Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule no 20 - Témoignages du 18 novembre 2014
OTTAWA, le mardi 18 novembre 2014
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 h 2, pour poursuivre son étude sur les priorités du secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, je déclare ouverte cette séance du comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
[Traduction]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je suis le sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick. Je suis le président de ce comité. Avant de vous présenter officiellement nos témoins, j'aimerais inviter les sénateurs à se présenter eux-mêmes.
La sénatrice Merchant : Bonjour, je suis la sénatrice Pana Merchant, de la Saskatchewan.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud, de Saint-Louis-de-Kent, au Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Tardif : Claudette Tardif, de la province de l'Alberta.
Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk : Sénateur Tkachuk, de la Saskatchewan.
Le sénateur Oh : Sénateur Oh, de l'Ontario.
Le sénateur Enverga : Sénateur Tobias Enverga, de l'Ontario.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Sénateur Jean-Guy Dagenais, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Ogilvie : Je suis le sénateur Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.
Le président : Le comité poursuit son étude des priorités du secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.
[Français]
Le secteur agricole et agroalimentaire canadien joue un rôle important et déterminant dans l'économie canadienne. En 2012, un travailleur sur huit au pays, représentant plus de 2,1 millions de personnes, était employé dans le secteur qui a d'ailleurs contribué à près de 6,7 p. 100 du PIB.
[Traduction]
À l'échelle internationale, le secteur agricole et agroalimentaire canadien a compté pour 3,6 p. 100 des exportations de produits agroalimentaires en 2012. La même année, le Canada se classait au cinquième rang mondial des exportateurs de produits agroalimentaires.
Honorables sénateurs, nous recevons aujourd'hui trois témoins.
Nous remercions les témoins d'avoir accepté notre invitation à venir s'entretenir avec nous dans le cadre de notre étude du secteur agroalimentaire, dont l'objet est d'aider les parties intéressées et les Canadiens en général à comprendre les défis que nous aurons à relever.
Aujourd'hui, nous accueillons M. James Laws, directeur général du Conseil des viandes du Canada; M. Bill Wymenga, vice-président du Conseil canadien du porc; et M. Jacques Pomerleau, président de Canada Porc International.
Le greffier m'a fait savoir que le premier témoin serait M. Laws, suivi de M. Wymenga, puis de M. Pomerleau. Les sénateurs pourront leur poser des questions après les exposés.
Monsieur Laws, vous avez la parole.
James Laws, directeur général, Conseil des viandes du Canada : Merci beaucoup. Bonsoir à tous. Je m'appelle Jim Laws. Je suis directeur général du Conseil des viandes du Canada, dont le siège social se trouve ici, à Ottawa. Je vous remercie de cette occasion qui m'est donnée de vous faire part de notre point de vue dans le cadre de cette étude sur les priorités du secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.
Le secteur canadien de la viande est le volet le plus important du secteur de la transformation des aliments au Canada : il emploie plus de 65 000 personnes et enregistre des ventes de 24,1 milliards de dollars par an.
Les marchés d'exportation sont absolument indispensables au secteur canadien du bétail et de la viande. L'année dernière, les entreprises canadiennes de transformation et de commerce de la viande ont exporté pour plus de 4,5 milliards de dollars dans 120 pays du monde. Notre objectif est d'obtenir un accès concurrentiel à tous les pays du monde.
Nous félicitons le gouvernement et les négociateurs commerciaux du Canada d'avoir réussi à conclure l'Accord de libre-échange entre la Corée et le Canada au début de cette année. Nous mesurons le large appui que cet accord a reçu à la Chambre des communes, et nous espérons qu'il sera examiné rapidement par le Sénat. Il faut absolument que cet accord soit mis en œuvre le plus tôt possible pour que nous ne perdions pas plus longtemps d'avantage tarifaire par rapport à nos concurrents, comme les États-Unis, qui profitent déjà de leurs propres réductions tarifaires.
Nous sommes également heureux de l'issue des négociations de cet automne concernant l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne, ou AEGC. Jusqu'ici, les entreprises du secteur du bœuf et du porc ont eu très peu accès au marché européen, et l'AECG ouvrira de nouvelles possibilités importantes aux entreprises canadiennes de transformation de la viande. Lorsqu'il sera intégralement mis en œuvre, l'accord pourrait permettre d'exporter jusqu'à 1 milliard de dollars de viande de bœuf, de veau, de bison, de porc et de cheval en Europe.
Il y a peut-être mieux encore pour le secteur de la viande : je veux parler de l'accord parallèle sur les mesures sanitaires qui a pour objet de garantir que les systèmes d'inspection des viandes et les technologies de transformation de la viande du Canada et des pays européens seront considérés comme équivalents. Le Japon, les États-Unis, le Mexique, la Corée, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Chili, la Colombie et des dizaines d'autres pays reconnaissent déjà la valeur et le fondement scientifique de notre système d'inspection des viandes et de nos mesures sanitaires et de contrôle des agents pathogènes. Ce devrait être également le cas des Européens.
Nous avons également suivi avec le plus grand intérêt et beaucoup d'impatience les négociations relatives au Partenariat transpacifique, qui libéraliserait les échanges entre 12 pays. Nous avons fait part de notre vigoureux appui à cet ambitieux accord de haut niveau qui ouvrirait tous les marchés du partenariat au libre-échange de tous les produits carnés. Les discussions actuelles sur l'accès bilatéral aux marchés dans le cadre du partenariat doivent être élargies à l'échelle multilatérale pour que tous les pays ouvrent leur marché de façon égale à toutes les autres parties au partenariat. Nous ne voyons pas du tout l'intérêt d'un partenariat qui ne serait pas applicable à l'échelle multilatérale.
Les négociations relatives à l'Accord de partenariat économique Canada-Japon ne sont pas moins importantes. L'année dernière, le Canada a exporté pour 21 millions de dollars de viande de cheval, 76 millions de viande de bœuf et 813 millions de viande de porc au Japon. Le Japon est le plus important marché d'exportation des produits carnés canadiens.
Nous espérons obtenir un meilleur accès au marché japonais grâce au partenariat, mais, si ces négociations devaient se révéler trop lentes, nous pensons que le Canada devrait conclure rapidement une entente bilatérale avec le Japon. Aussi importants que soient les accords commerciaux, la suppression des quotas et des tarifs n'a de valeur que si nous pouvons surmonter les obstacles que dressent les exigences et règlements techniques fastidieux.
Nous collaborons étroitement avec Agriculture Canada, l'Agence canadienne d'inspection des aliments, Santé Canada et le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement dans la tâche ardue de régler ces difficultés. Nous tenons à souligner le soutien dont les exportateurs canadiens de viande de porc ont fait l'objet l'année dernière lorsque la Russie a brusquement fermé son marché le 7 août 2014. Nous avions déjà exporté pour plus de 340 millions de viande de porc en Russie avant cet événement de nature politique. Au même moment, près de 500 conteneurs de viande de porc expédiés par des entreprises canadiennes de transformation et de commerce étaient en route pour la Russie. C'est énorme. Chaque conteneur contient en moyenne 23 000 kilogrammes de viande. Il a fallu localiser chacun de ces conteneurs et refaire les documents utiles pour les réexpédier à d'autres destinations possibles. C'était une opération difficile et coûteuse, mais le secteur a beaucoup apprécié le soutien que nous avons obtenu de tous les fonctionnaires fédéraux qui l'ont facilitée.
Malheureusement, la plus grave menace qui pèse sur l'avenir du secteur canadien du bétail et de la viande est actuellement la cruelle pénurie de bouchers et de découpeurs de viande. La première mesure sans réserve que prennent les entreprises canadiennes de transformation de la viande est d'embaucher des Canadiens, notamment parmi les chômeurs, les jeunes, les nouveaux immigrants, les Autochtones et les réfugiés. Ces entreprises recrutent activement et obstinément dans toutes les régions du pays. Elles offrent des salaires plus élevés que leurs homologues américaines, outre des avantages sociaux conséquents, de la formation et une aide financière à la relocalisation.
Il y a actuellement 500 postes à pourvoir dans le secteur canadien de la viande. Jour après jour, le site web de la banque d'emplois d'Emploi et Développement social Canada allonge des pages et des pages d'entreprises à la recherche de bouchers et de découpeurs de viande. Un même employeur peut être en quête de 100, 200, voire 250 travailleurs. Les emplois offerts dans les usines de transformation de la viande sont des emplois à temps plein et non des emplois temporaires. Le manque de bouchers et de découpeurs de viande au Canada empêche ces entreprises de se lancer dans la production de produits à valeur ajoutée, ce qui réduit le volume des exportations et compromet leur seuil de rentabilité, leur avantage dans la concurrence et leur stabilité. C'est ainsi qu'il y a moins d'activités de transformation de la viande de bétail canadien au Canada et que les emplois, le bétail et l'activité économique sont exportés.
Le secteur canadien de la viande doit être autorisé, là où c'est nécessaire et quand c'est nécessaire, à compléter la main-d'œuvre canadienne par de la main-d'œuvre étrangère. Nous pensons que le meilleur moyen de s'y prendre serait de permettre aux bouchers et aux découpeurs de viande d'être admissibles au nouveau programme dit Entrée Express de Citoyenneté et Immigration Canada, qui sera en vigueur à partir du 1er janvier 2015.
Je vous remercie.
Bill Wymenga, vice-président, Conseil canadien du porc : Bonjour. Je m'appelle Bill Wymenga. J'ai une entreprise de production de porcs à Lambton, en Ontario, et je suis vice-président du conseil d'administration du Conseil canadien du porc. Je tiens à remercier les membres du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts de m'avoir invité cet après-midi pour discuter de l'étude sur les priorités en matière d'accès aux marchés internationaux.
Le Conseil canadien du porc représente l'ensemble des producteurs de porcs du Canada. Notre fédération regroupe neuf associations provinciales du secteur du porc, et notre objectif est de jouer un rôle de premier plan dans l'épanouissement d'un secteur dynamique et prospère.
Comme vous le savez, nous dépendons des exportations. En fait, plus des deux tiers des porcs produits au Canada sont exportés, soit vivants, soit sous forme de produits transformés. Les exportations favorisent la croissance de notre secteur. Notre aptitude à pénétrer les marchés étrangers actuels est directement liée au degré de collaboration entre le gouvernement et le secteur privé.
Les héros invisibles de ce partenariat sont les fonctionnaires de l'ACIA et des Affaires étrangères qui défendent les intérêts du Canada partout dans le monde. Leur appui sur le terrain est inestimable lorsque l'accès au marché est instable ou perturbé. Nous apprécions le travail du Service des délégués commerciaux du Canada dans bien des pays qui constituent des marchés d'exportation du porc actuels ou potentiels. Mais les exportations ou le potentiel d'un marché d'exportation ne sont rien si le Canada n'a pas d'entreprises capables de fournir le produit.
Il est important de contrôler les coûts agricoles et d'éliminer la bureaucratie pour nos membres. Notre secteur est favorable aux mesures et initiatives prises par le Conseil de coopération en matière de réglementation pour faire coïncider plus précisément la réglementation canadienne et la réglementation américaine. Nous espérons que ces travaux se poursuivront et nous pensons que notre participation y contribuera valablement.
Ce qui nous inquiète de plus en plus, c'est la disponibilité de main-d'œuvre pour les abattoirs canadiens. Le secteur canadien de la production de porcs a besoin d'une main-d'œuvre stable et croissante. Sans main-d'œuvre suffisante, nous ne pourrons pas produire ce qui nous permettrait de tirer parti de l'accès aux marchés ouverts par les nouveaux accords commerciaux et nous finirons par importer plus de porc au Canada.
Nos entreprises ont eu énormément de difficulté à affronter la concurrence mondiale dans les derniers temps, notamment en raison d'un dollar canadien fort, du prix record des céréales, du ralentissement économique global et de l'étiquetage du pays d'origine. Nous avons cependant réussi à rester à flot. Notre secteur est plus petit, mais très concurrentiel, et nous ne devons pas perdre de vue les intérêts à long terme de nos entreprises.
L'économie mondiale continuera d'évoluer, et nous ne pouvons pas nous permettre de passer outre aux efforts susceptibles d'améliorer notre accès aux marchés, non plus que de mettre notre secteur en difficulté dans la concurrence.
Les producteurs de porcs ont pris un virage l'année dernière grâce à des coûts d'alimentation inférieurs et à la stabilité du prix du porc. Ces deux éléments leur ont permis de se donner une marge, et notre secteur a ainsi pu stabiliser sa base de producteurs et de production.
Le Conseil canadien du porc a récemment commandé une étude de la situation financière des entreprises de production de porcs. Les auteurs du rapport soulignent d'abord le fait que les bénéfices actuels n'ont pas permis de récupérer complètement les fonds perdus au cours des sept années antérieures. Ils font également remarquer que les bénéfices actuels sont au moins en partie attribuables aux répercussions sur la production américaine de la diarrhée épidémique porcine. Les prix pourraient connaître une forte pression à la baisse en 2016 à cause de la faible capacité de nos usines de transformation.
L'élément principal est que les marchés de produits de consommation restent intrinsèquement risqués et que le secteur du porc est victime d'une très forte volatilité en termes de prix et de marges en raison des fluctuations de l'offre et de la demande à l'échelle globale, du prix des céréales, et des taux de change. Nos entreprises et leurs responsables financiers resteront vigilants et prudents tandis que le secteur se rétablit du grave traumatisme des dernières années.
