits vers d'autres parties du monde dans un très court délai.

En ce qui concerne l'enjeu dont il est question aujourd'hui, pour ce qui est de la législation, l'année dernière, OmniTRAX, au port de Churchill, a transporté 640 000 tonnes métriques de grain, ce qui correspond à environ 7 000 wagons de train. Le mois d'octobre a été le mois le plus occupé de l'année. Pendant ce mois, nous avons effectué presque le tiers de nos chargements. Pour nous, la saison commence habituellement à la mi-juillet et, si nous sommes chanceux, elle continue jusqu'au 15 novembre. Nous devons donc positionner beaucoup d'activités dans un cycle de quatre mois et demi.

L'introduction du projet de loi nous montre qu'il y a certainement un appui en faveur de cela. Pour nous, la grandeur de la zone de manœuvres nous amène à une localité qui s'appelle Hudson Bay. C'est une zone de production céréalière assez importante. Directement au sud, il y a une autre communauté, qui s'appelle Kenora, laquelle est une immense zone de production céréalière. Si je devais faire une suggestion, une de celles qui nous favorisent, je proposerais de l'étendre jusque-là. Je ne suis pas certain que vous soyez prêts à faire cela ou que vous vouliez le faire, mais je crois que notre principale préoccupation — et je crois que vous allez sans doute entendre la même chose de plusieurs propriétaires de chemin de fer d'intérêt local — concerne la capacité des wagons et la disponibilité des wagons.

Il est évident que la pression exercée sur le CN et le CP pour qu'elles livrent un nombre établi de wagons toutes les semaines — et que ce soit elles qui doivent le faire — les fait regarder les opérations de tous les autres et fondamentalement elles sont obligées par règlement de livrer ce nombre. Qui en souffre ou qui peut perdre au change entre-temps est une question qui nous préoccupe, et c'est quelque chose que nous examinons avec le CN. Je leur ai parlé pas plus tard qu'aujourd'hui. Je suis convaincu que nous avons trouvé une solution, mais c'est l'une de nos principales préoccupations.

Antérieurement, nous avions deux exportateurs de base, soit Richardson International à Winnipeg, et la Commission canadienne du blé. Les changements apportés à la Commission canadienne du blé nous ont permis de croître. L'année dernière, nous avions cinq expéditeurs. Cette année, on pourrait en avoir huit. Donc, nous accroissons le marché et nous accroissons les débouchés.

L'année dernière, nous avons traité 650 000 tonnes métriques en tout. Nous croyons que les changements apportés et les améliorations subies par notre système de livraison par rail nous permettent de viser un objectif d'un million.

Nous savons que ce n'est pas la réponse à tous les problèmes dans le secteur du grain, mais nous croyons que c'est une partie de la solution. Nous travaillons très fort avec le CN pour avoir les wagons disponibles rapidement, de sorte que nous puissions atteindre ces objectifs.

Une des choses qui a changé à la suite de l'importante récolte de l'année dernière, c'est notre service ferroviaire qui commence habituellement en mai, où nous commençons à transporter les produits jusqu'au port en vue de leur expédition en juillet. Tout le cycle a été touché. Il y a tellement de grain sur le marché que tout le monde en expédie tous les jours, pour essayer de l'amener sur les marchés.

Nous effectuons du transport actuellement en raison de la température et du climat. Nous avons loué 50 wagons et nous les utilisons régulièrement. Nos installations portuaires seront probablement pleines d'ici 20 jours. Le volet du système de répartition des wagons qui veut qu'on attribue les wagons en mai, juin et juillet ne fonctionne pas pour nous, pour la simple raison que nous n'avons pas de navires en raison de l'état de la glace et que nos silos sont pleins.

Donc, une partie de notre proposition consiste à demander qu'on remette ces wagons sur le circuit principal, ce qui permettra de soulager la pression dans d'autres régions du pays. Donnez-nous le nombre prévu de wagons, mais commencez en juillet, août, septembre et octobre. Encore une fois, si nous pouvons faire cela, nous aurons alors une saison de livraison de grain très rentable.

De plus, comme vous l'avez indiqué dans votre présentation, j'ai grandi dans une communauté rurale. Je sais ce qu'endurent les agriculteurs lorsqu'ils ne sont pas en mesure de transporter leurs produits et je sais ce qu'ils subissent actuellement. J'ai organisé des réunions partout dans le nord de la Saskatchewan et du Manitoba et tout le monde subit les contrecoups. Tout le monde craint de ne pas avoir le nombre suffisant de wagons pour transporter son produit. C'est dû en partie aux exigences placées sur les deux principales compagnies mais il y a également le goulot d'étranglement du marché.

Je vais m'arrêter ici et je vais plutôt répondre à vos questions. Avant, je voudrais ajouter que nous avons transporté 275 tonnes en un mois l'année dernière — le mois d'octobre — et que ce fut une année record pour nous. Ça faisait à peine un mois que j'étais entré en fonction et la première question que j'ai posée à nos propriétaires a été la suivante : « Pourquoi travaillons-nous seulement 16 heures par jour alors que nous avons les moyens de travailler 24 heures et que nous sommes capables de transporter cette quantité additionnelle de grain? »

Cette année, nous allons mettre cela en place et passer à la journée de 24 heures. Nous avons commencé à préparer notre personnel. Si vous êtes déjà allé à Churchill, vous savez que c'est très différent d'ici, le climat y est très rigoureux toute l'année. Mais nous pensons qu'avec cette étape, nous pouvons augmenter notre capacité de 250 000 ou 300 000 tonnes. Bien sûr, cela aide — nous n'allons pas le nier —mais je crois aussi que cela aide le CN et le CP ainsi que d'autres transporteurs de grain à soulager certaines tensions.

Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, la durée des cycles nous a toujours posé des difficultés. Je peux vous assurer que nous nous sommes attaqués à ce problème et que nous continuons à nous y intéresser. Nous comprenons que, si nous sommes en retard par rapport à nos prévisions, cela peut poser des problèmes pour le CN. Bien que nous ne soyons pas directement concernés par le transport des grains, surtout après le mois de novembre, pour être juste envers le CN et le CP, cette année a été particulièrement difficile, non seulement à cause de l'excédent de grains et de wagons, mais aussi parce que la météo a été abominable. Nous avons eu plus de défis à relever cet hiver que tout au long de notre histoire.

Je ne veux dédouaner personne, mais j'ai suffisamment d'expérience pour savoir que, lorsque l'on perd quelque chose, ce n'est pas toujours le porteur qui est fautif; la responsabilité peut se trouver ailleurs dans la chaîne d'approvisionnement. Nous devons faire attention de ne pas mettre en place trop de réglementations sans bien en mesurer les conséquences. Chaque action provoque une réaction, et elle n'est pas forcément positive. Je suis sûr que certains de ces groupes se plaignent en ce moment, car ils sont frustrés, et nous le sommes aussi. En ce moment même, huit expéditeurs refusent de confirmer ou de s'engager envers nous si nous ne pouvons pas garantir que nous leur fournirons les wagons, et je les comprends.

Merci

Le président : Merci, monsieur Tweed.

Le prochain intervenant sera M. Eshpeter, président-directeur général de Battle River Railroad. Nous vous poserons des questions ensuite.

Ken Eshpeter, président-directeur général, Battle River Railroad : Merci, monsieur le président. Je suis le président-directeur général de la coopérative Battle River Railroad New Generation. Nous avons choisi le modèle d'affaires coopératif lorsque nous avons fait l'acquisition du chemin de fer parce que cela réunit le modèle de cultures et l'éthique que recherchent nos actionnaires.

Lorsque la coopérative Battle River Railway New Generation a été constituée en société en tant que compagnie de chemin de fer certifiée en juin 2010, nous avons adopté la devise suivante : « Une compagnie de chemin de fer locale et conviviale ». Notre objectif était de maintenir et d'améliorer 60 milles d'une ancienne ligne secondaire du CN pour le transport du grain et d'autres services ferroviaires en fonction des possibilités.

La législation fédérale a donné la possibilité à notre coopérative d'acheter Alliance au CN, et nous en sommes très heureux. Cependant, maintenant que nous sommes les propriétaires et exploitants, nous nous apercevons que nous avons très peu de poids. Nous sommes convaincus que, si la législation fédérale permet à deux grands oligopoles de contrôler l'intégralité du système ferroviaire, alors une entité doit accepter de jouer le rôle d'arbitre.

Beaucoup de choses peuvent empêcher Battle River Railway de créer une ligne locale qui soit viable et dynamique, mais je vais m'arrêter sur deux obstacles principaux : la répartition des wagons et la tarification; autrement dit les prix que nous sommes contraints de faire payer à nos clients, mais aussi ce que notre partenaire de correspondance, le CN, veut facturer à nos clients.

Une ligne locale est à la merci de ses partenaires de correspondance — en l'occurrence, le CN —, pour ce qui est de la répartition des wagons. Cet hiver, la répartition des wagons a accusé un énorme retard. Pour vous donner un exemple, Battle River Railway a des commandes pour les semaines 31, 32 et 33, c'est-à-dire les trois premières semaines de mars. Nous devions recevoir 50 wagons par semaine pour chacune de ces trois semaines. Nous entrons maintenant dans la semaine 42 et nous ne savons toujours pas quand ni comment le retard pour ces wagons va être résorbé.

Je voudrais ajouter quelque chose. Battle River Railway, comme d'autres lignes courtes partout dans les Prairies, est unique. Nous sommes agriculteurs, et nous sommes aussi propriétaires de la ligne de chemin de fer et je porte souvent plusieurs casquettes. Du point de vue de la gestion des chemins de fer, mes objectifs, si je ne représentais que les intérêts des chemins de fer, seraient sans doute un peu différents. Mais je suis exploitant de chemin de fer et agriculteur. J'ai donc des intérêts particuliers, et j'essaie aussi de transporter mes propres grains sur notre petite ligne.

Quand, au printemps, le gouvernement fédéral a mis en place ses exigences de performance, le problème de la répartition des wagons pour les chemins de fer d'intérêt local a empiré. Les grandes compagnies de chemin de fer ont tout simplement envoyé davantage de wagons aux expéditeurs de grande taille et à ceux situés à proximité d'un port pour donner l'illusion d'une augmentation des volumes transportés. Les chemins de fer d'intérêt local ont souffert. La Saskatchewan a souffert, parce que la majorité des silos de la Saskatchewan et des installations de répartition des grains sont plus éloignés des ports.

La réglementation aurait dû obliger le CN et le CP à essayer de transporter les grains, mais aussi à distribuer ces mouvements normalement. Sinon, il y a de grands gagnants et de grands perdants. Le système de répartition des wagons doit être plus fiable et plus transparent pour que tous les acteurs du secteur du chargement des grains puissent jouer leur rôle.

Il est également crucial que les plus petits acteurs du secteur des grains puissent développer leur affaire. Il semblerait que les grosses compagnies de chemin de fer aient récemment réparti les wagons en fonction des volumes d'affaires passés. Alors que beaucoup de problèmes se sont fait jour dans le transport ferroviaire avec comme conséquence que les gens du rail ont des difficultés à assurer les services qu'ils proposent, les possibilités de développement se sont fortement réduites pour les petites compagnies.

L'autre gros problème que rencontrent les lignes d'intérêt local, c'est la tarification. Le problème de la tarification n'est pas si important pour le transport des grains, mais il est vital pour une ligne d'intérêt local qui cherche à trouver de nouveaux marchés. Vous savez tous que, ces derniers temps, le pétrole est transporté en train. Chez Battle River, nous sommes sur le point de pouvoir proposer des services de transport d'hydrocarbures aux plus grandes entreprises pétrolières. Il faut mettre en place une surveillance, ou au minimum créer un mécanisme d'appel, pour permettre aux chemins de fer d'intérêt local de trouver de nouveaux marchés.

Je vais donner un exemple. Battle River Railway pense qu'il faut travailler en partenariat avec le CN. Il semblerait que, si l'on achète une ligne secondaire désaffectée du CN, on soit automatiquement partenaires. Nous pouvons proposer les tarifs les plus compétitifs qui soient pour gagner de nouveaux marchés, si le CN ne coopère pas en proposant des tarifs de transport compétitifs du lieu de correspondance jusqu'à la destination, les chemins de fer d'intérêt local n'ont aucun moyen de gagner de nouveaux marchés.

J'essaie de démontrer que le fait de permettre à des compagnies comme Battle River Railway d'acheter un chemin de fer d'intérêt local ne constitue qu'une étape d'un enjeu plus général, celui de proposer un service à l'échelle du pays. L'autre étape, c'est d'essayer de faire en sorte qu'il soit possible pour le chemin de fer d'intérêt local de transporter des marchandises et de se développer.

C'était ma conclusion. Je serai ravi de répondre à vos questions.

Le sénateur Mercer : Merci messieurs d'être venus témoigner.

Monsieur Tweed, quand la glace disparaît-elle et quand serez-vous en mesure de transporter?

M. Tweed : Généralement, notre premier transport a lieu entre le 12 et le 16 juillet.

Le sénateur Mercer : Vous avez évoqué l'augmentation de capacité à Churchill. Donnez-nous des chiffres.

M. Tweed : En gros, en modifiant le système de transbordement de notre port, non seulement pour les wagons, mais aussi pour les navires, nous avons pu réduire de moitié le temps nécessaire. Je vais prendre le mois d'octobre comme exemple, simplement parce que cela a été un bon mois pour nous. Nous avons transporté 310 000 tonnes, parce que nous avons reçu un flux régulier de wagons de grains, 17 heures par jour environ.

Le sénateur Mercer : Et de passer de 16 à 24 heures...

M. Tweed : Nous espérons une augmentation de 30 p. 100.

Le sénateur Mercer : Quelle est la situation du ballast sur la voie de Churchill?

M. Tweed : Les gens posent toujours cette question. Grâce aux gouvernements provinciaux et fédéraux, et par le biais d' OmniTRAX, nous avons investi 110 millions de dollars dans les voies ces huit ou neuf dernières années. Nous avons une portion de 75 milles, les 75 derniers milles, qui traverse la toundra, et c'est toujours un défi, mais je suis fier de pouvoir dire que c'est notre troisième année sans incident majeur. Les choses se sont améliorées, et nous continuons d'investir entre 6 et 10 millions de dollars par an uniquement pour la maintenance.

Le sénateur Mercer : Espérons que ce n'est pas simplement parce que c'est encore gelé.

Pour nos amis de Battle River Railway, le modèle coopératif est intéressant. Vous avez dit qu'il fallait plus de transparence, mais vous avez aussi évoqué le manque de coopération avec le CN. Envisagez-vous un plan d'ensemble — M. Tweed pourra peut-être répondre également — pour le transport des grains et d'autres produits agricoles? Nous avons fait d'importants changements, mais nous traversons une sorte de crise en ce moment. Quelqu'un a-t-il un plan pour sauver la situation, pas seulement cette année, mais à long terme?

M. Eshpeter : Nous n'avons connaissance d'aucun plan. On ne nous a pas demandé, en tant qu'exploitant d'une ligne d'intérêt local, de soumettre des idées sur la manière de remédier à cette confusion et à ce manque de services. Nous avons des idées. Il y a beaucoup de problèmes à résoudre.

M. Tweed : Nous pensons que si nous obtenons l'accord de service qui est prévu pour la répartition des wagons, et si nous pouvons commencer le transport en juillet au lieu de mai, encore une fois nous ne sommes pas l'unique solution, mais nous proposons cette solution afin de transporter de plus en plus de grains et de développer notre activité. Nous avons investi, comme je l'ai dit, dans une nouvelle installation de déchargement à The Pas. La compagnie a loué des wagons. Nous y acheminons de la marchandise en ce moment même pour préparer la saison. Un plan plus rassembleur serait idéal, mais en ce moment chacun semble agir de son côté.

Le sénateur Mercer : Nous avons parlé de l'avenir. Pouvons-nous nous tourner vers le passé un instant, et reconnaître que la récolte de cette année est énorme? Je ne suis pas de ceux qui espèrent la même récolte d'une année sur l'autre. Je veux une plus grosse récolte l'année prochaine. Je voudrais que cela soit la norme pour l'avenir. Le service s'est-il amélioré ou détérioré au cours de ces deux dernières années?

M. Eshpeter : C'est difficile à dire, car avec la suppression du guichet unique de la Commission canadienne du blé, beaucoup de ces problèmes de transport étaient cachés. Maintenant que c'est devenu une sorte de mêlée générale, nous sommes catapultés au milieu du système de répartition des wagons, et nous essayons d'obtenir un bon service de la part de notre partenaire, le CN.

Nous savons que comme le guichet unique de la Commission canadienne du blé n'est plus là pour les agriculteurs, les offres que nous pouvons faire pour transporter les grains nous sont plus favorables. Les agriculteurs de notre secteur considèrent le Battle River Railway comme un moyen de transporter leurs grains, mais lorsque nous ne pouvons pas obtenir les répartitions de wagons nécessaires pour le faire, nous sommes vraiment pénalisés et ne pouvons développer notre activité de transport.

Le sénateur Mercer : Par le passé, la Commission du blé contribuait à résoudre une partie des problèmes que vous avez maintenant, en tenant compte, encore une fois, du fait que la récolte est maintenant bien plus importante, n'est-ce pas?

