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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 14 - Témoignages du 16 septembre 2014


OTTAWA, le mardi 16 septembre 2014

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 h 1, pour étudier l'importance des abeilles et de leur santé sur la production de miel, d'aliments et de graines au Canada.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à la réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

[Français]

Chers témoins, je vous remercie beaucoup d'avoir accepté notre invitation.

Je m'appelle Percy Mockler; je suis sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité.

[Traduction]

J'aimerais maintenant demander aux sénateurs de se présenter.

Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse. Je suis vice-président du comité.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Bonjour, je m'appelle Fernand Robichaud, je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick, à Saint-Louis-de-Kent.

Le sénateur Maltais : Bonjour, je m'appelle Ghislain Maltais, sénateur du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

La sénatrice Beyak : Sénatrice Lynn Beyak, du Nord de l'Ontario.

Le sénateur Oh : Sénateur Oh, de l'Ontario.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Bonjour, je m'appelle Jean-Guy Dagenais, sénateur du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Merci, mesdames et messieurs les sénateurs. Je vais demander à la sénatrice de se présenter, s'il vous plaît.

La sénatrice Tardif : Merci, monsieur le président. Je m'excuse d'être en retard. Je suis Claudette Tardif, sénatrice de l'Alberta.

Le président : Le comité poursuit son étude sur l'importance des abeilles. L'ordre de renvoi qui nous a été transmis par le Sénat du Canada prévoit que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à étudier, pour en faire rapport, l'importance des abeilles et de leur santé dans la production de miel, d'aliments et de graines au Canada.

[Français]

Plus particulièrement, le comité sera autorisé à étudier les éléments suivants :

a) l'importance des abeilles dans la pollinisation pour la production d'aliments au Canada, notamment des fruits et des légumes, des graines pour l'agriculture et du miel;

b) l'état actuel des pollinisateurs, des mégachiles et des abeilles domestiques indigènes au Canada;

[Traduction]

c) les facteurs qui influencent la santé des abeilles domestiques, y compris les maladies, les parasites et les pesticides, au Canada et dans le monde;

d) les stratégies que peuvent adopter les gouvernements, les producteurs et l'industrie pour assurer la santé des abeilles.

Honorables sénateurs, nous accueillons aujourd'hui, et je tiens à leur souhaiter officiellement la bienvenue, Julie Gelfand, commissaire à l'environnement et au développement durable, et Andrew Ferguson, directeur principal, du Bureau du vérificateur général du Canada.

Le commissaire à l'environnement et au développement durable fournit des analyses et des recommandations objectives et indépendantes aux parlementaires. Ces analyses et recommandations reposent sur des audits de performance qui mesurent les objectifs des ministères fédéraux en matière de développement durable. Le commissaire assure aussi la gestion du processus de pétition concernant l'environnement.

Je vous remercie encore une fois et vous invite à présenter vos exposés. Nous passerons ensuite aux questions des sénateurs. La réunion se terminera à 18 heures.

Madame Gelfand, pourriez-vous commencer, s'il vous plaît?

[Français]

Julie Gelfand, commissaire à l'environnement et au développement durable, Bureau du vérificateur général du Canada : Merci de cette invitation à comparaître aujourd'hui devant le comité. Je suis heureuse d'être avec vous cet après-midi pour discuter de notre rapport de mars 2008 sur la sécurité et l'accessibilité des pesticides. Je suis accompagnée de M. Andrew Ferguson, directeur principal au Bureau du vérificateur général du Canada.

Permettez-moi d'abord de vous donner un aperçu de notre mandat. Au nom du vérificateur général du Canada, le commissaire à l'environnement et au développement durable offre aux parlementaires, en toute indépendance, des analyses et des recommandations objectives sur les mesures prises par le gouvernement fédéral pour protéger l'environnement et favoriser le développement durable.

Nous nous acquittons de ces responsabilités en vertu de plusieurs lois. Tout d'abord, en vertu de la Loi sur le vérificateur général, notre bureau effectue des vérifications de performance et surveille les progrès réalisés par les ministères, à savoir si les activités visant à mettre en œuvre les politiques fédérales en matière d'environnement et de développement durable sont menées de manière efficace et si elles donnent des résultats.

Nous gérons aussi le processus des pétitions en matière d'environnement qui permet aux Canadiens d'obtenir directement des ministres fédéraux des réponses sur des questions précises en matière d'environnement et de développement durable qui sont de compétence fédérale.

Selon la Loi fédérale sur le développement durable de 2008, notre bureau effectue des examens et fait des observations sur la Stratégie fédérale de développement durable. De plus, nous surveillons dans quelle mesure les ministères fédéraux contribuent à l'atteinte des cibles et des objectifs prévus dans cette stratégie et nous faisons rapport à ce sujet. Mon premier rapport sera déposé le 7 octobre.

J'aimerais maintenant vous parler de notre rapport sur la sécurité et l'accessibilité des pesticides, qui a été présenté au Parlement le 6 mars 2008. Comme vous le savez, les pesticides jouent un rôle prépondérant dans le maintien de l'approvisionnement alimentaire au Canada. Toutefois, comme ils sont conçus de manière à être toxiques, de nombreux pesticides peuvent avoir des effets graves sur la santé humaine et l'environnement s'ils sont appliqués de manière inappropriée. Ils peuvent, entre autres, entraîner des troubles respiratoires ou des cancers, ou la mort de poissons ou d'oiseaux.

[Traduction]

Lors de notre audit, environ 5 000 pesticides étaient homologués au Canada. Selon des informations qui nous ont été communiquées récemment par l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, nous croyons comprendre qu'il y a aujourd'hui quelque 7 000 pesticides qui sont homologués au Canada.

Donc en 2008, il y avait 5 000 pesticides homologués, et six ans plus tard, il y en a 7 000.