L'une des répercussions de ces nombreuses années d'épreuve est la disponibilité de crédit pour les entreprises de production de porcs. Des programmes fédéraux comme les programmes de paiements anticipés sont utiles, mais cela ne suffira pas à faciliter la construction ou la rénovation de bâtiments. Notre infrastructure vieillit. Le Conseil canadien du porc est en train d'examiner la Loi canadienne sur les prêts agricoles et le programme de la LCPA pour déterminer comment on peut les améliorer pour qu'ils étayent mieux l'objectif de soutien au renouvellement du secteur du porc. Nos bâtiments vieillissent, et nos entreprises ont besoin d'un réinvestissement important pour leur garantir une efficacité durable. Un nouveau système de prêt serait extrêmement utile à cet égard.
Pour conclure, je dirais que nous avons besoin que notre gouvernement continue de s'intéresser aux possibilités et ressources d'exportation tout en soutenant la vigueur et la santé du secteur de production de porcs.
[Français]
Jacques Pomerleau, président, Canada Porc International : Je vous remercie d'avoir invité Canada Porc International à témoigner devant votre comité afin de discuter de votre étude sur les priorités en matière d'accès aux marchés internationaux. CPI est l'agence de développement des marchés d'exportation de l'industrie porcine canadienne. Créée en 1991, c'est une initiative conjointe du Conseil canadien du porc et du Conseil des viandes du Canada.
Notre organisation s'occupe particulièrement des problèmes d'accès aux marchés étrangers, de la promotion du porc canadien à l'extérieur du Canada, de fournir de l'information sur les marchés étrangers à nos membres, ainsi que de régler d'autres enjeux importants liés à l'exportation.
Même si le Canada exporte du porc depuis plus de 100 ans, les exportations canadiennes de porc ont connu une forte croissance au cours des 20 dernières années. Elles sont passées de 250 000 tonnes, d'une valeur de 600 millions de dollars, en direction de 54 pays, en 1991, à plus de 1,1 million de tonnes, d'une valeur de 3,2 milliards de dollars, vers plus de 100 pays, en 2013. La valeur de nos exportations pourrait même atteindre 4 milliards de dollars en 2014.
Avec une part de marché de près de 20 p. 100 du commerce mondial, le Canada est le troisième exportateur mondial après les États-Unis et l'Union européenne. Plus de 60 p. 100 de la production canadienne de porc est exportée, ce qui rend donc notre industrie très dépendante des exportations.
Il convient de souligner que les exportations vers les États-Unis ne représentent plus qu'environ 30 p. 100 de nos exportations totales. Lorsque CPI a été créé, ce marché représentait plus de 75 p. 100 de nos exportations.
Un tel succès à l'exportation n'aurait pu avoir lieu sans la très étroite collaboration entre notre industrie et l'Agence canadienne d'inspection des aliments, le Secrétariat d'accès aux marchés d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, et le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement.
Il faut toujours se rappeler que, pour conserver l'accès aux marchés étrangers actuels, et pour obtenir l'accès à de nouveaux marchés, l'industrie porcine canadienne est entièrement dépendante du gouvernement canadien, car lui seul a le mandat de négocier non seulement des accords de commerce bilatéraux et multilatéraux, mais aussi toutes les ententes vétérinaires et sanitaires requises pour pouvoir exporter vers un quelconque pays.
L'environnement commercial a beaucoup évolué au cours des dernières années. La viande et ses produits dérivés sont déjà parmi les produits les plus réglementés sur la planète. Malgré cela, il s'avère de plus en plus difficile de respecter les exigences vétérinaires et sanitaires à l'importation qui sont mises en œuvre par nos principaux partenaires commerciaux comme la Russie, la Chine et l'Union européenne ou par des marchés potentiels comme l'Inde, car elles nécessitent la mise en place de nouveaux programmes de production et de certification, autant à la ferme qu'en usine. Il ne faut surtout pas s'attendre à ce que la situation s'améliore, puisque plusieurs pays continueront à mettre en place de nouvelles mesures techniques pour limiter leurs importations.
Une inquiétude croissante de notre part est la perte d'expertise et le manque de ressources accordées aux exportations de viande par l'Agence canadienne d'inspection des aliments.
L'expertise requise est très spécialisée et ne peut être remplacée facilement. Cette situation doit être prise en considération sérieusement et rapidement, car elle risque de devenir un obstacle à l'expansion de nos exportations.
Il faut comprendre que ce problème n'est pas particulier au secteur de la viande. Compte tenu de la nouvelle structure de l'ACIA, il y aura aussi un impact sur tous les autres produits et denrées alimentaires destinés à l'exportation. Merci beaucoup de votre attention.
[Traduction]
La sénatrice Merchant : Votre exposé rend compte, pour l'essentiel, d'une situation assez positive et porteuse d'espoir. Quels sont les défis à relever au moment où vous tentez de vous placer favorablement pour les marchés d'exportation qui s'ouvrent à nous? Les États-Unis restent notre partenaire et client principal. Qu'espérez-vous de l'étiquetage du pays d'origine? Comment cela se réglera-t-il?
M. Laws : D'après moi, le Canada a obtenu gain de cause à de nombreuses reprises devant l'Organisation mondiale du commerce. Je m'attends évidemment à ce que les Américains fassent de nouveau appel de la dernière décision, mais ils ne gagneront pas là non plus. Ils ont toujours perdu. Cette fois, il faudra qu'ils se plient à la décision. Nous sommes convaincus qu'il faut changer la réglementation pour qu'ils s'y conforment.
Nous espérons que, compte tenu des derniers résultats électoraux qui accordent le contrôle des États-Unis au même parti politique, ils seront en mesure de voter une modification aux exigences législatives qui créent une distorsion dans le commerce du bétail chez nos voisins. Nous avons bon espoir.
Pour ce qui est des autres marchés d'exportation, il est évident que nous souhaitons avoir accès au maximum d'entre eux. Voyez ce qui s'est passé en Russie : c'est énorme. Nous avions là un très gros marché, où nous pensions pouvoir vendre pour 500 millions de dollars de porc. Heureusement que les éleveurs profitent actuellement de très bons prix et que l'offre mondiale était serrée, de sorte que nous avons réussi à redistribuer les cartes et à réacheminer ces produits vers d'autres marchés. Si cela devait arriver, c'est arrivé au meilleur moment possible. En d'autres temps, ç'aurait pu être catastrophique pour nos entreprises. Les frais de surestarie étaient élevés, de sorte que les propriétaires de conteneurs qui ont dû rester dans des ports européens ont dû payer des frais quotidiens de location et d'électricité importants. On voit bien, encore une fois, pourquoi nous avons besoin d'un maximum de marchés possibles.
La sénatrice Merchant : Comment régler le fait que certains pays n'acceptent pas nos produits en raison de l'usage de certaines hormones au Canada? Qu'est-ce que cela veut dire pour vos entreprises? Cette transition sera-t-elle coûteuse? Les producteurs auront-ils besoin d'aide? Comment cela fonctionnera-t-il?
M. Pomerleau : Premièrement, il ne s'agit pas d'hormone. Il s'agit d'un additif alimentaire du nom de ractopamine. C'est une exigence en Chine, en Russie, à Taiwan et dans les pays de l'Union européenne. À la fin de l'année, près de 75 p. 100, voire 80 p. 100, des entreprises canadiennes de production de porcs n'utiliseront plus de ractopamine. Nous avons élaboré en six mois — ce qui n'est pas peu dire — le programme national de certification des porcs exempts de ractopamine. Nous sommes en mesure d'offrir cette garantie aux pays qui ne souhaitent pas acheter de produits contenant de la ractopamine. Nous nous sommes adaptés très rapidement.
M. Laws : Dans le secteur du bœuf — et certains de mes collègues qui parleront ensuite ainsi que les entreprises du Conseil des viandes du Canada qui transforment la viande de bœuf vous le confirmeront —, les éleveurs devront effectivement être informés par ces marchés d'exportation qu'il vaut la peine d'investir dans l'élevage d'animaux sans hormones de croissance, dont l'innocuité a cependant été bien souvent prouvée. Quoi qu'il en soit, les pays européens pourraient être un marché lucratif pour nous, pourvu que les Européens acceptent nos méthodes de transformation de la viande, comme le font beaucoup d'autres pays, dont le Japon. Et nous avons bon espoir que cela se fasse, voilà la bonne nouvelle.
L'aspect intéressant de l'accord prévu avec l'Europe est que l'accès au marché du bœuf concerne tous les produits : vaches laitières de réforme, veaux de boucherie et vaches de boucherie, qui n'ont jamais consommé d'hormones. La viande de ces animaux pourra être exportée en Europe.
La sénatrice Merchant : Est-ce une dépense que les producteurs assumeront eux-mêmes ou espérez-vous une aide quelconque du gouvernement pour faciliter la transition?
M. Laws : Non, pas du tout. Les producteurs n'achemineront probablement ces produits aux abattoirs que s'ils obtiennent un bon prix. Nous pensons que, grâce à l'élimination des tarifs, les marchés européens rempliront les conditions qui conviennent pour permettre aux abattoirs d'offrir de bons prix aux producteurs.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci à nos trois invités. Vous savez, comme moi, que l'accroissement des revenus en Chine mènera à des débouchés considérables pour les exportations de bœuf, et je pense que les Chinois apprécient aussi énormément le porc, qui demeurera sûrement leur principale source de protéines. Selon vous, quel serait le volume actuel des exportations canadiennes de bœuf et de porc vers la Chine?
M. Pomerleau : La Chine est déjà notre troisième marché d'exportation pour le porc; on s'attend à des ventes de l'ordre de 200 à 250 millions de dollars vers la Chine cette année, et ce, malgré le fait qu'il y ait des restrictions, non seulement en ce qui a trait à la ractopamine, mais aussi parce que nous ne sommes toujours pas en mesure d'exporter le porc de longue conservation, ainsi que les produits transformés. Il y a donc beaucoup de problèmes d'accès. Toutefois, malgré tout, c'est notre troisième marché d'exportation.
Un autre facteur jouera à notre avantage en Chine. On se souviendra de tous les scandales liés à la salubrité des aliments. Par conséquent, l'élite, en particulier, cherche de plus en plus de produits qui proviennent de pays comme le Canada, qui ont de bons systèmes d'inspection et de certification. Ces signaux nous parviennent de grandes chaînes en Chine qui vont se concentrer sur ce type de produit.
M. Laws : Je n'ai pas les chiffres devant moi pour 2013. Toutefois, pour ce qui est du bœuf, la Chine était le cinquième marché le plus important. Les exportations de bœuf vers la Chine représentent presque 28 millions de dollars canadiens. Je n'ai malheureusement pas les chiffres devant moi pour 2014 jusqu'à présent. Il s'agit d'un marché très important pour nous. Nous travaillons très fort.
Nous avons un vétérinaire canadien à Beijing, et c'est fantastique. Les Chinois sont très exigeants en termes de certification pour chaque usine autorisée. Récemment, ils ont exigé une approbation pour les entrepôts où on conserve la viande congelée. Ils veulent cette approbation. Nous étions très heureux que le président de l'agence soit là, il y a quelques semaines. Les Chinois ont approuvé une liste plus longue d'établissements.
Le sénateur Dagenais : Vous avez répondu en partie à ma deuxième question. J'allais vous demander s'il y avait des occasions d'affaires en Chine qui pourront faire augmenter les exportations. Je sais que, actuellement, beaucoup de voyages se font en Chine.
M. Pomerleau : En plus de la visite du premier ministre, les ministres Fast et Ritz y étaient, de même que le président de l'agence qui nous a aidés. Notre industrie était également au Food Hotel China du grand salon de Shanghai. Nous avons assisté à des séminaires à Taiwan et aux Philippines. Une vingtaine d'entreprises canadiennes, des maisons de commerce et des abattoirs étaient sur place.
Nous allons en Chine, pratiquement, deux fois par année. Nous participons aux deux grandes foires. Le Congrès mondial de la viande a eu lieu en Chine au moins de juin. Nous avons une très grande présence en Chine.
Il faudra trouver une façon d'installer une personne sur le terrain qui puisse nous permettre, en plus du travail de l'ambassade, de mener nos dossiers et de les faire progresser dans la bureaucratie chinoise. La Chine n'a pas seulement inventé la bureaucratie; elle l'a aussi perfectionnée.
Le sénateur Dagenais : Nous pourrions vous prêter le sénateur Oh.
Le sénateur Maltais : Le sénateur Oh est un spécialiste.
La sénatrice Tardif : Merci pour vos excellentes présentations. Si je comprends bien, le Conseil canadien du porc travaille à élaborer un système de traçabilité pour le porc, semblable à celui qui existe pour l'industrie du bœuf. Pouvez- vous nous dire quand le système sera mis en place? Est-ce qu'il nous aidera à être plus compétitifs sur le plan international? Quel effet aura-t-il sur les producteurs de porc?
[Traduction]
M. Wymenga : À l'heure actuelle, le système de traçabilité est en fait un règlement. Il est entré en vigueur le 1er juillet de cette année. Nos entreprises de production et de transformation y travaillent. Il n'est pas encore entièrement mis en œuvre en raison de nombreux changements à effectuer et de petits problèmes à régler, mais il fonctionne. Nous pensons qu'il sera complètement opérationnel dans le courant de l'année prochaine.