M. Eshpeter : Absolument. La Commission canadienne du blé, en coordination avec la Commission canadienne des grains, faisait beaucoup pour décider de la répartition des wagons et de leur destination. Ils contribuaient à la bonne marche de notre système. Nous n'avons plus ce monstre. Il faut que tous les acteurs du secteur se réunissent pour déterminer la manière dont nous allons ordonner le transport de ces marchandises.

Le sénateur Mercer : Merci à tous les deux.

Le sénateur Plett : J'aimerais dire quelque chose. Nous aurions voulu que des agriculteurs viennent témoigner aujourd'hui. Ils profitent de la liberté qu'ils ont maintenant de commercialiser leurs grains, et les agriculteurs individuels n'y arrivent pas. C'est formidable de voir que les agriculteurs canadiens de l'Ouest ont eu la liberté de semer l'an dernier deux millions d'acres de plus que les années précédentes.

Vous avez tous deux évoqué la répartition des wagons. Corrigez-moi si je me trompe, mais je crois vous avoir entendu dire que vous aviez transporté le contenu d'à peu près 7 000 wagons l'an dernier. J'ai quelques questions à vous poser. Combien de wagons chargés seriez-vous en mesure de tirer si, grâce à cette loi, vous obteniez la répartition que vous souhaitez, en tenant compte des interconnexions et tout cela? De combien pourriez-vous augmenter?

M. Tweed : Encore une fois, les accords de service sont importants et nous y croyons beaucoup. Une partie de la solution que nous proposons consiste à dire que nous n'aurions même pas besoin de la quantité allouée dans l'accord. Ce dont nous aurions vraiment besoin, c'est que les wagons soient livrés au bon moment. Nous pourrions probablement nous en sortir très bien avec 10 000 wagons cette année.

Le sénateur Plett : 10 000? Que se passera-t-il pour le port de Churchill si le CN trouve un soutien ici et ne vous alloue pas les wagons dont vous avez besoin? Quel serait l'impact négatif sur le port de Churchill?

M. Tweed : Eh bien, sénateur, vous savez que je suis quelqu'un d'optimiste. Je suis persuadé que nous obtiendrons un accord avec le CN. Cela a été un défi, mais je crois savoir qu'ils ont été mandatés pour cela et qu'ils essaient de le faire.

Nous employons environ 300 personnes. Plus de la moitié sont des Autochtones, des Métis, des Inuits et je dirais que, sans la répartition des wagons, nous serions contraints d'envisager de fermer le port cette année.

Le sénateur Plett : Pour ceux d'entre nous qui, au Manitoba, se sont battus pour que ce port existe, ce serait un désastre, non seulement pour le Manitoba en général, mais aussi pour les Premières Nations et d'autres. Pourvu que le chemin de fer s'en sorte.

J'ai une question pour vous, monsieur Tweed. Concernant les manœuvres interréseaux, pouvez-vous nous donner un aperçu des possibilités que vous ont données les silos-élévateurs pour aller chercher le grain plus loin? Et aussi, les manœuvres interréseaux vous permettront-elles de faire venir de plus grosses quantités de grains du sud de la frontière, vous avez dit que vous possédiez des voies de chemin de fer là-bas qui menaient au port de Vancouver.

M. Tweed : Je pense que le gros défi posé par la répartition et les manœuvres interréseaux, et je crois que les autres témoins seront d'accord, c'est que, sans la répartition, les manœuvres interréseaux n'ont aucune valeur parce que nous serions toujours dépendants du CN pour nous fournir les wagons à l'interconnexion.

Nous reconnaissons que la restriction qui existe actuellement nous permet d'atteindre la baie d'Hudson, et nous savons que c'est un secteur d'importante culture de grains. Nous avons discuté du chemin de Carlton dans la Saskatchewan, où nous pourrions mettre en place des installations de chargement pour les producteurs, pour charger la marchandise qui se trouve là-bas. Mais c'est un peu comme dire que les enfants n'iront pas à l'école si le bus ne vient pas les chercher. C'est le dilemme, et je crois que c'est un dilemme auquel font face toutes les compagnies d'intérêt local.

Comme je l'ai dit plus tôt, quand on met en place des règlements, il y a des effets secondaires pour lesquels on n'est pas préparé ou qu'on n'a pas prévus. Et en imposant au CN et au CP de livrer une quantité X de wagons chaque semaine, c'est ce qui va se passer. Je respecte cette décision, mais en même temps, cela a des conséquences pour les compagnies plus petites, comme la nôtre.

Le sénateur Plett : Laissez-moi vous poser une question à tous les deux. Je crois que c'est pertinent, puisque vous parlez tous deux de la réparation des wagons. Ce que nous avons constaté, et vous y avez fait allusion, c'est que les compagnies de chemins de fer commencent par collecter ce qu'elles considèrent comme des grains faciles d'accès. Toutefois, quand les silos se vident et qu'elles doivent aller chercher les grains dans d'autres secteurs géographiques, elles doivent se tourner vers les compagnies d'intérêt local, et vers des silos plus éloignés. Les obligations de volume forcent les compagnies de chemin de fer à agir ainsi pour remplir leurs quotas. Elles ne pourront pas remplir leurs quotas si elles se contentent de ce qui est facile à collecter. Elles seront obligées de chercher plus loin, et est-ce que cela ne les obligera pas à vous attribuer des wagons. J'aimerais avoir votre avis à tous les deux sur ce point.

M. Tweed : Je crois que c'est ce qui finira par se produire, si la récolte de l'an prochain n'est que moyenne. Seulement pour nous, à cause du peu de temps dont nous disposons — obtenir des wagons à la fin de l'automne, en octobre, novembre et décembre, quand les autres peuvent encore transporter des grains dans d'autres régions du Canada — nous ne pouvons plus le faire. Nous avons de fortes contraintes de temps, nous ne pouvons transporter que de juillet à la mi-novembre. C'est notre saison, et il faut que cela soit fait à ce moment-là.

Le sénateur Plett : À cause du port de Churchill. Et qu'en pense notre ami de Battle River Railroad? Je ne crois pas que vous soyez confronté aux difficultés qu'évoquait M. Tweed, quelles seraient les conséquences pour vous?

M. Eshpeter : Ce dont vous parlez est intéressant, dans une année comme celle que nous venons de vivre, avec beaucoup de grains dans les Prairies, le CN semble toujours penser que l'hiver est un phénomène nouveau. Si vous êtes agriculteur, ou si vous êtes dans le secteur du chargement de grains, il faut savoir que le CN est toujours pris de court quand vient l'hiver, et cette année, c'était encore pire que d'habitude.

La personne qui a posé la question a entièrement raison. Avec le temps, les wagons seront attribués aux endroits où les grains n'ont pas encore été enlevés. Mais s'il s'agit d'une grosse année et qu'il reste d'importants volumes de grains dans les Prairies, ces endroits seront desservis en dernier, car il n'existe pas de formule disant que tout le monde doit être servi de façon proportionnelle.

Le sénateur Plett : Les gens du CN sont les prochains témoins, alors si cet hiver se termine un jour, nous garantirons aux Canadiens de certaines parties du pays qu'on repassera chez eux.

M. Eshpeter : Cela serait très gentil à vous.

Le président : Merci. J'ai remarqué que ce n'était pas une question.

Le sénateur Tardif : Ma question s'adresse à n'importe lequel d'entre vous. Pensez-vous que ce projet de loi permettra aux compagnies d'intérêt local d'avoir accès à des accords contractuels équitables avec les deux compagnies de chemin de fer?

M. Tweed : À mon avis, ce sont deux choses différentes. Nous croyons qu'il est important de signer des accords contractuels et les droits de manœuvres interréseaux n'ont rien à voir avec ça, parce que les grandes sociétés n'en veulent pas. Cela va peut-être améliorer la négociation des contrats, mais, selon moi, ces deux questions n'ont rien à voir l'une avec l'autre.

La sénatrice Tardif : Ken, vouliez-vous ajouter un commentaire à ce propos?

M. Eshpeter : Pourriez-vous répéter la question, s'il vous plaît?

La sénatrice Tardif : Vous avez tous deux souligné l'importance de la répartition des wagons et de l'accès aux wagons, alors pensez-vous que ce projet de loi permettra aux entreprises ferroviaires locales de mener des négociations contractuelles équitables avec les deux sociétés principales?

M. Eshpeter : Je ne connais pas tous les détails du projet de loi dont nous discutons. J'espère que les personnes qui ont effectué des recherches et ont participé à la rédaction de ce projet de loi étaient au courant de certains des problèmes auxquels les sociétés locales font face, mais comme je n'ai pas vraiment lu ce projet de loi, je ne peux qu'espérer pour le moment.

La sénatrice Tardif : Et je vous en remercie.

Pensez-vous qu'on a manqué une occasion de mentionner dans ce projet de loi les sociétés locales et les wagons de producteurs pour peut-être offrir aux agriculteurs un meilleur choix de transport de leurs grains?

M. Eshpeter : Je vais répondre à cette question, c'est facile. Les wagons de producteurs constituent un service crucial pour les agriculteurs des Prairies. Le fait d'y avoir accès est un enjeu d'une importance incroyable.

Je vais vous donner un exemple : l'année dernière, nous avons fait circuler 720 wagons de grains sur notre ligne. Depuis la déréglementation, chaque agriculteur et chaque société productrice de grains doit trouver un moyen d'amener son produit à ses clients, et nous avons 2 000 wagons inscrits dans nos livres. Cette année, si nous avions disposé d'un plus grand nombre de wagons, nous en aurions probablement mis 3 000 en circulation.

Les agriculteurs ont un besoin urgent de wagons de producteurs, alors si le projet de loi ne les mentionne pas du tout, c'est une énorme lacune.

M. Tweed : Je dirais qu'en présentant ce projet de loi, on avait l'intention de régler ce problème en permettant aux sociétés ferroviaires de se rendre plus loin pour rapporter le produit. En ce qui me concerne, la manœuvre interréseaux n'est pas aussi problématique que le manque de disponibilité des wagons de producteurs.

Avec assez de wagons, nous obtiendrons le produit quelle que soit la distance qu'on nous permette de parcourir, mais s'il n'y a pas de répartition des wagons, je le répète, nous perdons toute capacité d'amener notre produit au marché.

Mais je pense que c'était ça, l'intention du projet de loi.

La sénatrice Tardif : Cette question ne figure pas dans le projet de loi, alors je me demandais si nous devrions modifier le projet de loi pour y aborder tout ce problème des sociétés locales.

M. Tweed : Je ne pense pas que ça se fera de sitôt.

La sénatrice Tardif : Probablement pas.

[Français]

Le sénateur Maltais : J'ai une courte question, monsieur le président. Monsieur Tweed, est-ce que votre entreprise est propriétaire des chemins de fer?

[Traduction]

M. Tweed : Oui, bien sûr.

[Français]

Le sénateur Maltais : Est-ce que c'est vous qui les avez tous bâtis ou est-ce que vous avez acheté d'autres lignes ferroviaires qui existaient déjà?

[Traduction]

M. Tweed : Nous les avons achetés du CN en 1995 et 1996. Cette voie ferrée a plus de 100 ans.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur Tweed, est-ce que ces chemins de fer ont déjà été subventionnés par le gouvernement fédéral?

[Traduction]

M. Tweed : Oui.

Le sénateur Robichaud : Monsieur Tweed, vous nous avez dit que vous aviez tenté de conclure une sorte d'entente pour que certains wagons attribués pendant une période soient utilisés non pas par vous, mais par d'autres sociétés pour que vous puissiez utiliser ces wagons dans la période pendant laquelle il vous est possible de transporter et de livrer des grains. Cette entente a échoué?

M. Tweed : Ce qui se passe, c'est que pour les mois d'expédition de mai et juin, on nous attribue un certain nombre de wagons. Comme nous ne pouvons pas amener le produit au port pour l'expédier parce qu'en général le silo se remplit complètement, nous ne pouvons pas utiliser tous les wagons qu'on nous a attribués.

Nous suggérons qu'au lieu de déterminer à l'avance le nombre de wagons qu'on nous attribuera, remettez-les dans le système pour qu'ils soient utilisés. Ensuite, à la fin juillet, en août, en septembre, ramenez-les dans notre système quand nous pouvons vraiment les faire circuler régulièrement et expédier de plus grands volumes. Comme ça, à la fin, on expédiera plus de grains vers l'étranger.

Le sénateur Robichaud : Mais pourquoi ne réussissez-vous pas à conclure ce genre d'entente?

M. Tweed : Ça fait partie des négociations. Je le répète, je sais que le CN et le CP doivent atteindre un certain quota chaque semaine. Ils y sont obligés sous peine d'amende. Donc ils se concentrent avant tout sur cette obligation, et ensuite ils s'occupent des marchés secondaires.

Vous voyez, comme notre saison est très courte, nous avons besoin du bon volume, mais en une période bien précise. Tout le reste de l'année, nous serons heureux de les renvoyer dans le système principal.

Le sénateur Robichaud : Ce projet de loi contient-il des articles qui vous empêchent de le faire?

M. Tweed : Non, c'est une chose qu'on négocie.

Le sénateur Robichaud : Vous le négociez.

M. Tweed : Oui.

Je vous dirai que dans le passé, nous prenions ces wagons de grains en mai parce que nous avions accumulé les volumes au port de façon à être prêts pour la saison de l'expédition. Ce qui se passe, c'est que les silos sont pleins et qu'il n'y a plus d'endroits où déposer les grains. Dès que nous commençons à expédier, avec des quarts de 24 heures, nous serons très occupés pendant la saison si nous obtenons les wagons.

Le sénateur Robichaud : Mais les silos sont pleins au port.

M. Tweed : Ils seront entièrement pleins dans une dizaine de jours. Nous y amenons le produit présentement.

Le sénateur Robichaud : Mais on vous attribuera ces wagons même quand les silos seront pleins.

M. Tweed : Oui, c'est ça le problème. Il est nécessaire que nous expliquions clairement notre position, mais je comprends aussi que quand vous obligez une société à faire une chose, elle se concentre avant tout là-dessus pour éviter de devoir payer des amendes. Alors notre défi, c'est de passer avant ces obligations et d'être sûrs d'obtenir les wagons quand nous en avons besoin.

Le sénateur Robichaud : C'est tout un défi.

Mr. Tweed : Oh, oui.

Le sénateur Robichaud : Monsieur Eshpeter, vous avez parlé d'un mécanisme d'appel qui n'existe plus. Est-ce qu'il concerne l'attribution des wagons? C'est ce que vous nous dites?

M. Eshpeter : Pas particulièrement. Je parlais plutôt d'établissement des tarifs, mais peut-être qu'il ne serait pas mauvais d'avoir aussi un mécanisme d'appel sur la répartition des wagons.

Le secteur entier se trouve dans une situation intéressante, ou même étrange, par le fait que nous créons pour les municipalités et pour les groupes d'agriculteurs des façons d'utiliser les lignes ferroviaires sur de courtes distances, mais nous nous attendons aussi à ce que ces groupes fassent concurrence aux grandes sociétés. C'est vraiment difficile. Alors s'il arrivait à une société ferroviaire locale de ne pas réussir à soutenir cette concurrence, il devrait exister un mécanisme d'appel auprès d'un groupe qui comprenne la situation et qui permette à la société locale de participer à ce marché.

Si vous ne laissez pas la société locale participer au marché, alors ne lui permettez pas d'exploiter sa ligne, parce nous allons juste perdre un tas d'argent en achetant des voies que nous ne pourrons pas utiliser.

Le sénateur Robichaud : Mais on pourrait faire cela plus tard alors, n'est-ce pas?

M. Eshpeter : Vous parlez d'établir un mécanisme d'appel?

Le sénateur Robichaud : Oui.

M. Eshpeter : Lequel?

Le sénateur Robichaud : Pas par l'intermédiaire de ce projet de loi.

M. Eshpeter : Ce ne sera jamais trop tard, parce que nous n'avons rien présentement.

Le président : Merci, sénateur Robichaud.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma question s'adresse à nos deux témoins. La Loi sur les transports au Canada favorise un accès concurrentiel à d'autres services ferroviaires. Par le passé, l'interconnexion se limitait à environ 30 kilomètres. Vous me corrigerez si je me trompe, mais désormais, l'interconnexion est d'environ 160 kilomètres. Selon vous, quelle serait la distance maximale d'interconnexion qui permettrait à un expéditeur d'avoir accès, de façon concurrentielle, à une autre compagnie ferroviaire? Pouvez-vous donner un exemple d'une situation où un expéditeur préférerait avoir accès de façon concurrentielle à des entreprises ferroviaires? Les deux témoins peuvent répondre à la question.

[Traduction]

Le président : Monsieur Eshpeter, avez-vous un commentaire à présenter sur cette question?

M. Eshpeter : Qui voulez-vous qui y réponde en premier?

Le président : Le président vous demande, monsieur, si vous avez un commentaire à présenter sur cette question.