[Français]

Lors de notre vérification de 2008, nous avions examiné les progrès réalisés par le gouvernement fédéral depuis notre vérification précédente de 2003, à l'égard de volets choisis de la gestion des pesticides sur le plan de la sécurité et de l'accessibilité. La vérification visait à déterminer si l'agence avait fait des progrès satisfaisants pour ce qui est d'appliquer systématiquement et uniformément ses politiques et procédures d'évaluation et de réévaluation; de permettre l'accès aux nouveaux pesticides, peut-être moins dangereux, dans des délais raisonnables et de respecter les cibles qu'elle s'était fixées pour la réévaluation des anciens pesticides.

[Traduction]

Nous avons également vérifié à ce moment si l'Agence canadienne d'inspection des aliments avait réalisé des progrès satisfaisants pour ce qui est d'accroître le nombre de matières actives faisant l'objet d'un dépistage dans les fruits et les légumes frais, dans le cadre de son programme national de surveillance des résidus chimiques.

Nous avions conclu, en 2008, que l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, ou ARLA, avait appliqué ses procédures d'évaluation des nouveaux pesticides de manière uniforme et complète et qu'elle avait documenté ses évaluations de façon adéquate. L'agence veillait à ce que les entreprises demandant l'homologation d'un nouveau pesticide présentent tous les renseignements requis pour évaluer les risques associés à ce pesticide et elle s'assurait que ces renseignements satisfaisaient aux normes de qualité établies.

Monsieur le président, je crois comprendre que le comité souhaite obtenir mon point de vue sur la période de validité des homologations temporaires de pesticides. À mon avis, il serait toutefois utile de mettre les choses en contexte. Lors de notre audit de 2008, l'ARLA avait indiqué que, pendant l'évaluation d'un pesticide, elle pouvait conclure qu'elle avait besoin d'informations supplémentaires pour confirmer les résultats de son évaluation des risques. Dans ce cas, l'agence peut accorder une homologation conditionnelle, assortie de mesures de sécurité supplémentaires, qui permettent l'utilisation temporaire du pesticide jusqu'à ce que le titulaire du certificat d'homologation lui communique les renseignements supplémentaires demandés. Pendant la période d'homologation « conditionnelle » d'un pesticide, le titulaire du certificat d'homologation doit mener et présenter les études supplémentaires qui sont requises pour confirmer l'évaluation des risques faite par l'agence.

L'autorisation d'utiliser le pesticide est donc temporaire. L'homologation complète ne peut être accordée que lorsque toutes les informations supplémentaires demandées ont été présentées et que l'agence les a examinées et acceptées.

Lorsque l'agence accorde une homologation conditionnelle pour un pesticide, elle émet un avis spécial. Cet avis décrit les informations supplémentaires qui sont demandées. L'agence, par exemple, a demandé au titulaire du certificat d'homologation conditionnelle du fongicide Quintec de lui fournir des données scientifiques supplémentaires. Selon l'avis spécial publié, l'agence a demandé des données supplémentaires pour estimer, entre autres, « les incertitudes à l'égard du risque de toxicité chronique du fongicide pour les organismes aquatiques ». L'agence a notamment demandé des études de la toxicité aiguë pour les abeilles et les prédateurs. Les avis spéciaux peuvent être consultés sur le site web de l'ARLA.

Lors de notre audit de 2008, nous avions constaté que 13 p. 100 des nouveaux pesticides homologués durant l'exercice 2006-2007 avaient reçu une homologation conditionnelle. Nous avions aussi recensé neuf pesticides dont l'homologation « temporaire » durait depuis 10 à 20 ans. Nous avions indiqué dans notre rapport que cette période de validité ne pouvait être qualifiée de temporaire. Une période de 10 à 20 ans, ce n'est pas vraiment temporaire à mon avis.

Nous avions conclu avec inquiétude à cette époque que l'agence n'obtenait pas les informations nécessaires sur les pesticides dans des délais raisonnables. Or ces informations sont essentielles pour confirmer son évaluation des risques pour la santé et l'environnement. L'agence avait indiqué qu'elle serait vigilante à cet égard et exercerait les pouvoirs qui lui sont conférés par la Loi sur les produits antiparasitaires de manière à limiter la période de validité des homologations conditionnelles.

Nous n'avons pas audité de nouveau ce sujet en vue de déterminer l'état actuel des homologations conditionnelles. Cependant, selon les renseignements qui nous ont été communiqués récemment par l'agence à notre demande, 7 011 pesticides seraient actuellement homologués au Canada, dont 88 qui ont obtenu une homologation conditionnelle. Or l'homologation conditionnelle de 28 de ces 88 produits dure depuis plus de 5 ans, et pour 8 de ces produits, elle dure depuis plus de 10 ans.

Selon moi, ce qui est le plus préoccupant c'est que certains pesticides ayant une homologation temporaire sont utilisés sur de longues périodes pendant que l'agence attend de recevoir les renseignements qu'elle juge nécessaires pour confirmer qu'ils ne posent pas de risques inacceptables pour la santé et l'environnement. De plus, pendant ce temps, de nouveaux produits qui contiennent les mêmes matières actives peuvent être mis sur le marché, ce qui accroît l'utilisation de produits homologués de manière conditionnelle et la dépendance à leur égard.

[Français]

Pour terminer, je tiens à ajouter que le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer dans la protection de l'environnement et de la santé des Canadiens, ainsi qu'en matière de développement durable. Notre bureau tient beaucoup à améliorer la reddition de comptes en informant le Parlement et la population canadienne sur la qualité de la gestion des questions environnementales par le gouvernement et en recommandant des améliorations.

Dans notre rapport de 2008, nous avions indiqué que l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, l'ARLA, devait poursuivre ses efforts en vue de réduire le nombre et la durée des homologations conditionnelles. Nous avons noté que le comité avait formulé une recommandation semblable dans son rapport de juin 2014 sur l'agriculture et l'innovation.