Je pense que les autres témoins peuvent en parler, mais on sait que certains pays considèrent la traçabilité comme un élément très positif, et nous pensons que cela nous facilitera la tâche sur les marchés d'exportation. Cela permettrait aussi de suivre une situation sanitaire, de remonter à certaines situations du point de vue de la santé. S'il arrivait malheureusement qu'une maladie étrangère soit contractée par nos animaux — et c'est l'origine de l'idée de la traçabilité —, ce système permettrait à nos entreprises de se relever plus rapidement.
La sénatrice Tardif : Quelles en seront les répercussions sur les entreprises de production de porc? Sont-elles parties prenantes? Vous avez mis un système en place : les coûts afférents sont-ils couverts par un quelconque programme?
M. Wymenga : Oui, nous avons obtenu de l'aide du gouvernement fédéral pour la mise en place du système de traçabilité. Il en coûte aux organisations provinciales de le faire fonctionner, et les producteurs ont un peu plus de travail. En Ontario, les naisseurs-engraisseurs élèvent les porcs dès leur très jeune âge et jusqu'à leur livraison. Il n'y a pas beaucoup de travail supplémentaire simplement à cause d'un nouveau système de gestion des manifestes. Nous tâchons de rendre ce système aussi convivial que possible. Dans certains cas, il exigera plus de travail des producteurs, surtout s'ils déplacent les porcs d'un endroit à un autre. Nous essayons de rendre les choses aussi simples que possible afin que les producteurs n'aient pas à porter de fardeau trop lourd.
La sénatrice Tardif : Les accords commerciaux en cours de négociation tiennent-ils compte de ces systèmes de traçabilité? Est-ce un enjeu ou une cause de différend?
M. Pomerleau : Non. C'est plutôt une exigence commerciale. Et c'est plutôt une exigence des clients ou des consommateurs. Lorsqu'on a affaire à un marché très exigeant, comme le Japon où la traçabilité est un enjeu important — et, au fait, nous pensons que ce sera pareil pour la Chine et la Corée —, c'est là qu'on obtient la meilleure valeur pour le porc. C'est donc un enjeu. J'ajoute que nous serions le tout premier pays du monde à offrir quelque chose de ce genre, et cela nous donne un énorme avantage.
M. Laws : Vous entendrez aussi, plus tard, des représentants du secteur de la production de bœuf. Un nouvel abattoir ouvrira ses portes sous peu à Calgary : la conception en est telle qu'il sera possible de faire remonter toute la viande emballée à chaque animal. C'est une décision commerciale qui a été prise, et les décideurs visent certains marchés. Ils veulent en tirer parti, c'est évident.
[Français]
Le sénateur Maltais : Tout va bien dans le domaine de l'exportation. Je laisserai donc mes autres collègues traiter de ce sujet. Parlons plutôt de l'aspect fondamental où vous éprouvez un problème majeur. S'agissant non seulement du porc, mais aussi du bœuf, du mouton ou des poules, vous avez des problèmes de main-d'œuvre.
En tant que présidents d'associations, que ce soit en Colombie-Britannique, dans l'Ouest, en Ontario, au Québec ou dans les Maritimes, quels efforts êtes-vous prêts à faire auprès des ministères de l'Éducation des provinces pour former cette main-d'œuvre? Il y a deux ans, deux sénateurs de ce comité ont visité des abattoirs dans les provinces de l'Ouest où l'on compte entre 400 et 500 employés, si je ne me trompe pas — mes collègues me corrigeront. Or, il n'y avait qu'une personne du Manitoba. Vous avez donc un problème majeur de main-d'œuvre.
Forme-t-on davantage de sociologues que de bouchers? A-t-on trop de sociologues et pas assez de bouchers? On a beau avoir des débouchés partout au monde; si on n'a personne pour abattre notre porc et l'équarrir, on ne le vendra pas. Il faut aller à la source et former la main-d'œuvre à la source. Votre association devrait faire pression auprès des ministères de l'Éducation des provinces pour leur parler des débouchés. Dans certains coins du pays, il y a encore des taux de chômage importants, particulièrement chez les jeunes. Il est vrai que ce n'est pas tout le monde qui peut travailler dans ce domaine. Toutefois, il en existe sûrement que ce travail intéresserait.
Quels efforts êtes-vous prêts à faire auprès des gouvernements provinciaux en ce qui a trait à la formation de cette main-d'œuvre?
M. Laws : C'est une très bonne question. Toutes les compagnies font la formation elles-mêmes. Elles acceptent de prendre n'importe quelle personne qui est prête à travailler. Elles font des efforts continuels pour trouver les personnes qui n'ont pas d'emploi. Le travail est très difficile physiquement. L'environnement est froid et le travail est répétitif.
En effet, nous avons eu plusieurs réunions avec le ministre Kenney. Une autre séance doit avoir lieu la semaine prochaine, ici, à Ottawa. Il promet de veiller à ce que ceux qui cherchent des employés soient jumelés à ceux qui cherchent des emplois. En ce moment, on ne sait pas qui reçoit de l'assurance sociale, qui n'a pas d'emploi et qui a besoin d'employés.
Ce n'est pas facile, particulièrement en Alberta, où les jeunes peuvent travailler dans le secteur de l'énergie, qui paie beaucoup plus. Il est difficile de concurrencer avec ce secteur. Il y a aussi le taux d'accroissement de la population. Moi, je n'ai qu'un enfant. Ce n'est pas comme par le passé où mes parents avaient sept enfants. C'est un défi de trouver suffisamment de nouveaux travailleurs pour l'avenir.
En même temps, l'industrie travaille très fort pour introduire de nouvelles technologies, comme des robots. Ce n'est pas évident, mais plusieurs compagnies ont trouvé de la technologie pour traiter les boîtes dans les entrepôts. Autrement, on cherche aussi d'autres occasions de mécaniser davantage de processus.
Le sénateur Maltais : Bravo pour vos efforts, parce que c'est votre industrie qui est en jeu.
M. Laws : Absolument.
Le sénateur Maltais : J'aimerais que vos grandes entreprises aillent dans les commissions scolaires, dans les écoles pour leur indiquer qu'elles n'auront pas seulement besoin de bouchers, mais qu'elles auront besoin de techniciens pour faire fonctionner les nouveaux robots. On doit aller chercher les jeunes là où ils sont.
Quant à ceux qui reçoivent de l'assurance-emploi, c'est malheureux, mais il n'y en aura qu'une très petite partie qui va y aller. Par contre, si vous allez dans les écoles secondaires, les cégeps, vous pourrez en trouver. Bravo si vous les formez, mais ils peuvent se faire former aussi à l'école dans le domaine de la technologie. Je vous laisse vous débrouiller avec cela.
À propos, à qui vendez-vous notre viande de cheval? Qui sont les cruelles personnes qui mangent cette belle petite bête?
M. Laws : La viande de cheval se vend en Suisse, au Kazakhstan, en France et au Japon.
Le sénateur Maltais : J'espère que vous la préparez mieux que certains pays de l'Est. C'est comme cela que les Français se sont retrouvés avec un fer à cheval dans leurs pizzas.
M. Laws : Nous avons un meilleur système de traçabilité. On peut identifier la viande.
M. Pomerleau : Ils se sont retrouvés avec de la trichine dans la viande chevaline. J'étais, à l'époque, à l'ambassade de Paris. Essayez de convaincre les vétérinaires français de réadmettre la viande canadienne. L'aide de l'agence à l'époque a été telle que le marché de la viande chevaline en France a baissé de moitié. Cependant, parce que nous étions les premiers à revenir sur le marché, nous avons doublé notre part de marché en Europe.
Quand je reviens au travail de l'agence, c'est important, parce que nous sommes tout de même avantagés par rapport à d'autres pays. Mes collègues américains me disent toujours qu'ils sont envieux et jaloux de ce que nous avons au Canada, du fait que nous avons une aussi bonne collaboration de la part de nos autorités gouvernementales. Ils ont beaucoup de difficulté à travailler avec les autorités américaines.
Nous voulons maintenir cet avantage, et nous avons prouvé qu'une étroite collaboration entre le gouvernement et l'industrie était la recette gagnante.
Le sénateur Maltais : Merci beaucoup.
Le sénateur Robichaud : Pour enchaîner sur la question du sénateur Maltais, vous dites que vous avez de la difficulté à trouver des bouchers, et vous dites, dans votre présentation, que vous rémunérez mieux que vos compétiteurs. Quel est le salaire moyen d'une personne qui travaille dans cette industrie de transformation?
M. Laws : Le salaire moyen dépend de l'endroit, mais il débute à un minimum de 13 $ l'heure, jusqu'à plus de 24 $ l'heure. Tout dépend où en est le travailleur dans le processus. Cependant, par rapport aux États-Unis, en particulier, oui, nous payons davantage qu'eux.
Le sénateur Robichaud : Quant aux États-Unis, où trouvent-ils leurs travailleurs?
M. Pomerleau : Vous parlez des travailleurs légaux ou illégaux?
Le sénateur Robichaud : Il faut les trouver quelque part.
M. Pomerleau : Voilà. S'il n'y avait pas d'immigration illégale aux États-Unis, peut-être qu'ils seraient dans une situation très difficile.
Le sénateur Robichaud : Vous avez bien répondu à ma question. Monsieur Pomerleau, à la fin de votre présentation, vous avez parlé des nouvelles structures de l'agence qui, semble-t-il, pourraient ne pas être à votre avantage. Pouvez- vous nous en parler un peu? Il s'agit de quelle agence et qu'est-ce que vous aimeriez voir? Il s'agit d'un aspect que nous pourrions inclure dans notre rapport.
M. Pomerleau : On parle de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, bien entendu. Selon la nouvelle restructuration, l'agence se rapporte maintenant beaucoup plus au ministre de la Santé en raison, justement, des problèmes de salubrité. Tout ce qui concerne les actions et les marchés est resté sous la responsabilité du ministre de l'Agriculture.
Auparavant, il y avait une direction complète qui s'occupait de l'inspection des viandes et de l'exportation. Maintenant, il y a un seul groupe qui s'occupe d'importation-exportation et, malheureusement, tous les experts qu'il y avait ont pris leur retraite, ce qui signifie qu'il en reste très peu qui ont cette expertise, et là est le problème.
Les structures peuvent convenir, pourvu qu'on ait la bonne expertise et les ressources pour les faire fonctionner. Il y a eu trop de mises à la retraite; c'est là que je veux en venir.
Le sénateur Robichaud : Cette expertise, où la retrouve-t-on? Ce sont des professionnels, n'est-ce pas, les gens qui travaillent dans ce domaine?
M. Pomerleau : Oui, et cela ne s'apprend pas à l'école. J'ai travaillé dans ce milieu à un certain moment donné, et c'est quelque chose qui s'apprend au sein de l'agence. C'est une formation que le gouvernement doit faire lui-même, parce que cela ne s'apprend nulle part ailleurs. Il s'agit vraiment d'essayer de déployer un effort conscient de recrutement et de formation, justement pour pourvoir ces postes.
Le sénateur Robichaud : Et le recrutement?
M. Pomerleau : À l'heure actuelle, je pense qu'il s'agit plutôt de recrutement zéro, à ce que je sache.
Le sénateur Robichaud : Pour vous, cela pourrait devenir un problème sérieux?
M. Pomerleau : Oui.
[Traduction]
Le sénateur Ogilvie : J'ai commencé par lire le document communiqué par Canada Porc International, et cela m'a donné l'impression que la situation du secteur du porc était positive du point de vue des ventes à l'étranger. J'ai aussitôt pensé à ce que je crois avoir entendu dire dans les médias depuis 10 ans en Nouvelle-Écosse au sujet des difficultés des entreprises de production de porc, comme la diminution du nombre de producteurs, les difficultés d'accès aux abattoirs, les coûts de production, et cetera. Quel contraste!
Et puis, bien sûr, j'ai lu les autres documents, qui m'ont donné une perspective beaucoup plus sombre de la situation au cours de la même période. Le document de Kevin Grier soulève un certain nombre de questions.
Revenons-en à la seule question des marchés d'exportation, qui constituent, selon votre document, 60 p. 100 des ventes de porc : ces produits se vendent-ils à des prix qui permettent aux producteurs d'en tirer un bénéfice net sans aucune subvention?
M. Wymenga : Dans certains cas, le producteur n'en tire pas de bénéfices directs, et dans d'autres, oui.
Je fais partie d'une coopérative appartenant à des producteurs, Conestoga Meat Packers, en Ontario. L'usine appartient aux producteurs. Les augmentations de prix supplémentaires obtenues sur les marchés d'exportation vont directement dans leurs poches.
Il existe d'autres usines de transformation qui n'appartiennent pas aux producteurs : l'argent va alors dans les poches des entreprises de transformation. Les producteurs en profitent indirectement parce qu'on a besoin d'un secteur de la transformation qui fonctionne bien. Il faut que ce secteur soit rentable et que ses entreprises vendent des produits valables pour pouvoir offrir des prix élevés aux producteurs. Nous avons les avantages des deux.