M. Eshpeter : Oui, je serais très heureux de commenter là-dessus. Merci beaucoup d'avoir soulevé cette question, parce qu'à la société Battle River Railway, nous nous trouvons dans une situation exceptionnelle parce que nous exploitons un ancien embranchement du CN, mais nous sommes à trois milles seulement d'un aiguillage commun avec le CP. À Battle River Railway, il nous semblerait que cette nouvelle loi qui étendra les limites des possibilités de manœuvres interréseaux pourrait avantager la société Battle River Railway. Nous ne savons pas encore de quelle façon on procédera, alors nous désirons savoir comment on va procéder du point de vue logistique et pratique. Mais pour nous, ce projet de loi a énormément de potentiel.

Cent soixante kilomètres semblent constituer un espace très raisonnable, et nous en sommes heureux. Je ne peux pas parler au nom des autres sociétés ferroviaires locales. Chacune d'entre elles se trouve dans une situation qui lui est propre.

Le président : Merci. Nous allons conclure avec la réponse de M. Tweed à cette même question.

M. Tweed : Il est bien évident que plus vous ouvrez la voie, plus vous autorisez de distance, plus les sociétés locales s'y intéresseront.

Quand on regarde la carte, ce nouveau règlement nous amènerait à la baie d'Hudson. Pour nous, Kenora-Saskatchewan serait idéal. Nous serions prêts à fournir les locomotives. Mais je le répète, nous tenons à collaborer avec nos partenaires, et cela constituerait probablement un énorme défi à réaliser, pour eux comme pour nous. C'est une bonne question.

Le président : Monsieur Tweed et monsieur Eshpeter, merci d'avoir accepté de venir nous présenter vos commentaires et vos opinions.

Nous allons maintenant passer à notre troisième table ronde sur le projet de loi C-30, la proposition de loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain.

[Français]

Cela dit, honorables sénateurs, nous recevons M. Claude Mongeau, président-directeur général du Canadien National.

Nous recevons aussi M. Robert Taylor, vice-président adjoint, Promotion des intérêts en Amérique du Nord, du Canadien Pacifique.

[Traduction]

On m'a indiqué que M. Mongeau sera le premier à présenter son allocution, puis nous entendrons M. Taylor. Je demanderai ensuite aux sénateurs de poser leurs questions.

Monsieur Mongeau, vous avez la parole.

Claude Mongeau, président-directeur général, Canadien National : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs. Je vais vous présenter une brève allocution, puis je répondrai à vos questions.

Permettez-moi tout d'abord de vous rappeler qu'il est très évident que cette année, nous traversons ce que j'appellerais une tempête monumentale. Je vais vous décrire brièvement pourquoi je suis convaincu qu'il s'agit d'une énorme tempête. Il s'agit définitivement d'une situation difficile. Les attentes du secteur de la production de grain et de l'Ouest du Canada sont énormes. La chaîne d'approvisionnement tout entière, et non uniquement les chemins de fer, n'a pas la capacité nécessaire pour répondre à tous les besoins et à toutes les attentes. Comme il arrive souvent, malheureusement pas uniquement dans le secteur des grains mais dans ceux de toutes les autres denrées, nous nous lançons aussitôt dans la défense de nos intérêts et dans les accusations. Malheureusement cette année, les accusations se sont adressées à de hauts niveaux de la hiérarchie pour viser jusqu'au gouvernement du Canada. Ce dernier a décidé de cibler uniquement les sociétés ferroviaires en présentant ce projet de loi qui vise principalement les chemins de fer pour des raisons qui, selon moi, manquent d'équilibre et de perspective. Avant de développer ce point de vue, je vais vous citer quelques faits importants.

Dans le monde de la défense des intérêts, on entend bien des gens présenter des interprétations très diverses. Je vais vous dire ce que cette situation difficile dans laquelle se trouve le secteur des grains ne concerne pas du tout. Elle ne concerne pas une demande qui fait concurrence avec le mouvement du pétrole brut. Nos chargements de wagons ne se déplacent qu'avec 2 p. 100 de pétrole brut. Nous planifions consciencieusement chacun de ces chargements. Nous connaissons l'établissement de chargement. Nous avons recruté les équipes. Nous avons acheté les locomotives. Si nous n'avions pas de clients, nous n'aurions pas d'équipement. Nous avons les clients et l'équipement, et le pétrole brut ne constitue que 2 p. 100 du volume global que nous transportons.

Il est facile ces jours d'entacher la réputation des chemins de fer en parlant de pétrole brut, mais ça n'a rien à voir avec le problème. Nous faisons de bonnes choses pour le marché énergétique du Canada à cet égard.

D'un autre côté, vous avez entendu d'autres intervenants parler plus tôt aujourd'hui des grands méchants chemins de fer — il aurait été tout aussi facile de le dire, même pendant une réunion du Sénat. La notion selon laquelle nous ne faisons que ce qui nous avantage, par exemple que nous transportons une capacité régulière et que nous n'avons pas d'augmentation subite, que nous prenons les choses quand nous le voulons en imposant nos propres conditions sans faire de différence, cela n'a rien à voir avec le problème.

En fait, vous pouvez voir sur le premier des tableaux que je vous ai distribués que presque chaque année, nous avons une poussée soudaine. La différence entre le volume de grain que nous transportons en automne et en été est habituellement très simple. C'est une différence de 80 p. 100. En général, nous avons beaucoup trop d'équipement pendant la plus grande partie de l'année, et nous avons juste assez d'équipement pour transporter la capacité excessive à l'automne.

Bien entendu, comme vous allez le voir dans une minute, nous n'avons pas une augmentation assez forte pour atteindre le niveau d'une récolte centenaire, mais nous avons constamment des poussées subites. Nous faisons tout notre possible pour suivre la demande du marché. Nous devons protéger les intérêts de nos actionnaires. Nous avons tout avantage à transporter le plus de grain possible et à travailler avec le plus d'efficience possible.

En quoi consiste donc cette situation difficile, si elle ne provient pas d'une stratégie égocentrique et qu'elle ne concerne pas le pétrole brut? Vous le verrez à la deuxième page; elle concerne avant tout une récolte centenaire. Je ne vais pas m'arrêter sur les chiffres, mais c'est la réalité. Nous n'avons jamais, jamais produit autant de grain au Canada, et je ne dis pas cela à la légère, c'est une augmentation énorme. Cette récolte de 76 millions de tonnes dépasse d'au moins 30 p. 100 les récoltes produites dans toute l'histoire du Canada. Maintenant vous allez me dire que 30 p. 100 est un gros chiffre. C'est énorme. Mais toute cette production supplémentaire ne change rien à la consommation du pays. Alors on voudra exporter tout le produit supplémentaire. Le programme d'exportation, qui utilise le chemin de fer, est en réalité 50 p. 100 plus volumineux qu'il ne l'est habituellement à la fin d'une année ordinaire.

Les pourcentages ne veulent rien dire. Cinquante pour cent est un chiffre énorme, mais 50 p. 100 représente 22 millions de tonnes de produits. Donc le CN — mon collègue du CP doit se charger de l'autre moitié — doit transporter la moitié de 22 millions de tonnes. Il s'agit donc d'un volume de plus de 10 millions de tonnes que nous devons trouver moyen de transporter, et nous n'avons appris l'énormité de cette récolte que vers la fin du processus, vers septembre. Le ministre de l'Agriculture — ce même ministre qui a rédigé ce projet de loi, furieux contre les chemins de fer — son propre ministère, à la fin décembre, nous annonçait encore 61 millions de tonnes. Nous avons fini par devoir transporter 76 millions de tonnes. Nous avons transporté 61 millions de tonnes sans problèmes. Nous avons fait cela deux fois au cours de ces 10 dernières années. Nous ne transporterons pas 76 millions de tonnes, quoiqu'il arrive. Même avec un miracle nous ne pourrions pas le faire, parce que la chaîne d'approvisionnement, les sociétés ferroviaires et les exploitants de silos, ne sont pas conçus pour transporter tant de grain.

Ce volume de 10 millions de tonnes est deux fois plus gros que toute la potasse que nous transportons. Il est plus élevé que tout le bois d'œuvre que le Canada exporte. Il est presque aussi élevé que tout le charbon que le Canada exporte.

Si vous supposez que nous effectuons un travail raisonnablement bon et que nous possédons plus ou moins l'équipement nécessaire pour nous charger des augmentations subites et de la volatilité habituelle, et c'est ce que nous faisons, nous aurions assez d'équipement pour passer de 57 millions de tonnes à peut-être 61, 62, 63 millions de tonnes en faisant du bon travail.

Mais si vous avez 76 millions de tonnes, la seule façon de bien faire serait de remplacer d'autres denrées, et ceci en supposant que les autres secteurs de la chaîne d'approvisionnement soient en mesure de nous suivre, ce qui n'est pas le cas, et je vais vous le démontrer tout à l'heure.

Les sociétés ferroviaires ne déterminent pas la capacité de la chaîne d'approvisionnement. Cette année, on a blâmé les sociétés ferroviaires de ne pas avoir pu soutenir le rythme pendant l'hiver. Mais nous ne déterminons pas la capacité de la chaîne d'approvisionnement, et nous ne pouvons faire un bon travail qu'en fonction des capacités collectives des chemins de fer et des exploitants de silos.

Et j'en arrive au second problème, qui est très réel et qui alimente notre tempête monumentale. Nous venons de traverser le pire hiver depuis des dizaines d'années. Quand j'ai produit cette diapo, j'ai dit des dizaines d'années. Aujourd'hui, je peux vous dire depuis un siècle. Il faut remonter jusqu'en 1893 pour trouver un hiver plus froid dans l'Ouest du Canada. Les courbes de ce graphique vous montrent l'écart entre un hiver normal, qui nous rend toujours la vie difficile, et l'hiver de cette année, qui a été le pire de notre vie.

À l'encontre de ce que certaines personnes ont dit tout à l'heure, nous savons parfaitement que l'hiver revient chaque année, et nous le traversons très bien la plupart du temps. Mais nous nous heurtons à des problèmes similaires à ceux du secteur du charbon et qui causent des problèmes structuraux bien plus compliqués à résoudre que de dire simplement que l'hiver revient chaque année.

Les freins à air. À moins 25 degrés, nous ne pouvons pas tirer l'air à travers nos trains et les faire circuler en toute sécurité, donc nous devons les raccourcir. S'il fait froid jour après jour pendant toute l'année, il nous faut de 30 à 50 p. 100 plus de trains. Évidemment, nous n'avons pas de 30 à 50 p. 100 plus d'équipes, et nous n'avons pas de 30 à 50 p. 100 plus de voies ferrées. Donc nous n'avons pas la capacité nécessaire pour répondre à toute la demande — ni pour le grain, ni pour la potasse, ni pour le transport multimodal, ni pour le pétrole brut, ni pour les autres denrées.

Les autres secteurs de denrées comprennent cela. Ils ne courent pas à Ottawa pour pleurnicher, et nous n'avons pas de commissions royales, et personne ne nous blâme. Nous menons des discussions honnêtes et équilibrées sur l'adversité à laquelle nous faisons face. Chaque année nous nous efforçons d'améliorer nos services, mais l'hiver ne disparaîtra pas. Une chose que nous allons changer, c'est de mieux décrire à l'avenir ce que nous ne pouvons pas faire en hiver pour que les gens ne fassent pas de fausses suppositions et viennent ensuite nous accuser.

Alors nous avons une récolte centenaire en un hiver centenaire.

Regardons rapidement — parce que je veux laisser du temps à mon collègue — ce que nous avons fait pour le grain. La réalité est bien différente de ce que vous entendez le ministre de l'Agriculture et les intervenants du secteur des grains vous dire. Voici donc les faits tels qu'ils sont : je vous ai dit que nous avons appris assez tard que cette récolte était une récolte centenaire. Au cours des cinq premières semaines, les exploitants de silos ont fait beaucoup moins appel à nos services que les années précédentes. Nous avions toutes les capacités nécessaires. Nous aurions pu faire circuler 5 000 wagons par semaine. Ils ne nous ont demandé que quelques milliers de wagons. Nous aurions pu faire circuler 10 000 wagons de plus s'ils avaient eu la présence d'esprit de se lancer à l'action. Maintenant ils jettent le blâme sur nous. À ce moment-là, ils auraient pu faire appel à nos services et nous aurions pu transporter le grain. Gardez ces chiffres à l'esprit, 10 000 wagons pleins.

Dès qu'il est devenu évident que la récolte était volumineuse, nous avons transporté le grain à une vitesse record. En fait, de la sixième semaine au début de l'hiver, nous avons transporté 27 p. 100 plus de grain qu'au cours d'une année ordinaire. Nous avons transporté plus de grain que nous ne l'avions jamais fait de toute notre histoire. En une période de 15 semaines, nous avons battu les records pendant 8 semaines — un rendement record. Nous avons poussé très fort. Nous avons fait tout ce qu'on attendait de nous. En fait, à ce moment-là, le ministre de l'Agriculture disait que nous faisions du bon travail.

Puis l'hiver du siècle nous a frappés, et vous le voyez ici dans le tableau. La première semaine de décembre nous a partiellement immobilisés non seulement pour le transport du grain, mais de la potasse, du pétrole brut, de toutes les denrées ainsi que pour le transport multimodal. Nous n'avons pas pu transporter même notre volume ordinaire pendant 12 semaines. De tout l'hiver, nous avons été incapables de transporter un total de 10 000 wagons pleins. Nous avons perdu 10 000 wagons pleins à cause de l'hiver qui nous a bloqués. Ils ont perdu 10 000 wagons pleins parce qu'ils se sont endormis au moulin. Nous sommes quittes.

Depuis ce temps-là, non pas à cause de l'ordre que nous a donné le gouvernement mais parce que l'hiver s'est adouci, nous transportons un volume record. Nous transportons 41 p. 100 de plus qu'en temps ordinaire. Entre la 31e et la 40e semaine, nous avons établi le meilleur record de rendement de toute notre histoire. Nous n'avons jamais transporté autant de grain.

Mais surtout, nous transportons autant de grains que les exploitants de silos peuvent emmagasiner. Ils nous demandent de ralentir à Prince Rupert. Ils ne déchargent pas les wagons parce que certains des terminaux de Vancouver sont presque pleins. À Thunder Bay, ils sont pleins à craquer. Nous avons des problèmes de brise-glaces parce que les navires n'ont pas réussi à ouvrir le canal, ou ils viennent d'y réussir.

Jusqu'à présent cette année, nous avons transporté plus de grain que jamais. Nous avons transporté une récolte record pour Churchill cet automne. J'ai entendu ce qu'a dit Merv Tweed tout à l'heure : une récolte record pour Churchill l'automne dernier. Nous transportons un volume record de grain. L'hiver a été très rude, et il nous a mis les bâtons dans les roues.

La prochaine page vous montre le vrai problème, la situation du chemin de fer Battle River Railroad, en un sens. Nous avons beaucoup plus de commandes que ce que la chaîne d'approvisionnement peut exécuter. Je vous assure que nous transportons autant de grain que ce que les exploitants de silos céréaliers peuvent contenir. Nous établissons de nouveaux records. La barre que vous voyez ici, en bleu clair, représente le meilleur rendement du CN au cours de ces 10 dernières années. Nous nous améliorons continuellement, mais les commandes exigent presque 38 000 de plus que le meilleur rendement que nous ayons jamais atteint.

Une commande signifie un plus grand nombre de wagons. Elle ne sous-entend pas que c'est possible. Lorsque c'est impossible, nous devons limiter le nombre de wagons, et nous le faisons très équitablement. Nous déterminons cela en fonction de l'utilisation passée de nos services. C'est ainsi que la Commission canadienne du blé aurait voulu que nous le fassions, et c'est ainsi que la Commission canadienne des grains le faisait. Nous le faisons ainsi parce que c'est logique. Nous le faisons dans tous les territoires avec tous nos clients, en fonction du client et du type de groupe. Nous avons fait circuler plus de wagons de producteurs que jamais, et cela comprend le chemin de fer Battle River Railroad.

Très brièvement, la défense des intérêts ne transporte pas de grain. L'industrie des grains dit qu'elle peut remplir 14 000 wagons. Jusqu'à présent, elle n'a pas été capable d'en remplir 10 000 ou 11 000. Il va falloir qu'à un certain moment on comprenne ça.

Je vais laisser mon collègue poursuivre, et ensuite, je vous expliquerai pourquoi ce projet de loi ne résoudra pas le problème quand vous me poserez des questions. Nous gagnerons ainsi du temps, monsieur le président.

Le président : Merci beaucoup. Nous allons demander à M. Taylor de présenter son allocution.

Robert Taylor, vice-président adjoint, Promotion des intérêts en Amérique du Nord, Canadien Pacifique : Bonjour, monsieur le président. Vous remarquerez que mes commentaires sont très similaires à ceux de mon collègue.

Je vais parler avant tout de la capacité de la chaîne d'approvisionnement. J'expliquerai comment le CP, malgré les conditions météorologiques terribles que nous avons subies, a accompli cette campagne agricole. J'expliquerai aussi pourquoi les manœuvres interréseaux et les autres éléments du projet de loi C-30 n'apportent pas de bonnes solutions.

En ce qui concerne la capacité de la chaîne d'approvisionnement, je ne suis pas ici pour discuter du nouveau volume normal des récoltes, mais je manquerais à mes responsabilités si je ne soulignais pas le fait que cette récolte dépasse la moyenne de ces cinq dernières années de 37 p. 100 et a produit un excédent qu'il faut exporter. Autrement dit, le volume de grain que nous devons transporter a passé de 33 ou 34 millions de tonnes à quelque chose comme 55 ou 56 millions de tonnes. C'est comme un terminal Westshore ou un double terminal Neptune. C'est une récolte incroyable.