Honorables sénateurs, je termine ainsi ma déclaration d'ouverture. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du comité.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Madame, votre exposé était intéressant. Certaines informations sont alarmantes et auraient de quoi scandaliser les Canadiens qui s'intéressent à ces questions.

Les abeilles n'ont pas été parmi les principaux sujets que vous avez abordés lors de votre audit. C'est un élément qui m'inquiète, car les abeilles sont le principal pollinisateur de nos produits alimentaires au pays, et je pense que c'est un sujet qui aurait dû en faire partie.

Toutefois, neuf pesticides avaient une homologation temporaire depuis 10 à 20 ans. C'était dans votre audit de 2008. Nous sommes maintenant en 2014. J'espère que vous allez me dire qu'en 2015, lorsque le Bureau du vérificateur général aura beaucoup de temps libre après qu'il aura terminé les études que vous menez actuellement ailleurs...

Mme Gelfand : Pas de commentaires.

Le sénateur Mercer : ... le Bureau du vérificateur général vous fournira les ressources nécessaires pour y retourner et examiner cela en détail. Pourriez-vous me dire quels sont vos projets à cet égard?

Mme Gelfand : Nous prévoyons que cela fera partie de nos rapports l'an prochain. En ce moment, il est même possible que l'ARLA et la Loi sur les produits antiparasitaires fassent partie de notre prochain rapport — pas celui que je déposerai en 2014, mais un des suivants.

Oui, nous effectuons un suivi des audits, et nous le faisons sur une base régulière. Nous pourrions examiner cela en détail de nouveau.

Le sénateur Mercer : Je vous encourage à le faire.

Nous sommes en situation de crise. En Ontario, le Groupe de travail sur la santé des abeilles a déposé son rapport en mars 2014. Il pointe du doigt les pesticides. Le gouvernement a même indiqué qu'il interdirait l'utilisation des néonicotinoïdes dans l'agriculture dans la province. C'est un grand pas en avant, ou en arrière, selon votre façon de voir les choses.

Toutefois, cela montre l'ampleur du problème, à savoir que l'ARLA est l'organisme responsable de la gestion de la lutte antiparasitaire, mais nous avons maintenant une province qui fait cavalier seul. Je ne critique pas l'Ontario d'avoir pris cette décision, mais la province fait tout de même cavalier seul.

L'ARLA, le gouvernement du Canada et le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire ne devraient-ils pas prendre les devants dans ce dossier? Nous sommes en présence d'un problème national, mais nous avons une province qui fait cavalier seul. Je sais que l'agriculture est la responsabilité conjointe du fédéral et des provinces, mais nous avons maintenant une très grande province qui prend les devants et qui interdit l'utilisation des néonicotinoïdes, alors que nous n'avons reçu aucune directive au niveau national. J'espère que le comité fera quelques recommandations à cet égard dans son rapport.

Mme Gelfand : Je comprends votre intérêt et vos préoccupations. Je suis entrée en poste il y a six mois et je me rends compte que la décision la plus importante que je prends est celle de savoir sur quoi portent nos audits et quand. De toute évidence, ce dossier préoccupe les Canadiens et le Sénat. Il occupera donc une plus grande importance dans nos évaluations des risques. Nous pourrions examiner la question.

Nous avons demandé à l'ARLA de nous fournir des renseignements supplémentaires sur les 88 homologations qui sont conditionnelles à l'heure actuelle. Nous avons remarqué que 35 sur les 88 sont des néonicotinoïdes. C'est 35 sur 88. L'information provient du ministère; elle ne fait pas partie de notre audit et nous ne l'avons pas vérifiée. Nous vous encourageons à poser la question à l'ARLA. L'information qu'on nous a fait parvenir — qui n'a pas fait l'objet d'un audit — veut toutefois que 35 sur les 88 soient des néonicotinoïdes.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je vous remercie. J'aurai deux courtes questions. D'abord, madame Gelfand, j'aimerais vous féliciter et vous remercier pour votre rapport. Si je n'étais pas timide, je dirais que vous êtes le premier témoin à nous dire la vérité claire et nette. On a torturé bien du monde ici, mais on n'a jamais récolté beaucoup de réponses.

Je viens donc d'apprendre qu'il existe 7 011 types de pesticides au Canada. Il n'est pas étonnant que les abeilles soient déboussolées.

Je ne savais pas non plus qu'il existait autant d'insectes au Canada. À mon avis, il n'y en a pas 7 000 au Canada. Il n'y en a pas tant que cela, ce n'est pas vrai. On ne les comptera pas nous-mêmes, on demandera au vérificateur de le faire.

Si on additionne les pesticides qui sont homologués, ceux qui sont en voie de l'être et ceux qui ne le sont pas, et ceux qui sont homologués de façon temporaire et permanente, c'est énorme.

Agriculture Canada vous a-t-il fourni des chiffres à ce sujet? Sommes-nous certains, en 2014, qu'autant de pesticides ont été dénombrés par les scientifiques? Avons-nous vraiment besoin de 7 000 pesticides pour nous empoisonner? Cela fait beaucoup de pesticides dans l'environnement.

Mme Gelfand : Vous avez raison, c'est beaucoup de pesticides. On n'a pas la capacité de vous dire si c'est trop ou pas assez. C'est le nombre que l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire nous a fourni. C'est le nombre de pesticides qu'ils ont homologués. C'est le chiffre qui nous a été fourni par l'agence.