Le sénateur Ogilvie : Les chiffres que vous fournissez — quadruplement du poids-volume et quintuplement de la valeur en dollars — semblent indiquer que le secteur a quand même obtenu de bons résultats.
Cela nous renvoie à la question des coûts de production. Vous nous avez parlé des coûts de main-d'œuvre, et cetera. Ces coûts sont importants, évidemment, mais il y a d'autres facteurs en jeu dans les coûts de production, par exemple l'accès à des abattoirs agréés situés à proximité, et cetera.
Outre la réglementation que nous envisageons du point de vue de la concurrence sur les marchés étrangers, y aurait- il des transformations structurelles de l'infrastructure canadienne qui permettraient de réduire les coûts et d'offrir des produits à des prix plus concurrentiels? Je ne veux pas aborder la question du prix des céréales et tout ça. Je veux seulement parler des enjeux structurels : installations, organisation, et cetera.
M. Wymenga : Nous avons notamment un problème au Canada : c'est un très grand pays, et nous sommes parfois éloignés des marchés, surtout en comparaison des pays européens. Les producteurs européens sont beaucoup plus près de leurs marchés. Au Canada, nos entreprises sont plus dispersées. C'est à la fois une bonne et une mauvaise chose, mais nous sommes plus éloignées des usines de transformation.
Il faut tenir compte de la durée du transport. Je sais que l'ACIA s'interroge sur la question de savoir combien de temps des animaux peuvent rester dans un véhicule de transport avant qu'on doive les en faire sortir et leur donner un répit. Certains enjeux liés au transport peuvent entrer en ligne de compte pour les producteurs dont l'entreprise est éloignée d'un marché qu'ils souhaitent pénétrer. Mais, évidemment, les frais de transport s'ajoutent aux coûts que doivent assumer les producteurs éloignés de toute usine de transformation.
Le sénateur Ogilvie : Il existe certains moyens de protéger nos producteurs : je pense à la situation des produits laitiers, au système de régulation de l'offre, et cetera. Compte tenu de la difficulté que vous avez évoquée — je veux parler de la taille de notre pays, classé au deuxième rang mondial en termes de superficie —, que se passerait-il si l'on avait un règlement disant que les entreprises de production de porc doivent obligatoirement se trouver à telle ou telle distance de nos principaux moyens de transport pour permettre un développement plus concurrentiel de la production?
M. Wymenga : Je pense que ce genre de règlement indisposerait quelques producteurs.
Le sénateur Ogilvie : Les producteurs sont toujours indisposés d'une façon ou d'une autre, mais que penser de moyens inusités de rendre une zone productive?
M. Wymenga : Je crois que, à long terme, c'est la logique économique qui s'en chargera. Si ces entreprises continuent de ne pas être rentables à cause de la distance des marchés, elles envisageront des solutions de rechange et se contenteront peut-être d'approvisionner le marché local, ou quelque chose comme ça.
Le sénateur Ogilvie : Je ne pensais pas que vous iriez dans cette direction; je voulais simplement savoir si vous aviez songé à d'autres avenues à cet égard. Je vous remercie.
M. Laws : Encore un mot : vous savez peut-être qu'il existait une très vieille entreprise de transformation de la viande à Toronto, Quality Meat Packers, qui était là depuis longtemps. Ce n'était pas Hogtown (la ville du porc) pour rien, mais on a commencé à construire de très jolis condos de plus en plus près de l'usine. Le prix des porcs vivants a tellement grimpé que l'entreprise a eu des problèmes de liquidités et a fini par faire faillite. Mais je suppose que le bon côté des choses est qu'il y avait suffisamment d'usines de transformation par ailleurs à proximité, dont celle où Bill envoie ses porcs, pour que tous les porcs qui étaient acheminés à cette usine puissent être redistribués.
Structurellement, notre secteur est composé de grandes installations. Même la très grande installation qu'exploite Maple Leaf à Brandon a de la difficulté à conserver deux quarts de travail à cause du manque de main-d'œuvre. Sur le plan structurel, elle a besoin de plus de travailleurs pour rester efficace et faire concurrence aux Américains, qui peuvent exploiter des installations d'envergure mondiale à forte capacité.
M. Pomerleau : Nous avons cependant encore suffisamment de capacité pour absorber plus de porcs au Canada. Nous n'avons pas besoin d'usines supplémentaires.
Le président : Je sais que beaucoup de gens suivent ces discussions et nos délibérations sur Internet, tandis que d'autres participent directement ici. Je tiens donc à vous remercier de votre intérêt pour ces questions.
Sur ce, j'invite le sénateur Enverga à poser sa question.
Le sénateur Enverga : Merci de vos exposés, messieurs. Maintenant que nous avons l'AECG et l'accord commercial avec la Corée, et que nous travaillons sur le Partenariat transpacifique, les difficultés que vous avez mentionnées sont de l'ordre des tarifs et de la pénurie de main-d'œuvre. Peut-être que ma question sera semblable à celle du sénateur Ogilvie, mais avons-nous un problème de gestion de l'offre? Pensez-vous que c'est l'un des problèmes du secteur de la production de porcs?
M. Wymenga : La gestion de l'offre peut être une difficulté si c'est une condition d'accès à un certain marché. Je pense que, dans le cas de la plupart de nos accords commerciaux, l'AECG compris, nous avons pu négocier avec les pays de l'Union européenne une entente qui ne compromet pas la situation en termes de gestion de l'offre. Ils n'ont peut-être pas été ravis de l'élargissement de l'accès aux fromages, et cetera, mais leur système, en fait, reste intact. Quant aux producteurs de porcs, ils ont obtenu un accès beaucoup plus large au marché européen.
Ce n'est pas nécessairement un problème, mais cela peut le devenir, selon les marchés visés et ce à quoi d'autres pays sont prêts à renoncer.
Le sénateur Enverga : Avez-vous prévu des mesures si quelque chose de ce genre arrivait, si l'on élargissait par exemple la portée de l'AECG? Aurez-vous une réponse à ce genre de demande?
M. Wymenga : Vous voulez dire si la gestion de l'offre nous échappait?
Le sénateur Enverga : C'est ça.
M. Wymenga : Nous n'avons rien prévu, mais si cela devait arriver, il faudrait probablement le faire.
Le sénateur Enverga : Il semble que la demande de porcs canadiens soit importante. Pourriez-vous nous donner une description de notre produit? Pourriez-vous le comparer à celui des États-Unis, du Brésil ou d'ailleurs? S'agit-il du même genre de produit?
M. Pomerleau : Oui et non. Pour commencer, nous avons un meilleur bagage génétique au Canada. Notre particularité est que notre porc est plus uniforme qu'ailleurs d'une frontière à l'autre. Nous avons d'excellents programmes en place, par exemple le Programme d'assurance de la qualité du Canada. Nous avons aussi un système de traçabilité. Nous pouvons prouver à nos clients que nous offrons non seulement une meilleure qualité de produit, mais aussi de meilleurs programmes de gestion.
M. Laws : Je pense que les clients étrangers considèrent le Canada comme un pays magnifique. Nous avons la chance d'avoir de l'air propre et de l'eau propre. Lorsqu'ils voient des produits de bœuf et de porc canadiens... beaucoup d'entre eux sont peut-être déjà venus au Canada, à Banff ou ailleurs. Je crois qu'il est juste de s'intéresser à l'origine et à l'innocuité d'un produit alimentaire.
Nous voyons aussi beaucoup de nouveaux moyens technologiques mis à contribution, de sorte qu'on peut maintenant vendre du bœuf et du porc frais sur des marchés très éloignés parce que le contrôle sanitaire des usines est si strict, que la réfrigération est si rapide et que les nouvelles techniques permettent des emballages si moulants que la durée utile des produits en est prolongée. Cela nous aide parce que nous pouvons envoyer un produit par bateau et lui garantir une durée utile suffisante pour faire concurrence aux produits locaux.
Le sénateur Enverga : Je n'ai pas goûté à du porc en provenance d'autres pays. Le goût est-il différent? Y a-t-il une différence d'après vos clients?
M. Pomerleau : Nous organisons des dégustations en magasin, notamment au Japon. La différence entre le porc et le bœuf est que le porc ne vieillit pas naturellement. Mais, si on le met dans un emballage spécial, il devient plus tendre : l'emballage attendrit le produit. Lorsqu'il arrive à destination, il est très tendre, contrairement à ce que vous avez vu ailleurs. C'est ce que nous faisons valoir aux clients. De plus, comme Jim l'a dit, le seul mot « Canada » est déjà en soi une référence, nous n'avons pas besoin de promouvoir l'origine de nos produits.
Le sénateur Oh : Ma question s'adresse à James. Vous avez parlé de la difficulté à trouver des bouchers. Vous avez aussi parlé de permis de travail temporaires. Dans quelle mesure la situation est-elle critique et a-t-elle des répercussions sur vos exportations?
M. Laws : Tout à fait. Le problème, pour nous, est que les règles ont changé. Certaines entreprises ont donc élargi leur production et se sont mises à dépendre énormément du Programme des travailleurs temporaires étrangers, que nous avons beaucoup utilisé.
Les travailleurs viennent ici et restent deux ans; si ça marche, ils peuvent rester deux ans de plus. Ils sont très bien formés et peuvent ensuite demander le statut d'immigrant. Ce sont des employés très fidèles.
À cause d'une certaine situation dans un restaurant quelque part, le gouvernement a décidé de changer les règles du programme. On ne nous a pas donné assez de temps pour nous adapter, c'est ça le problème.
Les entreprises qui doivent se conformer aux nouvelles règles doivent renvoyer leurs travailleurs temporaires plus tôt que prévu et elles n'ont pas assez d'employés pour produire une certaine gamme alors qu'elles auraient pu avoir cinq travailleurs ici pour s'en occuper. Elles ne peuvent plus fonctionner comme ça et doivent renvoyer le produit à l'équarrissage. Il peut s'agir d'un produit spécialisé destiné à un marché demandeur.
Le sénateur Oh : Vos travailleurs temporaires ne peuvent pas faire renouveler leur permis de travail?
M. Laws : Si, mais c'est devenu plus difficile. Ils doivent rentrer chez eux. On a coupé de moitié la durée de leur séjour. Le système est mis en place progressivement : on n'a plus droit qu'à 30 p. 100 de travailleurs temporaires étrangers, puis ce sera 20 p. 100 et ensuite 10 p. 100. Cette situation est très difficile pour le secteur.
Dans mes dernières observations, j'ai signalé que, si nous avons un emploi à offrir à quelqu'un — peut-être à l'un des travailleurs temporaires étrangers qui a travaillé pour nous et que nous connaissons, ce n'est pas un inconnu — et si nous avons essayé en vain d'embaucher un Canadien, un jeune chômeur, un réfugié, un Autochtone ou un prestataire de l'assurance-emploi parce que ces personnes ne sont pas intéressées ou qu'elles ne viendront pas vivre dans une autre région du Canada pour avoir cet emploi, eh bien nous espérons pouvoir profiter du programme Entrée Express. Nous voulons être prêts. C'est dans six semaines. Nous avons besoin de ce programme.
Le sénateur Oh : Vous allez avoir un boucher en laisse.
M. Laws : Voilà.
Le sénateur Tkachuk : J'ai une autre question à ce sujet. Existe-t-il des obstacles sociaux au Canada qui empêchent des gens de travailler? Je crois que les derniers chiffres sur le taux de chômage sont de 6,7 ou 6,8 p. 100, mais il y a des régions où il est de 12 ou 13 p. 100. Il doit bien y avoir des obstacles sociaux à l'emploi. Je ne sais pas si le sous-sol est si agréable et les jeux, si prenants, mais il est très possible qu'il y ait des obstacles financiers. J'aimerais avoir votre avis.
M. Laws : J'ai obtenu mon diplôme de l'Université de Guelph en 1981. Je suis parti travailler en Nouvelle-Zélande pendant un an. Quand je suis revenu, je n'ai pas pu trouver d'emploi en Ontario, mais j'en ai trouvé à Edmonton. J'étais célibataire et donc mobile. Je suis donc parti. Je pense qu'il doit y avoir beaucoup d'autres Canadiens dans cette situation, de jeunes Canadiens au chômage qui peuvent se déplacer. Je me souviens que mes parents m'ont dit : « Va vers l'ouest, jeune homme. » Je pense que c'est toujours valable.
À mon avis, si des programmes permettent aux chômeurs de rester où ils sont, c'est bien dommage.
Le sénateur Tkachuk : Mais c'est probablement parce qu'il y a de l'argent concurrentiel, c'est-à-dire l'argent des prestations sociales, l'argent de l'assurance-emploi, et cetera. Peut-être que, si l'on offrait des stimulants au déplacement, au déménagement, sous la forme de réductions d'impôt sur cinq ans ou quelque chose comme ça, la situation serait différente. Il faut arriver à faire bouger ces gens. Je viens de l'Ouest et j'ai déjà déménagé cinq fois. Vous voyez ce que je veux dire? Je ne comprends pas.
M. Laws : Dans le mémoire que nous avons adressé au Comité des finances cette année, nous avons proposé de créer un programme quinquennal doté d'un budget de 50 millions de dollars pour aider les jeunes Canadiens au chômage à se relocaliser dans des endroits où ils pourront trouver du travail. Et nous pensons que c'est important, absolument.