Du point de vue de la capacité, il est absolument irréaliste d'examiner un seul élément de la chaîne d'approvisionnement, c'est-à-dire les chemins de fer. La chaîne d'approvisionnement se compose de multiples éléments.

Je voudrais aussi vous parler de notre rendement. Comme mon collègue l'a souligné, la récolte de cette année comprenait 9 millions de tonnes à amener, et c'est bien malheureux. En juin, juillet et août, nous avions la capacité de transporter le grain. En août, le CP avait 4 000 wagons en stationnement; une belle occasion manquée. Pour le CP, c'est le même nombre de wagons que ceux que les conditions météorologiques nous ont empêchés de faire circuler cet hiver.

Pour vous donner une idée de notre rendement pendant cette même période de septembre à novembre — et je parle de septembre parce que nous n'avons pas eu de grain à transporter en août — le CP a en fait transporté 20 p. 100 plus de grain que le volume moyen de ces cinq dernières années et 14 p. 100 de plus que l'année dernière. L'année dernière, on avait transporté un volume record de grain au Canada.

En décembre et en janvier, les conditions météo ont été redoutables, et il n'y a aucun doute que ces conditions étaient extrêmes. Je ne vais pas vous citer tous les chiffres et vous présenter les tableaux, sauf une statistique importante : je crois que cette année, Thunder Bay a été le tout dernier port ouvert — avec un retard de quatre semaines. Thunder Bay est un point de passage très important pour le CP. Notre cycle là-bas est très court. Alors ce retard de quatre semaines pour l'ouverture de Thunder Bay vous donne une idée des températures extrêmes qu'ont subies les hauts plateaux et les prairies cette année. Moins 25 degrés Celsius est un point tournant pour l'exploitation d'un chemin de fer; une telle température réduit notre capacité de 30 à 50 p. 100. Cela est dû surtout aux mesures de sécurité à prendre ainsi qu'à la réduction des trains et de leur vitesse, parce que la capacité dépend en grande partie de la vitesse. Ceci a beaucoup réduit notre capacité de fonctionner régulièrement. Le CP n'a pas été le seul chemin de fer ainsi entravé. Si vous regardez à Chicago, dans le Haut-Midwest, cet hiver a vraiment frappé toute l'Amérique du Nord.

En ce qui concerne notre rendement, malgré les conditions extrêmes de cet hiver, de septembre à avril, le CP a transporté 10 p. 100 plus de grain cette année que l'année dernière, et c'est un record.

Je voudrais souligner une chose. Malgré les conditions extrêmes de cet hiver, nos employés ont travaillé sans trêve jour et nuit, tous les jours de la semaine et tout au long de l'année pour transporter le grain. Aucun autre partenaire de la chaîne d'approvisionnement n'a travaillé autant. Nous voudrions que les exploitants de silos dans les ports et dans le pays travaillent aussi jour et nuit toute la semaine. De nombreux exploitants de silos travaillent pendant cinq ou sept heures. Ils ne travaillent pas vraiment 24 heures sur 24 tous les jours de l'année.

En ce qui concerne les manœuvres interréseaux — et je vais en parler rapidement parce que je sais que vous désirez poser des questions — nous ne pensons pas que cela résoudra le problème. En fait, c'est exactement ce qu'il ne faut pas faire. En étendant les manœuvres interréseaux, on causera des manutentions multiples des cargaisons de grain, ce qui ralentira la chaîne d'approvisionnement et provoquera des retards.

En résumé, pour que la chaîne d'approvisionnement fonctionne mieux, nous devrons à court terme adopter une approche coopérative et à plus long terme renforcer les capacités de la chaîne d'approvisionnement du grain. C'est ainsi que nous finirons par aider la communauté des agriculteurs et l'économie canadienne.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Mongeau et monsieur Taylor.

Le sénateur Plett : Merci messieurs d'être venus témoigner. Je crois que même si nous vous avions réservé deux heures, nous n'aurions pas fini de parler de ces enjeux.

Comme vous l'avez dit, monsieur Mongeau, nous avons entendu beaucoup d'accusations ces derniers jours, venant probablement de toutes les personnes qui se sont présentées ici jusqu'à présent. Ma mère me disait souvent que si je montre une personne du doigt, trois ou quatre autres doigts seraient pointés sur moi.

La société Quorum Corporation était du même avis que vous : le pétrole n'est pas à la source de notre problème ici. Je leur ai posé la question, parce que nous avions lu cela dans les journaux. Votre réponse correspondait à ce que d'autres avaient déjà dit aujourd'hui, et le représentant de la société Quorum a donné exactement la même réponse que vous. À son avis, le pétrole n'a rien à voir avec ce problème. Mais il n'était pas d'accord avec ce que vous avez dit au sujet de la surcharge des silos aux ports. Il a dit que les ports étaient en mesure d'entreposer tout ce que vous pouviez leur amener. Il est évident que les chemins de fer jouent un énorme rôle dans notre chaîne logistique. C'est une vérité pure et simple, et les agriculteurs dépendent de vous pour livrer leurs récoltes au marché. Nous reconnaissons qu'il s'agit d'une tâche considérable.

Vous avez dit plus tôt qu'il est grand temps que les exploitants de silos fassent preuve des capacités qu'ils disent avoir. Cela me préoccupe un peu, parce que je crois que nous devrions coopérer et qu'il est crucial que tous les acteurs de la chaîne d'approvisionnement coopèrent et assument la responsabilité des lacunes de leur propre rendement. Je suppose que nous en arrivons aux accusations qu'a lancées votre société. Cette coopération est cruciale pour l'économie canadienne globale, pour notre réputation face au reste du monde et surtout pour nos producteurs de grains.

Alors voici ma question, monsieur : le CN est-il prêt à coopérer de façon constructive avec les producteurs de grains et à conclure des accords sur les niveaux de service? Cette question s'adresse à vous deux, parce que si j'ai bien compris, ni le CN ni le CP n'ont conclu d'accords sur les niveaux de service avec les expéditeurs. Si tel est le cas, pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous ne l'avez pas fait et nous dire si vous seriez prêts à le faire?

M. Mongeau : Tout d'abord, le fait est que nous avons conclu des accords sur les niveaux de service pour la majorité du tonnage que nous transportons. Nous concluons des accords sur les niveaux de service et des ententes de collaboration avec les principaux producteurs de grains. La plupart de ces accords sur les niveaux de service, par exemple, éliminent les frais de surestaries. Donc il y a une grande différence entre la défense d'une pénalité réciproque et l'absence d'un accord sur les niveaux de service et ce qui se passe dans la réalité. En réalité, nous avons déjà conclu des accords, et nous négocions à l'heure actuelle ceux qui se heurtent à des problèmes tels que des pénalités réciproques et des frais de surestaries.

Nous désirons absolument conclure des accords et nous sommes prêts à le faire. Le CN a pour dogme de trouver des solutions constructives. Nous avons cherché à le faire avec le ministre de l'Agriculture. Nous l'avons fait avec chacun de nos clients sur une base commerciale. Mais cet hiver, nous avons essuyé un tsunami d'accusations, tout le monde cherchait à blâmer quelqu'un, et nous avons perdu contrôle, je suis désolé de le dire, parce qu'il semblait plus important de nommer un coupable que d'examiner les faits. Les faits sont ceux que je vous ai décrits. Nous avons transporté plus de grain que jamais de toute notre histoire. Nous avons attribué les wagons de grain avec équité, et tout le monde a disposé d'un plus grand nombre de wagons de grain que jamais. Si l'hiver n'avait pas été aussi rude, nous aurions fourni un service encore meilleur. D'ici à la fin de cette année, nous aurons battu de 10 à 15 p. 100 le record du transport d'une récolte annuelle. C'est déjà fait, et il nous reste 12 semaines pour le prouver.

M. Taylor : Nous avons conclu des ententes commerciales avec la grande majorité de nos clients. Nous avons conclu des ententes commerciales avec les producteurs de grains. Je crois que les gens comprennent mal ce que signifie la réciprocité. Lorsque nous faisons l'attribution de wagons, de locomotives et de personnel, je crois que le client est responsable d'avoir une idée claire de la demande. Je ne peux pas frapper à la porte de mon concurrent et m'attendre à ce qu'il avale une charge d'acier pour recracher une locomotive le lendemain. Si le client a une idée de la demande, je peux lui donner quelques conseils sur une base réciproque. Si le client s'engage fermement en donnant quelques détails comme l'origine, la destination, le type de wagons, alors nous pouvons lui fournir du service.

Certaines personnes comprennent mal, mais pas toutes. Je crois que les gens d'affaires comprennent mieux ce que représente vraiment la réciprocité. Nous ne pouvons pas utiliser n'importe comment cet équipement qui est très cher et qui a un cycle de vie de 40 ans — notre industrie a une grande intensité de capital. Au CP cette année, nous allons dépenser entre 1,2 et 1,4 milliard de dollars en capital sur un revenu de 6 milliards de dollars. Nous devons utiliser cet équipement efficacement. Nous ne pouvons pas signer des accords qui ne profitent qu'à une des parties, qui attribuent toute la charge à la société ferroviaire et aucune au client sur la répartition des wagons.

Le sénateur Plett : Il est clair que la situation de cet hiver était exceptionnelle. Je pense que personne n'a dit le contraire. Nous avons tous trouvé cet hiver très froid et très long. Mon épouse m'a écrit de Winnipeg ce matin pour me dire qu'il a encore neigé là-bas. Dans certaines régions, l'hiver n'est pas terminé même s'il ne perturbe plus la circulation ferroviaire.

Nous parlons tout le temps du changement climatique. Nous avons un ami sénateur qui parle du réchauffement de la planète. On n'en voyait vraiment pas les signes l'année dernière, mais il est clair que le climat change. Les hivers sont plus froids. Nous voyons ces changements. Et pourtant, les récoltes vont augmenter. La dernière battait peut-être tous les records, mais ces dernières années, notre production a augmenté, je crois, de 3 p. 100 chaque année. Cette tendance va se poursuivre. Nous qui vivons dans l'Ouest du Canada, dans les provinces des Prairies, nous espérons que la récolte de l'année prochaine sera de nouveau exceptionnelle. Nous n'espérons certainement pas que l'hiver soit aussi extrême, mais il y a bien des chances que cela se reproduise.

Nous nous trouvons donc devant deux possibilités. La première serait que l'hiver soit normal; donc je suppose que nous n'aurons pas de problème, vous pouvez transporter le grain si l'hiver n'est pas rude. Si l'hiver est rude et que nous avons le même volume de récolte, nous nous retrouverons devant tout un problème. Un gouvernement peut décider d'exiger que nous transportions un million de tonnes par semaine. Si cela s'avère physiquement impossible, nous ne transporterons pas un million de tonnes par semaine. Mais que faites-vous pour assurer les agriculteurs de l'Ouest du Canada que vous vous efforcez de régler les problèmes tels que les freins à air qui ne fonctionnent pas à moins 25 degrés et autres? Que faites-vous pour leur garantir que même si l'hiver prochain est tout aussi rude, vous serez en mesure de répondre à leurs besoins?

M. Mongeau : Votre question comprend deux volets. En ce qui concerne l'hiver, nous pouvons comme tout le monde améliorer chaque année nos moyens d'affronter l'adversité. Les répercussions fondamentales et paralysantes d'un hiver froid constituent un problème qui n'est pas facile à résoudre. Ce n'est pas un problème que seuls le CN et le CP peuvent résoudre. C'est un problème qui concerne toute l'industrie ferroviaire d'Amérique du Nord. Tous les wagons qui circulent librement dans toute l'Amérique du Nord utilisent la même technologie qui bloque en hiver.

En général, ces temps froids durent six semaines au Canada. Pour la plupart des autres chemins de fer, ils durent deux semaines. Aucune autre société ferroviaire ne ressent la nécessité — je ne sais même pas si une telle mesure serait économique pour le CN, même pour six ou sept semaines d'hiver — de changer toute cette technologie afin d'adapter les trains pour une période très courte. La plupart du temps, cette période perturbe un peu la circulation, mais elle ne la paralyse pas comme elle l'a fait cette année.

L'industrie ferroviaire de l'Amérique du Nord devrait changer la technologie d'un demi-million de wagons — nouvelles locomotives, nouveau système de freins. Venez donc avez nous à San Antonio, au Texas, pour convaincre nos collègues d'investir des milliards de dollars pour changer cette technologie. C'est pourquoi je vous dis que l'hiver revient chaque année, ceci ne change pas. Nous pouvons faire des améliorations en marge, mais les répercussions de l'hiver sur les chemins de fer causent des problèmes structurels.

Quant au volume des récoltes, tout dépendra des volumes que nous viserons. Nous voulons une plus grande production. Nous voulons de plus grosses récoltes. La question à se poser est la suivante : sommes-nous tous prêts à faire les investissements nécessaires pour expédier une récolte centenaire, sommes-nous prêts à y investir l'équipement nécessaire? Le gouvernement du Canada acceptera-t-il d'acheter 10 000 wagons-trémies au cas où nous produisions une nouvelle récolte centenaire l'année prochaine? Si nous ne produisons pas une telle récolte, que ferons-nous de ces wagons pendant les neuf années suivantes?

Le président : Monsieur Taylor, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Taylor : Il est important de comprendre l'efficience du système. Nous transportons une tonne de grain de Winnipeg à Vancouver vers un point d'exportation pour, disons, 35, 36, 37 $ par tonne. Donc le transport d'une tonne par mille nous rapporte quelques cents. Nous ne sommes pas comme FedEx qui transporte une enveloppe pour 14 $ et dont les employés sont assis dans leur petit coin en attendant que vous les appeliez. Si les gens veulent une capacité supplémentaire en cas d'augmentation subite et s'ils veulent que nous renouvelions notre parc de véhicules, ils vont devoir dialoguer avec nous pour déterminer qui va payer la facture. N'oubliez pas que le gouvernement réglemente les revenus de cette industrie. Les revenus de l'exportation des grains canadiens sont réglementés, et selon moi tous ces éléments nécessitent un dialogue éclairé.

Le sénateur Plett : Ma dernière question sera très brève, monsieur Mongeau. Je viens du Manitoba, et cette question concerne le Manitoba. Le CN sera-t-il en mesure d'attribuer à la société OmniTRAX le nombre de wagons nécessaires pour que Churchill ne souffre pas de la fermeture du port et de la mise à pied des travailleurs?

M. Mongeau : Je vous remercie d'avoir posé cette question. Nous venons de battre tous les records pour Churchill, alors entre ce record historique et la perte d'emplois, il y a une différence entre les faits et la défense des intérêts. Nous ferons de notre mieux pour battre les records pour eux encore cette année.

Chaque fois que nous envoyons des wagons à Churchill, nous avons moins de wagons pour les autres producteurs de grains parce que la durée des cycles est bien plus longue. Nous allons devoir établir un équilibre, mais vous devrez décider si vous voulez que nous transportions plus de grain pour les producteurs ou que nous aidions le chemin de fer que vous préférez à transporter plus de grain, ce qui est un peu moins efficient.

Le sénateur Plett : J'aime le port de Churchill.

Le président : Monsieur Mongeau, vous avez dit ce que vous pensez, et nous vous en remercions.

Sénateur Plett, vous avez eu réponse à votre question.

Le sénateur Mercer : Voudriez-vous que je parle du port d'Halifax?

Monsieur Mongeau, vous avez dit que l'on vous avait averti du problème tard dans la saison. Alors voici ma question : comment cela se fait-il? D'autres témoins nous ont dit qu'ils s'étaient aperçus du problème en octobre. Je pensais que pour un client aussi important que les producteurs de grain de l'Ouest du Canada, vous auriez chargé une personne de surveiller ce qui se passe dans la région et d'essayer d'anticiper les besoins du client et le nombre de wagons qu'il lui faudra. Qu'est-ce qui a manqué dans notre réaction à la crise à laquelle nous faisions face?

M. Mongeau : Les gens ont une mémoire très sélective. En réalité, non seulement ils ne le savaient pas, mais ils n'ont pas expédié de grains pendant presque toute la période du mois d'août au début septembre. Donc, ils n'étaient pas au courant, sinon ils n'auraient pas joué avec le feu, ils auraient expédié. Et d'un.

En deuxième lieu, le préavis dont nous avons besoin pour ajouter non seulement des wagons, mais aussi des locomotives avec leurs équipages, est de six à huit mois. Par conséquent, pour pouvoir fixer la capacité dont nous aurons besoin à l'automne suivant, quel que soit le volume de la récolte et même si elle n'est pas encore ensemencée, c'est dès à présent qu'il nous faut prendre la décision puisque, encore une fois, il faut entre six et huit mois pour engager et former un équipage. Aujourd'hui, vous devez compter environ un an — dans certains cas seulement neuf mois — pour obtenir une locomotive. Quant aux wagons, c'est entre cinq et six mois en fonction de leur disponibilité. Il y a donc un préavis de six à huit mois, et il faut passer sa commande sur la base d'une estimation en hiver ou parfois même en automne, c'est-à-dire avant l'ensemencement. C'est pourquoi, en règle générale, nous nous basons sur un volume correspondant à la moyenne des tendances, avec possibilité de réviser vers le haut ou vers le bas, mais certainement pas pour faire face, comme cette année, à 22 millions de tonnes supplémentaires. En tout cas je répète qu'ils ne l'avaient pas prévu eux-mêmes, sinon ils auraient déclenché le transport. D'ailleurs, même s'ils l'avaient fait, nous aurions tout au plus réussi à faire comme cette année, c'est-à-dire rassembler les ressources pour le printemps. Je rappelle qu'en l'espace de six à huit mois nous avons ajouté un millier de wagons, de même que les locomotives et les équipages nous permettant d'atteindre le parc disponible aujourd'hui, c'est-à-dire entre 5 500 et 5 600 wagons par semaine, un record sans précédent.