Le sénateur Maltais : Si ces 7 011 pesticides sont tous un peu nocifs, cela fait une bonne dose de formaldéhyde. C'est assez fort, merci. Est-ce qu'on en a tant besoin? Parce que la majorité des producteurs — je parle des producteurs, je ne parle pas des scientifiques ou des fabricants — ont dit qu'il n'y en a pas assez, que ça en prendrait 14 000. Si je me mets dans la peau du producteur, comment peut-il contrôler 15, 20 ou 30 types de pesticides? Ce qui m'inquiète, ce sont les conséquences. Vous êtes commissaire à l'environnement, j'imagine que cela vous préoccupe aussi, car cela a des conséquences terribles.

Mme Gelfand : Absolument.

Le sénateur Maltais : Monsieur Ferguson, vous êtes du Bureau du vérificateur général. Qu'est-ce que vous vérifiez chez les abeilles?

[Traduction]

Andrew Ferguson, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada : Nous n'avons jamais fait d'études sur les abeilles depuis que je suis en poste. Nous n'avons pas examiné cette question, mais il semble que ce soit un phénomène nouveau. Un sénateur a mentionné que cela ne faisait pas partie de notre audit en 2008. En 2008, le problème n'avait pas encore fait surface dans la science populaire, et c'est pourquoi il n'en faisait pas partie. La situation est maintenant très différente.

[Français]

Mme Gelfand : L'une des questions importantes, c'est que, lorsqu'un pesticide est présenté, lorsqu'on lui donne une homologation conditionnelle, l'ingrédient actif peut être utilisé dans plusieurs produits. Donc, l'information qui nous a été donnée par l'agence indique les années pendant lesquelles plusieurs pesticides ont été homologués, et on constate que l'ingrédient actif commence à être répandu dans plusieurs autres produits. Lorsqu'on donne une homologation conditionnelle, cela permet aux producteurs — pas les producteurs agricoles, mais les producteurs de pesticide — d'utiliser cet ingrédient actif et de créer de nouveaux pesticides avant qu'ils aient une homologation finale. C'est évidemment une inquiétude pour l'environnement, pour les producteurs.

Le sénateur Maltais : J'aurais une dernière question. Est-ce que vous avez évalué dans le temps la possibilité de limiter le nombre de pesticides à homologuer au Canada? Si on en homologue de nouveaux, on pourrait en retirer d'autres? Si de nouveaux pesticides sont nécessaires, il faudrait peut-être enlever ceux qui le sont moins? Sinon, on va s'empoisonner?

Mme Gelfand : Tout ce qu'on peut faire dans mon bureau, c'est de considérer les objectifs établis par le gouvernement fédéral et voir s'il atteint ses objectifs. Si le gouvernement demande que les pesticides soient limités à 8 000 pesticides, notre rôle est de voir à ce que cette règle soit suivie. Si le gouvernement fédéral n'indique aucun objectif en termes de pesticide, ce n'est pas à nous de le faire.

La sénatrice Tardif : Merci beaucoup, madame, pour votre présentation. Si je comprends bien, la Loi sur les produits antiparasitaires de 2006 exige que tous les pesticides soient réévalués à tous les 15 ans. Dans le rapport de 2008, le commissaire a indiqué que la réévaluation des anciens pesticides était un processus assez long, car il fallait analyser plusieurs nouvelles données. Aux États-Unis, ce processus dure deux ans, alors qu'au Canada, il prend en moyenne quatre ans. Pourquoi ce processus prend-il deux fois plus de temps au Canada pour faire ce même type d'évaluation?

Mme Gelfand : C'est une très bonne question, mais je n'ai pas la réponse. Il ne s'agissait pas de mon rapport. Je ne sais pas si on a l'information.

La sénatrice Tardif : C'est une question à suivre étant donné qu'elle a été soulevée dans le rapport du commissaire de 2008.

Mme Gelfand : Tout ce qu'on peut faire, c'est vous fournir des données et vous dire la vérité sur ce qui se passe. Nous vous donnons ce que nous trouvons, et ce que nous trouvons est vérifié par un audit. Après, les raisons derrière cela, ce n'est pas à nous de les déterminer.

La sénatrice Tardif : Ce serait le rôle de qui?

Mme Gelfand : Ce serait au Parlement de demander cette information à l'agence.

La sénatrice Tardif : J'ai une autre question.

[Traduction]

Elle porte sur ce qu'on appelle le principe de précaution dans la réglementation des pesticides. Ce principe permet à l'ARLA, par exemple, d'effectuer un suivi des pesticides.

[Français]

Croyez-vous que l'ARLA ait les outils nécessaires pour s'assurer que ce système de précaution soit appliqué dans le cadre de son évaluation des pesticides?

Mme Gelfand : Je ne pense pas que nous ayons examiné cette question précise dans l'audit de 2008. Nous avons examiné d'autres questions, nous avons constaté que l'agence avait fait une évaluation, qu'elle était complète et que l'agence reçoit toute l'information. Je ne crois pas qu'on ait audité en vertu du principe de précaution, à moins que je ne fasse erreur.

La sénatrice Tardif : Non?

Mme Gelfand : Non.

La sénatrice Tardif : C'est le principe qui guide le travail de cet organisme, n'est-ce pas? Alors, il me semble que cela pourrait être considéré dans des audits futurs.

Mme Gelfand : Vous nous donnez des idées pour notre prochain audit, ce qui est parfait.

[Traduction]

Le sénateur : Je vous remercie de votre exposé. Oui, en effet, nous essayons de vous suggérer des questions à leur poser. Maintenant, une des questions que je veux vous poser est la suivante : dans votre rapport, vous parlez de divers effets néfastes — notamment problèmes respiratoires, cancer, mort des poissons — et également de conséquences graves pour la santé humaine et l'environnement. A-t-on déjà recensé des problèmes de santé chez l'humain causés par les pesticides? A-t-on des rapports sur la question?

Mme Gelfand : Vous voulez savoir si nous avons mené un audit sur la question?

Le sénateur Enverga : Oui.

Mme Gelfand : Je ne crois pas.

Le sénateur Enverga : Non?