La sénatrice Beyak : Je pense avoir obtenu réponse à toutes mes questions. Elles portaient surtout sur la pénurie de main-d'œuvre.
Ce rapport est génial. On n'y parle pas de vous nommément, mais il y est question des « organisations ». Alors je suppose que vous faites partie du plan d'action pour la main-d'œuvre, du groupe de travail. Vous avez une attitude merveilleusement positive à l'égard de la recherche de la main-d'œuvre dont vous avez besoin. Je vous remercie.
Le président : Monsieur Laws, monsieur Wymenga et monsieur Pomerleau, merci beaucoup de nous avoir fait part de vos observations et opinions.
Accueillons notre deuxième groupe de témoins. Merci d'avoir accepté notre invitation à nous faire connaître vos recommandations et opinions. Nous entendrons John Masswohl, dela Canadian Cattlemen's Association; Brian Walton et John Weekes, de l'Association nationale des engraisseurs de bovins; Rob Smith, de l'Association canadienne Angus; et Michael Latimer, du Conseil canadien des races de boucherie. Le premier à parler sera M. Walton, suivi de M. Masswohl, M. Smith et M. Latimer.
Monsieur Walton, vous avez la parole.
Bryan Walton, directeur général, Association nationale des engraisseurs de bovins : Je suis accompagné de mon associé, John Weekes, qui m'aidera à faire mon exposé aujourd'hui.
Je représente l'Association nationale des engraisseurs de bovins. L'association a été créée en 2007 pour collaborer avec certaines des associations commerciales du secteur du bœuf dont des représentants vont témoigner avec moi ici, aujourd'hui.
Dans le document que j'ai joint à mon exposé, vous verrez que les engraisseurs de bovins sont des exploitants de parcs d'engraissement. D'autres ici appartiennent à d'autres maillons de la chaîne d'approvisionnement en bœuf. Dans le coin supérieur gauche, vous verrez les exploitants de parcs d'engraissement. Nos produits quittent ces parcs et sont acheminés vers des usines de conditionnement au Canada et aux États-Unis. Vous pouvez imaginer que le commerce libre et équitable est important pour nous, et nous sommes ici aujourd'hui pour le rappeler.
Notre objectif est de rétablir l'accès aux marchés qui ont été limités ou interdits à cause de l'ESB, d'améliorer et d'élargir l'accès aux marchés actuels et de pénétrer de nouveaux marchés. C'est ce que permettent certains des accords commerciaux bilatéraux dont M. Weekes parlera dans un moment et certaines initiatives multilatérales.
Il est important pour le Canada de s'intéresser à l'élargissement du commerce. Nous produisons plus que nous consommons, et nous avons donc besoin de marchés. Nous avons besoin de marchés en dehors de l'Amérique du Nord, et c'est pourquoi la question de l'accès aux marchés d'outre-mer est si importante à nos yeux.
Je vais demander à M. Weekes de prendre la suite.
John Weekes, conseiller commercial, Association nationale des engraisseurs de bovins : Je parlerai brièvement de quelques accords bilatéraux, en commençant par l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne ou AECG, qui nous semble très important pour notre secteur. Nous espérons qu'il sera mis en œuvre assez rapidement. Nous n'ignorons pas qu'il faut encore passer par un long processus avant son entrée en vigueur et que cela pourra prendre deux ans ou un peu plus. Nous accordons également une grande importance à la garantie que certains accords parallèles ayant trait à la réglementation — et qui n'ont pas été négociés comme tels dans le cadre de l'AECG, mais sont importants pour sa mise en œuvre — seront considérés comme une priorité par le gouvernement et que celui-ci prendra des mesures pour en accélérer l'achèvement.
L'Accord de libre-échange entre le Canada et la Corée est également très important pour notre secteur d'activité. Je crois qu'il n'en est pas encore à sa troisième lecture au Sénat, mais nous espérons que ce sera le cas rapidement et que l'accord entrera en vigueur le 1er janvier. Cela nous permettra de commencer à rattraper certains de nos concurrents qui profitent déjà d'accords de libre-échange avec la Corée, bien que, à mon avis, l'accord du Canada et celui de l'Australie aient des chances d'entrer en vigueur en même temps.
Nous souhaitons également élargir nos relations commerciales avec la Chine et nous débarrasser de certaines restrictions résiduelles découlant de la crise de la vache folle. Les exportations de viande non désossée d'animaux de moins de 30 mois sont une priorité particulièrement importante.
Rappelons en passant que, dans les derniers jours, l'Australie et la Chine ont conclu un accord de libre-échange bilatéral. Nous pensons qu'il est important pour le Canada de réfléchir aux moyens de faire progresser nos relations avec la Chine pour les consolider et nous donner un accès au marché chinois qui ne soit pas substantiellement moindre que celui d'un concurrent important comme l'Australie.
Le Japon est un marché important pour les produits agricoles, et c'est un marché riche et stable : il représente près du double du marché européen pour les produits agricoles d'origine canadienne. L'accès libre au marché japonais est particulièrement important pour nous, et il y a deux moyens de s'y prendre pour y arriver. Il y a d'abord les négociations bilatérales actuellement en cours entre le Canada et le Japon. En fait, cette semaine, notre équipe de négociateurs est à Tokyo. Il y a ensuite les négociations du Partenariat transpacifique. Certaines questions restent en suspens dans les négociations entre les États-Unis et le Japon et au sujet de la perspective qu'adoptera le Congrès américain à cet égard. Quoi qu'il en soit, nous pensons que nous devons aller de l'avant avec le Japon, que ce soit dans le cadre d'une entente bilatérale ou du Partenariat transpacifique. En fait, si nous arrivons à obtenir l'accès au Japon dans le cadre d'une entente bilatérale, nous prendrions de l'avance sur nos concurrents américains, ce qui pourrait positionner avantageusement nos entreprises du point de vue de l'établissement d'une tête de pont sur un nouveau marché libre.
Pour finir, je ferai une remarque non pas sur les négociations, mais sur la bataille engagée par le Canada pour se débarrasser des exigences de la réglementation américaine concernant l'étiquetage du pays d'origine. Ces exigences ont fait beaucoup de tort aux entreprises d'engraissement de bovins et à tout notre secteur d'activité à cause de la discrimination efficace qu'elles ont déclenchée contre les importations de bœufs et de porcs vivants aux États-Unis. Vous en avez probablement entendu parler au cours de la dernière session. Nous appuyons vigoureusement les arguments présentés par le gouvernement du Canada à l'OMC et la menace de représailles diffusée dans la Gazette du Canada pour faire bien comprendre qu'il défendra les droits du Canada en vertu des accords commerciaux contre toute action étrangère le privant de ces droits de façon illicite.
M. Walton : J'aimerais aborder trois autres questions pour un instant. Ce sont des questions que vous nous avez demandé d'aborder. En matière de durabilité, je tiens à rappeler au comité que le Canada est l'un des rares pays à s'être doté d'une table ronde sur la durabilité, où il est question d'économie, d'environnement et d'intérêts sociaux. C'est un excellent complément à notre permis social d'exploitation, qui traite du soin des animaux, de la production et de la santé animales, de l'environnement, ainsi que des personnes et des collectivités. C'est un élément sur lequel je souhaitais attirer votre attention, et vous pouvez voir que notre mémoire aborde les éléments de la table ronde. Je n'en ferai pas le détail.
Diversité, sécurité alimentaire et traçabilité : il est évident que nous appuyons le principe obligatoire de la traçabilité nationale, mais je voudrais revenir sur un point abordé l'année dernière par le comité au sujet de l'innovation. Il est important pour nous de pouvoir utiliser une technologie de production moderne dans l'élevage du bétail, et je pensais que le rapport portait sur tous les aspects utiles de ce que notre secteur d'activité a besoin de faire pour être concurrentiel à l'échelle mondiale et faire progresser le secteur de la viande de bœuf dans son ensemble.
Pour ce qui est de la compétitivité et de la rentabilité, nous appuyons activement le Conseil de coopération en matière de réglementation dans trois domaines : la certification électronique, le zonage des maladies animales exotiques et les approbations de médicaments vétérinaires, pour veiller qu'il existe aux États-Unis des mesures simultanées ou quasi simultanées.
La dernière question que je soulèverai est celle de la main-d'œuvre. Le représentant du Conseil des viandes du Canada vous en a parlé, et nous souhaitons vous en parler aussi. C'est un problème grave pour nous. Certaines de nos entreprises diraient que c'est la question la plus urgente à régler. C'est un enjeu qui touche la chaîne d'approvisionnement. Si un seul maillon de la chaîne est compromis, nous le sommes tous. Nous n'arrivons pas à trouver d'employés pour nos parcs d'engraissement. Le Canada rural, et plus particulièrement les Prairies et notamment l'Alberta, se débat pour trouver et garder du personnel dans les zones rurales. Nous pensons que le Programme des travailleurs temporaires étrangers a été et devrait rester un moyen important d'augmenter notre main- d'œuvre. Il faut donc qu'il fonctionne.
Le président : Je vous remercie.
John Masswohl, directeur, Relations gouvernementales et internationales, Canadian Cattlemen's Association : Merci de votre invitation à venir m'entretenir avec le comité et merci de l'attention que vous accordez au problème important du commerce international pour le secteur agricole canadien.
La Canadian Cattlemen's Association a été créée en 1932. Elle représente tous les segments du secteur canadien de la production de bovins, soit environ 68 000 producteurs en tout.
L'accès aux marchés étrangers et la capacité à exporter largement sont vitaux pour notre secteur d'activité. Sans commerce international, les entreprises de conditionnement du bœuf — représentées par James Laws qui vous a parlé un peu plus tôt et qui sont nos clientes —, ne peuvent pas maximiser la valeur par carcasse. Si elles ne le peuvent pas, elles ne peuvent pas non plus verser aux producteurs de bœuf les recettes importantes dont ils ont besoin pour acheter notre bétail.
Nous avons vu, en mai 2003, ce qui arrive aux prix du bétail au Canada lorsque tous les marchés d'exportation sont brusquement fermés. Premièrement, l'impossibilité d'exporter du bétail aux États-Unis nous a contraints à commercialiser nos produits au Canada toutes les semaines dans une proportion dépassant les marchés internes. Deuxièmement, même la viande transformée au Canada n'a pu obtenir la pleine valeur par carcasse à cause de l'impossibilité de livrer chaque pièce de l'animal au marché disposé à payer le mieux.
Les Canadiens sont habitués à manger du steak, du rôti et des hamburgers. Ce sont des produits très populaires, mais chaque animal donne plus de 300 produits. Malheureusement, les Canadiens ne consomment pas de pièces de viande comme la langue, le foie ou l'estomac. Une langue de bœuf se vend peut-être 40 ou 50 cents la livre au prix de gros au Canada, alors que, en Asie, elle pourra se vendre 5 ou 6 $ la livre. Une langue de bœuf pèse en moyenne six livres. Le commerce international de cette pièce de viande représente 30 $ de plus par animal. Vous pouvez faire le même calcul pour d'autres morceaux.
Même chose pour des coupes populaires comme le filet et le faux-filet : ils se vendent souvent plus cher sur les marchés d'exportation comme le Japon, Taiwan, voire les États-Unis, qu'au Canada. À tout le moins, la demande supplémentaire provenant des marchés étrangers nous garantit de meilleurs prix qu'au Canada même pour les produits que nous n'exportons pas. Cette concurrence entre les clients contribue à faire monter les prix, et cela finit par revenir aux producteurs de bovins.
Nous avons constaté ces effets sur le marché. Les prix des bovins au Canada n'ont jamais été aussi élevés qu'aujourd'hui. Au pire moment de la crise de vache folle, au cours de l'été 2003, un bœuf de 1 200 livres se vendait moins de 400 $. À l'automne 2005, après la réouverture du marché américain, le même animal se vendait autour de 1 100 $. Aujourd'hui que nous avons récupéré la plupart des marchés interdits à cause de l'ESB, nous avons encore quelques problèmes, mais le même animal vaut plus de 2 000 $ à la ferme. C'est un écart incroyable, et le commerce international a joué un rôle important dans ces résultats.
Nous avons la chance de compter sur un gouvernement qui comprend la valeur de l'accès aux marchés. En 2009, il a créé le Secrétariat à l'accès aux marchés pour l'agriculture, qui a été chargé d'étudier les obstacles techniques à l'accès en coordonnant ses activités avec plus de ministères qu'auparavant. La Canadian Cattlemen's Association a été l'un des moteurs de cette initiative, avec d'autres organisations, par le biais de la table ronde sur la chaîne d'approvisionnement en bœuf, et nous sommes heureux des résultats obtenus. Nous avons vraiment le sentiment que le Canada peut rester l'un des plus importants exportateurs de produits alimentaires et agricoles du monde, et un secrétariat à l'accès aux marchés agricoles dûment financé et doté en personnel spécialisé est un élément crucial de cet avenir.
Malheureusement, la réalité est que personne ne peut se permettre le luxe de travailler avec des budgets illimités et que nous devons mettre l'accent sur les problèmes d'accès aux marchés qui subsistent. Certains d'entre eux consistent toujours à rétablir l'accès aux marchés qui ont été restreints en raison de l'ESB, d'autres sont liés à l'accès de nouveaux marchés qui offrent de nouvelles possibilités.