M. Taylor : Je n'ai pas grand-chose à ajouter, en vérité. Les délais d'attente sont considérables et il faut veiller à utiliser à plein des actifs aussi coûteux. L'année dernière, par exemple, nous avons commencé à positionner les wagons au mois de mai. Je n'ai pas mon mot à dire là-dessus, mais personne ne sait à quel moment la récolte de l'an prochain sera disponible. Lorsque la campagne agricole se déroule normalement, il y a une période de pointe à l'automne. Nous commençons à positionner les wagons dès le mois de mai, si bien qu'au mois d'août une portion importante de notre parc est en place, et puis la récolte arrive et le transport commence.

Le sénateur Mercer : J'imagine qu'au mois d'août, vous en serez encore à transporter la récolte de cette année.

M. Taylor : En effet.

Le sénateur Mercer : Vous n'aurez pas autant de wagons positionnés.

M. Taylor : Non, vous avez raison.

Le sénateur Mercer : J'ai une difficulté en ce qui vous concerne, car je vous vois dans le rôle de la victime. Il y a un moment, quelqu'un a déclaré que les ports étaient en mesure d'absorber les volumes que vous leur acheminez. Il vous reste toutefois à me convaincre que les ports de Vancouver et de Prince Rupert peuvent traiter ces quantités. S'agissant de Churchill, nous avons appris qu'ils ont augmenté leur capacité et qu'ils veulent poursuivre leur expansion; nous leur souhaitons bonne chance. Mais le port de Vancouver s'avère régulièrement incapable de satisfaire la demande. Un peu plus tôt, un témoin nous a déclaré qu'avant l'adoption du décret en conseil, il y avait 38 navires en attente à Vancouver et 17 à Prince Rupert. Ce chiffre est tombé à 24 et 7 respectivement après l'adoption du décret; mais pour moi, un seul navire en attente est un navire de trop. Si vous acheminez le grain jusqu'à leur port, ils doivent être en mesure d'y présenter des navires prêts à embarquer la marchandise. Y a-t-il, à Vancouver, des difficultés pour l'expédition du grain, comme c'est le cas pour bien d'autres produits?

M. Mongeau : Permettez-moi de dire quelques mots à propos de Prince Rupert, où cinq navires sont actuellement ancrés avec du tonnage disponible, un volume correspondant à six journées de travail et un besoin analogue en wagons. Vu sous l'angle de la chaîne d'approvisionnement, nous sommes parfaitement au niveau. Six journées, cela ne pose pas de problème et nous sommes parfaitement à jour avec Prince Rupert, alors qu'ils ont cinq navires à quai. Ce que nous demandent les opérateurs de Prince Rupert, c'est de garder cet équilibre, sans accélérer. Donc, nous sommes parfaitement au niveau et il reste de la marge.

Même chose pour Vancouver, où nous avons les choses bien en main; à Thunder Bay, ils obtiennent tout ce qu'ils demandent; quant à Churchill, ils ne peuvent rien faire pour l'instant. Je dirais donc que pour le moment, nous sommes à flot avec tous les ports, à telle enseigne que les exploitants d'élévateurs à grains de l'Ouest pensent que nous devrions expédier la marchandise en direction des États-Unis, du Mexique et d'autres destinations encore. Mais au fond, ce qui compte, ce ne sont pas leurs argumentations, mais plutôt de savoir où ils voudraient que nous envoyions les wagons. Pour ma part, je n'ai rien contre, tant que les gens comprennent que lorsqu'on expédie les wagons en direction du Mexique, il en faut trois fois plus pour acheminer le même tonnage que si on en utilisait pour acheminer des grains vers Thunder Bay. Et comme il y a pénurie de wagons, il nous faut décider si nous voulons transporter le tonnage nécessaire pour venir en aide aux agriculteurs, ou s'il nous faut répartir le volume de manière à satisfaire aux arguments des exploitants d'élévateurs à grains, lesquels prétendent qu'ils ont davantage de capacité qu'ils n'en ont en réalité.

Retenez bien ce que je vais vous dire : lorsque les chiffres, les vrais, seront mis sur la table, on verra que la véritable capacité de la chaîne d'approvisionnement est de l'ordre de 11 000 wagons par semaine, et ce, pour les deux compagnies de chemin de fer. C'est ce que nous faisons depuis cinq ans. Nous sommes donc au niveau pour ce qui est de la capacité réclamée par les élévateurs à grains.

Le sénateur Mercer : Je pense que la situation est frustrante pour nous tous cette année, à cause du volume exceptionnel de la récolte, bien entendu. J'ai du mal à comprendre pourquoi il y a un tel manque de coordination dans la répartition des wagons. Pourriez-vous revenir en arrière d'un an ou deux et nous décrire la situation à ce moment-là? Est-ce qu'on appliquait une meilleure méthode pour l'assignation des wagons?

M. Mongeau : Je dirais que la Commission canadienne du blé jouait alors un rôle plus important dans la régulation du trafic sur une base annuelle. La stratégie de commercialisation était différente : il y avait davantage de regroupement des livraisons de grain et une meilleure capacité d'acheminement vers les élévateurs à grains des zones rurales. C'est cela qui pose notamment problème aujourd'hui, car un grand nombre d'agriculteurs se trouvent à court de liquidités. Le problème ne se limite donc pas aux chemins de fer, il faut le voir dans sa corrélation avec la stratégie de commercialisation des grains.

Je dirais que l'efficacité avec laquelle nous répartissons les wagons afin de répondre aux besoins de la chaîne d'approvisionnement — compte tenu du fait que le système présente aujourd'hui une orientation plus commerciale ainsi qu'une concentration des acteurs —, n'est pas très différente de la méthode employée par la Commission canadienne du blé; de ce point de vue, il n'y a pas de changement. La situation aurait été difficile, quel que soit le système en vigueur. Cette année, les choses ont pris une tournure très émotive et axée sur la défense des intérêts. À mon avis, l'enjeu consiste tout autant à faire porter la responsabilité aux compagnies de chemin de fer qu'à convaincre le gouvernement de faire ce qu'il a fait, c'est-à-dire modifier les règles afin de renforcer l'emprise réglementaire.

Le sénateur Mercer : Vous avez évoqué l'accord sur les niveaux de service ainsi que la nécessité de dialoguer avec le gouvernement. Vous avez dit aussi que le ministre de l'Agriculture, au lieu de s'intéresser aux accords sur les niveaux de service, préférait pointer un index accusateur vers les compagnies de chemin de fer. Je ne suis pas sûr que les choses se soient passées ainsi.

Monsieur Taylor, vous avez parlé d'accords commerciaux et j'ai un peu de mal à m'y retrouver. Nous sommes habitués à l'expression « accord sur les niveaux de service », qui, sauf erreur, correspond à la terminologie du projet de loi C-52, alors que vous parlez d'« accords commerciaux ». Est-ce la même chose que les accords sur les niveaux de service?

M. Taylor : Tout à fait. L'expression « accord sur les niveaux de service » a été créée voici quelques années par la Commission d'examen des services marchandises ferroviaires. L'Office des transports du Canada, l'OTC, quant à lui, vise plutôt des accords commerciaux et des contrats confidentiels. Au cours des dernières années, l'OTC a présenté toute une série de solutions de dédommagement, dont une nouvelle modalité qui permet à un expéditeur bénéficiant d'un tarif de se prévaloir d'un contrat confidentiel imposé; c'est ce que l'on appelle « accord sur les niveaux de service ». Les gens utilisent différentes nomenclatures, mais en réalité, tous ces accords sont des contrats confidentiels ou des accords commerciaux.

Le sénateur Mercer : Aujourd'hui, en réponse à l'une de mes questions, un témoin nous a déclaré que les accords sur les niveaux de service sont coûteux. Je lui ai demandé ce qu'il entendait par « coûteux » et il m'a répondu qu'un tel accord avec une compagnie ferroviaire pouvait aller chercher jusqu'à 100 000 $. Étant donné que les accords sur les niveaux de service ont été introduits dans la législation voici deux ans environ, avez-vous examiné l'efficacité de ces accords avec vos expéditeurs? Je rappelle que vous négociez à partir d'une position de force, car un petit expéditeur n'a qu'une seule compagnie de chemin de fer avec laquelle traiter pour obtenir un accord sur les niveaux de service. Est-ce que vous tenez compte du fait que la passation de tels accords avec vous coûte beaucoup d'argent à vos fournisseurs?

M. Mongeau : Permettez-moi deux observations. Tout d'abord, nous avons eu autant, sinon plus de difficulté à desservir les secteurs autres que celui des grains. Avez-vous entendu, pour d'autres produits de base, des plaintes comparables à celles du secteur des grains? La réponse est non.

Ce qui se passe dans le secteur des grains est le résultat de l'action conjuguée des juristes chargés de la réglementation et des défenseurs des intérêts des exploitants d'élévateurs à grains. Dans ce secteur-là, nous n'avons pas de petits clients, car nous ne desservons pas les agriculteurs, mais les sociétés exploitantes d'élévateurs à grains. Or, je rappelle que les trois principales sociétés dans ce domaine contrôlent entre 65 et 70 p. 100 du marché. Nous avons donc un tout petit nombre de clients qui détiennent d'énormes installations et qui savent très bien y faire. Ainsi, ils excellent dans l'art de se placer du côté des agriculteurs et de mettre en accusation les compagnies de chemin de fer, en demandant au gouvernement de leur accorder davantage d'influence par voie réglementaire; mais ils ne diffèrent pas vraiment des autres clients importants. Rien n'empêche de passer des accords commerciaux avec eux, sinon que le secteur des grains présente des complexités particulières. Le système du plafond de revenu n'encourage guère la réciprocité, puisque c'est un système de paiement au coup par coup, ce qui ne facilite pas les choses. Dans les autres secteurs, le système fonctionne, mais s'agissant des grains, les choses sont plus difficiles pour des raisons à la fois historiques et structurelles.

M. Taylor : Lorsqu'il s'agit du transport ferroviaire, il est bon que les décideurs se souviennent que nous parlons d'un itinéraire d'autobus et non d'un service de taxi. Ainsi, nous pouvons acheminer une tonne de potasse de la Saskatchewan à sa plateforme d'exportation de Neptune pour environ 20 $, alors que le prix, pour une tonne de grains, est de 35 $, justement parce qu'il s'agit d'un itinéraire d'autobus. Alors si vous laissez des arbitres imposer bon gré mal gré la desserte par voie d'autobus pour faire profiter un client au détriment d'un autre client, vous portez gravement atteinte à l'efficacité du système. Même si ce qui s'est passé au cours des trois ou quatre derniers mois n'incite guère à le penser, je rappelle que nous avons, au Canada, l'un des meilleurs services de chemin de fer au monde. Mais il faut faire très attention lorsqu'on impose le service dans l'intérêt d'un client et au détriment d'un autre.

Le sénateur Mercer : Monsieur Mongeau, je pense que vous avez absolument raison : il y a trop d'avocats qui mettent la main à la pâte dans cette affaire.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur Taylor, est-ce que le CP est propriétaire de ses rails de chemins de fer?

[Traduction]

M. Taylor : Oui, nous sommes propriétaires de nos propres voies de chemin de fer.

[Français]

Le sénateur Maltais : Est-ce vrai qu'ils ont été subventionnés par le gouvernement fédéral?

[Traduction]

M. Taylor : Non, CP a toujours...

[Français]

Le sénateur Maltais : Jamais?

[Traduction]

M. Taylor : Non.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur Mongeau, êtes-vous propriétaire de vos rails?

M. Mongeau : Absolument.

Le sénateur Maltais : Est-ce que le gouvernement fédéral a déjà donné des subventions pour la construction de ce chemin de fer?

M. Mongeau : Le CN a été pendant longtemps une société de la Couronne. La réponse à votre question est un peu plus difficile; depuis 1995, le CN est une entreprise privée, mais depuis 20 ans, elle ne reçoit aucune subvention.

Le sénateur Maltais : Si je vous ramenais aux années 1873, dans le cas de la compagnie de chemin de fer du Grand Tronc, c'était le gouvernement du Canada qui avait financé les rails que vous avez présentement. Là n'est pas le problème.

J'ai écouté attentivement vos réquisitoires. Je me serais attendu aujourd'hui à ce que les deux présidents des seules compagnies ferroviaires canadiennes à la grandeur du pays nous arrivent avec des solutions. Votre principal argument, c'est qu'il a fait froid et qu'il y a eu trop de blé. C'est la faute du bon Dieu, c'est lui qui contrôle les deux problèmes. Mais écoutez, vous êtes les deux seuls au Canada. Le problème, il se présente à vous actuellement, et si vous ne le réglez pas, des amendes seront imposées en vertu de la loi. Il est inutile de vous plaindre; prenez les dispositions nécessaires pour répondre au problème, parce que, compte tenu des ententes de libre-échange que nous avons négociées avec les pays, de plus en plus, la situation va être telle. De plus, on est chanceux, on subit le réchauffement de la planète; chaque année, la planète va se réchauffer et il va faire de plus en plus froid. Habituez-vous à cela. Je me serais attendu à une solution pour régler le problème.

M. Mongeau : On a plein de solutions. Il faut trouver les façons de travailler ensemble de manière commerciale. C'est le même discours que je tiens depuis le début de l'hiver. Une façon commerciale représente un meilleur alignement, une meilleure coordination, recevoir des investissements qui permettent d'augmenter la capacité de toute la chaîne d'approvisionnement; c'est notre approche et celle qu'on privilégie. Malheureusement, on est ici pour vous décrire ce qui est déjà arrivé; le gouvernement a décidé de mettre en œuvre un règlement. Nous sommes ici pour nous défendre. Vous avez entendu les autres témoins, et nous nous défendons pour vous aider à comprendre que, peut-être, la loi que vous mettez de l'avant n'est pas la meilleure façon d'aborder la situation. Cependant, nous sommes des gens de solution, nous en proposons, et nous sommes à l'écoute de cette réalité.

Le sénateur Maltais : Pourquoi avoir attendu aussi longtemps? Si le ministre a décidé d'imposer une loi, c'est parce qu'il y a un problème quelque part.

[Traduction]

Le président : Monsieur Taylor, souhaitez-vous ajouter quelque chose?

M. Taylor : Non, je n'ai rien à ajouter.

La sénatrice Tardif : Aujourd'hui, les témoins ont été nombreux à insister sur le problème de la répartition des wagons et je crois que leur plus grande crainte, c'est de ne pas recevoir leur quota de wagons. Alors, j'aimerais comprendre quels sont les critères que vous utilisez pour rationner les wagons, et comment vous vous assurez que cela se fait de façon équitable?

M. Taylor : Au début de la campagne agricole, nous tenons des consultations avec nos clients et nous examinons les moyennes historiques ainsi que leurs capacités, notamment s'ils en ont déployé de nouvelles. Nous examinons également leur degré d'efficacité, et ensuite nous faisons une répartition estimative des wagons.

Mon concurrent a évoqué l'obstacle que représente le plafonnement du revenu. Ce que nous faisons aux États-Unis — et c'est ce que nous ferions au Canada si nous n'avions pas un régime de plafonnement du revenu — c'est que nous tenons une vente aux enchères pour l'attribution des wagons, ce qui permet d'avoir une meilleure harmonisation entre la répartition des wagons et les besoins des clients. Et si vous avez un navire en attente de chargement de grain à Vancouver, vous pouvez choisir de verser un droit de stationnement minoré de 10 $ pour avoir accès à ce wagon.

Ce qu'il nous faut, dans le secteur des grains, c'est donner une dimension plus commerciale aux opérations, comme l'a d'ailleurs déclaré mon concurrent. C'est préférable, comme élément de solution, à un alourdissement du carcan réglementaire. Telle est la façon dont nous répartissons les wagons, et nous avons proposé une solution contribuant à son amélioration.

M. Mongeau : Nous nous appuyons sur un examen historique de la part de marché des exploitants d'élévateurs à grains afin d'obtenir une formule de répartition assez stricte, ce qui ne diffère pas beaucoup de la façon dont opère la Commission canadienne du blé. Certes, ce n'est pas sans conséquence involontaire. Concrètement parlant, nous leur disons : « Vous avez utilisé une part de 4,5 p. 100, ou de 8,9 p. 100. Les commandes dépassent de très loin notre capacité, donc nous allons faire tout notre possible en vous garantissant 4,5 p. 100 ou 8,9 p. 100 ». Cela permet de traiter tout le monde de façon équitable.