Mme Gelfand : Je ne crois pas, non.

M. Ferguson : Non, nous n'avons pas mené d'audit sur cette question précisément. Le problème est documenté dans les revues scientifiques.

Mme Gelfand : Universitaires.

Le sénateur Enverga : Nous pourrions poser la question. On parle presque toujours uniquement des poissons et de certains insectes. On devrait penser davantage aux mammifères, ou à d'autres informations, notamment sur les humains.

Autre point également, on parle d'une période de temps temporaire, disons quatre ans, mais sait-on si ces pesticides sont utilisés à grande échelle? Dans une province uniquement ou dans tout le pays? Comment ces pesticides sont-ils appliqués? Avons-nous des renseignements à ce sujet?

Mme Gelfand : Je crois savoir que chaque pesticide dispose d'information sur son mode d'application. S'il est homologué par l'ARLA, je présume que les règles qui régissent son application sont les mêmes partout au pays.

M. Ferguson : En effet, l'homologation porte sur des utilisations et des applications précises. Chaque pesticide doit être utilisé pour une application particulière. Si quelqu'un souhaite qu'un pesticide serve à autre chose, il doit présenter une demande d'homologation en ce sens.

Le sénateur Enverga : Oh, pour ce type d'application. D'accord.

Mon autre question est la suivante : à propos de ces pesticides — je sais que nous parlons des humains en ce moment —, a-t-on réalisé une étude sur leur présence dans la chaîne alimentaire? A-t-on examiné la question?

Mme Gelfand : Je vous suggère de poser la question à l'ARLA. Les scientifiques pourraient y répondre, mais pas les vérificateurs que nous sommes.

M. Ferguson : C'est le genre de question que l'ARLA pose aux titulaires de certificat d'homologation pour évaluer les risques.

Mme Gelfand : Elle a besoin de ces renseignements.

M. Ferguson : Si elle ne l'a pas, elle demandera au titulaire du certificat d'homologation de la lui fournir.

Le sénateur Enverga : Vous avez parlé de 7 000 pesticides. Combien sont utilisés à l'heure actuelle? Le savez-vous?

Mme Gelfand : Selon, l'agence il y a 7 011 pesticides homologués au Canada.

Le sénateur Enverga : Mais nous ne savons pas s'ils sont tous utilisés, n'est-ce pas?

M. Ferguson : Nous présumons que si le produit est homologué, quelqu'un en a fait la demande et l'utilise.

Le sénateur Enverga : Je n'ai pas d'autres questions. Merci. Je voulais simplement préciser ces éléments.

Le président : Merci, et soyez certain, sénateur Enverga, que vous aurez l'occasion de poser vos questions à l'ARLA.

Le sénateur Enverga : J'ai hâte de le faire.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Madame Gelfand, votre paragraphe 19 en dit long. Vous dites : « Pour terminer, je tiens à ajouter que le gouvernement a un rôle important à jouer dans la protection [...] » — vous l'aviez dit au début aussi —, et que votre bureau tient beaucoup à améliorer la reddition de comptes en informant le Parlement et la population canadienne de la qualité de la gestion des questions environnementales.

Vous dites également : « Dans notre rapport de 2008, nous avions indiqué que l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire devait poursuivre ses efforts en vue de réduire le nombre [...] »

Quelle sorte de suivi faites-vous à un tel rapport? Parce que vous dites, dans votre présentation, qu'il y a des lacunes qui sont sérieuses, qui pourraient avoir un effet grave sur l'environnement et sur la santé, non seulement des animaux, mais des humains. Oui, le Parlement a un rôle à jouer, et je crois comprendre dans votre paragraphe que nous ne le jouons peut-être pas autant que nous le devrions.

À quelle fréquence faites-vous un suivi sur ces recommandations? Parce que, si ces recommandations restent sur une étagère, cela ne vaut pas grand-chose.

Mme Gelfand : C'est une très bonne question. C'est à moi de décider quand il faudra revoir les audits que nous faisons sur chaque sujet.

Par exemple, en ce moment, nous nous demandons s'il serait temps de faire une revue du rapport de 2008. On a fait un autre rapport sur un autre sujet, en 2011; est-ce que c'est le temps de le revoir? Donc, nous faisons très régulièrement des vérifications de suivi sur plusieurs sujets. On a fait un audit en 2003 et en 2008 sur à peu près les mêmes questions. À un moment donné, on doit vérifier si les recommandations ont été mises en œuvre.

Le sénateur Robichaud : Je crois qu'il est grand temps que vous vous penchiez à nouveau sur cette question pour savoir si on a tenu compte de vos recommandations. Parce que vous dites « en 2008 », et nous sommes en 2014. Il y a des produits qui ont des permis temporaires depuis 10 ans. Il ne faudrait pas attendre beaucoup plus longtemps.

Mme Gelfand : Je vous comprends. Mon rôle est de servir les parlementaires. Si les parlementaires nous demandent de travailler sur un sujet, c'est à moi de vous donner l'information que vous demandez. Alors, je prends très au sérieux votre intérêt à ce sujet. Nous demanderons à notre équipe en quelle année nous devrions faire une revue sur ce sujet, si c'est en 2015 ou en 2016.

Le sénateur Robichaud : Je crois que le temps presse, parce que beaucoup d'agriculteurs, et aussi les consommateurs, dépendent du suivi qu'on peut faire sur ces pesticides. Cela me surprend qu'il y en ait autant. Mais d'une autre façon, cela ne me surprend pas, parce qu'on en voit sur les étagères, dans les magasins. Je crois aussi que les bonnes pratiques ne sont pas toujours suivies, et c'est là où il y a peut-être un problème. Mais c'est une affirmation gratuite.

Je vous invite — et j'espère que le comité en tiendra compte dans ses recommandations — à effectuer le suivi de votre rapport dans les plus brefs délais.