Je crois que nos préoccupations sont semblables aux autres que nous venons d'entendre, mais je dirais que le règlement de la question de l'étiquetage obligatoire indiquant le pays d'origine aux États-Unis est notre priorité. L'Organisation mondiale du commerce s'est prononcée en notre faveur à maintes reprises, mais les États-Unis continuent d'aller à l'encontre de ces décisions. Nous sommes très heureux que le ministre Ritz et le ministre Fast aient annoncé fermement que le Canada prévoit fixer des tarifs de rétorsion si les États-Unis ne se conforment pas; nous croyons que nous devrons poursuivre dans cette voie si nous voulons régler la situation, car c'est la seule façon de faire réagir Washington.
La seconde priorité est la mise en œuvre de nouveaux accords commerciaux : l'Accord économique et commercial global ou l'AECG avec l'Europe et l'Accord de libre-échange Canada-Corée. Je ne répéterai pas ce qui vient d'être dit, excepté que ces accords sont extrêmement importants pour nous, comme le sont les négociations d'une entente commerciale avec le Japon, que ce soit dans le cadre d'un accord bilatéral ou d'un Partenariat transpacifique, PTP. La forme d'entente nous importe peu, pourvu qu'elle se traduise par un accès réel aux marchés japonais.
Les restrictions les plus importantes qui demeurent à l'égard de l'ESB sont celles de la Chine, avec laquelle nous tentons d'accéder au marché du bœuf non désossé provenant d'animaux âgés de moins de 30 mois et celles du Mexique, où nous tentons d'accéder au marché du bœuf provenant d'animaux âgés de plus de 30 mois. Il est primordial pour nous que le gouvernement élève le statut du Canada en matière d'ESB auprès de l'Organisation mondiale de la santé animale. À l'heure actuelle, nous présentons un statut de risque contrôlé; l'étape suivante serait que nous atteignions ce qui constitue presque la norme de référence, soit le statut de risque négligeable, lequel contribuerait grandement à éliminer les dernières barrières reliées à l'ESB.
J'ai mentionné les budgets et le fait qu'ils ne sont pas illimités. Afin d'accéder à un marché, un pays étranger doit souvent envoyer ses représentants pour effectuer une inspection des installations canadiennes. Cette démarche vise à voir le système d'inspection fédéral canadien en œuvre. Les autres pays veulent essentiellement vérifier de quelle façon nos responsables de la salubrité des aliments assurent que le produit que nous leur expédions est sécuritaire. Parfois, les pays étrangers déboursent les frais du voyage, mais plus souvent qu'autrement, ils s'attendent à ce que le Canada défraie les coûts de déplacement. Nous croyons que lorsque des pays étrangers envoient des représentants pour observer et analyser notre système d'inspection fédéral canadien, le gouvernement du Canada devrait financer ces missions et ne pas s'attendre à ce que nous, les producteurs ou exportateurs de bétail, payions pour les vérifications du système fédéral canadien.
Le dernier point que j'aimerais soulever, qui a souvent été mentionné, est le défi que représente le manque de main- d'œuvre pour l'industrie. C'est un énorme problème. Même si le problème ne se limite pas nécessairement dans l'Ouest, il est particulièrement criant en Alberta et en Saskatchewan, à tel point que si nous n'adoptons pas une stratégie de main-d'œuvre viable, nous ne serons pas en mesure de produire la quantité de bœuf prévue pour profiter de l'accès aux marchés que nous nous serons efforcés de créer. Par conséquent, la question de la main-d'œuvre est en réalité une question commerciale, si nous voulons bénéficier de ces accords commerciaux et ne pas nous contenter d'exporter du bétail en laissant filer la valeur ajoutée ailleurs.
J'ai touché à différents sujets que je serai heureux de développer lors de la période de questions. Merci.
Le président : Merci.
Rob Smith, chef de la direction, Association canadienne Angus : Honorables sénateurs, c'est avec grand plaisir et honneur que je m'adresse à vous et à mes distingués collègues ce soir.
Pour reprendre les paroles de M. Masswohl, c'est en effet une période très favorable pour les éleveurs de bétail. J'ai été un éleveur toute ma vie et au cours des dernières années, j'ai travaillé également en tant que fonctionnaire dans l'industrie, à l'Association canadienne Angus.
Il y a trois sujets dont j'aimerais discuter avec vous ce soir, soit les composants et la mission de l'Association canadienne Angus, notre confiance envers le Secrétariat d'accès aux marchés et le rôle du Conseil canadien des races de boucherie, représenté par mon collègue de gauche qui prendra la parole ensuite.
En ce qui concerne l'Association canadienne Angus, si l'on observe le schéma que M. Walton nous a fourni et qui constitue un aperçu de l'industrie canadienne du bœuf, vous remarquerez sur le côté gauche que le premier maillon dans la chaîne de valeur est celui de la génétique. La sélection génétique est en fait ce qui guide les éleveurs-naisseurs et le choix des taureaux qui caractérisent la chaîne de valeur. Cette composante génétique fait de l'Association canadienne Angus et de ses membres un acteur important dans l'industrie.
Nous sommes présentement 2 300 membres à l'échelle nationale; si vous considérez qu'il existe 68 500 fermes bovines au Canada, les producteurs de bovins de race Angus représentent environ 3,3 p. 100 de ces fermes, cependant ils occupent environ les deux tiers du marché des 68 500 fermes. Les deux tiers des stocks génétiques de bovins au Canada sont de race Angus ou croisés Angus, ce qui signifie que 45 667 fermes bovines canadiennes utilisent des stocks génétiques Angus. Lorsque vous allez au restaurant et que vous voyez la mention Angus sur le menu, il y a de bonnes chances que vous mangez du bœuf canadien Angus, une viande produite avec des stocks génétiques fournis par nos producteurs de bovins dans tout le Canada.
Nous sommes très fiers du bœuf canadien. Ces messieurs à ma droite représentent une autre section de la chaîne de valeur; vous agissez au niveau de la vente et des achats au détail et vous êtes en mesure de vous prononcer en matière de politiques. C'est pourquoi je suis heureux d'être avec vous ce soir.
L'Association canadienne Angus occupe un rôle de premier plan en matière de traçabilité, non seulement en collaborant avec l'industrie, mais en créant le plus important système de traçabilité au monde, notre programme de traçabilité de marque Canadian Angus Rancher EndorsedMC. À l'aide d'une simple étiquette, il est possible de retracer les bovins Angus au Canada plus facilement qu'avec toute autre étiquette au Canada. Ceci a été rendu possible grâce à l'initiative de l'Agence canadienne d'identification du bétail, l'ACIB et de notre étiquette radiofréquence. Nous sommes très fiers de cette réalisation et de plus, elle nous confère un avantage face à nos compétiteurs à l'étranger.
Nous sommes des participants actifs au sein du World Angus Secretariat, qui correspond au regroupement mondial des pays producteurs de stocks génétiques Angus. Angus est la race de bovins numéro un au monde, même en tenant compte du bétail à grandes oreilles des pays chauds. Les bovins Angus arrivent au premier rang, car ils sont croisés avec d'autres races s'ils ne sont pas utilisés à l'état pur. Nous contribuons à cette communauté internationale en fournissant des bovins vivants, des semences et des embryons congelés.
J'ai apporté de la documentation. Il s'agit de données provenant du Conseil canadien des races de boucherie portant sur l'impact des stocks génétiques canadiens exportés à l'échelle internationale, d'un point de vue économique. Permettez-moi de vous dire que si nous ne pouvons pas toujours rivaliser sur le plan des prix, car on ne le peut vraiment pas, tel que certains de mes collègues l'ont mentionné, nous allons toujours surpasser les autres en qualité. C'est là que nous détenons un net avantage concurrentiel.
Cinq aspects liés aux stocks génétiques Angus canadiens constituent un avantage sur le plan international. Entre autres, le fait que nous possédons un livre généalogique de troupeaux fermés, c'est-à-dire qu'il n'y a aucune influence génétique extérieure introduite dans notre livre de bovins de race pure, autre que celle de la race Angus, et ce, depuis la création de l'association en 1905 et de la reconnaissance nationale en vertu de la Loi sur la généalogie des animaux, laquelle est en fait le fondement de notre constitution en société. C'est un document de législation fédérale issu d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Voilà comment les associations de race sont constituées en personne morale.
Nos animaux sont résistants au froid hivernal. Dans le dernier groupe, un des sénateurs a posé une question à un de nos collègues de l'industrie porcine qui faisait allusion aux avantages concurrentiels. Ne vous y méprenez pas; le fait que nous ayons parfois un hiver impitoyable est l'une des raisons qui font que, du point de vue de la santé animale, nous détenons un avantage concurrentiel. Les conditions environnementales originelles, reconnues à l'échelle mondiale, ainsi que l'efficience alimentaire de notre bétail, partiellement en raison du caractère homogène de la méthode d'élevage, nous confèrent certainement un avantage concurrentiel.
L'Association canadienne Angus est fière de collaborer avec différents groupes du Secrétariat d'accès aux marchés, dont l'un des principaux est le groupe du Centre de consultation sur l'élevage du bétail Canada-Russie. Ce groupe est inactif actuellement, mais je peux vous assurer que si nous obtenons un jour de la reconnaissance de la part de nos amis russes suite aux consultations passées, il y aura des gens partout au Canada qui seront très enthousiastes à l'idée de réintégrer ce marché, car ce fut réellement une occasion de croissance pour les stocks génétiques de bovins canadiens.
Nous comptons maintenant 10 pays intéressés à nos stocks génétiques de bovins, avec lesquels nous collaborons par l'intermédiaire du Secrétariat d'accès aux marchés et l'Association canadienne Angus joue un rôle majeur dans ces échanges.
Un pays que j'ajouterai à la liste, car nous nous penchons nous-mêmes sur cette réelle possibilité de marché, est la Turquie. Nous travaillons avec des pays qui désirent rétablir leurs troupeaux de base de bovins de race pure. De nombreux pays de l'Europe de l'Est et de l'Asie centrale, après avoir entrepris une transition houleuse vers l'entrepreneuriat et le capitalisme et avoir consommé leurs troupeaux de bovins, veulent les reconstruire avec des stocks de départ. Nous sommes heureux d'aider ces pays à concrétiser cette possibilité.
En ce qui a trait aux obstacles au commerce international de bétail de race pure, il est vrai que nous éprouvons parfois des difficultés avec la réglementation prescrite par l'ACIA entourant les exportations et les négociations sur le protocole d'import-export à respecter entre nos partenaires commerciaux et l'ACIA. Les ententes qui sont créées incluent parfois des exigences pour le bétail canadien qu'il ne serait pas nécessaire de respecter, car ces exigences ne seraient jamais imposées au Canada.
Comme je l'ai mentionné précédemment, les prix font souvent problème. Nous ne pouvons pas être compétitifs en ce qui concerne les prix, mais nous pouvons l'être au point de vue de la qualité. Le Secrétariat d'accès aux marchés nous a donné la possibilité d'ouvrir un grand nombre de marchés partout dans le monde où des stocks génétiques sont requis pour diverses raisons.
J'aimerais donner suite à un point important soulevé par M. Masswohl; si nous avons l'occasion d'attirer des représentants étrangers en mission ici, ils se transforment en acheteurs à coup sûr. Si je prends l'exemple du Kazakhstan, ils ont acquis des stocks génétiques moins chers dans le Sud des États-Unis et en Australie, en ne mettant pas nécessairement l'accent sur la qualité ou toute autre condition que le prix. Lorsque nous recevons des acheteurs au Canada et qu'ils visitent les installations des éleveurs-naisseurs, voient nos parcs d'engraissement et prennent connaissance de notre système de production d'une extrémité à l'autre de la chaîne de valeur, ils achètent presque immanquablement des stocks génétiques de départ. Nous apprécions les efforts du Secrétariat d'accès aux marchés qui favorisent ces occasions d'affaires et souhaitons que le groupe obtienne des ressources supplémentaires pour accroître le nombre de ces missions au Canada.
Le Conseil canadien des races de boucherie, CCRB, est un groupe qui nous unit tous ensemble. Je suis très fier d'être membre de cette organisation au sein de l'Association canadienne Angus. Comme Michael prendra la parole après moi, je vais le laisser élaborer sur le CCRB.
En conclusion, je voudrais rappeler que c'est en effet une période très favorable pour les éleveurs de bovins. Nous sommes très conscients, toutefois, que les projets innovateurs se développent plus lentement lorsqu'il y a une tendance haussière de l'économie. L'accès aux marchés internationaux est si important; nous devons prioriser et établir des produits diversifiés qui ont plus de valeur ailleurs, en vue de l'atténuation éventuelle du soutien des prix de la part du Secrétariat d'accès aux marchés et d'organisations telles que le Conseil canadien des races de boucherie. Ceci nous permettra d'être proactifs maintenant plutôt que réactifs plus tard, de faire les choses maintenant, soit établir ou renforcer des liens avec certains marchés, plutôt que d'agir lorsque nous sommes dans l'obligation de le faire. Merci.
Michael Latimer, directeur exécutif, Conseil canadien des races de boucherie : Bonsoir à tous. J'aimerais vous remercier de m'avoir invité parmi vous ce soir. Je suis Michael Latimer, directeur exécutif du Conseil canadien des races de boucherie.