Quant aux wagons des producteurs, par exemple pour les chemins de fer de Battle River, leurs commandes sont beaucoup plus importantes, mais ils ont une part équivalente de wagons des producteurs. En fait, s'agissant des wagons des producteurs, nous augmentons un peu notre offre parce qu'ils ont une demande considérable. Cela dit, nous restons orientés vers une formule de type historique.

La sénatrice Tardif : C'est justement l'objet d'une des plaintes qui nous ont été exprimées.

M. Mongeau : Est-ce que vous voyez une autre façon de procéder?

La sénatrice Tardif : On nous a dit que la formule de type historique n'est pas équitable.

M. Mongeau : Dans ce cas, je vais peut-être vous demander de m'aider à désigner les bénéficiaires, parce qu'il y a beaucoup de bouches à nourrir pour ainsi dire, et ils en veulent tous davantage, ce qui est parfaitement compréhensible.

Nous avons 38 000 commandes de plus que le maximum jamais atteint dans le secteur, alors, si l'on veut faire une répartition équitable, il faut bien avoir un critère.

La sénatrice Tardif : Je pense que c'est surtout une préoccupation pour les titulaires de petites lignes ferroviaires, car ils sont en pleine expansion et ils veulent accéder à de nouveaux débouchés, mais ils se trouvent entravés. Là encore, cela dépend de votre volonté de travailler avec ces entreprises.

M. Mongeau : Sénateur, il va peut-être falloir que vous me disiez à qui je dois enlever une partie de son quota, et je vous rappelle que nous sommes confrontés à une plainte relative aux niveaux de service. Laissez-moi vous donner un exemple.

L'un de nos rares clients à avoir obtenu un quota plus important avait présenté un volume supérieur suite à une croissance continue d'une année sur l'autre. Il fait donc partie des rares élus qui ont obtenu un petit supplément, mais il se trouve qu'il en veut encore plus. Par conséquent, si je veux augmenter le quota de ces clients, ou si vous-mêmes ou bien l'OCT prenez cette décision, il faudra également se demander : mais à qui va-t-on enlever ces wagons? À Churchill? À Battle River? Ou à un autre client?

Nous vivons une période de rationnement, et il faut que le système reste équitable.

La sénatrice Tardif : Mais à quel moment est-ce que les gens décident d'acheter de nouveaux wagons? Et est-ce qu'on ne peut pas tout simplement en construire davantage?

M. Taylor : Notre parc de wagons est en train de vieillir. Nous en avons 6 000 provenant du gouvernement du Canada, rachetés à l'époque où le gouvernement subventionnait le transport des grains à hauteur de 700 millions de dollars par an. La solution idéale, c'est un wagon nouveau avec une capacité supérieure et des parois plus hautes, mais plus courtes, afin de pouvoir charger un volume plus important avec un moindre encombrement sur la voie d'évitement. Mais il faut aussi tenir compte du régime de plafonnement du revenu.

La sénatrice Tardif : Pourriez-vous expliquer cela plus en détail, s'il vous plaît?

M. Taylor : C'est le gouvernement qui fixe le montant de nos recettes, je veux dire que c'est l'Office canadien des transports qui établit le montant maximum que nous pouvons tirer de l'acheminement des grains canadiens assujettis à réglementation vers une plate-forme d'exportation. C'est actuellement le seul volet du transport par voie ferrée dont le revenu soit fixé par règlement, et cela constitue un obstacle. C'est surtout un obstacle pour la campagne agricole en cours, compte tenu de ses caractéristiques particulières, étant donné que la demande dépasse de très loin la capacité de satisfaction — ce qui incite à augmenter la capacité dans l'avenir.

Ce régime a été mis au point à l'époque où le cours du canola devait se situer — là, je tâtonne un peu pour les chiffres — disons autour de 200 $, et pas 450 $. Pour vous donner une idée, au cours des 14 dernières années, le prix des produits de base a augmenté de 160 p. 100 au Canada alors que les tarifs ferroviaires n'ont progressé que de 24 p. 100.

Par conséquent, si l'on plafonne le revenu et que le prix des produits de base continue de grimper comme ça, peut-être le moment est-il venu d'entamer un dialogue en vue de se défaire de cette restriction de revenu pour pouvoir déployer de nouvelles capacités.

M. Mongeau : Aux États-Unis, les sociétés céréalières prennent part aux décisions concernant l'assignation de wagons, si bien que l'on parvient à un équilibre. Au Canada, nous fonctionnons avec un système de paiement au coup par coup et aussi de plafonnement des recettes. Par conséquent, on nous demande davantage de wagons à condition que ce soit gratuit, et on devine sans peine la réponse. C'est pourquoi je crois qu'il faut nous tourner vers les autorités gouvernementales et leur dire : « Achetez davantage de wagons, parce qu'ils les veulent gratuitement », ou encore adopter un régime différent, comme celui de la potasse. Le régime canadien est très instable, parce qu'ils sont propriétaires de leurs wagons et qu'ils font leurs propres calculs, et ensuite nous faisons nos estimations concernant le nombre de locomotives et d'équipages. Ce n'est donc pas aussi simple que de dire : « Allez trouver les wagons. » C'est ce que nous avons fait, mais il faut prévoir un délai de huit mois. Je rappelle que, depuis l'automne dernier, nous avons ajouté plus d'un millier de wagons, c'est-à-dire plus de 10 p. 100 de notre parc.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Monsieur Mongeau, j'ai pris connaissance de votre document et je vous dirais que, si j'étais ministre de l'Agriculture, je ne serais pas trop content. Je vois à la page 6 que vous dites que cela fait appel à des fantaisies. Je ne sais pas si vous faites référence au projet de loi. Un peu plus loin, on dit que cela contient tous les éléments pour nuire à l'économie, aux investissements, à l'emploi et que cela nous ramène 50 ans en arrière à cause d'une récolte record et d'un hiver sans précédent.

Le ministre a comparu devant notre comité hier et je lui ai mentionné que vous ou le CP disiez que le projet de loi était de l'intrusion dans les affaires commerciales des compagnies ferroviaires.

Je comprends que les deux parties ne sont pas sur la même longueur d'onde et qu'à titre de président de compagnie ferroviaire, ce qui est important pour vous, c'est le rendement des actionnaires.

La question est fort simple. À la suite de ce projet de loi, peut-on s'attendre à une certaine coopération? Vous allez me répondre oui, et on va le voir. Les producteurs disent que les récoltes vont peut-être être encore bonnes et c'est notre souhait. On souhaite avoir de bonnes récoltes.

M. Mongeau : Le plus possible.

Le sénateur Dagenais : Tant mieux si on a trop de grains et tant mieux si on manque de wagons pour le transporter. Je comprends que vous ne puissiez stocker des wagons s'il n'y a pas suffisamment de grains. Le projet de loi sera déposé et sera adopté. Peut-on s'attendre à une collaboration de la part de vos compagnies respectives?

M. Mongeau : Dans la mesure où nous sommes invités à la discussion, sénateur, nous sommes tout à fait disposés à collaborer.

Le sénateur Dagenais : Nous vous inviterons, ne soyez pas inquiet.

M. Mongeau : Oui. On veut le faire de manière commerciale. Tout ce que j'ai écrit sur cette page, je l'ai écrit au ministre Ritz plus en détail et j'en ai fait mention lors de discours tenus à Winnipeg. Le ministre a perdu l'équilibre et la perspective dans ce dossier. Il a été beaucoup trop loin dans les mesures qu'il met de l'avant. Cela ne permettra pas de faire bouger plus de grains. Cela va vicier les relations commerciales qui existent entre les clients et les chemins de fer. On le voit déjà, alors que la loi n'est pas encore adoptée; déjà, trois plaintes de services ont été déposées à l'agence. En ce qui concerne les décisions commerciales sur les « car allocations », ce sera le Bureau de la sécurité des transports à Ottawa qui décidera. Si vous croyez qu'il s'agit d'un bon système de décider sur un mode de contrôle gouvernemental comment gérer une infrastructure ferroviaire, à ce moment-là, c'est une bonne chose, mais si vous pensez, comme moi, que les forces commerciales, les incitatifs, la collaboration et la coordination constituent une meilleure approche, c'est un très mauvais projet de loi, parce qu'il encourage les expéditeurs à venir se plaindre à Ottawa et ajoute des mécanismes de concurrence qui sont, à mon sens, mal avisés. L'interconnexion en est un. On ouvre la porte au vol de trafic des chemins de fer canadiens par les chemins de fer américains pour amener ce trafic dans des ports américains à des taux d'interconnexion qui ne nous compensent pas; c'est comme ouvrir à la concurrence, sans compensation, pour bénéficier des chemins de fer américains. Le CN et le CP ne semblent pas faire un assez bon travail; si on fonctionne à plein rendement avec le grain qu'on a, on ne pourra pas aider les clients en interconnectant pour suppléer aux problèmes de l'autre. Si on laisse le trafic se drainer vers les États-Unis et nourrir les emplois dans les ports américains, ce n'est pas dans l'intérêt des Canadiens. Je pense chacun des mots que j'ai dits et je peux les démontrer un à la fois. Malheureusement, on n'a pas suffisamment de temps, mais les chemins de fer ne sont pas assez écoutés dans ce dossier. On nous écoute à la toute fin pendant 8 minutes au moment où le projet de loi sera adopté.

Le président : J'aimerais demander à nos témoins de s'assurer d'utiliser un langage parlementaire.

Le sénateur Robichaud : Que vous nous ayez assuré être au courant qu'il y avait des hivers au Canada m'a rassuré. Plusieurs témoins nous ont dit que le CN et le CP n'ont pas l'air de croire qu'on a des hivers. On a aussi dit qu'il y a un gros problème de communication entre les différents joueurs et que c'était quasiment impossible de parler aux compagnies ferroviaires. Les gens appellent, mais il n'y a pas de retour d'appel. Je vous dis ce que j'ai entendu et je vous donne l'occasion d'ajuster les pendules.

Quel est ce problème de communication? Peut-être qu'on se parle et qu'on ne s'entend pas.

M. Mongeau : J'ai rencontré à deux reprises chacun des dirigeants principaux de l'information des compagnies de grains au cours des derniers mois, chacun d'entre eux à leurs bureaux, dans l'Ouest canadien ou aux États-Unis. Notre collaboration est ultime. Le mantra du CN est d'être une chaîne d'approvisionnement. Quand on veut que son chien ait la rage et quand on veut convaincre le gouvernement qu'on veut changer la loi, on dit que les chemins de fer s'occupent de l'huile, qu'ils n'ont pas de flexibilité et qu'ils n'écoutent pas. On dit beaucoup de choses, mais ultimement, il faut s'en tenir aux faits. Au moment où on se parle, on n'a jamais transporté autant de grain. On est prêt à faire les investissements, on est des gens de solution. On veut un système commercial qui encourage les gens à se parler plutôt que de régler leurs différends à Ottawa. C'est dans l'intérêt public, et on est partenaire d'une telle démarche. Je ne peux pas me prémunir de ce qui est fait de façon exagérée par ceux qui veulent nous faire porter le chapeau. Il y a tellement de mensonges, ça en est décevant.

Le sénateur Robichaud : Vous finissez quand même par porter le chapeau?

M. Mongeau : On le porte, il n'y a pas de doute.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Merci, messieurs. Après avoir écouté tous les témoins, j'ai tendance à dire que c'est vous que l'on montre du doigt. Vous affirmez que, depuis septembre dernier, vous avez transporté davantage de grains en direction des ports qu'on ne l'a jamais fait par le passé; malgré cela, les problèmes sont légion. Les navires attendent leur chargement, tandis que, selon vous, les exploitants d'élévateurs à grains n'affectent pas davantage de wagons de votre parc. Il y a dysfonctionnement général de la communication. Les agriculteurs ne sont pas en mesure de prévoir si la récolte va être absolument exceptionnelle; cela dit, un plus un font deux, et je pense que c'est toute la filière d'approvisionnement qu'il conviendrait peut-être de réformer de fond en comble. Qu'en pensez-vous?

M. Mongeau : Je pense que ce qu'il faut surtout réformer, c'est la mentalité régnante. Nous devons organiser des consultations avec les parties concernées, accélérer la transmission des informations et aussi imaginer des solutions à dimension commerciale. C'est ce que je défends depuis septembre dernier. Malheureusement, nous avons tenu bon pendant tout l'automne, mais lorsque l'hiver est arrivé et que les problèmes se sont multipliés, nous avons été pris à contrepied et les choses sont devenues moins claires. C'est là qu'on a commencé à rejeter la faute sur les compagnies ferroviaires et à légiférer, ce qui, à mon avis, nous fait régresser.

Telle est la triste réalité que nous aurions aimé pouvoir changer, et nous y sommes toujours prêts. S'il y a un aspect positif dans ce projet de loi, c'est sa clause d'extinction automatique d'ici deux ans, et j'espère que d'ici là une meilleure optique aura prévalu et que l'approche de collaboration aura porté ses fruits.

Le président : Merci, monsieur Mongeau.

Sénateurs, compte tenu de l'heure et du fait que nous devons accueillir le dernier groupe de témoins, je déclare que nous en avons terminé avec les questions.

[Français]

Je vais écouter le commentaire du sénateur Robichaud.

Le sénateur Robichaud : En relation avec ce que vous avez dit, monsieur Mongeau, « à un moment donné, on était en train d'établir un système pour transporter le grain vers les ports américains ». Cela me trouble un peu.

M. Mongeau : Prenez la page 8 de mon document; pour le CN et le CP, ce serait très inefficace d'aller traverser et d'interconnecter du trafic entre eux et nous. Les deux ont plus de trafic qu'ils sont capables d'en prendre. Donc, l'interconnexion ne bénéficiera pas au trafic entre le CN et le CP. Par contre, à 160 kilomètres au sud de Winnipeg, c'est le BN, et si le BN prend le trafic, il sera envoyé aux ports américains, et il n'y aura pas d'emplois canadiens liés au chemin de fer et pas d'emplois canadiens dans les ports. Cela pourrait être correct si le taux d'interconnexion compensait pour les chemins de fer, mais le taux d'interconnexion d'aujourd'hui ne nous compense pas, et même pire, dans le contexte de la Loi sur le plafond de revenu, on n'est même pas rémunéré pour faire l'activité d'interconnexion.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Mongeau, président-directeur général du Canadien National, et monsieur Taylor, du CP.

[Traduction]

Merci de nous avoir fait part de vos observations. Il va de soi que ce que vous avez dit sera consigné dans notre hansard et lu par un grand nombre de personnes.

Honorables sénateurs, le quatrième groupe de témoins de la journée est prêt à comparaître et nous allons poursuivre l'étude du projet de loi C-30, Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grains.

[Français]

Et, la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour le producteur de grain du Canada.

[Traduction]

Permettez-moi à présent de présenter M. Art Enns, membre de la direction des Producteurs de grains du Canada, ainsi que notre deuxième témoin, M. Rick White, président-directeur général de la Canadian Canola Growers Association.

Merci beaucoup à tous les deux d'avoir accepté notre invitation et de nous faire part de votre point de vue et de vos commentaires à propos du projet de loi C-30. La présidence donne tout d'abord la parole à M. Enns, qui sera suivi de M. White. Nous passerons ensuite aux questions des sénateurs.

Art Enns, membre de direction, de Producteurs de grains du Canada : Monsieur le président, membres du comité, merci de m'avoir invité à intervenir aujourd'hui à propos du projet de loi C-30 en ma qualité de président de la Prairie Oat Growers Association et de membre de la direction de Producteurs de grains du Canada. Je suis par ailleurs cultivateur au Manitoba.

Permettez-moi tout d'abord d'exprimer notre reconnaissance et notre soutien envers le gouvernement pour les mesures qu'il a adoptées afin de rétablir les opérations de transport des grains. Le gouvernement est à l'écoute de nos préoccupations et ce projet de loi, qui prolonge les mesures adoptées par décret en conseil, nous fait avancer vers un système ferroviaire plus équilibré et plus responsable. Nous en sommes donc reconnaissants au gouvernement.

Nous espérons que ce texte de loi ainsi que ses règlements d'application amélioreront la transparence et la redevabilité entre les chemins de fer et les expéditeurs, par le biais d'une rationalisation de la chaîne d'approvisionnement par le biais d'accords sur les niveaux de services assortis de pénalités réciproques, de contrats de livraison répondant aux besoins des sociétés céréalières comme des agriculteurs tout en offrant une prévisibilité au secteur des grains, d'une amélioration de la concurrence grâce aux manœuvres interréseaux visant à améliorer les performances du service ferroviaire — je précise que nous sommes favorables à une augmentation du rayon jusqu'à 160 kilomètres — et enfin d'une meilleure transparence grâce à un renforcement de la présentation de comptes rendus, ce qui devrait optimiser l'efficacité du réseau dans l'intérêt de tous les acteurs de la chaîne d'approvisionnement.

Je pense que nous connaissons tous la nature des problèmes qui nous ont amenés à cette situation et qui, au-delà de l'accumulation de grains dans les silos qui paralyse les céréaliculteurs, nous empêche de profiter de cours favorables. S'agissant de notre culture, l'avoine, les agriculteurs se voient offrir la moitié du cours en vigueur alors que les minotiers réclament de l'avoine à cor et à cri; et tout cela parce que nous ne pouvons pas acheminer les grains jusqu'au marché.