Je vous remercie.

Mme Gelfand : Bienvenue.

[Traduction]

Le sénateur Ogilvie : J'aimerais simplement revenir sur un point pour m'assurer d'avoir bien compris ce que vous avez dit un peu plus tôt au sujet du nombre de pesticides. Au sujet des 7 011 pesticides homologués, si j'ai bien compris, il ne s'agit pas de 7 011 composés chimiques différents, mais de 7 011 produits différents. Est-ce bien cela?

Mme Gelfand : C'est exact.

Le sénateur Ogilvie : Donc, le même composant chimique peut se retrouver dans différents produits?

Mme Gelfand : C'est exact.

Le sénateur Ogilvie : Très bien.

Mme Gelfand : Différents composants peuvent se retrouver dans différents produits.

Le sénateur Ogilvie : Effectivement. Avez-vous bien dit aussi dans votre réponse que sur les 88 pesticides ayant une homologation conditionnelle, 35 sont des néonicotinoïdes?

Mme Gelfand : Selon l'information qui nous a été transmise par l'ARLA récemment — l'information n'a donc pas été vérifiée; la direction nous a fourni ces renseignements pour que nous vous les transmettions — 35 des 88 sont des néonicotinoïdes, oui.

Le sénateur Ogilvie : Il est possible que les 35 aient le même ingrédient chimique.

Mme Gelfand : J'ai la liste sous les yeux. Dix-huit d'entre eux ont un ingrédient chimique appelé thiaméthoxame, quinze, un appelé clothianidine, et deux, un ingrédient appelé imidaclopride. Qui invente ces noms? Ils sont impossibles à prononcer.

Ces renseignements nous proviennent de l'ARLA, exactement.

Le sénateur Ogilvie : C'est exactement là où je voulais en venir, c'est-à-dire situer ces chiffres dans leur contexte. Donc, dans ces 35 produits, il y a en fait trois produits chimiques différents.

Mme Gelfand : Matières actives, oui.

Le sénateur Ogilvie : Comme une question précédente semblait laisser entendre qu'il y avait des milliers de produits chimiques dans l'environnement, il est important que nous comprenions bien s'il s'agit de 7 000 produits chimiques différents ou s'il s'agit de mélanges qui en contiennent un nombre beaucoup moins élevé, qui sont simplement regroupés de façon différente.

Donc, pour revenir à ma dernière question, au sujet des 35 néonicotinoïdes qui font actuellement l'objet, selon les informations que vous avez reçues, d'une homologation conditionnelle, il y a trois substances chimiques différentes qui sont concernées?

Mme Gelfand : Il y a trois matières actives de la famille des néonicotinoïdes, oui.

Le sénateur Ogilvie : Ce sont des substances chimiques, oui, merci.

Mme Gelfand : C'est exact.

Le sénateur Mercer : Les scientifiques trouvent des noms très bizarres.

[Français]

Le sénateur Dagenais : J'aimerais revenir au paragraphe 15 de votre rapport, où vous mentionnez ce qui suit :

Nous avions aussi recensé 9 pesticides dont l'homologation temporaire durait depuis 10 à 20 ans.

Quelques lignes plus bas, vous mentionnez que, à cette époque, l'agence n'obtenait pas les renseignements nécessaires sur les pesticides dans des délais raisonnables. Quand on consulte le site de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, il est bien indiqué qu'elle doit fournir l'information en temps opportun.

Compte tenu de ce que vous écrivez dans votre rapport, dois-je en conclure que l'agence n'a pas reçu l'information en temps opportun?

Mme Gelfand : Dans le cas des pesticides dont vous parlez, oui, c'est exact. Ils ont été homologués encore et cela fait 10 à 20 ans.

Le sénateur Dagenais : Donc, on suppose que l'information n'a pas été fournie en temps opportun?

Mme Gelfand : Ce serait un jugement que vous pourriez porter.

[Traduction]

La sénatrice Beyak : Merci beaucoup de votre exposé qui nous sera très utile. Je suis nouvelle et pour aider aussi les autres nouveaux membres, j'ai quelques questions pour situer le tout dans le temps. Pourriez-vous me dire quand le gouvernement fédéral a commencé à étudier la santé des abeilles? Il y a environ 20 ans, nous avons procédé à un grand ménage dans les pesticides en nous débarrassant de tous ceux que l'on jugeait mauvais et en gardant tous ceux que l'on jugeait bons. Savez-vous si des études ont révélé que les colonies d'abeilles avaient déjà subi un tel effondrement au cours de l'histoire?

Mme Gelfand : Je ne pense pas être en mesure de répondre à ce genre de questions, parce que notre audit n'a pas porté sur les objectifs et les stratégies du gouvernement en matière de santé des abeilles. Vous allez devoir poser la question à un chercheur ou à quelqu'un qui a étudié la santé des abeilles. Notre audit visait à déterminer si l'ARLA faisait bien son travail. En 2008, nous en étions venus à la conclusion que c'était le cas en général, mais qu'il y avait de vives inquiétudes au sujet de l'homologation conditionnelle des pesticides, notamment ceux qui recevaient une homologation conditionnelle temporaire qui s'échelonnait sur une longue période.

La sénatrice Beyak : Merci beaucoup. Le président ou le greffier pourrait sans doute nous fournir l'information un peu plus tard.

Le président : Madame la sénatrice, nous allons demander au greffier d'examiner la question et de faire un suivi, et nous vous reviendrons à ce sujet.

La sénatrice Beyak : Merci.

Le sénateur Mercer : J'aimerais poursuivre dans la foulée de la question du sénateur Ogilvie qui a ramené les problèmes potentiels à trois composés chimiques différents, puis revenir sur le paragraphe 15 de votre exposé dans lequel vous dites que neuf pesticides avaient des homologations temporaires d'une durée de 10 à 20 ans. Il y a de bonnes chances pour que ce ne soit pas des néonicotinoïdes, car il n'y en avait pas à l'époque. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point?