Le Conseil canadien des races de boucherie a été fondé en 1994, donc nous célébrons notre 20e anniversaire cette année, ce qui nous rend très enthousiastes.
Le Conseil canadien des races de boucherie se situe au début de la chaîne de production. Comme vous avez pu le constater sur l'aperçu de l'industrie bovine fourni par mon collègue Bryan Walton, nous formons le premier maillon de la chaîne de production. Les stocks génétiques que nous fournissons comme stocks de départ sont transformés dans le bétail au bout de la chaîne de production. Le bétail de race pure ou les taureaux vendus dans un troupeau commercial de bovins reproduisent la qualité de viande que nous vendons aux utilisateurs. Les stocks génétiques que nous ajoutons sont donc très importants afin d'obtenir les résultats escomptés.
Nous représentons 18 associations de race différentes. L'Association canadienne Angus en fait partie. C'est la plus importante. Elle compte pour 52 p. cent des bovins de boucherie enregistrés au Canada. Ces associations de race sont toutes constituées en sociétés en vertu de la Loi canadienne sur la généalogie des animaux.
Nous représentons également 10 entreprises d'exportation. Ce sont des entreprises qui transportent physiquement le bétail hors du Canada. Elles transportent du bétail vivant, des semences, des embryons et les vendent à différents pays tels que le Kazakhstan, la Russie, le Brésil et à tout autre marché auquel nous avons accès.
Nous représentons également les intérêts de quatre foires agricoles. En Ontario, il s'agit du Toronto Royal. Dans l'Ouest, il y a le Farmfair International, Agribition et le Canadian Bull Congress, à Camrose.
Le Conseil canadien des races de boucherie a été établi en 1994 à titre d'organisme-cadre, dans le but de réunir toutes les associations de race et les autres groupes ensemble pour former une seule voix se prononçant sur trois sujets principaux : le développement du marché international, les découvertes scientifiques, qui ont mené à l'application de nombreuses nouvelles technologies génomiques développées au Canada; le dernier point porte sur les relations entre le gouvernement et l'industrie.
En ce qui a trait au développement du marché international, l'un des trois volets d'activité de notre organisme, je voudrais réitérer notre appui à l'égard des commentaires de mes collègues que nous avons entendus aujourd'hui. J'aimerais ajouter que l'accès aux nouveaux marchés est vital pour les producteurs canadiens. Nous avons vu ce qui se produit lorsque ces marchés sont fermés. Nous en avons fait l'expérience en 2003, après la crise de l'ESB, lorsque les marchés ont été fermés. Nos prix ont atteint le fond du baril, peut-être même plus bas. Nous avons besoin que les marchés soient ouverts et nous devons pouvoir y accéder.
En fait, ouvrir de nouveaux marchés ne constitue que la première étape. Tout particulièrement lorsqu'il s'agit du commerce de bétail vivant, de semences et d'embryons, c'est différent du commerce de la viande; nous devons nous assurer d'avoir des certificats sanitaires négociés, nous permettant d'être concurrentiels par rapport aux États-Unis, à l'Australie aux autres compétiteurs sur le marché en question. Nous avons besoin de groupes tels que le Secrétariat d'accès aux marchés et l'ACIA pour assurer que le financement et les ressources nécessaires sont disponibles pour négocier ces certificats.
Nous faisons face à une forte concurrence de pays comme les États-Unis et l'Australie, surtout quand nous exportons vers un pays comme le Kazakhstan qui était un marché extraordinaire pour les bovins canadiens de race ces six ou sept dernières années. C'est pour cela qu'il faut que ces certificats soient au moins de même niveau, et ça n'a pas été le cas ces dernières années.
Cela nous place dans une situation désavantageuse. Nous luttons déjà par les prix. Nous traversons un cycle de prix élevés des bovins maintenant au Canada, alors c'est déjà un désavantage, et puis nous sommes désavantagés par le certificat de santé particulier que nous avons négocié avec ce pays. Nous devions veiller à ce que ces organismes reçoivent le plus de financement possible pour faire tout le nécessaire afin que nos producteurs aient toutes les chances possibles de capitaliser sur ces marchés; ils sont ouverts, mais nous devons fournir un peu plus de services pour y accéder sérieusement.
Je vais m'arrêter ici et répondre à vos questions.
Le président : Merci, monsieur.
La sénatrice Tardif : Je vous remercie de ces excellents exposés. Vous avez tous souligné l'importance d'accéder aux marchés internationaux et d'élargir la portée des accords de libre-échange. Étant donné la diversité des accords de libre-échange en cours de négociation, je suppose que la demande des produits du bœuf et du porc va considérablement augmenter. Est-ce que les producteurs canadiens seront en mesure d'y répondre?
M. Masswohl : C'est une question que les producteurs nous posent assez souvent. L'offre de bovins est assez basse à l'heure actuelle, ce qui contribue également à hausser les prix. Ils nous demandent : « C'est bien beau de signer ces accords de libre-échange, mais avons-nous suffisamment de bovins? Avons-nous suffisamment de bœuf à exporter? »
Ces accords de libre-échange me font un peu penser à un pipeline; il faut beaucoup de temps pour les négocier et les mettre en vigueur. Quand nous mettons quelque chose dans le pipeline, nous voulons en retirer quelque chose dans les années à venir. Nous savons que quand les prix des bovins montent, c'est signe que les éleveurs de bovins peuvent produire plus d'animaux, alors nous en produirons plus.
Auparavant, il était assez facile de prévoir le cycle des bovins. Les prix sont élevés, la production de bovins augmente, ce qui fait baisser les prix, et le cycle se poursuit. Pour que les producteurs jouissent de prix élevés pendant plus longtemps, il faut créer une plus grande demande, et si vous ne pouvez pas créer une plus grande demande au pays, alors vous devez ouvrir l'accès aux marchés.
Oui, nous voyons que les prix élevés signalent une augmentation de la production. Nous considérons ces accords non seulement en fonction du volume que nous allons exporter, du nombre de tonnes, mais aussi en fonction du prix que nous obtenons par livre, par kilo. La concurrence supplémentaire que crée, disons, un accord de libre-échange avec la Colombie ou avec la Jordanie, même si nous n'expédions pas un plus grand volume vers ces marchés, l'existence même de ces soumissionnaires contribue à faire monter le prix ici au Canada, et nous en bénéficions même si nous n'expédions vraiment rien de plus. Bien sûr, ils nous avantagent pour plusieurs raisons.
La sénatrice Tardif : Avec la croissance du marché, pouvons-nous conserver le territoire nécessaire pour cette production, ou plutôt pour cet élevage? Je suppose qu'il ne s'agit pas tellement de production, mais plutôt de laisser assez d'espace aux bovins pour se développer.
M. Masswohl : Nous avons un grand territoire.
La sénatrice Tardif : Je sais. Nous sommes le deuxième des plus grands pays du monde.
M. Masswohl : Vous avez tout à fait raison. C'est une question que les éleveurs de bovins se posent en observant le mitage des villes et des banlieues.
La sénatrice Tardif : C'est ça, nous nous urbanisons.
M. Masswohl : Elles s'étendent sur des sols excellents et très productifs.
On se heurte à une autre difficulté : celle que crée la concurrence entre les différents produits agricoles sur les terres. Faut-il utiliser une terre pour y élever du bétail, ou pour y produire une récolte? Le bétail, les bovins se trouvent généralement dans des régions où les terres sont marginales, où il y a plus de collines ou plus de roches, où la couche de sol est assez mince. Par le passé, on y mettait le bétail parce que ces sols ne produisaient pas de bonnes récoltes. Mais grâce aux technologies de production, le rendement et la rentabilité se sont améliorés.
Voilà certaines des difficultés auxquelles on se heurte. Je ne peux pas vous donner une réponse définitive. On produit maintenant plus de récoltes dans des régions marginales situées plus au nord. Je sais que l'association Beef Farmers of Ontario a établi une stratégie visant à produire plus de bovins dans le Nord de l'Ontario.
M. Walton : Je voudrais ajouter une chose aux commentaires de John : le cheptel de bovins des États-Unis a aujourd'hui la même taille qu'il avait dans les années 1950 quand Harry Truman était président. Celui du Canada n'a pas changé depuis 1996, mais c'est toutefois un avantage. Votre question est excellente. La disponibilité des terres n'est pas aussi restreinte chez nous qu'elle ne l'est aux États-Unis. Nous disposons également de l'infrastructure, et eux aussi. Il faut que nous suivions la nouvelle génération pour qu'elle se consacre à cette exploitation. Les statistiques indiquent que nous avons de plus grandes fermes, mais moins de gens. C'est dû à l'innovation et à la mécanisation et ainsi de suite. Nous allons pouvoir produire plus d'aliments que la demande de notre pays, et les Amériques se trouveront au cœur de tout cela. Ça me donne de l'espoir.
Le sénateur Enverga : Je vous remercie de nous avoir présenté ces exposés. J'en ai beaucoup appris.
Je ne savais pas que nous devons regagner les parts de marché que nous avons perdues à cause de l'ESB. Combien en avons-nous perdu jusqu'à présent, et combien nous en reste-t-il à regagner?
M. Masswohl : En mai 2003, nous avons tout perdu du jour au lendemain. Nous n'exportons qu'à peu près la moitié de ce que nous produisons, bœuf en caisse carton et bovins vivants, et environ 80 p. 100 de ce que nous exportons va aux États-Unis.
Nous avons lentement regagné des parts de marché. Environ trois mois plus tard, nous avions retrouvé un peu de notre clientèle américaine de bœuf en caisse carton, et au bout d'environ deux ans nous avons regagné le marché de bovins vivants et quelque peu étendu notre marché de bœuf.
Nous avons regagné aussi quelques autres choses. À la fin de 2005, nous avions accès au marché du Japon pour moins de 21 mois, et l'année dernière cet accès s'est étendu à 30 mois. Le marché de la Corée s'est ouvert en 2012. Le Mexique représente un énorme marché pour nous. Taiwan et certaines autres de ces nations nous ont ouvert leurs marchés graduellement. Elles ont commencé par accepter notre bœuf désossé pour moins de 30 mois, puis notre bœuf non désossé. Il nous a fallu beaucoup de temps pour faire des progrès très graduels, et je vous ai mentionné quelques autres objectifs que nous n'avons pas encore atteints.
La Chine offre un énorme potentiel. La croissance de la classe moyenne et ce qui s'y passe est extraordinaire. Nous remarquons que plus ces gens s'élèvent sur l'échelle sociale, plus ils ont tendance à manger du bœuf. Pour eux, c'est en quelque sorte un produit de luxe. Ils semblent aussi posséder plus d'infrastructures de réfrigération. Il est donc crucial pour notre avenir que nous accédions aux marchés chinois.
Le sénateur Enverga : Nous nous sommes presque entièrement rétablis du problème de l'ESB.
M. Masswohl : Oui.
Le sénateur Enverga : Ma prochaine question a trait à l'exportation de sperme, d'embryons et de bovins vivants. Pensez-vous que nous vendons notre industrie future des bovins quand nous l'établissons dans d'autres pays? Ne pensez-vous pas que nous aurions intérêt à exporter nos bovins au lieu d'en vendre les embryons et le sperme? Ne craignez-vous pas qu'à l'avenir ces pays développent leur propre industrie de bovins et qu'ils nous prennent des parts du marché? Devrions-nous nous en inquiéter?
M. Smith : Excellente question. Soulignons une chose : nous ne perdons vraiment rien en exportant notre sperme et nos embryons. Cette production est déjà disponible au Canada et se fonde probablement sur de la génétique déjà bien répandue au Canada.
La question des bovins vivants cause certainement de l'inquiétude. Je peux seulement vous dire que dans le cadre de l'exportation de la plupart de nos animaux vivants, nous n'envoyons pas nécessairement les animaux de la plus grande qualité et de l'élite génétique du Canada. Je vous dirai que quand ils les achètent en masse, par milliers de têtes, ils veulent simplement des propagateurs. Ils ne cherchent pas nécessairement la meilleure qualité génétique que le Canada puisse leur offrir. Ils prennent du Canada un niveau de qualité génétique qui est déjà bien meilleure que celle avec laquelle ils travaillent.
Je ne dirais pas que nous en sommes au point de nous inquiéter de voir nos concurrents utiliser la génétique que le Canada exporte.
M. Latimer : N'oublions pas que s'ils n'achetaient pas ces produits génétiques du Canada, ils les achèteraient des États-Unis ou d'Australie. Si nous cessions d'exporter des bovins vivants, du sperme et des embryons à un pays comme le Kazakhstan, il trouverait une autre source d'importation. En fait, nous pouvons lui exporter ce produit tout en réalisant pour nos producteurs un rendement qui leur permet d'améliorer la valeur de leurs produits et de les revendre sur le marché.
La génétique et les bovins vivants constituent en quelque sorte un produit d'entrée. Quand nous leur envoyons les bovins et qu'ils se font une idée de ce qui pourrait être du bœuf de meilleure qualité provenant d'une meilleure source génétique, ils comprennent généralement qu'ils pourraient aussi obtenir les produits de la viande. Ils pourraient importer des produits de la viande qu'ils substitueraient à leur production.