J'ajoute que si nous sommes en retard de 20 p. 100 par rapport à nos exportations d'avoine de l'an dernier, nous en sommes à 70 p. 100 pour ce qui est de la disponibilité de notre produit. Au cours des deux derniers mois, les expéditions vers les États-Unis se sont un peu redressées et nous nous en réjouissons. Cependant, nous continuons d'entendre dire que l'Australie et d'autres fournisseurs occupent actuellement des créneaux qui en font des exportateurs plus fiables. Nous sommes donc en train de perdre des marchés que nous avions mis des années à conquérir, et c'est inacceptable.

Jusqu'ici, la recherche de solutions a surtout été orientée vers les ports de la côte Ouest, et ce, au détriment d'autres corridors, en particulier le corridor sud. Il est très important que le gouvernement s'appuie sur le rôle élargi du programme de surveillance du grain afin de rapprocher, sur une base hebdomadaire, les attributions de lignes de chemin de fer et la demande des corridors et des destinations.

Les parties intéressées s'attendent à un service équitable pour toutes les récoltes et pour toutes les désignations; or, pour ce faire, il faut que tous les acteurs coopèrent. Dans cette optique, nous avons demandé au gouvernement d'envisager les mesures suivantes : fixation de volumes minimums pour le transport par corridor et consultations sectorielles des producteurs des denrées de base au moment de la fixation des minimums par corridor, étant donné que nous sommes bien placés pour analyser la demande à long terme comme les besoins immédiats.

On a suggéré que ces questions soient également traitées dans les règlements d'application du projet de loi C-30. Nous nous rallions à cette opinion, qui met en relief la priorité qu'il convient de donner à l'adoption de ce projet de loi et à ses ramifications réglementaires, afin que tout soit en place pour le lancement de la campagne agricole, le 1er août 2014.

L'association des Producteurs de grains du Canada souligne qu'il importe de fixer un cadre garantissant la stabilité au-delà de 2016, une fois que les dispositions du projet de loi C-30 seront devenues caduques, si tel est le cas.

Il convient de fournir aux producteurs, aux expéditeurs, aux manutentionnaires et aux transporteurs ferroviaires un horizon de planification d'au moins un an. C'est pourquoi nous pensons que l'Office canadien des transports devrait immédiatement amorcer la planification des capacités pour la campagne 2014-2015.

Il convient également d'entreprendre dès que possible la révision de la Loi sur les transports au Canada, et nous sommes heureux de voir que le gouvernement compte accélérer l'examen de la portion de la loi qui traite du transport ferroviaire.

Ce projet de loi constitue également un autre pas important vers l'élimination des arriérés ainsi que la prise en compte des carences du système de transport de marchandises par voie ferroviaire au Canada. La tâche n'est toutefois pas achevée.

En tant que membre du secteur de l'agriculture, nous partageons la conviction que les mesures prises jusqu'ici par les autorités gouvernementales doivent s'inscrire dans une solution à long terme des problèmes auxquels nous sommes confrontés dans le domaine du transport des produits de base.

Il convient, face aux exigences croissantes auxquelles doivent répondre les chemins de fer dans tous les corridors et pour tous les produits de base, d'apporter des changements orientés vers le long terme. La capacité d'acheminement des produits a une incidence sur tous les secteurs de l'économie canadienne, qu'il s'agisse de l'exploitation minière ou pétrolière, des forêts ou de l'agriculture. Nous devons mettre nos efforts en commun et trouver des solutions équitables pour toutes les parties qui dépendent du transport ferroviaire au Canada. Il nous faut un système de transport répondant aux besoins pour tous les produits de base et pour tous les Canadiens, et ce, jusqu'au consommateur final lorsqu'il achète son paquet de céréales du matin.

Nous remercions toutes les parties concernées pour les efforts qu'elles déploient afin d'accélérer l'adoption du projet de loi, et nous sommes prêts à nous consacrer à la mise en œuvre des nouvelles démarches dès que la Sanction royale aura été obtenue.

Je vous remercie. Nous nous tenons prêts à répondre un peu plus tard à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Enns.

Monsieur White, merci de bien vouloir nous présenter votre exposé.

Rick White, directeur général, Canadian Canola Growers Association : Bon après-midi monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous remercie de m'avoir invité ici aujourd'hui pour vous entretenir du projet de loi C-30.

La Canadian Canola Growers Association est une association nationale qui porte la voix des quelque 43 000 producteurs de canola au Canada. Sachant que plus de 90 p. 100 du canola canadien sont destinés aux marchés d'exportation, les producteurs de canola comptent sur le transport ferroviaire du Canada pour acheminer nos produits vers les clients et préserver la compétitivité de ces produits sur le marché mondial des oléagineux. Notre industrie du canola, qui pèse 19 milliards de dollars, est fortement tributaire de la prévisibilité, de la ponctualité et de l'efficacité du service ferroviaire. De plus, de par la croissance de la demande pour nos produits, les chaînes d'approvisionnement et la logistique ferroviaire revêtiront une importance encore plus grande, au fur et à mesure que notre industrie tend, comme elle s'y emploie, vers nos nouveaux objectifs de 2025 de 26 millions de tonnes de canola.

Au cours de la présente campagne agricole, les cultivateurs de canola ont récolté une production record de 18 millions de tonnes de canola. Les prix étant relativement élevés, un sentiment d'optimisme a gagné les producteurs, mais ils n'ont pas pu retirer les avantages économiques escomptés de cette récolte exceptionnelle à cause des défaillances survenues dans le transport du grain par voie ferroviaire entre les silos de collecte et les terminaux. Les agriculteurs ont perdu des occasions de commercialisation et ils font maintenant face à de graves difficultés de trésorerie, puisque le canola reste entreposé dans leurs cellules à grains. Nous observons également des stocks de fin de campagne sans précédent qui auront des répercussions sur les marchés pendant plusieurs années. Depuis le début de cette crise, le gouvernement a fait preuve de détermination pour résoudre les problèmes de service ferroviaire tant à court qu'à long terme. De l'argent est maintenant disponible pour améliorer la surveillance, le décret en conseil a permis de transporter le grain selon des quantités prescrites et nous avons maintenant le projet de
loi C-30.

Nous trouvons un motif d'encouragement dans le fait que ces efforts semblent porter fruit, puisque le rendement s'est amélioré progressivement au cours des dernières semaines. La CCGA soutient les propositions de modification de la Loi sur les transports au Canada, inscrites dans le projet de loi C-30. La modification introduite par le gouvernement est un pas vers la responsabilisation commerciale du système logistique. La proposition d'élargir les zones de manœuvre constitue une mesure positive de nature à insuffler une concurrence commerciale accrue dans l'ensemble de l'Ouest pour tous les expéditeurs. Nous estimons qu'il faut accorder une attention particulière aux conséquences sur les couloirs ferroviaires afin de nous assurer que le produit soit acheminé là où le marché le demande, et non selon l'itinéraire le plus commode pour remplir les obligations imposées par la loi ou le règlement relatifs au volume. Espérons que cela pourra être traité dans la réglementation.

Bien que la CCGA soutienne pleinement le projet de loi C-30 et qu'elle attende avec impatience son entrée en vigueur, nous la considérons comme un cadre habilitant, et la véritable mesure de son succès dépendra dans une grande mesure de la teneur des règlements connexes. Nous sommes déterminés à travailler avec le gouvernement pendant tout le processus réglementaire et au-delà.

Bien que nous reconnaissions que le projet de loi C-30 soit un point de passage important vers l'examen législatif de la LTC, ainsi que les améliorations à long terme du transport des céréales, nous comptons toujours faire pression pour obtenir des mesures dans deux domaines clés pour rééquilibrer de façon fondamentale la relation commerciale qui existe entre les expéditeurs et les chemins de fer.

Tout d'abord, il convient de définir clairement le sens d'« installations convenables » dans la description des obligations du transporteur énoncées dans la Loi sur les transports au Canada. Les obligations de service du transporteur ferroviaire doivent satisfaire les besoins de transport de l'expéditeur.

Le fait de définir le service comme étant ce qui satisfait les besoins de l'expéditeur règlera de façon intrinsèque la question de la capacité sans que cela nécessite un décret gouvernemental, et cela permettrait de préciser le fait que la loi fait obligation au fournisseur du service de faire le nécessaire pour transporter les marchandises qui lui sont confiées.

Deuxièmement, les ententes de niveau de service doivent contenir des dispositions établissant un régime de pénalités réciproques.

Les ententes de niveau de service, si elles sont dotées de clauses impératives prévoyant notamment des pénalités réciproques en cas de manquement aux obligations de service, renforceront la responsabilisation entre les parties de la chaîne d'approvisionnement et les tiendront responsables l'une devant l'autre sur le plan financier.

L'idéal serait que ce régime fasse aussi en sorte que les pénalités profitent aux producteurs ayant passé des contrats d'acheminement de grains avec des entreprises céréalières et qui ne reçoivent aucun dédommagement en cas de défaillance du service convenu entre les entreprises céréalières et les transporteurs ferroviaires.

Nous, et la communauté des expéditeurs tout entière réitérons notre appui envers les six modifications présentées au gouvernement en 2010 par la Coalition des expéditeurs par rail. Elles demeurent fondamentales en vue d'un changement significatif du mécanisme régissant les ententes de niveau de service.

Pour conclure, l'expérience vécue cette année a clairement démontré que les chemins de fer jouissent d'une position privilégiée, permettant de contourner les obligations légales placées à leur charge, pénalisant les producteurs agricoles canadiens, d'autres expéditeurs et, en fin de compte, l'économie du pays. Le temps est venu de rééquilibrer les relations commerciales au sein de la chaîne d'approvisionnement, et de renforcer la responsabilisation par l'établissement de contrats rigoureux et efficaces portant sur le service et l'exécution des obligations. C'est justement ce que le projet de loi C-30 nous donne l'occasion de faire. Nous sommes déterminés à travailler avec le gouvernement afin de nous assurer de saisir cette occasion, dans l'intérêt de nos producteurs, des participants de la chaîne d'approvisionnement, et de toutes les marchandises.

Nous apprécions cette occasion d'avoir pu nous adresser au comité, et nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur White. Passons maintenant aux questions.

Le sénateur Mercer : Je vous remercie tous les deux d'être ici. J'apprécie votre présence.

Monsieur Enns, vous avez déclaré que le gouvernement est attentif à vos préoccupations, mais vous avez aussi décrit quelques problèmes. Qui est responsable de cette crise? Tout le monde ici a été accusé de jeter le blâme sur les autres, alors continuons. Montrez du doigt vous aussi. Qui est à blâmer?

M. Enns : Je pense qu'on peut parler de tempête. Quelques facteurs ont aggravé la situation. Nous avons eu une récolte record et une demande record pour nos produits. Nos entreprises de stockage des grains ont vendu des volumes records. Oui, nous avons eu un hiver très rigoureux, qui a occasionné des défaillances dans le transport.

Je constate que notre réseau ferroviaire ne semble pas grandir à mesure que notre économie progresse. La demande augmente, tout comme les besoins de notre service. De l'autre côté de la frontière, Burlington Northern Railroad investit plus de 1 milliard de dollars dans des infrastructures et du nouveau matériel au Dakota du Nord et au Dakota du Sud. Je ne vois pas d'investissements de cette ampleur chez nos transporteurs ferroviaires. Et ce ne sont que deux petits États, pas plus grands que le Manitoba et la Saskatchewan réunis. C'est de ce côté que je regarde et je ne sais pas quoi dire. Je ne veux pas montrer le doigt. Je dis seulement que je cherche des solutions. Nous devons travailler main dans la main.

Le sénateur Robichaud : Burlington Northern est aux États-Unis?

M. Enns : Oui.

Le sénateur Robichaud : Ce transporteur est surtout actif aux États-Unis, je dirais. Il achète du nouveau matériel. Reçoit-il des indemnisations pour le transport des grains, comme en reçoivent les chemins de fer canadiens?

M. Enns : Je pense que la structure est différente, mais je ne connais pas bien la situation. Il y a un système d'enchères pour les wagons et l'infrastructure est différente.

Leurs ventes étaient moins élevées cette année et ils s'adaptent aux besoins de leurs clients. J'ai parlé à l'un des directeurs d'exploitation qui m'a confirmé qu'ils sont en baisse et qu'ils feraient partie des sociétés ferroviaires visées par l'interconnexion parce qu'ils pourront venir au Canada si l'interconnexion passe à 160 kilomètres. Il a affirmé qu'ils ne cherchent pas de nouveaux clients actuellement. Ils essaient de tout faire pour bien servir leurs clients. Il a déclaré qu'ils se dotent de nouveau matériel pour être en mesure d'assurer ce service. De toute évidence, les investissements sont rentables pour eux.

Le sénateur Mercer : Monsieur White, nous avons eu cette année une récolte record de 18 millions de tonnes de canola, et vous visez 26 millions de tonnes en 2025. C'est un objectif très ambitieux. J'espère que vous l'atteindrez — c'est important. Vous avez déclaré que les agriculteurs ont perdu des occasions de commercialisation et qu'ils font maintenant face à de graves difficultés de trésorerie, puisque le canola reste entreposé dans leurs cellules à grains. Combien de vos membres ont profité des prêts sans intérêt du gouvernement pouvant atteindre 100 000 dollars?

M. White : Je vous remercie de poser la question. Nous administrons le programme de paiement anticipé au nom du gouvernement fédéral. Nous venons de verser les dernières avances en vertu du programme qui s'est achevé le 1er mars de cette année. Nous avons effectué près de 13 000 avances en vertu de ce programme, ce qui a représenté un montant total de 1,6 milliard de dollars. L'activité est tout aussi intense en avril, avec le nouveau programme du printemps. Nous dépassons déjà 300 millions de dollars, versés à près de 4 000 producteurs durant le premier mois du programme. Il y a des difficultés de trésorerie, surtout à cause des problèmes de livraison, parce que les chemins de fer ne transportent pas assez de grain.

Le sénateur Mercer : Quand nous avions le guichet unique, les problèmes de trésorerie étaient-ils aussi graves? Les entrées de fonds n'étaient-elles pas un peu plus égales, parce que les agriculteurs étaient payés avant que le grain soit expédié?

M. White : Non. Je pense qu'à l'heure actuelle, il faut simplement pouvoir comptabiliser les ventes. Avec ou sans la Commission du blé, il aurait été impossible de payer les agriculteurs lorsqu'ils ne peuvent pas livrer la marchandise. À mon avis, cela n'a rien à voir avec la présence ou l'absence de la Commission du blé. De fait, dans le régime de la Commission du blé, la trésorerie était encore plus serrée parce que les agriculteurs n'étaient payés que pour une partie de leur grain.

Le sénateur Mercer : Vous avez affirmé dans votre exposé sur le projet de loi C-30 que vous le considérez comme un cadre habilitant. Je ne suis pas certain de comprendre. Des témoins entendus ces derniers jours nous ont déjà déclaré qu'il n'y a pas de plan global, pas de vision d'ensemble de la manière de gérer tout cela d'une année à l'autre. La loi proposée renferme une disposition de temporisation, mais personne ne s'assoit pour concevoir un plan d'ensemble en rencontrant des organisations comme la Canadian Canola Growers Association, les agriculteurs, les grandes sociétés ferroviaires et les chemins de fer secondaires afin de discuter des problèmes compliqués qui peuvent découler d'une récolte de cette ampleur.

Comme je le répète depuis quelques jours, j'espère que ce n'est pas une récolte exceptionnelle. J'espère qu'elle sera le point de départ d'une croissance et je pense que les problèmes seront encore plus graves l'an prochain si nous ne trouvons pas une façon de réagir et de nous organiser pour bien servir les fournisseurs et rémunérer les chemins de fer. En outre, tout le monde semble oublier que les ports doivent fonctionner efficacement à l'autre extrémité pour que le grain sorte du pays et arrive chez nos clients.

M. White : Nous considérons le projet de loi C-30 point de passage permettant au gouvernement d'intervenir dans des domaines où il n'interviendrait pas normalement, afin de faire face à la crise actuelle. Cette loi habilitante nous indique le chemin à suivre pour sortir de la situation d'urgence à court terme dans laquelle nous nous trouvons et nous amène à l'examen de la LTC en 2015, où nous pourrons commencer à parler de la solution à long terme, qui consiste notamment à définir dans la loi ce qui constitue des « installations convenables ». Qu'est-ce qui est convenable? La définition doit porter sur les besoins des expéditeurs, pas sur ceux des chemins de fer. Si nous pouvons éclaircir ce point, alors les chemins de fer seront tenus par la loi d'adapter leur capacité à la demande du marché. Le problème ne serait pas aussi grave aujourd'hui si nous avions déjà établi cette définition.

Le sénateur Mercer : Je relisais justement mes notes pour le discours sur le projet de loi C-30 que j'ai donné à la Chambre hier. J'ai cru que vous me citiez quand vous avez parlé de définir clairement les obligations du transporteur concernant les « installations convenables » dans la Loi sur les transports du Canada. Vous avez tout à fait raison. C'est important. On a déjà raté une occasion de le faire dans le projet de loi C-52; et on en rate une autre maintenant. Il faut agir.