Mme Gelfand : Selon les informations que nous avons, et qui nous proviennent encore une fois de l'ARLA, l'homologation des néonicotinoïdes a débuté en 2000, 2003, et vous venez de recevoir aujourd'hui un courriel de l'ARLA qui indique qu'un type de néonicotinoïdes a été homologué en 1995 et que son homologation est encore conditionnelle, et c'est l'imidaclopride dont je vous ai parlé.

Le sénateur Mercer : Certains l'étaient, donc.

Mme Gelfand : Depuis 1995, 2000 et 2003. Encore une fois, comme Andrew me dirait de vous dire, nous leur faisons confiance, mais nous n'avons pas vérifié. Nous nous en remettons à la direction pour nous dire la vérité. Nous n'avons pas vérifié. Il vous reviendra de leur poser la question.

Le sénateur Mercer : Nous n'y manquerons pas.

[Français]

Le sénateur Maltais : En 2008, il y avait 5 000 produits. On va s'entendre sur le fait que ce sont tous des produits chimiques. Je vais vous donner l'exemple bien concret de l'arsenic. Que vous en mettiez dans le gâteau ou dans le steak de la personne qui en mange, elle va mourir. Appelons-le comme on veut, c'est un poison. Tous les produits chimiques qui ont pour but de détruire sont nocifs pour la santé, et je ne conseille pas à un être humain de consommer ces produits.

Ce qui m'inquiète, c'est que, dans l'espace de 7 ans, il y a eu 2 000 produits chimiques, des pesticides, qui ont été homologués. Je reviens à ma première question qui est de savoir si on ne pourrait pas en soustraire 2 000?

Est-ce que chacun des produits homologués présentement est nécessaire à la bonne culture et pour que l'agriculture se développe au Canada d'une façon normale? Je pense qu'il doit y avoir moyen de limiter cela quelque part dans le temps. Si on en rajoute 2 000 dans votre prochain rapport, il y aura peut-être 10 000 produits chimiques. Qu'il s'agisse de néonicotinoïdes ou de n'importe quel autre produit, ils sont nocifs pour les animaux, les êtres humains et les poissons dans les rivières et les lacs. Quand cela va-t-il s'arrêter? Quand les producteurs de produits chimiques vont-ils s'arrêter? Jusqu'à quand le Canada devra-t-il tolérer cette production?

Mme Gelfand : Malheureusement, ce n'est pas une question à laquelle je peux répondre. C'est une question que vous pourriez poser à l'agence, à savoir que si elle homologue 2 000 produits de plus, elle en déhomologuera 2 000. C'est une question à poser au ministère.

Le président : Sénateur Maltais, si vous me le permettez, ces questions qui seront dirigées à l'ARLA, on aura l'occasion de les revoir.

Le sénateur Maltais : Ma dernière question s'adresse à la commissaire à l'environnement. Que pensez-vous de tous ces produits chimiques étendus sur les terres canadiennes?

Mme Gelfand : À mon avis, les produits qui ont des homologations temporaires qui durent de 10 à 20 ans constituent évidemment une préoccupation. Pour ce qui est du nombre et de la quantité des pesticides, ce n'est pas à moi de répondre à la question.

Le sénateur Robichaud : Avez-vous demandé à l'agence quelle était l'étendue de l'usage de ces produits chimiques à homologation temporaire? Cela pourrait nous amener à nous poser de sérieuses questions, si jamais l'usage en était répandu.

Mme Gelfand : C'est en anglais et je suis en train de penser en français.

M. Ferguson : Je vais répondre en anglais pour être certain que vous me comprendrez bien.

Le sénateur Robichaud : Oui.

[Traduction]

M. Ferguson : Nous avons effectué quelques recherches sur les pesticides néonicotinoïdes uniquement. Ces renseignements sont publics et proviennent de revues scientifiques. Ces pesticides sont le produit le plus utilisé dans le monde comme insecticide. Ils sont très utilisés et ils sont utilisés dans les semences, les fongicides, les insecticides, et cetera. Ils sont vraiment beaucoup utilisés.

Le sénateur Robichaud : On l'a souvent mentionné, mais ceux qui sont temporaires...

Mme Gelfand : Ces produits ont tous une homologation temporaire.

M. Ferguson : Ce sont les principales matières actives de la famille des néonicotinoïdes, oui.

Le sénateur Robichaud : Et ils sont très répandus?

Mme Gelfand : Oui.

Le sénateur Robichaud : Pas tous, mais un bon nombre ont reçu...

M. Ferguson : Je vais devoir vérifier combien, mais nous savons quels sont les trois les plus utilisés. Je ne sais pas combien de molécules chimiques on trouve dans la famille des néonicotinoïdes. Il se pourrait qu'il n'y en ait que trois et qu'ils soient utilisés dans différents produits. Il y a donc une prolifération des produits qui contiennent cette matière active. Nous en connaissons trois.

Le sénateur Robichaud : Comme vous l'avez mentionné.

M. Ferguson : Mais je ne sais pas s'il y en a beaucoup d'autres. Je n'ai pas cette information.

[Français]

Mme Gelfand : Et les 3 ingrédients actifs deviennent 35 pesticides différents. Trente-cinq pesticides différents contiennent les trois ingrédients actifs dont on vous a parlé.

Le sénateur Robichaud : Mais ces ingrédients actifs, ils sont présents dans des insecticides qui sont homologués, n'est-ce pas?

Mme Gelfand : De façon conditionnelle, oui.

Le sénateur Robichaud : Juste conditionnelle? Il n'y en a pas qui ont été homologués de façon...