Dans bien des cas, les pays comme le Kazakhstan — et je m'efforce de parler avec tact — sont très, très loin de pouvoir nous rattraper dans le domaine de la génétique. Ils n'en ont pas les capacités de production. Ils n'ont ni l'infrastructure, ni les parcs d'engraissement, ni les mêmes grains que les nôtres. Ils n'ont même pas le même environnement. Ils ne peuvent pas produire des viandes de la même qualité que les nôtres. Il leur faudra des décennies avant de pouvoir nous faire concurrence.
La sénatrice Merchant : Bonjour, merci d'être venu. Vous avez eu la gentillesse de nous dire que vous être très heureux de vous joindre à nous. Je dois dire que nous sommes aussi très heureux que vous ayez consacré de votre temps pour venir nous présenter cet exposé. Merci beaucoup.
La baisse récente du dollar canadien qui ouvre les marchés d'exportation, est-ce qu'elle vous nuit d'une certaine façon?
M. Walton : Ce sont les engraisseurs de bétail qui vendent des bovins gras, et nous soutenons aussi la concurrence des bovins d'engraissement, des veaux que nous mettons dans les parcs d'engraissement. D'un côté nous tirons profit de la vente de bovins gras, mais cela nous désavantage lorsque nous vendons des bovins d'engraissement. En termes généraux, plus vous avancez dans la chaîne de transformation, plus la valeur du dollar aide les fabricants.
Chaque année, nous exportons pour environ un milliard de dollars de bétail sur pied, malgré l'étiquetage du pays d'origine. Le marché s'est adapté à cela, le dommage est fait, mais nous nous trouvons dans un marché nord-américain. Ils sont nos plus grands concurrents et nos meilleurs clients.
M. Smith : En ce qui concerne la vente des bovins de race, la baisse du dollar ne nous nuit pas. En fait, le volume d'exportation de nos produits génétiques canadiens augmente énormément chaque fois que le dollar baisse de deux cents.
La sénatrice Merchant : Je comprends que vous ayez de la difficulté à trouver des travailleurs. Les deux groupes ont parlé du manque de travailleurs. Hier soir, dans l'avion que j'ai pris pour venir d'Edmonton, il y avait beaucoup de gens qui travaillent sur le champ de pétrole. Ils parlaient tous français, donc ils rentraient tous à Montréal. J'ai discuté avec quelques-uns d'entre eux et j'ai écouté leurs conversations.
Vous pourriez vous inspirer des sociétés pétrolières. Je ne sais pas si c'est possible cependant, parce qu'elles paient bien et elles attirent toutes sortes de travailleurs en leur offrant le billet d'avion pour venir de Fort McMurray et d'autres endroits comme ça pour travailler ici pendant deux semaines, puis elles leur donnent un autre billet d'avion pour leur permettre de passer quelque temps avec leurs familles.
Si vous voulez engager des Canadiens et ne pas faire venir des travailleurs de l'étranger, seriez-vous capables d'attirer vers l'Ouest des gens d'autres régions du Canada dont les taux de chômage sont plus élevés que ceux de la Saskatchewan et de l'Alberta?
M. Walton : Nous participons à des salons de l'emploi. Le mois dernier nous étions dans les provinces de l'Atlantique. Nous n'avons pas eu beaucoup de succès. En fait, quand les gens sont intéressés, nous leur payons le voyage. Notre plus grand problème, c'est qu'une fois qu'ils sont en Alberta, dans l'Ouest nous avons un gros concurrent, et c'est l'industrie que vous venez de mentionner.
L'agriculture est bien différente du pétrole et du gaz. Vous le savez, vous qui venez de l'Ouest. C'est un fait quotidien et c'est pourquoi il est important d'avoir une bonne politique sur les travailleurs de l'étranger — le terme n'est probablement pas le bon, mais je parle des gens qui complètent la main-d'œuvre canadienne. Ils veulent être ici. Ils prennent une décision monumentale quand ils viennent ici.
Nous venons d'organiser un congrès de la main-d'œuvre, un sommet de la main-d'œuvre de l'agriculture il y a deux semaines. Nous y avons réuni 170 employeurs. Il y avait des gens qui sont venus au Canada en nourrissant les mêmes espoirs et désirs que les immigrants des années 1950. Ces gens viennent. Ils aiment vivre dans la campagne canadienne en une région où nous perdons de la population et où le taux de chômage est très bas. C'est pourquoi il nous faut une représentation bien équilibrée. C'est ce qui nous empêche de soutenir la concurrence. Si vous êtes en Saskatchewan près de la Formation de Bakken et même au Manitoba, un de mes membres nous a dit qu'il avait perdu quatre employés en une semaine. Ils étaient allés travailler pour une société pétrolière.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci à nos invités. On a entendu parler de nombreux accords entre la Chine, Taiwan, et cetera. J'aimerais entendre vos commentaires en ce qui concerne la signature de l'accord du Canada avec l'Union européenne. Est-ce que cela occasionnera de nouveaux marchés? Est-ce que ce sera rentable? Est-ce que c'est bon pour le marché?
On a entendu, l'autre jour, les transformateurs laitiers qui, eux, voient cela d'une manière différente, mais on a aussi entendu d'autres commentaires concernant les producteurs de porc et de bœuf. J'aimerais vous entendre à ce sujet.
[Traduction]
M. Masswohl : Tout à fait. Nous sommes convaincus que l'accord de libre-échange Canada-Europe présente un énorme potentiel pour les éleveurs et pour les exportateurs canadiens de bovins.
Nous nous sommes heurtés à de nombreux problèmes avec l'Europe au cours des années. Vous avez entendu parler de l'interdiction d'hormones, comme on l'appelle parfois. Je suis d'accord avec ce que disait M. Pomerleau tout à l'heure; les hormones ne sont pas les seules à causer ce problème, car l'Europe interdit tous les stimulateurs de croissance. Évidemment, nous avons au Canada un grand nombre d'éleveurs de bétail qui n'utiliseront pas d'implants hormonaux ou de bêta-agonistes. Ils travailleront à la façon européenne, mais il leur en coûtera environ 20 p. 100 de plus pour élever des bovins sans utiliser ces technologies. Ils veulent être sûrs après tout cela d'avoir un marché qui leur permettra de recouvrer ces coûts supplémentaires, et ce marché est celui de l'Europe.
Le problème, c'est que les tarifs de l'Europe étaient incroyablement élevés auparavant. Cet accord ouvrira un accès en franchise de droits pour 35 000 tonnes de bœuf frais et pour 15 000 tonnes de bœuf congelé. Il y a un autre contingent que nous partageons avec les États-Unis, un droit de 20 p. 100. Cet accès en franchise de droits pour près de 65 000 tonnes que nous n'avions pas auparavant encouragera les éleveurs de bovins à se conformer aux normes européennes.
Il nous reste à résoudre le problème que M. Laws a mentionné. Il s'agit des conditions techniques que les installations de transformation du bœuf devront respecter. Il faut que nous sachions si l'Europe va vraiment approuver les abattoirs canadiens utilisés pour exporter vers l'Europe. À l'heure actuelle, nous avons au Canada deux petits abattoirs que l'Europe a approuvés à des fins d'exportation, et ils se trouvent tous deux en Alberta. Si vous êtes un éleveur de bovins en Nouvelle-Écosse qui n'utilise pas d'hormones et de bêta-agonistes, vous ne pouvez pas exporter vers l'Europe, même en franchise de droits, à moins d'avoir envoyé vos bovins en Alberta pour faire expédier votre bœuf. Il faudra harmoniser tous ces éléments, mais le potentiel est énorme.
M. Walton : On a peut-être mentionné, quand le Conseil des viandes du Canada était ici, qu'un nouvel abattoir va ouvrir ses portes l'année prochaine. Il s'agit du plus grand abattoir canadien approuvé par l'UE que l'on avait mis au rancart peu de temps après 2007. Il a été construit peu après l'ESB. Il se trouve juste au nord de Calgary. La personne qui a acheté cet abattoir a des vues sur l'Europe. C'est une bonne nouvelle, puisqu'il ne reste plus que trois grands abattoirs au Canada. Nous aurons donc un quatrième abattoir de taille moyenne approuvé par l'UE. Selon nous, c'est une excellente nouvelle, et nous avons hâte que cet abattoir ouvre ses portes.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Monsieur Weekes et monsieur Walton, vous avez parlé de l'étiquetage du pays d'origine qui crée un problème avec les États-Unis. Y a-t-il d'autres pays qui ont signé un accord commercial avec le Canada, mais où il existe le fameux problème de l'étiquetage du pays d'origine? Savez-vous s'il y a d'autres pays qui nous posent ce problème?
[Traduction]
M. Weekes : Le problème que cause le règlement régissant l'étiquetage du pays d'origine ne vient pas de l'étiquette, mais de la façon dont l'étiquette fonctionne. Les abattoirs doivent séparer les bovins canadiens des bovins américains avant qu'ils entrent dans leurs installations, parce qu'il faut savoir quel morceau vient de quel animal pour que les étiquettes soient exactes.
Il y a moyen d'étiqueter sans séparer les animaux, mais la procédure que suivent les États-Unis sépare les animaux, et il s'est avéré qu'elle ne respecte pas les normes de l'OMC. La première tentative américaine d'y remédier a eu pour effet de resserrer la restriction au lieu de respecter les normes de l'OMC. Maintenant nous en sommes au point où ils devront donner une réponse franche.
Oui, tous les pays ont des règlements régissant l'étiquetage, mais pas de manière à bloquer le commerce des animaux vivants.
M. Masswohl : Les États-Unis nous touchent plus que les autres parce qu'il s'agit du seul marché où nous exportons des bovins vivants pour les usines de transformation. Ce ne sont pas des animaux de race. Nous ne subissons cela qu'aux États-Unis.
M. Walton : Certains marchés exigent que les animaux soient mis bas, élevés et abattus dans le pays. Ainsi, les parcs d'engraissement canadiens ne peuvent pas accepter des bovins d'engraissement américains parce que les abattoirs de chez nous veulent savoir où les animaux sont nés, ont été élevés et abattus. L'Europe et la Chine font partie de ces marchés. Ils risquent d'entraver notre commerce.
Le sénateur Tkachuk : Je ne suis pas membre régulier du Comité de l'agriculture. J'y siégeais auparavant, mais j'avais oublié à quel point il était intéressant. Je tiens à vous remercier d'être venus.
Je viens de la Saskatchewan, où les secteurs des bovins et des viandes sont très importants. Je siégeais au Comité de l'agriculture quand l'épidémie de l'ESB nous a frappés en 2003. Je me souviens des audiences que nous avons tenues et la tristesse qui y régnait. Cette période a été terrible. Je me souviens des éleveurs de bovins qui venaient nous dire qu'ils n'avaient jamais demandé d'argent du gouvernement, mais qu'à ce moment-ci, ils avaient vraiment besoin d'aide.
Tous les gens d'affaires américains sont protectionnistes, n'est-ce pas? Vraiment, ils sont tous les mêmes. Je me souviens d'une conversation que j'ai eue avec le sénateur Burns, du Montana; il était démocrate. Ils se servaient de l'ESB comme excuse pour bloquer l'importation des bovins. Ils savaient que nous étions en train de résoudre notre problème, mais pendant des années et des années nous avons été soumis à ces restrictions.
Je ne sais pas si notre secteur a graduellement causé ces problèmes. Avons-nous commis des erreurs au fil des temps? Je crois bien que oui. Nous avons laissé les Américains et d'autres nations se servir du problème de l'ESB pour empêcher les éleveurs de bétail et le bœuf canadien d'entrer sur leurs marchés. Ils s'en sont servis pour protéger le commerce de leurs pays. Je ne dis pas qu'ils ne s'intéressaient pas à la santé des Américains, mais ils ont saisi l'occasion qui se présentait. Qu'avons-nous appris de cela? Que ça pourrait se reproduire, mais j'espère que ça ne se reproduira jamais. Cette tragédie pourrait nous frapper à nouveau. Qu'avons-nous appris pour que cela ne se reproduise pas?
M. Masswohl : L'idée que cela pourrait se reproduire nous empêche de dormir. C'est pourquoi la question de la politique sur la main-d'œuvre nous trouble tant. Nous avons une peur bleue qu'un de nos clients — et, comme nous élevons des bovins, nos clients sont les exploitants des deux plus grands abattoirs du Canada, tous deux situés dans le Sud de l'Alberta — soit fortement frappé par la situation de la main-d'œuvre. Leurs propriétaires viennent tous deux de l'étranger. Ils risquent tout d'un coup de faire des calculs, et le siège social de Kansas ou du Brésil peut décider qu'il n'en vaut pas la peine d'exploiter un abattoir au Canada. Si cela se produit, nous nous retrouverons dans la situation impossible de devoir exporter des bovins vivants aux États-Unis.
J'espère que nous nous souviendrons de cette leçon et j'espère que nous réussirons à résoudre la situation de la main- d'œuvre dans laquelle nous nous trouvons et que nous établirons une stratégie viable relative à la main-d'œuvre pour ne plus nous exposer à cette situation.
Le président : Je remercie beaucoup les témoins. Notre comité se rendra à Washington, D.C., à la fin janvier. Je suis certain que nous débattrons de certains des sujets et des défis dont vous nous avez parlé.
Un témoin nous a dit il y a quelque temps que nous devrions continuer à appliquer les quatre B : la bonne source, la bonne quantité, le bon endroit au bon moment pour vos marchés.
(La séance est levée.)