Le président : Est-ce une question?

Le sénateur Mercer : Il y aura quelques questions.

Vous avez évoqué les ententes de niveau de service, mais vous n'avez pas parlé de la difficulté que pose, d'après certains témoins, le coût de la négociation de ces ententes avec les chemins de fer. Vous êtes une grande organisation, en position de force. Le petit fournisseur qui négocie une entente de service avec des chemins de fer aura beaucoup plus de mal à faire face aux coûts exorbitants.

M. White : Je devrais peut-être apporter une précision. Les ententes de niveau de service sont les ententes contractuelles entre la société ferroviaire et l'expéditeur de référence. En tant qu'association, nous ne sommes pas un expéditeur de référence. Mais nous nous intéressons au fonctionnement de cette disposition relative aux ententes de niveau de service, parce qu'à notre avis, si ces ententes ne constituent pas une réelle entente commerciale qui a des répercussions sur les deux parties, alors elles ne valent pas plus que le papier sur lequel elles sont rédigées.

Il faut donc mettre en place une entente contractuelle normale, uniformisée. Une telle entente prévoit des pénalités réciproques pour les deux parties, lorsque l'une d'elles manque à ses obligations. Nous ne voyons pas les choses sous l'angle de la négociation, mais plutôt sous l'angle des politiques.

Le sénateur Mercer : En prévision de l'avenir, il serait très utile que votre organisation surveille les ententes de niveau de service que vos membres ont négociées avec les chemins de fer : le coût, le temps qu'il a fallu pour les négocier et la manière dont elles sont gérées. Cela n'a pas grand-chose à voir avec le projet de loi C-30 aujourd'hui, mais plutôt dans l'avenir, surtout lorsque nous examinerons la Loi sur les transports du Canada, en 2015 d'après ce que vous nous avez dit. Je crois comprendre que l'examen du transport ferroviaire pourrait être un peu devancé.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci à nos deux invités. Si je me réfère à votre document, vous dites que votre industrie est fortement tributaire de la prévisibilité, de la ponctualité et de l'efficacité du service ferroviaire. Vous en dépendez beaucoup. Vous mentionnez un peu plus loin que vous avez produit 18 millions de tonnes de canola, et que si la tendance se maintient, en 2025 ce serait peut-être 26 millions. Il faut croire que la production ira en augmentant. Ceci étant dit, à cause des services ferroviaires, certains des agriculteurs ont perdu des occasions de commercialisation et ils ont même fait face à des difficultés de trésorerie. Vous mentionnez un peu plus loin, « les obligations du service du transporteur ferroviaire doivent satisfaire aux besoins de transport de l'expéditeur ». Alors, ma question pour les deux témoins est la suivante : est-ce que, actuellement, vous êtes satisfaits du transport ferroviaire?

[Traduction]

M. White : À l'heure actuelle, non, nous ne sommes pas satisfaits du transport ferroviaire. Les transporteurs se conforment au niveau minimum fixé par décret d'environ 5 500 wagons par semaine par société ferroviaire, ce qui représente environ un million de tonnes par semaine. Mais les chemins de fer doivent faire mieux que cela.

Pour assurer l'avenir des nouvelles cultures, plus volumineuses, il faut de nouvelles capacités et des capacités accrues de transporter ces cultures, parce que la tendance de la production dans l'Ouest canadien est une augmentation d'au moins 3 p. 100 par année. Il faut commencer à s'adapter à cette nouvelle réalité au lieu de se fonder sur la moyenne des cinq dernières années. Nous voulons que les transporteurs tiennent compte de la tendance future et de la demande dans leur réseau l'année suivante, afin que ce genre de situation ne se reproduise plus.

M. Enns : Je suis d'accord avec Rick. Notre industrie dépend des minoteries américaines. Elles importent près de 90 p. 100 de leurs besoins de l'Ouest canadien. Cet hiver, elles comptaient sur une centaine de wagonnées par semaine pour répondre à leurs besoins et, pendant un certain temps cet hiver, les trains n'ont pas du tout circulé. Alors quand vous avez l'habitude de recevoir cent wagonnées et que, soudainement, il n'y en a plus une seule, cela cause de réels problèmes. Nous avons entendu dire qu'il faut plus de temps pour transporter les wagonnées vers les États-Unis que vers les ports.

Nous avons besoin d'un réseau fonctionnel; la situation actuelle ne peut pas durer.

Voici un incident que m'a raconté un gestionnaire et qui décrit bien l'état de frustration. Il avait de l'avoine dans son terminal à 600 milles des minoteries de Minneapolis. Pour exécuter un contrat, il a dû acheter de l'avoine dans le Nord de l'Europe, le faire expédier à Houston, et le transporter ensuite vers les minoteries qui se trouvaient à 600 milles de son terminal. Il pouvait difficilement imaginer de système plus dysfonctionnel.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Ma question peut s'adresser aux deux témoins. Avez-vous été consultés avant la rédaction du projet de loi C-30?

[Traduction]

M. White : Nous avons certainement exprimé aux fonctionnaires ce qui devait figurer dans la nouvelle loi, selon nous. Nous n'avons pas été consultés au sujet de ce qui a été rédigé durant le processus de rédaction — cela aurait été inhabituel — mais nous nous étions exprimés avant.

Nous avons réagi à la première mouture. Notre réponse a entraîné un nouvel amendement, que nous jugions important, et nous avons appuyé sans réserve l'amendement qui a été ajouté dans le projet de loi C-30 original, lorsqu'il a été déposé. Alors oui, je suppose que nous avons été consultés, durant le bon processus.

M. Enns : Nous avons nous aussi participé très activement aux pressions visant à faire avancer ce projet de loi. Presque dès le départ, nous avons demandé des changements précis, parce que nous étions fermement convaincus que le corridor sud ne recevait pas l'attention qu'il méritait. Ce corridor ne porte pas seulement sur l'avoine; il sert aussi à transporter l'orge brassicole et les légumineuses jusqu'au Mexique et constitue donc une route importante. Alors, lorsque le projet de loi a été modifié pour inclure des restrictions relatives à un éventuel tonnage minimum dans ce corridor, nous y avons vu un énorme avantage réel pour des groupes de produits comme l'avoine et les cultures secondaires.

Nous avons donc participé très étroitement. Comme l'a indiqué Rick, on ne nous a pas communiqué les détails du projet de loi, mais nous étions certainement en contact avec le cabinet du ministre, et nous avons présenté certaines exigences particulières.

Le sénateur Robichaud : J'ai bien compris que vous avez participé activement aux pressions en faveur de cette loi. Cela ne me pose aucun problème.

Monsieur White, vous avez déclaré :

Pour conclure, l'expérience vécue cette année a clairement démontré que les chemins de fer jouissent d'une position privilégiée, permettant de contourner les obligations légales placées à leur charge, pénalisant les producteurs agricoles canadiens, d'autres expéditeurs et, en fin de compte, l'économie du pays.

Pouvez-vous préciser un peu votre pensée?

M. White : Bien sûr. À notre avis, les obligations légales des chemins de fer n'ont pas été remplies. Les chemins de fer n'ont pas fourni cette année des installations convenables pour transporter toutes les marchandises qui leur étaient offertes. C'est ce qu'exige la LTC actuelle, et les chemins de fer sont loin de s'être acquittés de cette obligation, à notre avis.

Nous affirmons qu'ils sont sans doute dans une position privilégiée puisqu'ils peuvent esquiver leurs obligations légales. Parce qu'ils n'ont pas transporté autant de grain qu'ils auraient dû, les producteurs agricoles sont pénalisés et il restera probablement des stocks de 22 ou 23 millions de tonnes à la fin de la présente campagne. Ce n'est certainement pas acceptable et, selon nous, cela ne permet certainement pas de s'acquitter de l'obligation légale de fournir des installations convenables pour le transport de tous les produits que nous avons offerts.

Le sénateur Robichaud : Vous parlez d'« installations convenables », que vous définissez vous-mêmes, mais le CN a déclaré avoir transporté autant de grain cette année que les années précédentes. Qui définit ce qui constitue des « installations convenables »?

M. White : C'est pour cette raison que nous aimerions plus de clarté dans la loi. Que des « installations convenables » correspondent à ce qu'il faut pour répondre aux besoins et aux demandes du marché, c'est-à-dire l'expéditeur et les produits offerts aux sociétés ferroviaires pour qu'elles les acheminent.

Le sénateur Robichaud : Avez-vous suggéré un amendement à cet effet dans le projet de loi?

M. White : Non. Nous appuyons le projet de loi dans sa forme actuelle, mais nous continuerons de collaborer avec le gouvernement pour bien définir les « installations convenables » dans la loi lors de l'examen de la LTC en 2015. Nous avons un plan pour atteindre ce but, mais ce n'est pas le moment de le mettre en action.

Le sénateur Robichaud : Monsieur Enns, êtes-vous d'accord?

M. Enns : Oui, je suis d'accord.

Le sénateur Mercer : Je voudrais simplement revenir sur ce qu'a dit M. White.

Vous n'êtes pas pressés de proposer des amendements actuellement, mais vous avez déclaré dans votre exposé :

Nous, et la communauté des expéditeurs tout entière réitérons notre appui envers les six modifications présentées au gouvernement en 2010 par la Coalition des expéditeurs par rail. Elles demeurent fondamentales en vue d'un changement significatif du mécanisme régissant les ententes de niveau de service.

Pourquoi le ferions-nous maintenant si vous ne le voulez pas maintenant? Vous affirmez que vous donnez votre appui, mais vous ne voulez pas le faire.

M. White : C'est certainement nécessaire. Ce n'est pas que nous ne voulons pas le faire. Nous ne voulons pas retarder le projet de loi. Il contient trop de bons éléments, et nous en avons besoin tout de suite, dès que nous pouvons obtenir la sanction royale. Nous en avons besoin maintenant. Je ne saurais trop souligner à quel point il est important de prendre ce que nous avons et de nous en servir, et nous continuerons de promouvoir ces aspects plus larges dans l'examen de la LTC en 2015.

Le sénateur Mercer : Malgré toutes ses imperfections.

M. White : Oui. Malgré ses défauts.

Le sénateur Oh : Merci, messieurs. D'abord, j'aimerais vous remercier d'appuyer cet important projet de loi, le projet de loi C-30. Il est important de vous aider rapidement à faire transporter tout le grain, afin que les liquidités commencent à entrer de nouveau et surtout que vous protégiez vos parts de marchés. Comme vous l'avez indiqué, l'Australie accélère le pas et il est donc crucial de livrer votre produit pour maintenir votre part de marché.

Diriez-vous qu'il faut en profiter pour réexaminer de fond en comble notre chaîne d'approvisionnement, pour chercher des moyens d'empêcher que ce qui est arrivé cette année se répète à l'avenir?

M. Enns : Je pense que vous avez raison. Il y a de nombreux changements à apporter tout au long de la chaîne.

L'un des aspects essentiels selon moi est que nous devons être considérés comme un fournisseur fiable pour tous nos types de grain. Dans les conférences internationales, on ne cesse d'entendre que le Canada n'est pas fiable. Nos concurrents, l'Australie par exemple et certains autres pays, vantent leur fiabilité, à nos dépens.

Voilà la clé. Nous devons être fiables. Vous savez très bien que lorsque quelqu'un vous fournit un service fiable, vous ne l'abandonnez pas sans raison. Il y a habituellement une raison si vous allez voir ailleurs. C'est pour cela qu'il est si important de maintenir nos acquis.

Y a-t-il d'autres problèmes à régler? Certainement, mais à l'heure actuelle, nous devons reprendre pied et être considérés comme une source fiable, parce que nous avons certains des meilleurs produits d'exportation au monde. Nous avons de bons produits, que nous cultivons d'un océan à l'autre, mais nous avons un problème de fiabilité.

M. White : Certaines mesures, comme les règlements, peuvent se prendre assez rapidement, dès que le projet de loi sera adopté.

Le sénateur Oh : Merci. Nous ferons de notre mieux.

La sénatrice Tardif : Les représentants des deux grands transporteurs ferroviaires que nous avons entendus cet après-midi ont déclaré que le problème tient en partie au fait que les entreprises céréalières n'ont pas fait leur boulot et que des wagons n'ont pas été utilisés. Ils avaient des wagons disponibles en septembre, en août aussi. Ces wagons n'ont pas été utilisés. Que s'est-il passé?

M. Enns : Je pense qu'il faut interpréter avec prudence le sens de « wagons disponibles ». La récolte a été tardive dans l'Ouest canadien cette année. Nous avons semé tard au printemps, de sorte que la moisson n'a pas pu se faire avant septembre ou octobre, et il faut un certain temps avant que les agriculteurs commencent à livrer. La période de livraison a donc été retardée cette année.

Même s'il y avait des wagons disponibles et que les transporteurs ferroviaires avaient des capacités, le grain n'avait pas encore été moissonné et ne pouvait pas être mis en marché. C'est l'un des facteurs.

La sénatrice Tardif : Et vous? Êtes-vous d'accord?

M. White : Oui, je suis tout à fait d'accord. Il y a eu un léger retard. Mais de là à affirmer que des wagons étaient disponibles en août et en septembre... Chose certaine, les chemins de fer sont loin d'avoir mis en place les capacités nécessaires pour absorber les produits qui ont fini par être récoltés et arriver dans le système. Oui, il y avait peut-être des wagons disponibles, mais les chemins de fer n'avaient pas prévu une récolte abondante. Ils n'ont pas planifié pour l'hiver et tout le réseau s'est effondré.

La sénatrice Tardif : Les entreprises céréalières sont-elles considérées comme des expéditeurs selon la loi?

M. White : Oui.

La sénatrice Tardif : Alors, vous êtes aussi un expéditeur. Pensez-vous que le projet de loi est transparent en ce qui concerne le prix offert aux producteurs? Il y a une grande différence, n'est-ce pas? Quel est l'écart entre le prix payé à l'agriculteur et le prix à l'exportation?

M. White : Dans l'industrie, cet écart est appelé la « base » et cette base est un écart concurrentiel. C'est le signal de prix qu'utilisent les entreprises de stockage pour inciter les producteurs à livrer leur produit ou les décourager de le faire lorsque le système est engorgé.

À l'heure actuelle, les écarts sont extrêmement grands, ce qui signifie que la livraison coûterait très cher à l'agriculteur. C'est le signal du marché qui indique qu'on ne veut pas du grain de l'agriculteur dans le système parce que le système est tellement engorgé qu'il vaut mieux ne pas livrer. Si l'agriculteur veut livrer quand même, il doit payer le prix fort.

La sénatrice Tardif : On m'a dit que les producteurs obtiennent environ 48 p. 100 et que, l'an dernier, ils ont obtenu environ 87 p. 100. Est-ce exact?

M. White : Je n'ai pas de données précises à ce sujet. Ces taux sont peut-être exacts, mais je ne peux pas le vérifier.

La sénatrice Tardif : On a dit également que les entreprises céréalières sont les grandes gagnantes, que l'argent ne va pas aux producteurs, et que la loi indemnisera les expéditeurs, les entreprises céréalières, mais pas nécessairement les producteurs. Pensez-vous que c'est juste et équitable?

M. White : Le projet de loi prévoit une disposition qui permettrait à la Commission canadienne des grains de collaborer avec les agriculteurs pour qu'ils obtiennent une indemnisation des entreprises céréalières qui ont signé des contrats avec les agriculteurs et qui ont manqué à leurs obligations. On réfléchit à cette question et une mesure législative est envisagée en ce sens.

La sénatrice Tardif : « Envisagée », cela veut dire plus tard?

M. White : Non. Je pense que cette mesure entrerait en vigueur en même temps que le reste du projet de loi, mais il faudra un certain temps pour que l'industrie et la commission des grains déterminent exactement comment ce mécanisme fonctionnera.

La sénatrice Tardif : Vous voulez intervenir, monsieur Enns?

M. Enns : Pour être juste, je pense que les entreprises céréalières ont dû assumer des coûts énormes parce que les navires attendaient dans le port de Vancouver et qu'il fallait payer des droits de stationnement. Ce sont les entreprises céréalières qui ont dû payer. Alors il ne serait pas juste d'affirmer qu'elles en profitent et s'emplissent les poches. Elles ont aussi eu des dépenses inattendues.

J'ai parlé à un haut dirigeant qui s'arrache les cheveux lui aussi. Il m'a dit : « Vous nous engueulez parce que nous ne prenons pas les grains et les agriculteurs nous engueulent parce que nous ne remplissons pas nos contrats pour le blé destiné à l'exportation. »

Je pense que tout le monde a été durement frappé cette année. Certains affirment peut-être que quelqu'un a pu profiter de la situation. Je ne peux pas le prouver, mais j'en doute. Dans une situation comme celle-là, il y a rarement beaucoup de gagnants.

La sénatrice Tardif : Merci.

Le président : Merci aux témoins de nous avoir fait part de vos opinions, vos réflexions et vos observations.

Avant de terminer aujourd'hui, je rappelle à tous les membres du comité que nous continuerons d'entendre des témoins concernant le projet de loi C-30, la loi proposée sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grains, le jeudi 15 mai, de 8 heures à 10 heures le matin, puis de 14 heures à 15 heures, dans l'après-midi.

(La séance est levée.)


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