Mme Gelfand : Il faudrait qu'on demande à l'agence de nous le préciser. La question est la suivante : est-ce qu'un néonicotinoïde a reçu une homologation permanente? À ce qu'on sache, la réponse serait non; mais on n'a pas vérifié cette information. C'est encore une question que vous devriez poser à l'ARLA.

[Traduction]

Le sénateur Enverga : J'ai une petite question. Toutes ces homologations temporaires le sont-elles dans un environnement contrôlé?

Mme Gelfand : L'homologation conditionnelle autorise les entreprises à les utiliser en suivant les règles d'application.

Le sénateur Enverga : Ce qui ne se fait pas nécessairement dans un environnement contrôlé?

Mme Gelfand : Un pesticide homologué est accompagné d'information sur son utilisation qui doit être transmise au producteur, et le producteur est censé utiliser le pesticide de la façon indiquée.

Le sénateur Enverga : Merci.

La sénatrice Tardif : Vous avez mentionné, qu'à votre connaissance, il n'y a pas de néonicotinoïdes qui ont une homologation permanente. Y en a-t-il dans d'autres pays? Comment nous comparons-nous aux autres pays dans ce dossier?

Mme Gelfand : Je n'ai pas vérifié cela, malheureusement. Je n'ai pas de renseignements précis. Nous n'avons pas effectué de comparaison encore.

M. Ferguson : Nous savons que divers pays imposent des restrictions, mais il semble que ce ne soit pas toujours pour les mêmes raisons. Ce pourrait être en raison des conditions climatiques qui sont différentes. On ne sait donc pas exactement pourquoi ces restrictions sont en place.

La sénatrice Tardif : On ne sait donc pas si dans ces pays les homologations sont temporaires ou permanentes.

M. Ferguson : Nous savons que les autres pays fonctionnent comme nous, c'est-à-dire qu'ils accordent des homologations conditionnelles en attendant les renseignements qu'ils leur manquent pour conclure leurs évaluations des risques, mais nous ne savons pas ce que cela a donné, car nous n'avons jamais mené d'audit à l'étranger.

La sénatrice Tardif : Et vous n'avez pas effectué de comparaisons?

M. Ferguson : Non.

[Français]

Le sénateur Dagenais : En guise de conclusion, est-ce que votre organisme est craint par les fabricants de pesticides, surtout quand ils savent que vous pouvez prendre jusqu'à cinq ans avant de faire vos recommandations? Est-ce qu'ils vous craignent vraiment?

Mme Gelfand : Les producteurs de pesticides? Je ne peux pas répondre, en ce sens que nos audits de performance portent sur le gouvernement fédéral. Nous examinons ce que le gouvernement fédéral dit qu'il va faire. Il dit « voici nos objectifs », et nous déterminons s'il les a atteints, s'il a mis en place les mesures pour bien mettre en œuvre les processus lui permettant d'atteindre ses objectifs. Donc, nous n'avons aucune relation directe. Nous donnons l'information aux parlementaires sur l'activité du gouvernement fédéral quant à l'atteinte de ses objectifs.

Le sénateur Dagenais : Je suis certain, par contre, que les fabricants de pesticides doivent regarder les recommandations que vous faites à l'agence du gouvernement fédéral. Si elles ne leur sont pas favorables, j'imagine qu'ils doivent quand même craindre vos recommandations.

Mme Gelfand : C'est possible.

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, madame.

Le sénateur Robichaud : Dans votre vérification, est-ce que vous vérifiez le processus d'homologation que l'agence utilise, à savoir quelle importance elle accorde aux données qui lui parviennent, disons, des États-Unis ou d'un autre pays, et quel rôle cela joue dans le processus d'évaluation?

Mme Gelfand : Selon ce que je comprends, l'information qui est demandée par l'agence, c'est de l'information qui provient de la personne qui essaie d'enregistrer le pesticide. Alors l'agence indique au producteur du pesticide toute l'information dont elle a besoin, et c'est au producteur de donner toute cette information à l'agence.

Le sénateur Robichaud : Mais le processus même, vous ne l'évaluez pas? Vous êtes satisfaits de ce qu'on vous donne comme information ou de la procédure qu'on utilise?

Mme Gelfand : En 2008, nous avons évalué le processus que l'agence utilisait, et nous étions satisfaits du fait que c'était complet, cohérent, et cetera, pour tous les pesticides.

Le sénateur Robichaud : Vous avez répondu à ma question. Merci.

[Traduction]

Le président : Avant de terminer, la présidence aimerait poser une question, avec la permission des sénateurs.

Vous avez mentionné qu'en 2008, environ 5 000 pesticides étaient homologués au Canada et à la lumière de l'audit que vous avez mené en 2008, auriez-vous des recommandations à formuler à l'ARLA pour qu'elle évalue de manière plus poussée les néonicotinoïdes dans le cadre de l'examen de ces 7 011 pesticides? Auriez-vous des recommandations à lui faire? Et je comprendrais très bien que vous ne vouliez pas répondre à cette question.

Mme Gelfand : Il est difficile pour moi de répondre, car il faudrait procéder à un audit pour savoir comment l'agence s'en tire maintenant. Tout ce que je peux dire, c'est qu'en 2008, nous avions de vives inquiétudes au sujet des homologations conditionnelles, le fait qu'elles étaient temporaires mais qu'elles duraient depuis 10 à 20 ans. Ces inquiétudes sont encore pertinentes aujourd'hui.

Le sénateur Mercer : Vous êtes en poste depuis six mois. Vous devriez avoir cela bien en main.

Mme Gelfand : C'est pour cette raison qu'il est ici.

Le président : Mesdames et messieurs les sénateurs, nous allons inviter l'ARLA à revenir nous voir, cela ne fait aucun doute.

Le sénateur Enverga : Oui.

Le président : Sur ce, je remercie nos témoins de leurs témoignages très professionnels.

Honorables sénateurs, la séance est levée.

(La séance est levée.)


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